Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la
Communauté Internationale s'est rendue compte que les pertes humaines et
matérielles pour l'humanité sont très importantes. Aussi,
s'est-elle rendue à l'évidence que la recherche d'une paix
véritable passe par une solidarité mondiale tant
économico-sociale que politico-diplomatique. C'est ainsi que la
judicieuse idée de la création de l'Organisation des Nations
Unies (ONU) en 1945 dont les activités en faveur de la paix et dans la
gestion des conflits à travers le monde entier ont poussé
certains continents à créer par mimétisme juridique, leur
organisation internationale à compétence continentale.
Pratiquement, la proximité y jouant, il s'est avéré que
ces organisations internationales à caractère continental
recherchent une plus grande efficacité, ce qu'elles ne pourraient
conquérir qu'en ayant les moyens de leur politique. A titre d'exemple,
nous citerons l'Union Européenne pour l'Europe et l'Union Africaine pour
le continent africain qui retiendra beaucoup plus particulièrement notre
attention.
L'Union Africaine qui est la transformation, pour ne pas dire
l'ajustement de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) aux nouveaux
défis posés à celle-ci alors qu'elle semblait encore
chercher son cap parmi des vents contraires, offrant ainsi l'occasion à
certains « penseurs » de qualifier l'Afrique comme le
berceau de « l'instabilité politique
chronique » depuis les années des
indépendances et dont les Etats « sont secoués de
troubles sociaux, de guerres civiles, d'interventions militaires à
outrance et de coups - d'Etat»..1(*)
Cependant, depuis la moitié de cette
dernière décennie qui coïncide avec l'effectivité des
activités de l'Union Africaine, l'Afrique a fait beaucoup de
progrès parmi lesquels, le plus marquant de sa volonté de
redonner une nouvelle image d'elle au reste du monde, fut la création du
conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine lors de la
37ème session de la conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA).
Véritable instance de gestion de crises et conflits au
sein du continent, sa création marque la fin d'une période de
dépendance entière, en matière de gestion de crises envers
l'occident et plus précisément à l'égard de
l'Organisation des Nations Unies, ce qui témoigne une
certaine maturité responsabilisante.
A cet effet, le choix de notre thème
intitulé : « LE ROLE DU CONSEIL DE PAIX ET DE
SECURITE DE L'UNION AFRICAINE DANS LA PREVENTION ET LA RESOLUTION DES CONFLITS
EN AFRIQUE : ANALYSE APPLIQUEE AU CAS DU DARFOUR » n'est point
le fruit de la complaisance car ce thème a la noblesse de faciliter,
primo la compréhension du mécanisme d'intervention du Conseil de
Paix et de Sécurité de l'Union Africaine et secundo d'essayer,
à la lumière d'une démarche scientifique et technique, de
tenir la dragée haute à l'aperçu critique de cet organe
nouveau, et ce, pour mesurer l'étendue de son efficacité pratique
dans la gestion de la crise du Darfour.
Bien avant, nous allons élucider certains mots et
termes sensibles, comme « prévention et
résolution de conflits » et l'acceptation reconnue au
terme « analyse appliquée », susceptibles
d'avoir un sens tendant à se démarquer de sa signification
courante, dans l'unique dessein de satisfaire à ce cadre purement
spécifique qui rejoint l'acception humanitaire et diplomatique sans pour
autant faire de l'une ou de l'autre le berceau exclusif de notre analyse.
Ainsi, lorsque nous faisons allusion au terme
« prévention de conflit », nous voulons
nous focaliser que sur les moyens visant à éviter la naissance ou
l'extension d'une crise.
Le terme « résolution de
conflit » quant à lui implique de facto l'existence d'une
crise, du moins un foyer actif, nécessitant l'apport de solutions ou la
proposition de voies et moyens pour y mettre un terme.2(*)
Alors que le terme « analyse
appliquée » induit la confrontation de données
théoriques, institutionnelles ou doctrinales à un cas de figure,
un exemple de mise en oeuvre et de surcroît, amène à
comprendre que le rédacteur ne s'est pas déplacé sur le
terrain des faits mais n'a eu que l'occasion de faire fourmiller ses
connaissances, ses informations sur un cas, dans le souci d'atterrir une vision
logique, quoique abstraite, et la concevoir matériellement.
Rétrospectivement, le Conseil de Paix et de
Sécurité n'est pas une innovation propre à l'Union
Africaine mais plutôt une transposition du Mécanisme de
prévention, de gestion et de règlement des conflits de
l'Organisation de l'Unité Africaine qui est devenu un organe de l'Union
Africaine par la décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'OUA tenue à LUSAKA en Zambie du 09 au 11 Juillet
2001.3(*)
Cette décision de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de l'OUA est conforme à l'article 5(2) de
l'Acte Constitutif de l'UA adopté le 11 Juillet 20004(*), lequel donne
l'opportunité à la Conférence de créer d'autres
organes au sein de l'Union. Relevons tout au moins que cette intégration
dans l'Union dudit Mécanisme de l'OUA ne signifie pas que rien n'a
été ajouté dans les attributions du CPS, car en
créant ce Conseil sur les décombres du « vieux
mécanisme », la Conférence a manifesté son
désir de redynamiser le rôle à lui assigné en faveur
de la paix et de la stabilité. Ce désir a pris
concrètement forme dans le « système continental
d'alerte rapide »5(*) et la « force africaine
prépositionnée »6(*).
Autrement dit, pendant que le reste du monde cherche les
possibilités et les ressources nécessaires pour pouvoir relever
les nouveaux défis posés par la mondialisation, la
biotechnologie, la robotique, les conflits de civilisations, les revendications
identitaires, etc., l'Afrique est encore, presque irréversiblement
confrontée aux problèmes générés par les
conflits armés à répétition, pour ne pas dire
chroniques, hérités des périodes de conquêtes
territoriales ancestrales relevant de l'état de nature.
Face à ces problèmes d'instabilité, les
structures africaines à travers l'OUA ont toujours ratiociné sans
pour autant trouver un cadre efficace pouvant favoriser une issue en terme de
gestion de crises, puisque le mécanisme de prévention, de gestion
et de règlement des conflits de l'OUA n'avait pas les moyens de sa
politique.7(*)
Cependant, à l'aube de ce troisième
millénaire où a vu le jour le CPS de l'Union Africaine,
période marquée par le sceau du principe de
l'interdépendance étatique que d'aucuns politologues
appèlent prévention structurelle, c'est-à-dire l'ensemble
des méthodes ou des procédés susceptibles d'empêcher
l'autarcisation des Etats, cet organe de l'Union à toutes les chances de
mobiliser la fortune nécessaire en vue de la mise en oeuvre des
attributions à lui confiées.
Et alors que le CPS venait de naître, une crise d'une
ampleur significative s'éclate en République du Soudan, Etat de
l'Afrique Orientale s'étendant sur 2.505.813 Km2, plus
précisément dans la région du Darfour qui couvre environ
490.000 Km2- soit un cinquième (1/5) du territoire soudanais-
et dont la population est estimée à six (6) millions d'habitants.
Cette crise éclate à point nommé, opposant les populations
du Darfour défendues par des groupes rebelles, notamment le
Mouvement/Armée pour la Libération du Soudan (SLM/A) et le
Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE), aux milices Djandjawids
pro-gouvernementales.8(*)
Notons que le Conseil de paix et de sécurité
n'a point géré un conflit de cet ordre où un Etat y est
impliqué comme si ce dernier a refusé d'assurer l'une de ses
activités régaliennes, à savoir la sécurité
publique, à l'égard des populations civiles du Darfour. Les
conséquences de cette crise sont très importantes si bien que le
conseil de paix et de sécurité est intervenu, testant sa
capacité de gestion de crises par le déploiement de la force de
la Mission de l'Union Africaine au Soudan (MUAS)9(*) et à travers plusieurs voies (accord,
médiation, pourparlers...) dont les résultantes sont les Accords
d'Abuja et de N'djamena10(*).
Cette intervention satisfait aux objectifs principaux de l'UA
car en repensant l'OUA, les artisans de l'UA voulaient faire asseoir solidement
et durablement ce que l'ancien Directeur Général de l'UNESCO,
Monsieur Fédérico MAYOR, appelait « le triangle
interactif » à savoir la paix, le développement et la
démocratie11(*). A
travers cet objectif principal, dorénavant assigné à
l'Union Africaine, nous pensons qu'il faut rechercher en priorité un
renforcement des institutions gouvernementales dans le sens d'une plus grande
efficacité et l'approfondissement des processus démocratiques et
du respect des droits de l'homme, ainsi que la construction de la paix et la
promotion de la coopération entre les peuples, véritable
plateforme d'une promotion de la personnalité africaine capable de
s'insérer aussi bien dans la gestion des conflits sur le continent que
dans les défis de la globalisation.
Ce genre d'argument implique de facto la fin des
recommandations, plans, programmes et stratégies vagues et sans mise en
oeuvre.
A cet effet et au regard de tout ce qui vient d'être
évoqué, nous sommes en droit de nous interroger si le CPS sera
capable, voire efficace dans le rôle de prévention et de
résolution des conflits sur le continent. Autrement dit, puisque
l'Afrique est la « chasse gardée » des grandes
puissances véritablement forts en ingérence et capables de faire
la pluie et le beau temps au plan politique et économique, en
cautionnant des coups d'Etat et d'autres formes d'instabilité, le CPS
pourra t-il stopper leurs intentions va-t-en-guerristes contre certains
régimes africains classés sur « l'axe du
mal » ou situés sur les « grands axes de la
tyrannie »12(*),
encore qu'il est quelques fois financièrement dépendant des
occidentaux ?
Si tel est le cas, est-ce que le CPS pourra t-il
réellement assumer les fonctions qui lui sont confiées par l'UA
dans le règlement de la crise du Darfour?
La problématique paraît large, bien sûr,
seulement nous ne nous attacherons qu'au rôle du CPS de l'UA dans la
gestion des crises africaines et en pratique à l'efficacité de
cette structure dans la mission qu'elle accomplit au Darfour.
Alors, il nous paraît judicieux de structurer notre
analyse en deux parties principales. La première partie
s'intitulera : La prévention et la résolution des conflits
en Afrique : des objectifs nobles assignés au CPS. Quant à
la seconde partie, elle s'articulera sur les résultats mitigés
obtenus au Darfour.
La gestion des conflits en Afrique semble s'imposer avec
noblesse, nous dirons même avec prestance, dans le cadre d'une Union
Africaine dont les Etats parties à l'Acte constitutif sont
dorénavant déterminés à enclore les crises et les
jeter hors du continent.
Cette sincère volonté s'affiche dans le
préambule de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, d'abord en ces
termes : « conscients du fait que le fléau des conflits
en Afrique constitue un obstacle majeur au développement
socio-économique du continent, et de la nécessité de
promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité comme
condition préalable à la mise en oeuvre de notre agenda dans le
domaine du développement et de l'intégration ».
La mise en oeuvre de cet objectif de l'Union est
confiée au nouvel organe de celle-ci. Notons que cet objectif quoique
unique peut se subdiviser, sous entendu, en deux :
- Premièrement, il concerne la promotion de la paix, la
sécurité et la stabilité sur le continent entre les Etats
lorsque deux ou plusieurs Etats africains sont en état de
belligérance ;
- Et secundo, il induit la sauvegarde de la paix relativement
à une crise interne à un État africain.
En effet, comme notre cadre de réflexion l'indique,
nous nous pencherons beaucoup plus, en pratique, sur les cas de conflits
internes aux Etats.
Ainsi donc, nous traiterons cette première partie en
deux chapitres. Le chapitre premier tâchera de montrer la politique du
Conseil de Paix et de Sécurité et ses moyens de mise en oeuvre,
alors que l'implication du Conseil de Paix et de Sécurité dans la
recherche de solutions à la crise du Darfour fera l'objet du chapitre
second.
CHAPITRE
PREMIER
LA POLITIQUE DU CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE ET SES
MOYENS DE MISE EN OEUVRE
Le Conseil de Paix et de
Sécurité tire la quintessence de sa politique de plusieurs textes
à valeur juridique indéniable, parmi lesquels nous retiendrons
l'Acte constitutif de l'Union Africaine, le protocole de sa création, la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et des dispositions de la
``Charte Universelle'', c'est-à-dire la Charte des Nations Unies.
Ces textes constituent la base juridique de la
création du Conseil de Paix et de Sécurité et
confèrent une importance majeure à la gestion des conflits qui
lui est assignée. Ajoutons que sa création découle
également de la décision par laquelle, la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA a décidé d'incorporer
l'organe central du Mécanisme de l'OUA pour la prévention, la
gestion et le règlement des conflits en tant qu'organe de
l'Union.13(*)
Il semble ainsi important de montrer la base juridique et
politique (section première), les compétences et les limites
(section deuxième) et le fonctionnement (section troisième) du
Conseil de Paix et de Sécurité, comme l'unique approche pouvant
faciliter une vision globale de cette structure.
SECTION PREMIERE : LA BASE JURIDIQUE ET POLITIQUE
DU
CONSEIL DE
PAIX ET DE SECURITE
La frontière entre base juridique et
politique relativement à la mission du Conseil semble incertaine.
Cependant nous pencherons la balance beaucoup plus sur la valeur normative de
différents textes qui ont contribué à son ossature. Ainsi,
dans le cadre de cette section, nous traiterons des fondements juridiques
(Paragraphe 1) avant d'aborder les fondements politiques du CPS (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE I : LA BASE JURIDIQUE DU CONSEIL DE PAIX ET
DE SECURITE
Le fondement juridique reconnu au Conseil de paix et de
sécurité découle de plusieurs textes que l'on pourrait
classer en deux catégories. D'abord, nous montrerons la valeur
accordée au Conseil de Paix et de Sécurité par l'Acte
constitutif de l'Union Africaine, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples et la Charte des Nations Unies (A) et ensuite le fondement
juridique découlant du protocole de création de cet organe
(B).
A - UN FONDEMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL
Le conseil de paix et de sécurité est assis et
guidé par les principes énoncés dans les dispositions des
trois textes juridiques fondamentaux, à savoir la Charte des Nations
Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et l'Acte constitutif de l'Union Africaine.
Rétrospectivement, au plan universel la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales est conférée au Conseil de
Sécurité par les dispositions de la Charte de l'organisation
mondiale14(*). Mais
pendant les dernières décennies, la Communauté
Internationale a tendance à exiger beaucoup plus de l'ONU qu'elle n'est
en mesure de donner.
D'ailleurs, la conférence prononcée à
Bruxelles par le Secrétaire Général de l'ONU en 1993, en
ces termes, en disait long : « la paix est un
phénomène global, elle est l'affaire de tous... le rôle des
Nations Unies dans le maintien de la paix doit être
transcendé »15(*). Les propos du Secrétaire
Général rappèlent les dispositions relatives au rôle
des Accords et Organismes régionaux dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationale et la nécessité de mettre
en place un partenariat plus étroit entre les Nations unies, les autres
Organisations Internationales et l'Union Africaine dans la promotion et le
maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en
Afrique.
Alors, le relais est pris au sein du continent par l'Union
Africaine dont l'Acte Constitutif, dès son préambule, prend
conscience de l'obstacle constitué par le fléau des conflits en
Afrique au développement socio-économique, à la promotion
de la paix, de la sécurité et de la stabilité ;
lesquels constituent pourtant la condition préalable de la
réussite des objectifs de l'Union. Cette volonté est
réitérée à l'Art. 3j de l'acte constitutif de
l'Union et elle fait partie intégrante des objectifs de
celle-ci.16(*)
L'objectif de promotion de la paix et de la stabilité
figure aussi parmi les principes de fonctionnement de l'Union selon les
dispositions de l'Art. 4 d-f, donnant ainsi droit à celle-ci
d'intervenir dans le règlement des différents entre Etats et ceux
qui sont internes aux Etats membres sur leur demande dans le respect du
principe de non-ingérence dans les affaires intérieures.17(*) Mais ce principe de
non-ingérence peut être écarté face au droit que se
réserve l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur décision de
la Conférence dans certaines circonstances graves, à
savoir : les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre
l'humanité.18(*)
Le dernier fondement juridique international du Conseil de
Paix et de Sécurité est apporté par les dispositions de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui invitent les Etats
membres des Nations Unies à s'engager, en coopération avec
celles-ci, sur la voie du respect universel et effectif des Droits de l'Homme
et des libertés fondamentales. L'importance de cette pierre juridique
angulaire découle du fait que « la méconnaissance et le
mépris des Droits de l'Homme peut conduire à des actes de
barbarie ».19(*)
Cependant, malgré la fertilité de ses fondements
juridiques internationaux, le Conseil de Paix et Sécurité de
l'Union peut se prévaloir d'une autre assise qui marque la pertinence et
l'autonomie de son articulation juridique. Cette assise tire son essence de la
lettre même de son protocole de création.
B - UNE ASSISE JURIDIQUE PROPRE
Le Conseil de Paix et de Sécurité est un organe
de l'Union Africaine chargée d'une mission spéciale, et par
conséquent régi par un texte délimitant le cadre de sa
mission. Ce texte portant uniquement sur le Conseil de paix et de
sécurité est le Protocole relatif à sa création,
adopté par la première Session ordinaire de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Africaine qui s'était
tenue à Durban (Afrique du Sud) le 9 Juillet 2002.
Bien que ratifié par les Etats membres de l'Union, ce
texte accorde un fondement juridique propre au Conseil, en ce qu'il
détermine le cadre de son intervention, ses pouvoirs et ses limites.
Alors, le Conseil bien que créé
conformément à l'Art. 5(2) de l'Acte Constitutif,20(*) est un organe de
décision permanent pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits. Cette stipulation découle de l'Art.2 al.1
du Protocole ; cet alinéa ajoute en outre qu'il est un
système de sécurité collective et d'alerte rapide visant
à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de
conflits et de crises en Afrique.
Le Conseil est une structure opérationnelle pour la
mise en oeuvre efficace des décisions prises dans les domaines de la
prévention des conflits, du rétablissement de la paix, des
opérations d'appui à la paix et de l'intervention, ainsi que de
la consolidation de la paix et de la reconstruction après les conflits.
