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Microfinance et problématique de réduction de la pauvreté au Bénin: expérience des femmes du programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres(mcpp) dans la commune rurale d'Adjarra

( Télécharger le fichier original )
par Dègnon Benjamin GOGAN
Université d'Abomey-Calavi - Diplôme d'études approfondies en socio-anthropologie du développement 2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI

***************

FACULTE DES LETTRES ARTS ET SCIENCES HUMAINES

***************

ECOLE DOCTORALE PLURIDISCIPLINAIRE

« Espaces, Cultures et Développement »

****************

FILIERE : Sociologie-Anthropologie

SPECIALITE : Sociologie du Développement

MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES
(DEA)
SUJET

MICROFINANCE ET PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA
PAUVRETE AU BENIN :
Expérience des femmes du programme de Micro Crédits aux Plus
Pauvres(MCPP) dans la commune rurale d'Adjarra

Réalisé et soutenu publiquement par :

Benjamin D. GOGAN

Le 31 Mai 2012 à Cotonou

Sous la direction de

Albert NOUHOUAYI

Professeur Emérite des universités CAMES

Avec la collaboration de

Adolphe KPATCHAVI

Maître-assistant des universités CAMES

Mention Très Bien

Année académique 2010 - 2011

SOMMAIRE

INTRODUCTION .11

PREMIERE PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA PAUVRETE.....................14

DEUXIEME PARTIE : REVUE DE LITTERATURE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE

RECHERCHE............................................................................................ ..38

TROISIEME PARTIE : MICROCREDITS AUX PLUS PAUVRES ET MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE

D'ADJARRA ............................................................................................ ....59

QUATRIEME PARTIE: INFLUENCES DES REALITES SOCIOCULTURELLES ET ECONOMIQUES SUR

LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA............................................. 81

CONCLUSION 112

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 114

TABLE DES MATIERES ..125

A toi mon fils bien aiméKpèjesuton Amniel GOGAN

REMERCIEMENTS

Le présent travail de recherche ne saurait être une réalité sans le concours de certaines personnes et personnalités pour lesquelles je tiens à témoigner ici toute ma gratitude. Il s'agit :

du Professeur Albert NOUHOUAYI, Professeur Emérite de Philosophie et Sociologie des universités du CAMES ; merci pour avoir accepté de diriger ce travail malgré vos multiples occupations ;

du Docteur Adolphe KPATCHAVI, Maître-assistant des universités CAMES ; merci pour avoir accepté sacrifier de votre temps pour le suivi et les orientations scientifiques nécessaires ;

du Professeur Albert TINGBE-AZALOU, Maître de Conférences des universités du CAMES ; merci pour vos conseils ;

du Professeur Gauthier BIAOU, Maître de Conférences des universités du CAMES ; merci pour tous vos conseils ;

de Monsieur Léopold GOGAN, Secrétaire Général du ministère du Commerce et de l'Industrie ; merci pour vos conseils et soutiens ; de Madame Réckya MADOUGOU, Ministre de la Microfinance, de l'Emploi des Jeunes et des Femmes, merci pour votre accueil et les orientations dans les structures de votre département ;

de Monsieur Komi KOUTCHE, Directeur Général du Fond National de la Microfinance(FNM) ; merci pour votre accueil et orientation ; de Monsieur Issifou SANNI, Directeur des opérations au FNM ; merci pour votre accueil, facilitation et orientations vers les IMF partenaires stratégiques du FNM ;

de tous les responsables et agents de la CCEC et de l'ASMAB; merci pour n'avoir ménagé aucun effort pour me faciliter les enquêtes de terrain

de toutes les femmes bénéficiaires de microcrédits aux plus pauvres de la commune d'Adjarra

SIGLES ET ACRONYMES

AGeFIB : Agence de Financement des Initiatives de Base AGR : Activités Génératrices de Revenus

ASMAB : Association de Solidarité des Marchés du Bénin

CAMES : Conseil Africain et Malgache de l'Enseignement Supérieur CAPE : Cellule d'Analyse de Politique Economique

CAVECA : Caisses Villageoises d'Epargnes et de Crédits Autogérés CBDD : Centre Béninois de Développement Durable

CEC : Caisses d'Epargne et de Crédit

CCEC : Coopérative Chrétienne d'Epargne et de Crédit

CERISE : Comité d'Echange et de Réflexions sur les Systèmes d'Epargne-crédit

CLCAM : Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel

CREP : Caisses Rurales d'Epargne et de Prêt

CRM : Centre de Recherche sur la Mondialisation

CVEC : Caisses Villageoises d'Epargnes et de Crédits

DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies

DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

DSCRP : Document de Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté

EBC : Enquête Budget Consommation

ECVR : Etudes sur les Conditions de Vie des ménages Ruraux EMICOV: Enquête Modulaire Intégrées sur les Conditions de Vie des ménages

