À mon épouse, Céline et à ma
fille, Louane.
« (...) Un homme fait la connaissance d'une
femme, parce qu'elle peut l'aider à atteindre un but étranger
à elle-même. Puis une fois qu'il la connaît il l'aime
pour elle-même, et lui sacrifie sans hésiter ce but qu'elle
devait seulement l'aider à atteindre (...) »
Marcel Proust
in préface à la traduction de La
Bible d'Amiens, de John Ruskin, 1904.
Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui ont rendu
possible ce long temps de réflexions et d'expérimentations. En
premier lieu, Jean-Louis Jam, responsable pédagogique de la
spécialité « Action culturelle » du Master 2 Cultures,
Territoires, Patrimoines, pour m'avoir intégré dans cette
formation qui ne « fourme » pas, mais qui force à se
positionner et à prendre des initiatives. Puis, Remy Chaptal, directeur
de la Culture, des Sports et des Territoires au Conseil général
du Puy-de-Dôme, qui a soutenu ma volonté de reprendre des
études en formation continue. Je veux remercier également mes
deux chefs de service depuis 2006 : Richard Bucaille, conservateur en chef du
patrimoine et chef « historique » de la cellule Patrimoine et
Ethnologie, pour toutes ces jolies brèches qu'il m'a ouvertes vers le
savoir, et Jeanne Virieux, responsable de la cellule Patrimoine et Ethnologie,
pour la patience qu'elle a eue face à mes insuffisances de jeunesse et
tous ses conseils avisés. Richard et Jeanne m'ont inculqué cette
nécessité première de ne jamais me satisfaire de
l'approximation et de l'ignorance. Merci à vous deux : la CDPE a
été une très belle aventure...
Je tiens à présent à remercier tous les
agents du pôle Culture et Territoires qui m'ont épaulé au
plus près pendant ce long travail. D'abord, Ivan Karvaix, directeur du
pôle Culture et Territoires, qui m'a tout le temps fait confiance et
encouragé, même dans mes moments les plus incertains (ainsi que
dans les siens), et qui m'a constamment prêté une oreille
attentive. Séverine Landré, ma « co-loc' »
professionnelle depuis mon arrivée dans le Puy-de-Dôme, avec qui
j'ai maturé de nombreux paragraphes de ce mémoire ; grâce
à elle, je le sais : une relation professionnelle peut se baser sur la
confiance. Les rencontres d'abord, puis les temps de travail partagés
avec Vincent Boulay et Agathe Baudelot ont été très
importants pour moi : formés à l'école «
hugono-dasilvienne » (merci Danièle, merci Aurélio...) de
l'ancienne Maison départementale de l'Innovation, Vincent et Agathe sont
des trésors d'humanité et d'intelligence. Sans eux deux, sans
leurs compétences, aucun des projets audiovisuels montés en 2011
n'auraient vu le jour. Et puis, merci à Anne-Marie Promerat (ma «
maman professionnelle »), à David Aguilar (« Si Aguilar
m'était Comté »), à Franck Poletti (Vive la
Corrèze !), à Valérie Desforges (la Maison de
l'innovation, décidément, c'était du solide...), et
à tous ceux que j'oublie au PCT...
Je veux remercier aussi Patrick Cochet, responsable de la
photothèque départementale, aux Archives départementales
du Puy-de-Dôme, qui a été, est encore, et sera
jusqu'à la retraite, le pilier de ce projet « patrimoine
audiovisuel ». Qu'est-ce que je voudrais développer ce projet, avec
toute la précision et toute la rigueur avec lesquelles Patrick a
construit ce bel outil qu'est la photothèque... Peut-être un jour
? Et puis, ton humour, Patrick, je ne m'en lasse pas... Il ne faut pas oublier
Serge Seguin, le photographe-perfectionniste, et la secrétaire de la
photothèque, Viviane Lebrun (35 ans de bons et loyaux services au
Conseil général du Puyde-Dôme !), qui font vivre avec
Patrick ce bel espace confiné au sein des Archives
départementales, ce paradis de la photographie historique, cette caverne
lumineuse où des trésors patrimoniaux s'amoncellent... Merci
à vous trois.
Enfin, merci à tous les organismes qui nous ont
reçu au début de l'année 2012, avec tant de gentillesse et
de patience (il en faut avec Patrick...), et pour leurs conseils avisés,
produits d'expériences extrêmement riches : Jocelyn Termeau et son
équipe (Gaëlle, Olivier, Pierre, Julie, Joël) du pôle
Patrimoine de Centre Images (rebaptisé depuis début-2012 :
Ciclic), à Issoudun, dans l'Indre ; Edouard Bouyé, directeur des
Archives départementales du Cantal, et Frédéric Bianchi,
responsable des archives audiovisuelles, à Aurillac ; Philippe
Callé, président de la Cinémathèque des pays de
Savoie et de l'Ain, Marc Rougerie, le responsable de la
cinémathèque, et sa petite équipe (du moins, une des deux
que l'on a rencontré : Stéphanie Champlong). Une leçon
à retenir de toutes ces rencontres, c'est celle de Henri Langlois,
à la Cinémathèque française : le patrimoine
audiovisuel est affaire de passion et d'engagement. Bien messieurs-dames
!...
Et puis, celles et ceux que je ne cesserai jamais de
remercier, parce que, eux, ils sont là tout le temps à mes
côtés : mon épouse, Céline (ça y est, la
Loutre, tu vas pouvoir re-squatter l'ordinateur !), et ma fille chérie,
Louane (oui, ma Belle : papa a fini l'école !), pour toute la patience
qu'il a fallu pour me supporter pendant tout ce temps à la maison. Et
puis mes témoins de mariage, qui sont aussi mes compagnons sur cette
route qu'est la vie : Aurélien Miomandre, pour toujours, et Olivier
Geneste, à jamais. Merci d'exister, les gars.
Et puis merci à une dernière personne, sans qui je
ne serais pas là : Simone, ma maman...
Sommaire
Remerciements p.3
Sommaire p.5
Introduction p.8
I - Le contexte du stage : définitions et
présentations p.10
A - Qu'est-ce que le patrimoine ? p.10
1 - Du juridique à l'anthropologique p.10
2 - La définition de la convention de l'UNESCO de 2003
p.12
3 - Le patrimoine audiovisuel en quelques mots p.13
B - Le cadre institutionnel du stage p.15
1 - Le Conseil général du Puy-de-Dôme et sa
politique culturelle p.15
2 - La cellule Patrimoine et Ethnologie (Pôle Culture et
Territoires) p.20
a - Les années « MPE » (1980-2004) p.20
b - Petit historique de la CDPE (1980-2010) p.22
3 - La Photothèque départementale (Archives du
Puy-de-Dôme) p.27
a - Histoire et fonctionnement de la photothèque p.28
b - La valorisation des fonds photographiques p.29
II - Les actions réalisées et les
échanges professionnels p.32
A - Les actions menées durant le stage p.32
1 - L'exposition et les films de Fadas du viaduc p.32
a - Le projet p.32
b - Démarche et méthode p.34
2 - Le montage documentaire pour les 100 ans de
l'école laïque des Ancizes. p.36
a -Le projet p.36
b - Démarche et méthode p.37
3 - Le film sur Le syndicalisme à Saint
Eloy-les-Mines p.39
a - Le projet p.39
b - Démarche et méthode p.40
B - Échanges avec des professionnels du patrimoine
audiovisuel p.41
1 - Le pôle patrimoine de Centre Images p.42
a - Le fonctionnement de Centre Images p.44
b - les modes de valorisation des collections p.45
c - les partenariats envisageables p.47
2 - Le service des archives audiovisuelles (Archives
dépales du Cantal) p.48
a - Le fonctionnement du service des archives audiovisuelles
p.48
b - les modes de valorisation des collections p.50
c - les partenariats envisageables p.52
3 - La cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain
(Haute-Savoie) p.52
a - Le fonctionnement de la cinémathèque p.52
b - les modes de valorisation des collections p.56
c - les partenariats envisageables p.57
III - Réflexions pour une valorisation du
patrimoine audiovisuel numérisé p.60
A - Les valorisations « physiques » : du «
terrain » à la restitution publique p.60
1 - Le collectage de la mémoire vivante : l'entretien et
l'enquête p.60
a - Préparer un collectage p.62
b - L'enregistrement sonore de témoins p.64
c - Et pourquoi ne pas filmer ? p.66
d - Droit d'auteur et droit à l'image p.68
2 - La collecte de vieux supports p.70
a - Petite histoire technique du cinéma amateur p.70
b - L'enregistrement sonore amateur p.74
c Y a-t-il une méthode pour collecter ? p.75
d - Les différents modes d'acquisition p.76
3 - Les étapes de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel
p.79
a - Quelques rudiments de restauration p.79
b - Les bases de la conservation du patrimoine audiovisuel
p.80
c - La problématique de la numérisation p.81
d - La documentation et l'indexation dans une base de
données p.85
e - La restitution publique des documents : projections,
débats, expos p.89
B - La valorisation « internet » : contenus et
services en ligne p.92
1 - La mise en ligne de la base de données :
données brutes p.92
2 - Le portail internet : données organisées
p.93
3 - La valorisation « nomade » : l'exemple des QR-codes
p.100
Conclusion p.103
Bibliographie/webographie p.105
Annexes p.107
Introduction
Professionnel dans le domaine du patrimoine culturel depuis
2000, j'avais depuis plusieurs années le souhait de poursuivre mes
études afin, d'une part, de faire un point sur le premier quart de ma
carrière et, d'autre part, de m'ouvrir un peu plus le champ des
possibles professionnels, tant au point de vue des connaissances que des
méthodes. Mon projet de formation continue, solidement soutenu par mes
supérieurs hiérarchiques, a de surcroît
coïncidé avec une période de restructuration profonde de la
Direction de la Culture de la collectivité qui m'emploie depuis 2006 :
le Conseil général du Puy-de-Dôme. Bachelier
littéraire, j'ai suivi une trajectoire estudiantine allant du tourisme
et des loisirs à la valorisation du patrimoine rural, durant quatre
années de formation : il me fallait intégrer un Master
généraliste, touchant l'ensemble des domaines culturels et en
abordant les moindres aspects, qui me permettrait donc de prendre de la hauteur
par rapport à mon activité professionnelle.
Le Master 2 professionnel Action culturelle en milieux
éducatifs et collectivités locales de l'université
Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand forme des médiateurs et
ingénieurs culturels, gestionnaires des relations avec tous les publics
et responsables de la valorisation des contenus, dans les principaux domaines
de la culture -patrimoine, musées, spectacle vivant, musique,
cinéma, arts plastiques entre autres- et en relation avec ses principaux
acteurs : Éducation nationale, Ministère de la Culture,
institutions et associations culturelles et collectivités locales. Ce
Master 2 reçoit autant d'étudiants en formation initiale que de
personnes déjà en activité, en formation continue. Par
ailleurs, dans son souci d'apporter un bagage théorique dans le secteur
culturel tout autant qu'une forte expérience de terrain, ce Master
inclut dans son programme de formation un stage pratique d'une durée
comprise entre six et vingt-quatre mois.
Mon stage s'est déroulé au sein de mon service :
l'ancienne Conservation départementale du patrimoine ethnologique,
devenue la cellule Patrimoine et Ethnologie du pôle Culture et
Territoires. Cependant, ce fut dans un contexte un peu particulier. En effet,
le pôle Culture et Territoires est un service nouveau, créé
le 1er janvier 2011, dans le cadre de la redéfinition de la
politique culturelle du Département. Il est né de la
restructuration de plusieurs services culturels faisant partie de la direction
de la culture et des sports, et intervenant dans de nombreux domaines :
ingénieries territoriale et culturelle (stratégies et
politique),
développement culturel (subventions), technique et
logistique, spectacle vivant, arts plastiques, sciences et innovations et
patrimoine et ethnologie. A cette modification structurelle s'est
ajoutée une modification fonctionnelle, dans la mesure où
plusieurs secteurs, dont la cellule Patrimoine et Ethnologie, ont
été amenés à repenser leurs missions de service
public.
Par conséquent, la mission proposée par la
direction du pôle Culture et Territoires a porté sur la
redéfinition des missions de la cellule Patrimoine et Ethnologie de ce
même pôle. Cette cellule, dont la vocation première est de
collecter, étudier, conserver et valoriser les patrimoines
matériel et immatériel du département du
Puy-de-Dôme, a eu pendant près de trente ans comme mode
privilégié de valorisation de ses contenus l'exposition,
temporaire et itinérante, souvent accompagnée de publications,
l'activité expographique prenant le pas, à partir du milieu des
années 2000, sur les fonctions d'étude et de conservation. Ce
service est un producteur de données patrimoniales, amassées au
long des préparations d'expositions et des différentes
constitutions de dossiers, sous forme de textes -compilés au sein de
panneaux, de livrets et de catalogues d'exposition-, d'enregistrements sonores
et filmiques, ces derniers n'ayant été que très peu
exploités, en tout cas pas du tout restaurés et conservés,
et enfin de photographies -conservées dans la base de données de
la photothèque départementale.
Ce dernier service, aux Archives départementales du
Puy-de-Dôme, est un partenaire régulier de la cellule Patrimoine
et Ethnologie : composé de professionnels de l'image, il manque à
ce service la possibilité de collecter et de traiter les documents
d'archive audiovisuels, tandis que la cellule Patrimoine et Ethnologie
possède une solide expérience de collectage du patrimoine,
notamment par la photographie, l'enregistrement sonore et le film. Ainsi,
à travers la mise en place des actions programmées en 2011, j'ai
réuni sur le papier les savoir-faire de chacun de ces deux services afin
d'évaluer quelle pourrait être le fonctionnement et les
savoir-faire nécessaires à la mise en place d'une mission de
conservation du patrimoine audiovisuel. Le présent travail est
constitué de trois parties : la première expose le contexte
général du stage ; la seconde décrit les actions
menées et rend compte des rencontres avec des professionnels du
patrimoine audiovisuel ; la troisième, s'appuyant sur les deux
premières, fait état des compétences et des outils
nécessaires à la mise en place d'un service départemental
du patrimoine audiovisuel.
I - Le contexte du stage : définitions et
présentations
A - Qu'est-ce que le patrimoine ?
M'attachant à mener une réflexion sur la
valorisation du patrimoine, il me semblait important de préciser ce que
l'on considère au début du XXIe siècle comme
patrimoine culturel, en partant du fondement juridique de cette notion, pour en
arriver à ce qu'émettent les plus récentes conclusions,
notamment celles liées à l'instauration du très actuel
patrimoine culturel immatériel. Ce qui me permettra de déterminer
ce que caractérise le patrimoine audiovisuel.
1 - Du juridique à l'anthropologique.
Le patrimoine, dans son sens premier, désigne les biens
que les enfants reçoivent en héritage (patrimoine se dit
d'ailleurs « heritage », en anglais) de leurs ascendants directs,
pères et mères ; il s'agit dans ce cas-là d'un patrimoine
familial. Juridiquement, le patrimoine est l'ensemble des biens et des
obligations d'une personne (physique ou morale) ou d'un groupe de personnes,
appréciables en argent, et dans lequel entrent les actifs (valeurs,
créances) et les passifs (dettes, engagements), et qui constitue une
universalité juridique.
Par extension et analogie, le patrimoine est l'ensemble de
tous les biens et valeurs, naturels ou culturels, matériels ou
immatériels, sans limite de temps ni de lieu, qu'ils soient simplement
hérités des générations antérieures ou
réunis et conservés pour être transmis aux
générations futures. Le patrimoine est un bien commun et public
dont la préservation doit être assurée par les
collectivités lorsque les particuliers font défaut. L'addition
des spécificités naturelles et culturelles de caractère
local dans le monde entier contribue à la constitution d'un patrimoine
de caractère universel.
La notion de patrimoine telle que nous la concevons
aujourd'hui naît en grande partie de la pensée et de l'action de
l'Abbé Henri Grégoire (1750-1831). Face au vandalisme de la
période la plus sombre de la Révolution française, durant
laquelle les signes de toutes formes de privilèges étaient
détruits les uns après les autres,
l'évêque-député instituait ce néologisme
« patrimoine » comme une arme de protection et de combat : « Je
créai le mot pour tuer la
chose », écrira-t-il dans ses mémoires,
évoquant l'opposition au vandalisme. Sa conception du patrimoine est
déjà ample et moderne, elle englobe tous les domaines de l'esprit
et de l'activité humaines ; non seulement les arts dits « beaux
» : l'architecture, la musique, la sculpture et la peinture -il est
d'ailleurs à l'origine de la fondation du Louvre-, mais aussi la langue
française et les parlers vernaculaires, pour lesquelles il lance une
grande campagne de collectage et qu'il projette de conserver dans une
bibliothèque. Historien et historien d'art, linguiste, il a
également l'intuition d'un ethnologue : la variété des
vêtements et des coiffures, les subtilités des pratiques et objets
de la vie quotidienne sont autant de richesses à apprécier et
à sauvegarder, tout comme les inventions techniques, pour lesquelles il
réalise le musée du Conservatoire national des arts et
métiers.
Ainsi peut-on dire, à partir de l'abbé
Grégoire et avec Chiara Bortolotto1, que le patrimoine
possède une parenté très forte avec ce que les
anthropologues considèrent comme la « culture » depuis la fin
du XIXe siècle ; elle évoque d'ailleurs la
célèbre définition de l'anthropologue Edward Burnett Tylor
(1832-1971), datant de 1871, et reprise dans le manuel de Denys
Cuche2 : « Culture ou civilisation, pris dans son sens
ethnologique le plus étendu, est ce tout complexe qui comprend la
connaissance, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes et les
autres capacités ou habitudes acquises par l'homme en tant que membre de
la société [...] ». E.B. Burnett insiste sur le fait que la
culture ne relève pas de l'hérédité biologique et
que ses répercussions sont essentiellement inconscientes, donc
profondes. Elle relève surtout de la taille importante du cerveau humain
et de la capacité à penser, qui fait dire à André
Leroi-Gourhan (1911-1986) dans l'introduction de son livre Les religions de
la préhistoire3 : « L'homme, depuis ses
premières formes jusqu'à la nôtre, a inauguré et
développé la réflexion, c'est-à-dire l'aptitude
à traduire par des symboles la réalité matérielle
du monde qui l'entourait. » La culture est donc ce « peu »,
forgé par le geste et la parole, qui institue l'homme et le
sépare de façon définitive du reste du règne
animal, et le patrimoine est le témoignage de l'état de la
culture, à un endroit et à un moment donné.
1 Le patrimoine culturel immatériel. Enjeux
d'une nouvelle catégorie, Paris, Éditions de la Maison des
Sciences de l'homme, Cahier « Ethnologie de la France » n°26,
2011.
2 La notion de culture dans les sciences
sociales, Paris, Éditions La Découverte (3e
éd.), 2004.
3 Paris, Quadrige/P.U.F., 1964.
L'UNESCO a depuis apporté à ce sujet, à
travers différents écrits officiels, de très
intéressantes précisions, notamment dans ce qui fait la grande
diversité culturelle humaine à travers l'unité
fondamentale de son esprit.
2 - La définition de la convention de l'UNESCO de 2003.
Il est bon dès maintenant de rappeler la façon
dont la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la
culture (UNESCO) du 17 octobre 20034, définit le patrimoine
culturel immatériel :
« On entend par patrimoine culturel immatériel les
pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire
-ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur
sont associés- que les communautés, les groupes et, le cas
échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur
patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de
génération en génération, est recréé
en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu,
de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un
sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à
promouvoir le respect de la diversité culturelle et la
créativité humaine (...)
Le patrimoine culturel immatériel (...) se manifeste
notamment dans les domaines suivants :
- les traditions et expressions orales, y compris la langue comme
vecteur du patrimoine culturel immatériel ;
- les arts du spectacle ;
- les pratiques sociales, rituels et événements
festifs ;
- les connaissances et pratiques concernant la nature et
l'univers ;
- les savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel
».
Cependant, il est précisé que ces cinq domaines
pouvant constituer un patrimoine culturel immatériel pour un groupe
culturel donné, ne peuvent l'être que s'ils :
1) sont reconnus comme faisant partie de leur patrimoine
culturel par des communautés, des groupes et, le cas
échéant, des individus ;
2) sont transmis de génération en
génération ;
3) sont recréés en permanence par les
communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction
avec la nature et de leur histoire ;
4) leur procurent un sentiment d'identité et de
continuité ;
5) sont conformes aux instruments internationaux existants
relatifs aux droits de l'homme, ainsi qu'à l'exigence du respect mutuel
entre communautés, groupes et individus, et d'un développement
durable.
Cette convention apporte des éléments importants
pour éclairer et compléter cette notion fondamentale de
patrimoine culturel. En premier lieu, elle pousse les collectivités
à autodéterminer leur patrimoine : en effet, un groupe
socioculturel doit pouvoir se reconnaître dans ce que l'on
considère comme son patrimoine culturel, qui fait donc partie
intégrante de son
4
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=17716&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
identité. Par ailleurs, cette convention insiste bien
sur la nature processuelle du patrimoine, en cela qu'il se doit d'être
transmis, afin que soit créée une continuité entre
passé et avenir, d'où l'importance de sa conservation et de sa
valorisation.
C'est là la grande vertu de ce que Jean Davallon a
décrit comme le « don du patrimoine »5 : une
richesse patrimoniale que l'on désigne collectivement (la «
patrimonialisation »), pour la garder et la substituer à toute
transaction commerciale, et pour en faire « don » aux
générations futures, qui, selon la notion importante d'«
arbitraire assumé » du choix des générations
précédentes, accepteront le don ou pas. Ce qui fait qu'un objet
patrimonial, à forte valeur symbolique, n'est pas cristallisé :
il peut évoluer dans le temps -exemple des musiques traditionnelles,
pour certaines métissées de sons contemporains-, il peut
être discuté ou contesté par les spécialistes ou
tout bon citoyen -voir le débat sur le classement au « Patrimoine
Mondial » de la Corrida en France en 2011- ce qui représente un
principe démocratique fondamental, ou bien être remis, pour les
objets mobiliers ou immobiliers, dans la circulation des biens culturels :
c'est également le cas pour de nombreux documents du patrimoine
audiovisuel.
3 - Le patrimoine audiovisuel en quelques mots.
Le patrimoine audiovisuel se caractérise par sa nature
et ses supports : il concerne les documents d'archive audiovisuels qui, selon
la définition qu'en donne l'UNESCO6 en 1991, sont « les
enregistrements visuels (avec ou sans bande son), indépendamment de leur
support physique et du procédé d'enregistrement utilisé
(...) ; les enregistrements sonores, indépendamment de leur support
physique et du procédé d'enregistrement utilisé ».
La production sonore peut rassembler tout autant les
émissions radiophoniques que les enregistrements audio professionnels
comme amateurs. La production d'images animées comprend le cinéma
sous toutes ses formes, le film amateur et les émissions de
télévision. Si l'on excepte les films et les enregistrements
sonores de la fin du XIXe et du tout début du XXe
siècle, rares et fragiles, les documents d'archive audiovisuels
concernent essentiellement
5 Le Don du patrimoine. Une approche
communicationnelle de la patrimonialisation, Paris, Lavoisier, 2006.
6 Kofler, Birgit, Questions juridiques relatives
aux archives audiovisuelles, Paris, Unesco, 1991 (
http://unesdoc.unesco.org/images/0008/000886/088674fb.pdf).
l'histoire du XXe siècle et, a
fortiori, celle du début du XXIe siècle. Le
patrimoine audiovisuel s'applique donc tout autant à la figuration d'une
actualité brûlante qu'au témoignage d'un passé
complètement révolu : par exemple, des pratiques agraires avant
la mécanisation de l'agriculture, ou des veillées au coin de la
cheminée avant la généralisation de la radio ou de la
télévision.
Photo 1 : bobines de films argentiques conservées
au pôle Patrimoine de Centre Images, à Issoudun. Photo Patrick
Cochet (2012).
Si pour l'image et le son, l'enregistrement numérique,
dématérialisé et directement transférable sur
ordinateur, s'est généralisé depuis le début des
années 2000, les supports d'enregistrement ont été
matériels jusqu'à il y a une dizaine d'années : bandes
argentiques pour les films, bandes analogiques pour l'enregistrement
vidéo, cylindres ou disques mécaniques et bandes
magnétiques pour l'enregistrement sonore. Si certains formats anciens
sont encore d'actualité -le 35 mm pour le film (depuis 1910) ou le
disque microsillon vinyle pour le son (depuis 1948)- d'autres
commercialisés à différentes époques du
XXe siècle ne trouvent plus de lecteurs que chez les
collectionneurs.
D'où l'extrême fragilité de ce patrimoine
: outre l'obsolescence technologique, les supports tendent à se
dégrader naturellement. Dans de nombreux cas, les propriétaires
de bandes qui n'ont pas le matériel pour le projeter s'en
débarrassent la plupart du temps, ou les stockent dans de mauvaises
conditions, ce qui a pour effet d'accélérer le processus de
dégradation. Afin de sensibiliser l'opinion et les pouvoirs publics
à l'importance de préserver cet héritage des
générations précédentes, l'Unesco organise une
journée mondiale du patrimoine audiovisuel chaque mois d'octobre, depuis
2006. L'institut National du Patrimoine organise également chaque
année, depuis la création de sa mission du patrimoine
cinématographique en 2007, des journées d'études autour du
patrimoine cinématographique et audiovisuel, connues sous le nom
d'« Archimages »7. Par ailleurs, des structures, au niveau
national comme local, organisent des campagnes de collectage, de conservation
(photo 1) et de numérisation : nous étudierons les
fonctionnements et modes de valorisation de certaines d'entre elles un peu plus
loin.
Enfin, si l'on excepte la problématique de la
restauration et de la conservation des formats anciens, à laquelle la
révolution numérique a apporté beaucoup de solutions, il
faut considérer que les enregistrements sonores et d'images
animés numériques permettent de conserver des témoignages
de récits de vies individuelles ou collectives aujourd'hui, qui
représenteront un patrimoine audiovisuel pour demain. Les outils
numériques actuels permettent de sauvegarder un grand nombre de
documents et de les valoriser dans de bonnes conditions de visionnage et
d'écoute et dans le monde entier, par le biais de l'internet, ou
localement, lors de projections publiques. Comme nous pouvons le voir, l'enjeu
est important et d'intérêt public, et doit relever par
conséquent de la mission culturelle de service public d'un Conseil
général.
B - Le cadre institutionnel du stage.
1 - Le Conseil général du Puy-de-Dôme et sa
politique culturelle.
On peut considérer que les Conseils
généraux ont aujourd'hui une position intermédiaire, comme
les Conseils régionaux, entre État et communes, qui sont les deux
supports historiques d'action culturelle publique en France. Cependant, ils ont
un rôle culturel sensiblement différent de celui des
Régions : en effet, alors que ces dernières se préoccupent
de la promotion -politique, économique, culturelle- des
différents atouts de leurs territoires
7
http://mediatheque-numerique.inp.fr/index.php/actes_de_colloque/archimages
régionaux hors de leurs limites administratives -voire
dans certains cas hors de France-, les Départements sont des
collectivités plus proches de la vie socioculturelle locale, notamment
sur leurs territoires ruraux. Ainsi, lorsque de grandes villes ou
agglomérations urbaines se trouvent sur un territoire
départemental, le Conseil général concerné doit
apporter théoriquement un soutien aux zones rurales et aux petites
villes. C'est le cas du département du Puy-de-Dôme (cartes 1
et 2), qui possède plusieurs zones urbanisées :
bien-sûr celle de Clermont-Ferrand et les communes alentour qui sont sous
son influence directe, dont la deuxième ville d'Auvergne en nombre
d'habitants, Cournon ; on peut également ajouter les villes de Riom,
Issoire, Thiers ou Ambert qui, bien que moins importantes que Clermont, sont
les centres névralgiques de bassins de vie assez importants.
Mais la vocation des Conseils généraux n'a pas
toujours été celle-ci, notamment dans les domaines culturels :
les lois Defferre de décentralisation de 1982 et 1983 (acte 1 de la
décentralisation) ont transféré aux Départements un
certain nombre de compétences obligatoires, culturelles notamment :
outre les Archives Départementales et les Bibliothèques Centrales
de Prêt (avant de devenir Bibliothèques Départementales de
Prêt, puis, depuis peu, Médiathèques
départementales), dont les gestions deviennent départementales,
des conventions de développement culturel sont signées entre les
communes et les Départements. Ainsi s'achèvent les tutelles des
préfets dans tous les départements, qui faisaient des Conseils
généraux les relais de la politique de l'État, y compris
en matière culturelle, tout comme les Directions Régionales des
Affaires Culturelles (DRAC), service culturel de l'État «
déconcentré » dans les régions. A partir de cette
époque, la culture « décentralisée » est la
plupart du temps rattachée aux cabinets des présidents
(tableau 1).