Cependant en nous interrogeant sur la valeur juridique du protocole de
création du Conseil de Paix et de Sécurité, on ne peut
douter de sa pertinence normative et de sa portée au regard du droit car
il vaut comme cadre d'exercice de la mission du Conseil.
Le protocole peut aussi être complété par
un corps de déclarations, décisions et divers textes, parmi
lesquels nous ne citerons que ceux qui ne peuvent subir les effets de l'oubli.
Il y a surtout la décision AHG/Déc.160 (XXXVII) de la 37è
Session ordinaire autorisant le transfert du Mécanisme de l'OUA à
l'Union Africaine.
Le Conseil de Paix et de Sécurité
bénéficie d'un cadre élargi d'action, allant de missions
de maintien et de rétablissement de la paix aux actions humanitaires et
de protection des Droits de l'Homme. Autrement dit, il assemble en lui seul une
bonne partie des attributions et missions de plusieurs organes de l'Union
Africaine car de la réussite de ses objectifs dépend la
réalisation des objectifs de l'Union en Général.
Le Conseil bénéficiant d'une assise juridique
importante a aussi de fondements politiques issus de l'esprit des Chefs d'Etat
et de Gouvernement de l'Union Africaine.
PARAGRAPHE II : LES FONDEMENTS POLITIQUES DU CONSEIL
DE
PAIX ET DE SECURITE
Le Conseil de Paix et de Sécurité a pu voir le
jour au sein de l'Union Africaine grâce à l'attachement des
dirigeants africains à la question de la paix, de la
sécurité et de la stabilité tant à
l'intérieur de leurs frontières étatiques que dans leur
sous région.
Ils sont convaincus que la sauvegarde de la stabilité
et de la paix à l'intérieur des frontières de leurs Etats
représente un défi multiforme, sensible aux questions
socio-économiques et aux interrogations militaro-politiques. Ceci
signifie en filigrane que pour vivre en paix dans un Etat, aussi
indépendant qu'il soit, deux conditions doivent être
impérativement réunies : la première condition
consiste à offrir à ses co-citoyens les chances d'une vie sociale
équilibrée. Bien entendu, cette résultante ne peut
déboucher que d'un niveau économique appréciable. La
seconde condition est attenante aux postulats de la ``Bonne Gouvernance''
encore appelée ``gouvernance démocratique'', car un pouvoir
ne peut se pérenniser lorsqu'il victimise son milieu politique et
militaire. L'armée est en principe politiquement neutre, mais les
expériences africaines ont toujours rappelé aux hommes d'Etat
qu'elle n'hésiterait pas à faire la pluie et le beau temps en cas
d'impératif.
Pour lutter contre les alternances forcées du pouvoir -
par des coups d'Etat - qui quelques fois engendrent d'autres formes de crises,
les dirigeants africains ont à moult occasions exprimé leur
préoccupation face au phénomène des coups d'Etats en
Afrique, véritable menace à la paix et à la
sécurité ainsi qu'un sérieux revers pour le processus de
démocratisation. La volonté politique des Chefs d'Etat ainsi
manifestée prendra forme à travers la déclaration sur le
cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements
anticonstitutionnels de Gouvernement.21(*)
A titre informatif, mentionnons qu'il a été mis
en place un sous-comité chargé des problèmes de
changements anticonstitutionnels de Gouvernement auprès du
mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits.
Au plan régional également, il fourmille des
réactions et déclarations politiques sur la coopération
pour la paix et la sécurité, mais nous retiendrons ici que les
exemples de promotion politique de la paix en Afrique centrale. Alors trois
textes retiendront notre argumentation : le premier est la
déclaration de Brazzaville sur la coopération pour la paix et la
sécurité en Afrique centrale, le deuxième est la
déclaration de Yaoundé sur la paix, la sécurité et
la stabilité en Afrique centrale et le dernier est le pacte d'assistance
mutuelle entre les Etats membres de la communauté économique des
Etats de l'Afrique centrale que nous n'avons cité parmi les fondements
juridiques parce qu'il n'avait de lien direct avec le Conseil de Paix et de
Sécurité.
La septième réunion ministérielle du
comité consultatif permanent sur les questions de sécurité
en Afrique centrale, tenue à Brazzaville les 31 Août et 1er
Septembre 1995, a examiné les problèmes de la paix et de la
sécurité dans la sous région de l'Afrique centrale.
Il ressort de cette réunion un constat
général quant à la persistance des tensions et de la
violence, des pertes humaines et matérielles considérable, des
déplacements massifs de populations, l'augmentation du nombres des
réfugiés principalement causés par la prolifération
d'armes de guerre même chef les civils (bandes armées).
Ainsi, les ministres des Etats de l'Afrique centrale se sont
convenus que la responsabilité du maintien de la paix et de la
sécurité dans la sous région incombe en premier chef aux
Gouvernements et aux peuples des pays concernés. C'est dans la
réalisation de cet objectif que certains Etats membres du comité
ont participé aux opérations de maintien de la paix des Nations
Unies, en particulier le Cameroun, le Congo, le Tchad et la République
démocratique du Congo. Enfin, la déclaration de Brazzaville
reconnaît que ces nombreux problèmes de stabilité en
Afrique centrale ne trouveraient de solutions durables que dans le cadre d'une
coopération étroite entre la communauté internationale,
l'organisation de l'unité africaine aujourd'hui devenue, et les
institutions sous-régionales concernées.
La déclaration de Yaoundé sur paix, la
sécurité et la stabilité en Afrique Centrale,
adoptée le 25 Février 1999 sur invitation de son Excellence
Monsieur Paul BIYA, Président du Cameroun et par ailleurs
président en exercice du comité consultatif permanent des Nations
Unies pour les questions de sécurité en Afrique centrale,
s'attache également à l'aggravation des tensions et des conflits
internes et interétatiques qui entravent les efforts de
développement en Afrique centrale. Au travers de cette invitation,
plusieurs voies et moyens à même d'aider à la
prévention, à la gestion des conflits ont été
explorés ; parmi ces voies figurent la concertation et d'autres
formes de règlement pacifique des différends, la recherche de
financement des exercices militaires et d'opérations de paix
envisagés en Afrique centrale auprès de l'ONU. La mise en place
des comités nationaux de suivi, l'instauration des dispositions
législatives contre la prolifération des milices privées
armées et la prohibition des actes de déstabilisation à
l'encontre de tout Etat membre. Cette déclaration tire son
originalité en ce qu'elle a permis de créer u organe de
promotion, de maintien et de consolidation de la paix et de la
sécurité de l'Afrique centrale (COPAX).
Avant d'analyser notre dernier texte, il semble important de
faire un petit aperçu sur l'opportunité historique offerte
à l'opposition des pays d'Afrique centrale afin de réaffirmer
l'importance du respect de la démocratie, laquelle constitue, à
elle seule un défi multiforme, à la stabilité et à
la paix.
Enfin, le pacte d'assistance mutuelle entre les Etats membres
de la communauté économique des Etats de l'Afrique centrale
(CEEAC) ne peut servir de fondement politique au Conseil de paix et de
sécurité de l'union Africaine qu'en ce que celui-ci est une
illustration de la volonté des Etats africains dans le cadre d'une
action communes pour la sauvegarde de la paix et de la stabilité. Le
conseil de paix et de sécurité de l'union africaine
bénéficie bien sûr de fondements solides qui ne
présagent pas l'étendue et les limites de ses compétences,
ce qui nous conduit malgré tout à une interrogation sur les
attributions à lui confiées.
SECTION SECONDE : LES COMPETENCES ET LES
LIMITES
DU CONSEIL DE PAIX
ET DE SECURITE
Lorsque l'on prend l'appellation donnée à cette
structure, une présomption passe et elle est irréfragable :
celle d'une attribution active dans le domaine de gestion des conflits au sein
du continent africain. Dans notre analyse des compétences reconnues au
Conseil de Paix et de Sécurité, nous ferons la part de choses
entre ses attributions et ses limites dans l'accomplissement de sa mission et
naturellement l'exposé ou l'énoncé de ses
compétences (paragraphe 1) précèdera celui de ses limites
(paragraphe 2) car l'on ne peut déterminer les frontières
d'action d'une structure sans lui montrer ce à quoi elle s'attellera.
PARAGRAPHE I : LES COMPETENCES DU CONSEIL DE PAIX ET
DE SECURITE
Le Conseil de Paix et de Sécurité du l'Union
Africaine bénéficie d'une large gamme de compétences issue
des dispositions de son protocole de création et de celles de l'Acte
Constitutif de l'Union. On pourrait donc dégager, de ces deux textes
fondamentaux, des règles attribuant une compétence presque
exclusive au Conseil en matière de gestion des conflits sur le continent
en principe et présenter au fur et à mesure ces principales
tâches (A).
Ainsi, aux termes de son sixième article (Art.6), le
protocole du Conseil de Paix et de Sécurité définit les
fonctions principales de celui-ci, en ces termes : « le Conseil
de Paix et de Sécurité assume des fonctions dans les domaines
suivants... » et ceci sous-entend que les compétences
reconnues au Conseil par l'article 6 sont exclusives puisque dans les
dispositions de l'article suivant (Art.7) le même protocole indique les
pouvoirs que ce dernier exerce conjointement avec le Président de la
Commission de l'Union Africaine (B).
A - UN PRINCIPE : UNE COMPETENCE EXCLUSIVE
Les fonctions assumées exclusivement par le Conseil aux
termes de l'article 6 dudit protocole, sont les suivantes :
1° - Le Conseil a pour fonction de promouvoir la paix, la
sécurité et la stabilité en Afrique, ce qui signifie que
le Conseil doit chercher à développer une culture de la paix aux
citoyens panafricains ; cette attribution occupe une place trop importante
parmi les fonctions qui lui sont assignées (Art.6 al.1a).
2°- Le Conseil assume les fonctions d'alerte rapide et de
diplomatie préventive (Art.6 al.1b). Ces fonctions d'alerte rapide
consistent en une mission de renseignement, d'observation devant permettre une
réaction rapide de la structure opérationnelle ou de l'ouverture
d'une quelconque négociation. L'expérience a toujours
montré qu'une crise peut être résolue un peu plus
facilement lorsque les initiatives de solutions sont apportées
dès le début, ces moyens de résolution sont
traditionnellement les pourparlers, les négociations, les tables rondes,
pouvant aboutir à la signature d'un accord en vue d'éviter une
escalade de la violence. C'est l'ensemble de ces procédés qui est
appelé diplomatie préventive car ils servent à
prévenir l'extension d'un conflit.
3°- Il assume les fonctions relatives au
rétablissement de la paix. Y compris les bons offices, la
médiation, la conciliation et l'enquête (Art.6 al.1C). Dans sa
mission de rétablissement de la paix le conseil utile les modes de
règlement pacifique des différends tel défini dans ces
principes à l'Article 4 a du protocole. Ces modes consistent aux modes
non juridictionnels de règlement de conflits. Qui sont
énumérés précédemment dans les dispositions
de l'Article 6. Le droit international fournit une explication claire de ces
notions que nous pourrions les reprendre sans préjudice. Rappelons tout
de même que cette obligation de résoudre les différends par
les moyens pacifiques est imposée par la Charte des Nations Unies
à l'article 2§3.22(*) Ces moyens pacifiques sont
énumérés dans les dispositions de l'article 33 de ladite
charte en réitérant l'obligation.23(*)
Selon le droit international public qui fournit une
explication claire des procédés amiables de règlement des
conflits :
- Les bons offices sont les services offerts par une tierce
personne (représentants de gouvernements tiers ou d'organisations non
gouvernementales et des personnalités indépendantes) pour
favoriser le dialogue entre les parties, rétablir des relations
confiantes entre ces dernières grâce à son influence morale
ou politique sans prendre part directement aux conversations.
- La médiation consiste à mettre en
présence les protagonistes de conflit et leur fournir les grandes lignes
des négociations en prenant part activement aux négociations en
vue de rapprocher les points de vue. Le médiateur n'impose pas de
solutions.
- La conciliation est exercée par un organe
destiné à faire des propositions en vue d'un arrangement. Elle a
pour tache d'examiner le litige dans tous ses détails aux fins de
proposer une solution. Elle n'impose pas de solution.
- Enfin l'enquête a pour fonction principale la
recherche des faits ayant générés les litiges, en vue de
constater leur matérialité, leur nature et les circonstances qui
les accompagnent.
4°- Le Conseil assume les fonctions d'opérations
d'appui à la paix et d'intervention conformément à
l'article 4(h) et (f) de l'Acte constitutif, qui donne droit d'abord a l'Union
d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence
dans des circonstances graves et enfin aux Etats membre de solliciter
l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la sécurité
(Art.6 al. 1 d) ;
5°- Il est en outre chargé d'accomplir les
missions de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflit (Art. 6
al. 1 e). On parle de consolidation de la paix au lendemain d'un
conflit qui a connu un terme mais dont des tensions subsistent au point de
nécessiter une intervention pour soutenir les efforts éventuels
de sauvegarder de la paix ou proposer d'autres voies afin de lénifier
les tensions ;
6°- Enfin, sa dernière attribution se porte sur
l'action humanitaire et la gestion des catastrophes. (Art. 6 al.1f)
Cependant, les compétences reconnues au Conseil
pourraient être complétées par une simple décision
de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
B - UNE EXCEPTION : DES COMPETENCES PARTAGEES
Le Conseil de Paix et de
Sécurité a également des compétences
partagées avec le Président de la Commission de l'Union
Africaine, selon les dispositions de l'article 7 du protocole de
création du Conseil de Paix et de Sécurité. Ces
compétences conjointes consistent à :
1°- Anticiper et à prévenir les
différends et conflits, ainsi que les politiques susceptibles de
conduire à un génocide et à des crimes contre
l'humanité que l'Union se réserve un véritable droit et
devoir d'ingérence pour éviter ;
2°- Entreprendre des activités de
rétablissement et de consolidation de la paix lorsque des conflits
éclatent, pour faciliter leur règlement et autoriser
l'organisation et le déploiement de missions d'appui à la paix et
élaborer les directives générales relatives à la
conduite de celles-ci, y compris le mandat desdites missions et au besoin
procéder à la révision périodique de ces
directives ;
3°- Recommander à la Conférence,
conformément à l'article 4(h) de l'Acte constitutif,
l'intervention au nom de l'Union dans un Etat membre dans certaines
circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide
et les crimes contre l'humanité, tels que définis dans les
conventions et instruments internationaux pertinents mais aussi d'approuver les
modalités d'intervention de l'Union dans un Etat membre, suite à
une décision de la Conférence conformément à
l'article 4(j) de l'Acte constitutif ;
4°- Imposer conformément à la
déclaration de Lomé24(*), des sanctions chaque fois qu'un changement
anti-constitutionnel de Gouvernement se produit dans un Etat membre et mettre
en oeuvre la politique de défense commune de l'Union ;
5°- Assurer la mise en oeuvre de la Convention de l'UA
sur la prévention et la lutte contre le terrorisme et des autres
conventions et instruments internationaux, continentaux pertinents, puis
harmoniser et coordonner les efforts visant à combattre le terrorisme
international au niveau continental et régional ;
6°- Assurer une harmonisation, une coordination et une
coopération étroites entre les mécanismes régionaux
de l'Union dans la promotion et le maintien de la paix, de la
sécurité et de la stabilité en Afrique ainsi que la
promotion et le renforcement d'un partenariat solide pour la paix et la
sécurité entre l'Union et les Nations Unies et leurs agences sans
oublier les autres organisations internationales compétentes. Les deux
organes doivent en outre élaborer les politiques et entreprendre les
actions nécessaires pour que toute initiative extérieure dans les
domaines de la paix et de la sécurité sur le continent soit
entreprise dans le cadre des objectifs et des priorités de
l'Union ;
7°- Suivre, dans le cadre de ses responsabilités
en matière de prévention des conflits, les progrès
réalisés en ce qui concerne la promotion des pratiques
démocratiques ; la bonne gouvernance, l'Etat de droit, la
protection des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le
respect du caractère sacré de la vie humaine ainsi que du droit
international humanitaire, par les Etats membres ;
8°- Favoriser et encourager la mise en oeuvre des
conventions et traités internationaux pertinents de l'OUA/UA, des
Nations Unies, ainsi que toute autre convention ou traité international
pertinent sur le contrôle des armes et le désarmement. Ils sont
aussi chargés d'examiner et de prendre toute action appropriée
dans le cadre de son mandat dans les situations où l'indépendance
nationale et la souveraineté d'un Etat membre sont menacées par
des actes d'agression, y compris par des mercenaires ;
9°- Appuyer et faciliter l'action humanitaire dans les
situations de conflits armés ou de catastrophes naturelles graves,
soumettre à travers son Président des rapports réguliers
à la conférence sur ses activités et l'état de paix
et de la sécurité sur le continent ;
10°- Enfin, se prononcer sur tout autre question ayant
des incidences sur le maintien de la paix, de la sécurité et de
la stabilité sur le continent et exercer les pouvoirs que lui
délégué la Conférence, conformément à
l'article 9(2) de l'Acte constitutif.
Malgré la multiplicité des compétences
reconnues au Conseil de Paix et de Sécurité, qui pourrait faire
croire à un certain absolutisme dans l'exercice de ses pouvoirs, il y a
lieu de déterminer les limites qui leurs sont fixées.