FECECAM : Fédération des Caisses d'Epargne et de Crédit Agricole Mutuel

FINCA : Fondation Internationale pour l'Assistance Communautaire FNM : Fonds National de Microfinance

GRET : Groupe de Recherche et d'Echanges Technologiques IMF : Institution de Micro Finance

INSAE : Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique IRAM : Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes de développement

K-REP : Programme d'Entreprise Rurale du Kenya

MCA : Millenium Challenge Account

MCPP : Micro Crédits aux Plus Pauvres

MDR: Ministère du Développement Rural

MISD : Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité et de la Décentralisation ONG: Organisation Non Gouvernementale

PADME : Projet d'Appui au Développement des Micro Entreprises PADSA : Programme d'Appui au Développement du Secteur Agricole PAPME : Projet d'Appui aux Petites et Moyennes Entreprises

PISEA : Programme d'Insertion des Sans Emplois dans l'Agriculture PAGER : Projet d'Activités Génératrices de Revenus

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PARMEC : Projet d'Appui à la Réglementation sur les Mutuels d'Epargne et de Crédit

PAE : Plan d'Action Environnemental

PRODECOM : Programme de Démarrage des Commune

RGPH 3: Recensement Général de la Population et de l'Habitation 3 SPA : Seuil de Pauvreté Alimentaire

SPNA : Seuil de Pauvreté Non Alimentaire

SPG : Seuil de Pauvreté Globale

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine

UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour la Science, l'Education et la Culture

USAID: United State Agency of International Development

LISTE DES TABLEAUX Pages

Tableau I: Evolution des indices de pauvreté entre 2002 et 2006 43
Tableau II:Répartition des bénéficiaires selon la taille de leur ménage.85 Tableau III : Données comparées de l'expérience des femmes

en gestion de groupe solidaire . ..92
TableauIV:Répartition des bénéficiaires selon les secteurs d'activités.93 Tableau V : Répartition des bénéficiaires ayant subi des pressions de

remboursement 96
Tableau VI : Répartition des bénéficiaires selon la pratique de la

tontine ......98
Tableau VII: Répartition des bénéficiaires selon leur opinion du montant

du crédit .. 100
TableauVIII : Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur les échéances de remboursement du crédit et la procédure de mise en

place et de recouvrement 101
Tableau IX: Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur la nature

du programme ..102

LISTE DES GRAPHIQUES

GraphiqueI: Répartition des femmes selon leur statut dans le ménage.83 Graphique II Types de ménage des bénéficiaires .. ........ 84
Graphique III : Répartition des bénéficiaires selon l'influence des rites de

la maternité sur leurs activités .....87
Graphique IV: Répartition des bénéficiaires selon la fréquence de

maternité entre 2006 et2011 87
Graphique V : Répartition des bénéficiaires selon l'influence du veuvage

sur leurs activités .88
GraphiqueVI : Répartition des bénéficiaires selon l'influence de

la parenté sur leurs activités ..... 90
Graphique VII : Répartition des femmes selon la tenue régulière de

la comptabilité de leurs activités économiques ..... 94

Graphique VIII: Répartition des femmes selon la pratique de la fongibilité

du crédit dans les dépenses du ménage 94

Graphique IX : Respect des délais de remboursement crédit 95

GraphiqueX : Répartition des femmes selon les sources

de remboursement du crédit 97

RESUME

La pauvreté est un phénomène de société caractérisé par des privations diverses. L'objectif fondamental de la présente recherche est d'élucider le paradoxe de la croissance de ce phénomène au niveau des femmes rurales béninoises et celles de la commune d'Adjarra en particulier malgré les efforts de micro financement des activités génératrices de revenues. A travers l'expérience des femmes bénéficiaires de microcrédits aux plus pauvres(MCPP) dans la commune d'Adjarra, la présente étude a tenté d'identifier les causes de ce paradoxe et d'analyser l'approche économique du programme MCPP dans la société traditionnelle et rurale d'Adjarra. L'échantillon d'étude a été tiré à double degré. Un premier degré de portée géographique a retenu trois des quatre arrondissements à forte ruralité sur les six que compte la commune. Le second degré de type aléatoire simple et probabiliste par quota a été tiré au hasard parmi les bénéficiaires identifiées selon deux catégories. Il y a la catégorie de la grande masse des bénéficiaires en difficulté (97,5%) et la catégorie témoin de l'infime minorité (2,5%) qui s'efforce pour émerger selon les principes du programme. Les résultats ont révélé d'une part que ce sont les obligations des rites socioculturels liés à la maternité et au veuvage qui limitent surtout la rentabilité économique des femmes en dehors de leur statut de chef de ménage et du système social de la commune dominé par la parenté et la polygamie. D'autre part l'analyse de l'approche innovante du programme MCPP a révélé que c'est la rencontre hétérogène de l'approche d'économie de marché du programme avec le système d'économie de subsistance dans la localité qui hypothèque les efforts consentis. Ce qui soulève encore d'autres interrogations sur la réduction de la pauvreté dans les sociétés traditionnelles et rurales comme celles du Bénin face à la mondialisation de l'économie de marché.

