CHAPITRE 3
LE SYSTEME EDUCATIF HAITIEN UNE INDUSTRIE NON
RENTABLE.
La société haïtienne investit des
ressources énormes dans l'éducation. Les efforts des parents
représentent un peu plus de 85% en 1994 / 95 des contributions
financières injectées dans le système. L'absence d'une
politique de l'enseignement (pré-scolaire, primaire, secondaire,
supérieur) qui en définirait la mission générale
explique que les acteurs s'adonnent à une exploitation anarchique et
irrationnelle de la demande sociale de formation. Et une des principales
caractéristiques du système éducatif haïtien est
donc sa faible qualité, qui se traduit par un taux élevé
de redoublement, un nombre important d'élèves âgés,
et une performance aux examens de fin détudes qui laisse à
désirer.
Mais face à ce problème, quelles sont les
causes de cette non rentabilité du système ?
Section 1 : Les Facteurs qui ont limite le Developpement du
Systeme Educatif Haitien.
L'éducation est devenue beaucoup plus
accessible dans toutes les régions du monde et cependant elle est loin
d'être à la portée de tous surtout dans le cas
d'Haïti. Ainsi, plusieurs facteurs sont à la base du
mal-développement de ce système. Ils se résument de la
manière suivante:
§ l'absence de politique éducative
§ la faiblesse de la carte scolaire
§ l'inadaptation du contenu de l'Enseignement
§ le manque de materiel pédagogique
§ la faible qualification des maîtres
Après avoir identifié ces facteurs nous essayons
de les analyser .
1-1 L' ABSENCE DE POLITIQUE EDUCATIVE.-
La politique de l'éducation en Haïti s'inspire
toujours du décret-loi de 1982 concernant la réforme de
l'Enseignement. La généralisation de la réforme, avant
l'obtention d'un concensus national, a été marquée,
dès le début malgré de longs travaux de préparation
par une certaine précipitation, laquelle a parfois entraîné
un certain désarroi chez les parents, les directeurs d'école et
les fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale. Tous
les sous-systèmes du système éducatif présentent
les empreintes de cette déficience de la politique éducative
d'alors.
Ainsi, la structure éducationnelle, c'est-à-dire
l'enchaînement des filières et des programmes définie par
la Réforme de 1982 qui visait à éliminer la
rigidité de la structure traditionnelle en ouvrant des options vers
l'emploi à différents niveau du système, n'a pas
été mise en place comme prévu. La confusion autour de
l'École Fondamentale, tantôt perçue comme unité
administrative, tantôt comme structure pédagogique, est encore
très grande, les messages contradictoires envoyés par le
ministère quant à la durée de chaque cycle, le manque de
clarté dans les objectifs assignés aux filières
pré-professionnelles et professionnelles augmentent le malaise et
retardent le consensus sur une vision commune et partagée par les
acteurs. Les faibles performances et le fonctionnement anarchique du
système trouvent leur origine dans la faiblesse de sa gouvernance
publique. Celle-ci s'explique en partie par les ressources limitées des
institutions gouvernementales mais surtout par le mode de gestion, avec pour
effet un manque de politiques éducationnelles ou de planification
stratégique, l'absence de continuité dans l'application des
politiques de la réforme éducative des systèmes
opératoires. Qu'en est-il de la carte scolaire ?
1-2 LA FAIBLESSE DE LA CARTE SCOLAIRE.-
Alors que nous célébrons le Bicentaire de notre
Indépendance, la première République noire du monde, le
deuxième pays indépendant de l'amérique après les
USA en 1776; il est paradoxal de constater la faiblesse de la carte scolaire de
ce pays. Il existe environ 1335 centres Pré-scolaires (CPI) à
travers les neufs départements du pays répartis comme suit : 317
pour le public et 1018 pour le secteur privé.
