Déterminants des investissements extérieurs au maroc: approche analytique et empirique sur le secteur industriel( Télécharger le fichier original )par Mustapha MAGHRITI Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Rabat-Agdal - Thèse de Doctorat en Economie Internationale 0000 |
2.3 Internalisation de marchés imparfaits :On reconnaît aujourd'hui largement que l'internalisation des marchés constitue un facteur-clé dans la compréhension du phénomène de croissance des entreprises multinationales tout au moins parmi les défenseurs d'une approche par la théorie de la firme57(*). Le concept d'internationalisation n'est assurément pas neuf puisqu'il a été conçu par Coase (1973). On peut dire qu'un firme internalise le marché d'un bien intermédiaire donné lorsqu'elle crée son propre marché interne, ce qui lui permet de planifier et de contrôler toutes les transactions au sein de ce marché, ainsi que d'en administrer le prix. Mais pourquoi une firme peut-elle se lancer dans le processus d'internalisation c'est-à-dire de relancement de marchés externes par une planification centralisée ? Dans une analyse convaincante, Buckley & Cason (1976) défendent le point de vue selon lequel les imperfections qui entachent les marchés des biens intermédiaires (produits semi-fini, savoir-faire couverts par des brevets, capital humain, ...etc.) constituent une motivation importante à internaliser ces marchés. Ces auteurs relèvent cinq types d'imperfections qui rendent profitable l'internalisation du marché : 1- L'absence de marchés à terme nécessaires à la coordination d'activités interdépendantes mais non contemporaines, c'est-à-dire de différents stades de production séparés les uns des autres par des intervalles de temps significatifs ; 2- Le fait pour une firme individuelle de posséder un pouvoir de marché à l'égard d'un produit intermédiaire, dans la mesure où elle ne peut pratiquer une discrimination efficace par les prix ; 3- La concentration bilatérale de pouvoir de marché ; 4- Le fait qu'il y ait incertitude dans le chef de l'acheteur, c'est-à-dire lorsque le vendeur possède une meilleure connaissance de la nature ou de la valeur du produit et valorise ce dernier à un prix plus élevé que l'acheteur ou lorsque, dans le cas d'un bien public tel que le savoir-faire, sa valeur pour l'acheteur dépend de la décision du vendeur (éventuellement à un prix plus bas) à des concurrents ; 5- La présence de droits de douane ad valorem, de restrictions sur les mouvements de capitaux, et l'existence d'écarts internationaux dans les taux de taxation des revenus et des profits, dans la mesure où la manipulation des prix de transfert au sein de marchés internes permet de maximiser le profit global en minimisant l'impact des interventions gouvernementales. Les mêmes auteurs avancent que les marchés du savoir-faire génèrent les incitants les plus puissants à l'internalisation, et ceci dans la mesure où des imperfections de marché évoquées plus haut y sont généralement rencontrées. Il s'ensuit une intégration horizontale de la production, de la commercialisation et des activités de recherche et développement. Il apparaît donc que le principe d'internalisation est au coeur du concept même de la firme. L'internalisation est également susceptible de se révéler avantageuse pour les produits agricoles périssables (manque de marché à court terme, spécialement pour les produits non standards), pour les produits intermédiaires capitalistiques dans les processus industriels comportant plusieurs stades de production (en l'absence de marché à long terme, la rentabilité du capital à un stade de production peut être mise en danger par des goulots d'étranglement à d'autres stades), et pour les matières premières dont les gisements sont concentrés géographiquement (impossibilité pour le monopoleur de pratiquer une politique de prix discriminatoire de manière à éviter la substitution). Ces trois derniers types d'internalisation ont en commun le fait qu'ils concernent des produits intermédiaires dans des processus comportant plusieurs stades de production et qu'ils conduisent à l'intégration verticale. Mais l'internalisation implique des coûts également : coûts en ressources dus à la non concordance des échelles optimales de production aux divers stades de production (ce qui peut cependant être évité par le recours simultané aux marchés externes), coûts administratifs et de communication. Le degré optimal d'internalisation des marchés est dès lors tel que le coût marginal de l'internalisation s'égalise à son revenu marginal. Le concept d'internalisation a jusqu'ici fait l'objet de discussion sans qu'il ne soit fait allusion à l'entreprise multinationale (excepté quand ont été mentionnées les imperfections de marchés internationaux). Il a en effet été montré que le processus d'internalisation est au coeur du concept même de la firme et n'implique pas nécessairement la multinationalisation de cette dernière. Par contre, comme pour toute firme moderne, la compréhension de la multinationale requiert le concept d'internalisation. Ce qui rend la multinationale différente des autres firmes est que le processus d'internalisation se fait par-dessus les frontières nationales. Voyons comment Buckley & Casson explique le développement des multinationales58(*). Avant la seconde guère mondiale, les auteurs le voient comme étant lié à l'internalisation des marchés intermédiaires dans les processus comportant plusieurs stades de production. Par contre, la stratégie de localisation d'une firme avec des activités intégrées de production, de marketing et de recherche et développement découle de la nature de bien public, du savoir-faire qu'elle possède (connaissances accumulées dans les domaines technique, commercial et de gestion, en particulier grâce aux dépenses de recherche et développement). Une fois constitué, ce savoir-faire peut, en effet, être appliqué sans coût additionnel (à l'exclusion des frais de transfert supposés négligeables) dans diverses localisations, si bien que son exploitation totale passe nécessairement par la réalisation d'IDE, par son internalisation par-dessous les frontières. L'alternative consistant à vendre des licences d'exploitation est généralement exclue en raison des imperfections du marché du savoir-faire. Les multinationales de l'après guerre sont supposées avoir suivi un tel chemin de développement et sont, dès lors, un sous produit de l'internalisation des marchés du savoir-faire. D'importantes activités de recherche et développement ont été stimulées par le glissement structurel vers les produits à haut contenu technologique, lui-même induit par des phénomènes d'offre (telle que la disponibilité croissante de main d'oeuvre spécialisée) comme de demande (revenus en croissance, sophistication accrue des goûts, dépenses publiques élevées dans les projets de défense et de prestige. En résumé, les caractéristiques de croissance et de profitabilité des multinationales d'après guerre découleraient davantage des facteurs qui régissent l'internalisation du savoir-faire que de la multinationalité elle-même. En outre, les investissements directs d'après guerre se font principalement entre économies développées plutôt que de ces économies vers les pays en développement, et ce en raison des coûts moindres d'adaptation du savoir-faire et des techniques de production dans des pays de même niveau de développement. Pour expliquer l'existence de multinationales ne faisant que peu de recherche et développement, telles que les multinationales de la banane et les chaînes hôtelières internationales, Cason étend le domaine de la théorie de l'internalisation aux biens de consommation de haute qualité et aux services. Lorsque la qualité du produit final est importante aux yeux du consommateur et qu'il règne une certaine incertitude à propos de cette qualité précisément, la réponse du vendeur consiste à développer des produits de marque. Le développement et la protection de sa marque conduisent le vendeur à contrôler strictement la qualité de son produit. La meilleure façon d'y parvenir tout en minimisant ses frais de transaction est de procéder à l'intégration de ses activités. * 57 Rugman, 1983, op cit P 48-50 et Peyrard.J.1988, op cit 96. * 58 Buckley PJ, Casson M 1971 op cit. |
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