PARAGRAPHE II : LES RESTRICTIONS DE COMPETENCES
Bien que le Conseil de Paix et de Sécurité en
s'acquittant de ses devoirs aux termes du protocole agit au nom des Etats
membres, ses décisions ne seront appliquées ou acceptées
par ces derniers que lorsque celles-ci se conforment aux dispositions de l'Acte
constitutif. (Art 7 al.2-3) de l'Union Africaine. C'est ainsi que le Conseil ne
peut excéder le cadre de ses compétences tel que défini
par les différents textes, à savoir l'Acte constitutif et le
protocole de sa création. Cependant, il peut exceptionnellement franchir
cette limite dans les cas d'une habilitation expresse de la Conférence
des chefs d'Etat et de Gouvernement, en vertu de l'article 9(2) de l'Acte
constitutif. Il y ait de fois où le Conseil joue un rôle
d'exécuteur de décisions de la Conférence lorsque celle
décide au nom de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur
sollicitation de ce dernier. Alors le Conseil dans ce cas précis n'a que
le pouvoir d'approuver les modalités d'intervention de l'Union
conformément à la décision des Chefs d'Etat et de
Gouvernement. Ce même schéma de compétence
réapparaît à l'article 6d du protocole en ces termes :
« le Conseil de Paix et de Sécurité assume des
fonctions dans les domaines suivants... d'opérations d'appui à la
paix et intervention, conformément à l'article 4h et f de l'Acte
constitutif ». Nous rappellerons ici les dispositions de l'article 4h
de l'Acte revêtent une importance non négligeable ; cet
article donne droit à « l'Union d'intervenir dans un Etat
membre sur décision de la conférence, dans certaines
circonstances graves à savoir : les crimes de guerre, le
génocide et les crimes contre l'humanité ».
L'importance de ces dispositions dans les limites de compétences du
Conseil tient à la capacité d'une réaction rapide de ce
dernier pour mettre un terme à une crise de cette ampleur. Lorsque l'on
attribue une compétence aussi particulière à un organe, il
faut lui laisser une compétence absolue dans la gestion des crimes de
guerre, des génocides et de crimes contre l'humanité parce que si
l'on se permet de mesurer ce à quoi consiste les occupations multiformes
des Chefs d'Etats et de Gouvernement, nous pensons qu'en cas d'un conflit de
cet ordre les heures et les jours sont comme une éternité. Du
moins, nous croyons que la Conférence sera consciente de cet aspect du
problème auquel est confronté le Conseil, et ce dans le souci que
plus jamais un conflit embryonnaire se transforme en génocide, en crimes
de guerre ou en crimes contre l'humanité...
Le Conseil de Paix et de Sécurité inscrit dans
ses principes de fonctionnement le règlement pacifique des
différends (article 4a du protocole) et tout autre moyen
approprié cependant lorsqu'il s'agit de décider d'une autre voie,
il faut obligatoirement que celle-ci soit décidé par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, cela se lit dans les
dispositions de l'article 4e de l'Acte constitutif de l'Union.
Décidément, c'est la Conférence qui
devrait apprécier toutes les possibilités de résolution
d'un différend offertes au Conseil et même de l'option d'un
engagement actif dans la sauvegarde de la paix. Cette attitude laisse quelques
fois libre cours à des réflexions quant aux motifs
déterminants pouvant amener le Conseil à réagir aux crises
parce que la Conférence, tout en étant un organe jouissant d'une
plénitude de pouvoirs sur les autres ne peut avoir que des visions
objectivistes puisqu'elle peut se guider également selon des arguments
purement politiques et cet argument est relativement déterminant.
En somme, le Conseil est beaucoup limité dans ses
pouvoirs pratiques, ce qui lui ôte ainsi quelques compétences en
matière de prise de décisions. Quels sont alors ses moyens de
fonctionnement ?
SECTION TROISIEME : LES MOYENS DE
FONCTIONNEMENT
Pour qu'une institution puisse fonctionner efficacement, il ne
suffit pas seulement qu'elle ait une ossature juridique mais encore qu'elle
puisse réunir les moyens logistiques et financiers nécessaires
à l'atteinte des objectifs qui lui sont assignés.
Dans la réflexion que nous ferons au fil de cette
section, il est important de rappeler de prime abord la structure
organisationnelle du Conseil (paragraphe I) et ensuite ses moyens
matériels de fonctionnement (paragraphe II). Ce rappel qui englobe tout
notre premier paragraphe se justifie aisément par l'argument selon
lequel on ne peut appréhender les besoins financiers et logistiques d'un
organe sans connaître par avance sa structure.
PARAGRAPHE I : LA STRUCTURE ORGANISATIONNELLE DU
CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE
Lorsqu'on fait allusion à la structure d'un organe,
cela renvoie à ressortir tous les éléments qui sont mis en
place et constituant un ensemble en vue d'une fonction, d'un usage
déterminés. Cet ensemble est constitué par des Etats
membres du Conseil, la Commission, un Groupe des Sages, un Système
Continental d'Alerte Rapide ainsi que par une Force Africaine
Prépositionnée et un Fonds Spécial. Cependant, nous nous
abstiendrons de traiter, dans le cadre de ce paragraphe, de la force africaine
prépositionnée et du fonds spécial puisqu'ils feront
l'objet du second paragraphe.
A- LA COMPOSITION DU CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE
Le Conseil de Paix et de Sécurité est
composé de quinze (15) membres ayant des droits égaux et
élus de la manière suivante : d'abord dix (10) membres
élus pour un mandat de trois ans en vue d'assurer la
continuité.
En élisant les membres du Conseil de Paix et de
Sécurité, la Conférence applique le principe de la
représentation régionale équitable et de la rotation, tout
en tenant compte des critères ci-après pour chaque Etat membre
postulant : S'engager à défendre les principes de
l'union ; Contribuer à la promotion et au maintien de la paix et de
la sécurité en Afrique (à cet égard, une
expérience dans le domaine des opérations d'appui à la
paix constituera un atout supplémentaire) ; S'engager et avoir la
capacité d'assumer les responsabilités liées à la
qualité de membre ; La participation aux efforts de
règlement des conflits, de rétablissement et de consolidation de
la paix aux niveaux régional et continental, Etre disposé et
avoir la capacité pour assumer des responsabilités en ce qui
concerne les initiatives régionales et continentales de règlement
des conflits ; Contribuer au fonds de la paix et non a un fonds
spécial créé pour un but spécifique ;
Respecter la gouvernance constitutionnelle, conformément à la
déclaration de Lomé ainsi que de l'Etat de droit et des droits de
l'homme ; L'exigence pour les Etats membres postulats d'avoir des missions
permanentes aux sièges de l'Union et des Nations Unies dotées du
personnel adéquat et suffisamment équipées pour leur
permettre d'assumer les responsabilités liées à la
qualité de membre du Conseil ; S'engager à honorer les
obligations financières vis-à-vis de l'Union.
En outre les membres sortants sont immédiatement
rééligibles.
Le Président échoit à tour de rôle,
aux membres du Conseil dans l'ordre alphabétique de leurs noms. Chaque
Président demeure en fonction pendant un mois. L'ordre du jour
provisoire du Conseil est établi par le Président du Conseil sur
la base des propositions soumises par le Président de la Commission de
l'Union et les Etats membres, cependant un Etat membre ne peut s'opposer
à l'inscription d'un point à l'ordre du jour provisoire (Article
8 al. 7 du Protocole).
Le quorum est constitué des deux tiers des membres du
Conseil de Paix et de Sécurité (article 8 al. 8 Protocole).
Chaque membre du Conseil dispose d'une voix. Les décisions du Conseil
sont généralement guidées par le principe du consensus,
mais à défaut de consensus il adopte ses décisions portant
sur les questions de procédure à la majorité simple tandis
que les décisions portant sur toutes les autres questions sont prises
à la majorité des deux tiers (2/3) des membres votants.
B- LE ROLE DU PRESIDENT DE LA COMMISSION
Sous l'autorité du Conseil de Paix et de
Sécurité et en consultation avec toutes les parties
impliquées dans un conflit, il déploie tous les efforts et prend
toutes les initiatives jugées appropriées en vue de la
prévention, de la gestion et du règlement des conflits. Dans le
cadre de cette attribution, le Président de la Commission dispose de
plusieurs pouvoirs :
1°- Attirer l'attention du Conseil sur toute affaire
susceptible de mettre en danger la paix, la sécurité et la
stabilité ;
2°- Attirer l'attention du Groupe des Sages sur toute
affaire qui mérite leur attention particulière ;
3°- User de ses bons offices, soit personnellement, soit
par l'intermédiaire d'envoyés spéciaux, de
représentants spéciaux, du groupe des sages ou des
mécanismes régionaux en vue de prévenir les conflits
potentiels, régler ceux qui sont en cours et promouvoir les initiatives
et les efforts de consolidation de la paix et de reconstruction
post-conflit ;
4°- Le Président de la commission assure en outre
la mise en oeuvre et le suivi des décisions du conseil de paix et de
sécurité, y compris l'organisation et le déploiement des
missions d'appui à la paix autorisées par le conseil de paix et
de sécurité ;
5°- La mise en oeuvre et le suivi des décisions
prises par la conférence conformément à l'article 4h et j
de l'Acte constitutif ;
6°- Préparer de rapports et de documents
exhaustifs et périodiques.
Le Président de la Commission est assisté du
Commissaire chargé des questions de paix et de sécurité
qui est le responsable des questions du Conseil de Paix et de
Sécurité.
C- LE GROUPE DES SAGES
Le Groupe des Sages est crée pour appuyer les efforts
du Conseil de Paix et de Sécurité, et ceux du Président de
la Commission. Il est composé de cinq (5) personnalités
africaines, hautement respectées, venant des diverses couches de la
société et qui ont apporté une contribution exceptionnelle
à la cause de la paix, de la sécurité et du
développement sur le continent. Ces personnalités sont
sélectionnées par le Président de la Commission,
après consultation des Etats membres concernés sur la base de la
représentation régionale et nommées pour une
période de trois ans par la Conférence. Le Groupe des Sages
fournit des services consultatifs au Conseil de Paix et de
Sécurité ainsi qu'au Président de la Commission sur toutes
questions relatives au maintien et à la promotion de la paix, de la
sécurité et de la stabilité en Afrique.
Le Groupe des Sages entreprend les actions jugées
appropriées pour venir en appui aux efforts du Conseil et à ceux
de la Commission en vue de la prévention des conflits, il peut
également se prononcer sur les questions liées à la
promotion et au maintien de la paix, de la sécurité et de la
stabilité en Afrique.
Les modalités de fonctionnement du Groupe des Sages
seront élaborées par le Président de la Commission et
approuvées par le Conseil de Paix et de Sécurité ainsi que
les indemnités des membres du groupe qui doivent se conformer au
règlement financier de l'Union Africaine (Article 11 du Protocole).
D- LE SYSTEME CONTINENTAL D'ALERTE RAPIDE
Le Système Continental d'Alerte Rapide quant à
lui est crée en vue de faciliter la prévision et la
prévention des conflits. Il est composé d'abord d'un centre
d'observation et de contrôle dénommé ``salle de veille''
situé à la Direction de la gestion des conflits de l'Union. Ce
centre est mis en place pour la collecte et l'analyse des données sur la
base d'un module approprié d'indicateurs et ensuite des unité
d'observation et de contrôle des mécanismes régionaux
directement liées par des moyens de communication appropriés
à la salle de veille et qui collectent et traitent les données
recueillies à leur niveau et les transmettent à la salle de
veille (Article 12 al. 1-2 du Protocole).
Le Système Continental d'Alerte Rapide élabore
un module d'alerte rapide sur la base d'indicateurs politiques,
économiques, sociaux, militaires et humanitaires clairement
définis et acceptés qui sont utilisés pour analyser
l'évolution des situations sur le continent et recommander la meilleure
action à prendre. Le Président de la Commission veille
également à l'efficacité du système en facilitant
les échanges entre celui-ci et d'autres organisations internationales
compétentes, les centres de recherche, les institutions universitaires
et les organisations non gouvernementales (ONG).
PARAGRAPHE II : LES MOYENS MATERIELS DE
FONCTIONNEMENT
L'analyse des moyens matériels de fonctionnement du
Conseil de paix et de sécurité nous amène à
reprendre les éléments de la structure organisationnelle que nous
avons éludé par souci d'objectivité et
précisément pour éviter une redondance ou une redite
dichotomique. Ces éléments sont : la Force africaine
prépositionnée (A) et le Fonds spécial (B) qui constituent
respectivement les moyens logistiques et financiers de fonctionnement du
Conseil de Paix et de Sécurité.
A- LES MOYENS LOGISTIQUES : LA FORCE AFRICAINE
PREPOSITIONNEE
Pour mettre au Conseil de Paix et de Sécurité
d'assumer ses responsabilités en ce qui concerne le déploiement
de missions d'appui à la paix et l'intervention dans un Etat membre sur
sa demande en vue de rétablir la paix (Article 4j de l'Acte constitutif)
et dans des circonstances graves (crimes de guerre, génocide...)
énumérées à l'article 4h de l'Acte constitutif, il
a été mis en place une force africaine
prépositionnée. Selon l'article 13 al. 1 du protocole, cette
force est composée de contingents multidisciplinaires en attente, avec
des composantes civiles et militaires, stationnés dans leurs pays
d'origine et prêts à être déployées rapidement
aussitôt que les situations le requièrent.
Les contingents prépositionnés, pour participer
aux missions d'appui à la paix décidées par le Conseil ou
à une intervention autorisée par la Conférence, sont mis
en place par les Etats membres. Les effectifs et la nature de ces contingents,
leur degré de préparation et leur emplacement
général sont déterminés, conformément aux
règles de procédure opérationnelles des missions d'appui
à la paix de l'Union et seront soumis à des examens
périodiques, tenant compte des situations de crise et de conflit.
Pour chaque opération entreprise par la Force Africaine
Prépositionnée, le Président de la Commission nomme un
Représentant Spécial et un Commandant de la force, dont les
rôles et fonctions détaillés sont définis dans des
directives appropriées, conformément aux règles de
procédures opérationnelles des missions d'appui à la
paix.
Le Représentant Spécial fait rapport au
Président de la Commission par les voies hiérarchiques
appropriées. Le Commandant de la force fait rapport au
Représentant Spécial, les commandants des contingents font
rapport au Commandant de la force, alors que les composantes civiles font
rapport directement au Représentant Spécial. Ce comité est
composé d'officiers supérieurs des Etats membres du Conseil de
Paix et de Sécurité et il se réunit aussi souvent que
nécessaire.
La Commission élabore des directives pour la formation
du personnel civil et militaire des contingents nationaux pré
positionnés tant sur le plan opérationnel que tactique. La
formation en Droit International Humanitaire et dans le domaine des Droits de
l'Homme est partie intégrante des programmes de formations de ces
personnels.
Les Etats membres contributeurs de troupes s'engagent à
la demande de la Commission, et lorsque le Conseil de paix et de
sécurité et la Conférence à mettre
immédiatement à disposition les contingents en attente avec
l'équipement nécessaire pour les opérations visées
à l'article 13 (3) du Protocole.25(*)
Lorsque les moyens de l'Union sont limités, la
Commission, en consultation avec la secrétariat des Nations Unies,
contribue à la coordination des initiatives extérieures visant
à renforcer les capacités de la Force Africaine
Prépositionnée dans les domaines de la formation, de la
logistique, de l'équipement, des communications et du financement. En
pratique et selon les exigences opérationnelles, il ne suffit pas
seulement qu'un organe bénéficie de moyens logistiques suffisants
pour être efficace car celui-ci pourrait se confronter à des
difficultés et reculer, cependant cet argument n'est pas
déterminant. En revanche, dire que sans ``le nerf de la guerre'' aucune
force militaire n'est concevable s'affirme comme un argument de taille et nous
amène à évaluer les possibilités de financement de
la Force Africaine Prépositionnée, mais aussi des
activités du Conseil.
B - LES MOYENS FINANCIERS : LE FONDS DE LA
PAIX
Les ressources financières nécessaires pour les
missions de soutien à la paix et d'autres activités
opérationnelles liées à la paix et à la
sécurité sont fournies au Conseil de Paix et de
Sécurité par un Fonds Spécial dénommé
``Fonds de la paix''. Les opérations du Fonds de la paix sont
régies par le règlement financier de l'Union.
Ce Fonds de la paix est alimenté par des crédits
prélevés sur le budget ordinaire de l'Union Africaine, y compris
les arriérés de contributions, les contributions volontaires des
Etats membres et d'autres sources en Afrique. Toutefois, les contributions
provenant du secteur privé, de la société civile, des
particuliers ainsi que celles provenant d'activités de mobilisation de
ressources acceptées.
Le Président de la Commission a le pouvoir de mobiliser
et d'accepter des contributions volontaires qui ont une source
extérieure à l'Afrique, conformément aux objectifs et aux
principes de l'Union. C'est le cas lorsque le Président de la Commission
de l'Union Africaine sollicite une assistance financière auprès
de l'ONU ou auprès de toute autre organisation internationale, dans le
dessein de soutenir les efforts de l'Union dans le domaine de la promotion et
du maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité
en Afrique.
Il y ait de fois où le coût des opérations
envisagées est réparti entre les Etats membres sur la base du
barème de leurs contributions au budget de l'Union, suite à une
décision des organes délibérants compétents de
l'Union. Dans un autre cas, l'Union demande aux Etats pourvoyeurs de
contingents à prendre en charge le coût de leur participation
pendant les trois premiers mois, pour lui permettre de rassembler les moyens
financiers nécessaires au remboursement des frais encourus par ces Etats
dans un délai maximum de six mois avant de reprendre à son
compte le financement des opérations.
Enfin, il y a lieu de compléter ici qu'il existe au
sein du fonds de la paix, un fonds d'affectation auto renouvelable. Le montant
approprié du fonds d'affectation spéciale auto renouvelable est
approuvé par les organes délibérants compétents de
l'Union sur recommandation du Conseil de paix de sécurité.
CHAPITRE
SECOND
L'IMPLICATION DU CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE
DANS LA RECHERCHE DE SOLUTIONS À LA CRISE DU DARFOUR
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union
Africaine jouit d'une compétence large en matière de gestion de
crises et conflits au sein du continent africain, cette compétence
juridiquement reconnue est solide. Cependant l'expérience a toujours
démontré que la reconnaissance juridique de pouvoirs à un
organe ne suffit pas à rendre celui-ci compétent dans la
pratique. L'énoncé des compétences du Conseil de Paix et
de Sécurité fait de lui l'institution la plus habilitée
à rechercher une issue aux différends continentaux, c'est
pourquoi le Conseil s'est impliqué dans la recherche de solutions
à la crise du Darfour.
L'étude de ce chapitre nécessite que nous
élucidions d'abord le contexte historique de la crise du Darfour
(Section première) avant d'aborder l'implication du Conseil de Paix et
de Sécurité dans celle-ci (seconde Section).
