c/ Projet : propositions pour une transition vers la
couverture universelle en Tunisie :
l'article premier de la loi N° 2004-71 dispose
que:" Il est institué un régime d'assurance maladie, au profit
des assurés sociaux et de leurs ayants droit, fondé sur les
principes de solidarité et l'égalité des droits dans le
cadre d'un système sanitaire complémentaire qui englobe les
prestations servies dans les secteurs public et privé de la
santé». La qualité d'assuré social dépend
étroitement de l'immatriculation (pour les salariés dans les
secteurs agricoles ou non agricoles ainsi que leurs ayants droits, et les
étudiants) ou l'affiliation (pour les travailleurs non salariés
dans les secteurs agricole ou non agricole), à un régime
légal de sécurité sociale. Autrement on voyait que la
justification de l'exercice d'une «activité» prévue par
un texte légal est au coeur du
champ de la couverture par l'AMO. Le système de
sécurité sociale tunisien et plus précisément
d'assurance maladie demeure intimement lié au modèle Bismarckien.
Comme on l'a vu plusieurs pays y compris l'Allemagne ont transité vers
la CMU, puisque ça était démontré (Evidence Based),
l'impact de l'état de santé des individus de la population sur la
croissance économique et le développement d'un pays à
court terme et à long terme et vice versa. En Tunisie, la gestion du
régime d'AMO est confiée à la CNAM, mais les cotisations
venant financer l'assurance maladie et naturellement le système de la
santé, transitent par les deux caisses de sécurité sociale
des assurés des secteurs public et privé. Pour pouvoir
bénéficier des services de la CNAM, il faut impérativement
avoir la qualité d'un assuré social à la CNSS ou la CNRPS.
L'affiliation à certains régimes de sécurité
sociale surtout gérés par la CNSS : travailleurs non
salariés du secteur agricole (TNSA) et régime des travailleurs
non salariés prévu par la loi 2002-32, dépend en pratique
du choix de l'individu. Si quelqu'un opte pour l'affiliation au régime
TNS de la loi 2002-32 ( bien stir il doit remplir certaines conditions), il
sera obligé de payer ses cotisations trimestriellement ou mensuellement
ou même annuellement. Dans le cas où il ne répond pas aux
conditions d'affiliation, ou il n'opte pas pour son affiliation à un tel
régime, il ne sera pas un assuré social et donc il ne peut
bénéficier d'aucune couverture sociale (ni retraite ni assurance
maladie). Inutile de dire que pour un citoyen ayant un revenu faible voulant
justifier son exercice d'une activité agricole (petit éleveur,
propriétaire ou locataire d'une petite portion d'une terre agricole),
pourra utiliser la corruption pour obtenir un certificat délivré
par l'Union de l'Agriculture. Pour les travailleurs non salariés du
secteur non agricole (TNSNA), l'affiliation est automatique vue la coordination
entre le bureau des impôts et le bureau de la CNSS. On voyait donc
l'absence de procédures uniformes pour traiter l'affiliation des
assurés à certains régimes, et donc la qualité
d'assuré à la CNAM dépend aussi des
«procédures» au niveau de la CNSS ou de la CNRPS.
La Caisse Nationale de Sécurité Sociale
(CNSS) surtout engage des sommes importantes pour le recouvrement des
cotisations des assurés ayant des retards de paiement, et donc un
assuré social ne pourra pas prétendre au bénéfice
des services de l'AMO que s'il est en règle du point de vue des
cotisations trimestrielles à payer à l'une des caisses de
sécurité sociale qui gère son régime de
sécurité sociale. Puisque le taux de cotisation trimestrielle est
une somme de plusieurs taux correspondant chacun à une assurance
sociale. Le taux total de cotisation comprend un taux pour l'assurance
vieillesse, un taux pour les accidents de travail et les maladies
professionnelles, un taux pour l'assurance maladie, un taux pour
l'indemnité de licenciement économique, un taux pour les
prestations familiales, bref on pourra l'appeler «le taux de la
sécurité sociale» et pas le
taux de cotisation. C'est le taux de «tout ou
rien» ! On peut comprendre que c'est une mesure qui économise des
frais de recouvrement et de gestion pour la CNSS ou la CNRPS, mais pourquoi
laisser les ressources de la CNAM à la merci des services de
recouvrement de deux autres caisses de sécurité sociale
?