TABLEAU 18
NOMBRE D'ÉTABLISSEMENTS PAR NIVEAU
D'ENSEIGNEMENT ET SECTEUR
(chiffres de 1993 / 1994 et 1994
/1995)
Niveau d'Enseignement
|
Public
|
Privé
|
Total
|
% Privé
|
Prescolaire (a)
|
317
|
1018
|
1335
|
76.3%
|
Primaire (a)
|
1100
|
8971
|
10071
|
86.4%
|
SECONDAIRE
|
|
|
|
|
Général (b)
|
116
|
660
|
776
|
84.0%
|
Technique (b)
|
62
|
-50
|
-112
|
44.6%
|
ENI (b)
|
11
|
7
|
18
|
39.9%
|
SUPERIEUR GENERAL
|
|
|
|
|
Université (b)
|
16
|
54
|
70
|
87.0%
|
Ecole / Institut (b)
|
|
|
|
|
Sources : (a) Public : MENJS, 1994/95,
privé : FONHEP 1993/94.
(b) Enquête du Diagnostic du Secteur
Educatif, 1995.
Pour le primaire on est à 10.071 écoles
(publiques et privées), 776 pour le secondaire (publiques et
privées), 112 pour la formation technique et 70 pour l'enseignement
supérieur général (public et privé). En analysant
le tableau ci-dessus nous voyons que la situation est déplorable. Et
pourtant la constitution haïtienne prévoit que l'école est
obligatiore et gratuite entre 7 et 24 ans. L'un des obstacles majeures, c'est
surtout la mauvaise planification de la carte scolaire à travers le
pays.
Même quand l'école existe dans les zones
rurales, l'état de délabrement du matériel ne facilite
guère l'acquisition de connaissances. L'école revêt le plus
souvent de la forme d'un hangar assez bas de plafond, recouvert de tôles
ondulées, plaques chauffantes qui sous un climat tropical facilitent la
propagation de la chaleur. Le plus souvent les élèves n'ont pas
de pupitre et sont serrés comme des sardines sur des bancs et chaises
où les punaises ne sont pas absentes. Un tableau noir, une chaise
délabrée du maître, quelques bancs branlants composent
parfois tout le mobilier. Souvent la cour de récréation
poussièreuse ne compte pas un seul arbre, l'ombre y est rare et les
forces d'aisance aussi. La carence de l'Etat dans ce domaine donne l'occasion
à l'existence de nombreuses écoles privées. La plupart de
ces écoles non publiques ne sont pas à proprement parler le fruit
de l'initiative privée individuelle mais plutôt le résultat
d'une action communautaire, soit d'une église catholique ou protestante,
soit d'une 0NG, soit d'une collectivité à la recherche d'une voie
de sortie pour ses enfants.
La grande majorité des écoles privées
fonctionnent dans des conditions déplorables. D'après une
enquête de la FONHEP réalisée en 1993 sur les écoles
primaires privée des 8000 recensées, 70% ont un état
physique jugé inadéquat, 82% ne disposent pas d'une carte de
géographie 72% n'ont pas de règles pour les maîtres.
Parmi les écoles secondaires visitées, celles
qui possèdent une bibliothèque ou un laboratoire sont
réellement minimes. Sur un échantillon de 200 il n'y a que 20 qui
possèdent une petite bibliothèque (surtout les écoles
congréganistes) et 5 possèdent un embryon laboratoire par
exemple, Catts Pressoir, Roger Anglade, Canado, St Louis de Gonzague.
Quelques Lycées visités n'ont pas de
bibliothèque ni de laboratoire, excepté le Lycée
d'Alexandre Pétion qui possède un embryon de laboratoire mais
dans un état déplorable. Il existe très peu
d'écoles techniques. Selon les enseignants contactés à
partir du «groupe focus» l'État ne s'intéresse pas
à l'enseignement technique. L'INFP dispose de moins de 10 personnes pour
assurer l'encadrement des 62 établissements placés dans son
orbite.
L'Université d'État d'Haïti est fort mal
logée, elle est dispersée dans des locaux épars,
plutôt exigüs. Il n'existe pas à proprement parler de campus
universitaires en Haïti. La Faculté Agronomie est l'un des
établissements de l'Université d'État les mieux pourvus
sur le plan des ressources physiques. Cependant, bien qu'elle soit logée
sur la vaste ferme de Damien s'étendant sur plus de 10 hectares, elle ne
dispose pas vraiment d'un campus.
