CHAP. I. INTRODUCTION
1.1. Problématique
Le choléra existe depuis plus de deux
millénaires. Les premières traces écrites qui attestent de
sa présence sont des textes sanskrits de susruta. Cette maladie
était alors confinée dans le delta du Gange et plus
précisément à l'actuel Bangladesh débordant
épisodiquement sur les territoires limitrophes d'Extrême-Orient.
En 1503, un officier de Vasco de Gama décrit une épidémie
dévastatrice de diarrhées rapidement mortelles responsable de 20
000 morts à Calicut. En 1563, le caractère
épidémique du choléra fut souligné par Garcia Del
Herto, physicien portugais à Goa en Inde(1).
Le développement et la systématisation du
commerce maritime, les échanges intercontinentaux marquent en 1817 le
début de l'ère classique du choléra
caractérisée par les 6 premieres pandémies. C'est en 1854,
avant l'identification formelle de Vibrio cholerae par Koch en 1883
que J. Snow reconnut le rôle primordiale de l'eau dans la diffusion du
choléra (2).
La septième pandémie a débuté en
1961 au niveau de l'archipel des Célèbes, en Indonésie.
Elle marque ainsi le passage du choléra dans l'ère moderne de son
histoire. Il est dû à un biotype particulier de Vibrio
cholerae découvert en 1905 par Gotlilch au Lazaret El Tor dans le
Sinaï sur des pèlerins de la Mecque et tenu responsable d'un
choléra endémique en 1838 aux îles Célèbes
par de Moore. Cette souche, dénommée Vibrio cholerae,
sérogroupe O1, biotype El Tor, revêt des caractéristiques
toxinogènes et un comportement environnemental particulier.
Elle est restée confinée pendant une trentaine
d'année dans l'archipel des Célèbes, régions
d'eaux saumâtres qui lui offre un environnement propice à sa
survie. C'est vers les années 1960 que le choléra se
déplace vers l'ouest touchant d'autres pays
d'Asie, puis l'Europe occidentale vers 1970. Au même
moment des pèlerins de retour par avion de la Mecque à Conakry
(guinée) sont probablement la cause de l'arrivée de la
pandémie en Afrique.
Ainsi la maladie prend au niveau continental la forme de
flambées épidémiques successives allant d'un pays à
l'autre. A dater de cette période, le choléra n'a plus
quitté l'Afrique (3).
C'est en Afrique que le choléra persiste le plus
violemment, s'installant de façon pérenne dans certaines zones et
frappant par flambées épidémiques presque tous les pays
(1).
Jusqu'à ce jour le cholera reste un problème de
santé publique dans le monde entier.
En 2006 par exemple, le nombre des cas de choléra
déclarés à l'OMS a augmenté de manière
spectaculaire pour atteindre le niveau de la fin des années 1990. Au
total, 236 896 cas ont été notifiés par 52 pays, dont 6
311 mortels (taux de létalité : 2,66%) (4). L'Afrique a
signalé 234 349 cas, ce qui représente 99% du total mondial, dont
6 303 mortels (taux de létalité : 2,7%). Si des cas ont
été déclarés dans 33 pays, 4 d'entre eux (Angola,
Ethiopie, République Démocratique du Congo (RDC) et Soudan) ont
notifié au total 186 928 cas, dont 4 988 mortels, ce qui
représente 80% des cas et des décès signalés en
Afrique (4).
En 2008, 190 130 cas avec 5 143 décès (taux de
létalité : 2,7%) ont été notifié par l'OMS,
en augmentation par rapport à 2007 (177 963 cas, 4 031
décès, taux de mortalité : 2,3%). L'Afrique a
signalé en 2008, 179 323 cas dont 5 074 décès
(létalité 2,83%), en particulier en Angola, RDC,
Guinée-Bissau, Soudan et Zimbabwe. Des flambées massives de
choléra ont été observées au Zimbabwe et en
Guinée-Bissau représentant 41,5% de tous les cas signalés
en Afrique et 39% du total mondial. L'Asie a déclaré 10 778 cas
(en particulier : Afghanistan, Inde, Indonésie). Il y a peu de
données pour l'Amérique centrale et du sud (1 cas
eau Mexique). Des cas importés ont été signalés en
Amérique du nord (7 cas) et en Europe (22 cas) (5).
