CONCLUSION
La microfinance constitue aujourd'hui un instrument non moins
négligeable dans la démarche de réduction de la
pauvreté dans les pays en développement. En fonction de ses
performances dans d'autres pays, il a été question ici de savoir
pourquoi au Bénin et particulièrement dans les zones rurales
comme la commune d'Adjarra, les résultats de la microfinance sont encore
peu significatifs face à la croissance de la pauvreté
monétaire en dépit des efforts manifeste d'accessibilité
aux crédits déployés par le Gouvernement depuis 2006. Se
fondant sur la théorie de « l'embeddedness » de Polanyi,
c'est-à-dire du fait économique « prise au filet » par
des réalités socioculturelles et anthropologiques, deux
hypothèses explicatives ont été émises et se sont
révélées vérifiées aux termes des
investigations et des analyses. D'une part, il s'est agit du fait que certaines
réalités socioculturelles et anthropologiques liées
à la maternité (baptême traditionnel,
détermination de l'ancêtre incarné dans le
nouveau-né, ses signes du fâ...), et au veuvage (long
rituel de deuil et de séparation de l'âme du défunt avec
son épouse) constituent des freins au développement des
activités économiques entreprises par les femmes
bénéficiaires de microcrédits dans la commune d'Adjarra.
D'autre part, il a été aussi vérifié que l'approche
d'économie de marché associé à la
solidaritégroupe adoptée par le programme de microcrédits
aux plus pauvres est encore incompatible au système de
société paysanne et traditionnelle de la commune rurale
d'Adjarra. Ce système socio-économique est fortement
dominé par des pratiques de l'économie de subsistance entretenu
par des liens évidents de la parenté, la polygamie et des
exigences de statut de chef de ménage porté par la
majorité des bénéficiaires. Ce qui maintient la
majorité des bénéficiaires dans un cycle permanent
d'endettement et d'appauvrissement continu. Ces réalités
endogènes et traditionnelles constituent des limites au
développement des « capabilités » des
femmes rurales en termes de leur insertion dans un système
d'économie de marché. La principale connaissance théorique
à laquelle le présent travail de recherche a conduit est que la
pauvreté monétaire galopante en milieu rural béninois est
due à la rencontre hétérogène des dynamiques
rationnelles du système économique marchand avec les
rationalités du système d'économie de subsistance dans les
zones rurales dominées par des réalités
socio-anthropologiques locales. En termes de perspectives pratiques
découlant de cette étude, on peut retenir la recherche de
l'harmonisation continue des stratégies de réduction de la
pauvreté avec les réalités endogènes et les
attentes des populations dans les programmes et projets de
développement. La présente analyse des limites de la microfinance
face à la pauvreté est un champ de recherche difficile mais qui
pourra permettre l'amélioration des pratiques interventionnistes et
contribuer à modérer les positions excessives de certains
décideurs. Certes, la microfinance est capable de réduire la
pauvreté, tout en faisant preuve de rentabilité. Mais comment
aboutir à la croissance de richesse dans des sociétés
africaines majoritairement non capitalistes avec des méthodes et
processus de l'économie formaliste fondée sur la
monétarisation excessive de l'échange et du profit ? Face
à une forte tendance à la mondialisation de l'économie
aujourd'hui, il est évident que la microfinance peut conduire au
meilleur comme au pire. L'essentiel c'est de pouvoir identifier quelles
stratégies mènent à tel ou tel scénario surtout
dans les sociétés africaines en développement car, comme
le souligne le paysan sénégalais Mamadou
Cissokho « pour que le développement soit local, il
faut que la force du développement soit locale. Le système actuel
donateurs-récepteurs n'est pas éternel. Pour que nous soyons
indépendants, il nous faut un moyen puissant de financement,
d'organisation et de gestion rigoureuse»[44].
[44]Fernand V.,(1987), Manuel de gestion
pratique des associations de développement rural du tiers monde.
Tome II, l'Harmattan, Paris
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