Parmi les Facultés d'État visitées il
n'y a que les Facultés d'Agronomie et de Médecine
Vétérinaire avec la Faculté de Médecine qui
possèdent des laboratoires de recherches plus ou moins adéquats.
Et parmi les Facultés dotées d'une bibliothèque, il a
été fait mention toujours de la Faculté d'Agronomie et de
Médecine Vétérinaire (5276 titres scientifiques), de
l'Institut National d'Administration de Gestion et des Hautes Etudes
Internationales (INAGHEI) (3200 titres) de la Faculté et Écoles
Supérieures de l'Université d'État ont plutôt des
embryons de laboratoire et de bibliothèque.
Au niveau des Institutions d'enseignement supérieurs
privés, l'on peut mentionner parmi celles qui disposent de ressources
physiques importantes : Le grand Séminaire Notre-Dame qui occupe deux
grands immeubles sur un terrain de plus de 4 hectares de superficie, l'Institut
de Technologie Electronique, l'Institut Polytechnique, le GOC,
l'université Quisqueya, qui s'étendraient chacun sur des
superficies variant entre 1.000 à 2.000 m2.
Enfin, il convient de faire remarquer que beaucoup
d'établissements supérieurs en Haïti sont logés dans
des immeubles de location. Souvent ces locaux ne sont pas appropriés
à l'enseignement, vu la mauvaise distribution et la superficie des
salles, leur localisation et autres inconvénients. De plus, une
institution d'enseignement fonctionnant dans un immeuble de location est
vouée à une certaine instabilité en ce sens qu'elle est
susceptible d'être transférée d'un moment à
l'autre.
En analysant la carte scolaire au niveau des quatre (4)
ordres d'enseignement, nous voyons qu'il existe une grande disparité
entre les zones urbaines et rurales. En effet, le nouveau découpage
territoirial l'a fait passer un certain nombre de localités des zones
rurales dans les zones urbaines, ce qui explique ainsi l'augmentation du nombre
d'établissements dans le milieu urbain et la baisse dans le milieu
rural.
Face à cette situation alarmante l'État
Haïtien doit prendre ses responsabilités.
1-3 L'INADAPTATION DU CONTENU DE
L'ENSEIGNEMENT.-
La faiblesse du rôle régulateur de l'État,
en laissant le champ libre à la multiplicité des initiatives
privées, a eu pour effet le résultat une grande
variété d'interprétations de la réforme, et surtout
le maintien d'un secteur traditionnel important. Ce secteur a cherché
à préserver des conceptions pédagogiques
éprouvées mais souvent archaïques et a toujours
considèré avec méfiance les contenus et les
méthodes véhiculés par la réforme.
Au niveau pré-scolaire, le curriculum national n'a pas
été revisé depuis 1982 ensemble avec son guide de
l'enseignement «Premye konesans mwen». Ce curriculum national a
été préparé par l'Institut Pédagogique
National (IPN) pour l'éducation Pré-scolaire des enfants entre 3
et 5 ans.
Il comprend 6 objectifs généraux et 2
thèmes: activités préparatoires et expérientielles.
Ce curriculum est utilisé à la fois dans les centres de
formations publics formels et non formels, ces activités sont
ventilées entre trois groupes d'âges. Dans le secteur privé
bien que l'ensemble des centres privés ou publics sont supposés
suivre le curriculum national d'après le projet d'Élaboration du
plan National Education 2004, rapport de synthèse (sept 1995) nous
indique que l'étude de la FONHEP relate que la grande majorité
des centres ne l'utilisent pas et le degré d'utilisation du curriculum
National n'excèdent pas 20% dans les écoles
défavorisées et 9% dans le cas des plus
désavantagées à cause des confusions sur la classification
des classes Pré-scolaires et en ce qui touche le niveau d'instruction
requis. Il y aurait une tendance soit à utiliser le curriculum de
première année fondamentale, soit à instaurer un
mélange de matériels de première année avec du
matériel pré-scolaire.