Mots dles : microfinance, Pauvreté, économie de marché, économie de subsistance, rites socioculturels

ABSTRACT

Poverty is a societal phenomenon characterized by various hardships. To limit its disasters especially on women in developing countries such as Benin, several strategies have been implemented by States. Among these strategies, microfinance wins a good place today particularly in Benin, where access to microcredit has been widespread since 2006 through a comprehensive national program. However, poverty is paradoxically increasing especially the monetary one in rural areas of the country. Through the experience of Adjarra women, this research sought to identify the causes of this paradox in the district of Adjarra. The study sample was drawn at two levels. A first degree of geographic reach has retained three of the four rural districts with a high of six in the commune. The second degree type simple random and probabilistic quota is the beneficiaries identified in two categories. There is the category of the great mass of beneficiaries in difficulty (97.5%) and category witnessed the tiny minority (2.5%) who tries to emerge according to the principles of the program. The results showed firstly that it is the socio-anthropological rituals related to motherhood and widowhood, which severely limits the economic viability of women including their status as head of household and social system dominated by kinship and polygamy. Second meeting of the heterogeneous approach to market economy program with the system of subsistence economy in the locality negates the efforts put in. This raises other questions today on the global political economy facing the issue of poverty reduction in rural and traditional societies as in Benin.

Keywords: poverty, microfinance, market economy, subsistence economy, socio-cultural rituals

INTRODUCTION

Au cours de ces dernières décennies, l'évolution des inégalités sociales dans le monde a accentué le niveau de paupérisation des populations surtout dans les pays en développement. La croissance macro-économique ne suffit plus pour contenir le flot des personnes vulnérables qui augmentent d'année en année. Les problèmes quotidiens auxquels ces personnes sont confrontées de nos jours, s'articulent souvent autour de l'insécurité alimentaire, de l'accès difficile aux soins de santé, à l'eau potable, à l'éducation, à l'instruction et à l'énergie. Autrement dit, la satisfaction des besoins fondamentaux est devenue le calvaire journalier et le souci permanent des populations victimes de la pauvreté extrême. Dès lors, une grande question s'est posée et s'est imposée aux gouvernements des pays en développement et aux agences de coopération. Il s'agit de comment comprendre et définir de manière opérationnelle, ce phénomène de pauvreté qui menace les populations tous les jours afin d'y trouver une réponse et des stratégies adéquates de lutte. C'est ainsi que l'on est arrivé à cerner le phénomène de pauvreté comme étant l'état où se trouve toute personne qui, d'une part, dispose d'un revenu très faible par rapport au reste de la population et qui, d'autre part, reste privée d'un véritable accès aux services de base nécessaires pour vivre (santé, logement, éducation); (UNESCO,1997). En d'autres termes, l'état de pauvreté est « une situation illustrant une insuffisance des ressources matérielles (manque d'argent) et des conditions de vie (logement, équipements, participation à la vie sociale et économique, etc.), ne permettant pas à des individus de vivre quotidiennement de façon digne selon les droits légitimes et vitaux de la personne humaine » (Coulibaly, 2007). Face à cette situation, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé en 2000 la Déclaration du Millénaire en proposant un programme global pour éradiquer la pauvreté dans le monde. Ce programme, dénommé

«Objectifs du Millénaire pour le Développement » comporte huit points dont le premier est de réduire l'extrême pauvreté et la faim à l'horizon 2015. « Il s'agira de réduire de moitié la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour, ainsi que celle souffrant de la faim après 50 ans de lutte contre la pauvreté avec des efforts mitigés pour un échec retentissant» (Jules Dufour, 2011)[1].

Il urge alors de mettre sur pied des politiques efficaces d'allègement de la pauvreté qui puisse entraîner une augmentation durable des revenus de ces segments de population appelés "pauvres" en leur facilitant l'accès aux crédits afin qu'ils puissent développer des activités économiques à la base et en jouir convenablement.