Par ailleurs, ce qui nous intéresse directement ici, le
début des années 1980 voit quelques Conseils
généraux créer des missions d'Ethnologie, à la
suite de la mise en place de la Mission du patrimoine ethnologique par le
Ministère de la Culture. C'est le cas du Conseil général
du Puy-de-Dôme, qui se trouve en quelque sorte pionnier en la
matière, en créant en accord avec la Direction régionale
des affaires culturelles, une conservation départementale du patrimoine
ethnologique. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Cartes 1 et 2 : à gauche : situation du
Puy-de-Dôme sur le territoire français (source :
http://www.luventicus.org) et,
à droite : carte simplifiée du territoire départemental
(source :
http://www.quid.fr).
Les politiques culturelles départementales se
caractérisent, plus ouvertement que celles des communes et des
Régions, par une certaine dualité. D'une part, du fait de la
décentralisation et par tradition de gestion directe, les Conseils
généraux ont la responsabilité d'équipements
(Archives Départementales, Bibliothèques Départementales
de Prêt, musées, sites, etc.) et de personnels culturels
spécialisés (ethnologie, archéologie, muséologie,
etc.) : ainsi, le Conseil général du Puy-de-Dôme, en sus
des missions obligatoires des Archives et de la Médiathèque
départementale, assure la gestion et l'animation du Musée de la
Céramique de Lezoux et d'un service de valorisation du patrimoine
archéologique, auquel se rattachent la gestion et la valorisation du
Temple de Mercure, au sommet du puy de Dôme.
Déconcentration
|
Décentralisation
|
Préfecture : circonscription administrative avec
à sa tête un représentant de l'État : le
préfet.
|
Collectivités territoriales : communes,
départements, régions.
|
Les préfets sont nommés et révocables par
le pouvoir central.
|
Les élus (maires et présidents) sont élus
au suffrage universel direct (pour 6 ans, renouvellement par
moitié tous les 3 ans pour les départements) et gèrent
les collectivités pendant leur mandat. Il existe un contrôle
de légalité de l'État.
|
L'État agit à travers les préfectures.
|
L'État reconnaît la gestion des affaires locales
par les collectivités territoriales, depuis l'acte 1 (loi du 2
mars 1982 relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions) et l'acte 2 de
la décentralisation (réforme Raffarin, lois du 28 mars
2003 et du 13 août 2004).
|
Structures principales
|
Structures principales
|
Région : Conseil régional (président)
; Département : Conseil général (président)
; Commune : Conseil municipal (maire).
Coopération intercommunale
|
(groupements de communes
|
Région : préfecture de région
; Département : préfecture de département ; Commune
: conseil municipal (maire).
|
avec personnalité juridique) :
|
Établissements publics de
Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre :
communautés de communes, communautés d'agglomération (+
de 50 000 hab., autour d'une ville de + de 15 000
hab.), communautés urbaines (plus de 500 000 hab.),
EPCI sans fiscalité propre : syndicats intercommunaux
(syndicats mixtes, SIVU, SIVOM) .
|
Exemples de services culturels déconcentrés
|
Exemples de services culturels décentralisés
|
Au niveau régional : Direction Régionale des
Affaires Culturelles (DRAC), composée, entre autres, du Service
Régional de l'Archéologie, de la Conservation Régionale
des Monuments Historiques, etc. ;
Au niveau départemental : Service Territorial de
l'Architecture et du Patrimoine (STAP, dirigé par l'Architecte des
Bâtiments de France).
|
(compétences obligatoires)
|
Conseil régional : Service Régional de
l'Inventaire ;
Conseil général : Archives
départementales ; Médiathèque départementale
|
Révision Générale des Politiques Publiques
(RGPP, 2009-2014) :
|
réduction des effectifs (non remplacement d'un
départ à la retraite sur deux), réduction des
dépenses de fonctionnement et des achats de fourniture (10% à
l'horizon 2013), du ratio de surface par agent (12 m2 maximum),
du parc automobile, etc. Réforme des collectivités
territoriales, élections 2014 : 3 000 conseillers territoriaux
remplaceront 6 000
|
conseillers généraux et régionaux.
|
Tableau 1 : réalisé à partir des
cours de droit administratif (F.Tourette), M2 Action culturelle (2009-2010).
D'autre part, les Conseils généraux ont
également une vocation de délégation de service public,
par la redistribution de crédits, sous forme de subventions, aux
communes, associations et institutions locales. En effet, une convention a
été signée en 1976 entre le ministère de la culture
et tous les Conseils généraux pour le financement de la
restauration des Monuments historiques. Le patrimoine -qui regroupe monuments,
musées, archives, bibliothèques- représente la
moitié des dépenses culturelles des Conseils
généraux. Il subsiste toutefois de fortes disparités entre
toutes les collectivités départementales : en effet, le rapport
entre le Département qui dépense le plus et celui qui
dépense le moins en matière culturelle est de 1 à 10. Mais
cela n'est pas forcément un indicateur fiable : le montant de la
dépense n'est pas toujours signe d'une vraie stratégie de
développement culturel. En l'espèce, la présence d'une
politique culturelle solide est importante, et elle dépend en grande
partie de la volonté d'un Président à un moment
donné. Les cas de figure sont différents : certaines
collectivités gèrent des services culturels dont elles ont
hérité ; d'autres font de la culture le levier de
l'aménagement du territoire et du développement local.
Le Conseil général du Puy-du-Dôme a
engagé, depuis le milieu des années 2000, un tournant dans son
mode de gouvernance à l'égard de la culture. Sur la base du
constat d'une politique culturelle trop sectorielle et descendante, la
Direction de la Culture et des Sports (annexes 1 et 2) a
souhaité mettre en oeuvre une politique plus coopérative et
montante, basée sur l'observation et l'adaptabilité à ce
qui se passe sur les territoires du département : ainsi, le Conseil
général se trouve désormais plus dans la situation
d'apporter des réponses à un besoin que dans celle d'inventer une
nouvelle prestation culturelle. La démarche consiste à
établir une collaboration adaptée aux différentes
dynamiques culturelles existantes sur les territoires : éloignée
et/ou complémentaire à l'égard des territoires actifs, et
cherchant à impulser sur les territoires plus calmes. L'objectif de la
Direction, et notamment de son tout jeune pôle Culture et Territoires
(annexe 3), est de faire émerger les projets et de les
accompagner jusqu'à ce que les acteurs locaux puissent les prendre en
charge de façon autonome, toujours dans l'optique des fondements
constitutionnels du service public : égalité d'accès,
adaptabilité et continuité du service.
2 - La cellule Patrimoine et Ethnologie (Pôle Culture et
Territoires).
Cette cellule a longtemps été la Conservation
départementale du Patrimoine Ethnologique du Puy-de-Dôme,
créé le 1er janvier 1980, alors qu'au même
moment se créait la Mission du Patrimoine Ethnologique (MPE) au sein du
Ministère de la Culture.
a - Les années « MPE » (1980-2004).
Les années 1970 sont vues aujourd'hui comme
« une grande vague de rétro-nostalgie rurale des
lendemains désenchantés de Mai 68 et des Trente Glorieuses
»8, durant laquelle était prônée une «
anthropologie autochtone » ou « intérieure ». Dans cette
ambiance sociale, un certain sentiment d'urgence est ressenti pour sauver la
mémoire des derniers témoins vivants d'un monde révolu,
celui décrit par Henri Mendras (1927-2003) dans son
maître-livre9, ou bien des vestiges des deux
Révolutions industrielles. En outre, depuis le milieu des années
1960, les sciences humaines sont à la mode, sans doute parce qu'elles
répondent aux attentes d'une société qui peut se permettre
de « se regarder » et de s'interroger sur elle-même.
L'anthropologie est tout particulièrement à la mode en raison du
retentissement de l'oeuvre de Claude Lévi-Strauss (1908-2009), mais peut
être aussi plus discrètement en raison des travaux de
l'École des Annales, qui empruntent à l'anthropologie. Dans ce
contexte, la Mission du Patrimoine Ethnologique (MPE) est créée
en 1980. Dépendant du Ministère de la Culture, elle offrait un
véritable cadre institutionnel à une activité
d'observation des régions françaises qui, depuis plus de deux
siècles, avait produit toute une bibliothèque de travaux
érudits et savants, influencés en cela par l'esprit des
Lumières. Dans le Rapport sur l'ethnologie de la France, besoins et
projets, présenté au ministre de la culture et de la
communication (groupe de travail sur le Patrimoine ethnologique)10,
la notion de patrimoine ethnologique y est ainsi définie :
« Le patrimoine ethnologique d'un pays comprend les modes
spécifiques d'existence matérielle et d'organisation sociale des
groupes qui le composent, leurs savoirs, leur représentation du monde
et, de façon générale, les éléments qui
fondent l'identité de chaque groupe social et le différencient
des autres.
On y inclura donc :
8 Introduction au séminaire «
L'instauration du patrimoine ethnologique. Projet scientifique,
catégorie d'actions publiques et instrument de gouvernementalité
: retour sur une expérience française», dirigé par
Noël Barbe et Jean-Louis Tornatore, au LAHIC/Institut Interdisciplinaire
d'Anthropologie du Contemporain, 2010/2011.
9 La Fin des paysans, Paris, éditions
S.E.D.E.I.S., 1967 (1ère éd.).
10 Benzaïd, Redjem (président), Paris, La
Documentation française, octobre 1979 (p.27).
- des agents : individus, groupes sociaux, institutions ;
- des biens matériels ou immatériels, oeuvres
virtuelles ou réalisées ;
- des savoirs organisés : techniques, symboliques
(magiques, religieux, ludiques), sociaux (étiquette, traditions de
groupe), esthétiques ;
- des moyens de communication : langues, parlers, systèmes
de signes. »
La difficulté, identifiée dès le
départ, était de marier science humaine et administration,
gageure envisagée avec espoir par certains ethnologues
métropolitains, avec perplexité par d'autres. Par ailleurs, comme
l'indiquent N. Barbe et J.-L. Tornatore, l'intérêt du politique
pour la recherche ethnologique devait automatiquement en passer par une
justification -ou une « problématisation »- patrimoniale.
Dès lors, « (...) Il suffisait à l'ethnologie de montrer sa
prédisposition intellectuelle pour le patrimoine, d'autant que le
patrimoine devenait culturel. La science (privilégiée) de la
culture oeuvrait à la connaissance - et la reconnaissance - des biens de
la nation, laquelle s'ouvrait au " pluralisme culturel ". Le patrimoine
ethnologique était né. L'ethnologie allait prospérer sous
le chapeau de l'État patrimonial »11
L'action la plus importante dès le départ fut de
favoriser la recherche, qui permettait la production de savoirs,
diffusés au plus grand nombre par l'exposition, l'édition
(écrite et sonore), le cinéma, la vidéo, avec le concours
des musées, des bibliothèques et autres centres culturels.
L'objectif était d'étudier les régions françaises
et d'en valoriser leurs pratiques sociales et techniques, en obsolescence ou
tout à fait actuelles.
À partir de 1984 furent mises en place, au sein des
Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC), les Commissions
régionales des patrimoines historique, archéologique et
ethnologique (COREPHAE). Instruisant les dossiers d'inscription ou de
classement au titre des Monuments Historiques, leurs émergences
permirent d'élargir les possibilités de classement ou
d'inscription à d'autres édifices que ceux monumentaux : ateliers
industriels, établissements agricoles, installations minières,
vieilles maisons paysannes, moulins, etc. Après seize années
d'activité, les COREPHAE ont été remplacées en 2000
par les Commissions Régionales du patrimoine et des sites (CRPS).
Par ailleurs, des postes de « conseillers à
l'ethnologie » ont été créés au sein de
certaines DRAC, à l'initiative de la Mission du Patrimoine
ethnologique. L'étendue des tâches assignées à un
conseiller régional à l'ethnologie (citées par Michel
Valière12), déterminées par
11 N. Barbe et J.-L. Tornatore, « L'instauration
du patrimoine ethnologique ».
12 Ethnographie de la France. Histoire et enjeux
contemporains des approches du patrimoine ethnologique, Paris, Armand
Colin, 2002.
une convention entre l'État, par le biais de la DRAC, et
les régions concernées, sous-tendait par avance les
difficultés qu'allaient rencontrer ces « intellectuels de terrain
» :
« - fournir une assistance scientifique et technique
à toute opération de recherche concernant l'ethnologie de la
France dans la Région ou de mise en valeur du patrimoine ethnologique
en
particulier en milieu rural et dans le domaine des cultures
scientifiques et techniques ;
- susciter ou entreprendre des opérations nouvelles visant
la constitution de données dans le domaine du patrimoine ethnologique,
leur conservation et leur exploitation ;
- proposer ou engager toutes actions de formation ou de
sensibilisation des différents partenaires intéressés aux
méthodes et techniques du domaine visé ;
- assurer, pour l'ensemble de ces opérations et
actions, la liaison nécessaire à l'élaboration d'un projet
commun entre instances de recherches et autres organismes concernés par
l'ethnologie de la France ;
- apporter sa capacité d'expertise à la
Région pour l'aider à évaluer les projets qui lui sont
soumis et contribuer, en sa qualité de spécialiste des sciences
humaines, à l'élaboration d'une politique culturelle. »
En fin de compte, ces « fonctionnaires » d'un type
nouveau ne connaîtront jamais leur heure de gloire : à peine plus
de la moitié des régions sera pourvu en postes de conseillers
régionaux à l'ethnologie, et les moyens mis en oeuvre seront
souvent disproportionnées par rapport aux missions assignées.
b - Petit historique de la CDPE (1980-2010).
C'est donc dans ce contexte national qu'est
créée la Conservation départementale du Patrimoine
Ethnologique (CDPE) du Puy-de-Dôme, en 1980. Rattachée
initialement à la DRAC-Auvergne, la Conservation devient service du
Conseil général du Puy-du-Dôme, à la faveur de
l'acte 1 de la décentralisation, en 1982 (cf. tableau 1), qui a
permis le transfert de certaines compétences de l'État aux
collectivités territoriales. Le service est alors composé d'un
conservateur départemental, Richard Bucaille, ancien conservateur
adjoint au Musée National des Arts et Traditions Populaires (MNATP),
dirigé à cette époque par Jean Cuisenier, d'une
chargée d'études, de deux documentalistes et d'une
secrétaire, contractuels ou vacataires. Un groupe de réflexion et
de travail sur l'ethnologie auvergnate est constitué afin d'apporter son
soutien au jeune service. Conçu sur le modèle du conseil national
du patrimoine ethnologique, mais totalement informel, ce groupe
réunissant une trentaine de professionnels, amateurs ou
étudiants, se dispersera assez vite et aura peu d'influence sur les
projets et le devenir de la CDPE. Le concours de la Mission du Patrimoine sera
par contre plus sensible, puisqu'elle contribuera à la
réalisation de plusieurs projets par le biais de financements
complémentaires (1982, 1986). L'objectif principal de la Conservation
est énoncé dans la réponse qui est faîte au
questionnaire de Maurice Godelier, alors chef de la
mission sur les sciences de l'homme et de la
société au ministère de la recherche et de la technologie,
datée de mars 1982 :
« Contribuer à organiser et développer
l'ethnologie dans le Puy-de-Dôme et si possible dans la région
Auvergne, sur les trois plans de la recherche, de l'enseignement et de la
diffusion des résultats. Les deux objectifs suivants sont des
développements particuliers de ce premier objectif. »
C'est ce programme -mettre en évidence des
spécificités culturelles susceptibles de contribuer à la
définition d'un patrimoine ethnologique « auvergnat », les
étudier et les valoriser- que la Conservation s'efforce de mettre en
oeuvre au cours de sa première décennie d'activité (1980-
1990).
Photo 2 : Richard Bucaille et Alain Maillot (au fond)
inventoriant une collection d'objets de tonnellerie, à la mairie
d'Aubière. Photo Jeanne Virieux (juillet 1987).
Plusieurs enquêtes de terrain et inventaires (photo
2) sont entamées, sur des thèmes extrêmement
variés. Ces travaux débordent souvent le cadre territorial du
département, parce que l'Auvergne historique ne se limite pas à
la seule Basse-Auvergne -constitué de l'actuel Puy-de-Dôme et du
Brivadois, en Haute-Loire- mais englobe l'essentiel de la Haute-Auvergne,
l'actuel Cantal, et parce que limites administratives et ethnographiques
coïncident rarement. Les enquêtes, incluant journaux de terrain,
reportages photographiques, enregistrements sur bandes magnétiques,
etc., donnent lieu à de petites expositions temporaires. La CDPE est
également consultée pour évaluer et aider à la
réalisation de différents projets municipaux ou cantonaux de
conservation et de valorisation du patrimoine culturel, notamment des projets
de musées et d'écomusées, fort à la mode dans les
années
Photo 3 : jaquette du film documentaire
Transhumance, réalisé par Bernard Virat en 1986, avec
les conseils et la documentation scientifiques de la CDPE, et
présenté au Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand,
en 1994.
A partir des années 1990, la Conservation et la Mission
Départementale de Développement Culturel (MDDC) vont
très
régulièrement travailler à la conception
et à la réalisation d'expositions patrimoniales temporaires et
itinérantes (cinq entre 1993 et 1999), généralement
accompagnées de catalogues réunis au sein d'une collection
-Les carnets patrimoniaux du Puy-de-Dôme.
1970 et 1980. Elle suit et accompagne plusieurs projets :
Musée de la Mine à Brassac (ouvert au début des
années 1980), puis projet voisin de Messeix (partiellement abouti) ;
Musée de la forêt et du bois en Livradois et Musée du
machinisme agricole en Combrailles (finalement abandonnés) ;
Musée municipal de la Vigne et du Vin à Aubière (ouvert
à la fin des années 1990) ; etc. Le rôle de formation
à l'ethnologie est également privilégié, Richard
Bucaille donnant des cours à l'Université populaire de
Clermont-Ferrand, en lien avec l'association « Peuple et Culture » ;
le petit groupe d' « étudiants » est associé à
plusieurs enquêtes menées par la CDPE, enquêtes qui se
concrétisent par deux publications (1984 et 1987) et deux films :
Transhumance, en 1986 (photo 3), et Honneur à
notre élue, en 1989-1993. De plus, certains des participants vont
déposer des sujets de mémoire pour le diplôme de
l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS, Paris).
C'est dans le cadre de l'Université Populaire que sont organisés
: un cycle de conférences avec la participation de plusieurs ethnologues
(Isac Chiva, Jean Cuisenier, etc.) et une semaine du film ethnographique (en
1983 et 1986).
Ces circonstances conduisent à la fusion partielle des
deux services et à la création d'un Service du Patrimoine et des
Expositions (SPE, 1999), remplacé par la Conservation
départementale Ethnologie et Expositions (CDEE, 2007). Ce service,
initialement fort d'une vingtaine d'agents (scientifiques, secrétaires,
techniciens, graphistes), a notamment pour missions : de réaliser et/ou
présenter des expositions temporaires dans les halls du Conseil
général (2 à 3) ; d'administrer un fonds d'expositions
itinérantes, dont un Fonds départemental d'art contemporain
(FDAC) à l'usage des collégiens ; d'apporter son expertise et, le
cas échéant, une aide logistique aux projets municipaux ou
cantonaux (projets de musées à Issoire ou premières phases
de mise en place du Musée municipal puis départemental de la
Céramique de Lezoux, par exemple). Pendant la dizaine d'années
qui suit, l'effort va porter sur la pérennisation, au sein d'une
programmation copieuse (6 à 7 expositions par an en moyenne), de deux
thématiques - patrimoine et art actuel- traités l'un et l'autre
à partir d'un point de vue anthropologique. Dans le droit fil des
expositions patrimoniales précédentes, six manifestations
temporaires sont organisées entre 2000 et 2011 ; chacune, reposant sur
un travail de terrain s'étalant souvent sur plus de deux ans, est
assortie d'un catalogue publié dans la collection des Carnets
patrimoniaux du Puy-de-Dôme (photo 4). Renouvelant
Le Prix des Volcans, exposition annuelle inaugurée par la MDDC dans les
années 1990, le SPE met en place l'exposition Plasticiens du
Puy-de-Dôme. Douze sélections se sont attachées
à montrer la diversité de la création plastique actuelle :
chacune est accompagnée d'un catalogue, constitué d'une
introduction puis des monographies des artistes présentés,
publié dans la collection des Cahiers de création plastique.
De courtes expositions monographiques (8-9/an) viennent compléter
ce panorama jusqu'au milieu des années 2000. Enfin, de nouvelles
acquisitions permettent d'actualiser le FDAC, mis à disposition des
scolaires.
Les programmations annuelles arrêtées par la
commission culturelle accordent d'autre part une large place aux associations
(court métrage, automobile club, apiculteurs du Puy-deDôme,
Montferrand Renaissance, etc.) ou aux particuliers (amateurs, collectionneurs,
photographes, etc.), si bien que l'éventail thématique
abordé à l'occasion des expositions temporaires et/ou
itinérantes est fort large. Ces expositions sont assez
systématiquement documentées par un catalogue ou un Livret
des Expos (12 numéros depuis 2007), petite
collection de fascicules au format carré et contenant de
vingt à quarante pages. Ces Livrets numérisés
sont téléchargeables gratuitement sur le site du Conseil
général du Puy-de-Dôme13.
Enfin, au 1er janvier 2011, la CDEE est
divisée en plusieurs cellules composant le pôle Culture et
Territoires, parmi lesquelles subsiste un projet Patrimoine et Ethnologie. Des
trente années de travail de ce qui fut successivement la CDPE/SPE/CDEE,
il reste des supports valorisés et d'autres qui ne le sont pas. Parmi
les supports valorisés, il y a :
|
- des éditions commercialisés (certains
Carnets patrimoniaux du Puy-de-Dôme et certains catalogues
hors-série) ;
- des éditions hors-commerce ou plus du tout
commercialisés, dont certaines sont numérisées et
disponibles sur internet : c'est le cas des 12 Livrets des Expos
(jusqu'à décembre 2011) ;
P hoto 4 : couverture du n°10 de la collection des
Carnets patrimoniaux du Puy-de-Dôme, paru en 2011 à l'occasion de
l'exposition Jean Amblard, artiste-peintre (1911-1989).
|
- des dizaines d'expositions itinérantes conçues en
interne et diffusées dans tout le département du
Puy-de-Dôme ;
- des dizaines de milliers de photographies, argentiques et
numériques, prises lors des enquêtes de terrain, des années
1980 à aujourd'hui, indexées dans le fonds « Patrimoine
ethnologique » de la base de données numérique de la
photothèque départementale et consultables sur le site internet
de cette même photothèque.
13
http://www.puydedome.com/Patrimoine_Ethnologie/Publication-_58211_215446.html?1=1.
- des films-entretiens (de 2 à 11 minutes) et un film
documentaire de 32 minutes, tous réalisés en 2011, disponibles
sur internet (voir plus loin pour les URL), dont un stocké sur un
serveur fiable.
Parmi les supports non-valorisés, il y a :
- des milliers de photographies de terrain, argentiques et
numériques, en cours de traitement par un agent de la cellule Patrimoine
et Ethnologie ;
- une cinquantaine d'heures d'enregistrements sonores de
témoins sur cassettes magnétiques 3,81 mm, de 1980 aux
années 1990 ;
- des panneaux d'expositions conçus en interne et
numérisés, qui ne sont pas intégrés au service
d'expositions itinérantes ;
- plusieurs carnets de terrain, rapports d'enquêtes et
dossiers diverses, sur papier ;
- un film, originellement sur bandes, numérisé mais
pas conservé et valorisé, et un film non-monté (sur
bandes), tous deux des années 1980 ;
- un montage documentaire, numérisé,
réalisé en 2011, qui n'est ni conservé sur une base de
données, ni valorisé sur internet.
Ces ressources sont nombreuses et souvent de qualité,
mais si elle ne sont plus valorisées à un moment donné par
des projections, des expositions ou des dispositifs sur site, elles n'ont de
valeur que si elles sont rendues disponibles au public en continu et dans de
bonnes conditions. Si de nombreuses ressources, parmi celles
énumérées ci-dessus, peuvent être
considérées comme dormantes -c'est le cas des archives sonores et
audiovisuelles-, il n'en va pas de même des photographies prises par la
CDPE/SPE/CDEE, qui bénéficient depuis plusieurs années des
outils et du savoir-faire dans le traitement, la conservation et la
valorisation de la photothèque départementale.
3 - La Photothèque départementale.
La photothèque est un service public,
créé en 2000 aux Archives départementales du
Puy-de-Dôme et, à ce titre, son activité est
encadrée par les articles L 211 et L 212 du Code du
patrimoine14.
14
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?
idSectionTA=LEGISCTA000006159940&cidTexte=LEGITEXT000006074236&dateTexte=vig
a - Histoire et fonctionnement de la photothèque.
Elle a pour missions de collecter, documenter, conserver et
valoriser le patrimoine photographique du Puy-de-Dôme et de l'Auvergne.
Elle est dirigé par un chargé d'études documentaires,
Patrick Cochet, cadre de la fonction publique d'État, qui est sous la
responsabilité directe du directeur des Archives départementales.
La photothèque répond également à des missions
ponctuelles de reportages photographiques, émanant de structures
internes ou externes au Conseil général du Puy-de-Dôme, qui
sont réalisées par un photographe professionnel, fonctionnaire
territorial, qui s'occupe également de la numérisation, du
traitement et de la restauration numériques des photographies anciennes.
Ces reportages ont pour mérite, outre d'assurer la qualité des
photographies, de régler les problèmes de droits d'utilisation,
que nous aborderons plus loin pour l'audiovisuel. L'équipe de la
photothèque est en lien avec un réseau de photographes,
professionnels comme amateurs, et de collectionneurs dans tout le
département du Puy-de-Dôme, qui facilitent l'accès à
des collections endormies. Ses fonds sont constitués de gravures, de
cartes postales anciennes numérisées ou en cours de
numérisation, de photographies argentiques professionnelles (commandes
de portraits, de scènes de la vie rurale ou urbaine,
d'événements commémoratifs officiels, de
démonstrations de métiers, de paysages, etc.) ou amateurs
(scènes de vie familiale, d'événements festifs locaux,
etc.) numérisées ou en cours de numérisation, et de
photographies de terrains d'enquêtes récentes numériques,
numérisées ou en cours de numérisation. Les plus anciens
clichés peuvent dater des années 1860. Les documents
collectés sont très divers : diapositives, plaques de verre,
négatifs noir et blanc ou couleur, tirages anciens ou récents,
films, dessins, qui doivent être numérisés avant
d'être catalogués.
Il existe juridiquement deux types de documents d'archives.
D'une part, les archives publiques, qui sont imprescriptibles,
c'est-à-dire que l'action publique est susceptible d'agir sur ces
archives sans limite de temps ; elles font partie du domaine mobilier et ne
peuvent être ni aliénées ni détruites sans
autorisation de l'État, par visa d'élimination. D'autre part, les
archives privées, qui regroupent les papiers familiaux, les dossiers
d'entreprises, de partis politiques ou de syndicats. Le site internet des
Archives départementales du Puy-de-Dôme15 rappelle que
ce type de document peut être confié aux Archives par :
15
http://www.archivesdepartementales.puydedome.com/archives-privees-625.html
« [...] un dépôt. Une convention
établie entre le déposant et les Archives départementales
fixe les conditions de communication des documents, elle peut être
révocable et laisse l'entière propriété du fonds au
déposant.
un don. Une convention est établie entre le donateur et
les Archives départementales qui devient propriétaire des
documents.
un legs. Il fait l'objet d'une délibération du
Conseil général. Le legs au bénéfice d'une
collectivité est exonéré des droits de mutation.
une dation. Elle est prononcée par le ministre
chargé du budget. Elle permet d'acquitter les droits de succession par
la remise "de documents de haute valeur archivistique ou historique" (art. 1716
bis du code général des impôts). »
La plupart du temps, la photothèque
départementale travaille sur la base de prêts, de dons ou
d'achats. Les documents sont en tout cas systématiquement
numérisés, avant d'être catalogués. Dans le cas du
prêt, les documents sont rendus aux propriétaires après
numérisation, avec, s'ils le souhaitent, un disque compact comportant
des fichiers en haute-résolution, qui en facilitent la consultation.
b - La valorisation des fonds photographiques.