Il est aussi indique dans l'étude de la FONHEP la
tendance dans les programmes mentionnés, particulièrement dans le
cas des classes «maternelles», à utiliser pour le groupe
d'âge de 5 ans des livres de lectures d'arithmétique et des
manuels de communi-cation en français, développés à
l'intention des classes primaires.
Au niveau de l'enseignement fondamental, il existe six
documents de programme, un par niveau, pour les 6 années des deux
premiers cycles du fondamental et couvrant toutes les matières
enseignées datant de 1987/89 et promulgués en 1990 et vingt-six
documents pour le troisième cycle du fondamental soit les
7ème, 8ème et 9ème
années.
Dans l'ensemble des centres publics, le MENJS a relevé
les problèmes et les contraintes dans l'application du curriculum, la
mauvaise compréhension du contenu et l'accentuation sur les
activités de lecture des difficultés rencontrés par les
enseignants du fait de leur niveau académique insuffisant mais aussi du
manque de ressources humaines et matérielles disponibles sur le terrain
reticence de la part des parents qui sont habitués aux modèles
traditionnelles de l'école primaire d'accepter les nouveaux
modèles du curriculum national est une nécessité si l'on
veut que ces enseignants l'utilisent réelle-ment et ne retournent pas
à l'apprentissage par coeur.
Jusqu'à présent, s'il existe un programme ou
document préparé pour le secondaire, il n'est pas diffusé.
C'est le plus souvent le professeur qui dans sa classe décide du
programme à appliquer. L'annonce des examens officiels en 1990 a
déclenché un mouvement de conformité aux nouveaux
programmes. Ceci s'est traduit par la recherche des documents de programme.
C'est d'ailleurs le secteur privé qui a consenti les plus importants
efforts pour mettre en application les nouveaux programmes.
L'absence d'une instance de contrôle au niveau de
l'administration centrale favorise la prolifération de matériel
didactique allant des compilations polycopiées aux manuels vraiment
sérieux visant la mise en application des programmes. Actuellement le
professeur fait lui-même son petit commerce de matériel didactique
polycopié et entériné par le directeur d'école.
L'enseignement technique et la formation professionnelle sont
des processus de formation très différenciés dotés
de finalités différentes et faisant appel à des
modalités opérationnelles distinctes. Le fait de confier à
un seul organisme (en l'occurrence d'INFP) la double mission de gérer le
sous-système d'enseignement technique et de mettre en place un
système national de formation professionnelle est créateur de
confusion et aboutit, comme c'est souvent le cas, au fait que l'une des
missions phago-cyte l'autre.
A partir du «groupe focus avec des anciens
élèves des programmes d'en-seignement technique ou professionnel,
on a pu recueillir par perception de la qualité ou de l'utilité
de ces études. Ceux qui travaillent pensent que leur formation est
insuffisante et qu'il leur manque des travaux pratiques. Certains
déplorent ne pas avoir été familiarisés avec le
monde du travail avant de commencer à travailler. Pour d'autres
étudiants au chômage ou à l'université, la formation
technique a été un élément indispensable de leur
culture. Ils apprennent mieux et plus vite et puis ça peut toujours
servir un jour. La formation est bonne mais il n'y a pas débouché
selon les employeurs, la plupart des cours offerts sont à cause des
contenus inadaptés soit à cause de la mauvaise qualité de
formation. Ils doivent faire venir des Philippines ou de la République
Domini-caine de spécialistes en réfrigération, des
contrôleurs de qualité, des superviseurs et des mécaniciens
d'entretien. Les secrétaires sont mal formées sur le plan
technique et surtout dans le domaine des connaissances générales,
principalement pour ce qui est de la communication écrite.