La RDC en effet, avait été
épargnée par ce fléau pendant les six premières
pandémies.
Les premiers cas ont été signalés en 1973
à l'ouest et en 1977 à l'est, dans la ville de Kalemie, sur la
rive ouest du lac Tanganyika. Cependant, alors que l'ouest du pays semble
s'être débarrassé du choléra (il n'y a plus
d'épidémie significative depuis 2001), l'est du pays est de plus
en plus lourdement atteint.
De ce fait, la RDC figure maintenant parmi les pays les plus
touchés au monde par cette maladie au point que, sur la période
2000-2008, 208 875cas et 7 335 décès (létalité de
3,51%) dus au choléra ont été rapportés à
l'OMS ; soit 15 % des cas et 20 % des décès rapportés dans
le monde pour la même période. Ces cas concernent
particulièrement les provinces de l'est, situées dans la
région des grands lacs. Ainsi, la RDC se place actuellement en
tête des pays ayant déclaré le plus de cas à l'OMS
(6).
Dans les provinces de l'Est, sept zones sanctuaires
(essentiellement dans les régions lacustres) ont été
identifié dont la ville de Bukavu situé le long du lac Kivu et
où le choléra sévit de manière
endémo-épidémique(6). Il est possible que les conflits
armés aient joué un important rôle dans l'aggravation de
cette situation qui, déjà était précaire par la
destruction des installations existantes (ex : 18 centres de la REGIDESO sur 94
ont été pillés et totalement détruits lors des
conflits armés à l'Est) (7).
Au Sud Kivu, le taux d'incidence du choléra en 2006,
était de 187/100.000 habitants (moyenne nationale : 123/ 100.000
habitants). Les principaux foyers du choléra dans la province du Sud
Kivu, demeurent Uvira et Bukavu. Ces deux foyers font partie de sept
sanctuaires du choléra en RDC (7). L'épidémie de 2006-2007
à Bukavu aurait fait, 175 jours soit 25 semaines
épidémiologiques ; une épidémie de type
traînante (8). Pour l'année 2009, le district sanitaire de Bukavu
a rapporté 1 459 cas parmi 14 décès (9). Ceci nous prouve
à suffisance que le choléra est un problème de
santé publique réel dans la ville de Bukavu et nécessite
un regard particulier des scientifiques, des humanitaires ainsi que celui des
autorités tant sanitaires que
politiques. La diffusion de la maladie est assurée par
les contacts interhumains et surtout par l'eau. La mortalité reste
faible, mais les porteurs asymptomatiques sont nombreux et disséminent
la maladie.
Les aires de santé les plus touchées sont des
quartiers populaires, entourant la ville de Bukavu : niveau
socio-économique bas, accès à l'eau potable difficile, et
hygiene précaire (8).
Le réseau de distribution d'eau à Bukavu ne
couvre qu'environ 55% de la population, la vétusté de sa
tuyauterie serait un facteur favorisant la contamination de l'eau du
réseau et la dissémination du choléra.
Mis à part la contamination des sources d'eau ou du
réseau de distribution, d'autres facteurs peuvent être
évoqués dont la promiscuité et la mobilité des
populations (8).
Une étude susceptible d'apporter une lumière sur
les sources de contamination des victimes du choléra alors qu'il n'y a
pas d'épidémie proprement parlée, serait d'une importance
capitale. Elle amènerait à envisager des actions précises
et durables pouvant non seulement éviter l'avènement d'une
épidémie, mais aussi la persistance des apparitions des cas
sporadiques dans la ville de Bukavu.
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