En ce qui concerne les modes de valorisation, la
première est la diffusion des images d'archives : sur place, aux
Archives départementales, dans la mesure où ils n'ont pas
été publiées sur internet, ou en ligne, à
l'adresse
http://phototheque.cg63.fr.
Cette dernière option facilite grandement le travail des chercheurs en
sciences humaines et sociales, qui peuvent faire par ce biais l'économie
d'un déplacement.
Ce site simplifié est assisté d'un logiciel de
recherche documentaire (photo 5) ; il permet d'accéder aux
collections de la photothèque qui ont été indexées
et qui sont juridiquement publiables en ligne. Un accès simple, dit
« accès invité », permet un premier accès
à un peu plus de 50 000 clichés16 ; L'accès dit
« abonné » est réservé aux utilisateurs
habilités ; il donne le droit à une consultation de fonds qui
n'ont pas encore été rendus publics : le fonds « Patrimoine
ethnologique » en fait partie. Lorsque l'on accède à la page
de consultation, la barre de recherche est en haut, à gauche ; la
requête doit contenir un descripteur simple, sans article : un nom (de
lieu ou de personne), un mot-clé particulier (fête, cheval,
forêt, etc.) ou la cote du cliché. Une recherche avancée
est possible dans le cas d'une requête multi-critères, ainsi que
le choix du format d'affichage des clichés lors de la réponse.
Dans le cartouche
16 Chiffre à la fin de l'année 2011.
vertical qui est en dessous de la barre de recherche sont
affichées les collections accessibles : il est par exemple possible de
faire une recherche dans une collection en particulier, en décochant
toutes les autres. La zone qui occupe les 90% de l'écran sert à
l'affichage des propositions après requête : chaque photo y est
accompagnée de sa fiche descriptive. Ce site permet d'accéder
à de la donnée brute, c'est-à-dire des photographies
numérisées et documentées, mais qui ne présentent
pas de dossiers virtuels de valorisation ou de services particuliers.
Photo 5 : capture d'écran de la page de recherche
du site internet de consultation des fonds de la photothèque
départementale (capturée en janvier 2012).
Les deux autres modes complémentaires de valorisation
des collections publiques de la photothèque sont l'édition
d'ouvrages et la conception de panneaux d'expositions. Ce service
possède deux collections : la première, qui a vu le jour en 2005,
est « Témoins Objectif » (photo 6). Cinq
numéros ont été publiés jusqu'à
début-2012 dans cette collection : elle fait connaître les oeuvres
de photographes, professionnels ou amateurs, Puydômois ou originaires du
Puy-de-Dôme, en en commentant les particularités et en faisant des
points sur leurs techniques photographiques. L'autre collection, « Regards
sur... », propose des dossiers thématiques traités sous
l'angle de la photographie. Enfin, à chaque publication d'ouvrage,
correspond une exposition, constituée essentiellement de panneaux : le
fonds d'expositions émanant de la photothèque est diffusé
par l'équipe technique du pôle Culture et Territoires.
Ces deux services collaborent depuis plusieurs années :
la cellule Patrimoine et Ethnologie utilise les fonds iconographiques de la
photothèque ainsi que les compétences de son photographe dans le
cadre de ses différents travaux, et la photothèque
départementale voit ses collections enrichies par les photographies de
terrain ou les collectages de la cellule Patrimoine. La photothèque n'a
d'ailleurs pas dérogé à ce statut de centre de ressources
pendant ma période de stage, puisque ses fonds ont été mis
à contribution sur deux des trois actions que j'ai eues à
mener.
Photo 6 : couverture du n°4 de la collection
« Témoins objectifs », publié en 2011.
II - Les actions réalisées et les
échanges professionnels.
A - Les actions menées durant le stage.
C'est à travers les réalisations de ces actions,
qui sont intervenues dans le cadre de la mise en place du pôle Culture et
Territoires et de la redéfinition des missions de la cellule Patrimoine
et Ethnologie, et à partir des problématiques qu'elles ont mis au
jour, qu'a émergé le sujet du présent mémoire. Ces
trois projets ont marqué quelques changements dans le fonctionnement de
la cellule Patrimoine et Ethnologie :
- un seul relevait de la programmation propre de la cellule
Patrimoine et Ethnologie et de ses compétences habituelles, et se
déroulait dans l'un des deux espaces d'exposition de l'Hôtel du
Département, à Clermont-Ferrand : l'exposition Fadas du
viaduc, du 4 au 25 juillet 2011, en la chapelle des Cordeliers.
- Les deux autres, qui étaient également des
expositions, se tenaient à l'extérieur de Clermont-Ferrand :
100 ans d'école laïque aux Ancizes en l'office de tourisme
des Ancizes, du 19 septembre au 15 octobre 2011, et Le Syndicalisme dans le
Puy-deDôme, en la médiathèque intercommunale de Saint
Eloy-les-Mines, du 5 au 30 novembre 2011.
- Ces deux derniers projets ont été
montés en collaboration avec la cellule Science et Société
(ancienne Maison départementale du l'Innovation), autre section du
Pôle culture et Territoires, et avec le cabinet du Président du
Conseil général.
Le point commun de ces trois projets tenait en ce qu'ils
comportaient tous une enquête de terrain avec des entretiens
filmés et une collecte de photographies et de vieux films, qui ont
donné lieu par la suite à des montages de contenus
audiovisuels.
1 - L'exposition et les films-entretiens de Fadas du
viaduc.
a - Le projet.
Cette exposition portait sur le viaduc des Fades, un pont
ferroviaire métallique qui se situe au coeur des Combrailles, au
nord-ouest du département du Puy-deDôme. Ce projet a
été proposé au Conseil général par
l'association « Sioule et Patrimoine ». Cette association, qui a pour
mission de protéger et valoriser la vallée de la Sioule, avait
organisé les festivités marquant le centenaire
de l'inauguration du viaduc des Fades, en 2009. A cette occasion, elle avait
mené des recherches poussées qui se sont
concrétisées en une exposition de 80 panneaux et une publication,
retraçant les grandes étapes de la construction du viaduc.
Photo 7 : affiche de l'exposition Fadas du
viaduc.
En 2010, l'association a sollicité le Conseil
général afin de présenter son travail dans l'un des halls
d'exposition de la collectivité. La commission culturelle a accueilli
favorablement cette demande et il a été convenu de programmer
l'exposition à la chapelle des Cordeliers en juillet 2011. Chargé
de cette mission au sein de mon service, j'ai donc pris contact avec
l'association et « visité »
l'exposition courant 2010, dans le hall d'accueil de l'Institut
Français de Mécanique Avancée
(IFMA) de Clermont-Ferrand. Compte tenu de l'espace disponible
(200 m2), de la période
d'exposition et du public escompté (visiteurs non
puydômois), il est apparu très vite qu'il
fallait reconfigurer l'exposition : en allégeant les
informations historiques et techniques ; en
développant un volet audiovisuel et « sociologique
», constitué de témoignages sur la vie
autour du viaduc, entre 1909 et aujourd'hui, ce qui permettait
de poser la question, très
actuelle, de son avenir. Un appel à témoignages a
été lancé dans les communes des Ancizes-
Comps et de Sauret-Besserve (communes puydômoises sur
lesquelles se trouve le viaduc)
afin que soient enregistrées les histoires qui lui sont
liées : ce travail de terrain, ainsi qu'un
travail de recherche documentaire, a donné lieu à
la réalisation du corps de l'exposition : dix
grands panneaux explicatifs et six films-entretiens sur
écrans tactiles. Ce sont les entretiens filmés et les montages
des films qui nous intéressent ici.
b - Démarche et méthode.
L'appel à témoins avait été
lancé par l'association Sioule et Patrimoine qui nous a orienté
vers une dizaine de personnes, parmi lesquels un ancien élu des Ancizes
en charge des affaires publiques pendant de longues années, et
aujourd'hui responsable associatif, qui a fait office à la fois de
témoin et de médiateur pour tous les autres. Une première
journée de rencontres avec toutes ces personnes a été
organisée, guidée par ce responsable associatif et un membre du
conseil municipal, qui a permis d'échanger à bâtonsrompus
avec les témoins potentiels. Très vite, sept des dix ont
accepté de témoigner devant la caméra. De ces sept
personnes, deux n'ont pas pu se libérer lors d'un des deux jours
convenus pour enregistrer les témoignages ; deux autres personnes les
ont remplacées. Chacune de ces personnes avait un lien, direct ou
indirect, passé ou actuel, avec le viaduc des Fades. Je prévoyais
que ces entretiens seraient non-directifs ; je n'avais en effet pas
établi de questionnaire, et je comptais sur les informations
glanées lors du travail de recherche documentaire préparatoire,
pour mener les échanges avec les témoins. Il était
prévu qu'une recherche iconographique et filmique soit
réalisée à la suite de ce travail de terrain, afin
d'illustrer les propos. C'est donc accompagné d'un technicien du
pôle Culture et Territoires, Vincent Boulay, qui s'occupait de la
caméra, que je suis allé enregistrer ces entretiens durant deux
journées du mois de mars 2011.
De ces sept entretiens ont résulté près
de trois heures d'enregistrement vidéo : les propos des témoins
portaient sur la vie autour du viaduc depuis les années 1920 (une des
témoins était en effet née en 1914) jusque dans les
années 1990, mais abordaient aussi la vie autour de la commune des
Ancizes-Comps entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1970.
Certains témoins nous ont permis d'accéder à leurs
archives personnelles, la plupart du temps des archives photographiques. Ces
documents offraient la possibilité d'illustrer les propos de chacun lors
des montages des films. En sus de ces collections privées et de celles
de la photothèque départementale, une recherche de vieux films
amateurs sur le viaduc des Fades a été engagée, dans les
bases de données de plusieurs institutions archivistiques
audiovisuelles.
Cette recherche a d'ailleurs été l'occasion de
prendre les premiers contacts avec des organismes spécialisés
dans le patrimoine audiovisuel, que je rencontrerai ultérieurement.
Un problème déterminant a été
posé lors de ces entretiens : celui du droit d'utilisation de l'image de
tout-un-chacun en vue de la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle. Le
droit à l'image est, en France, le droit exclusif de toute personne
physique à disposer de son image comme bon lui semble. Le droit à
l'image n'est pas consacré par la loi française elle-même,
mais découle du droit au respect de la vie privée, tel
qu'énoncé dans le Code civil17 : par
conséquent, avant toute diffusion publique d'une photographie ou d'une
vidéo par quelque voie que ce soit, le diffuseur doit obtenir
l'autorisation de la personne concernée, par le biais d'une autorisation
signée par la personne concernée. C'est en relation avec le
service juridique du Conseil général et en consultant les
autorisations utilisées par des institutions pratiquant l'enregistrement
d'entretiens oraux, que nous avons rédigé une demande
d'autorisation-type.
Après le tournage est venu la première
étape du montage, à savoir le « dérushage » : il
consiste à sélectionner, en les visionnant, les « rushs
» (jargon d'origine anglaise désignant l'ensemble des prises
tournées d'un même plan) ou séquences, à utiliser
durant le montage. Pendant ce dérushage, qui a duré près
de quatre semaines, Vincent Boulay et moi avons décidé de traiter
chaque entretien séparément, c'est-à-dire que chaque
entretien a donné lieu à un film court, plutôt que de les
utiliser tous dans un seul film. Le dérushage a donné lieu
à un document par film, indiquant tous les détails de leur
intégration et servant en quelque sorte de « feuille de route
» au technicien lors du montage ; ce document contenait : les
séquences sélectionnées, leur ordre d'apparition dans le
film, les effets à appliquer à chaque transition, les documents
(photographiques ou filmiques) à intégrer et les moments
précis de leurs apparitions, ainsi que les sous-titres éventuels
à ajouter.
Le montage des films s'est étalé sur près
de deux mois, jusqu'à la mise en place de l'exposition, durant la
deuxième quinzaine de juin 2011. En plus de leur intégration dans
la scénographie de l'exposition (photo 8), les six films
montés (un des entretiens n'a pas été retenu, les propos
de la personne interrogée étant recoupés par ceux de tous
les autres) ont été intégrés dans un album virtuel
consultable sur le site internet du pôle patrimoine de Centre
17 L'article 9 du Code civil, titre III sur la
protection de l'image, alinéa 36 bis, précise que « le droit
au respect
de la vie privée permet à toute personne,
fût-elle artiste du spectacle, de s'opposer à la diffusion, sans
son autorisation expresse, de son image, attribut de sa personnalité
».
Images, centre qui a en outre fourni quatre films amateurs des
années 1940 aux années 1960, utilisés dans les montages.
Cette présence sur la « toile » comportait deux avantages :
permettre aux visiteurs intéressés de visionner autant qu'ils le
souhaitaient les vidéos en question après leurs visites de
l'exposition ; et les conserver durablement sur une baie de stockage
numérique. Tout ceci nous a amené à nous interroger sur
l'intérêt de l'indexation et l'éditorialisation internet
des documents d'archive audiovisuels.
Photo 8 : totem au centre de l'exposition, sur lequel
sont fixés deux écrans tactiles (un casque et un tabouret par
écran), afin de consulter les six entretiens filmés. Le cartel
à gauche de l'écran signalait que les vidéos
étaient consultables sur le site internet du pôle Patrimoine de
Centre Images. Photo Olivier Meunier (juillet 2011).
2 - Le montage documentaire pour les 100 ans de
l'école laïque des Ancizes. a - Le projet.
L'association du foyer rural des Ancizes-Comps souhaitait
célébrer le centenaire de son école publique (1911-2011).
Ce projet était soutenu par sa section culturelle : « Voir et
Savoir » ; cette section, et particulièrement son responsable,
André Neyrat, sont en contact depuis de nombreuses années avec
l'ancienne Maison départementale de l'Innovation, désormais
intégrée au pôle Culture et Territoires sous le nom de
cellule Science et Société. Ce projet consistait en la
réalisation d'une exposition de panneaux, comportant deux parties :
l'une rappelant les principes de l'école républicaine ; et
l'autre consacrée à l'histoire des deux écoles des Ancizes
et de Comps. La section « Voir et Savoir »
souhaitait en particulier collecter des témoignages
d'anciens élèves et d'anciens instituteurs. De son
côté, la cellule Science et Société, maître
d'oeuvre de ce projet, a sollicité la cellule Patrimoine et Ethnologie
afin de bénéficier de son expertise en terme d'enquête
orale : cette collaboration des trois partenaires a permis la
réalisation d'un montage multimédia documentaire,
intégré à l'exposition présenté en l'office
de tourisme des Ancizes-Comps.
Photo 9 : capture d'écran de la page d'accueil du
montage multimédia ; l'introduction, à gauche, proposait
une présentation en image de l'école des Ancizes ; les «
souvenirs d'anciens », à droite, donnait un accès
aux témoignages, classés par thèmes (« la
rentrée », « une journée à l'école
», « jeux, sorties et fêtes », etc.).
b - Démarche et méthode.
La liste des personnes interrogées a été
déterminée par la section « Voir et Savoir » de
l'association du foyer rural : huit personnes ont été
proposées. Ce terrain a été différent de celui de
l'exposition Fadas du viaduc. En effet, chaque entretien a
été envisagé d'abord comme un récit de vie, puis
comme un témoignage sur la vie d'une localité. J'ai donc
préparé un guide d'entretien, contenant trois parties principales
: une première de présentation personnelle (origines
géographique et sociale, enfance, formation, vie actuelle), une seconde
liée à la vie quotidienne avant, pendant et après
l'école, et une troisième portant sur les valeurs
républicaines et l'importance de l'école dans l'acquisition de
ces valeurs. Ce guide m'a permis une démarche qualitative d'entretiens
semi-directifs longs (environ une heure et demi par entretien), afin de cadrer
le discours et d'obtenir des informations sur quelques thèmes
définis
au préalable -la vie dans une école publique, il y
a plus de cinquante ans-, mais d'ouvrir aussi à d'autres points
d'histoire et de sociologie locales.
Les entretiens avec ces huit personnes ont donné lieu
à trois journées de tournage durant l'été 2011, et
à près de neuf heures d'enregistrement vidéo. Tous les
témoins ont signé des autorisations d'utilisation de l'image en
vue de la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle, sur la base de celle
rédigées pour le projet Fadas du viaduc. L'objectif
était de proposer un montage dynamique d'entretiens filmés bruts,
sans aucun ajout : par conséquent, Agathe Baudelot, qui s'est
occupé des prises de vue, gérait deux caméscopes à
la fois, proposant deux cadrages différents de chaque entretien. Quant
à moi, j'ai mené les entretiens : lorsqu'ils sont longs comme
ceux-ci, il est permis de détailler chaque sujet abordé. Dans le
cas où s'installe une atmosphère de confiance, certains
témoins peuvent donner accès à leurs archives
personnelles. Ce fut le cas ici, puisqu'il m'a été possible de
consulter plusieurs dizaines de photographies liées aux écoles
des Ancizes et de Comps, ainsi qu'à des thématiques connexes
(Deuxième guerre mondiale, fêtes locales, activités
rurales, etc.). De plus, pour la première fois, deux bobines de films
portant sur la vie culturelle locale, de formats 16 mm et Super 8, datant des
années 1960 et 1970, nous ont été gentiment
prêtées pour consultation et numérisation.
En revanche, ces documents photographiques et filmiques n'ont
pas été utilisés lors du montage : en effet, le parti a
été pris durant le dérushage de laisser totalement la
place aux témoignages, afin de restituer les ambiances amicales de
confidence vécues durant les tournages. Contrairement au projet
précédent, il a été convenu que ces
témoignages seraient présentés de manière
thématique -la rentrée, un exemple d'une journée
d'école, les punitions et les récompenses, les jeux et les
fêtes, le certificat d'études, etc.- et non pas linéaire.
Un des anciens directeurs de l'école, André Neyrat, a
été filmé en train de présenter les bâtiments
de l'école publique des Ancizes : cette présentation a
été restituée telle quel. Le montage «
multimédia » (photo 9) qui en a résulté, a
été présenté sur un ordinateur, au sein de
l'exposition de l'office de tourisme des Ancizes-Comps. En sus
d'expériences supplémentaires d'enquêtes de terrain et de
valorisation de fonds audiovisuels, ce projet de l'école des Ancizes a
posé les questions du collectage et de la prise en charge d'anciennes
bobines de films, ainsi que du classement et du stockage de documents
audiovisuels numériques sur le long terme.
3 - Le film sur Le syndicalisme à Saint
Eloy-les-Mines.
a - Le projet.
Le syndicalisme dans le Puy-de-Dôme
était un projet scientifique et culturel qui relevait de la
volonté de l'exécutif départemental. Sa réalisation
a reposé sur des partenariats entre les services culturels du Conseil
général, le département d'histoire de l'université
Blaise-Pascal et les organisations syndicales du Puy-de-Dôme. Ce
partenariat s'est concrétisé par une exposition d'envergure, en
l'Hôtel du Département de Clermont-Ferrand (du 12 janvier au 2
avril 2011), accompagnée d'une programmation variée -projections
de films, conférences, débats, etc. Par ailleurs, dès la
conception du projet, il était prévu que l'exposition deviendrait
itinérante et circulerait, après actualisation, dans certains des
sites majeurs de l'histoire syndicale.
Photo 10 : affiche de l'exposition Le syndicalisme
dans le Puy-de-Dôme à Saint Eloy-les-mines.
La première de ces délocalisations a
été prévue à Saint Eloy-les-Mines, commune des
Combrailles marquée par la dureté de l'activité
minière, puis par le traumatisme généré par
l'installation de certaines entreprises de reconversion. Notre service, qui
avait déjà accompagné la réalisation de
l'exposition clermontoise, a été chargé du suivi de ce
projet et j'ai été missionné pour procéder aux
adaptations indispensables.
Le projet de Saint Eloy consistait en la mise en
itinérance de l'exposition temporaire de Clermont -recherche de
supports transportables adaptés pour les panneaux d'exposition,
le « réemploi » d'objets et de documents sonores
présentés à Clermont-Ferrand, et la création de
nouveaux panneaux sur l'histoire syndicale eloysienne- et la
réalisation d'un film d'entretiens avec des militants syndicaux de cette
ville.
b - Démarche et méthode.
L'histoire du syndicalisme est un domaine tout à fait
spécifique, dont je n'étais jusqu'à présent pas
familier. Il m'a donc fallu préparer très soigneusement ce «
terrain ». Tout d'abord, par respect à l'égard de
témoins militants, dont certains ont été «
biberonnés » à la mamelle du syndicat et ont
été les acteurs de conflits sociaux parfois très durs.
Ensuite, dans le souci de me former une opinion informée et d'avoir un
recul critique face à des témoins engagés, me rapportant
les événements de leur point de vue. Parmi les acteurs syndicaux
locaux susceptibles d'apporter leurs témoignages, quatre ont finalement
été retenus, parce qu'ils appartenaient à trois
générations distinctes : une personne née dans les
années 1920, deux dans les années 1940 et une dans les
années 1960. Ils appartenaient aussi aux deux tendances syndicales
majoritaires à Saint Eloy de nos jours : CGT et Force Ouvrière.
Avec ces quatre militants, je pouvais aborder quatre grandes périodes de
l'histoire syndicale de Saint Eloy-lesMines : le Front populaire et la guerre
de 1940, le statut des mineurs de 1946 et l'après-guerre, les
entreprises de reconversion à partir des années 1970 et le milieu
ouvrier et le syndicalisme aujourd'hui.
J'ai conduit, sur deux journées de tournage, les quatre
entretiens filmés par Vincent Boulay, avec qui j'ai aussi adapté
et installé l'exposition, et monté le film. Préalable
indispensable : tous les témoins ont signé des autorisations
d'utilisation de leurs images en vue de la réalisation du film. Les
quatre entretiens ont été menés selon le même plan :
présentation personnelle, fonctions et combats syndicaux, conception du
syndicalisme aujourd'hui, les grandes leçons d'une vie syndiquée,
mais la préparation et les notes étaient fonction des
périodes de l'histoire contemporaine abordées. Ces quatre longs
entretiens, qui prennent la forme de récits de vie, ont
représenté près de six heures et demi d'enregistrement. Le
dérushage et l'écriture d'un scénario se sont
étalés sur quatre semaines : à l'issue de ce travail, il a
été proposé aux responsables du projet
Syndicalisme de réaliser un film d'environ une demi-heure,
destiné à être projeté au sein de l'exposition, en
continue. Après le dérushage et l'écriture, forts des deux
premières expériences de montage vidéo, la
réalisation du film a duré deux semaines. Par souci de
cohérence et pour faciliter la compréhension des visiteurs, les
propos des syndicalistes ont été organisés
chronologiquement, de 1936 à aujourd'hui ; des
photographies, provenant des collections de la photothèque
départementale, ainsi que des fonds personnels de certains
témoins, illustrent les témoignages.
Ces trois actions ont occupé un peu plus des six mois
de stage convenus avec ma direction et l'université Blaise-Pascal. Il
s'agissait d'une période d'expérimentation de nouvelles pratiques
orientées vers l'audiovisuel et le numérique, en tant qu'outils
de conservation et de valorisation du patrimoine visuel et sonore
régional. Elles ont procuré une matière professionnelle
très importante ainsi que des arguments pour rédiger une note
administrative, datée du 20 octobre 2011 et adressée au
Vice-président du Conseil général chargé de la
culture (annexe n°4), qui listait quelques propositions pour un
nouveau fonctionnement de la cellule Patrimoine et Ethnologie : la prise en
charge des documents d'archive audiovisuels -en sus de la photographie et du
texte-, et une valorisation culturelle par l'internet et les nouveaux outils
numériques. Une fois ces axes proposées, il fallait dessiner les
contours d'une mission départementale ad hoc, contours
développés dans la troisième partie du présent
mémoire. En plus d'une ressource constante en documents photographiques
et en conseils professionnels, la photothèque départementale a
représenté un interlocuteur privilégié, rompu
à la gestion de l'image fixe, et un socle indispensable à la
réflexion. Accompagné du responsable, Patrick Cochet, et du
photographe de ce service, Serge Seguin, j'ai rencontré
différents professionnels de la conservation du patrimoine audiovisuel,
afin de mesurer le niveau de réalisme de la mise en place de ce type de
mission au sein du Conseil général du Puy-de-Dôme.
B - Échanges avec des professionnels du patrimoine
audiovisuel.
L'échange avec des acteurs et institutions qui se
consacrent spécifiquement à la collecte, la conservation et la
valorisation du patrimoine audiovisuel a été un autre aspect
extrêmement riche de cette période de stage. La recherche
documentaire de films opérée durant la conception du projet
Fadas du viaduc a permis de prendre les premiers contacts
avec certains de ces acteurs. Les premiers noms qui viennent
à l'esprit en terme d'archives audiovisuelles sont l'Institut National
de l'Audiovisuel (INA) ou la Cinémathèque française.
Pourtant, ces prestigieux organismes restent assez éloignée de la
philosophie et du mode de fonctionnement des professionnels qui nous
intéressent ici : l'INA et la Cinémathèque n'interviennent
que sur des documents professionnels -cinématographiques,
télévisuels et radiophoniques (et internet depuis peu)-, qui ont
reçu un visa d'exploitation ou qui relèvent du
dépôt légal. Or, je me suis plutôt
passionné pour le collectage et la valorisation de films inédits
d'amateurs, qui ne relèvent pas du dépôt légal,
films inédits tournés dans un département ou une
région, dans l'esprit instauré par la Cinémathèque
de Bretagne, créée en 1986. Cette dernière n'a pas
été contactée, mais toutes celles qui l'ont
été y font plus ou moins référence : le pôle
patrimoine du Centre Images (département de l'Indre), le service des
archives audiovisuelles du Cantal et la cinémathèque des pays de
Savoie et de l'Ain (département de Haute-Savoie).
1 - Le pôle patrimoine du Centre Images (Agence
régionale des Archives audiovisuelles du Centre).
L'un des partenariats privilégiés pendant cette
période de stage a été établi avec le pôle
Patrimoine de l'agence régionale du Centre pour le cinéma et
l'audiovisuel, plus connu sous le nom de Centre Images. Association depuis
1991, Centre Images est devenu un établissement public de
coopération culturelle (EPCC) en 2006, à l'initiative du Conseil
régional de la région Centre et avec l'aide de l'État,
chargé de coordonner l'action publique à l'égard du
cinéma et de l'audiovisuel sur le territoire régional, tant
auprès des créateurs que des publics.
L'activité de Centre Images se divise en cinq pôles
:
- le pôle Création a pour vocation d'accueillir
et d'aider les projets cinématographiques en région Centre, par
le biais : d'aides sélectives à la production courts et longs
métrages, téléfilms, documentaires-, d'une assistance
gratuite aux réalisateurs - recherche de décors et
repérages, castings de comédiens et de figurants, constitution
d'équipes techniques, autorisations de tournage, etc.-, et d'une
résidence de tournage pour films d'animation et premiers et
deuxièmes longs métrages.
- Le pôle Diffusion favorise la rencontre des oeuvres
par les publics dans les salles de cinéma de la région Centre,
par des avant-premières, des animations, des programmes
thématiques. Ce pôle organise notamment le
Festival du film de Vendôme, durant lequel sont présentés
et primés des films soutenus par des collectivités locales.
- Le pôle Éducation organise le réseau
régional d'éducation à l'image dans les milieux scolaires
et universitaires, gère l'opération « Passeurs d'images
» hors-temps scolaires ainsi qu'un centre de ressources, et propose des
formations aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel.
- Le pôle Exploitation gère les
Ciné-mobiles, circuit itinérant qui permet à des communes
rurales des cinq départements de voir des films peu après leurs
sorties nationales.
Photo 11 : affiche officielle du projet «
Mémoire Ciclic ».