L'Enseignement supérieur et l'Université
d'État en particulier semblent continuer d'exister dans
l'indifférence par rapport aux besoins en qualifications de
l'administration et du secteur privé. Ce dernier fait de plus en plus
appel à des cadres étrangers pour des formations que le secteur
est pourtant en mesure d'organiser sans investissements nouveaux significatifs
alors que, à l'inverse, les diplômés des facultés et
écoles supé-rieures ont du mal à trouver du travail dans
leur spécialité. Par ailleurs, l'Université a
traditionnellement été indifférente par rapport au
développement du système éducatif dans son ensemble. Elle
s'est trouvée exclue de la conception et de la mise en oeuvre de la
Réforme Educative de 1982 en dépit de l'énorme potentiel
humain dont elle disposait. Il existe des domaines ( par exemple en sciences
humaines) dans lesquels les universités haïtiennes pourraient
développer des programmes de recherche susceptibles de leur accorder une
reconnaissance et une compétence spécifique sur le plan
international.
Le matériel didactique et les laboratoires font
cruellement défaut sans qu'une bibliothèque puisse compenser
l'effet de cette pénurie, les rares volumes disponibles dans
l'établissement ne sont pas mis à la disposition des
étudiants.
Enfin, cette apparente anarchie qui fait cohabiter dans le
même système des institutions traditionnelles
réformées en totalité et des institutions qui combinent,
selon les dosages différents, certains élèments de la
réforme dans un cadre traditionnel, va poser de plus en plus de
problèmes, notamment au regard de l'harmonisation de la durée des
cycles, des modalités de transition d'un cycle à l'autre et des
procèdures de certifica-tion.
1-4 LE MANQUE DE MATERIEL PEDAGOGIQUE.-
Le matériel pédagogique nécessaire et
approprié n'existe pas non plus au niveau des 4 ordres d'enseignement.
En effet, qu'au niveau primaire, l'école haïtienne dispose d'un
nombre de titres de livres scolaires produits localement, même s'ils ne
correspon-dent pas au curriculum. Au secondaire, il en existe très peu.
La Production de tels livres est coûteuse, vu les recherches qu'ils
nécessitent, le nombre de pages et la quantité de papier qu'ils
demanderaient, et le nombre limité de copies que pourraient absorber un
marché des élèves du secondaire jusqu'ici habituellement
envahi par des polycopies mal présentées.
Au niveau supérieur et technique la majorité des
ouvrages sont en anglais et ne correspondent que partiellement au curriculum et
sont extrêmement chers. Quelques très rares établissements
privés (Quisqueya) offrent en conséquence des programmes
difficilement gérés de location de titres importés. Dans
certaines villes de province, des livres étrangers reçus en don
sont loués à bas prix par des institutions communautaires.
Cette rareté d'ouvrage oblige le professeur à
utiliser la plus grande partie du temps à dicter ou à
écrire au tableau et les élèves à prendre de notes.
Il n'y a pas de discours pédagogique pour l'accès au sens ou pour
la vérification de la compréhension. La progression des
étudiants dans l'assimilation des programmes s'en trouve très
ralentie. Corrélativement à tout cela, les évaluations
consistent en général à la restitution d'un texte appris
par coeur. Une autre source d'handicape dans l'assimilation des programmes
tient à la faiblesse générale des étudiants en
français, qui ne pallie pas suffisamment le recours au créole
pour des explications en classe.
1-5 LA FAIBLE QUALIFICATION DES
MAITRES.-
Quand on considère le profil des candidats aux
écoles normales le tableau n'est guerre plus brillant.
Déjà 1982, l'on notait que quoique le profil d'entrée en
1ère année se situait en grande partie au niveau du
Brevet élémentaire (3ème secondaire) le niveau réel
des recrues était très faible. Au concours d'entrée pour
l'année 1982-83,55 candidats sur 982, soit 5,6% arrivaient à
obtenir la moyenne 10/20. Dans le souci d'améliorer la qualité
des ressources humaines, les écoles Normales du secteur public ont
depuis quelques années décidé de réhausser le
niveau de récrutement des candidats ; le Baccalauréat 1ère
partie est actuellement requis selon les directeurs des Écoles Nornales
d'Instituteurs (ENI).
La qualification des enseignants varie selon le secteur
d'enseignement. Un peu moins d'un enseignant sur deux n'a pas un niveau
d'étude suffisant dans l'enseignement public alors que ce taux
dépasse 80% dans l'enseignement privé rural. Le pourcentage de
normaliens est également plus élevé dans l'enseignement
public, notamment urbain.