SECTION PREMIERE : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE LA
CRISE DU DARFOUR
En rappelant le contexte historique de la crise du Darfour au
Soudan, nous nous efforcerons de distinguer les causes (paragraphe I) des
conséquences (Paragraphe II) pour permettre la compréhension des
évènements.
PARAGRAPHE I : LES CAUSES DE LA CRISE DU DARFOUR
Avant d'aborder les causes de cette crise, le rappel de la
situation géographique de la région du Darfour est
nécessaire.
Le Darfour signifie étymologiquement, en arabe
« patrie des Four », elle est une région de l'ouest
du Soudan dans le désert du Sahara. Elle set majoritairement
peuplée par des populations musulmanes, sauf dans sa partie sud à
majorité animiste. Cette région couvre une superficie d'environ
490.000 km2 et sa population est estimée à six millions
d'habitants.
Administrativement, le Darfour se compose de plusieurs
provinces parmi lesquelles Gharb Darfour (Capitale Al-Genaina), Chamal-Darfour
(Capitale Al-Fachir) et Djanoub-Darfour (Capitale Nyala).
Historiquement, le Darfour ne fut intégré
à la République du Soudan que lors de l'indépendance du
pays en 1956. Après l'indépendance,il servit de base au parti
Umma,dirigé par Sadiq al Mahdi avant de se diviser en trois états
fédéraux au sein de la République du Soudan en 1994,comme
nous l'avons dit ci haut. L'importance de ces détails tient à ce
que le gouvernement au pouvoir considère cette région comme une
opposition.
La cause directe se rapporte à la découverte du
pétrole dans cette région, ce qui a suscité beaucoup de
convoitises de la part du pouvoir et de la population du Darfour. Ces
dernières ont réclamé un partage équitable des
richesses qui sont produites par l'or noir alors que le pouvoir ne l'entend pas
de cette oreille et attend le moment opportun de représailles contre les
leaders de ces réclamations. Ces réclamations concernent en
outre, le partage du pouvoir politique entre le président Omar El
Béchir et les leaders du Darfour issus du Mouvement pour la Justice et
l'égalité (MJE), du Mouvement pour la libération du Soudan
(MLS) et autres groupes rebelles.
Pendant l'hiver 2003, précisément au mois de
Février, l'opposition au président soudanais Omar el
Béchir fait entendre sa voix par rapport aux réclamations des
populations du Darfour. Le 26 Février 2003, le gouvernement annonce que
les rebelles ont pris le contrôle du chef-lieu de Gulu dans le Darfour.
Suite à l'annonce faite par Khartoum, deux mouvements rebelles,
Mouvement pour la Justice et l'égalité (MJE), et le
Mouvement/Armée pour la libération du Soudan (MLS /ALS),
réclament le 6 et le 14 Mars 2003 une répartition
équitable du pouvoir et des richesses au profit de la région du
Darfour.
En représailles, le gouvernement de Khartoum laisse
agir les milices arabes « Djandjawids » dans tout
le Darfour et l'armée soudanaise bombarde les villages du Darfour. Les
milices Djandjawids dont le chef s'appelle Choukratalla, un ancien officier de
l'armée soudanaise font rapidement plusieurs victimes parmi les
populations de la région du Darfour. Ces milices sont armées et
payées par le gouvernement soudanais qui désormais les laisse
faire sans rappel à l'ordre. Les mouvements armés du Darfour
ripostent alors pour protéger les populations victimisées par
leurs réclamations et c'est ainsi que le 14 Avril 2003, le Mouvement de
libération du Soudan attaque Al-Facher, Capitale de l'état du
Darfour Nord: ce sera le premier raid rebelle majeur depuis le début des
hostilités.
Voilà en quelques sortes les causes véritables
de cette crise qui figure désormais parmi les ''grandes crises'' du
vingt et unième siècle. A voir le détonateur de celle-ci,
on croirait même pas qu'elle devrait se perpétuer au fil des ans
mais hélas!elle persiste. D'autant que l'on ne peut concevoir une
conséquence sans qu'il y ait une cause alors nous pensons que l'inverse
est possible.
PARAGRAPHE II : LES CONSEQUENCES DE LA CRISE DU
DARFOUR
La crise du Darfour a réuni en elle seule des
conséquences sur tous les plans: social, économique, humanitaire,
diplomatique, militaire etc.
Vouloir dresser une liste des conséquences de celle-ci
serait dubitatif car elles sont nombreuses cependant nous ne retiendrons que
les conséquences qui pourraient avoir une incidence par rapport à
notre analyse, et ce, relativement au rôle que le Conseil de Paix et de
Sécurité a joué dans la recherche de la solution à
cette crise, sans pour autant délaisser certaines atrocités qui
n'ont peut-être aucun lien avec notre analyse.
Les destructions dans les villages,certains villages sont
même rasés aux fins de forcer les populations à partir, les
attaques et vols du bétail,des plantations agricoles incendiées
constituent l'oeuvre des milices Djandjawids qui mettent en pratique une
politique de terre brûlée. C'est ainsi que dès le mois de
Septembre 2004, on note déjà l'afflux de deux cent mille
(200.000) réfugiés au Tchad et d'environ un million et demi
(1.500.000) de personnes déplacées. Certains témoins des
évènements qui ont pu expliquer leurs mésaventures font
état de meurtres, viols y compris des fillettes, ce qui témoigne
que les premières victimes de la crise sont des enfants. Les causes de
mortalité infantile sont multiples: sous-nutrition (un bol par jour
« d'assida », c'est à dire d'un
mélange de farine et d'eau), maladies diarrhéiques
provoquées par la pollution de l'eau, blessures, pneumonies,
fièvres etc.
Les violences faites aux populations du Darfour par les
milices arabes Djandjawids sont souvent dénoncées par la
Communauté internationale sans que celle-ci envisage une quelconque
intervention, alors qu'en Janvier 2005, le bilan fait état d'environ
cent mille (100 000) morts. Le Congrès des Etats-Unis vote à
l'unanimité, au mois de Juillet 2004, pour donner un nom aux exactions
des Djandjawids du Soudan et la qualification retenue est celle du
génocide. Se référant à une enquête faite
pendant l'été 2004, dans les dix neuf(19) camps de
réfugiés soudanais au Tchad, le Secrétaire d'Etat
américain Collin Powell qualifie les évènements du Darfour
de génocide en Septembre 2004. Les rebelles sont satisfaits de cette
reconnaissance et réclament une intervention directe de la
Communauté Internationale.
Pourtant, l'attitude de la Communauté Internationale
manque de volonté et est parfois ambiguë. Ainsi la France est
complaisante à l'égard du Gouvernement soudanais en
privilégiant son côté stabilisateur. Les Etats-Unis et le
Royaume-Uni restent très attirés par les intérêts
pétroliers car entre 2003 et 2004, le Soudan a presque doublé sa
production, c'est pourquoi le premier ministre britannique M.Tonny Blair a
déclaré être contre toute intervention militaire au
Darfour. La Chine quand à elle montre un vif intérêt depuis
quelques années et on peut supposer qu'il est dicté par les
intérêts pétroliers.26(*)
Ce conflit provoque un grand mécontentement de la part
des proches du Président tchadien Idriss Déby. Néanmoins
bien comprendre la position particulière du Tchad, il faut absolument
garder à l'esprit que la tribu zaghawa formant la majorité de la
rébellion est à cheval sur la frontière tchado-soudanaise.
De plus,elle a formé l'essentiel des troupes du Président
Déby lors de sa prise du pouvoir par la force en 1990 contre l'ancien
président Hissen Habré,et déjà cette offensive
avait été lancée du Darfour. Même si le
Président tchadien apporte son soutien au gouvernement soudanais,
certaines de ses forces d'élites n'ont pas hésité,
définitivement ou momentanément, à déserter avec
troupes et armement pour combattre auprès de leurs frères
rebelles.
Les organisations non gouvernementales (ONG) travaillant dans
le secteur humanitaire et de protection des droits de l'homme, le Programme
alimentaire mondial(PAM) et le Haut Commissariat aux réfugiés se
plaignent du manque de sécurité qui gène l'exercice de
leur travail. Plusieurs travailleurs humanitaires soudanais ont
été enlevés parce que les milices arabes ne veulent
aucunement qu'ils apportent aliments et soins aux populations
victimisées.
L'une des conséquences locales est le fait de
l'engagement de beaucoup d'hommes dans l'armée rebelle pour combattre
les milices.
Devant toutes ces sortes d'exactions, certains
spécialistes parmi lesquels on remarque M. Marc Lavergne,
spécialiste du Soudan au Centre National de Recherche Scientifique
considèrent que le conflit du Darfour n'est pas racial. Ils retiennent
comme problème majeur, l'ignorance des provinces
périphériques de la capitale dont le Darfour par les
gouvernements médiocres qui se sont succédé et qui
instrumentalisent aujourd'hui des miliciens à des fins
économiques.27(*)
Aujourd'hui, selon les estimations des Nations Unies,la crise
du Darfour a fait entre cent quatre-vingt mille (180.000) et trois cent mille
(300.000) morts et deux millions quatre cent mille (2.400.000)
déplacés et réfugiés. Devant ces estimations nous
pensons que la Communauté internationale se noie dans un verre d'eau
parce que le Darfour n'a pas réellement d'intérêt
stratégique, alors les diplomates se succèdent pour demander au
Président Omar el Béchir d'aider les réfugiés, et
ce comportement, selon notre pensée,est une tempête dans un verre
d'eau, parce que les représentants occidentaux des grandes puissances et
des organisations internationales pourtant interpellés par les
organisations non gouvernementales (ONG) présentes au Darfour, n'ont
accordé assez d'attention au conflit au début.
En revanche, lorsque la crise a pris de l'ampleur, la
mobilisation de la Communauté internationale était
véritable et c'est l'Union Africaine qui est l'élément
focal de cette synergie, à travers son Conseil de Paix et de
Sécurité.
SECTION SECONDE : L'INTERVENTION DU CONSEIL DE
PAIX ET DE SECURITE
Comme nous venons de le dire, c'est l'Union
Africaine qui est l'élément central de la synergie de toute la
Communauté Internationale en ce qu'elle s'est engagée activement
dans la résolution du conflit au Darfour. Nous parlons de synergie parce
que à travers celle-ci la Communauté Internationale a
conjugué assez d'effort parallèlement au Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Union Africaine, ces efforts consistent à
l'appui qu'elle apporte à ce dernier.
Ainsi donc l'analyse ou l'aperçu de l'intervention du
Conseil de Paix et de Sécurité conduit à exploiter la
portée des différentes phases de négociations (paragraphe
I) avant d'aborder la question de l'application des instruments issus de
celle-ci (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFERENTES PHASES DE NEGOCIATION
ET LEURS
RESULTANTES
Le développement de ce paragraphe implique, pour plus
de clarté, que nous dissocions les négociations (A) de leurs
résultats (B).
A- LES NEGOCIATIONS MENEES SOUS L'EGIDE DU CONSEIL
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union
Africaine, s'efforce en général d'amener les parties en conflit
à régler leurs différends par voie pacifique,
conformément à l'article 4a de son Protocole. Mais de la lettre
même de l'article 4e de l'Acte constitutif qui pose au préalable
ce principe de règlement pacifique, celui-ci sous-entend les
différends entre Etats. C'est donc de la pratique que résulte le
souci de l'organisation d'un règlement pacifique des différends
internes aux Etats. Dans cette optique, elle aura donc à charge d'amener
les parties à s'entendre dans le cadre africain, en initiant les
rencontres.
Dans le cadre de la crise du Darfour, plusieurs
négociations ont été organisées dont la tout
première fut un échec, cet échec avait alors
provoqué la recrudescence des combats le 16 décembre 2003,
même si son importance déteint sur les négociations de
l'accord de cessez-le feu de N'djamena d'avril 2004, signé par le
Gouvernement du Khartoum et les deux mouvements rebelles principaux.
Suite à la fin de négociations ayant conduit
à la signature de l'Accord de cessez-le feu, une autre phase de
négociations s'est ouverte en décembre 2004 en vue de la
signature d'un accord de paix à N'djamena entre le gouvernement
soudanais et les rebelle du Mouvement national pour la reforme et le
développement (MNRD) récemment apparu au Darfour. Les
dernières négociations capitales menées sous
l'égide de l'UA sont les pourparlers de paix sur le Darfour. Ces
pourparlers avaient été suspendus momentanément lorsque
les rebelles ont constaté que la médiation de l'organisation
africaine n'a permis aucune amélioration parce que les actes barbares
des milices arabes persistaient. Ils ont repris pratiquement le 29 Novembre
2005 à Abuja après plusieurs reports à la demande des
parties comme l'a indiqué M. Nouridine Mezni, porte -parole de l'UA. Le
premier report a eu lieu pour des raisons logistiques en raison du nombre accru
des interlocuteurs du côté de formations rebelles. Notons que
c'est la septième session des négociations.
Sous l'impulsion du CPS, il y a lieu de noter que plusieurs
accords ont été signés entre le Soudan et le Tchad,
à savoir l'accord stipulant « l'interdiction
d'utiliser le territoire de l'un pour des activités hostiles contre
l'autre » en respect du sacro-saint principe de
non-ingérence repris par l'article 4g de l'Acte Constitutif de l'UA et
l'article 4f du Protocole de création du CPS. Les dirigeants politiques
des deux Etats se sont engagés également à lutter contre
l'instabilité à la frontière Tchado-soudanaise, se pliant
aux principes du respect de la souveraineté et de
l'intégralité territoriale des Etats membres découlant des
dispositions de l'article 4e du protocole. Cependant, cet accord n'a pu
empêcher la rupture des relations diplomatiques entre le Tchad et le
Soudan le 14 Avril 2006 et la fermeture de la frontière avec le
Soudan.
B- LES RESULTANTES DES DIFFERENTES NEGOCIATIONS
Les différentes négociations et pourparlers de
paix relatifs à la crise du Darfour ont un point commun qui consiste
à déboucher sur une solution négociée, capable de
jouer un rôle de réducteur d'ampleur de la crise. Ce
procédé repose sur le consentement des parties et l'organe de
médiation ne peut faire que des propositions, surveiller la pertinence
des débats, apaiser et créer un climat favorable à la
négociation.
Ainsi donc comme nous venons de le dire, les
négociations visent dans la mesure du possible un objectif précis
et dans le cas de l'espèce, les différentes négociations
ont chacune un corps de revendications venant de part et d'autre des parties
protagonistes.
Le premier accord intérieur dans la crise du Darfour
est celui du 08 Avril 2004 prévoyant un cessez-le-feu, l'accès
à l'aide humanitaire et le désarmement des milices arabes. Cet
accord est signé à N'djamena, raison pour laquelle il est
appelé ''accord de N'djamena'' et en outre il a été
initié par le Tchad sous l'inspiration du CPS qui craint qu'une inertie
du Tchad puisse être interprétée comme une subversion.
Le deuxième est l'accord de paix signé à
N'djamena le 17 décembre 2004, entre le gouvernement du Khartoum et les
rebelles du Mouvement national pour la reforme et le développement
(MNRD), récemment apparu au Darfour. Par la suite, le 08 Février
2006, le Soudan et le Tchad signèrent un autre accord stipulant
''l'interdiction à utiliser le territoire de l'un pour des
activités hostiles contre l'autre''. L'apparition de cet accord parmi
ceux qui sont intervenus en vue de la résolution de la crise du Darfour
devrait sans doute être sujette à doute et c'est pourquoi nous
voulons clarifier son importance. Lorsque nous revoyons les différentes
composantes de la population du Darfour, à savoir les
« Fours »,les « Masalits » et les
« Zagawas », cette dernière a joué un
rôle déterminant dans cette crise et a impliqué d'une
manière ou d'une autre, le Tchad indirectement dans le foyer de cette
crise. De facto,tout accord intervenu entre les deux Etats voisins peut avoir
une incidence dans la crise du Darfour et à posteriori lorsqu'il porte
sur ce domaine sensible qu'est le respect de la souveraineté
territoriale,cependant pour plus de précision,il est important de se
référer à nos développement
antérieurs.28(*)
Le troisième accord qui n'est pas encore signé
par tous les mouvements rebelles est le « Projet d'accord
global » présenté par l'Union Africaine après
des mois de négociations laborieuses à Abuja au Nigeria. Cette
réticence de la rébellion a donné l'occasion à la
Communauté internationale de donner un ultimatum jusqu'au 31 mai 2006
aux mouvements rebelles aux fins de les presser à parapher le texte de
l'accord. Notons tout de même que cet ultimatum n'avait pas
été respecté.
In fine, il y a lieu de relever que les yeux sont
tournés vers les formations rebelles en vue de mettre un terme à
cette crise gravissime susceptible de déstabiliser l'Afrique centrale
dans la totalité. Cependant, dans quelle mesure les différents
accords avaient été respectés.
PARAGRAPHE II : UNE APPLICATION LACUNAIRE DES ACCORDS
Il a été d'une certitude indéniable que
dès lors ou les parties à un conflit acceptent, soit sous
l'impulsion d'une organisation et en l'espèce l'UA pour laquelle agit le
CPS ou soit sous celle d'un Etat ou d'une personnalité juridique
quelconque, de s'asseoir autour d'une table pour négocier,
représente une avancée significative vers la paix.
Mais aujourd'hui, face à cette crise qui sévit
au Darfour, nous allons dénier partiellement cette certitude car il ne
suffit pas seulement de prendre part aux négociations ou de parapher un
texte ou l'instrumentum d'un accord pour signifier une avancée dans la
recherche des solutions à une crise mais encore il faut respecter et
appliquer l'accord auquel on est partie.
La crise du Darfour n'a pas encore connu un terme parce
que les parties signataires des différents accords de paix n'ont
guère la volonté d'appliquer les textes qu'elles ont
signés. Cette certitude montre que les parties simulent des engagements
en sachant a priori qu'elles ne respecteraient point parce qu'il existe un
blocage idéal ou conceptuel de la part de chacune d'elles.