Cependant, la grande difficulté liée à la nature même des personnes concernées, est que les banques n'accordent pas de crédits à des "gens peu solvables" incapables de satisfaire aux exigences classiques de garanties conditionnant tout prêt bancaire ; d'où le recours au système de crédit propre aux pauvres appelé "microfinance". La microfinance qui constitue aujourd'hui une arme de lutte contre la pauvreté est officialisée au Bénin depuis 1990 par la loi N° 90-018 du 27 Juillet 1990 portant réglementation de la profession bancaire. Cette loi a été ensuite renforcée en 1997 par la loi PARMEC de l'UEMOA ; la loi N°97-027 du 08 Août 1997 portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de crédit au sein de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Mais, depuis que les institutions de microfinance (IMF) déploient leur potentiel au Benin, à côté des autres stratégies du gouvernement pour endiguer le phénomène de pauvreté, les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes au regard des nombreuses études réalisées sur l'état de la pauvreté au Bénin[2]. Les manifestations du phénomène sont plus poignantes dans les zones rurales du pays

où les femmes

[1] Jules Dufour est Professeur, chercheur associé au Centre de Recherche sur la Mondialisation au canada [2]Voir le sous chapitre sur l'état de la pauvreté au Bénin dans la revue de littérature p 39

constituent la grande masse des populations les plus touchées.

Ainsi, dans la perspective d'élucider ce paradoxe des limites des politiques de réduction de la pauvreté en milieu rural béninois et celui de la microfinance en l'occurrence, avons-nous choisi de consacrer les travaux de la présente recherche liés au processus d'obtention du diplôme d'études approfondies(DEA) en sociologie du développement à l' étude de « la microfinance dans la problématique de réduction de la pauvreté rurale au Bénin : expériences des femmes du programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres (MCPP)dans la commune rurale d'Adjarra ».

Le présent mémoire qui résume les travaux de ladite recherche est structuré en quatre grandes parties. La première partie présente la problématique de réduction de la pauvreté au Bénin et dans la commune d'Adjarra. La seconde partie expose le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres(MCPP) et une synthèse monographique de la commune. La troisième partie présente la revue de littérature et la démarche méthodologique de recherche adoptée. Enfin, la quatrième partie fait état des influences socioculturelles et économiques sur les micro-crédits dans la commune d'Adjarra.

Première partie

LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA

PAUVRETE

CHAPITRE I: LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

1.1- Le microcrédit entre pauvreté et production de richesse

Le Bénin est un pays en développement qui a connu une crise économique sans précédent au cours des années 80. Depuis lors, les Gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays ont initié plusieurs programmes pour combattre la pauvreté engendrée par la crise. Le pays a connu d'abord la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel qui ont contribué au rétablissement des équilibres macroéconomiques et à l'amélioration des finances publiques jusqu'en 2000. Ensuite, il y a eu la mise en oeuvre de 2001 à 2006 de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté(SRP) élaboré dans la vision des perspectives à long terme <( Bénin Alafia 2025 ». En dépit de tous ces efforts, la pauvreté surtout monétaire n'a pas connu un recul très considérable jusqu'en 2006. Elle s'est plutôt aggravée avec un indice global allant de 28,5% en 2002 à 37,4% en 2006 (EMICOV, INSAE 2007).

En 2010, l'incidence de cette pauvreté en milieu rural est de 61,5% contre 34,1% en milieu urbain selon le rapport du PNUD sur l'évaluation de la situation d'évolution des Objectifs du Millénaire pour le Développement(OMD) au Bénin (PNUD, 2010). Dans ces conditions, les couches sociales les plus exposées sont surtout les femmes et les enfants. La pauvreté au Bénin a donc un <( visage féminin » avec 80% des femmes plus pauvres qui se retrouvent dans les zones rurales et péri urbaines du pays(INSAE/MCA 2008).

Certes, des efforts sont consentis dans le pays depuis le début des années 90 pour réduire significativement la pauvreté féminine grâce au développement de plusieurs institutions de microfinance et des projets à volet microfinance afin de permettre aux femmes béninoises et celles rurales en particulier d'accéder aux petits crédits pour mener des activités génératrices de revenus.

Dans l'optique de l'atteinte des OMD, le Gouvernement béninois à travers sa Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté(SCRP) et ses Orientations Stratégiques pour le Développement(OSD), a renforcé ses politiques de lutte contre la pauvreté en généralisant le microfinancement des activités génératrices de revenus depuis 2006. Cette mesure vise à faciliter davantage l'accès des plus pauvres aux crédits sans autres formes de garantie matérielle autre que la caution solidaire afin de donner un coup d'accélérateur au développement de l'économie locale.