Le cinquième pôle, qui nous intéresse plus
particulièrement ici, est celui du patrimoine. Hébergé
dans le Pôle Images, Arts et Formations (PIAF) d'Issoudun, dans l'Indre,
il a pour missions de collecter, documenter, numériser, conserver et
diffuser les documents d'archives audiovisuelles, le plus souvent amateurs. Il
a pour cela cinq postes permanents : un responsable, Jocelyn Termeau, une
assistante de direction, un documentaliste, un coordinateur, une chargée
de collecte et de valorisation ; l'équipe se complète d'agents
contractuels pour la collecte, la documentation, la numérisation et
l'éditorialisation des archives audiovisuelles.
a - Le fonctionnement de Centre Images
Le collectage est la base du travail du pôle Patrimoine
: il est organisé par la chargée de collecte, mais mené
sur le terrain par des collecteurs partenaires du projet, embauchés
à la journée. Le réseau est très varié :
particuliers, ciné-clubs amateurs, associations culturelles,
élus, etc. Les collecteurs, en bons connaisseurs de leurs territoires,
recherchent les collections, tandis que l'équipe de permanents
règlent les problèmes juridiques, règlements qui
permettent leurs utilisations ultérieures. Le pôle Patrimoine
gère plusieurs centaines de dossiers de dépositaires, et a un
réseau de plusieurs dizaines de collecteurs : certains
départements sont bien couverts - comme l'Indre-et-Loire et
l'Eure-etLoir-, d'autres moins ; les agents du pôle Patrimoine se
déplacent par conséquent eux-mêmes sur les territoires. Un
reçu est signé par chaque dépositaire, dénombrant
le nombre de bobines, indiquant leurs formats, époques et contenus.
Dès qu'une collection est acquise, elle est prise en
charge par le coordinateur technique du pôle, qui la stocke en prenant en
compte le niveau de fragilité de chaque bobine et restaure physiquement,
le cas échéant, les bobines les plus fragiles. Une salle
climatisée de 70 m2 dédiée à la
conservation est prévue pour les bobines déposées. C'est
pendant cette période que chaque bobine est visionnée, afin
d'identifier celles qui pourraient ne pas présenter
d'intérêt patrimonial, parce que revêtant un
caractère trop personnel ou étant de trop mauvaise
qualité, par exemple. Le pôle Patrimoine peut lire tous les
formats de films, et la plupart des formats vidéos.
Puis intervient la numérisation, c'est-à-dire la
conversion de l'oeuvre sur support physique en données
dématérialisées. Après la restauration physique du
support, chaque document est visionné par le chargé de
numérisation afin de « rafraîchir » l'image, redonner
des couleurs ou du contraste à un film terne, atténuer le «
bruit » de l'image, etc. C'est également le moment, si besoin est,
du séquençage, c'est-à-dire de la partition d'une bobine
donnée en plusieurs séquences, au cas où le
cinéaste amateur ait filmé plusieurs sujets sur une même
bobine. Le technicien numérise film après film. Mis à part
quelques formats vidéos, le pôle Patrimoine possède un
matériel important et un personnel qualifié pour numériser
un grand nombre de formats argentiques, magnétiques et analogiques
(photo 12).
Dès lors qu'un document d'archives est
numérisé, le documentaliste remplit une fiche de renseignement,
afin de l'indexer dans le logiciel de base de données Diaz,
développée par la Cinémathèque de Bretagne. La
recherche d'informations sur un document se fait en plusieurs étapes :
la campagne de collectage est déjà un moment de recueil
d'informations auprès des dépositaires ; le documentaliste
renseigne a minima sur l'époque et le lieu, et fait le
descriptif des séquences. Par ailleurs, le pôle Patrimoine, par le
biais de son site internet « Mémoire Ciclic », a mis en place
un espace participatif au sein duquel les usagers peuvent donner des
informations sur les documents pas ou peu renseignés.
Photo 12 : le coordinateur technique du pôle
Patrimoine au travail. Photo Patrick Cochet (2012).
b - Les modes de valorisation des collections.
La plupart des documents renseignés et indexés
sur la base de données, est édité sur internet, sur la
plate-forme web de contenus du pôle, « Mémoire Ciclic »
(photo 13), qui a été ouverte en 2010 et qui est son
mode de valorisation privilégié et continu. Les
documents y sont classés dans des dossiers
thématiques : « Carnets », « Instantanés »,
« Carte blanche », « Figures de mémoire », etc. Un
document peut être édité brut, sans montage, ou bien
séquencé et monté, sous la forme d'un film d'archives. Si
ces montages peuvent apparaître sur la plate-forme, Centre Images
édite également des DVD en partenariat avec des
collectivités locales (Conseils généraux, pays). Le
pôle Patrimoine valorise aussi ces films et documents dans le cadre de
projections organisées dans toute la région Centre (une vingtaine
de projections programmées annuellement), utilise les
Ciné-mobiles (camions permettant la projection de sorties nationales en
milieu rural) pour présenter des films d'archives, et participe à
l'organisation d'un festival comme « Retours vers le futur », avec le
cinéma Apollo de Châteauroux. Dans ce dernier cas, il peut
valoriser les documents d'archives de son fonds au sein d'ateliers ou de
ciné-concerts.
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Photo 13 : capture d'écran de la page d'accueil
du site internet de valorisation des fonds du pôle Patrimoine de Centre
Images (mars 2012).
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L'expérience du pôle Patrimoine de Centre Images
est très intéressante : ce centre possède en particulier
des compétences et un matériel importants en termes de prise en
charge (restauration, stockage, conservation) et de numérisation des
collections, ce qui représente un engagement financier non
négligeable, et la garantie d'une grande qualité de
numérisation.
Le fait que chaque technicien numérise un film à
la fois est important. Il nous a été précisé que le
cahier des charges de numérisation de documents patrimoniaux n'est pas
toujours accepté par les sociétés privées
spécialisées, parce que ce travail nécessite souvent un
suivi individualisé des films, là où les
sociétés favorisent le lancement de plusieurs
numérisations à la fois, pour des raisons bien évidentes
de rentabilité.
c - Les partenariats envisageables.
Si la cellule Patrimoine et Ethnologie et la
Photothèque départementale possèdent un savoir-faire en
collectage, en renseignement et en valorisation de documents d'archives, il
manque un vrai outil de numérisation d'anciens formats de films et de
vidéos : Jocelyn Termeau, le responsable du pôle Patrimoine, a
indiqué que Centre Images est ouvert aux partenariats. En effet, le
matériel technique nécessite un amortissement important et les
salles de conservation peuvent accueillir, en l'état actuel de leur
activité, des dépôts de bobines supplémentaires.
Ainsi, un partenariat éventuel pourrait engager :
- la cellule Patrimoine et Ethnologie et la Photothèque
départementale à assurer le collectage, la documentation et la
valorisation des documents d'archives audiovisuelles ;
- et le pôle Patrimoine de Centre Images à assurer
le stockage éventuel, la restauration le cas échéant, et
la numérisation en tout état de cause des fonds
collectés.
Il resterait à déterminer le choix de la base de
données permettant d'indexer les documents d'archives audiovisuelles ;
à cela, deux solutions :
- l'utilisation de Diaz, base de données du
pôle Patrimoine, qui est en ligne et gratuite, mais qui
nécessite le paiement de la formation à son utilisation par les
développeurs ;
- l'utilisation de Phrasea, base de données de
la Photothèque départementale, au départ prévue
pour la photographie, mais qui peut être éventuellement
utilisée pour d'autres médias dans sa nouvelle version.
Dans le cadre de ce partenariat, la cellule Patrimoine et
Ethnologie et la Photothèque départementale seraient en mesure
d'assurer toute la chaîne opératoire d'une mission de conservation
du patrimoine audiovisuel, de la recherche de collections à leur
valorisation, en tout cas les premières années : en effet, une
solution plus durable serait à envisager dans les
années à venir. Les conditions du partenariat
pourront être discutées plus précisément, dans le
cas d'un engagement des décideurs de part et d'autre.
2 - Le service des archives audiovisuelles (Archives
départales du Cantal).
La deuxième visite a été celle du service
des archives audiovisuelles, au sein des Archives départementales du
Cantal, service du Conseil général du Cantal et situé dans
le centre-ville d'Aurillac. Ce service existe en tant que tel depuis avril
2004, grâce à la motivation du directeur des Archives
départementales, Edouard Bouyé, et une approbation de
l'assemblée départementale. Un poste de permanent, d'abord
contractuel puis titulaire de la fonction publique territoriale, est
occupé depuis le début par Frédéric Bianchi, qui en
assure le bon fonctionnement sous la responsabilité immédiate du
directeur.
Mais cette volonté publique de collecter et sauvegarder
moralement et matériellement les documents sonores et audiovisuels dans
le Cantal remonte en réalité au milieu des années 1990 :
une étude de préfiguration, co-financée par la DRAC
Auvergne et le Conseil général du Cantal, permet la
création en 1998 du Centre Joseph-Canteloube, déjà
hébergé par les Archives départementales du Cantal.
Association loi 1901, il fonctionne au départ comme une
fédération d'associations -Photothèque et Archives du
Cantal, Institut d'Études Occitanes, Maintenance d'Auvergne du
Félibrige, Carladès Carladez, Agence des Musiques Traditionnelles
d'Auvergne, Centre départemental des Danses et Musiques traditionnelles
du Cantal-, surtout concentrées sur les archives sonores de la musique
et de la langue occitane : son activité s'est élargie
graduellement aux collectages de films et à la production de
vidéos documentaires touchant plus globalement la culture
régionale.
a - Le fonctionnement du service des archives audiovisuelles.
Deux financements croisés distincts favorisent la
création du premier poste de permanent dès avril 1999
(déjà assuré par Frédéric Bianchi), et la
première acquisition de matériel en mars 2000. À cette
même date, est lancé le premier plan de conservation physique et
de numérisation des archives sonores inédites. Les
inconvénients, notamment de pérennité, de la forme
associative ont été soulevés dès 2002 : une
étude de faisabilité s'en est suivie, délimitant les
modalités d'intégration de ses missions aux Archives
départementales, intégration rendue donc effective deux ans plus
tard. Le seul poste de
permanent assure toutes les tâches qui échoient
à un gestionnaire de patrimoine audiovisuel, du collectage sur le
terrain à la valorisation.
La première étape indispensable est
l'acquisition de données, qui se divise en deux voies d'acquisition : la
collecte de documents anciens et la création/production de documents
nouveaux.
La collecte porte sur une part minime d'archives publiques,
qui ne posent pas de problème juridique, puisqu'ils sont
inaliénables et imprescriptibles et ont vocation à être
archivées, et sur une autre part, très majoritaire, d'archives
privées (entreprises, radios, associations, particuliers, etc.), qui
peuvent poser des difficultés juridiques. Les modes et techniques
d'acquisition pratiqués ici vont du dépôt aux archives -la
limite juridique de l'utilisation par les Archives départementales
étant réglée par une convention, révocable à
tout moment par le dépositaire qui en reste propriétaire-
à la collecte sur le terrain. Le don, qui règle tout
problème de droit (à part celui, moral, de citer l'auteur), est
plus rare. Les collectes interviennent dans le cadre de missions sur des aires
géographiques délimitées ou sur une thématique
précise, l'un ou l'autre souvent dans le cadre de partenariats
conventionnés.
La deuxième voie d'acquisition est la
création/production de documents, par le biais d'enregistrements audio
et, depuis 2011, d'enregistrements vidéo numériques (les Archives
départementales ont en effet acheté un caméscope). Cette
compétence supplémentaire possède plusieurs vertus : celle
de constituer des corpus de documents d'archives cohérents avec une
qualité professionnelle, dont les Archives sont producteurs et pour
lesquels ont été signées des autorisations de diffusion.
Celles d'apporter des compétences techniques à des chercheurs ou
des associations, pour filmer des entretiens, des pratiques sociales ou des
manifestations diverses. Et enfin, celles de compléter les connaissances
acquises sur les archives papiers, les photographies et les films anciens.
Chaque document audiovisuel est inscrit dans un registre
d'inventaire (en recevant une cote), puis numérisé. Étape
primordiale de conservation de documents audiovisuels, elle contribue à
la sauvegarde de documents originaux souvent fragiles. Elle est en grande
partie effectuée en interne pour la vidéo et un prestataire
aurillacois traite la numérisation du film argentique. Ce service
possède plusieurs lecteurs-enregistreurs qui, reliés à une
carte-son/convertisseur,
permet de transférer la donnée
numérisée sur un ordinateur équipé d'un logiciel
adéquate : cette étape minutieuse est assurée par
Frédéric Bianchi ; chaque document est numérisé
à part des autres, en « copie droite », c'est-à-dire en
temps réel (une heure de film est égale à une heure
d'enregistrement surveillé par l'agent), sans séquençage
ni retouche (avec donc ses imperfections originelles). Chaque document
numérisé est conservé sur CD-R ou DVD-R, ainsi que sur une
baie de stockage en RAID 5 (techniques permettant de répartir des
données numériques sur plusieurs disques durs, pour des raisons
de sécurité et de pérennité).
Photo 14 : salle de visionnage et de numérisation
du technicien audiovisuel des Archives du Cantal. Photo Serge Seguin
(2012).
Le même agent assure le travail de documentation :
celui-ci est continu, puisqu'il intervient dès la collecte, mais se
concrétise lorsque vient le remplissage des fiches documentaires
informant tous les documents, gérées pour le Cantal par le
même logiciel utilisé pour la gestion des archives, à
savoir Arkhéïa.
b - Les modes de valorisation des collections.
Le premier mode continu de valorisation est le site internet
des Archives départementales -
http://archives.cantal.fr-,
sur lequel il est possible de consulter, au début de l'année
2012, 650 documents sonores et audiovisuels. Le service des archives
audiovisuelles met aussi à disposition ses documents indexés par
« moissonnage de données » sur internet, ou OAI-PMH («
Open Archives initiative Protocol for Metadata Harvesting ») :
schématiquement, un document est mis à disposition par un «
entrepôt », dès lors récupérable
sous un format préétabli par un «
moissonneur ». Ce principe est celui des « portailspatrimoine »
comme Europeana (
http://www.europeana.eu/portal/)
ou la Banque numérique du savoir d'Aquitaine (BNSA :
http://bnsa.patrimoines.aquitaine.fr/),
qui centralisent une grande variété de données de
différents fournisseurs (musées, archives,
médiathèques, etc.) et en assurent la diffusion sur le web.
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Photo 15 : capture d'écran de la page d'accueil
du site des Archives
départementales,
avec possibilité
directe de consulter les archives audiovisuelles
(mars 2012).
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Par ailleurs, les Archives départementales ont ouvert
en 2006 une salle exclusivement dédiée à la consultation
de documents sonores et audiovisuels, accessible aux heures d'ouverture de la
salle principale. Elle met à disposition du public la totalité
des 1 500 documents indexés à ce jour sur la base de
données Arkhéïa, à l'exception de ceux dont
les conventions stipulent une période de blocage avant consultation. Les
consultations entraînent dans certains cas des demandes de reproduction
de documents d'archives ; chaque reproduction est soumise au code de la
propriété intellectuelle : les documents produits par le service
des archives audiovisuelles ne posent à ce titre aucun problème,
mais les documents d'archives privées nécessitent que l'auteur ou
ses ayant-droits et/ou les témoins ou leurs ayant-droits aient
été contactés (démarches à la charge du
demandeur).
Enfin, le fonds d'archives sonores et audiovisuelles est
valorisé dans le cadre de projets variés : expositions aux
Archives départementales, coffret « Anthologie des musiques
traditionnelles » avec les éditions
Frémeaux-et-associés, films montés à la suite
d'enregistrements de témoins, diffusions de documents sonores à
la radio, etc. Ces projets sont réalisés la plupart du temps dans
le cadre de partenariats conventionnés, qui fixent les tâches de
chacun.
c - Les partenariats envisageables.
Dans un premier temps, la relation avec le service des
archives audiovisuelles du Cantal peut être envisagé comme un
espace régional d'échanges d'expériences, dont la forme
est à définir. Dans un deuxième temps, après
l'installation de la mission « patrimoine culturel numérisé
» dans le Puy-de-Dôme, des partenariats pourront être mis en
place sur des projets régionaux ou inter-départementaux de
collectage et de valorisation. L'idée d'un portail web-patrimoine
régional, à l'échelle de l'Auvergne, a été
évoquée : celui-ci permettrait de rassembler les moyens humains
et financiers, et de mettre en commun les modes numériques de
valorisation.
3 - La cinémathèque des Pays de Savoie et de
l'Ain.
La troisième visite a été celle de la
cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain, dont les locaux se
trouvent dans le bâtiment de la mairie de Veyrier-du-Lac, en
Haute-Savoie. La cinémathèque est une association loi 1901,
créée en 1999 et s'inspirant de la cinémathèque de
Bretagne : elle a pour mission d'assurer la sauvegarde et la valorisation de
documents audiovisuels à caractère patrimonial, professionnels et
amateurs, ayant pour aire géographique de tournage la région
Rhône-Alpes, ou ayant été filmés par des
cinéastes rhônalpins, et qui ne sont pas déposés au
titre du dépôt légal. La cinémathèque
s'intéresse particulièrement aux mutations de la montagne, aux
développements du tourisme et à l'activité industrielle de
l'arc alpin. Elle est gérée par un conseil d'administration, qui
est composé de quatorze membres élus lors de chaque
assemblée générale annuelle. Le président de
l'association, en 2012, est Philippe Callé.
a - Le fonctionnement du service de la
cinémathèque.
Trois agents, employés en contrats à
durée indéterminée, animent la cinémathèque
: un responsable de collecte et de valorisation (Marc Rougerie), qui s'occupe
de la direction et de l'administration générale, du collectage,
de la numérisation et du suivi
technique du matériel, et du montage de films ; une
documentaliste (Stéphanie Champlong), qui visionne et juge de
l'intérêt des documents collectés, les restaure le cas
échéant, les documente et les intègre à la base de
données, et répond aux différentes demandes de
consultation ou d'utilisation de films ; et une chargée de projets
(Marion Grange), qui recherche les financements et les partenariats possibles,
et monte les dossiers. La cinémathèque a pu
bénéficier ponctuellement, par le passé, de contrats
aidés à durée déterminée, qui ont
montré des besoins réels en matière de suivi technique du
matériel audiovisuel (une technicienne à plein-temps), de
documentation (une assistantedocumentaliste à plein-temps) et de
collecte sur le terrain (une collectrice à mi-temps et deux collecteurs
à temps-partiel).
La cinémathèque de Savoie
bénéficie d'un budget annuel pour 2012 de 138 000 €,
réparti comme suit : 70 000 € de l'Assemblée des pays de
Savoie (coopération interdépartementale, administrée par
quatorze conseillers généraux issus de la Savoie et de la
Haute-Savoie, qui finance des projets communs aux deux départements) ;
20 000 € de la région Rhône-Alpes ; 20 000 € du Conseil
général de l'Ain ; 18 000 € de la Direction régionale
des Affaires Cultures de Rhône-Alpes. À titre de comparaison, le
budget de la première année d'exercice de la
cinémathèque avait été de 130 000 FF (environ 20
000 €).
Comme pour beaucoup de cinémathèques et de
services d'archives audiovisuelles, le coeur de l'activité de la
cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain est la collecte de la
mémoire audiovisuelle : 85 à 90 % de la collecte sont des
dépôts ; 10 à 15 % sont des dons ; enfin, une infime partie
se constitue d'achats, extrêmement rares. La quasi-totalité des
contacts pris avec des cinéastes amateurs ou des ayants-droit se fait
par le « bouche-à-oreille » : Marc Rougerie insiste sur la
prépondérance de la relation humaine directe dans la collecte,
car les auteurs et ayants-droit laissant souvent « une partie
d'eux-mêmes » en donnant ou déposant leurs bobines. Une
petite portion se fait dans le cadre de projets, avec des thématiques de
collecte précises et des appels à dons ou à
dépôts (comme dans le cadre du projet « Archivalp »). M.
Rougerie insiste sur l'importance des projections de documents anciens pour
tous publics, en salles de cinéma ou salles des fêtes, qui
permettent de prendre beaucoup de contacts. Les agents de la
cinémathèque se déplacent vers les potentiels
déposants ou donateurs les troisquarts du temps, tandis que, le reste du
temps, les personnes contactent et/ou se déplacent à la
cinémathèque. Par ailleurs, cette structure
acquiert, inventorie et conserve également des appareils
cinématographiques et outils de cinéastes amateurs (colleuses,
enrouleuses, bobines, banc-titres, caméras, projecteurs, visionneuses,
magnétophones....), afin de constituer un fonds muséal et
d'exposer ponctuellement sur l'histoire du cinéma, notamment du
cinéma amateur.
Chaque collecte donne lieu à la signature de trois
documents successifs : un contrat de prise en charge provisoire, puis, si le
document intègre le fonds de la cinémathèque, un contrat
de dépôt, réglant les conditions de conservation du ou des
documents, puis enfin une convention de gestion, précisant le
règlement des droits d'exploitation. Les supports (bobines, cassettes,
etc.) des documents collectés sont conservés dans les Archives
départementales partenaires (Haute-Savoie ou Ain), le temps que les
agents de la cinémathèque les numérisent et les
documentent. Le contrat de dépôt est validé dès
cette étape, co-signé par le président de la
cinémathèque, le directeur des Archives départementales de
la Haute-Savoie et le déposant. Possédant du matériel de
projection et de numérisation, la cinémathèque assure une
partie de sa numérisation. Lorsque sa situation financière le lui
permet, elle la sous-traite : dans ce caslà interviennent des
entreprises, françaises ou suisses, spécialisées dans la
numérisation de films. Les normes d'encodage numérique retenues
par la cinémathèque sont le HD (hautedéfinition), pour les
documents prévus au montage ou à la projection, le H.264 (qui
permet de compresser les vidéos pour internet), et le SD (norme
intermédiaire, peu utilisée).
Le travail de documentation est assuré par un agent
permanent : la cinémathèque a à coeur de commencer ce
travail dès le dépôt, en interrogeant au mieux les auteurs,
sinon les ayantdroits, sur le contenu des documents. La totalité des
films est visionnée pour juger de leur intérêt patrimonial,
grâce à des visionneuses (photo 14) de différents
formats (8 mm, super 8 muet, super 8 sonorisé) ainsi que des tables de
montage servant de visionneuses (pour 9,5 mm, 16 mm et 35 mm). La
documentaliste renseigne chaque document en remplissant les formulaires de
documentation de la base de données « Diaz » (logiciel
développé par la cinémathèque de Bretagne).
Photo 16 : matériel de visionnage dans la salle
de documentation de la cinémathèque de Savoie : une
visionneuse Muray tri-formats au premier plan ; une visionneuse
Goko pour Super 8 sonore au deuxième plan. Photo Serge
Seguin (2012).
En revanche, les documents indexés sur la base ne sont
pas consultables en totalité sur le site internet de la
cinémathèque (
www.letelepherique.org,
photo 15) : les demandes de consultation (à la
cinémathèque) ou de reproduction, ainsi que toute demande de
recherche documentaire, sont assurées par la documentaliste. Pour les
demandes de reproduction, la cinémathèque facture les frais de
recherche et les frais techniques (copie d'un DVD hautedéfinition «
time-codé » prêt pour le montage, par exemple), et
négocie avec les sociétés de production ou les
chaînes de télévision, les droits d'exploitation
reversés aux ayant-droits. La base de données contient plus de 5
500 documents répertoriés et 800 heures d'images
numérisées : ces documents sont conservés dans une baie de
stockage de 24 tera-octets (soit 24 000 giga-octets), stockage qui va
bientôt nécessiter une baie supplémentaire de 12
teraoctets.
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Photo 17 : capture d'écran de la page d'accueil
du site internet de la cinémathèque de Savoie (février
2012).
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b - Les modes de valorisation des collections.
Bien que les fonds ne soient pas consultables en
totalité sur internet, chaque collection liée à un
réalisateur est présentée sur le site de la
cinémathèque, avec quelques courts extraits. En outre, un
financement européen a permis de mettre en place « Archivalp
» (
www.archivalp.eu, photo
18), un portail sur le patrimoine audiovisuel des Alpes. Ce site internet
a bénéficié du programme européen de
coopération territoriale « INTERREG IV » France-Suisse
2007-2013. La cinémathèque a collaboré avec la
médiathèque Valais-Martigny, en Suisse, pour mettre à
disposition des internautes des centaines de films amateurs sur les Alpes,
classés par thématiques ou par lieux. Ce financement de 240 000
€ sur trois années a permis, en sus de la conception et de la mise
en ligne du portail, des créations de postes, l'achat d'un serveur de
stockage, la mise en place d'un budget de numérisation, l'achat et la
mise en place de la base de données « Diaz », la programmation
de projections itinérantes, l'édition de DVD, la participation
à des émissions de télévision, etc... Sur ce
dernier point et en dehors du programme « Archivalp », la
cinémathèque propose des montages d'images brutes, afin de
proposer des projections (« ciné-concerts ») sur les
différents territoires de la région Rhône-Alpes ou des
co-productions de films documentaires en salles ou sur DVD (en 2011 :
Savoies, mémoire d'un
pays, en 2 volumes, et De mémoires
d'ouvriers). Enfin, Il faut préciser que les agents de la
cinémathèque interviennent dans les milieux scolaires pour
éduquer les enfants et adolescents à l'image.
Photo 18 : page d'accueil du site Archivalp
(mai 2012).
c - Les partenariats envisageables.
La cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain,
en tant qu'association, possède une souplesse de fonctionnement pour
assurer sa mission de service publique en collaboration avec les services
d'archives départementales partenaires. En revanche, elle en supporte
aussi les inconvénients : la dépendance juridique à
l'égard de ces mêmes services d'archives (un document audiovisuel
ne sort pas des Archives départementales tant que son directeur n'en a
pas signé le contrat de dépôt), et la condition sine
qua non du renouvellement systématique des subventions
institutionnelles qui assurent le financement structurel.
Cela dit, il s'agit d'une structure avec un potentiel
étonnant, au centre d'un réseau
régional, inter-régional, voire international très
impressionnant : elle fait notamment partie d'un
réseau européen, animé par l'association «
Inédits » (
www.inedits-europe.org),
sous-titrée « Films
amateurs, mémoire d'Europe », qui a pour missions
de stimuler, promouvoir, organiser, coordonner au niveau international toutes
les activités relatives à la recherche, la restauration, la
conservation, la mise en valeur, l'étude et la diffusion des films
amateurs, et d'encourager le développement de centres et de structures
responsables de telles activités dans toutes les régions
d'Europe. Il semblerait très utile d'adhérer à cette
association, une fois l'outil de travail installé dans le
Puy-de-Dôme, afin de s'insérer graduellement à ce
réseau cohérent, qui bénéficie de rencontres, de
formations, de promotions, etc.
Par ailleurs, Marc Rougerie nous a signalé que l'UNESCO
a fixé sa journée mondiale du patrimoine audiovisuel le 27
octobre de chaque année : ainsi est-il intéressant de s'inscrire
dans cette dynamique par une ou des projections publiques, afin de faire
connaître une démarche, et de bénéficier de la
communication de l'UNESCO. Il nous a enfin signalé que l'Europe continue
de financer des plans de numérisation et de valorisation d'archives
audiovisuelles, qui permettent des créations de postes et des achats de
matériel.
Au terme de ces présentations de contexte, d'actions
réalisées et de visites de structures déjà
opérationnelles dans le domaine du patrimoine audiovisuel, il est temps
de dresser un premier bilan : l'objectif est bien de doter le Conseil
général du Puy-de-Dôme d'une nouvelle compétence,
ayant pour socle l'expérience et la légitimité juridique
de la photothèque départementale en termes de documentation et de
conservation de l'image, et pour animateur du projet la cellule Patrimoine et
Ethnologie, qui a de fortes expériences de terrain et de valorisation du
patrimoine, ainsi qu'une grande connaissance du département du
Puy-deDôme. Les actions réalisées en cette année
2011 ont révélé toutes les potentialités du
pôle Culture et Territoires dans la préparation et la
réalisation d'enquêtes, le tournage et le montage d'entretiens, le
traitement documentaire et la valorisation des données
enregistrées.
Par ailleurs, les différentes visites de structures ont
eu également le mérite de révéler la chaîne
opératoire de la conservation du patrimoine audiovisuel, qui s'articule
autour de trois temps principaux : l'acquisition, le
traitement et la communication. Si ce dernier temps
correspond plus que les autres à de la mise en valeur, nous avons
considéré que les trois temps sont autant
d'occasions de préparer la valorisation, voire de
valoriser directement le sujet abordé en s'en préoccupant
humainement et en le prenant en charge culturellement. C'est la raison pour
laquelle l'intitulé de ce travail est bien « transmettre » le
patrimoine audiovisuel, parce qu'il est à considérer dans sa
dimension processuelle : comme dans toute démarche de
transmission, le savoir transmis se doit d'avoir été au
préalable patiemment vu et écouté de nombreuses fois,
compris et documenté afin de se l'approprier, avant de le transmettre
à d'autres personnes. Par conséquent, il nous est apparu que les
deux premiers temps d'acquisition et de traitement, en tant qu'étapes
d'un processus, avaient leurs places dans cette seconde partie.
