II.5. Obtention et usage des biocarburants
II.5.1. Les biocarburants de première
génération
Les détails concernant ce point sont décrits dans
les pages précédentes de ce travail.
II.5.1.1 Les huiles végétales pures
Sur les 250 000 espèces de plantes connues (Swern,
1979) cité par Ousmane, (1996), seules peut être 4 500
espèces ont été examinées et 100 espèces
seulement sont présentement connues pour être des plantes
oléagineuses avec un contenu d'huile atteignant un intérêt
commercial. Parmi celles-ci, seulement 22 types d'huiles
végétales sont commercialisées sur une large
échelle aujourd'hui, et 12 de celles-là constituent plus de 95%
de a production mondiale d'huile végétales. Les huiles
végétales peuvent également être classées
selon la teneur en huile des graines et fruits qui les produisent.
Généralement, elles sont des substances
insolubles constituées en majeur partie d'esters de glycérol
d'acides gras appelés triglycérides. Comme structure, un
triglycéride est une molécule de glycérol connectée
à trois molécules d'une longue chaîne d'acide
monocarboxyliques, appelés acides gras. Ces molécules de
triglycérides ont une chaîne carbonée beaucoup plus longue
que celle d'un carburant diesel ordinaire. Contrairement aux hydrocarbures
constitués exclusivement d'hydrogène et de carbone, les
molécules d'une huile végétale contiennent de
l'oxygène et ont la structure chimique suivante :
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
II.5.1.1.1 Production des huiles végétales
pures
Les détails concernant l'obtention des huiles
végétales pures sont décrits dans les pages
précédentes de ce travail.
Chimiquement, elles sont essentiellement constituées
à environ 95% de triesters nommés triglycérides à
liaisons insaturées (doubles liaisons carbone/carbone) et à 5%
d'acides gras libres. Classiquement, en fonction des contextes et des
applications, on distingue deux principales filières de production
d'huiles végétales :
- la filière industrielle et la filière
artisanale
a) La filière industrielle
Les installations industrielles d'huileries peuvent avoir des
capacités de trituration (pressage) de plusieurs milliers de tonnes de
graines par jour.
Dans ces installations, les graines ou amandes subissent en
général dans un premier temps les opérations de
séchage, de nettoyage et de décorticage. Il s'ensuit les phases
de pression, d'extraction et de raffinage.
~ La phase de pression
Généralement les graines sont aplaties
(opération de broyage-laminage) puis portées à une
température de 80°C en présence de vapeur d'eau
(opération de cuisson) avant d'être pressées. On obtient
l'huile de première pression et le tourteau de pression (contenant 12
à 20% d'huile pour le colza et le tournesol, figure II.2).
~ La phase d'extraction
Elle consiste à extraire l'huile résiduelle
contenue dans le tourteau de pression à l'aide d'un solvant. Le solvant
couramment utilisé est l'hexane : un mélange d'huile et d'hexane
(miscella) est ensuite séparé par distillation. L'huile obtenue
est une « huile brute d'extraction ». Le solvant est condensé
puis réutilisé dans la chaîne.
Le tourteau obtenu est séché sous vide à
100°C et peut être utilisé comme aliment pour le
bétail, fertilisant pour les sols ou comme combustible dans les
chaudières (Vermeersch, 2007) et (Liennard, 2007).
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
Figure II.2 : Description du processus et rendement de la
trituration pour une unité de trituration de Colza
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq35.png)
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq36.png)
Source : (Vermeersch, 2007) & (Liennard, 2007). La phase
de raffinage
Elle consiste à éliminer les impuretés,
certains pigments, odeurs etc., contenus dans l'huile brute. Cette phase
comporte les opérations de :
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq37.png)
dégommage ou démucilagination :
élimination des mucilages (phospholipides) par précipitation
grace à de l'eau pure ou de l'eau acidulée, suivi d'une
décantation ou d'une centrifugation.
neutralisation-lavage-séchage : élimination des
acides gras libres par ajout d'une solution basique (soude) avec brassage suivi
d'un lavage à l'eau. Le mélange d'eau et de savons (« soap
stock ») issus de la neutralisation, est séparé de l'huile
par décantation ou centrifugation. L'huile obtenue est
séchée sous vide à 100 °C.
le « décirage » : élimination des
cires contenues dans certaines huiles (tournesol par exemple). Il se fait par
diverses méthodes : « winterisation », centrifugation,
démucilagination à froid, etc.
Une fois désodorisée et décolorée,
l'huile issue de ces différentes opérations est de qualité
alimentaire.
b) La filière artisanale
Cette filière est beaucoup plus simple que la
première. Elle comporte une phase de pression à froid suivi d'une
décantation et d'une filtration.
Cette opération produit 1/3 d'huile de première
pression et 2/3 de tourteau. Elle est optimisée pour un taux
d'humidité compris entre 5 et 8%. La pression peut se faire manuellement
(pression par cric hydraulique, vis de vérin, bras de levier avec une
capacité inférieure à 10 litres par heure) ou de
façon motorisée (presses à vis). Les capacités des
presses à vis utilisées vont de 4 à 1800 kg par heure
suivant les cas. On distingue en général les presses à vis
à barreaux (40kg/h à plus de 2000 kg/h) et les presses à
vis à cage percée (< 50 kg/h).