La qualification des enseignants ne s'est pas
améliorée puisqu'en 1993-94, les données, venant du MENJS
nous montrent dans les qualifications du corps des enseignants dans le secteur
public étaient recrutés sans qualification. L'annuaire
statistiques de la FONHEP indique que pour l'année 93 / 94 le taux de
normaliens pour le secteur privé est de 0,42% et que le niveau
d'étude de la grande majorité des enseignants (67,1%)
était inférieur au Brevet d'études primaires.
Au niveau secondaire les informations disponibles sont plus
limitées mais, selon les estimations de la Direction de l'Enseignement
secondaire, approximativement 59% des professeurs sont bacheliers pour un
pourcentage de 12% de normaliens. D'une manière générale,
les enseignants ne sont pas qualifiés et ceux qui le sont ne
possèdent pas une connaissance approfondie des matières à
enseigner et une technique pédagogique adéquate.
Les tests administrés aux différents contingent
de maîtres ont révélé une situation encore plus
catastrophique réelle étant inférieur au niveau de
formation déclaré. En 1991, un échantillon de 2000
maîtres d'écoles défavorisées du secteur
privé a été soumis à un test diagnostique couvrant
les objectifs des trois premiers cycles de l'enseignement Fondamental. La
grande majorité de ces maîtres n'ont pas atteint le niveau de
perforrmance correspond au 2ème cycle de l'école
Fondamentale. Cette tendance se vérifie pour la plupart des
matières de base, sauf en créole ou 39,6% dépassent la
moyenne de 50 / 100.
Ainsi des circulaires du Ministère (mai 1995)
préscrivent la priorité aux normaliens dans les prochains
récrutement et prévoient la mise à la retraite
anticipée des enseignants dont l'incompétence serait
prouvée et qui auront 15 ans ou plus de vie professionnelle. Il est
à noter qu'un grand nombre d'étudiants de diverses
facultés dispensent des cours dans des institutions secondaires sans les
qualifications profession-nelles requises.
Plusieurs maîtres ruraux ne sont jamais passés
par une école normale, n'ont pas la qualification réquise.
Certains ne prennent cet emploi d'instituteur que pour être
fonction-naires, alors qu'ils n'ont que peu ou pas de vocation pour
l'enseignement. Le récrutement des agents de l'éducation de
l'école souffre d'un manque de rigueur qui se manifeste plus fortement
entre les écoles de milieu rural et celles de milieu urbain. Dans
beaucoup de cas les critères utilisés ont fort peu à voir
avec la compétence pédagogique; ils ne sont pas clairement
identifiés et appliqués systématiquement.
Dans le cas des lycées nouvellement crées, il
n'y a pas eu de sélection réelle. Le personnel y a
été assigné par des populations elles-mêmes, ou dans
d'autres cas, le MENJS s'est vu communiquer des listes de postulants sans
compétences. Certains directeurs se plaignent du niveau des enseignants
secondaires en langue française et disent préférer
actuellement recruter des instituteurs de français formé pour
dispenser ces cours dans les années du 3ème cycle
fondamental en lieu et place des diplômés de l'Ecole Normale
Supérieure.
L'École Normale Supérieure qui assure la
formation des professeurs de l'enseignement secondaire se limite aux
professeurs d'enseignement classique, et le ministère non plus n'a pas
une politique pour la formation initiale des formateurs pour l'enseignement
technique et professionnel. Les professeurs au niveau supérieur ne
possèdent pas une haute qualification afin de mener à bien les
activités d'enseignement et de recherche. Moins de 10% des
professeurs dénombrés possèdent un doctorat.
Ainsi, la faible qualification des maîtres et des
professeurs ont des répercussions sévères sur le rendement
des élèves. Ce qui explique aisément le mauvais rendement
qu'on enregistre dans l'enseignement général.
A notre avis, ces mauvais résultats indiquent fortement
au Ministre de l'Éducation qu'il faut agir vite c'est-à-dire
prévoir des mesures importantes dans le cadre des aména-gements
pour le système éducatif haïtien.
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