Le dernier temps de la communication sera
immanquablement abordé, en tant qu'il intègre l'action culturelle
à proprement parler, sous deux formes : la valorisation « physique
» -le terme sera justifié un peu plus loin-, et la valorisation
« virtuelle » -intégrant l'internet et les Vita Novaoutils
« nomades »- qui explore certaines possibilités, au moment
où nous en sommes de l'histoire technique, des nouvelles technologies de
l'information et de la communication.
III - Réflexions pour une valorisation du
patrimoine audiovisuel numérisé.
A - Les valorisations « physiques » : du «
terrain » à la restitution publique
Ce qualificatif « physiques » nécessite
d'emblée une explication : il s'oppose à « virtuelles
», l'internet et les supports nomades étant les autres moyens de
valorisation envisagés dans ce travail. Dans ce cas, l'adjectif «
réelles » aurait tout aussi bien pu qualifier le terme «
valorisations », mais il peut être facilement contesté : la
notion de réalité varie en effet d'un individu à un autre,
et d'une sensibilité culturelle à une autre. « Physiques
» cherche à donner toute sa place au corps autant qu'à
l'esprit, aux relations humaines directes, afin de les réaffirmer
à une époque où la virtualité tend à les
modifier en profondeur (« il faut vouloir vivre les grands
problèmes, par le corps et par l'esprit »18 , avait
écrit Nietzsche). Donc, j'insiste sur le fait que, bien qu'une partie
significative de ce travail soit consacrée à la gestion et
à la valorisation du patrimoine par des outils numériques et
virtuelles, froids et impersonnels, toute sa dynamique s'ancre au
coeur de l'humain, et pour l'humain.
Ainsi, ce premier chapitre accorde toute son importance
à l'acquisition du patrimoine, puisqu'on ne peut valoriser que ce que
l'on a entre les mains et que l'on peut étudier. L'acquisition prend ici
deux formes : le collectage de la mémoire vivante, par des entretiens
enregistrés avec des témoins (comme cela a pu être
pratiqué lors des différentes actions décrites en
deuxième partie), et celui de la collecte de supports anciens -bobines
de différents formats, cassettes, etc.- qu'il faudra ensuite
numériser et documenter pour les rendre accessibles au plus grand
nombre. Cette accessibilité sera abordée dans le dernier temps de
ce chapitre, dans ce que l'on a nommé la « restitution publique
» des travaux.
1 - Le collectage de la mémoire vivante : l'entretien et
l'enquête.
Sur le site internet de la Maison du Patrimoine oral de
Bourgogne, sont cités ces mots du sociologue Daniel Bertaux, directeur
de recherche honoraire au centre d'étude des mouvements sociaux
(EHESS/CNRS) : « Traiter l'homme ordinaire non plus comme un objet
à observer, mais comme un informateur, et par définition, comme
un informateur mieux
18 Friedrich Nietzsche, La volonté de
puissance, tome 1, Paris, Gallimard, collection TEL, 1995 (première
édition allemande : 1901), p. 7.
informé que le sociologue qui l'interroge
»19. De la même façon, je considère les
habitants du département du Puy-de-Dôme, et plus
généralement de l'Auvergne, comme des « habitants-experts
» de leurs territoires, qui y vivent et le recréent chaque jour.
Par ailleurs, le collectage me paraît être en soi une double
valorisation, ou action culturelle, puisqu'il permet de présenter d'un
côté la démarche de collectage de l'institution qui
l'organise, et de mettre en lumière, de l'autre, les connaissances
d'habitants du département. Ces connaissances et savoirs, qu'ils ont
accumulés sur une zone géographique ou sur une activité
-politique, syndicale, artisanale, scientifique, culturelle, etc.- me semblent
dignes d'intérêt, et il est indispensable de les collecter pour
les citoyens d'aujourd'hui et de demain.
Selon l'historienne Florence Descamps, le terme «
collectage » est connu depuis au moins cinq siècles, puisque selon
le dictionnaire Robert, son utilisation remonterait au XVIe
siècle20 : la pratique du collectage est en tout cas
extrêmement courante dès la fin de la Révolution
française et au XIXe siècle, durant lequel les
érudits locaux et sociétés savantes ont collecté de
façon continue et dans un but d'exhaustivité les langues
régionales, les outils et savoirs artisanaux en voie de disparition, les
musiques anciennes, les contes populaires, les vieux ouvrages, etc. Le
XXe siècle et le début du XXIe
siècle ne sont pas non plus en reste de collecteurs de mémoire
orale ; il suffit de consulter le guide du patrimoine sonore et audiovisuel
français21 pour constater la vivacité et la grande
diversité des producteurs, qu'ils soient individuelles ou
institutionnels, privés ou publics, laïcs ou religieux,
scientifiques ou pas. Ils sont le reflet, comme le précise F. Descamps,
d'une demande sociale, notamment à partir des années 1970, dans
le domaine patrimonial, mémoriel et identitaire.
Du terme « collectage » et de son histoire, F.
Descamps retient sa connotation d'organisation, de rationalisation, de
systématique et de finalité, la finalité étant de
traiter la masse documentaire et, depuis quelques dizaine d'années, de
la valoriser auprès du plus grand nombre. En outre, elle souligne les
aspects créateur et interactionniste fondamentaux du
travail de collectage : en effet, dans le cadre de ce qu'elle nomme la «
relation horizontale interactive » entre le témoin et
l'enquêteur, relation qui est unique et
spécifique, les
19
http://www.mpo-bourgogne.org/spip.php?rubrique28
20 Descamps, Florence, « La place et le
rôle du collecteur de témoignages oraux », Bulletin de
liaison des adhérents de l'AFAS [En ligne], 28 | hiver 2005 -
printemps 2006, mis en ligne le 14 juillet 2010. URL :
http://afas.revues.org/1514
21 Callu, Agnès et Lemoine, Hervé,
Le patrimoine sonore et audiovisuel français, coffret 6
volumes, 1 CD-Rom et 1 DVD-Rom, collection « hors-collection, Paris,
éditions Belin, 2005.
protagonistes cherchent à « créer »,
à produire de la parole et de la connaissance. Elle ajoute qu'«
(...) en adoptant une conception active et créatrice du collectage des
témoignages oraux, le collecteur devient producteur du témoignage
et acteur dans le processus d'établissement des connaissances ».
D'ailleurs, la loi française conçoit le témoignage oral
comme une création : dans sa forme qualitative et originale non
retouchée, à vocation historique (traitant du passé) ou
socio-ethnographique (traitant du présent, avec ou sans
altérité culturelle), il est reconnu comme « oeuvre de
l'esprit » par la loi sur la propriété littéraire et
artistique n° 57-298 du 11 mars 1957, et donc dûment
protégé et géré par le Code de la
propriéré intellectuelle.
Pour ce qui est de l'interaction, F. Descamps précise
en effet que toute démarche de collectage ne se fait pas à
distance, mais au contraire au contact direct des témoins, souvent dans
leurs milieux sociaux habituels. Le collectage est une démarche
volontaire et organisée vers autrui, qui permet de générer
des relations humaines et des connaissances. Les chercheurs en sociologie et en
histoire orale utilisent également le terme policier d'«
enquête », au sens où il induit une problématique
à laquelle il faut trouver des réponses. Il s'agit
également d'une démarche qui fait des « gens de peu »,
selon les termes du philosophe Pierre Sansot (1928- 2005), les
détenteurs d'un savoir irremplaçable, dont ils ne
soupçonnent souvent pas euxmêmes la richesse. Combien de fois
ai-je entendu, au cours de mes différents « terrains », les
réactions suivantes : « Je ne vois pas ce que je peux vous dire
» ; ou bien : « Vous n'en ferez pas grand-chose de tout ça
». La prise de conscience de l'intérêt du témoignage,
par les témoins eux-mêmes, se fait souvent lors de la restitution
publique, sous la forme de dispositifs audiovisuels au sein d'une exposition,
d'une projection publique, d'une éditorialisation sur internet, etc. :
d'où l'importance de cette ultime étape de valorisation. Pour
être « valorisable », le collectage, ou enquête de
terrain, se doit d'être préparé : c'est là un des
grands enseignements des différents terrains et des nombreux entretiens
menés en 2011.
a - Préparer un collectage.
De mes premières expériences de terrain et
à la lecture des articles spécialisés, j'ai pu
évaluer trois grandes étapes dans le processus d'entretien : le
pré-entretien -recherches documentaires, établissement
des questionnaires, thèmes à traiter, problématiques-,
l'entretien en lui-même, et le post-entretien
-documentation, transcription, préparation d'un éventuel
deuxième entretien.
Le pré-entretien est un travail fondamental et
minutieux ; il consiste à déterminer les thématiques que
l'on souhaite aborder avec le témoin, et les problématiques que
l'on cherche à résoudre : ce dernier point est important,
puisqu'il permet à l'enquêteur de ne pas simplement parler pour
faire parler (piège redoutable et sensation désagréable
!), mais de chercher à « faire accoucher » le témoin,
c'est-à-dire à l'aider à adopter une posture
rétrospective et une attitude réflexive sur son récit :
Florence Descamps évoque la « maïeutique de l'entretien
». Dès lors que les thématiques ont été
déterminés, il faut se documenter sur celles-ci : livres,
articles, films documentaires, documents d'archives orales ou audiovisuelles
déjà existants, etc. Ce corpus d'informations permet à
l'enquêteur de définir ce qu'il sait déjà, et qu'il
peut donc formuler, et d'en déduire ce qu'il cherche à savoir.
Cela permet de déterminer le scénario d'entretien et le
questionnaire, qui ne rassemble pas des questions figées, comme
pour les études sociométriques qui ont des visées «
quantitatives », mais des idées pour relancer constamment un
échange qui se veut « qualitatif ». En tout état de
cause, les informations des témoins dépendent souvent de la
qualité de la préparation.
Il est toujours bénéfique d'avoir un ou
plusieurs contacts téléphoniques avec un témoin avant
l'entretien, afin d'en discuter avec lui, de le rassurer, mais aussi pour
évaluer s'il s'agit de la bonne personne pour la thématique
à aborder. Cela permet aussi de savoir au préalable si le
témoin potentiel accepte d'être enregistré, ce qui peut
parfois économiser un déplacement pour rien. Le dynamisme de
l'entretien dépend en grande partie de la position de l'enquêteur,
qui ne doit pas être passif, mais au contraire actif, engagé et
chaleureux. F. Descamps précise que l'entretien est le temps de la
subjectivité et de la confiance, le moment d'objectivité froide
et d'évaluation venant plus tard, lors de la documentation et de la
transcription. L'écoute de l'enquêteur doit donc être
manifeste et empathique, afin de faire ressentir au témoin que ses
informations ont de la valeur. L'enquêteur doit cependant toujours garder
une position critique, afin de faire préciser ce qui n'est pas clair ou
qui contredit une information glanée pendant le pré-entretien. Le
juste équilibre entre empathie et position critique est très dur
à obtenir.
Un témoignage, pour le témoin comme pour le
collecteur, est affaire de subjectivité : que ce soit un
témoignage à vocation historique, durant lequel le témoin
« reconstruit » le passé, sur
la base d'un questionnement présent du collecteur, ou
bien un témoignage à vocation ethnographique, à travers
lequel le témoin sélectionne nécessairement ses
informations par rapport aux enjeux liés à la thématique
traitée. Le collecteur-enquêteur doit également
gérer le rythme de l'entretien, par l'alternance de questions ouvertes
et de questions fermées. Les questions ouvertes, commençant
généralement par « qu'est-ce que... », «
comment... », « pourquoi... », appellent des réponses
développées, laissent le champ libre au témoin, et ont
pour fonction d'ouvrir le dialogue. Les questions fermées,
commençant entre autre par « estce que... », « combien
», « quand », « où », appellent soit le «
oui », soit le « non », soit des informations très
précises. Il faut veiller au juste équilibre de ces deux grands
types de questions : poser trop de questions ouvertes éloigne des
thèmes à aborder et perd en quelque sorte l'enquêteur comme
le témoin ; à l'inverse, poser trop de questions fermées
enlève toute spontanéité au témoin et installe les
deux partis dans un échange trop formel. L'aspect formel et la
spontanéité sont d'autant plus mis en jeu, que chaque entretien
doit être enregistré.
L'enregistrement est nécessaire, puisqu'il permet de
« garder une trace » des témoignages, pour qu'ils puissent
être écoutés plusieurs fois, transcrits, documentés,
conservés et valorisés. La « révolution
numérique » que nous connaissons depuis une quinzaine
d'années, si elle est discutable en de nombreux points, a
considérablement facilité la tâche des professionnels du
collectage et de l'enquête de terrain, en mettant à leur
disposition un matériel numérique facilement transportable, aux
technologies relativement abordables (techniquement et financièrement),
avec une autonomie en énergie fiable et de larges possibilités de
traitement et de valorisation. Il y a deux façons d'enregistrer un
témoignage de façon synchrone (directe) : l'enregistrement
sonore et l'enregistrement audiovisuel. Si ces deux types
d'enregistrement laissent une place entière au témoignage, force
est de constater qu'ils présentent chacun des avantages et des
inconvénients.
b - L'enregistrement sonore de témoins.
L'enregistrement sonore est le minimum requis pour un recueil
de témoignage. Il a l'avantage principal de ne pas décontenancer
le témoin, puisque le matériel est léger et facilement
déplaçable (photo 16) : il laisse donc beaucoup de
liberté à la personne interrogée et s'oublie facilement,
pour laisser toute sa place à l'entretien. Ce dernier point est
important : l'enregistrement sonore ne distrait pas par l'image, il ne laisse
de place qu'à la
parole et à l'information, et révèle
éventuellement l'ambiance autour du témoin lors de l'entretien
(bruits d'un atelier, cris et rumeurs lors d'un rassemblement festif, etc.). En
règle générale, le poids du témoignage est en
quelque sorte moins lourd, parce que le témoin peut se retrancher
derrière l'anonymat -bien évidemment relatif- de l'enregistrement
sonore, que n'autorise pas l'entretien filmé, à l'occasion duquel
le témoin s'expose entièrement, témoigne à
visage découvert.
Photo 19 : un enregistreur portable numérique
parmi d'autres, successeur des dictaphones à mini-cassettes. Il est
facilement utilisable, orienté à la main vers le témoin
(comme sur la photo), ou posé à proximité, sur un support
stable. Photo O. Meunier (avril 2012).
Par ailleurs, le document numérique qui en
résulte, transférable sur ordinateur pour la transcription et la
documentation, est souvent de bonne qualité, forcément moins
lourd qu'une vidéo, donc moins contraignant en terme de stockage et
d'utilisation. En revanche, sa mise en valeur est plus problématique
à l'ère du conditionnement par l'image (« (...) la
société moderne ne se nourrit plus de croyances (comme autrefois)
mais d'images », selon Roland Barthes, lors de son cours au Collège
de France du 6 mai 1978). Il est en effet très compliqué de
maintenir l'attention d'auditeurs durablement à l'écoute d'un
témoignage oral brut, sans l'adjonction d'images. Florence Descamps cite
d'ailleurs, dans un de ses articles22, l'exemple éloquent
donné lors d'une conférence du neurophysiologiste Jacques Revel,
le 24 mai 2000 : si le son est associé à l'image, les adultes
parviennent à maintenir leur attention pendant une durée de 45
minutes ; si on enlève l'image, leur attention passe à 7 minutes
seulement. F. Descamps ajoute dans cet article qu'un individu intègre
davantage d'informations si l'audition est soutenu par la visualisation
d'images. Cela étant dit, les documents sonores ont tout leur
intérêt dans un cadre muséographique, consultables sur des
bornes sonores, ou en consultation libre sur internet, ou bien encore
retranscrits à l'écrit pour des publications, mis à
disposition de chaînes ou de maisons de production pour des
émissions radiophoniques ou des éditions de
22 « Et si on ajoutait l'image au son ? Quelques
éléments de réflexion sur les entretiens filmés
dans le cadre d'un projet d'archives orales », Bulletin de liaison des
adhérents de l'AFAS [En ligne], 29 | été-automne
2006, mis en ligne le 23 août 2010. URL :
http://afas.revues.org/34
disques audio. Le document sonore reste aussi et surtout un
outil de travail nécessaire aux chercheurs en sciences sociales comme
aux amateurs de patrimoine culturel oral, et il doit être
sauvegardé au même titre que l'image animée.
c - Et pourquoi ne pas filmer ?
Il faut préciser que c'est un film documentaire, en
grande partie tourné en Auvergne au printemps 1969, qui a donné
ses lettres de noblesse à l'entretien filmé : Marcel Ophüls,
dans Le chagrin et la pitié, filme des personnalités ou
des « gens ordinaires » afin de les interroger sur la vie quotidienne
sous l'occupation allemande entre 1940 et 1944, en supprimant toute «
voix-off » au montage pour laisser place aux entretiens. Il en
résulte un chef d'oeuvre du cinéma documentaire à partir
de témoignages individuels et rétrospectifs, et une voie ouverte
vers la généralisation de cette pratique.
Toutefois, l'enregistrement audiovisuel, ou entretien
filmé, nécessite la mise en place d'un matériel et d'une
préparation plus longue que pour un enregistrement sonore : le
témoin est « installé », « cadré »,
« appareillé » d'un micro-cravate, le lieu de l'entretien est
choisi pour son arrière-plan agréable ou contextualisé
(l'artisan dans son atelier, l'écrivain à sa table de travail, le
commerçant dans sa boutique, etc., autant de « décors »
qui peuvent donner des informations d'ordre sociologique sur la personne
interrogée). Le témoin, souvent apprêté pour
l'occasion, est en quelque sorte « cerné » par la
caméra (ainsi qu'éventuellement le technicien qui assure la prise
de vue) et le collecteur. La situation a de quoi être intimidante : cela
rend en effet l'exercice difficile pour les deux partis. Dans un de ses
articles cité plus haut, F. Descamps indique que le témoin tend
à oublier la caméra à la faveur de trois facteurs
principaux : la relative immobilité de la caméra, la durée
de l'entretien et la relation d'empathie nouée avec le collecteur. Il
m'a semblé que ces deux derniers facteurs, cumulés, permettaient
au témoin de parler moins à une caméra qu'à un
véritable interlocuteur, autrement dit : à intégrer la
caméra dans le contexte de l'entretien, sans qu'elle n'interfère
dans celui-ci. Globalement, et tout comme pour la façon de mener
l'entretien, la prise de vue est affaire de subjectivité : il n'y a pas
de façon « neutre » ou « transparente » de filmer un
témoin, le « réel » étant passé
systématiquement au tamis d'un certain point de vue. Un entretien
filmé n'est que la confrontation de plusieurs subjectivités
-celle du témoin, celle du
collecteur, celle du cadreur, celle du monteur et celles des
futurs spectateurs- qui, additionnées, finissent par créer des
significations.
Photo 20 : préparation d'un entretien, pendant le
terrain pour l'exposition Fadas du viaduc : V.Boulay installe le
caméscope, pendant que j'explique le déroulement de l'entretien
à notre témoin. Photo Robert Combes (mars 2011).
S'il est intimidant, l'entretien filmé apporte tout de
même une série d'informations sur le témoin, que
l'enregistrement sonore ne permet pas forcément de déceler.
L'image animée révèle en effet les réactions du
témoin aux différentes questions du collecteur : les langages du
corps, des mains, du visage et des yeux (« miroirs de l'âme »,
selon Cicéron dans ses Lettres) répondent parfois pour
le témoin, en l'absence de réaction verbale, et donnent des
indications sur son engagement global dans l'entretien (gêne, retenue,
sincérité, emphase, etc.). Cela dit, la présence de la
caméra peut entraîner certaines personnes à « se
mettre en scène », mise en scène qui est aussi une
information sur la personnalité du témoin. L'image apporte aussi
des renseignements visuels d'ordre factuel sur l'environnement du
témoin, professionnel comme domestique : les documents, machines et
objets qu'il utilise dans le cadre de son travail ou de sa vie quotidienne, les
gestes plus ou moins conscients qu'il accomplit dans sa vie de tous les
jours... Cela m'amène à évoquer rapidement une
possibilité
majeure de la caméra, non expérimentée
durant cette période de stage, mais très utilisée,
notamment dans le secteur de l'anthropologie visuelle (dont Jean Rouch me
semble être l'horizon indépassable), et plus
généralement du cinéma documentaire et du reportage
journalistique : le filmage, caméra à l'épaule ou en tout
cas en mouvement, de pratiques sociales, culturelles ou artistiques,
d'événements festifs, religieux ou syndicaux, en plein coeur du
déroulement de l'action.
En tout état de cause, filmer plutôt
qu'enregistrer vocalement engage une augmentation du coût des entretiens
: le matériel -caméra(s), micro(s), pied(s)- est plus
coûteux et nécessite la plupart du temps un agent
supplémentaire. Le technicien est indispensable surtout lorsqu'il y a
deux caméras (comme durant le tournage des entretiens pour le projet du
centenaire de l'école des Ancizes), et lorsqu'il faut filmer
caméra à l'épaule tout en posant des questions. Dans ces
cas précis, le technicien libère le collecteur, qui peut se
concentrer exclusivement sur la conduite de l'entretien. Il faut aussi prendre
en compte le fait qu'un enregistrement audiovisuel numérique,
après transfert sur ordinateur pour traitement, occasionne des documents
extrêmement lourds, qui nécessitent du matériel
informatique puissant et des périphériques de stockage
performants, les logiciels adéquates pour l'extraction et le montage, et
un agent formé pour faire vivre ce matériel. En toute logique, le
collecteur doit être aussi celui qui documente l'entretien filmé,
puisqu'il est en mesure de renseigner les principaux critères
documentaires de nom, de date, de lieu, de contexte et il peut en faire le
descriptif. La conservation durable de documents d'archives audiovisuelles
numériques dans des baies de stockage est également
extrêmement coûteuse. Enfin, le dernier temps de la valorisation
par montages, projections, éditorialisation sur internet, etc.
nécessite aussi un personnel qualifié et du matériel
performant : par conséquent, si la préparation, la conduite
d'entretiens et la documentation de ces mêmes entretiens
représentent un travail en soi, il est nécessaire d'envisager
toute la part technologique, postérieure et indispensable à la
diffusion de ce patrimoine.
d - Droit d'auteur et droit à l'image.
Enfin, il me faut aborder le problème épineux du
droit : dans le cadre d'un entretien filmé, interviennent le droit
d'auteur du collecteur (ainsi que du technicien éventuel qui filme)
et le droit à l'image du témoin.
Le collecteur est considéré comme un auteur, et,
en tant que tel, possède un droit moral et un droit patrimonial sur son
oeuvre, qu'elle soit photographique, picturale, littéraire,
audiovisuelle, etc. Le droit moral, perpétuel, imprescriptible
et inaliénable, permet à l'auteur de voir son nom
mentionné lors de chaque utilisation de son oeuvre, et lui permet de la
protéger contre d'éventuelles modifications : ce droit est
défini à l'article L 121-1 du Code de la propriétaire
intellectuelle, qui précise que « l'auteur jouit du droit au
respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ». Le droit
patrimonial (ou pécuniaire) perdure soixante-dix ans après
le décès de l'auteur et lui permet (à lui et à ses
ayants droit) de tirer profit de son oeuvre par la reproduction de celle-ci ou
sa communication au public (article L 123-1 du Code de la propriétaire
intellectuelle). Le droit patrimonial ne s'applique cependant pas à un
agent publique intervenant dans le cadre de ses fonctions, dont l'oeuvre entre
de fait dans le domaine public. Toute modification, représentation ou
reproduction d'une oeuvre faite sans l'accord de l'auteur ou de ses ayants
droit est illicite, excepté au titre du droit de citation ou de la copie
privée à usage familial ou personnel.
Par ailleurs, le témoin, quelque soit sa
notoriété, dispose d'un droit exclusif sur son image,
brute ou intégrée à un montage photographique ou
audiovisuel : ce droit est défendu au titre du respect de la vie
privée à l'article 9 du Code civil23. Un témoin
filmé peut s'opposer à une diffusion sans son autorisation et
éventuellement aller en justice. C'est la raison pour laquelle j'ai
systématiquement fait signer des demandes d'autorisation d'utilisation
de l'image à chaque témoin, avant chaque entretien (annexe
6).
Après le tournage vient le travail de documentation, ou
« post-entretien », qui doit être réalisé par
l'enquêteur, parce qu'il connaît l'ensemble des aspects
documentaires de ses entretiens : sans cette étape fondamental, que je
traiterai un peu plus loin, l'entretien enregistré n'est que
difficilement transmissible et n'a que peu de valeur patrimonial. La
nécessité de la préparation, lors du pré-entretien,
tout comme le travail de post-entretien participent du respect à
l'égard du témoin. F. Descamps utilise d'ailleurs la notion
maussienne de don24 et de contre-don pour caractériser la
relation morale de l'enquêteur à son témoin : alors que
le
23 Voir extrait du Code civil, p.35.
24 Que le sociologue Marcel Mauss (1872-1950)
développe dans son célèbre article : « Essai sur le
don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés
archaïques », in Sociologie et anthropologie, collection
« Sociologie d'aujourd'hui », Paris, Presses Universitaires de
France, 1980 (première édition : 1950), pp. 143 à 279.
témoin a fait don d'un témoignage,
l'enquêteur se doit de le rendre compréhensible et transmissible,
pour le témoin lui-même et pour la collectivité. C'est
également le cas pour la collecte de vieux supports, durant laquelle le
propriétaire fait don d'une partie de lui.
2 - La collecte de vieux supports.
Le chagrin et la pitié, évoqué
plus haut, présente un triple intérêt patrimonial, comme de
nombreux films, de fiction comme documentaire, ayant été
tournés il y a plus de trente ou quarante ans. C'est, d'une part, le
regard sans complaisance d'un cinéaste sur les comportements en France
à l'égard de l'occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale ;
C'est aussi l'exemple d'un film documentaire qui utilise abondamment des images
d'archives (photographiques comme audiovisuelles) tournées durant la
période 1940-1944 (donc un exemple déjà ancien de
valorisation d'archives audiovisuelles). Et ce sont enfin pour le spectateur
d'aujourd'hui et celui de demain, des témoignages d'individus de la fin
des années 1960, ainsi que des images d'archives audiovisuelles sur
l'Auvergne à un moment donné de l'Histoire. Or, une oeuvre
cinématographique comme Le chagrin et la pitié, depuis
le décret de 1977 relatif au dépôt légal des films,
est déposé aux Archives françaises du film25,
en tant qu'il a reçu un visa d'exploitation sur le territoire
français. Il est dûment classé, documenté,
protégé et disponible à quiconque souhaite le
consulter.
Le problème est différent pour les films
d'amateurs, reconnus aussi sous le nom de « films inédits » :
que ce soit pour l'image animée ou l'enregistrement sonore amateur, ces
oeuvres ne sont pas destinées à être conservées en
tant que patrimoine culturel. Or, si l'on en juge par l'activité
actuelle des différentes organismes visités (et celle des autres
institutions existantes), ces documents sont extrêmement riches,
potentiellement nombreux, et l'urgence de leur collecte se fait vivement
ressentir.
a - Petite histoire technique du cinéma amateur.