En effet, il suffisait de faire un petit
rétrospectif pour se rendre à l'évidence qu'aucune des
décisions prises n'a eu d'effet. L'accord de cessez-le-feu de
N'djaména du 8 avril 2004 conclu entre le gouvernement soudanais et les
deux parties rebelles (MLS et MJE) n'a jamais été respecté
alors qu'il est essentiel à un processus de paix parce qu'en pratique
son respect devrait permettre l'accès des population du Darfour
victimisées, qui ne cessent d'accroître de milliers le nombre de
morts, à l'aide humanitaire, même si le désarmement des
milices Djandjawids prévu par celui-ci est un peu précoce mais
reste encore possible.
Malgré la non observation du cessez-le-feu par
les parties belligérantes, les organismes humanitaires (Haut
Commissariat aux Réfugiés, Programme Alimentaire Mondial) et les
organisations non gouvernementales travaillant dans le secteur humanitaire
(médecins sans frontières....) ont pris le risque d'apporter
leurs contributions aux populations déplacées dans un
environnement particulièrement hostile. Leur tâche est
particulièrement délicate car elle consiste à
protéger les déplacées dans une région où le
danger est omniprésent, et même la distribution de l'aide
s'avère une tâche à la limite du possible. Pour
éviter le pire pour ses agents, une carte actuelle du Darfour est
établie par les Nations Unies, celle-ci divise la région en trois
zones (zone dangereuse, zone très dangereuse et zone extrêmement
dangereuse).Une pléthore d'obstacles entravent les efforts
déployés par les organisations humanitaires pour secourir les
victimes de la crise, et cela prouve une fois de plus qu'il est inconcevable
pour ne pas dire périlleux, de prêter une assistance humanitaire
en pleine zone d'hostilités.
Quant à l'accord intervenu le 17 décembre 2004
entre le mouvement national pour la réforme et le développement
(MNRD) et le gouvernement soudanais, il est important de noter que cet accord
de paix est partiel et bilatéral et ne peux, par conséquent,
avoir un effet global sur le processus de paix au Darfour. A l'inverse,l'accord
du 8 février 2006,signé entre le Tchad et le Soudan prohibant
toute utilisation du territoire de l'un des Etats pour des activités
hostiles à l'autre,devrait représenter un espoir en vue d'une
sortie de crise. Mais malheureusement la date du 14 avril 2006, marquant la
rupture des relations diplomatiques et la fermeture des frontières
soudano tchadiennes parce que le Tchad avait accusé le Soudan de
soutenir les rebelles tchadiens qui ont lancé une offensive sur
N'djaména, et par conséquent motivé le retrait du Tchad le
16 avril 2006 des négociations sur le Darfour qui se tenaient au
Nigeria, ont à suffisance prouvé que cet accord est sans
lendemain.
Enfin, le projet d'accord global présenté par
l'Union Africaine le 26 avril 2006 représente le fer de lance d'un
véritable processus de paix sur la crise du Darfour, mais force est de
constater que les formations rebelles sont réticentes là-dessus.
Alors, puisque l'accord n'est pas encore paraphé par toutes les parties,
nous ne pouvons pas nous prononcer sur son application même si elle est
incertaine.
Le CPS de l'Union Africaine s'est beaucoup impliqué
dans la résolution de la crise du Darfour par des voies diverses, en sus
de son implication dans la réunion des conditions de négociations
en vue d'une solution concertée. Cependant, en outre de sa participation
active au déroulement des pourparlers, l'Union Africaine dispose d'une
force de paix au Darfour dont les résultats seront également
appréciés dans la seconde partie de notre travail.
L'engagement du Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Union Africaine dans le processus de paix relatif
au conflit du Darfour atteste du désir de celui-ci de jouer un plus
grand rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité en
Afrique conformément à l'esprit de son protocole de
création, et par là même, à la lettre des objectifs
à lui assignés par l'Acte Constitutif de l'Union Africaine. La
Déclaration d'engagement en faveur de la paix et de la
sécurité en Afrique, faite par les Chefs d'Etats et de
Gouvernement des Etats membres du Conseil de Paix et Sécurité
lors du lancement solennel de ce dernier est assez significative. Elle se
résume en ces termes: « nous nous engageons à faire
en sorte que nous soyons toujours les premiers à agir face aux conflits
sur le continent. Nous sommes conscients que cette entreprise doit être
appuyée par les ressources et l'engagement de nos Etats membres, avec le
soutien actif et total des nos peuples et de nos partenaires
internationaux...nous sommes résolus à éliminer les causes
des conflits, et ce de manière systématique et holistique. Nous
ne reculerons pas devant des actions décisives pour relever les
défis auxquels le continent est confronté. Désormais, il
n'y aura plus de conflits sur notre continent qui sera considéré
comme étant hors du champs d'intervention de l'Union Africaine.
Lorsqu'il y'a de graves violations de droits humains, des crimes contre
l'humanité et des cas de génocide, notre Conseil de Paix et de
Sécurité doit être le premier à condamner et
à agir promptement, conformément à la lettre et à
l'esprit de l'Acte constitutif de l'Union Africaine et des autres instruments
pertinents.» 29(*)
En plus de cet engagement profond du Conseil, tout
porte à croire que l'atteinte de ces objectifs dépend du soutien
concret des Etats africains en faveur du Fonds pour la paix de l'UA et d'un
accroissement de la contribution statutaire prélevée du budget
ordinaire de l'Union. Elle dépend enfin de la disposition des troupes et
d'observateurs en nombre suffisant pour un déploiement rapide, à
chaque fois que requise.
Se rapportant au cas de l'espèce,
c'est-à-dire à la crise du Darfour, deux points retiendront notre
attention, d'abord la présence de la force de paix de l'Union Africaine
et ses efforts dans la résolution de cette crise et enfin les
insuffisances de cette force et une prospection future.
Les deux points ainsi soulevés feront
respectivement l'objet du premier et du second chapitre de la seconde partie de
ce travail.
CHAPITRE PREMIER
LA MISSION DE L'UNION AFRICAINE AU SOUDAN:
Une initiative courageuse
L'Union Africaine s'est engagée activement dans la
résolution du conflit au Darfour en déployant près de sept
mille (7000) soldats africains sur le terrain. Cette mission de peacekeeping,
gérée par l'Union Africaine est la première dans le cadre
d'une institution africaine. Il est nécessaire de préciser que sa
mise en place a eu lieu grâce à l'appui de l'Union
Européenne, des Etats-Unis d'Amérique et du Canada. Cette mission
de paix s'appelle la MUAS, c'est-à-dire ``Mission de l'Union Africaine
au Soudan.''
Notre analyse sur cette force, pour être
complète, va s'articuler autour de deux parties : la
présentation de la MUAS dans tous ses aspects fera l'objet de notre
première section et tandis que nous essayerons de montrer dans la
seconde section les résultats obtenus dans la résolution de la
crise au Darfour grâce à la contribution de la MUAS.
SECTION PREMIERE : PRESENTATION DE LA MUAS.
La présentation de la MUAS induit la
distinction entre les circonstances qui ont conduit à sa naissance
(paragraphe 1) et les questions de sa composition et de son mandat (paragraphe
2).
PARAGRAPHE I : L'HISTORIQUE DE LA NAISSANCE DE LA MUAS.
Nous distinguerons la MUAS I de la MUAS II afin de rendre
plus facile la compréhension des contextes.
A - LE CONTEXTE DE LA MUAS
I
Le 8 avril 2004, sous les auspices du Président
tchadien Idriss DEBY et le Président de la Commission de l'UA, et en
présence des observateurs et facilitateurs internationaux, les parties
soudanaises ont signé un accord de cessez-le-feu humanitaire sur le
conflit du Darfour ainsi qu'un protocole sur la mise en place de l'assistance
humanitaire aux populations du Darfour. Conformément à cet
accord, les parties se sont convenues entre autres:
- de cesser les hostilités et de proclamer un
cessez-le-feu ;
- de mettre en place une commission de cessez-le-feu qui fera
rapport à une commission conjointe ;
- de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire au
Darfour ; et enfin
- de conjuguer leurs efforts en vue d'établir une paix
globale et définitive au Darfour.
Après une mission de reconnaissance conduite par l'UA
et incluant tous les partenaires,qui a visité le Darfour du 7 au 16 mai
2004,des recommandations ont été faites pour la mise en place de
la commission de cessez-le-feu,le déploiement d'observateurs et
d'éléments militaires pour assurer leur protection. Le 28 mai
2004, les parties soudanaises ont signé un accord sur les
modalités de la mise en place de la commission de cessez-le-feu et le
déploiement d'observateurs militaires dans la région du Darfour.
Conformément à cet accord, il a été
décidé de déployer 60 observateurs militaires (MILOBs)
et 300 militaires chargés d'assurer leur protection, ainsi que des
observateurs des parties soudanaises. Il a été également
convenu que des représentants de la Communauté Internationale,
à savoir ceux des Etats membres de l'Union Européenne, des
Etats-Unis, etc. participent à cette mission.
Le 9 juin 2004, la commission de cessez-le-feu et le premier
groupe d'observateurs ont été installés à
El-Facher. Pendant ce temps, la situation humanitaire et sécuritaire
continuait à se détériorer au Darfour, et il est
rapidement devenu évident que les 60 observateurs de l'UA étaient
peu nombreux et insuffisamment repartis sur le terrain pour mener à bien
leur mandat, et ce, dans un contexte marqué par l'accroissement des
violations du cessez-le-feu. La décision de la 3ème session
ordinaire de la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA
tenue à Addis-Abeba du 6 au 8 juillet 2005, de porter à 80 le
nombre des observateurs militaires de l'UA ne pouvait changer la situation de
façon significative.
L'effectivité du déploiement initial de la MUAS
a été limitée aussi bien par sa taille
réduite que par les défis logistiques
rencontrés sur le terrain. Le petit nombre d'observateurs du Darfour,
quelque fût leur efficacité et leur dévouement ne pouvait
assurer une surveillance réelle sur un territoire aussi grand et
particulièrement dans un contexte où les parties n'avaient pas
rempli leurs obligations aux termes de l'accord de cessez-le-feu humanitaire
qu'ils ont signé.
B - LE CONTEXTE DE LA MUAS II
Le Gouvernement soudanais, les mouvements
armés et la communauté internationale dans son ensemble ont
indiqué que la MUAS1, compte tenu de sa faible capacité, ne
pouvait mener à bien, et dans les délais impartis, les
tâches qui étaient les siennes. A cause de ces facteurs, le
sentiment général était que la MUAS1 devrait être
renforcée.
C'est à la lumière de ce qui
précède que la 13ème réunion du CPS ténue le
27 juillet 2004 a demandé au Président de la Commission de
préparer et de lui soumettre pour examen, un plan global sur la
meilleure façon de renforcer l'efficacité de la MUAS sur le
terrain, y compris la possibilité de la transformer en une
opération de maintien de la paix à part entière
dotée du mandat et des effectifs requis pour assurer la mise en oeuvre
de l'accord de cessez-le-feu, avec un accent particulier sur le
désarmement et la neutralisation des milices Djandjawids, la protection
de la population civile et la facilitation de l'acheminement de l'assistance
humanitaire.
Le plan fut ultérieurement formulé par la
commission, avec l'assistance des Nations Unies et d'autres partenaires. Ce
plan appelé MUAS II, transforme la nature, la portée et la
composition de la mission et demande le renforcement du mandat et les effectifs
des observateurs militaires et de la force de protection. Le plan a
été approuvé par le CPS lors de sa 17ème
réunion tenue le 20 octobre 2004. Le CPS a décidé
que : « la MUAS II comprenne un effectif de 3320 personnels,
y compris 2341 personnels militaires dont 450 observateurs, jusqu'à 815
policiers civils, ainsi que le personnel civil approprié. Cette mission
ainsi renforcée sera dirigée par un représentant
spécial du président de la commission, chargé d'assurer la
direction et la coordination d'ensemble des activités de la mission et
de maintenir des contacts étroits avec l'ensemble des parties, ainsi
qu 'avec les Nations Unies et l'ensemble des autres acteurs
concernés, en vue d'assurer l'harmonisation et la coordination des
efforts ».
Voilà de manière succincte,
l'énoncé complet de l'historique de la MUAS.
Lorsqu'on connaît cependant, les problèmes qu'ont
les Etats africains en matière de défense, on n'ignore tout de
même pas les difficultés qu'aura le CPS de l'Union à
rassembler l'effectif nécessaire pouvant satisfaire le mandat de la MUAS
au Darfour.
Alors quelles sont les possibilités de réunion
des effectifs?
PARAGRAPHE II : LA COMPOSITION ET LES ATTRIBUTIONS DE
LA MUAS
L'analyse de ce paragraphe va s'articuler autour de la
composition (A) et des attributions (B) de la mission de paix au Darfour.
A - LA COMPOSITION DE LA MUAS
La MUAS est composée de personnels fournis pour la
plupart par les Etats africains à l'exception des USA qui ont
donné un policier.
Selon les dispositions de l'art.13. al. 2 du Protocole de
création du CPS relatives à la composition de la force africaine
prépositionnée «les Etats membres prennent les mesures
nécessaires pour mettre en place des contingents
prépositionnés pour participer aux missions d'appui à la
paix décidées par le CPS... les effectifs et la nature de ces
contingents sont déterminés conformément aux règles
de procédure opérationnelles.»
Cependant, les pesanteurs militaire, sociale et
politique varient d'un Etat membre à un autre portant ainsi un coup dur
à la possibilité de participation de tous les Etats africains
puisque lorsque les circonstances l'exigent,le CPS peut demander aux Etats
fournisseurs de contingents,et ce sur proposition du président de la
commission,soit de fournir à leurs éléments
l'équipement nécessaire pour les opérations(art.13 al.17a
du protocole), soit de prendre en charge le coût de leur participation
pendant les trois premiers mois sous réserve d'un remboursement par
l'Union (art.21 al.6-7 du protocole).
C'est ainsi que vingt et neuf Etats africains ont pourvu la
MUAS de contingents, conformément aux dispositions du protocole de
création du CPS. Ces Etats ont fourni environ sept mille (7000) hommes
à la MUAS dont 4915 militaires, 601 observateurs militaires et 1417
policiers.30(*)
Le commandement suprême de la MUAS est assuré
par le Représentant Spécial de l'Union Africaine, l'Ambassadeur
Baba Gana KINGIBE (nationalité nigériane) nommé le 10
novembre 2004. À ce titre, il assurera la direction d'ensemble et la
coordination des activités de la MUAS et maintiendra des contacts
étroits avec les parties soudanaises ainsi qu'avec les Nations Unies et
les autres parties concernées, conformément à l'accord de
cessez-le-feu du 8 avril 2004.A titre informatif, notons que cette fonction
s'ajoute aux responsabilités qu'il assume comme envoyé
spécial de l'UA dans les négociations de paix entre le nord et le
sud soudan à Naivasha (Kenya).
Quant au commandement militaire, il est assuré par le
général Festus OWKONKO.
B - LES ATTRIBUTIONS
DE LA MUAS
Avant d'aborder le vif de notre objet de réflexion, il
est important de rappeler fidèlement les dispositions de l'Accord de
cessez-le-feu de N'djaména du 8 avril 2004 et l'esprit de la
décision du CPS de l'UA sur le mandat de la MUAS.
Conformément à ces deux textes, la MUAS II a
pour mandat de :
- surveiller et observer le respect de l'accord de
cessez-le-feu humanitaire du 8 avril 2004 ainsi que de tous les accords
subséquents;
- aider à la restauration de la confiance entre les
parties belligérantes ; et
- contribuer à l'instauration d'un environnement
sécurisé pour permettre l'acheminement de l'assistance
humanitaire et, au-delà, le retour des personnes déplacées
et des réfugiés, en vue de renforcer le respect de l'accord de
cessez-le-feu humanitaire par toutes les parties et de participer au
renforcement de la sécurité sur l'ensemble du Darfour.
La mise en oeuvre d'un tel mandat confère
à la MUAS le pouvoir ou la mission d'assurer le respect dudit accord par
chacune des parties, c'est ce qu'on appelle observation et/ou de maintenir les
parties séparées afin d'éviter les affrontements ou la
reprise des hostilités:c'est l'interposition.
Se référant à l'article 14 al.2 du
protocole qui définit les attributions de la force africaine pendant les
hostilités, il en découle que « dans les zones
oû prévaut une paix relative, priorité doit être
donnée à la mise en oeuvre de politiques visant à
arrêter la dégradation des conditions sociales et
économiques découlant des conflits ».
L'alinéa suivant préconise la consolidation d'accords de paix
qui ont déjà été conclu afin de faciliter la
réinstallation et la réintégration des
réfugiés et des personnes déplacées.
Ces dispositions réaffirment de nouveau la
pertinence des attributions de la MUAS car on ne peut accepter que les parties,
suite à un accord auquel elles ont souscrit puissent se
méprendre. Les fonctions de la MUAS sont ardues en ce qu'elle assure
seule et en dépit de sa taille une tâche aussi significative.
Cette force sera adéquatement équipée pour entreprendre
des activités humanitaires dans ses zones de mission. Au volet
humanitaire, comme le dit si bien le texte de l'accord, la MUAS doit permettre
ou faciliter l'accès des humanitaires aux personnes
déplacées et aux réfugiés afin de leur porter
assistance (distribution de vivres, assistance sanitaire...), et la protection
des civils.
En général, la MUAS doit disposer d'une
volonté et de la détermination afin d'inciter les parties
à respecter leurs engagements puisque du respect des accords conclus
dépendra en grande partie la réussite de la mission africaine au
Darfour dont on peut déjà remarquer quelques résultats
positifs.
SECTION SECONDE : LES RESULTATS OBTENUS PAR LA
MUAS DANS LA
CRISE DU DARFOUR
Dans cette section, nous montrerons successivement les
résultats obtenus par la MUAS au plan humanitaire (paragraphe premier)
et les avancées relatives au processus de rétablissement de la
paix (paragraphe second) dans la région du Darfour.
PARAGRAPHE I : LES RÉSULTATS AU
PLAN HUMANITAIRE
L'énoncé des résultats au plan
humanitaire bifurque, par souci de clairvoyance, pour s'orienter d'une part
vers l'acheminement de l'aide humanitaire (A) et d'autre part vers la
protection des civils (B) dans la région du Darfour.