Pourtant, la pauvreté surtout monétaire ne cesse de galoper. Il s'est instauré dans les zones rurales une sorte de ce que l'anthropologue Oscar Lewis [3] appelle « culture de la pauvreté »[4]. La

moitié des départements du Bénin est sévèrement touchée. De plus, iifaut souligner le caractère très préoccupant du niveau des indicateurs de

pauvreté dans certaines communes où près de 9 personnes sur 10 sont victimes de la pauvreté extrême (PNUD 2010).

Dans la commune rurale d'Adjarra, la situation n'est pas également reluisante. Sur les 6656 bénéficiaires ayant débuté le programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres(MCPP) à Adjarra, seulement 167 (soit un pourcentage de 2,5%) sont parvenus à la porte de la troisième phase du programme après quatre années d'activités (Bilan/FNM 2010). Or, c'est la phase qui représente l'étape conduisant à l'autonomisation financière [5] et à la sortie de l'extrême pauvreté. En d'autres termes, 97,5% des bénéficiaires du programme dans cette zone de couverture du programme s'enlisent davantage dans la pauvreté monétaire avec des micros dettes. La microfinance s'étant déjà révélée comme une arme de lutte efficace contre la pauvreté dans des pays comme l'Indonésie, la Bolivie, la Tanzanie, le

[3] Oscar Lewis (1914-1970) est un anthropologue américain. On lui doit le concept de culture de la pauvreté

[4] Voir définition du concept de pauvreté dans la suite du mémoire, pp 26 - 28

[5]

Voir le sous chapitre `'mode opératoire du programme MCPP» dans la suite du mémoire ; pp 63-64

Kenya, ....et surtout le Bangladesh avec la banque Gramen, la question fondamentale qui se pose dans le contexte béninois et particulièrement dans les zones rurales du pays comme celles de la commune d'Adjarra est de savoir pourquoi malgré le déploiement des efforts de réduction de la pauvreté par les microcrédits, la pauvreté monétaire s'accroit paradoxalement au niveau des femmes rurales.

Certes, d'autres recherches antérieures se sont déjà intéressées à des questionnements similaires sur la microfinance. Autrement dit `'la recherche s'est impliquée dans la microfinance dès le milieu des années 1980 à l'Ohio State University, autour des professeurs Adams, Gonzales-Vega et Graham. (...). Mais les travaux se sont orientés vers les facteurs de pérennité des institutions pratiquant la microfinance. Ceux-ci étaient appréhendés à partir de critères dits« de performance », un ensemble d'indicateurs quantitatifs et surtout financiers, représentant la « bonne » situation de l'institution» [6]. Cependant, malgré le résultat des `'success stories»[7], des observations in situ montrent encore que la microfinance présente des limites issues de son environnement socioéconomique et institutionnel. Celles-ci restreignent ses capacités d'extension et la possibilité que la microfinance offre des opportunités de participer au développement économique de sa zone d'intervention. Ces contraintes amènent à s'interroger sur la validité d'une politique d'intervention libellée en termes de « lutte contre la pauvreté ».

En d'autres termes, ces différentes études ne se sont pas focalisées sur des aspects anthropo-économiques de la microfinance en tant qu'outil de réduction de la pauvreté non seulement au Bénin mais spécifiquement dans la commune d'Adjarra après sa généralisation dans le pays à travers le programme de Microcrédit aux Plus Pauvres(MCPP).

[6] DJEFAL S. (2004) Les ressorts de la microfinance : entre marché et solidarité. Impact et pérennité des systèmes financiers décentralisés. Etude de cas en Afrique de l'Quest (1980-2000) ; Thèse de doctorat, UNIVERSITE LUMIERE LYON 2

[7]

Les `'success stories» sont des expériences réussies de la microfinance

C'est ce qui justifie d'ailleurs l'originalité de la présente recherche qui permettra de mettre aux jours des résultats scientifiques pouvant servir d'éléments d'appréciation de cette stratégie de lutte contre la pauvreté en milieu rural béninois et en particulier dans la commune d'Adjarra. Dans cette optique, deux hypothèses explicatives ont été émises tout en situant les microcrédits dans un contexte innovant de stratégie de développement.

1.2- Les hypothèses de recherche

Les hypothèses de recherche émises sont les suivantes : Première hypothèse : Les réalités socioculturelles liées à la femme rurale représentent des freins majeurs au développement des activités économiques des bénéficiaires du programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune d'Adjarra.

Deuxième hypothèse : L'approche d'économie de marché du programme de microcrédits aux plus pauvres n'est pas compatible au système d'économie de subsistance de la société traditionnelle et rurale d'Adjarra.

Ces hypothèses ont ensuite induit la fixation des objectifs de recherche suivants

1. 3- Les objectifs de la recherche

Les objectifs de la présente recherche sont de deux ordres. D'une part, Il y a un objectif général ; et d'autre part, deux objectifs spécifiques.