Le film est un ruban souple qui porte une suite de photographies
instantanées prises à différentes phases successives d'un
mouvement. Il est composé d'un
25 Les Archives françaises du film
dépendent du Centre national du cinéma et de l'image
animée (CNC) : elles ont été créées en 1969,
à l'initiative d'André Malraux, alors ministre de la Culture,
afin que soient pris en charge, par l'Etat, l'inventaire et la conservation des
films anciens, dont ceux sur support nitrate (réputés
inflammables). Les Archives françaises du film se trouvent
dans le fort de Bois d'Arcy, dans les Yvelines.
support transparent, recouvert d'une (pour les films en noir
et blanc) ou plusieurs (pour les films en couleurs) couches d'enduits -ou
« émulsion », c'est-à-dire une suspension
composée de sels d'argent dans de la gélatine, qui sert à
capter les images sur le ruban-, enduit qui adhère au ruban grâce
à un substrat adhésif, lui-même constitué d'une
gélatine. Par extension, le film a donné son nom à l'objet
culturel qu'il a longtemps servi à diffuser. Les rubans ont
été constitués de deux matériaux, ayant les
mêmes qualités optique, d'élasticité et de
résistance : le nitrocellulose, ou « film nitrate »,
abandonné au début des années 1950 parce qu'inflammable et
toxique, remplacé par la cellulose acétylée, ou «
film acétate ». La vidéo utilisera des cassettes
équipées de rubans en polyester, ou « ruban
magnétique », d'abord utilisé par la Radio
Télévision Française (RTF) pour enregistrer le son
dès les années 1940 (les bandes-son sont également en
polyester), puis images et sons, à la faveur du développement des
techniques audiovisuelles.
Tableau 2 : caractéristiques des principaux
formats de film argentique, utilisés par les cinéastes
amateurs. (extrait de Initiation au cinéma d'amateur, de
Pierre Boyer, Paris, Le Livre de poche, 1975, p.15).
Les premiers formats filmiques substandards, ou « formats
amateurs » (tableau 2) dérivés des formats
professionnels, ont été produits pour la première fois
dans les années 1920, avec pour point d'orgue le populaire « 8
millimètres », qui résulte de la division par 4 de la
largeur de la
pellicule standard qu'est le 35 millimètres (annexe
5). Les films les plus anciens conservés par les structures que
j'ai visitées datent des années 1930. Inventé durant dans
les années 1920, le 9,5 mm. est considéré comme le support
de développement du cinéma amateur dans les années 1950,
parce qu'excellent compromis entre le 16 mm., au matériel cher et
encombrant, et le 8 mm., facile d'utilisation mais à l'image de moins
bonne qualité. Mais l'année 1965 marque fortement le
cinéma amateur : c'est l'année de commercialisation du Super 8,
inventé par la firme américaine Kodak, qui est le dernier format
filmique amateur avant l'hégémonie irréversible de la
vidéo analogique. 1965 marque aussi le début de la vidéo
domestique - l'image électronique était jusque-là
utilisée exclusivement dans le secteur télévisuel- avec
l'avènement du Portapack (enregistreur vidéo portable) de la
société japonaise Sony.
Au milieu des années 1970, 10% des foyers
français possèdent une caméra Super 8, ce qui
représente 1,6 million d'unités vendues26. Cependant,
la démocratisation du cinéma amateur et familial intervient
réellement dans les années 1980 grâce à la
vidéo, du fait de la miniaturisation des composants
électroniques, d'une fiabilité accrue des semi-conducteurs
électriques, de la baisse constante des prix et de la souplesse
d'utilisation de ce type de matériel. Tout ceci a eu pour effet de
reléguer le Super 8 et le matériel argentique en
général au rang d'objets de musée. En 1993, 12,5% des
foyers français sont équipés d'un caméscope, soit
2,8 millions d'unités vendues27. On peut donc
considérer que dès les années 1930, et plus sûrement
à partir des années 1960, de nombreux films amateurs ont
été tournés partout en France. L'arrivée du
numérique et la massification de l'équipement des foyers dans les
années 2000 a définitivement effacé l'argentique et
l'analogique des pratiques audiovisuelles des Français. Une nouvelle
technologie rendant les anciennes obsolètes, les utilisateurs se sont
débarrassés des enregistreurs (caméras argentiques,
caméscopes) et des lecteurs (projecteurs, magnétoscopes), faisant
des bobines et cassettes domestiques des reliques muettes et sans image,
souvent destinés à la brocante ou à la décharge.
26 Jacques Guyot, Les techniques
audiovisuelles, collection « Que sais-je ? », Paris, Presses
Universitaires de France, 1997, page 94.
27 Op. cit., page 94.
Technique et type de support
|
Période de production
|
Situation
|
Formats des films argentiques
|
Film en format standard
70 mm Imax polyester
35 mm nitrate 35 mm acétate 35 mm polyester
Super 35 mm polyester
Film en format substandard
28 mm acétate Pathé KOK
22 mm acétate Edison Home Kinetoscope
17,5 mm acétate 16 mm acétate Super 16 mm 9,5 mm
acétate 8,75 mm EVR 8 mm standard acétate
Super 8 mm acétate
|
1980-aujourd'hui 1891-1951 1910-aujourd'hui 1955-aujourd'hui 1982-aujourd'hui
1912-années 1920 vers
1912 1924-1940 1923-aujourd'hui 1971-aujourd'hui 1922-années
1970 années 1970 1932-années 1970 1965-aujourd'hui
|
actuel obsolète actuel actuel actuel
obsolète obsolète obsolète
obsolète actuel obsolète obsolète obsolète sur le
déclin
|
Formats de vidéo analogique et
numérique
|
Vidéo broadcast (normes de diffuso
professionnelle)
Bande quadruple 2 pouces
1 pouce A 1 pouce B 1 pouce C 3/4 de pouce U-matic BVU en
cassette
Betacam SP 1/2 pouce
Beta numérique
Vidéo grand public
1/2 portapack Sony à bande
3/4 pouce U-Matic institutionnel 1/2 pouce VCR à
cassette
Betamax 1/2 pouce Sony
VHS 1/2 à cassette
Vidéo 8 et HI8
Disque compact vidéo (VCD) Disque optique numérique
(DVD) Vidéo digital (DV) 8 numérique
|
1956-années 1980 1965-années 1970
1977-années 1980 1979-années 1990 1975-années 1990
1975-années 1990 1993-aujourd'hui
1965-années 1970 1971-années 1990
1974-années 1980 1975-années 1980 1976-aujourd'hui
1985-aujourd'hui 1993-aujourd'hui 1996-aujourd'hui 1999-aujourd'hui
|
obsolète obsolète obsolète
obsolète obsolète sur le déclin actuel
obsolète sur le déclin obsolète
obsolète actuel obsolète actuel actuel actuel
|
Formats de son
|
Supports sonores mécaniques
Cylindres phonographiques (empreinte en cire ou moulé)
Cylindres phonographiques (instantané/dictaphone)
Disque à gravure profonde et sillon large (78 tours et
sim.) Disque souple « instantané » à gravure directe
Disque microsillon vinyle 33 tours Disque microsillon vinyle
45 tours
Supports sonores magnétiques
Télégraphe
Bande magnétique analogique 6,35 mm - 1/4 pouce Bande
magnétique analogique 12,7 mm - 1/2 pouce Bande magnétique
analogique 25,4 mm - 1 pouce Cassette Philips 3,81 mm
Cartouche 8 pistes en boucle 6,35 mm
Bande audionumérique (DAT) Sony
Supports sonores numériques
Cylindre de piano (88 notes)
Disque compact audio (CD) 12 cm de diamètre
|
1876-1929 1876-années 1950 1888-vers 1960
1932-années 1950 1948-aujourd'hui 1949-aujourd'hui
1930-fin années 1950 1935-aujourd'hui
1967-années 1980 1968-années 1980 1963-aujourd'hui
1966-fin années 1970 1986-aujourd'hui
1902-aujourd'hui 1980-aujourd'hui
|
obsolète obsolète obsolète
obsolète actuel actuel
obsolète sur le déclin obsolète
obsolète actuel obsolète sur le déclin
actuel actuel
|
Page précédente, tableau 3 : Formats
d'enregistrement et de diffusion des images animées et du
son (tableau réalisé à partir de Les Archives
audiovisuelles de J. Guyot et T. Rolland, Paris, Armand Colin, 2011 et
Une philosophie de l'archivistique audiovisuelle, de R. Edmondson,
Paris, Unesco, 1998).
b - L'enregistrement sonore amateur.
L'enregistrement sonore, appliqué à
l'enquête de terrain, a également une histoire longue : Marcel
Mauss souligne tout l'intérêt de la « méthode
phonographique » pour enregistrer des données de terrain, dans son
Manuel d'ethnographie, publié en 1950 : la phonothèque
du Maison méditerranée des sciences de l'Homme conserve
aujourd'hui de véritables trésors d'enregistrements à
valeur ethnographique. Toutefois, ça ne deviendra une pratique courante,
en dehors des milieux scientifiques et professionnels, qu'à partir des
années 1970, grâce au magnétophone à bande
magnétique, puis à cassettes. La Conservation
départementale du patrimoine ethnologique a enregistré, dans les
années 1980, plusieurs dizaines d'heures d'entretiens dans tout le
département du Puy-de-Dôme, sur cassettes Philips 3,81 mm., qui
nécessitent aujourd'hui d'être numérisées,
documentées, conservées et mises à la disposition du plus
grand nombre. Depuis le milieu des années 2000, les enregistrements
sonores sont réalisés grâce à des enregistreurs
portables numériques, légers et de très bonne
qualité, équipés de cartes-mémoire de stockage.
Ni enregistrements sonores, ni films inédits,
pratiqués par des amateurs et hors du « circuit médiatique
» et de « la grande production », n'ont vocation
première, comme les films et enregistrements ayant reçu un visa
d'exploitation, à être déposés en archives. Les
cinéastes amateurs filmaient ce qui les touchait, des scènes
familiales aux paysages exotiques de leurs voyages, et ils n'avaient pas de
public ciblé ou de ligne éditoriale, les sujets filmés
sont par conséquent très variés. Beaucoup de films et
d'enregistrements sonores ne présentent pas d'intérêt
patrimonial, parce qu'ils revêtent un caractère personnel ou
anecdotique : le niveau d'intérêt est jugé lors du
visionnage, par le documentaliste. Par exemple, un mariage,
événement familial par excellence, peut avoir un
intérêt, dans la mesure où il est
célébré selon certaines coutumes, de nos jours
obsolescentes. Des séquences tournées dans les années
1950, 1960 ou 1970 peuvent révéler les moeurs d'époques
à présent totalement révolues (places respectives de
l'homme et de la femme, pratiques agraires, artisanales ou ouvrières,
jeux, croyances, etc.). Par ailleurs, des scènes apparemment sans
intérêt ne doivent pas masquer
l'arrière-plan, qui peut révéler des
quartiers urbains complètement disparus de nos jours ou des traditions
rurales oubliées.
c - Y a-t-il une méthode pour collecter ?
Aucune des institutions visitées n'a invoqué une
méthode pré-définie pour collecter des documents
d'archives audiovisuelles ; en revanche, tous ont été d'accord
sur le fait que la collecte est affaire de confiance et de
pérennité dans la relation humaine : un contact fécond
avec un cinéaste amateur ou un ayant droit en entraîne un autre,
qui lui-même en entraîne un autre, et ainsi de suite... Le bouche
à oreille est en la matière beaucoup plus efficace que les
annonces dans la presse ou sur internet. Cela dit, si l'on se
réfère au petit guide du pôle Patrimoine de Centre
Images28, les personnes ressource par excellence en terme de films
amateurs, et qui peuvent être à la base d'un réseau de
collecte, sont :
- les anciens vendeurs de pellicules, ainsi que les
pourvoyeurs en matériel de tournage, de montage et de projection,
c'est-à-dire les photographes et studios photographiques ;
- les structures associatives, comme les
ciné-clubs ou les caméra-clubs, qui mettaient
à disposition de leurs adhérents un matériel de tournage
et de montage de qualité et souvent cher pour un particulier.
Photographes et caméra-clubs sont
généralement répertoriés dans d'anciennes
publications : journaux locaux, bulletins de ciné-clubs et de
caméra-clubs, ainsi qu'une multitude de revues
spécialisées (au niveau national : Ciné amateur,
Cinéma partout et pour tous, Le cinéma pratique chez
soi, Caméra 8, etc., et localement : Travelling,
bulletin du caméra-club forézien, de 1948 à
195229).
Pour rester cohérente, une entreprise de collectes de
vieux films et de vieux enregistrements sonores doit se donner des limites.
Elles peuvent être de deux ordres : d'abord une limite
géographique, puis une limite thématique. Si je me
réfère aux institutions décrites en deuxième
partie, la collecte a toujours une limite territoriale -locale,
départementale ou régionale-, qui s'applique :
- soit aux documents, qui doivent avoir été
enregistrés sur le territoire en question ;
28 Formation à la collecte de films
amateurs, Centre Images/Pays Loire Touraine (Julie Guillaumot), 2007.
29 Roger Odin et Gabriel Ménager, «
Brève note sur la presse du cinéma amateur », in
revue Communications, volume 68, numéro 68, 1999 (pp.
193-205).
- soit aux cinéastes et historiens oraux collectés,
qui doivent être, ou avoir été, résidents ou
originaires de l'espace géographique pris en charge par l'entité
qui collecte.
Ainsi, un film sur la Provence enregistré par un
Breton, ne relève a priori pas d'un service du patrimoine
audiovisuel dans le Puy-de-Dôme : il est toutefois du devoir du
fonctionnaire de transférer ce document d'archives aux structures
localement compétentes, soit en Provence, soit en Bretagne.
d - Les différents modes d'acquisition.
Comme pour le recueil de témoignages, une collecte de
vieux documents d'archive audiovisuels, émanant du domaine privé,
doit être contractualisée. L'important pour l'institution
collectrice tient en deux points principaux :
- l'information contenue sur le support collecté prime
sur le support lui-même (d'où la nécessité de la
numérisation pour que l'institution en conserve durablement une copie)
;
- cette information doit pouvoir être documentée,
puis exploitée par la suite, pour le bien de tous (dans le respect des
droits perpétuels, inaliénables et imprescriptibles
accordés à l'auteur).
Par conséquent, la nature du versement ne doit pas
entraver ces deux points : un document qui ne peut pas être
numérisé, documenté et exploité ne sert à
rien. Il y a essentiellement cinq façons d'intégrer des documents
à une collection publique : l'achat, le legs, le don, le
dépôt ou le prêt. Bien que ce ne soit pas le propos du
présent mémoire, il est important d'aborder succinctement la
nature de ces versements, parce que certains peuvent présenter des
restrictions à la valorisation.
L'achat règle les problèmes d'appartenance et de
droits d'utilisation, car la collection ou le document achetés rentrent
entièrement dans le domaine publique : ils peuvent être
consultés, et éventuellement utilisés par tout-un-chacun.
Le don et le legs peuvent être des situations intéressantes, dans
la mesure où il n'y a pas de clause restrictive mentionnées dans
les documents notariés, qui peuvent imposer des délais de
communicabilité ou des conditions à la reproduction des
documents. Dans ces trois cas, il faut veiller à ce que les
informations
concernant les collections ou les documents achetés,
données ou légués ne fassent pas défaut, dans le
cas où le vendeur ou le donateur ne sont pas les auteurs, et si le
testateur n'a pas laissé d'informations intéressantes pour le
documentaliste. En effet, comme pour un objet archéologique, un document
audiovisuel qui ne peut pas être a minima décrit,
localisé et daté, ne présente pas d'intérêt,
puisqu'il n'est pas compréhensible.
La plupart des structures que nous avons visitées
optent pour le dépôt de documents : ce mode d'acquisition,
contrairement aux précédents, n'entraîne pas de transfert
de propriété au bénéfice de la personne publique
concernée. L'article 1915 du Code civil précise à ce
propos que le dépôt est « un acte par lequel on reçoit
la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature
». Un peu plus loin, l'article 1927 ajoute que le service public
doithttp://www.coloc-asso.com/ apporter « dans la garde de la chose
déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des
choses qui lui appartiennent ». Autrement dit, le déposant conserve
juridiquement ses titres de propriété sur la collection que
l'institution dépositaire doit traiter et conserver. Les risques du
dépôt sont principalement au nombre de deux :
- la révocation du contrat de dépôt par le
déposant, qui retire du même coup sa collection et les droits
d'utilisation mentionnés sur celui-ci ;
- le décès du déposant, qui a pour effet
de transférer la propriété à son ou ses
héritiers (sauf en cas de dispositions testamentaires, comme le legs),
qui peuvent eux-mêmes dénoncer le contrat et les
possibilités d'utilisation des documents.
Dans la mesure où seule l'information importe, la
solution idéale, en sus de l'achat et du don (le legs étant
rare), mise en oeuvre par la photothèque départementale du
Puy-de-Dôme, est le prêt : il implique que la collection ou le
document sont prêtés momentanément, le temps que les
documents soit dépoussiérés et éventuellement
nettoyés, que leur valeur patrimoniale soit évaluée et que
le nombre de supports à numériser soit déterminé.
Puis, ils sont restitués à leurs propriétaires. Un contrat
de prise en charge provisoire (annexe 7), avec en-tête de
l'institution collectrice, est signé par les deux partis; l'analyse des
contrats des structures visitées nous indiquent que les mentions sont
principalement :
- les nom et prénom du collecteur ;
- Les nom, prénom et adresse du collecté ;
- Une phrase d'engagement du déposant se déclarant
simple détenteur ou propriétaire des documents ;
- Le nombre de supports ; leurs formats ; leurs durées
approximatives ; un descriptif rapide pour chacun des supports ; indications
des dégâts apparents éventuels ;
- les lieu, date et signatures des deux partis.
Lorsque les documents ont été choisis et sont
prêts à être numérisés, il faut établir
un contrat d'utilisation (annexe 8), qui règle les
modalités de leur valorisation sur le long terme. L'institution qui
collecte doit pouvoir mettre à la disposition de tout le monde les
documents collectés, par quelque support que ce soit : salle de
consultation, internet, DVD, projections publiques, etc. A la consultation des
contrats mis à disposition par les institutions visitées, les
éléments à mentionner sont :
- les parties en présence ;
- les missions du collecteur ;
- la liste des documents, leurs formats ; leurs durées
réelles ; un descriptif rapide de chacun des documents ;
- la durée du contrat ;
- la mention des droits cédés au collecteur : le
propriétaire accorde la représentation, la reproduction,
l'adaptation et la diffusion, sans but lucratif, sur tous supports et dans le
monde entier (dans la mesure où un document numérisé peut
être diffusé sur le réseau internet) des documents
intégrés aux collections publiques ;
- la démarche dans le cas d'une utilisation commerciale
par un tiers ;
- la copie sur DVD de la numérisation au
propriétaire ;
- l'obligation de signer un avenant dans le cas d'une
modification de contrat ; - les lieu, date et signatures des deux partis.
Dès lors que les termes du contrat ont été
acceptés par le propriétaire, les différentes
étapes de la conservation des documents d'archives audiovisuelles
peuvent se mettre en place.
2 - Les étapes de la sauvegarde du patrimoine
audiovisuel.
Ce sous-chapitre ne s'applique qu'aux vieux supports
collectés, et pas aux témoignages enregistrés de nos
jours, qui ne nécessitent ni restauration, ni a fortiori de
numérisation ; nous aborderons par contre la conservation des documents
numériques dans le sous-chapitre suivant (« La documentation et
l'indexation dans une base de données numérique »). Nous
n'en aborderons que les grandes lignes puisque, bien qu'essentielle -il est
difficile de valoriser ce qui est de mauvaise qualité-, la sauvegarde du
patrimoine audiovisuel est affaire de spécialistes très
variés, possédant un haut degré de formation.
a - Quelques rudiments de restauration.
Tous les supports anciens se dégradent, soit
chimiquement pour les films argentiques, soit magnétiquement pour la
vidéo analogique ou les bandes-son : les dégradations ont
été causées par le temps qui passe, le nombre de
manipulations qu'a subies le support, la nature des matériaux et des
techniques utilisés, mais aussi des conditions (thermique et
hydrométrique) plus ou moins favorables de stockage avant la collecte.
Il est important de faire un diagnostic de ces dégradations, afin
qu'elles n'empêchent pas le bon déroulement du visionnage et de la
numérisation : le premier diagnostic se fait en inspectant l'état
général du support, le deuxième, en le visionnant une
première fois, afin de déceler à la lecture ce qui avait
échappé lors de l'inspection du support. Le travail de
restauration d'un service d'archives audiovisuelles reste sommaire, mais
primordial. Pendant ou après le diagnostic, il consiste, si possible
équipé de gants non-pelucheux et antistatiques afin
d'éviter des dépôts de sueur, de bactéries ou de
graisse sur les supports, en un nettoyage et un dépoussiérage
léger (au pinceau souple ou à la bombe à air
comprimé), la pose de scotch pour réparer les différentes
détériorations des bords de pellicule (qui dépendent du
nombre de projections et du soin porté lors des manipulations), ou des
collages aux endroits des coupures de montages ou des amorces, qui peuvent
casser.
Certains types de bandes argentiques présentent des
risques élevés de dégradations. En effet, les films
nitrate, utilisés jusqu'au début des années 1950, et
à moindre mesure ceux en acétate de cellulose, peuvent être
victimes du « syndrome du vinaigre », facilement reconnaissable par
sa forte odeur d'acide acétique dès ouverture de la boîte,
ou de moisissures et de champignons. Le nettoyage par solvant n'est pas tout le
temps possible, et le film peut être
définitivement perdu, si une copie n'a pas
été réalisée suffisamment vite. Il est à
noter que les bandes nitrate en état de décomposition
présentent de surcroît une dangerosité particulière
: elles peuvent être inflammables et extrêmement toxiques, ce qui
nécessite des conditions de conservation particulières. Les
Archives françaises du film de Bois d'Arcy possèdent des
compartiments en béton ainsi que des procédures drastiques de
surveillance, adaptées à la conservation des films nitrate.
b - Les bases de la conservation du patrimoine audiovisuel.
Si l'institution publique est amenée à conserver
des supports anciens, il faut considérer essentiellement deux facteurs
qui peuvent accélérer leur détérioration : la
température et le taux d'humidité relative.
Le taux d'humidité relative, ou degré
hygrométrique, mesure en pourcentage la quantité d'eau dans l'air
à une température donnée. Une température trop
élevée combinée à un fort taux d'humidité
relative accélèrent la décomposition des colorants
contenus dans la gélatine et favorisent le développement de
moisissures. Tous les documents doivent être conditionnés dans des
boîtiers hermétiques, les protégeant de la lumière,
de la poussière et des chocs. Les films sont stockés
horizontalement, et les bandes vidéo et bandes magnétiques
verticalement. Comme le montre le tableau ci-dessous, films argentiques et
bandes vidéo et audio ne supportent pas les mêmes conditions de
conservation : il faut veiller à conserver les films nitrate et les
films acétate dans des salles froides (de 0 à 5°C), ayant un
taux relativement bas d'humidité relative. En revanche, les films
polyester et bandes magnétiques supportent des températures plus
douces (aux alentours de 20°C), et une plus grande amplitude de
l'humidité relative, mais doivent être mis hors de tout champ
magnétique ou électromagnétique (aimant, lignes à
haute-tension, émetteurs de radiofréquence). En effet, les rubans
en polyester sont recouverts d'une couche d'enduit magnétique qui
conserve la trace des signaux (images et sons), mais qui peut être
démagnétisée.
Support/Conditions
|
Température
|
Humidité relative
|
Film nitrate
|
2°C
|
20 à 30 %
|
Film acétate noir et blanc
|
5°C
|
20 à 40 %
|
Film acétate couleur
|
<0°C
|
20 à 30 %
|
Film polyester
|
21°C
|
20 à 50 %
|
Bandes magnétiques vidéo et audio
|
20°C
|
30 à 50 %
|
Tableau 4 : Conditions de conservation des films
argentiques, bandes vidéo et bandes-son, réalisé
à partir de Les Archives audiovisuelles de J. Guyot et T.
Rolland, Paris, Armand Colin, 2011.
Enfin, autant que faire se peut, un autre effort doit
être fait par l'institution qui conserve des documents d'archives
audiovisuelles : faire l'acquisition des matériels d'enregistrement et
de projection de films, ainsi que du matériel d'enregistrement et
d'écoute du son, accompagnés des savoirs et savoir-faire qui
entourent leurs utilisations. Ces instruments font totalement partie du
patrimoine audiovisuel, et ils ont la valeur pédagogique d'être
des supports de mémoire des techniques cinématographiques et
audiovisuelles du XXe siècle, à l'heure de
l'instantanéité et de la rapidité. Nous verrons pour le
travail de documentation que certains vieux appareils peuvent encore être
utilisés de nos jours.
c - La problématique de la numérisation.
Les difficultés continuellement renouvelées qui
sont posées par la numérisation des archives audiovisuelles
semblent assez bien caractérisées par la célèbre
phrase du scientifique systémiste américain Peter M. Senge :
« Les problèmes d'aujourd'hui sont les solutions d'hier ». Les
technologies numériques évoluent en effet très vite et un
matériel informatique peut être rapidement obsolète. Par
conséquent, étant donnée leur nécessaire
utilisation par un service d'archives audiovisuelles, ce dernier doit
être en relation constante avec des professionnels au fait de ces
évolutions. Je ne ferai là que définir ce qu'est la
numérisation et établir les quelques exigences que doit observer
le professionnel du patrimoine audiovisuel à l'égard de la
numérisation.
La numérisation est la conversion d'un signal
analogique continu, quel qu'il soit : vidéo, audio, image, texte, etc.,
en une suite de nombres permettant de représenter cet objet grâce
à l'informatique et à l'électronique numérique.
Toute opération de numérisation comporte deux étapes
essentielles : l'échantillonnage et la
quantification.
L'échantillonnage est en quelque sorte la
reconnaissance et l'analyse d'un signal analogique : il consiste à
prélever des échantillons d'un signal, image ou son,
périodiquement, afin de le mesurer. Plus la fréquence
d'échantillonnage est grande, plus le signal numérique aura des
chances d'être proche du signal analogique.
La quantification permet d'attribuer une série de
valeurs numériques binaires -0 ou 1 (une valeur binaire étant un
« bit », contraction des mots anglais « binary digit »)-
à chaque échantillon prélevé : plus le nombre de
valeurs attribuables à un échantillon est grand, meilleure sera
la qualité du signal numérique. Huit bits (donc : huit chiffres
binaires comportant 0 ou 1) correspondent à une unité de valeur
fondamental du langage informatique : l'octet.
Dans un octet, il y a une combinaison de chiffres binaires,
reconnus par l'outil informatique, qui traduit électroniquement une
donnée analogique. Un octet offre 256 combinaisons différentes,
chacune correspondant à un symbole. Concrètement, un ordinateur
ne pouvant stocker et représenter une couleur ou une lettre, il
écrira une suite de bits (par exemple : 0011 0101) ou d'octets
(plusieurs combinaisons binaires pour une couleur, par exemple) traduisant le
signal pour une lettre ou une couleur. Donc, plus les combinaisons sont
nombreuses (autrement dit : plus il y a d'octets), plus un document
numérique est « lourd », et meilleur doit être le
matériel pour le traiter et l'utiliser (mémoire vive, carte-son,
carte-vidéo, logiciels).
Par rapport à la numérisation des images fixes,
celle des images animées ajoute a fortiori la dimension «
temps » : c'est-à-dire que le processus de numérisation est
similaire à celui de l'image fixe, la vitesse de succession des images
en plus. Les vidéos numérisées produisent donc une
très grande quantité de données, puisque le nombre de
données par image est multiplié par le nombre d'images par
seconde, à savoir 25 à 30. Par conséquent, le format de
compression vidéo, pour pouvoir le conserver durablement et le mettre
à la disposition de tous, est très important : il faut un format
qui permette de réduire la quantité de données, sans
altérer la qualité visuelle du document. Pour ce qui est du son,
la qualité de la numérisation tient à la nécessaire
fidélité à l'original : pour cela,
l'échantillonnage doit être très fin, afin que la
quantification soit la plus précise possible. Afin de conserver une
haute-qualité, il est nécessaire de ne pas utiliser un format
compressé pour les documents audio numérisés.
Par contre, le format utilisé doit être
ouvert, c'est-à-dire qu'il doit pouvoir être lu par un ou
des logiciels que les utilisateurs peuvent télécharger
gratuitement et facilement. Les formats « ouverts » sont à
opposer aux formats propriétaires, qui font l'objet d'une
licence commerciale et nécessitent un accord d'utilisation. En outre, il
faut veiller à distinguer deux types de formats numériques :
- les formats de conservation, qui gardent toute la
qualité des supports originaux, aussi nommés « originaux
numériques », « masters » ou « formats pivots»
(car ils permettent de générer tous les types de formats en
fonction des usages) ;
- les formats d'exploitation, de moindre qualité,
qui peuvent répondre à la majorité des usages
(édition, projection, internet, etc.).