A - L'ACHEMINEMENT DE L'AIDE
HUMANITAIRE
Il n'y a point de doute que l'acheminement de l'aide
humanitaire, et surtout dans le contexte du Darfour soumis à une
politique de terre brûlée, prend d'abord en compte la question du
droit à l'alimentation prévu par le droit positif national par
une obligation alimentaire entre les membres d'une même famille, mais
également dans de nombreux textes internationaux.
En période de conflit, le droit humanitaire
règlemente l'usage de l'arme alimentaire et organise les secours
alimentaires aux populations civiles. Il interdit, l'usage de la famine comme
méthode de combat, la destruction des cultures et des biens essentielles
à la survie de la population et impose le libre passage du
ravitaillement dans les zones assiégées, notamment celui
destiné aux femmes, enfants, et vieillards, le libre passage des secours
alimentaires quand la population civile souffre des privations excessives et la
fourniture de nourritures est insuffisantes pour les personnes détenues
et internées.
Ainsi donc, il faut affirmer que «l'assistance
humanitaire a été une des seules réponses efficaces que le
monde ait mis en place contre la sauvagerie au Darfour. Au lieu de soigner la
blessure, le monde a préféré mettre un sparadrap sur une
hémorragie ouverte »31(*)
L'auteur de cette citation n'a pas fait une
affirmation gratuite car il y a environ quatorze mille (14000) travailleurs
humanitaires au Darfour, pour la plupart soudanais, qui sont plus ou moins
soutenus par les troupes de la MUAS contre les nombreuses attaques dont-ils
font l'objet de la part des milices Djandjawids surtout et ajoutons à
cela l'obstructionnisme croissant du Gouvernement soudanais qui menacent de
mettre fin aux efforts d'assistance humanitaire.
Au cours des deux dernières années,
l'assistance humanitaire avait permis de réaliser d'énormes
progrès sur le front humanitaire. Alors qu'en 2004, il n'y avait que
deux cents trente (230) travailleurs humanitaires pour assister 350000
personnes, il y en a dix fois plus pour aider la moitié de la population
du Darfour. Ces efforts ont permis entre autres de réduire des deux
tiers le taux de mortalité parmi les populations déplacées
tout en réduisant de moitié le taux de malnutrition en 2005.
Cependant, relevons que cette protection
apportée aux travailleurs humanitaires ne couvre pas toute la
région mais permet d'atteindre quarante pour cent (40%) de la
population. L'accord de cessez-le-feu et le mandat de la MUAS II qui ont
prévu une participation active de celle-ci aux efforts humanitaires,
bien que respecté à moitié, donne l'exemple d'un
succès relatif.
Qu'en est-il cependant, de l'application du volet
relatif à la protection des civils?
B - LA PROTECTION DES CIVILS PREVUE DANS LE MANDAT DE
LA MUAS II
La protection des personnes est assurée par le droit
national et international. Elle s'entend donc de toutes les mesures
concrètes qui permettent de faire bénéficier les personnes
en danger des droits et des secours prévus pour elles par les
conventions internationales. Dans une situation telle que
présentée au Darfour, la protection de l'Etat national ne suffit
plus aux personnes en danger, et dans le cas de l'espèce où elle
n'existe pas, les populations du Darfour sont exposées à
l'autorité de l'une des parties belligérantes et en l'occurrence,
celle des milices Djandjawids. C'est au regard de toutes ces
considérations que la protection des civils dans la région du
Darfour a été confiée à la MUAS par l'Accord de
cessez-le-feu humanitaire du 8 avril 2004, mais quelles sont les
résultantes de cette habilitation à l'heure actuelle.
Le volet du mandat de la MUAS qui concerne la protection des
civils est,sans doute,le plus important pour le CPS de l'Union et qui puisse
nécessiter le déploiement d'une force aux fins de s'assurer du
respect de l'Accord de cessez-le-feu. Cependant, malgré sa bonne
volonté et au regard de la qualité et de la quantité des
soutiens qui lui sont actuellement offerts et promis, l'Union Africaine ne peut
mettre fin à la crise du Darfour.
Du fait de sa dilution dans des contraintes politiques, il
ne permet que la protection des civils qui se trouvent dans l'environnement
immédiat des positions de la MUAS et dans les limites de ses ressources
et de ses moyens. De surcroît, la MUAS ne peut pas prendre toutes les
mesures utiles pour la protection des civils parce qu'elle dépend de la
coopération du Gouvernement de Khartoum et autre motif, sa taille ne lui
permet pas de s'interposer efficacement entre les milices Djandjawids et leurs
victimes, ni de protéger les civils sur toute l'étendue de la
région ainsi que les interventions humanitaires vitales pour les deux
millions (2 000 000) des réfugiés du Darfour.
Les limites de cette force de maintien de la paix se montrent
à plusieurs niveaux. Primo, elle est la cible de certains mouvements
rebelles mécontents de la quasi inefficacité de la MUAS
d'où sa victimisation lors d'une embuscade qui avait fait quatre morts
parmi lesquels deux soldats et deux employés civils en octobre 2005.
Secundo, l'enlèvement des trente et huit membres de la MUAS au courant
de la même année montre à suffisance à quel point
la MUAS est vulnérable car est utilisée par certains groupes
comme un moyen de pression sur la Communauté Internationale.
Alors, si les parties soudanaises n'avaient pas
véritablement respecté leurs engagements vis-à-vis de
l'Accord de N'djaména, ce qui a eu pour conséquence de vouer a
priori à l'échec les efforts inlassables de la MUAS.
Pourraient-elles faire renaître de l'espoir d'une résolution de la
crise? Car, même pour le Secrétaire Général des
Nations Unies, M.Kofi ANNAN, il est fermement établi que
« la seule solution pour mettre un terme à ce conflit
dévastateur passe par l'application de l'Accord de paix pour le Darfour
et par les décisions du CPS de l'Union
Africaine. »32(*)
Quels sont alors les résultats
applicables pouvant favoriser une issue à la crise du Darfour?
PARAGRAPHE II : LES RESULTATS RELATIFS À LA
RÉSOLUTION DE
LA CRISE DU DARFOUR
Parler d'une résolution dans la crise du
Darfour paraît trop ambitieux, c'est pourquoi nous nous attacherons aux
différentes tentatives de règlement négocié (A) et
à l'importance du Projet d'accord introduit par l'Union Africaine
(B).
A - LES TENTATIVES D'UN REGLEMENT
NEGOCIE
La guerre civile qui sévit au Darfour depuis
février 2003 ne peut connaître une solution militaire et c'est
pourquoi le Conseil de Sécurité des NU rappelle aux parties
que « toute solution durable à la crise au Darfour
ne peut passer que par un règlement négocié,
précisant que tous les efforts devraient être faits pour amener
les parties à la table »33(*) des négociations. La MUAS pour sa part, en sus
de ses obligations sur le théâtre des évènements,
maintient des contacts étroits avec les parties soudanaises ainsi
qu'avec les Nations Unies et les autres parties concernées par
l'intermédiaire de son Chef et Représentant Spécial de
l'UA, l'Ambassadeur Baba Gana KINGIBE.34(*)
Ces contacts ont permis la ténue, depuis le
23 août 2004 à Abuja (Nigeria),des pourparlers de paix
inter-soudanais sur la crise du Darfour,sous les auspices de l'UA et avec le
soutien de ses partenaires. C'est ainsi que le CPS, lors de sa 16ème
Session ténue le 17 septembre 2004 à Addis-Abeba (Ethiopie),
appelle les parties à apporter leur entière coopération
à l'UA, à demeurer engagées dans le processus de
négociations et à oeuvrer avec détermination à un
règlement politique global et durable au conflit du Darfour.
La volonté de l'UA quant à une issue
par rapport à cette crise ne s'est arrêtée à de
simples expressions de regret suite à la persistance d'une crise aussi
dévastatrice. Par contre, l'UA a joué un rôle significatif
dans la conciliation des parties par le biais de son envoyé
spécial aux pourparlers de paix inter-soudanais, M.Salim Ahmed
SALIM.35(*)
Ces pourparlers ont favorisé la signature, le
17 décembre 2004, d'un Accord de paix entre le Gouvernement de Khartoum
et les rebelles du Mouvement National pour la Réforme et le
Développement (MNRD), récemment apparu au Darfour ainsi que celle
d'un Accord signé entre le Tchad et le Soudan le 8 février 2006,
qui a pour objectif de garantir la souveraineté respective des deux
Etats.
Ces diverses tentatives sont vouées à
l'échec du fait de l'inobservation des engagements pris par les parties
signataires, portant ainsi une entorse grave au principe du
« pacta sunt servanda ».
In fine, il n'y a plus qu'une seule alternative
tentante offerte par le Projet d'Accord global présenté par l'UA
après plusieurs mois de négociations laborieuses à Abuja.
B - LE PROJET D'ACCORD GLOBAL DE L'UNION
AFRICAINE : L'ULTIME ESPOIR
L'Union Africaine joue aujourd'hui un rôle de premier
plan dans l'aboutissement des pourparlers de paix inter-soudanais qui se sont
déroulés depuis le 23 août 2004 à Abuja au Nigeria.
L'apport concret issu de ces négociations découle ou plutôt
se résume au projet d'accord global proposé par l'union africaine
le 26 avril 2006 aux parties soudanaises. Le texte de ce projet, du fait qu'il
rassemble les revendications multiformes des parties, bénéficie
du crédit de la Communauté Internationale qui donne un
délai au Gouvernement soudanais et aux rebelles pour signer ledit accord
afin de permettre le retour d'une paix véritable et durable.
Rappelons que les mouvements rebelles ont
réclamé une répartition équitable du pouvoir et des
richesses ainsi que le désarmement des milices Djandjawids. Quelques
jours après la présentation du Projet d'Accord global, les
rebelles expriment le 29 avril 2006 des réticences sur les dispositions
dudit accord alors que le Gouvernement se dit prêt à signer en
dépit des réserves.
La signature de cet accord n'interviendra que plus tard, le
5 mai 2006 entre le Gouvernement et la branche majoritaire du plus important
mouvement rebelle du Darfour, l'Armée de Libération du
Soudan(ALS), auxquels se sont joints le 8 juin 2006, une trentaine de
commandants et de représentants politiques des branches dissidentes de
la faction minoritaire du Mouvement /Armée de Libération du
Soudan(M/ALS) et du Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE) qui ont
signé une « déclaration d'engagement en faveur de
l'accord de paix sur le Darfour ».
Cet accord représente un espoir pour la Mission de
l'Union Africaine au Soudan de voir l'aboutissement de ses efforts avant
l'expiration de son mandat prévue pour la fin de l'année 2006,
à condition d'une application effective de celui-ci par les parties. Et
la mise en oeuvre de cet accord « impliquera de renforcer
immédiatement la présence de la Mission de l'Union Africaine au
Soudan sur le terrain » comme le souligne M. Jan Egeland, mais
également de s'interroger sur les garanties qu'offre le Gouvernement
quant au désarmement des milices Djandjawids qui ouvrirai la voie
à un éventuel remplacement de la Mission de l'Union Africaine au
Soudan par une force onusienne jouissant d'un mandat à la taille des
exigences de la situation humanitaire plus que criante qui prévaut dans
la région du Darfour.
Au terme de cette réflexion sur les
résultats mitigés obtenus par la Mission de l'Union Africaine
déployée par le Conseil de Paix et de Sécurité, il
demeure plus de questionnements que lors de notre entrée dans le vif du
cadre de réflexion. Ces questionnements tiennent à relever les
insuffisances constatées dans le fonctionnement de la Mission de l'Union
Africaine au Soudan et les palliatifs qu'on pourrait apporter à cette
structure du Conseil de Paix et de Sécurité.
CHAPITRE SECOND
LES INSUFFISANCES DE LA MUAS ET LES
SUGGESTIONS POUR SON RENFORCEMENT
La force de maintien de la paix de l'Union Africaine (MUAS)
déployée au Darfour en application de l'Accord de cessez-le-feu
humanitaire signé le 08 Avril 2004 à N'djamena, ayant
principalement des tâches d'observation et de vérification du
respect de cessez-le-feu a des problèmes sérieux dans
l'application de son mandat. L'initiative de déploiement de cette
première mission de peacekeeping gérée par une institution
africaine a été saluée par toute la Communauté
Internationale. Malgré tous les efforts, la MUAS manque de ressources
humaines et financières à la taille de ses attributions,
lesquelles si elles ne sont pas comblées mettront à mal la
réussite de ce véritable exploit africain. Ces insuffisances
seront étudiées dans la première section de notre chapitre
avec un soin particulier.
Puisque cette mission rencontre plusieurs difficultés,
existe t-il des voies qui puissent accroître son efficacité ?
La réponse figurera dans les suggestions qui constitueront la trame de
notre seconde section.
SECTION PREMIERE : LES INSUFFISANCES DE LA
MUAS
Nous analyserons successivement dans cette section
première les insuffisances liées au moyen de fonctionnement de la
MUAS (Paragraphe I), et celles liées à ses efforts de
rétablissement de la paix au Darfour (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES INSUFFISANCES EN MOYENS DE
FONCTIONNEMENT
L'énoncé des insuffisances en moyens humains et
logistiques (A) précédera celui des insuffisances
financières (B).
A - LES INSUFFISANCES EN MOYENS HUMAINS ET
LOGISTIQUES
La MUAS présente une grande faiblesse parce qu'elle ne
possède pas les moyens requis pour prévenir d'urgence la mort et
le massacre de dizaines de milliers de Soudanais dans ce conflit qui dure
depuis trois ans. Cette inconsistance concerne beaucoup plus les moyens humains
et logistiques.
Concernant les moyens humains, remarquons que le nombre 7500
soldats, depuis le mois d'Avril 2005, ne peut couvrir toute l'étendue de
la région du Darfour (490 000 km2) et de pouvoir s'interposer
efficacement entre les milices Djandjawids et leurs victimes, ni de
protéger les civils et les interventions humanitaires vitales pour les
deux millions de réfugiés de Darfour. Notons que seule la branche
armée du Mouvement de Libération du Soudan (MLS), l'Armée
de Libération du Soudan dispose d'une armée estimée
à dix mille (10 000) hommes, soit approximativement la MUAS
représente les deux tiers (2/3) de l'ALS, et ce sans prendre en
considération les troupes des autres mouvements rebelles. Alors, rien
n'est aussi dubitatif que la possibilité de la MUAS de s'interposer ou
d'observer efficacement le cessez-le-feu et en cas d'urgence obliger la partie
provocatrice à respecter le cessez-le-feu.
En moyens logistiques, nous pensons que la MUAS n'a pas
beaucoup de problèmes depuis que le Gouvernement soudanais a levé
son opposition sur l'importation et l'utilisation par la MUAS de 105
véhicules armés de transport de troupes (APC) en 2005, offre de
l'OTAN et de l'Union Européenne. En plus de cette offre logistique, les
pays européens accordent des séances d'entraînement aux
forces de l'UA.
Les insuffisances présentées par la MUAS ne se
limitent pas seulement au plan humain et logistique, mais bien au contraire
elles s'étendent jusqu'au plan financier.
B - LES INSUFFISANCES FINANCIERES
Le nerf de la guerre, au chevet de la paix : voilà
le contraste qui illustre l'importance de moyens financiers pour
l'aboutissement de la mission de maintien de la paix de l'UA au Darfour.
En effet, l'UA connaît de manière chronique, des
difficultés financières générée par le non
versement des contribution des Etats au budget de l'Union et au Fonds da la
paix. Il suffisait de se rendre compte que beaucoup de pays africains
parviennent difficilement où pratiquement pas à verser
régulièrement, ne fusse que les salaires, bourses et pensions
pour voir profiler à l'horizon les signes précurseurs d'un non
versement de leur contribution à l'Union, et encore moins au Fonds de la
paix. Pour certains, ce prestige est réservé aux Etats ayant
connu une croissance économique mondialement reconnue.
Cela a pour conséquence, le fait que l'UA s'est
beaucoup plus tournée vers ses partenaires et la Communauté
Internationale afin de solliciter de l'aide nécessaire pour le
traitement des soldats de la MUAS. L'UE est le premier contributeur cent
treize millions (113 000 000) d'Euros devant les Etats-Unis qui ont
éliminé leur prévision budgétaire de cinquante
millions (50 000 000) de Dollars destinée aux troupes de la
MUAS. La suppression de l'aide américaine par le Congrès en
décembre 2005 a eu des répercussions néfastes sur le
fonctionnement de la MUAS depuis le début de l'année 2006, ce
qui nécessite la recherche de nouveaux partenaires par le
Président de la Commission.
Récemment l'UA a affirmé ne plus disposer de
fonds suffisants pour payer au-delà d'octobre 2006 les 7 000
soldats déployés au sein de la MUAS au Darfour parce que la
dernière Conférence des donateurs n'avait fourni en Juillet 2006
que 181 millions de Dollars et que « cette somme ne suffira que
jusqu'à la mi-octobre » selon les propos du
Président de la Commission de l'Union Africaine.
Aujourd'hui, face à ces diverses difficultés,
l'urgence d'une relève de la MUAS par une mission onusienne
bénéficiant d'un mandat plus consistant est évidente pour
un rétablissement définitif de la paix dans cette
région.
PARAGRAPHE II : UNE APPLICATION LACUNAIRE DU
MAINTIEN
DE LA PAIX
Dans ce paragraphe, nous montrerons d'abord la nature de la
MUAS, eu égard à son mandat (A) avant de dégager les
insuffisances du CPS dans la recherche d'une solution à la crise du
Darfour (B).
A - LA MUAS : UN MAINTIEN DE LA PAIX
CLASSIQUE
L'évolution de la pratique onusienne en matière
de gestion de conflits distingue trois types d'opérations de maintien de
la paix : à savoir les opérations de maintien de la paix
classiques où de première génération, les
opérations de 2nde génération et celles de
troisième génération. Mais dans cette réflexion,
c'est la première qui retiendra notre attention.
En effet, les opérations de maintien de la paix
classiques s'inscrivent dans des limites étroites tant dans leurs
principes que dans leurs actions, c'est ainsi que trois principes gouvernent
ces interventions, à savoir le consentement des parties,
l'impartialité et le non-usage de force.