1.3.1- Objectif général de la recherche

Elucider le paradoxe de la croissance de la pauvreté monétaire au
niveau des femmes rurales au Bénin

1.3.2-Objectifs spécifiques

Identifier les réalités socioculturelles qui pèsent sur les activités

économiques des bénéficiaires du programme de microcrédits aux
plus pauvres dans la commune rurale d'Adjarra

 

Analyser l'approche économique du programme de microcrédits
aux plus pauvres dans l'environnement social traditionnel de la
commune rurale d'Adjarra

1.4- Justification du choix du sujet et du champ d'étude

La microfinance est une stratégie récente de lutte contre la pauvreté. Le choix porté sur ce sujet en tant que stratégie de développement dans les milieux ruraux du Bénin résulte principalement de l'engouement populaire que le phénomène suscite ces dernières années dans le pays. Or la pauvreté qu'elle est censé réduire sévit encore paradoxalement dans de nombreuses zones rurales du pays.

Par contre, le choix porté sur la commune d'Adjarra comme champ d'étude fait suite à nos expériences de recherche menée sur le même sujet dans la commune en 2002. C'était une étude de « l'impact de la microfinance sur la pauvreté dans la commune d'Adjarra ». L'une des principales conclusions de cette recherche était la rareté des crédits qui ne permettait pas aux femmes d'entreprendre une activité génératrice de revenus. Aujourd'hui l'Etat a rendu le crédit beaucoup plus accessible dans la localité. Pourtant la pauvreté ne recule pas. Il s'est alors avéré opportun pour nous aujourd'hui de poursuivre les travaux et de chercher à comprendre davantage les nouvelles réalités qui entretiennent l'appauvrissement des femmes dans la localité.

CHAPITRE II : CHAMP SCIENTIFIQUE ET FONDEMENT THEORIQUE

DE LA RECHERCHE

2.1- Champ scientifique de la recherche

Le présent travail de recherche qui est une étude de cas liée à un programme de développement, s'inscrit dans le champ scientifique de l'anthropologie de développement socio-économique. Il s'agit de l'étude scientifique de l'influence des réalités socioculturelles sur le développement des activités économiques dans un espace social traditionnel relativement réduit.

2.2- Fondement théorique de la recherche

Dans la littérature scientifique, nous nous sommes basé sur la synthèse des théories développées par des anthropologues comme Jean Pierre olivier de Sardan, Karl Polanyi, Marcel Mauss et Maurice Godelier.

En effet, Pour Olivier de Sardan(1995),« les processus et phénomènes sociaux associés à ce qu'on appelle, en référence aux pays du Sud, développement, politiques de développement, opérations de développement, dispositifs de développement, projets de développement, constituent un domaine de recherche à part entière pour l'anthropologie et la sociologie ».

« La socio-anthropologie est l'étude empirique multidimensionnelle de groupes sociaux contemporains et de leurs interactions, dans une perspective diachronique, et combinant l'analyse des pratiques et celle des représentations. La socio-anthropologie ainsi conçue se distingue de la sociologie quantitativiste à base d'enquêtes lourdes par questionnaires comme de l'ethnologie patrimonialiste focalisée sur l'informateur privilégié (de préférence grand initié). La socioanthropologie fusionne les traditions de la sociologie de terrain (école de Chicago) et de l'anthropologie de terrain (ethnographie) pour tenter une analyse intensive des dynamiques de

reproduction/transformation d'ensembles sociaux de nature
diverses, prenant en compte les comportements des acteurs,
comme les significations qu'ils accordent à leurs comportements
».
Par ailleurs, le « développement », dans une perspective
fondamentalement méthodologique, est « l'ensemble des processus
sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d'un
milieu social, entreprises par le biais d'institutions ou d'acteurs extérieurs
à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une
tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs. Le
(( développement » n'est qu'une des formes du changement social et ne
peut être appréhendé isolément. L'analyse des actions de
développement et des réactions populaires à ces actions ne peut être
disjointe de l'étude des dynamiques locales, des processus endogènes,
ou des processus « informels » de changement. De même, la socio-
anthropologie du développement est indissociable de la socio-
anthropologie du changement social. Le développement en effet fait
intervenir de multiples acteurs sociaux, du côté des « groupes cibles »
comme du côté des institutions de développement. Leurs statuts
professionnels, leurs normes d'action, leurs compétences, leurs
ressources cognitives et symboliques, leurs stratégies diffèrent
considérablement. Le développement « sur le terrain », c'est la
résultante de ces multiples interactions, qu'aucun modèle économique
en laboratoire ne peut prévoir, mais dont la socio-anthropologie peut
tenter de décrire et interpréter les modalités. Cela implique un savoir-
faire qui ne s'improvise pas. La confrontation de logiques sociales
variées autour des projets de développement constitue un
phénomène social complexe, que les économistes, les agronomes
ou les « décideurs » ont tendance à ignorer
. Face aux écarts répétés
entre les conduites prévues et les conduites réelles, face aux dérives
que toute opération de développement subit du fait des réactions des

groupes-cibles, les « développeurs » tendent à recourir à de pseudonotions sociologiques ou anthropologiques qui relèvent plus de clichés et de stéréotypes que d'outils analytiques. (...)