La CNAM est une caisse autonome, elle pourra donc se
charger du recouvrement de ses cotisations, mais une distinction du taux de
cotisation affecté pour ouvrir droit à la couverture par le champ
de l'assurance maladie doit être au préalable
opérée. Supposant que les assurés sociaux et les
employeurs auront la possibilité de s'adresser directement à la
CNAM pour payer leurs contributions ou cotisations de l'assurance maladie. Donc
le bénéfice des prestations de l'assurance maladie ne sera plus
lié au paiement des cotisations des prestations familiales, sociales ou
de retraite.
A part les assurés sociaux mentionnés
dans les différents régimes légaux de
sécurité sociale, un nombre important de tunisiens
n'exerçant aucune activité professionnelle que ce soit dans le
secteur formel ou informel, mais ont une capacité à payer une
cotisation afin de bénéficier de la couverture de l'AMO. Le
même problème peut être observé du côté
du secteur informel qui échappe au contrôle administratif des
services de la CNSS surtout car du côté de la CNRPS,
«l'évasion sociale» est quasi absente. Si «le droit
à la santé» est garanti par la constitution tunisienne et
les déclarations universelles des droits de l'homme, pourquoi laisser le
droit au bénéfice d'une couverture par l'AMO sous la
discrétion de l'exercice d'une activité professionnelle ou au
paiement d'un montant élevé ouvrant droit au
bénéfice de plusieurs services d'assurances sociales ? Est-ce que
celui qui n'exerce pas une activité professionnelle, n'a pas le droit de
se soigner quand il tombe malade rien que parce qu'il n'a pas un carnet de
soins ! La maladie ne différencie pas entre le travailleur dans le
secteur formel et le non travailleur. Certains peuvent tout de suite dire que
c'est pour fixer les tranches de revenus et donc mieux calculer les
cotisations. Mais pour les travailleurs non salariés dans le secteur
agricole et non agricole, les tranches de revenus servant de base pour le
calcul des cotisations trimestrielles, sont fixées
forfaitairement.
Partant de l'idée de la MAS ; qui était
une sorte de réponse à la couverture d'une population du secteur
informel et aussi à revenus faibles ; on va essayer de contourner la
rigidité du système de sécurité sociale tunisien.
On ne propose pas de lancer des mutuelles ou des dispositifs de MAS en Tunisie,
mais juste l'idée de base des expériences de MAS lancées
partout dans le monde, qui pourra être appliquée au système
d'AMO tunisien. Pour ces raisons, on propose donc :
- Tout d'abord la CNAM doit gérer tous les
régimes d'assurance maladie y compris l'assistance médicale
gratuite (AMG 1 et 2).
- Pour les individus pouvant payer une cotisation pour
bénéficier des services de l'AMO, ils peuvent s'affilier en tant
qu'assurés sociaux de la CNAM. A l'instar de l'AMG 2 (10 DT
annuellement). Ce montant sera fixé suite à des études
actuarielles, ou même en se référant au montant de la
cotisation correspondant au taux de cotisation de la partie assurance maladie
pour les régimes des TNS dans le secteur agricole et non agricole. La
justification du revenu et du non exercice d'une activité
professionnelle doit être sur la base de documents officiels des services
des impôts, des services de contrôle de la CNSS et aussi d'autres
établissements publics compétents.
- Le paiement trimestriel des cotisations,
inspiré «de la périodicité des salaires, est une
contrainte trop rigide pour ceux qui n'ont pas des revenus réguliers.