Les formats évoluent très
régulièrement, et il faut rester attentif à ces
évolutions. Si je me réfère aux normes respectées
par les professionnels que j'ai rencontrés, ainsi qu'à certains
référentiels officiels, les formats couramment utilisés
sont, jusque-là, ceux proposés dans le tableau ci-dessous.
|
Documents vidéo
|
Documents audio
|
Conservation
|
MPEG-4 (HD), MJPEG 2000
|
WAV
|
Exploitation
|
MPEG-4 (H.264)
|
MP3
|
Tableau 5 : normes de compression vidéo et audio
conseillés, d'après le Référentiel
général d'interopérabilité, Direction
générale de la modernisation de l'État, 2009.
En plus des formats de compression, un service d'archives
audiovisuelles doit veiller à posséder un support
numérique de stockage fiable : les documents
numérisés sont conservés sur ces supports, qui doivent
être de fait surveillés attentivement et faire l'objet de
sauvegardes régulières. Ils en existe aujourd'hui trois types
principaux :
- les disques magnétiques fixes, magnétiques
amovibles, magnéto-optiques (à lecture unique, à
lecture-écriture), optiques (à lecture seule, à
écriture unique, inscriptibles, à lecture-écriture : CD,
DVD, « Blu-Ray », etc.) ;
- les bandes magnétiques : AIT/SAIT (« Advanced
Intelligent Tape » et « Super Advanced Intelligent Tape »), LTO
(« Linear Tape Open »), SDLT, etc.
- les semi-conducteurs ou mémoires nomades : cartes
mémoire « Compact Flash », modules de mémoire «
Memory Stick », modules de mémoire « Smart Media »
(mémoire d'appareil photographique numérique) ;
clés ou modules de mémoire « USB » ; lecteurs «
Flash », etc.
De nombreux critères interviennent pour choisir un
support de stockage : les Archives nationales britanniques en ont
détermine six, pour six supports différents. Les notes
attribuées vont de 1, pour les supports qui ne conviennent pas au
critère évalué, à 3, pour un critère tout
à fait respecté. Le tableau ci-dessous montre que le support le
plus fiable serait la bande magnétique LTO, que le pôle Patrimoine
à Issoudun tend à utiliser de plus en plus. Le CD-R et les
différents types de mémoires « Flash » ne peuvent en
revanche servir qu'à des stockages très temporaires. Le DVD-R et
les disques durs sont des solutions intermédiaires de conservation sur
le long terme, qui peuvent convenir.
Support
|
CD-R
|
DVD-R
|
Disque dur (interne et externe)
|
Mémoire Flash
|
Bande magnétique LTO
|
Longévité
|
3
|
3
|
2
|
1
|
3
|
Capacité
|
1
|
3
|
3
|
2
|
3
|
Viabilité
|
2
|
2
|
2
|
1
|
3
|
Obsolescence
|
1
|
2
|
2
|
2
|
2
|
Coût
|
3
|
3
|
1
|
3
|
3
|
Vulnérabilité
|
1
|
1
|
3
|
1
|
3
|
Total
|
11
|
14
|
13
|
10
|
17
|
Tableau 6 : Supports de stockage numérique sur le
long terme, d'après Digital Preservation Guidance Note 2
: Selecting storage media for long-term preservation, The National
Archives (2008), p.6 :
http://www.nationalarchives.gov.uk/information-management/projects-and-work/guidance.htm.
La numérisation tient une place importante dans la
conservation du patrimoine audiovisuel, tant en terme de temps que d'engagement
humain et financier : par conséquent, le mode de numérisation
doit être mûrement réfléchi. Des trois institutions
que nous avons visitées, se sont dégagés deux
modèles différents. La cinémathèque de Savoie
assure une partie de sa numérisation, pour les formats les plus courants
(vidéo, 8 mm. et Super 8), et sous-traite l'autre partie, en fonction de
ses moyens financiers et des aides à la numérisation
éventuellement accordées. De la même façon, le
service des archives audiovisuelles du Cantal assure la numérisation des
vidéo, et sous-traite toute la partie argentique.
Quant au pôle Patrimoine de Centre Images, il
possède ses propres moyens de numérisation pour la presque
totalité des formats et des techniques. Ce pôle gère 400
fonds de films amateurs en tout. Il y a en moyenne 20 films par fonds (8000
films, soit plusieurs dizaines de milliers d'heures de visionnage afin de juger
de l'intérêt patrimonial de chaque document), dont 10 sont
numérisés (ce qui représente jusque-là 4000 films
intégrés ou en court d'intégration à la base de
données). Ces 10 films représentent environ une heure de
numérisation (soit six minutes par film) : les techniciens
numérisent à peu près 55 minutes de film par jour. Sur une
année, le pôle Patrimoine collecte en moyenne 70 fonds, ce qui
représente environ 700 films amateurs annuellement, soit 4200 minutes de
film, nécessitant par conséquent aux alentours de 72 jours
effectifs de numérisation par an (durant lesquels les techniciens
restent devant l'écran afin de pallier à tout problème),
sans compter les réparations de matériel, les visionnages, les
retouches (couleurs, lumière, etc.), les montages, etc. Un poste de
technicien se justifie tout à fait au sein d'un service du patrimoine
audiovisuel, aux côtés de celui qui est au centre de cette
activité : le documentaliste.
d - La documentation et l'indexation dans une base de
données.
Les documents audiovisuels, comme tous les documents
archivistiques et patrimoniaux, n'ont d'intérêt que dans la mesure
où ils peuvent être consultés et utilisés par les
chercheurs, les professionnels du patrimoine culturel, les documentaristes, les
chaînes de radio ou de télévision, ou tout citoyen voulant
se renseigner sur une région. Cela implique, en plus de l'obtention des
droits d'utilisation, qu'ils doivent pouvoir être repérés
facilement, renseignés, indexés dans une base de données
documentaire et mis en ligne30 : l'accès aux documents
d'archive est conditionné par le traitement documentaire.
L'activité de documentation d'archives audiovisuelles est
encadrée par deux fascicules techniques de catalogage, FD Z 44-066 pour
les enregistrements sonores et FD Z 44-065 pour les images animées,
respectivement produits en 1988 et en 1998 par l'AFNOR (Association
Française de Normalisation).
30 Mise en ligne traitée dans le chapitre B de cette
troisième partie : la valorisation « internet » des
données brutes et organisées, p.92.
Un document audiovisuel contient un ensemble d'informations
diverses, élaborées par un ou des auteurs et stockées sur
un support d'informations, afin d'être exploitées par
l'intermédiaire d'un appareil de lecture. L'ensemble des données
prises en compte par le documentaliste est constitué par ces
différentes caractéristiques, qui seront intégrées
dans une notice analytique lors du catalogage, qui est le
coeur du traitement documentaire. Le remplissage de la notice analytique se
divise en trois grandes phases :
- La description bibliographique, qui est la description
normalisée d'un support physique de l'information ;
- La cotation, opération normalisée qui
permet d'attribuer une « cote » au document, constituée de
lettres et de chiffres, qui détermine un endroit où retrouver le
document dans la base de données ;
- L'analyse documentaire, activité
intellectuelle qui consiste en l'analyse du contenu du document : cette phase
est le préalable à un travail de documentation plus
détaillé, tel que le résumé analytique
-qui consiste à décrire les différentes séquences
d'un document lors des visionnages- et l'indexation -qui permet
d'établir un certain nombre de mots-clés ou vedettes,
tirés de l'analyse, qui ont pour but de faciliter la recherche.
De ces trois grandes phases résultent quatre types
d'informations complémentaires et interdépendants :
- La notice signalétique, ou bibliographique, qui
singularise le document en rassemblant les données qui lui sont propres
: nature du support, auteur, date, lieu, etc.
- La cote, propre à chaque document, qui permet
de savoir où un document a été classé ;
- Le résumé analytique, ou informatif, qui
permet de rendre compte du contenu réel du document, prise par prise,
séquence par séquence ;
- L'indexation, qui permet, par des vedettes
normalisées (par exemple : « Deuxième Guerre mondiale
», « agriculture », « industrie », « fête
religieuse », etc.), de rassembler des documents portant sur les
même thèmes.
Un principe du traitement des documents audiovisuels est
essentiel : les informations enregistrées dans la base de données
doivent être les plus « objectives » et « impartiales
» possible. En effet, le document d'archive est une « inscription
» du témoignage et de la mémoire, il ne stocke pas de la
mémoire toute faite. Il donne plutôt l'occasion à
d'autres
personnes -documentaristes, historiens, journalistes,
citoyens, etc.- d'écrire l'Histoire, de la penser, d'organiser d'autres
formes de structures de la connaissance, de rétablir des
vérités, d'émettre des hypothèses,
d'éclaircir certaines zones d'ombres, bref : de créer et de
reconstruire la mémoire continuellement. Le rôle et
l'éthique du service d'archives audiovisuelles ne sont pas d'influencer
les écrivants et les penseurs de la mémoire et de l'Histoire,
mais plutôt de se rapprocher le plus possible de la vérité
des images et des faits, afin que les utilisateurs puissent recouper
efficacement les informations.
Avant la numérisation, intervient le premier visionnage
ou la première écoute, qui permettent de juger de
l'intérêt des documents et du niveau de qualité des
enregistrements : un film peut contenir plusieurs séquences, aux
intérêts tout à fait inégaux pour l'institution
patrimonial. Mais si une seule séquence a un intérêt, il
faudra numériser la totalité de la bande, afin d'extraire la
séquence intéressante de l'ensemble.
La plupart des formats amateurs collectés sont les
formats vidéo courants, ainsi que les films 8 mm., 9,5 mm. et,
éventuellement, 16 mm. ainsi que le Super 8 (silencieux et sonore), des
bandes-sons ou des cassettes magnétiques pour les enregistrements
sonores. Il faut donc être équipé de lecteurs qui
permettent d'en visualiser les contenus. Pour les formats vidéo,
notamment la VHS, un magnétoscope sera nécessaire ; un
magnétophone permettra de lire les cassettes magnétiques. Pour ce
qui est des films, les documentalistes audiovisuels utilisent des visionneuses
de bandes (photo 18), qui servaient autrefois pour le montage, ce qui
évite de manipuler une projectionneuse. Ces visionneuses sont
disponibles pour la totalité des formats substandards cités plus
haut :
- une visionneuse mécanique pour film 8 mm. pourra
être couplée avec le Super 8 silencieux (seule la vitesse de
lecture change : de 16 images par seconde pour le 8 mm. à 18 images pour
le Super 8) ;
- des visionneuses mécanisées pour Super 8 sonore
avaient été produites dans les années 1970 ;
- enfin, certaines visionneuses avaient été
fabriquées dans les années 1960, afin de lire à la fois le
8 mm., le 9,5 mm. et le 16 mm. Le deuxième visionnage ou la
deuxième écoute permettront d'entamer l'analyse documentaire.
Photo 21 : table de travail de la documentaliste de la
cinémathèque de Savoie : un ordinateur portable connecté
à la base de données, une visionneuse tri-formats, ainsi que
du matériel de manipulation et de nettoyage (gants en coton,
pinceaux, bombe à air comprimé, etc.) Photo Serge Seguin
(2012).
Ces différentes informations prélevées
à propos des documents interviennent à différents moments
du processus d'acquisition. Lors de la collecte, il est important de recueillir
les premières informations bibliographiques : le propriétaire est
le mieux placé pour savoir qui est la personne qui a enregistré,
qui sont les personnes filmées ou enregistrées, où et
quand se passent les différents enregistrements, etc. Il est important
de signaler le support sur lequel a été enregistré le
contenu (film ou vidéo ? Quel format ? Quel mode d'enregistrement sonore
? etc.). Pour un entretien filmé, il est important que l'enquêteur
renseigne lui-même la notice analytique, qui pourra éventuellement
se doubler d'une transcription de la totalité de l'entretien.
Lorsque le film a été numérisé,
avant ou après l'analyse documentaire selon la nature du document, un
deuxième rendez-vous avec le propriétaire pourra être
fixé, afin de visionner avec lui le ou les documents qui le concernent :
cela permet souvent d'avoir des informations qui sont inaccessibles autrement :
un lieu précis, les noms de personnes filmés, le contexte
général du film ou de l'enregistrement, etc. Certaines des
institutions visitées conseillent d'enregistrer vocalement la personne
pendant ses explications, si elle l'accepte (la signature d'une autorisation
d'utilisation sera nécessaire). D'une part, cela permet de garder une
trace du
témoignage. D'autre part, les commentaires peuvent
être montés en voix-off des documents filmiques bruts, ce qui
permet de réaliser, avec un générique de début et
un générique de fin, un film entier ou une séquence de
film, qui peuvent être diffusés dans le cadre de restitutions
publiques, afin de valoriser les fonds conservés.
e - La restitution publique des documents : projections,
débats, expos...
Je le souligne de nouveau : c'est vers la restitution publique
et la rencontre avec les habitants du département et de la
région, et dans la pérennité de cette relation, que doit
converger toute la démarche d'un service du patrimoine audiovisuel, y
compris dans son utilisation de l'internet. Bien que les contenus sonores et
audiovisuels numérisés se prêtent à la diffusion par
les nouvelles technologies de l'information et de la communication,
désormais omniprésentes, la démarche patrimoniale
travaille sur le temps long de la transmission de
génération en génération de documents anciens ou
actuels, qui ont un intérêt culturel pour les
générations actuelles et celles à venir. Par
conséquent, cette démarche à l'égard du patrimoine
audiovisuel, bien qu'utilisant l'internet qui est avant tout un média de
l'instantané et de l'oubli, doit s'ancrer dans cette relation directe,
longue et pérenne avec un public.
Nous l'avons vu, des relations importantes se forment lors des
collectages : le passage d'un enquêteur dans un village, une petite ville
ou un quartier urbain éveille souvent la curiosité des habitants,
et les amène à discuter ensemble du thème, plus ou moins
enfoui dans la mémoire de chacun, pour lequel l'enquêteur s'est
déplacé, et ces échanges peuvent révéler de
nouveaux témoins potentiels ou de nouvelles collections. Le collectage,
comme j'ai pu le remarquer, est la première valorisation et la base de
la formation d'un réseau.
La restitution publique des documents numérisés
puis intégrés à la base de données passe aussi par
la consultation : par l'internet -solution que nous étayerons dans le
prochain souschapitre- et au sein de l'institution collectrice, dans une salle
de consultation. Les trois structures que nous avons visitées proposent
un espace de consultation, équipé de lecteurs multimédia
pour le son et pour l'image, afin de lire les documents
numérisés. Une personne qui fait la démarche de venir au
sein de l'institution publique afin de consulter des documents audiovisuels et
de prendre des renseignements, peut être considérée,
à l'heure des possibilités
internet, comme motivée et engagée dans sa
recherche, et peut éventuellement être une personne-ressource sur
un territoire.
La valorisation des fonds audiovisuels passe aussi par les
multiples réutilisations qui peuvent en être faites dans des
cadres très variés :
- des dispositifs culturels
scénographiés, telles que les expositions : le cas des
actions menées lors de mon stage sont caractéristiques. Si le
film sur le syndicalisme à Saint Eloy-les-Mines constituait une section
de l'exposition parmi d'autres, les six filmsentretiens du projet Fadas du
viaduc représentait le centre physique (par la présence du
totem) et muséographique de l'exposition. Une démarche tout
à fait originale est proposée par le service des archives
audiovisuelles du Cantal : une projection en boucle de documents d'archives
à travers une baie vitrée du bâtiment des Archives
départementale est mise en place lors du très
fréquenté festival international du théâtre de rue
d'Aurillac.
- Des projections publiques et la participation
à des festivals : à l'exception du service des archives
audiovisuelles du Cantal, dont l'unique agent peine à assurer les
missions archivistiques de pré-communication, les autres structures
programment des projections avec des cinémas, ruraux ou urbains, et
organisent des festivals. Cette dernière solution est à envisager
sérieusement dans le Puy-de-Dôme : en plus de l'incontournable
festival du court-métrage, Clermont-Ferrand voit se dérouler le
festival du film documentaire « Traces de vie », organisé par
l'Institut de Travail Social de la Région Auvergne (ITSRA) depuis plus
de vingt ans. Les projections et festivals sont des vitrines
irremplaçables pour la conservation du patrimoine audiovisuel, et la
possibilité d'aller à la rencontre d'un public : potentiels
collectionneurs, potentiels témoins, potentiels pourvoyeurs en
thèmes à traiter ou en collections, ou simplement et
essentiellement : lien social par la culture.
- Des ateliers « cinéma »
pédagogiques : à l'heure du « tout-numérique
», garder les vieux appareils d'enregistrement et de lecture, ainsi que
les vieux supports contenant les films peut avoir un rôle
pédagogique très fort : montrer, comme pour la photo
argentique, toute la chaîne opératoire de la
captation du mouvement par la caméra. A l'heure du « tout-image
», proposer des ateliers de lecture de l'image aux enfants, des ateliers
d'écriture de scénarii, de tournage et de montage de films
à des collégiens, avec projection en fin d'année, peut
relever de la mission de valorisation d'un service d'archives
audiovisuelles.
- des productions diverses : des documents
audiovisuels peuvent être intégrés à des oeuvres
audiovisuelles, programmées en salles, ou commercialisés sur DVD
ou en VOD (vente par internet). Ce fut le cas pour les films-entretiens du
projet Fadas du viaduc : à la suite de la recherche
filmographique pour les montages, nous avons commandé des
séquences concernant le viaduc des Fades, issues de collections
conservées par le pôle Patrimoine de Centre Images. Cette commande
a engagé le paiement de frais techniques -payés à la
structure qui met à disposition les documents- et de droits
d'exploitation, reversés aux auteurs ou ayants-droit des films.
Comme le soulignent J. Guyot et T. Rolland31, la
valorisation commerciale des documents audiovisuels n'est pas à
négliger : en effet, collecter, numériser, documenter et mettre
à disposition de tous un patrimoine audiovisuel engage des frais. Les
premiers sont les frais techniques : ils englobent la recherche documentaire,
le cas échéant, le transfert des documents
haute-résolution sur le support souhaité, le prix du support et
l'envoi. Il faut également que soient payés des droits
d'exploitation directement aux propriétaires des vidéos, dans le
cas où le document n'est pas dans le domaine publique. Pour cela, les
pratiques varient : la photothèque départementale du
Puy-de-Dôme, dans son fonctionnement actuel, met en lien les demandeurs
de photographies avec les propriétaires afin qu'ils s'arrangent entre
eux. La cinémathèque de Savoie a pris plutôt le parti de
gérer la transaction en totalité, et de reverser la somme qui
revient aux propriétaires. Cette solution se justifie, notamment dans le
cas de la commande de sociétés de production : certaines sont
parfois agressives, et peuvent ne pas vouloir payer un droit à hauteur
de ce qu'il vaut. Assurer cette relation purement professionnelle permet, selon
Marc Rougerie (directeur de la cinémathèque de Savoie) de
protéger les propriétaires qui ont fait confiance à
l'institution collectrice, en rédigeant les contrats et en
vérifiant l'utilisation qui est faite des documents.
31 Les archives audiovisuelles, op. cit., pp.
100-101.
B - La valorisation « internet » : contenus et
services en ligne .
La dernière étude des pratiques culturelles des
Français, dirigée par Olivier Donnat32, a
montré jusque dans son titre, à quel point les activités
culturelles en France (comme dans le reste du monde) avaient connu une mutation
profonde en ce début de XXIe siècle, qui semble bien
être celui de la technologie numérique et de l'internet. A une
vitesse faramineuse, la société de l'information et de la
communication, notamment, a pris le train des nouvelles technologies, qui
permettent de produire et de traiter des contenus informationnels
multimédia. Ces nouvelles technologies mélangent
indifféremment images fixes, images animées, sons et textes, et
les diffusent par le réseau mondial qui a investi tous les domaines en
moins d'une décennie : l'internet.
Internet permet, à tout moment, de mettre à
disposition des « contenus ». J'ai en identifié deux
principalement : des contenus bruts et des contenus
organisés. Ces formules ne sont pas consacrées par une
institution quelconque : elles sont utilisées ici pour plus de
clarté. J'entends par contenus bruts les documents
numérisés (photographies, films amateurs, enregistrements
sonores) qui n'ont pas connu de retouche par rapport au document original. Au
contraire, les contenus organisés sont assimilés à des
oeuvres qui ont nécessité un processus de création, allant
de la conception à la réalisation (livres
numérisés, dossiers ou expositions culturelles, webdocumentaires,
films documentaires, contenus nomades, etc.).
1 - La mise en ligne de la base de données :
données brutes.
Les enjeux d'un archivage de contenus audiovisuels
numérisés reposent sur une conservation fiable et pérenne
et une diffusion de contenus pertinents et documentés. Conserver un
contenu numérique, c'est le garder vivant et le rendre intelligible dans
le contexte d'interprétation du moment. Du point de vue de la
construction d'une mémoire dynamique sur le temps long, basée sur
des contenus audiovisuels numérisés, il est impératif que
chaque génération d'utilisateurs puisse s'approprier les contenus
: pour cela, « conservation » et « diffusion » sont des
fonctions-clés, intrinsèquement liées. La mise en
32 Les pratiques culturelles des Français
à l'ère numérique. Enquête 2008, La
Découverte/Ministère de la Culture et de la Communication,
2009.
ligne d'une base de données donne accès à la
ressource, en garantissant sa lisibilité technique et intellectuelle.
Je n'aborderai pas ici des points technologiques, qui sont le
fait de spécialistes, mais simplement des faits généraux.
Il semble que la solution de la base de données en ligne soit
la plus viable aujourd'hui : Centre Images et la Cinémathèque de
Savoie utilisent Diaz33. La photothèque
départementale du Puy-de-Dôme utilise Phrasea, qui est
également une base en ligne -il faut se connecter à internet pour
remplir les notices signalétiques- et qui possède un alter ego de
consultation sur internet34. Nul besoin d'une interface qui fasse le
lien entre la base de données et le site de consultation : le site
internet récupère les données au fur et à mesure au
sein de la base. L'importance du site de consultation n'est plus à
vérifier : lors de la première année de mise en ligne de
la base de données, la photothèque du Puy-de-Dôme a
enregistré dix fois plus de demandes de reproductions de photographies
que l'année précédente. Cet outil est évolutif : si
l'ancienne version ne permettait pas d'intégrer, de documenter et de
consulter des images animées et du son, la nouvelle version le permet.
Ils pourront également créer des paniers, afin d'y placer les
documents qu'ils souhaitent commander. Enfin, l'administrateur (la
photothèque) pourra créer des dossiers, qui rassembleront des
documents bruts d'une même thématique, que les internautes
pourront consulter à partir de la page d'accueil du site de
consultation.
2 - Le portail internet : données organisées.
La valorisation par l'internet ne peut pas être une fin
en soi : ce n'est que la possibilité de valoriser des contenus
dématérialisés, avec la potentialité du très
grand nombre de personnes connectées sur internet chaque jour. Cela dit,
ce n'est pas parce que des contenus audiovisuels à caractère
culturel sont mis en ligne, que les internautes se précipitent dessus :
il suffit d'une observation rapide de sites d'hébergements de
vidéos aussi populaires que Youtube ou Dailymotion
pour remarquer la part infime de consultations de contenus à
caractère culturel (conférences, documentaires, archives
audiovisuelles). Par comparaison, les clip-vidéos de stars de la
musique, pour ne pas parler des vidéos amateurs « cocasses »,
peuvent parfois compter plusieurs millions de consultations en quelques
semaines, ce que les médias ont pris l'habitude d'appeler un « buzz
».
33 Diaz est une base de données
pensée pour le multimédia, développée en 2005 par
la Cinémathèque de Bretagne, en collaboration avec le pôle
Images de Haute-Normandie. Il s'agit d'une base utilisant un langage de
scripts, un système et une licence complètement libres.
34 Voir descriptif du site pages 29-30.
Youtube, par exemple, utilise des technologies de
type Flash35, afin d'afficher plusieurs types de
vidéos en « streaming ». « Stream », en anglais,
signifie « courant » : « streaming » peut se traduire par
« lecture en continu », « diffusion en flux », «
lecture en transit » ou « diffusion en mode continu ». Il s'agit
d'un principe de consultation de contenus audio ou vidéo en ligne : il
se différencie du téléchargement, qui nécessite de
récupérer sur le disque dur de l'ordinateur l'ensemble des
données d'un document sonore ou d'un extrait vidéo avant de
pouvoir l'écouter ou le regarder. En pratique, dès lors qu'un
fichier a été sélectionné sur un site
d'hébergement, les données sont téléchargées
en continu sur la mémoire vive de l'ordinateur, afin d'être
analysées, puis d'être transférées dans un lecteur
multimédia pour consultation, et remplacées par la suite par
d'autres données. Ce type de site présente l'avantage d'offrir un
potentiel de personnes connectées extrêmement important : le 28
octobre 2010, la direction du site Youtube indiquait que l'ensemble de
ses chaînes atteignait le milliard d'abonnés. Seulement, puisque
n'importe qui peut « poster » une vidéo sur Youtube,
on peut y trouver toute sorte de contenus, parmi lesquels des informations
non-vérifiées, des vidéos sans droit d'utilisation ou
à la moralité douteuse, etc. Il convient évidemment de ne
pas s'orienter vers le « toutvenant youtubien » pour un portail de
contenus patrimoniaux.
La base de réflexion sur la valorisation internet est
le site internet du Conseil général du Puyde-Dôme : il
s'agit d'une vitrine qui permet de renseigner les habitants sur ses actions sur
les territoires du département. Globalement, il fait le point sur
l'actualité de ces actions, il permet d'obtenir des informations
générales sur chacune des missions de la collectivité
départementale, et propose les formulaires en ligne pour les
démarches administratives et les coordonnées des techniciens qui
gèrent les dossiers. Comme pour ses autres attributions, le site du
Conseil général du Puy-de-Dôme propose une rubrique «
Culture et Sport », au sein de laquelle est listé l'ensemble de ses
compétences culturelles. Outre ces informations, ce site propose des
ressources culturelles accessibles à partir de cette rubrique, parmi
lesquelles : les expositions itinérantes que le Conseil
général peut mettre à la disposition des acteurs locaux,
un lien vers l'adresse du site de consultation de la photothèque
départementale (voir souschapitre précédent) et les
Livrets des Expos, petites publications gratuites prolongeant
certaines expositions temporaires, consultables au format .pdf. Une rubrique
« Centre de
35 Logiciel très populaire et utilisable sur la
plupart des navigateurs web, développé par l'entreprise Adobe
System, qui permet de gérer et de lire des flux (« stream »)
audio et vidéo.
ressources » a été récemment mise en
place, qui rassemble les contenus et liens cités juste avant : l'enjeu
serait d'accéder, à partir de cette rubrique, à une
plate-forme de contenus.
Photo 22 : capture d'écran de la page d'accueil du
site internet du Conseil général du Puy-de-Dôme (mars
2012).
Un projet de plate-forme, ou portail internet, doit
naître et se développer lorsqu'il présente un
intérêt collectif, et non pas être lancé dans
l'unique objectif de créer une application innovante. Le projet doit
répondre à un besoin et être là pour
compléter et enrichir ce qui existe : il doit non seulement mettre en
valeur les contenus patrimoniaux, mais aussi informer et interagir avec les
utilisateurs et les autres institutions patrimoniales. Sans cela, le portail
internet risque de ne pas intéresser le public et de très
rapidement tomber dans l'oubli. J'ai appuyé ma réflexion sur un
document intitulé Principes de qualité des sites internet
culturels : guide pratique. Ce document avait été
publié en 2005, et avait pour objectif d'identifier les critères
de qualité des sites et des contenus culturels, et les besoins des
utilisateurs. Il avait été pensé et rédigé
entre 2002 et 2005, dans le cadre du projet Minerva (Ministerial
Network for Valorising Digitisation Activities, en français :
« Réseau Ministériel pour la Valorisation des
Activités de Numérisation »), dont un groupe de travail
avait réfléchi à l'établissement de bonnes
pratiques pour la numérisation du patrimoine culturel et scientifique,
à l'échelle de la communauté européenne.