Le consentement des parties implique que le déploiement
d'une force ne peut se faire qu'avec l'accord de l'Etat sur le territoire
duquel elle va s'installer. Ensuite, l'impartialité signifie que
l'opération de maintien de la paix ne préjuge en rien des droits,
des prétentions ou de la position des parties en conflit. Et enfin, le
non-usage de la force interdit aux casques bleus l'utilisation de leurs armes,
sauf en cas de légitime défense.
Le rappel du mandat de la MUAS la classe de facto parmi ces
types d'interventions dont les actions sont de deux ordres, à savoir
l'interposition entre les parties au conflit et l'observation du
cessez-le-feu.
Ainsi, la MUAS a pour mandat de :
a- surveiller et d'observer le respect de l'accord
humanitaire de cessez-le-feu du 08 Avril 2004 ainsi que de tous les accords
subséquents ;
b- aider à la restauration de la confiance entre les
parties ;
c- contribuer enfin à l'instauration d'un
environnement sécurisé pour permettre l'acheminement de
l'assistance humanitaire et, au-delà, le retour des personnes
déplacées et des réfugiés, en vue de renforcer le
respect de l'accord de cessez-le-feu humanitaire par toutes les parties et de
participer au renforcement de la sécurité sur l'ensemble du
Darfour.
En effet, le CPS accomplit une mission paradoxale au mandat de
la MUAS parce que en plus du maintien de la paix, elle doit aider les parties
à trouver un accord politique global et aussi protéger les civils
au Darfour. Ce qui devrait faire de la MUAS une mission de maintien de la paix
de troisième génération incluant la possibilité de
l'usage de la force pour faire plier les parties à leur engagement.
Quelles sont donc les limites de la MUAS ou du CPS dont les
recherches de solutions à la crise du Darfour ?
B - LES LACUNES DU MAINTIEN DE LA PAIX
Les insuffisances du maintien de la paix ne sont pas
imputables qu'à la MUAS seule mais également aux parties qui se
sont toujours permis de signer des accords sans en respecter les dispositions.
Cependant la réussite de la MUAS dépend beaucoup de l'engagement
pratique du Gouvernement soudanais qui est encore insuffisant, et comporte une
intention vicieuse. Cette mauvaise intention du Gouvernement se prouve par
plusieurs pratiques dont l'imitation de la couleur blanche des véhicules
de la MUAS aux fins de surprendre les rebelles, un simulacre d'efforts pour
désarmer les milices Djandjawids et sa participation continue aux
attaques coordonnées avec ses milices alliées contre les civils
du Darfour.36(*)
Les rebelles quant à elles sont réputées
ces derniers temps d'exactions diverses à savoir viols, tueries etc.
La MUAS n'a pu maintenir véritablement la paix parce
que ses troupes sont démunies et insuffisantes pour protéger les
civils du Darfour qui sont à la merci des Djandjawids, et de plus sa
taille ne lui permet pas de s'interposer efficacement entre les milices
Djandjawids et leurs victimes, ni de protéger les interventions
humanitaires vitales pour les deux millions de réfugiés du
Darfour. En conséquences, les attaques contre les camions commerciaux et
humanitaires se poursuivent.
Aujourd'hui le sentiment général montre que la
MUAS est débordée par les évènements d'où
nécessité d'avoir un nouveau souffle en vue de renforcer
l'efficacité de la mission ou si le Gouvernement l'accepte, il faut
remplacer la MUAS par une mission onusienne.
In fine, avant de clore notre réflexion, il faut la
rendre utile par des suggestions afin de montrer les possibilités de
rachat de la MUAS ainsi que l'orientation future à donner aux
interventions militaires du CPS.
SECTION SECONDE : LES SUGGESTIONS POUR LE
RENFORCEMENT
DE LA MUAS
Le rôle essentiel joué par la MUAS dans la
résolution de la crise du Darfour témoigne la bonne
volonté du CPS de l'Union mais ne peut mettre fin à la crise au
Darfour, parce qu'elle ne possède pas les moyens requis pour
prévenir d'urgence la mort et le massacre des centaines de milliers
soudanais dans ce conflit qui dure depuis trois ans. Ainsi les insuffisances
qu'on a relevées nous amène à faire des propositions pour
corriger les lacunes de la MUAS d'abord (Paragraphe I ) et ensuite nous ferons
des suggestions d'ordre général et technique en vue de trouver
une solution à la crise du Darfour (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE RENFORCEMENT DE LA MUAS : UN SOUFFLE
NOUVEAU
Pour donner un nouveau souffle à la Mission de l'Union
Africaine au Soudan afin qu'elle puisse assumer les fonctions à lui
confiées, il est nécessaire de renforcer d'abord son mandat et sa
taille (A), ensuite lui assurer un financement aisé pendant tout son
mandat (B) et enfin lui réserver une plus grande marge de manoeuvre
(C).
A - UNE TAILLE ET UN MANDAT CONSISTANTS
Le renforcement de la MUAS doit obligatoirement passer par la
révision de son mandat et de sa taille afin de lui permettre de prendre
toutes les mesures nécessaires à la protection des civils. Et, si
possibilité y ait, elle devrait pouvoir recourir à des actions
actives sans être dépendante de la coopération du
régime de Khartoum pour des patrouilles. Mais aussi de pouvoir
s'interposer efficacement entre les milices Djandjawids et leurs victimes ainsi
que de protéger les interventions humanitaires vitales aux populations
du Darfour.
Pour répondre à toutes ces exigences il est
important de posséder les capacités humaines et militaires
requises. A l'inverse, son mandat devrait être revue partiellement avant
de l'adapter au cadre du chapitre VII de la charte des Nations Unies. En moyens
humains surtout, nous pensons que le nombre des soldats de la MUAS, aujourd'hui
de 7500 hommes, devrait être porté au minimum à 12 000
hommes et au maximum à 15 000 soldats pour que la MUAS puisse
couvrir approximativement toute l'étendue du territoire du Darfour.
Un renforcement quelconque de la MUAS nécessite aussi
un accroissement ou une augmentation des ressources financières.
B - UNE SOLUTION FINANCIERE EFFICACE
Comme nous l'avons relevé plus haut, le
déploiement d'une mission de maintien de la paix nécessite pour
sa réussite, la réunion de ressources financières
suffisantes afin d'éviter toute surprise désagréable. Les
problèmes financiers auxquels est confronté la MUAS ont des
causes diverses comme nous l'avons dit et pour y remédier nous allons
monter une stratégie pouvant améliorer cette conjoncture.
Bien avant toute chose, nous pensons qu'il serait
sincère de saluer les efforts indéfectibles du Président
de la Commission de l'UA, Son Excellence M. Alpha Omar KONARE, qui n'a cesser
de faire mobiliser les partenaires et donateurs aux fins de pérenniser
l'oeuvre entreprise au Darfour jusqu'à son aboutissement, même si
cela n'a pas arrêté le flux des difficultés
financières. Pour minimiser ces problèmes, la Commission devrait
repenser ses stratégies de mobilisation de fonds. Ainsi, au lieu de
prendre contact avec les partenaires lorsque la MUAS connaît des
problèmes, il serait mieux de réunir l'argent nécessaire
pouvant arriver au terme de la mission et à défaut garder un
contact permanent ou obtenir un gage de financement en cours d'exercice de la
mission.
L'UA peut s'efforcer en vue de renforcer son budget par une
politique incitative, nous entendons par là une sensibilisation active
et lorsque les circonstances l'exigent, mettre en oeuvre les sanctions
prévues à cet effet à l'article 23 al.1 de l'Acte
Constitutif, à savoir le droit de vote, le droit de parole et
d'accès des nationaux aux postes au sein de l'UA. Ces sanctions auront
pour effet, de suspendre l'exercice de ces droits. En sus, le renforcement
financier dépend aussi des contributions au Fonds de la paix qui
méritent d'être appréciées. Les contributions au
Fonds de la paix devraient être imposées aux Etats lorsque le CPS
déploie une mission de paix ; par rapport au poids ou au pouvoir
financier de l'Etat considéré.
Enfin, le CPS peut demander aux Etats pourvoyeurs de
contingents de financer les coûts de leurs soldats comme lui autorise
l'article 21(5) et (6) de son Protocole de création.
En plus de ces propositions en vue de renforcement de la MUAS,
il faut lui laisser une marge de manoeuvre large.
C - UNE LARGE MARGE DE MANOEUVRE
Le point du fonctionnement de la MUAS représente le
point focal de l'amélioration du mécanisme. En effet, la
réunion des moyens financiers et humains puis le bénéfice
d'un mandat seuls ne suffisent pas pour lui assurer une efficacité, mais
encore il faut que les troupes aient les moyens logistiques suffisants aux
propositions de renforcement de la MUAS que nous avons formulées. Car
dans une mission aussi difficile que périlleuse qu'est celle du Darfour,
les soldats de la MUAS doivent être bien équipés et avoir
un appui aérien pouvant leur permettre de localiser les zones en danger,
mais aussi de pouvoir protéger efficacement les interventions
humanitaires.
Rien ne rassure que lorsque la MUAS pourra s'interposer
valablement entre les rebelles, les milices et les populations civiles, elle
n'aura pas de résistances. Bien au contraire, elle rencontrera beaucoup
plus de résistances armées de la part des milices Djandjawids
parce qu'elle entrave la poursuite de leurs crimes contre l'humanité et
par conséquent la mission africaine doit prévoir ces
résistances avant de véritables activités
d'interposition.
Voilà, les suggestions que nous pouvons faire
spécifiquement à la MUAS pour montrer les conditions à
réunir en vue de son renforcement. A l'opposé d'un renforcement
de la MUAS, plusieurs possibilités peuvent s'offrir en vue de mettre un
terme à la crise du Darfour.
PARAGRAPHE II : LES ALTERNATIVES POSSIBLES
Deux possibilités s'offriraient lorsqu'il y aura
impossibilité quant au renforcement de la MUAS, d'abord celle d'une
mission jumelée ONU/UA (A) et enfin un remplacement pur et simple de la
MUAS par une force onusienne (B).
A - UNE MISSION JUMELEE
Cette première alternative selon notre vision
consistera d'abord à maintenir la MUAS à l'état actuel et
ensuite à déployer une mission de maintien de la paix de l'ONU en
complément des effectifs des troupes de la MUAS. Cette symbiose peut se
concevoir aisément à une condition. Cette condition implique le
déploiement d'un minimum de six mille (6 000) à un maximum de
dix mille (10 0000) casques bleus pour combler les limites numériques de
la MUAS. Il apparaîtra que les troupes onusiennes auront certes un
équipement plus complet par rapport aux troupes africaines de la MUAS
mais cette différence n'empêchera pas la synchronisation de leur
mission, à moins que le mandat onusien n'impose d'autres attributions
aux casques bleus. Les deux missions pourraient aussi accomplir des fonctions
différentes, l'une n'aura pour tâche que l'observation du
cessez-le-feu et l'autre l'interposition.
Dans cette dernière hypothèse, les fonctions
d'observation du cessez-le-feu reviendront aux soldats de la MUAS qui sont
sous-équipés par rapport aux troupes onusienne. Ce qui laisse aux
casques bleus, les fonctions de l'interposition entre les milices et les
populations, la protection des interventions humanitaires qui sont
exposées aux attaques diverses mais surtout des milices arabes
Djandjawids, et enfin la protection des populations civiles qui font le gros
des victimes de la crise du Darfour.
La première hypothèse semble être la plus
vraisemblable parce qu'elle préconise des opérations conjointes
aussi bien dans les domaines de l'observation du cessez-le-feu et
d'interposition entre les belligérants et la population civile. Les
avantages d'une opération conjointe sont multiples, d'abord elle permet
une cohabitation solidaire, ensuite éloigne le spectre de la
discrimination entre les deux missions et enfin témoigne l'attachement
international dans la poursuite d'un objectif unique qui se résume
à la paix et à la sécurité internationale.
Même si cette hypothèse n'est pas mauvaise, elle
n'est pas la seule puisque le remplacement pur et simple des soldats de la MUAS
est encore envisageable et sera réel dès que le Gouvernement
soudanais l'acceptera.
B - UNE MISSION ONUSIENNE
La perspective du déploiement d'une force de maintien
de la paix des Nations Unies semble s'imposer avec force depuis la mission
d'évaluation en vue du déploiement d'une éventuelle force
de l'ONU au Darfour. Par la résolution 1679 adoptée le 16 Mai
2006 à l'unanimité, le Conseil de Sécurité demande
à toutes les parties à l'Accord de paix au Darfour de collaborer
pour accélérer la transition d'une force de l'Union Africaine
(MUAS) à une force de maintien de la paix des Nations Unies. Cette
résolution a réactualisé la résolution N°1633
adoptée le 24 Mars 2006 par le Conseil de Sécurité.
La mission d'évaluation technique a pour objectif de
faire « des recommandations sur tous les aspects du mandat, y
compris la structure de la force, les renforts nécessaires, les pays qui
pourraient fournir les contingents et le détail des coûts à
prévoir. »37(*) Le Secrétaire Général des
Nations Unies pour sa part a déclaré qu' « il
n'y a pas un jour à perdre » 38(*) et que les Nations Unies
doivent s'impliquer profondément dans la résolution de la crise
de Darfour.
Une intervention onusienne au Darfour, pour être
efficace, doit se conformer obligatoirement au Chapitre VII de la Charte de
Nation Unies afin de permettre la protection nécessaire aux civils et
aux missions humanitaires. Car, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte,
cette intervention a le pouvoir de prendre des mesures énergiques et
efficaces, telles que l'interdiction de voyager et le gel des avoirs, à
l'encontre de toute personne ou tout groupe qui contreviendrait à
l'Accord de paix au Darfour ou tenterait d'en empêcher la mise en
oeuvre.
Rappelons tout de même que le chapitre VII
prévoit des mesures coercitives en cas de menace à la paix,
allant des sanctions économiques... n'impliquant pas l'emploi de la
force armées (Ch. VII art 41 de la charte).
C'est sûrement la seule possibilité qui pourrait
trouver une issue véritable à la crise du Darfour même si
le Président El Béchir a déclaré que
« Le Darfour sera un cimetière pour les troupes
étrangères qui seraient dépêchées sans
l'accord du Gouvernement », ce qui montre son opposition
à la fin du conflit.
Au terme de ce parcours analytique, avec pour trame
le rôle du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union
Africaine dans la prévention et la résolution des conflits en
Afrique, appliquée au cas du Darfour, trois constats
s'imposent :
- D'abord, une sincère volonté du Conseil de
Paix et de Sécurité de l'Union Africaine à s'impliquer
dans la gestion des crises en Afrique ;
- Ensuite un engagement véritable à être
le premier à prendre en compte les questions de sécurité
et de paix sur le continent par son intervention au Darfour ;
- Et enfin, une attitude presque passive de la
Communauté Internationale.
Nous développerons ces constats plus
profondément dans les lignes qui suivent.
Le conflit du Darfour qui a commencé depuis le mois
de février 2003 a provoqué une guerre civile ainsi qu'une
très grave crise humanitaire. Cette crise a fait aujourd'hui, selon les
estimations, entre cent quatre vingt à trois cents milles (180000
à 300000) morts et deux millions quatre cents milles (2400000) personnes
déplacées et réfugiés. Le nombre des victimes a
poussé l'Organisation des Nations Unies à qualifier cette crise
comme la «plus grave crise humanitaire du 21ème
siècle », ou comme un « nettoyage
ethnique »39(*).
Cependant, la Communauté Internationale ne s'est
montrée résolue à trouver une solution que par des
condamnations diverses sans pour autant chercher à ramener à
l'ordre les commanditaires des crimes commis à grande échelle au
Darfour. Ainsi, comme cela avait été annoncé, trois
constats s'imposent avec un relief tout à fait particulier.
Le premier constat s'attelle à la sincère
volonté du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union
Africaine à s'impliquer dans la gestion des crises en afrique. Cette
volonté a certes une incidence directe sur la réalisation des
objectifs de l'Union en général, comme condition préalable
à la mise en oeuvre de l'agenda de l'Union dans le domaine du
développement et de l'intégration. Ainsi donc, l'architecture
continentale de paix et de sécurité qui a pris forme dans le
Conseil de Paix et de Sécurité doit permettre à l'Union
Africaine de répondre aux aspirations des peuples africains à une
existence pacifique ainsi qu'à un développement durable.
Conscient du fait que, de son avenir et de son efficacité
dépendra la crédibilité des activités de l'Union
toute entière, le Conseil de Paix et Sécurité
alors « nouveau-né » n'a pas
hésité à prendre acte de la mission à lui
confiée.
Le deuxième constat qui met en exergue
l'initiative du Conseil de Paix et de Sécurité à s'engager
en premier face aux conflits sur le continent africain, peut être
facilement illustré par son implication dans la recherche d'une issue
à la crise du Darfour. Cette entreprise se montre a priori difficile
dans le seul cadre de l'Union Africaine, mais fort heureusement, elle est
appuyée par les ressources et le soutien actif et total des partenaires
internationaux de l'Union Africaine (Union Européenne, Organisation des
Nations Unies, etc.). Cependant, le Conseil de Paix et de
Sécurité ne peut utiliser que les moyens qui sont à sa
disposition, ce qui implique des limites dans son action. C'est l'instant ou
jamais, de louer l'intervention du Conseil de Paix et de Sécurité
au Darfour par l'intermédiaire de la Mission de l'Union Africaine au
Soudan, car sa diligence a permis d'épargner plusieurs vies humaines
alors que le reste de la Communauté Internationale a gardé
l'inertie même si elle a contribué financièrement et
matériellement à cette mission. Ses nombreuses tentatives pour
amener les parties belligérantes à la table de
négociations dans l'unique but de trouver un règlement amiable
devraient aussi être mentionnées et inscrites sur le registre de
l'histoire pour servir d'exemple aux générations futures. Ces
phases devraient, à l'issue des négociations trouver une
solution holistique à cette crise mais ce conflit perdure dans le temps
à cause de la mauvaise volonté des parties belligérantes
qui croient n'avoir pas encore atteint leurs objectifs à travers les
hostilités. L'expérience a toujours montré que la
mauvaise volonté est un rédhibitoire aux compromis issus des
Accords ou d'un engagement quelconque parce qu'ils ne seront pas
respectés. Cette phrase est l'illustration parfaite du comportement des
parties soudanaises, mais surtout du comportement des milices Djandjawids
dépourvues de tout sens de pitié et de celui du Gouvernement
central de Khartoum car les rebelles sont plus ou moins tolérants. A
l'opposé de cet argument, la réflexion approfondie ressort
l'idée d'une faiblesse de la Mission de l'Union Africaine au Soudan face
aux parties si bien qu'elle ne peut observer valablement le cessez-le-feu et
jouer en même temps un rôle d'interposition pour protéger
les civils.