Les populations exclues peuvent être réticentes ou incapables
d'assumer l'obligation de payer chaque mois une somme constante en raison de
revenus irréguliers.»(Jakab et al, 2003). Autrement, la
catégorie d'assurés sociaux qui cotisent dans le cadre la
couverture universelle, auront à payer leurs cotisations une seule fois
par an.
- Tout le système d'assurance maladie doit
être géré exclusivement par la CNAM, pour éviter le
risque de la fragmentation et aussi permettre le pooling statistique du risque
maladie et donc agir sur le montant des cotisations.
- Le jeune d'aujourd'hui est le père de demain.
Si certaines maladies sont négligées faute d'une assurance
maladie ouvrant droit au bénéfice des soins de santé
nécessaires, les répercussions de ces maladies seront graves dans
les années à venir. Une étude portant sur la
capacité à payer des tunisiens n'exerçant pas une
activité professionnelle, doit être effectuée. Cette
étude sur la capacité à payer vient compléter les
études actuarielles pour déterminer un montant à cotiser
par les gens qui ne sont pas couverts par un régime légal de
sécurité sociale et prêts à contribuer bien stir
dans le système d'assurance maladie.
- Un tel projet permettant une affiliation «en
bloc» des individus sans emploi et à revenus faibles -
idée de la MIA - de cotiser directement pour
bénéficier de l'assurance maladie gérée par la
CNAM, constitue une révolution dans le système de la
sécurité sociale tunisien. Pour ceux n'ayant pas les moyens de
payer leurs cotisations, ils continuent à être
bénéficiaires de l'assistance médicale gratuite
(AMG1).
- les cotisants dans le nouveau régime qu'on
propose aussi d'appeler «Assurance Maladie Universelle : AMU
», peuvent opter aussi pour les trois filières de soins. Ceci
est d'un point de
vue d'éthique et équité, mais
aussi pour exploiter leur capacité à payer, puisque le seul
obstacle qui les empêche d'être assurés sociaux de la CNAM
est l'exercice d'une activité professionnelle. - On ne propose pas que
les assurés des différents régimes légaux de
sécurité sociale paient leurs cotisations au titre de l'assurance
maladie directement dans les guichets de la CNAM. Les cotisations au titre de
la sécurité sociale continuent à être
recouvrées par les deux autres caisses : la CNSS et la CNRPS, et ce pour
diverses raisons économiques, de gestion et de contentieux. Pour mettre
les choses au clair, on propose que les individus qui ne sont pas
assurés par la CNSS ou la CNRPS, puisqu'ils n'exercent pas une
activité professionnelle, puissent opter pour cotiser uniquement au
titre de l'assurance maladie et ces cotisations seront payées aux
guichets de la CNSS ou de la CNAM directement. Une nouvelle loi
prévoyant ce nouveau régime d'assurance maladie qu'on peut
appeler régime d'assurance maladie universelle ou régime
d'assurance maladie volontaire doit compléter certainement la loi
N° 2004-71.
- Enfin et avant d'entamer n'importe quelle
démarche, la volonté politique, la gestion du gouvernement, et la
capacité de gestion de la CNAM sont les facteurs clés de
succès de l'objectif de la CMU. Comme on l'a vu plus haut, la
volonté politique et la capacité d'administration du
gouvernement, peuvent à elles seules accélérer la
transition vers la protection financière universelle. En Tunisie et
après les évènements des mois de Décembre 2010 et
Janvier 2011, l'environnement politique a changé et de nouveaux droits
sont mis en valeur. Le peuple tunisien s'est révolté et s'est
manifesté pour couper avec un passé de dictature, de corruption
(petite et grande), et de chômage. Le gouvernement de
«coalition» temporaire a levé le slogan des réformes
sociale, politique et économique. Les valeurs de la liberté
d'expression, de la bonne gouvernance avec ses indicateurs (prévus par
la Banque Mondiale) ne font que légitimer l'objectif de la
CMU.
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