Aussi l'analyse des pratiques sociales effectives dans un projet de développement mettra-t-elle l'accent sur le décalage inévitable, entre les divers « intérêts » et les « rationalités » qui régissent les agissements des opérateurs de développement, et les divers « intérêts » et « rationalités » qui règlent les réactions des populations concernées.

La socio-anthropologie du développement ne peut se décomposer en sous-disciplines : la transversalité de ses objets est indispensable à sa visée comparatiste. Une socio-anthropologie du changement social et du développement est à la fois une anthropologie politique, une sociologie des organisations, une anthropologie économique, une sociologie des réseaux, une anthropologie des représentations et systèmes de sens.

L'anthropologie du changement social et du développement se situe largement dans l'héritage de Polanyi en ce que celui-ci a particulièrement insisté sur la notion de l' « embeddedness », c'est à dire sur l' « enchâssement » de l'économie dans la vie sociale en général ».

En effet, très distingués notamment avec son ouvrage The Great Transformation( La Grande Transformation, 1944), Karl Polanyi décrit les rouages économiques des sociétés industrielles, depuis les prémices des révolutions industrielles anglo-saxonnes, en réaction au courant de l'école classique (Adam Smith, David Ricardo, Jean-Baptiste Say, ...). Polanyi renouvelle l'approche économique par une réflexion qui sera qualifiée de substantiviste, où il prône l'encastrement de l'économie dans la société.

C'est surtout dans la troisième partie du livre collectif Trade and market(1957) que transparait « la notion d'économie encastrée

(embedded, enmeshed, littéralement « prise au filet ») dans la structure sociale. L'anthropologie économique est alors définie comme une économie générale dont la science économique constituerait un département ; avec la typologie de l'intégration économique autour du don, de la redistribution, et de l'échange généralisé ou du marché gouverné par la formation de prix et qui prétend recouvrir la diversité des formes des économies à la surface du globe, dans le temps et l'espace. Par opposition à la définition de la science économique qualifiée de formelle et fondée sur la rareté et le choix entre des moyens alternatifs, les auteurs fondent l'anthropologie économique sur une définition de l'économie qu'ils appellent substantive ». Le don et la redistribution qui sont des réalités socioculturelles et anthropologiques ne sauraient donc être dissociés du système économique que Polanyi qualifie de substantive.

Or, la notion de <( don » fait appel à Marcel Mauss considéré comme l'un des pères de l'anthropologie qui n'a jamais publié d'ouvrage de synthèse de sa pensée mais plutôt un grand nombre d'articles dans différentes revues, en particulier dans la revue <( L'Année Sociologique ». Il est surtout connu pour un certain nombre de grandes théories, notamment celle du don et du contre-don à travers son Essai sur le don( 1925). Mauss s'est intéressé à la signification sociale du don dans les sociétés tribales. Le don <( oblige » celui qui reçoit et qui ne peut se libérer que par un <( contre-don ». Pour Mauss, le don est essentiel dans la société humaine et comporte trois phases : l'obligation de donner, l'obligation de recevoir et l'obligation de rendre. S'il prend les sociétés <( primitives » comme terrain d'étude, c'est moins parce que le primitif serait toujours aussi le simple et l'originel, que parce qu'il est difficile de rencontrer ailleurs une pratique du don et du contre-don <( plus nette, plus complète, plus consciente » c'est-à-dire comme un <( fait social total ».

En d'autres termes l'anthropologie économique américaine sous la houlette de Georges Dalton, a montré que la conception formaliste de l'économie c'est-à-dire de l'économie politique n'est pas recevable ailleurs que dans les sociétés capitalistes. En réaction, s'est développée une conception «substantiviste » de l'économie qui la définit comme l'ensemble des faits de production, de distribution et de consommation en les intégrant aux « facteurs extra-économiques » que la conception formaliste pensait nécessaire d'isoler. Le progrès a consisté à envisager tout phénomène de développement économique comme « fait social total » selon la notion de Mauss.