Selon le type de presse, on obtient des tourteaux avec des
teneurs en matières grasses allant de 7 à 25 %. Le rendement
d'extraction quant à lui, est lié à la vitesse de rotation
de la vis et au diamètre de la buse de sortie: plus la vitesse de
rotation est faible et le diamètre de la
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
buse réduit, plus le rendement d'extraction est
élevé. Toutefois dans ce cas, le rendement horaire
décroît (Vaitilingom G., 2006).
|
La décantation et la filtration
|
L'huile obtenue subit une décantation à l'issue
de laquelle les sédiments sont retirés. Cette opération
dure entre 3 à 7 jours. Elle a l'inconvénient de conduire
à des pertes importantes d'huile dans les sédiments. La
filtration peut être effectuée avant la décantation (en
sortie de presse) ou effectuée après la décantation. Pour
un usage comme combustible, une filtration de 10 mm minimum est exigée
pour des applications moteurs.
On distingue plusieurs types de filtres : les filtres à
cartouches (particules > 1 mm), les filtres à plaques, et les filtres
à membranes (particules de 100 à 1 mm). L'huile obtenue n'est pas
de qualité alimentaire (sauf pour certaines huiles : huiles «
concrètes ») mais elle peut être utilisée comme
carburant dans les moteurs diesel ou comme combustible dans les brûleurs
(Novak, 2004) et (Jossart J.M., 2004).
Toutefois, elles doivent contenir moins de 500 ppm de
particules après une filtration à 10 microns, moins de 50 ppm de
phosphore et moins de 500 ppm de cires; sinon une filtration
supplémentaire de minimum de 5 mm est nécessaire qui peut
être encore améliorée jusqu'à 1 mm (Vaitilingom G.,
2006), (Battais L., 2006) et (Defaye S., 2006).
Les principales huiles végétales alimentaires et
non alimentaires, utilisées aussi bien dans la filière
industrielle que la filière artisanale, sont données par le
tableau ci-dessous.
Tableau II.2 : Principales huiles végétales
(alimentaires et non alimentaires)
Nom botanique
|
Nom vernaculaire
|
Huile/Graine (%)
|
Zea mays
|
Maïs
|
4 à 5
|
Cocos nucifera
|
Cocotier
|
60
|
Elaesis guineensis
|
palme et palmiste
|
47 à 52
|
Orbignya speciosa
|
Babasu
|
60
|
Brassica campestris
|
Colza
|
41
|
Arachis hypogaeasis
|
Arachide
|
50
|
Linium usitatissimun
|
Lin
|
38
|
Caethamus tinctorius
|
Carthame
|
35
|
Aleurites fordii
|
Tung
|
60
|
Ricinus communis
|
Ricin
|
40 à 55
|
Jatropha curcas
|
Pourghère
|
30
|
Gosspium hirsitum
|
Coton
|
36
|
Simmondsia chinensis
|
Jojoba
|
60
|
Butyrospermum parkii
|
Karité
|
30
|
Sesamum indicum
|
Sésame
|
45 à 55
|
Haliantus annuus
|
Tournesol
|
40
|
Glycine max
|
Soja
|
25
|
Guizotia abyssinica
|
Niger
|
25 à 45
|
Source : (Vaitlingom G., 1992) et (Raemaekers R.H., 2001)
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
II.5.1.1.2 Usages énergétiques des huiles
végétales pures
Les huiles végétales peuvent être
utilisées pures ou en mélange au gazole pour la carburation
automobile (transport), ou dans des applications spécifiques («
circuits-courts ») : les moteurs diesel à postes fixes (pompage,
irrigation, électrification, etc.), les brûleurs (chauffage,
séchage...), les installations de cogénération (production
combinée d'électricité et de chaleur).
Les conditions d'utilisation des huiles
végétales pures dans les moteurs diesel ou dans les
brûleurs sont étroitement liées aux
propriétés physico-chimiques des huiles, et aux conditions
thermiques dans la chambre de combustion du moteur ou du brûleur (qui
dépend de la technologie du moteur). Le tableau II donne les principales
caractéristiques physiques et chimiques de quelques huiles
végétales.
En effet, les huiles végétales diffèrent
fondamentalement du gazole par :
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq40.png)
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq41.png)
Leur nature chimique (composition chimique) : pour des faibles
températures dans la chambre de combustion (< 500 °C), les
délais d'inflammation et les temps d'évaporation des gouttes
d'huiles sont plus longs que dans le cas du gazole. On assiste à la
formation de dépôts sur certains organes du moteur (piston,
injecteur, culasse, etc. à la suite d'une polymérisation de
l'huile. Au-delà de cette température (500 °C) les temps
d'évaporation et les délais d'inflammation sont quasi-identiques
et on n'observe pas plus de dépôts que dans le cas du gazole.