Le troisième constat quant à lui,
révèle une attitude presque passive de la Communauté
Internationale face aux atrocités qui sont commises au Darfour. Alors
que traditionnellement, lorsque les conflits prennent une ampleur
jusqu'à entraver les missions humanitaires, les Nations Unies au lieu de
formuler des condamnations verbales comme elle l'a fait au début de la
crise du Darfour, cherchent à établir un projet en vue du
déploiement d 'une force de maintien de la paix, car elles
craignent des répercutions sur la paix et la sécurité
internationales. Et dans le cas de figure, la crise du Darfour resurgit sur le
Tchad avec pour comble les attaques diverses dont sont victimes les
populations qui se trouvent aux frontières tchado-soudanaises, mais
aussi sur la République Centrafricaine, dont les frontières sont
très poreuses, au cours de l'année 2005 lorsque l'on fait
référence aux propos ténus sur les ondes par les
autorités centrafricaines. Et le comble a été les
dernières cascades de mouvements rebelles au Nord-Est plus
précisément dans la région de Birao et de
N'délé puisque ces groupes ont bénéficié
d'une complicité directe venant du Soudan. Certes, la Mission de
l'Union Africaine au Soudan a eu de soutiens relativement consistants de la
part des Nations Unies, de l'Union Européenne et des différents
donateurs dont l'Organisation du Traité de l 'Atlantique Nord
(OTAN) qui a accordé une assistance logistique à la mission
africaine. Mais le souhait était pour une implication directe de toute
la Communauté Internationale. Cette inattention a pour cause principale
le fait que le Darfour ne représente aucun intérêt
stratégique par rapport au Gouvernement soudanais qui suscite des
convoitises à cause du pétrole. Il fallait citer comme exemple
d'une indifférence particulière, la position sans cesse
réaffirmée de la Chine quant à la menace de l'usage de son
droit de veto contre le déploiement forcé d'une force onusienne
au Darfour.
In fine, la gestion des conflits sur le continent
dans le cadre juridique accompli alloué au Conseil de Paix et de
Sécurité est un processus pratique, un effort dans le temps et
à la mesure des expériences qui implique des ressources
financières adéquates à flux régulier et constant.
Des ressources humaines et matérielles indispensables devront être
mobilisées par les Etats membres qui constituent, par leur
volonté et leur détermination, le socle qui doit permettre au
Conseil de Paix et de Sécurité de rebondir.
En outre, son « bras
diplomatique » est la Commission qui se situe au carrefour de la
synthèse de l'Union Africaine, de l'impulsion et de la facilitation pour
l'accompagnement de toutes les politiques de l'Union. Cela ne pouvait
être rempli valablement que grâce à un énorme
« gisement de sens », de valeurs, de
créativité et d'inventivité.
Les fonctions sont énormes et
nécessitent la contribution de tous les africains et puisque l'optimisme
et la détermination obligent, le Conseil de Paix et de
Sécurité pourra un jour arracher ce mal provoqué par le
fléau des conflits aux racines afin de permettre à l'Afrique de
connaître un moment d'existence pacifique et de développement
durable. A cela, nous ne cesserions d'y penser avec optimisme.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages généraux
- Emmanuel DECAUX, Cours de Droit International Public :
Edition 2001
- Les Organisations Internationales, 2ème
édition, Paris 1991, Que sais-je ?
- Règlement des conflits en Afrique, Publication de l'OUA
- Dictionnaire du vocabulaire juridique, édition du
Juris-classeur, 2002
- Françoise BOUCHET-SAULNIER, Dictionnaire pratique du
Droit Humanitaire, éditin La Découverte 1998
- Marc LAVERGNE, Le Soudan contemporain, édition Karthala
1989 (
www.marc.lavergne.com)
Ouvrages spécialisés
-Protocole de création du Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Union Africaine
-Acte Constitutif de l'Union Africaine
-Charte des Nations Unies
-Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
-Pacte d'Assistance mutuelle entre les Etats membres de la
CEEAC
-Déclaration pour le cadre pour une réaction de
l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement, N°
AHG/Déc. XXXVI
-Déclaration de Bata pour la promotion de la
Démocratie, de la paix et du développement durable en Afrique
Centrale, adoptée par la Conférence sous régionale sur les
Institutions démocratiques et la paix en Afrique centrale.
-Résolution 74 (XXXVII) 2005 sur la situation au Darfour
de la Commission africaine des DH et des peuples.
-Résolution 1547 du Conseil de Sécurité des
NU, 11juin 2004
-Roland ADJOVI, L'OUA et la gestion des conflits internes (
http://roland.adjovi.free.fr/oum.htm)
-Guy Eugène DEMBA, Cours de Droit International
Humanitaire.
-Paul DEMBO, Cours de Droit International Public.
-Augustin DOUI WAWAYE, Fascicule sur la Théorie des
Relations Internationales.
JOURNAUX
- REFUGIES, La crise du Darfour ; Vol. 3 N° 136
(2004)
- Revue France-Pays arabes, Mai 2005 P.15
- Communiqué de presse du Secrétaire
Général des Nations Unies sur le Darfour (
www.un.org)
- Humanité presse (
www.humanite.presse.fr)
- Publications de l'Union Africaine (
www.africa-union.org/Documents/Treaties-fr
- Article de WIKIPEDIA (
www.wikipedia.org/wiki/Darfour)
- Article de
www.operationspaix.fr
TABLE DES MATIERES.
-Dédicace.....................................................................................................
I
-Remerciements............................................................................................II
-Listes des sigles et
abréviations...................................................................................III
-Avant-propos.............................................................................................IV
-Sommaire..................................................................................................V
INTRODUCTION
GENERALE......................................................................1
PREMIERE PARTIE:LA PREVENTION ET LA RESOLUTION DES CONFLITS EN
AFRIQUE : DES OBJECTIFS NOBLES ASSIGNES AU CONSEIL DE PAIX
ET DE SECURITE DE
L'UA...........................................................................
6
Chapitre premier: La politique du Conseil de paix et de
sécurité et ses moyens
de mise en
oeuvre...................................................... 7
Section 1: La base juridique et politique du
CPS............................................ 7
§1 - La base juridique du
CPS.............................................................. 8
A - Un fondement juridique
international............................................. 8
B - Une assise juridique
propre......................................................... 10
§2-Les fondements politiques du
CPS..................................................... 11
Section 2: Les compétences et les limites du
CPS.......................................... 13
§1-Les compétences du
CPS................................................................ 14
A- Un principe:une compétence
exclusive............................................ 14
B- Une exception:des compétences
partagées....................................... 16
§2-Les restrictions des
compétences....................................................
18
Section 3: Les moyens de
fonctionnement................................................... 20
§1-La structure organisationnelle du
CPS.............................................. 20
A -
Composition.........................................................................
20
B- Le rôle de Président de la
Commission............................................. 21
C-Le rôle du groupe des
sages.......................................................... 22
D- Le système continental d'arbitre
rapide........................................... 23
§2-Les moyens matériels de
fonctionnement.......................................... 23
A- Les moyens
logistiques.............................................................
24
B- Les moyens
financiers...............................................................
25
Chapitre second: L'implication du CPS dans la recherche de
solutions à la crise
du
Darfour......................................................................
27
Section 1:Le contexte historique de la crise du
Darfour................................... 27
§1-Les causes de la crise du
Darfour.................................................... 27
§2-Les conséquences de la crise du
Darfour........................................... 29
Section 2:L'intervention du
CPS.............................................................. 31
§1-Les différentes phases de négociations et
leurs résultantes....................... 32
A- Les négociations menées sous l'égide
du CPS.................................... 32
B- Les résultantes aux
négociations...................................................
33
§2 - Une application lacunaire des divers
accords....................................... 34
Deuxième Partie: DES RESULTATS
MITIGES............................................... 37
Chapitre premier:La MUAS: une initiative
courageuse....................................... 38
Section 1-Présentation de la
MUAS........................................................... 38
§1- Historique de la naissance se la
MUAS.............................................. 38
A -Le contexte de la MUAS
I.......................................................... 38
B- Le contexte de la MUAS
II......................................................... 39
§2 - Composition et ses
attributions........................................................
40
A -
Composition..........................................................................
41
B -
Attribution............................................................................
42
Section 2 : Les résultats obtenus par la MUAS à
la crise du Darfour...................... 43
§1 - Les résultats au plan
humanitaire...................................................... 43
A - L'acheminement de l'aide
humanitaire............................................ 43
B - La protection des
civils.............................................................. 44
§2 - Les résultats relatifs à la
résolution de la crise du Darfour.......................... 46
A- Les tentatives d'un règlement
négocié....................................................
46
B - Le projet d'accord global : l'ultime
espoir........................................ 47
Chapitre second:Les insuffisances de la MUAS et les
suggestions........................... 49
Section 1:Les insuffisances de la
MUAS...................................................... 49
§1 - En moyen de
fonctionnement............................................................
49
A- Les insuffisances en moyens humains et
logistiques............................... 49
B - Les insuffisances
financières..........................................................
50
§2 -Une application lacunaire du maintien de la
paix....................................... 51
A - La MUAS:un maintien de la paix
classique......................................... 51
B - Les lacunes du maintien de la
paix................................................... 52
Section
2:Suggestions.............................................................................
53
§1-Le renforcement de la MUAS:un nouveau
souffle...................................... 54
A - Une taille et un mandat
consistants.................................................. 54
B - Une solution financière
efficace....................................................... 54
C - Une large marge de
manoeuvre........................................................ 55
§2-Les alternatives
possibles.....................................................................
56
A - Une mission
jumelée....................................................................
56
B- Une mission
onusienne..................................................................
57
Conclusion
générale..................................................................................
59
Bibliographie..........................................................................................
62
Annexes................................................................................
63
Table des
matières....................................................................................
64
Rapport de
satge.................................................................................(11pages).
* 1 Augustin DOUI-WAWAYE,
Réflexion tirées dans son fascicule sur la Théorie des
Relations Internationales. P. 41
* 2 Dictionnaire du vocabulaire
juridique, Edition du juris-classeur (2002) ;
Françoise BOUCHET-SAULNIER, Dictionnaire pratique du
Droit Humanitaire, Edition la Découverte 1998,
(www .paris.msf.org)
* 3 Décision
AHG/déc.160 (XXXVII) de la 37ème Session de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA.
* 4 Art.5 (2) : La
Conférence peut décider de créer d'autres organes.
* 5 Le système
continental d'alerte rapide est apparu dans le Protocole de création du
CPS de L'Union Africaine dans les dispositions de l'Art.12. Il est en quelque
sorte une instance d'investigation et d'information très importante dans
la prévention des conflits.
* 6 C'est l'article 13 du
protocole de création du CPS qui prévoit la création d'une
force africaine prépositionnée chargée de remplir les
fonctions militaires du CPS.
* 7 Allocution de Son Excellence
M. Amara ESSY, Président ad intérim de la Commission de l'UA.
Prononcé à Maputo (Mozambique) le 10 juillet 2003.
* 8 Article WEB du moteur de
recherche WIKIPEDIA (Darfour : les origines de la crise).
* 9 La Mission de l'Union
Africaine au Soudan peut être appelé AMIS sans incident puisque
AMIS est dérivé de l'anglais. Notons que c'est ce dernier qui
trop usité par les médias.
* 10 Ces deux textes furent les
premières tentatives de résolution de la crise du Darfour.
* 11 Discours de Son Excellence
M. Amara ESSY, Président ad intérim de la Commission de l'Union
Africaine à l'occasion de l'ouverture de la 2ème
Session ordinaire de l'Assemblée.
* 12 « L'axe du
mal » est la conception du Gouvernement Américain relativement
aux régimes qui soutiennent le terrorisme international, bafouent les
Droits de l'Homme et les postulats de la Démocratie. Cette conception
sera reprise par la Secrétaire d'Etat américain, Mme Condollezza
RICE comme « les grands axes de la tyrannie ».
* 13 Voir supra, légende
N°3 (P 3).
* 14 C'est l'art. 24 §1 de
la Charte des Nations Unies qui consacre la compétence du CS des Nations
Unies dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
* 15 Les controverses
soulevées par le dépassement de l'ONU ont été
analysées par M. Maurice FLORY (Professeur à la Faculté de
Droit d'Aix-Marseille) dans son article intitulé « L'ONU et
les opérations de maintien et de rétablissement de la
paix », paru dans le dossier de Politique
étrangère ; 3ème Trimestre 1993 de
l'Institut Français des relations internationales.
* 16 L'art. 3j de l'Acte
constitutif : L'Union a pour objectif de promouvoir la paix, la
sécurité et la stabilité sur le continent.
* 17 L'art. 4g définit
le principe de non ingérence d'un Etat membre dans les affaires
intérieures d'un autre Etat membre. Cependant, les Etats membres ont le
droit de solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la
sécurité (art. 4j), ce qui fragilise un peu la mission parce que
lorsqu'un Etat ne sollicite pas l'intervention de l'Union, il se pourrait
qu'elle reste inactive.
* 18 L'art. 4h prévoit
un véritable droit d'ingérence de l'Union dans les circonstances
graves qui portent une entorse directe aux Droits de l'Homme sans pour autant
définir dans l'Acte constitutif les différentes notions.
* 19 Voir le préambule
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée et
proclamée par l'Assemblée Générale dans sa
Résolution 217A (III) du 10 décembre 1948.
* 20 Pour les notes voir notre
annotation N°4 (P. 41).
* 21 La déclaration sur
le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements
anti-constitutionnels de Gouvernement a été adoptée lors
de la 36ème Session de la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement. Cependant, le rejet des changements anticonstitutionnels a
été l'objet de la décision AHG/déc. 141 (XXXV)
adoptée lors de la 35ème Session ordinaire de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
* 22 Art. 2 §3 de la
Charte des NU : Les membres de l'organisation règlent leurs
différends internationaux par les moyens pacifiques, de telle sorte que
la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne
soient pas mises en danger.
* 23 Art. 33 de la Charte des
NU : Les parties à tout différend dont la prolongation est
susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité
internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de
négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation,
d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou
accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix. Le
Conseil de Sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les
parties à régler leur différend par de tels moyens.
* 24 La Déclaration de
Lomé signifie la déclaration pour une réaction de l'UA aux
changements anticonstitutionnels de Gouvernement.
* 25 L'art. 13 (3) du Protocole
détermine le mandat de la Force africaine prépositionnée
en ces termes : « La Force africaine
prépositionnée assume, entre autres, des fonctions dans les
domaines suivants : missions d'observation et de contrôle, autres
types de missions d'appui à la paix...et toutes autres fonctions que
pourrait lui confier le Conseil de Paix et de Sécurité ou la
Conférence. »
* 26 Sources : - Le Nouvel
Observateur, N° 2068 paru dans la semaine du 24 juin 2004 (article de
Robert
Marmoz) ;
- Article WEB du journal Libération
parution du 6 octobre 2004.
* 27 Marc LAVERGNE,
spécialiste du Soudan au CNRS : « Le conflit du Darfour
n'est pas un conflit racial » ;
- Le Soudan contemporain
(édition Karthala 1989).
* 28 Ces développements
relatifs à la position stratégique du Tchad par rapport à
la crise du Darfour apparaissent au second paragraphe de la première
section du présent chapitre.
* 29 Déclaration
d'engagement en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique
des Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres du CPS à Addis
Abeba en Ethiopie le 25 mai 2004.
* 30 Pour plus de
détails, se référer au tableau joint en annexe.
* 31 Propos de M. Jan Egeland,
Secrétaire Général aux affaires humanitaires et
Coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies parus dans une tribune du
«The Wall Street journal ».
* 32 Déclaration du
Secrétaire Général des Nations Unies, en date du
1er juin 2006, publiée par la Division des médias du
Département d'information publique de l'ONU (New York).
Réf : SG/SM/10495-AFR/1392.
* 33 Communiqué de
presse N°8383 du Conseil de Sécurité des Nations Unies
publié lors de sa 5176ème séance sur le
thème : « l'ONU est disposée à jouer un
rôle clé dans l'augmentation et la coordination de l'aide
internationale à la MUAS ».
* 34 M. Baba Gana KINGIBE est
diplomate de carrière, il a servi comme Envoyé Spécial de
l'UA dans les négociations de paix entre le Nord et le Sud Soudan qui
ont abouti à l'Accord de Naivasha. En outre, il a participé aux
efforts de médiation dans les conflits du Tchad, au Libéria et au
Congo.
* 35 M. Salim Ahmed SALIM
(nationalité tanzanienne) a été nommé le 26 mai
2005,envoyé spécial de l'union africaine pour le Darfour. Il
fût secrétaire général de l'OUA du 19 septembre
1989 au 17septembre 2001 et ancien premier ministre de la Tanzanie de 1984
à 1985 avant de d'assumer les fonctions de vice-premier ministre
jusqu'à son entrée à l'OUA.
* 36 Sources : Lettre aux
Etats membres de l'UA de l'ONG Human Rights watch en date du 17 Novembre 2005,
et l'article de l'ONG International Crisis Group du 4 Août 2005
* 37Ce sont les exigences
formulées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies a
l'endroit de la mission d'évaluation technique au Darfour.
* 38 Propos de M. Kofi ANNAN
recueillis dans un article du journal « Financial Times »
du 15 Mai 2006, lors de son exhortation à l'organisation d'une
conférence des donateurs.
* 39 Propos de M. Jan Egeland,
Secrétaire Générale adjoint aux affaires humanitaires et
coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies (Sources : The wall
street journal).
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