Critères
|
Principes fondamentaux
|
Adaptabilité au projet «
Patrimoine audiovisuel dans le PdD»
|
identifiable
|
4 Identité du site clairement définie (vite
trouvé sur un moteur de recherche) ;
4 Objectifs et missions évidents ;
4 L'utilisateur peut comparer ses besoins aux missions
présentées.
|
Le Conseil général et les Archives
départementales sont des structures
reconnues : une structure publique travaillant sur le
patrimoine audiovisuel à une échelle territoriale bien
définie permet de rendre le site identifiable. Le nom doit toutefois
être reconnaissable.
|
pertinent
|
4 Contenu sélectionné et pertinent ;
4 Contenu documenté ;
4 Contenu mis en valeur ;
|
Le travail documentaire doit assurer la
pertinence des contenus. La mise en valeur internet doit
rester en résonance avec la mise en valeur « physique ».
|
maintenu
|
4 Site réactualisé régulièrement
;
4 Fonctionnalités mises à jour ;
4 Contenus mis à jour et vérifiés ;
|
La maintenance doit clairement apparaître dans le
cahier des charges : le prestataire doit être réactif à de
nouveaux besoins (outils de créations d'expositions virtuelles, par
exemple).
|
accessible
|
4 pas d'utilisation excessive d'éléments visuels
et multimédia ;
4 Technologies et extensions libres de droit ;
4 Compatibilité avec des terminaux mobiles et
portatifs (type Wi-fi).
|
Des présentations trop sophistiquées
alourdissent le site : le site n'est plus
aisément navigable. La perspective de
travailler sur des outils nomades et
en géolocalisation doit être pris en compte.
|
orienté utilisateur
|
4 Ergonomie adaptée ;
4 Navigation intuitive ;
4 Implication des utilisateurs dans les fonctionnalités
et les contenus ;
|
Un site surchargé n'est pas consulté ;
prévoir des fonctionnalités pour les malvoyants. La
nécessité que les utilisateurs puissent participer à la
vie du site est aujourd'hui indispensable.
|
réactif
|
4 Fonctionnalité adaptée pour recueillir les
contributions des utilisateurs ;
4 Personne formée pour répondre aux contributions
des utilisateurs ;
4 Procédure de modération des contributions des
utilisateurs ;
|
Un utilisateur doit pouvoir suggérer de nouvelles
fonctionnalités. Il doit aussi pouvoir renseigner certains documents qui
n'ont pas pu l'être, à la condition minimum d'être inscrit
sur les ite (importance de la fidélité dans les deux sens).
|
multilingue
|
4 Présentation de l'organisme et certains contenus en
plusieurs langues ;
4 Structure du site inchangée quelque soit la langue ;
4 Passage facile d'une langue à l'autre.
|
Bien qu'ayant un rayonnement régional, la
présentation de l'organisme doit être traduite en anglais a
minima ; les expositions virtuelles, selon leurs sujets, doivent
être traduites également.
|
interopérable
|
4 Le site doit fonctionner avec n'importe quel navigateur
;
4 Les formats des contenus permettent d'être largement
consultés ;
4 Les contenus du site peuvent être partagées avec
d'autres sites.
|
A l'heure du web 2.0, c'est une condition minimum : le site
doit être lisible par
n'importe quel navigateur. Les données doivent pouvoir
être « moissonnées » par d'autres portails, pour en
faciliter la diffusion (cf. page 44).
|
respectueux des droits
|
4 Protection des droits des propriétaires de tous les
contenus ;
4 Protection de la vie privée des utilisateurs ;
4 Protection du propriétaires du site contre les abus
d'utilisateurs.
|
Les droits des propriétaires sont cédés
dès l'intégration des documents audiovisuels par contrat,
à moins d'une clause ouvertement restrictive. La protection des droits
de tous les partis doit être pris en compte dans le cahier des
charges.
|
pérenne
|
4 Procédure de sauvegarde et de restauration
régulières des données ;
4 Fonctionnalités testées et
évaluées régulièrement ;
4 Adaptabilité à l'évolution
des technologies.
|
Une collectivité territoriale doit assurer
la continuité des sites internets dont il a
la responsabilité, ou qu'il participe à
administrer. Un technicien doit
vérifier régulièrement les fonctionnalités du
site.
|
|
Son d ' Aqui
Page d'accueil après un « écran splash
» (animations). Nom du projet bien visible en haut, à gauche, ainsi
qu'un sous-titre et un court texte décrivant rapidement la
démarche (présence de liens hypertextes menant à des
dossiers thématiques ou à des exemples de documents sonores).
Possibilité de consulter le site en français et en occitan.
Sommaire du site en haut, en dessous du titre, dans une barre verticale, un peu
petite : explications, consultations des archives sonores, carte, agenda, etc.
À droite, carte de la région Aquitaine permettant
d'accéder à des informations sur les ressources des
départements. En marge de cette carte, menu déroulant proposant
les différents types d'instruments, de fêtes, de chants...
présentés dans le site. Archives sonores rapidement accessibles,
avec recherche rapide.
Page précédente, tableau 7 :
critères de qualité d'un site internet culturel, et leurs
applications au projet de valorisation internet des archives audiovisuelles
dans le Puy-de-Dôme.
Ce groupe de travail avait déterminé dix grands
principes de qualité, applicables aux sites des musées,
bibliothèques, services d'archives et autres établissements
culturels. Selon cette étude, un site internet doit être :
identifiable, pertinent, maintenu, accessible, orienté utilisateur,
réactif, multilingue, interopérable, respectueux des droits et
pérenne. Le tableau ci-dessus reprend ces dix critères ainsi que
les principes qui en découlent, afin de voir dans quelles mesures ils
sont applicables, ou pas, au projet développé au long de ce
mémoire.
Il existe de nombreux portails internet sur le patrimoine
culturel. J'en ai sélectionné cinq portant sur différentes
régions de France, qui ont pour point communs de :
- valoriser le patrimoine sonore et/ou audiovisuel ;
- intégrer les données dans une base ;
- avoir une aire culturelle d'investigation bien circonscrite,
territoires départementaux ou régionaux : Son d'Aqui
(patrimoine oral et festif en Aquitaine), Dastum (patrimoine oral et
musical de Bretagne), Mémoire vivante de Picardie,
Mémoire (les images d'archives en région Centre),
Sauvegarde de la Parole sarthoise.
Les descriptions qui suivent portent sur les pages d'accueil et
les particularités de navigation de chacun des sites.
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Dastum
Présentation aérée et pratique. Nom du
projet bien visible en haut, à droite, ainsi qu'un sous-titre. Grande
photo, en lien avec l'actualité et changeant
régulièrement, occupant les 3/4 de l'écran.
Possibilité de consulter le site en français, en breton et en
anglais. Premier sommaire sur les contenus du site, disposé
verticalement, à droite, en dessous du nom : parmi les 6 hyperliens,
accès rapide à la base de données et aux dossiers
thématiques sur la musique. Deuxième sommaire institutionnel,
disposé horizontalement sous la grande photo, présentant
l'établissement porteur de projet, son réseau, ainsi que ses
coordonnées. Petite section « En ce moment... » bien
identifiée, en bas, à droite, sur l'actualité. Navigation
simple, par ouverture d'un nouveau site, d'une nouvelle fenêtre ou
accès à d'autres pages, sur lesquelles les deux sommaires restent
bien visibles.
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Mémoire vivante en Picardie
Présentation aérée. Nom du projet bien
visible, à peu près au milieu de la page. Quelques photos
suggérant le domaine général du site (valorisation du
patrimoine ethnologique). Logo de la structure porteuse en haut, à
gauche. Deux sommaires horizontaux (toujours présents à
l'écran, quelque soit la page), de part et d'autre du nom du projet,
chacun composé de trois accès ; le premier sommaire, sur les
contenus du site, propose la présentation du projet, les dossiers
virtuels et la base de données. Les dossiers -thématiques,
historiques ou géographiques- proposent de la donnée brute
organisée. L'autre sommaire, institutionnel, détaille les projets
en cours, toutes les réalisations, et une fiche-contact. Liens vers tous
les partenaires du projet en bas (toujours présents à
l'écran, quelque soit la page).
Mémoire
Présentation chargée, mais claire. Nom du projet
assez visible en haut, à gauche. Un sommaire horizontal (toujours
présent à l'écran, quelque soit la page), bien visible, en
dessous du nom, permet d'accéder aux derniers documents indexés
dans les différentes collections (aussi présentés dans
l'écran déroulant du centre-haut de la page), ainsi qu'à
l'actualité de l'institution. Une barre de recherche simpe se trouve en
haut, à droite. Possibilité pertinente d'accéder aux
archives par géolocalisation ou chronolocalisation, par deux
fenêtres hyperliens bien visibles. Site très participatif :
possibilités d'abonnement, appels à contribution pour identifier
certains documents, appels à prêts de bobines. Bandeau
inférieur présentant les logos des partenaires et informations
diverses (plan du site, mentions légales, charte d'utilisation, etc.).
Présence de « tags » en bas, à gauche. Navigation
pratique et vidéos facilement consultables.
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La Parole sarthoise
Nom du projet assez visible, nom de la collectivité
porteuse, ainsi qu'un texte de présentation de la démarche. Logos
des partenaires à droite. Une petite barre, en haut, rassemble les
hyperliens vers les informations diverses (actualités, plan di site,
crédits, mentions légales). Sommaire horizontal, sous le nom du
projet, toujours présent à l'écran, avec quatre hyperliens
: accueil, présentation du fonds documentaire, accès au moteur de
recherche (simple ou avancée), aux dossiers documentaires et à
une fiche-contact. Barre de recherche au milieu de la page, ainsi
qu'accès à un formulaire de recherche avancée. Les
dossiers documentaires sont composés de textes (html et .pdf), de
photographies et d'enregistrements de témoignages oraux.
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Le soin apporté à la page d'accueil et au mode
de navigation est souvent déterminant pour un portail patrimoine, et
plus généralement un site web. Ce rapide survol de quelques sites
internet actuels, qui valorisent des patrimoines régionaux sonores et
audiovisuels, m'amène à formuler quelques remarques sur la forme
et sur les modes de navigation à favoriser :
- Règle des trois clics : pas plus de trois clics,
à partir de la page principale, sur des
hyperliens pour accéder aux informations d'un site.
- Possibilité de revenir à tout moment au menu
principal par un lien tout le temps visible à l'écran.
- La portail « Patrimoine audiovisuel du
Puy-de-Dôme » sera un site du Conseil général, mais
inutile de rappeler le nom de l'institution porteuse. Le nom du projet doit
être bien visible et bien référencé sur les
principaux moteurs de recherche type Google (et présence du nom
du projet dans l'URL, si possible) : les internautes viennent chercher une
information sur le patrimoine audiovisuel du Puy-de-Dôme, et pas une
information sur une institution en particulier.
- Un logo vite reconnaissable peut être efficace sur le
long terme.
- Sous-titre indispensable, afin de préciser la nature du
patrimoine valorisé, ainsi que l'aire géographique et culturelle
concernée.
- Un court texte (pas plus de 50 mots) décrivant la
démarche dès la première page apparaît comme
utile.
- Une image centrale, assez grande, présentant le projet
en cours, le dernier dossier thématique mis en ligne.
- Une carte affichée dès la première page
n'est pas systématiquement utilisée, mais permet de donner une
information géographique immédiate, et une recherche rapide, sur
le critère de la localisation, peut démarrer d'une carte du
département. Cette carte peut être en lien avec une extension
nomade, type QR-Code géolocalisés.
- Un lien visible, dès la première page, vers le
fonds patrimoine de la base de données de la photothèque, doit
être disponible, afin d'accéder rapidement à la
donnée « brute ».
- Un aperçu rapide des différents supports et
thèmes proposés doit également apparaître
avec, en première page, le thème d'actualité
ou le dernier dossier virtuel édité.
- Présence de l'espace participatif dès la
première : appel à collecte sur un thème
particulier, appel à informations sur un documents
non-identifiable, etc.
Enfin, l'expérience montre que les structures qui
valorisent leurs contenus par internet, notamment lorsque ce sont des contenus
organisés -rubriques, interactivité avec les utilisateurs,
expositions virtuelles, etc.- ont besoin d'un chargé
d'éditorialisation : un chargé de collecte ou un documentaliste
(qui peut être la même personne dans une petite structure) ne
peuvent pas assurer ces tâches, qui impliquent un travail à
plein-temps.
3 - La valorisation « nomade » : l'exemple des
QR-codes.
Certaines solutions innovantes ont été
développées à partir des nouvelles technologies de la
téléphonie mobile et des codes-barres 2D, aussi nommés
« tags », « flash codes », « mobiles tags » ou
« QR codes ».
Le code-barre 2D est un code-barre à deux dimensions,
ou code matriciel, c'est-à-dire un pictogramme constitué de
modules noirs disposés dans un carré sur fond blanc. En pratique,
ce pictogramme représente graphiquement un URL36 : un URL
peut être saisi dans la barre d'adresses d'un navigateur internet, afin
d'accéder à un contenu de types HTML, images,
36 Le sigle « URL » désigne en
anglais l'expression Uniform Resource Locator, littéralement en
français
« Localisateur Uniforme de Ressource » : il est
aujourd'hui plus connue sour le terme d'« adresse web ». Il s'agit
d'une chaîne de caractères normalisés (
http://www. ... .....) utilisée pour
« adresser les ressources » du World Wide Web (le « WWW
» précédant toute adresse internet dans le monde, et
signifiant « Toile d'Araignée Mondiale »). Le Journal
officiel du 16 mars 1999 a traduit le sigle URL par « adresse
réticulaire » ou « adresse universelle ».
vidéos ou sons numériques, courrier
électronique, etc. De même, toute traduction graphique d'un URL
peut être décodée, depuis quelques années, par un
téléphone mobile nouvelle génération de type «
Smartphone »37, équipé d'un logiciel, souvent
gratuit, permettant la lecture de ce type de code.
Ainsi, ces codes-barres 2D peuvent être associés
à des contenus multimédia culturels interactifs, de types
textuel, photographique, sonore ou vidéo, par le biais d'une connexion
internet, et directement accessibles sur un téléphone mobile. Le
procédé consiste à « flasher » un code barre 2D,
installé à proximité d'un lieu culturel identifié,
avec un téléphone mobile de type « Smartphone », qui
est préalablement équipé d'un lecteur de codes-barres 2D,
téléchargeable gratuitement sur la plate-forme du mobile en
question. Le code barre est en quelque sorte lié à un site web
mobile, au sein duquel sont hébergés des contenus
multimédia organisés.
L'un des premières expériences connues en terme
de valorisation par QR-Codes du patrimoine, a été celle
réalisée de la commune de Barbâtre, sur l'île de
Noirmoutier, mise en
place au printemps 2010. L'association vendéenne
Ethnodoc et l'entreprise nantaise Iréalitéont
mis en place un concept nommé « Balis'âge », qui
consiste en la valorisation de quinze
sites de la commune directement par ses habitants, par le
biais de différents contenus multimédia. Des panneaux arborant
des codes barres 2D sont disponibles sur ces différents sites, et
donnent accès, via un Smartphone et une connexion internet, à des
contenus multimédia divers et variés : un programme sonore de
chansons, de contes et de légendes, des entretiens filmés de
différents acteurs de la commune, dont certains perpétuent de
vieilles
37 Le « smartphone », ou «
téléphone intelligent », est un assistant numérique
personnel, fournissant, outre la fonction de téléphone, celles
d'agenda, de calendrier, de navigateur internet, de messagerie
électronique
instantanée, de système de positionnement
géographique par satellites (ou GPS), de lecteur MP3 et vidéo,
etc.
pratiques culturelles, des textes concis ainsi que la
possibilité de géolocaliser les quinze sites de la commune par le
biais d'une application de type « Google Earth ». Enfin, ces contenus
et clips documentaires sont disponibles sur le site internet de la commune de
Barbâtre (
http://www.barbatre.fr/tourisme/animations/balisages)
et l'intégralité des entretiens menés pour la
réalisation de ces clips est conservée au centre de documentation
d'Ethnodoc et en partie consultable sur leur base de données en ligne
baptisée RADdO (
http://www.raddoethnodoc.com).
Photos 24 et 25 : à gauche, QR-Code «
flashé » par un téléphone portable
équipé d'une application adéquate ; à droite,
connexion au contenu correspondant au QR-Code. Photo O. Meunier (avril
2012).
Ce procédé met à disposition des
visiteurs, sur leur lieu de visite, des témoignages filmés ou
enregistrés vocalement qui en expliquent l'histoire et les
évolutions, des extraits de films ou de vieilles photographies montrant
l'apparence de ce lieu plusieurs années auparavant, etc. Il s'agit d'une
extension d'assistance culturelle à la visite in situ, qui
utilise un support de communication de plus en plus utilisé (68,5
millions de clients mobiles en France en 2011, selon les chiffres de
l'Arcep38), et un taux de pénétration de l'internet
mobile qui devrait augmenter considérablement en France et en Europe (de
11% aujourd'hui, à 40% en 201439). Le QR-Code, parmi d'autres
extensions nomades qui verront le jour ces prochaines années, semblent
ouvrir des possibilités intéressantes pour transmettre le
patrimoine audiovisuel.
38 Arcep : Autorité de Régulation des
Communications Electroniques et des Postes. Source :
http://www.01net.com/editorial/556958/68-5-millions-de-clients-mobiles-en-france-pour-762-milliards-desms/
39 Selon les chiffres du Journal du Net ; source :
http://www.journaldunet.com/cc/05_mobile/mobile_internet_fr.shtml
Conclusion générale
Au terme de ce parcours, j'entrevois l'immense richesse d'une
mission départementale du patrimoine audiovisuel dans le
Puy-de-Dôme. Les documents d'archive audiovisuels constituent, au
même titre que les archives papier, les églises romanes, les
vestiges galloromains, les ouvrages classiques de la littérature et de
la philosophie, etc., des matériaux précieux pour comprendre
notre monde et cet étrange animal qu'est l'homme. Pourtant, ces
documents - bobines, bandes-sons, cassettes vidéo- restent les grands
oubliés des greniers et placards de nombreuses maisons du
Puy-de-Dôme, et, déjà, nous le savons, de nombreux
trésors sont perdus à jamais.
J'ai acquis la certitude, à l'occasion de nos
différentes visites, que le Conseil général du
Puyde-Dôme possède toutes les compétences et une base saine
pour mettre en place une mission du « patrimoine audiovisuel » : une
équipe formée aux enquêtes de terrain et à la
valorisation des contenus (la cellule Patrimoine et Ethnologie), dont les
responsables ont une très grande connaissance de l'Auvergne. Une autre
équipe rompue à la conservation et au traitement documentaire de
l'image fixe (la photothèque départementale), qui travaille sur
une base de données à présent apte à gérer
de l'image animée et du son, et au sein d'une institution qui assure la
qualité et la pérennité (juridique et documentaire) de la
conservation (physique et numérique) des documents.
Cela dit, le patrimoine audiovisuel fait appel à des
matériels sophistiqués et évoluant très rapidement
(nécessitant donc des remplacements réguliers), et à un
personnel qualifié, aux compétences multiples. Une équipe
complète et cohérente de conservation et de valorisation du
patrimoine audiovisuel se compose a minima de cinq personnes, aux
tâches bien définies : d'un(e) responsable (rompu(e) à
l'ingénierie de projets et aux problèmes juridiques), d'un(e)
assistant(e) administratif (ou plusieurs), d'un(e)
documentaliste-chargé(e) de collecte (ou plusieurs), d'un(e)
technicien(ne) audiovisuel-chargé(e) de numérisation (ou
plusieurs), et d'un(e) chargé(e) de valorisation et
d'éditorialisation internet (ou plusieurs, qui peuvent diversifier les
modes de valorisation). La constitution d'une équipe complète et
d'un matériel performant nécessite donc, dans les
premières années de construction du projet, un soutien politique
fort et un engagement financier qui peut être soutenu par des aides
européennes.
Si le patrimoine audiovisuel ne bénéficie pas
aujourd'hui d'une véritable légitimité académique,
quelques organismes, tels que ceux présentés dans ce
mémoire, et d'autres plus ou moins prestigieux, ont acquis des
savoir-faire inestimables en matière de conservation et de traitement
documentaire des archives audiovisuelles, et ont exploré de multiples
façons de les valoriser. Certains ont constitué des
réseaux, tel que « Inédits - films amateurs/mémoire
d'Europe », afin de mettre en place des espaces d'échanges et de
promotions. Il est possible aujourd'hui de se rapprocher de ces
communautés de pensée et de pratiques, afin de s'en inspirer et
de participer à cette émulation.
Cette longue période de réflexion et
d'expérimentations a été féconde en rencontres et
en possibilités de partenariats. Les liens avec les responsables
associatifs des Ancizes, suite aux projets Fadas du viaduc et 100
ans d'école laïque aux Ancizes-Comps, se sont affermis : le
film sur le centenaire de l'école devrait être projeté au
cinéma « La Viouze » des Ancizes, et des contacts sont
déjà pris avec des cinéastes-amateurs, qui ont
filmé dans les Combrailles, et en Auvergne en général,
durant ces cinquante dernières années. Par ailleurs, un projet de
films d'entretiens est en cours de réalisation, en partenariat avec le
Musée départemental de la Céramique, à Lezoux, pour
sa prochaine exposition annuelle. De nombreux contacts ont été
aussi pris avec des organismes régionaux du cinéma et de
l'audiovisuel, détenteurs de collections ou organisateurs
d'événements, comme l'Institut du travail social d'Auvergne, qui
met en place le festival du film documentaire de Clermont-Ferrand « Traces
de vie » : peutêtre, demain, y aura-t-il une séance «
mémoire audiovisuelle » lors de cette manifestation ?
Enfin, je terminerai en écrivant ceci, plus personnel :
on dit d'une thèse de doctorat que c'est une ascèse pour celui
qui la rédige. Or, je dois bien reconnaître que le travail
nécessaire à la rédaction de ce mémoire a
été mon ascèse, mon « expérience
intérieure » à moi, toute proportion gardée, et que
j'ai le sentiment d'en sortir différent, peut-être plus mature,
parce que confronté sur une longue période à mes
contradictions, à mes angoisses, à mes faiblesses ; en bref : aux
limites de mes possibles. Je suis en plus ému et heureux de l'avoir
mené à son terme, et, quelque soient les qualités et les
défauts qui seront reconnus à ce mémoire, j'espère
que les lecteurs auront ressenti entre les lignes, en plus d'une
compétence naître, un homme se réjouir et grandir.
Bibliographie/webographie non-exhaustives
Barbe, Noël et Tornatore, Jean-Louis, introduction au
séminaire « L'instauration du patrimoine ethnologique. Projet
scientifique, catégorie d'actions publiques et instrument de
gouvernementalité : retour sur une expérience
française», LAHIC/Institut Interdisciplinaire d'Anthropologie du
Contemporain/CNRS, 2010/2011 [en ligne]. (
http://pciich.hypotheses.org/685).
Bortolotto, Chiara, Le patrimoine culturel
immatériel. Enjeux d'une nouvelle catégorie, Paris,
Éditions de la Maison des Sciences de l'homme, Cahier « Ethnologie
de la France » n°26, 2011.
Boyer, Pierre, Initiation au cinéma d'amateur,
Paris, Le Livre de poche, 1975.
Cuche, Denys, La notion de culture dans les sciences
sociales, Paris, Editions La Découverte (3e éd.),
2004.
Davallon, Jean, Le don du patrimoine. Une approche
communicationnelle de la patrimonialisation, Paris, Lavoisier, collection
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Descamps, Florence, L'historien, l'archiviste et le
magnétophone. De la constitution de la source orale à son
exploitation, Paris, Comité pour l'histoire économique et
financière, Ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie, 2005 (2e ed.).
Donnat, Olivier, Les pratiques culturelles des
Français à l'ère numérique. Enquête
2008, Paris, éditions La Découverte/Ministère de la
Culture et de la Communication, 2009.
Edmondson, Ray, Une philosophie de l'archivistique
audiovisuelle, Paris, Unesco, 1998.
Guyot, Jacques et Rolland, Thierry, Les Archives
audiovisuelles. Histoire, culture, politique, Paris, Armand Colin,
collection « cinéma/arts visuels », 2011.
Guyot, Jacques, Les Techniques audiovisuelles, Paris,
Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je ? »,
1997.
Kofler, Birgit, Questions juridiques relatives aux archives
audiovisuelles, Paris, Unesco, 1991.
Tornatore, Jean-Louis, « La difficile politisation du
patrimoine ethnologique », in revue Terrain n°42,
Homme/femme (mars 2004).
Valière, Michel, Ethnographie de la France. Histoire
et enjeux contemporains des approches du patrimoine ethnologique, Paris,
Armand Colin, 2002.
Waresquiel, Emmanuel de (sous la dir.), Dictionnaire des
politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, éditions
Larousse/CNRS, 2001.
Weber, Florence, Guide de l'enquête en sciences
sociales, Paris, La Découverte, 2009.
Organismes internationaux en Europe :
Fédération International des Archives du Film :
www.fiafnet.org
Association Européenne Inédits - Films
amateurs/Mémoire d'Europe :
www.aeinedits.org
Organismes nationaux en France :
Institut National de l'Audiovisuel :
www.ina.fr
Cinémathèque française :
www.cinematheque.fr
Archives françaises du film :
www.cnc-aff.fr
Fédération des Cinémathèques Archives
de Films de France :
fcaff.123asso.com Institut
National du Patrimoine/Archimages :
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Bibliothèque Nationale de France/département de
l'audiovisuel :
http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/dpts/s.departement_audiovisuel.html?
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Association française des détenteurs de documents
audiovisuels et sonores : http://afas.revues.org/
Organismes régionaux et départementaux en France
et à Monaco :
Forum des Images de Paris :
www.forumdesimages.net/fr
Cinémathèque euro-régionale/Institut
Jean-Vigo :
www.inst-jeanvigo.eu
Cinémathèque de Bretagne :
www.cinematheque-bretagne.fr
Cinémathèque de Corse :
www.casadilume.com
Pôle image Haute Normandie :
www.poleimagehn.com
Cinémathèque de Toulouse :
www.lacinemathequedetoulouse.com
Cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain :
http://www.letelepherique.org
Centre Image Lorraine :
http://www.imagesdelorraine.org
Cinémathèque de Saint-Etienne :
www.bm-st-etienne.fr
Cinémémoire :
www.cinememoire.net/default.php
Archives audiovisuelles de Monaco :
http://www.monacochannel.mc/Chaines/ArchivesAudiovisuelles-de-Monaco
Pôle Patrimoine de Ciclic :
http://memoire.ciclic.fr
Archives départementales du cantal (consultation archives
audiovisuelles) :
http://archives.cantal.fr/?id=recherche_thematique
Phonothèque de la Maison méditerranéenne des
Sciences de l'Homme : http://phonotheque.mmsh.univ-aix.fr/
Mémoire vivante en Picardie :
http://memoirevivante.picardie.fr
Dastum (patrimoine oral de Bretagne) :
http://www.dastum.net/
Maison du Patrimoine oral de Bourgogne :
http://www.mpo-bourgogne.org/ Institut occitan (patrimoine sonore et
festif d'Aquitaine) : http://www.in-oc.org/ ;
http://www.sondaqui.com
Centre de documentation du patrimoine culturel immatériel
:
http://ethnodoc.free.fr Agence
des Musiques des Territoires d'Auvergne : http://lafeuilleamta.fr/
Centre régional des musiques traditionnelles en Limousin
: http://www.crmtl.fr/ Centre d'oralité de la langue d'oc :
http://www.coloc-asso.com/
La Parole sarthoise :
http://www.fonds-sonores-archives.sarthe.com
Annexes (10 pages)
Annexe 1 : organigramme de la Direction
Générale de l'Aménagement et du Développement
(DGAD) du Conseil général du Puy-de-Dôme - 1 page
Annexe 2 : organigramme de la Direction de la Culture, des
Sports et des Territoires (DCST), au sein de la DGAD - 1 page
Annexe 3 : organigramme du Pôle Culture et
Territoires, au sein de la DCST - 1 page Annexe 4 : note administrative
adressée à Mr Roland Blanchet, datée du 20 octobre 2011,
relative aux nouvelles orientations de la mission « Patrimoine et
Ethnologie » - 3 pages Annexe 5 : gabarits des films argentiques 8
mm, Super 8, 9,5 mm, 16 mm et 35 mm (document du pôle Patrimoine de
Centre Images) - 1 page
Annexe 6 : contrat-type de demande d'autorisation
d'utilisation de l'image d'un témoin en vue de la réalisation
d'une oeuvre audiovisuelle - 1 page
Annexe 7 : contrat-type de prise en charge provisoire de
documents audiovisuels - 1 page Annexe 8 : contrat-type de cession de
droits d'utilisation de documents audiovisuels - 1 page
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