Leur viscosité : la viscosité plus
élevée des huiles (10 à 15 fois plus que celle du gazole)
provoque des problèmes de pompage (rupture possible de la pompe
d'injection), d'atomisation et de pulvérisation. Cela nécessite
un préchauffage à des températures atteignant 120 °C
pour l'huile pure. Cette température de préchauffage varie
suivant la proportion d'huile dans le cas des mélanges huile/gazole
(Dahot T., 2008).
Tableau II.3 : Caractéristiques physico-chimiques de
quelques huiles végétales.
|
Carburant (*) viscosité à 20 °C
|
Colza
|
Coton
|
Tournesol
|
Jatropha
|
Gazole
|
Densité à 20°C (kg/m3)
|
916
|
919
|
925
|
920
|
836
|
Viscosité à 40°C (mm2/s)
|
35,7
|
35,7
|
58
|
55(*)
|
3,3
|
Point éclair (°C)
|
320
|
230
|
316
|
240
|
63
|
Pouvoir calorifique inférieur (kJ/kg)
|
36 800
|
36 400
|
38 100
|
38 850
|
43 700
|
Indice de cétane
|
37
|
38
|
37
|
45
|
50
|
Résidu Conradson (%)
|
0,41
|
0,41
|
-
|
1,31
|
0,08
|
C (%)
|
77,73
|
77,39
|
76,9
|
-
|
85,1
|
H (%)
|
11,92
|
11,9
|
11,7
|
-
|
14,9
|
O (%)
|
10,76
|
11,1
|
11,4
|
-
|
-
|
Source : (Dahot T., 2008)
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
Pour les moteurs diesel, il existe deux principales technologies
:
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq42.png)
![](Opportunites-dutilisation-des-biocarburants-et-leur-impact-sur-lenvironnement-socio-economiq43.png)
Les moteurs à injection indirecte : Ils sont
caractérisés par une préchambre de combustion où la
combustion est initiée et une chambre principale où se poursuit
la combustion par diffusion. Ils équipent les véhicules
automobiles, certains moteurs industriels. Ces derniers tolèrent les
huiles végétales pures (moyennant une bonne filtration). Mais les
tendances des 20 dernières années les ont rendus minoritaires
face aux injections directes.
Les moteurs à injection directe : L'injection et la
combustion du carburant sont effectuées dans une chambre de combustion
unique. Les puissances vont de 0,5 kW jusqu'au mégawatt. Sans
modifications, ceux-ci n'acceptent pas les huiles végétales
pures.
Lorsqu'ils sont alimentés avec des huiles
végétales pures à des charges inférieures à
50% de leur charge maximale (chambre de combustion à basse
température), on assiste à la formation de dépôts
charbonneux à l'intérieur du moteur et une forte dispersion
cyclique pouvant conduire à des dégâts mécaniques
parfois importants (Vaitilingom G., 2007).
Dans ce cas, les températures dans la chambre de
combustion sont inférieures à 500 °C. L'utilisation de
mélanges significatifs d'huile végétale et de fioul
(contenant plus de 10 % d'huile) ne résout pas les problèmes
d'encrassement tant que la charge reste inférieure à 50%.
L'encrassement existera toujours, seul le temps de formation est fonction du
taux d'huile végétale. Pour assurer une température de la
chambre de combustion supérieure à 500 °C, on réalise
un fonctionnement en biocarburation en utilisant un kit de biocarburation, sans
modification mécanique du moteur. Ce type de kit permet de
démarrer le moteur froid avec du gasoil et d'alimenter le moteur avec
100% d'huile végétale une fois que les conditions de
température dans la chambre de combustion sont suffisantes
(supérieure à 500 °C) (BLIN J., 2008).
En résumé : les huiles végétales
pures peuvent être utilisées dans les moteurs diesel ou dans les
brûleurs (surtout orientés pour des applications
spécifiques : « circuits-courts ») mais compte tenu de leurs
spécificités par rapport au gazole ou au fioul, leur utilisation
nécessite :
- une bonne filtration : contenir moins de 500 ppm après
une filtration à 10 microns, moins de 50 ppm de phosphore et moins de
500 ppm de cires ;
- un préchauffage pour pallier les problèmes
d'injection ou de pulvérisation liée à leur
viscosité plus élevée que celle du gazole ;
- une température de chambre de combustion suffisante qui
passe par l'utilisation d'un kit de biocarburation ou la modification de
certaines pièces du moteur.
Une fois les conditions favorables à une bonne
combustion des huiles végétales remplies, les performances et les
émissions sont très comparables à celles obtenues avec le
gazole ou le fioul.
L'utilisation des huiles végétales pures ou en
mélange au fioul dans des applications thermiques avec des
brûleurs nécessite, en plus des exigences de filtration des
huiles, une adaptation qui consiste :
`'Opportunités d'utilisation des biocarburants et leur
impact sur l'environnement socio-économique de la R.D.C». «
Cas de Mbankana dans le plateau des Batéké »
- à intégrer dans le circuit d'alimentation du
brOleur, un dispositif de réchauffage et de recirculation du combustible
permettant d'obtenir des températures du combustible d'environ 140
°C pour une bonne pulvérisation ;
- à effectuer un choix adapté du gicleur et
à effectuer des réglages adaptés de la pression de
pulvérisation et du débit d'air.
|