L'anthropologie de développement socio-économique se fonde alors sur la théorie substantiviste appropriée à la compréhension des réalités économiques des pays en développement, des sociétés paysannes récentes ou contemporaines parce que la vie sociale a une « substance » homogène où les aspects que nous appellerions économiques sont indissociables de tous les autres aspects. Dans ces sociétés, le choix et la quantité du travail fourni n'ont pas principalement et toujours pour but de réaliser un gain. Or pour les formalistes, les catégories et les lois de la science économique ont une valeur universelle, quel que soit le type de société. Partout, le problème économique consiste, pour l'homme confronté à une situation de rareté, à chercher par un calcul rationnel comment maximiser ses gains et minimiser ses pertes. Le but essentiel de toute activité économique serait de satisfaire des besoins au moindre coût, donc de faire un profit et de créer, si possible, des « surplus » propres à satisfaire d'autres besoins.

En somme, sur les questions de développement Maurice Godelier, l'un des pionniers de l'anthropologie économique en France résume dans son ouvrage Rationalité et irrationalité en Économie publié en 1966 que « substantivistes, marxistes et structuralistes

s'accordent à ne voir dans la notion d' « obstacles au développement » qu'une rationalisation intéressée des divergences entre la rationalité économique, supposée universelle, et les « rationalités sociales » particulières des sociétés et des cultures ». Par exemple dans `'l'énigme du don», Godelier(1997) affirme que « Dans une économie de marché, le crédit est d'abord utilisé pour le financement des entreprises et l'emprunt est utilisé dans des activités productives qui permettront de faire du profit et de rembourser le prêt et la charge d'intérêts. Ce n'est pas le cas chez les Kwakiutl [8]. De plus, dans une économie de marché, c'est le débiteur qui prend toujours l'initiative de la dette, alors que dans le potlatch [9], c'est le créditeur qui fait le premier pas en forçant son rival à accepter les dons. Et surtout, le principal motif du potlatch est la recherche du prestige honorifique, du statut politique et non l'accumulation de richesse matérielle ». Le fondement rationnel des obligations de don observées dans le potlatch se trouvent ainsi bien ancré dans des rapports sociaux.

[8] Kwakiutl : Populations de pêcheurs-chasseurs-collecteurs des côtes du xixe siècle du Pacifique depuis l'État de Washington jusqu'à l'Alaska

[9]

Le potlatch chez les populations de pêcheurs-chasseurs-collecteurs des côtes(Kwakiutl) du xixe siècle du Pacifique est « un rassemblement d'individus cérémonieusement et souvent personnellement invité pour être témoins de la démonstration de prérogatives familiales » selon Barnett H. G. (1938), The Nature of the Potlatch, in Amer. Anthrop., no 40

CHAPITRE III : CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Pour mieux faciliter la compréhension du sujet et permettre aux lecteurs d'avoir une vision claire et précise des contours de ce travail, il s'est agi ici de définir de façon approfondie les concepts majeurs autour desquels gravite l'essentiel du mémoire. Ces concepts sont essentiellement la pauvreté et la microfinance. En dehors de ces concepts, il y a également des termes comme économie de marché, économie de subsistance et société traditionnelle dont les indicateurs sont ici identifiés et contextualités.

3.1 - La pauvreté

La compréhension approfondie du concept de pauvreté aborde ici sa définition et ses dimensions.

3. 1 .1- Définition de la pauvreté

Etymologiquement, le terme « pauvre » vient du latin pauper et du grec pénes (pauvre) et penia (pauvreté) qui sont des vocables de même famille que peina (faim) et d'une façon lointaine ponos (douleur) et poiné (châtiment, peine). Le mot «pauvreté » se traduit en grec par aporia (absence de chemin, difficulté dans laquelle se trouve le pauvre).

Au sens absolu, la pauvreté représente une situation de privation des moyens de couverture des besoins primaires des membres d'un ménage. Elle est souvent mesurée par un niveau de revenu ou de dépense individuelle. La pauvreté désigne également l'incapacité d'acquérir une ration alimentaire équilibrée apportant une énergie quotidienne supérieure à 2400 calories par équivalent adulte, assortie d'une incapacité à couvrir correctement les autres besoins non alimentaires. Du point de vue quantitatif, on parle de la notion du seuil de la pauvreté nécessaire à la survie.

Souvent, la pauvreté est liée à la notion d'exclusion. Les individus appartenant aux ménages les plus pauvres sont les plus menacés par

l'exclusion dans la mesure où ils ne bénéficient pas des services de base comme l'éducation, la santé, le logement, etc. Pauvreté et exclusion forment donc ce que Amartya Sen appelle « cercle vicieux » qu'il faut rompre pour rentrer dans le « cercle vertueux » en développant les « capabilités » des pauvres.[10]

La pauvreté est un phénomène de société à dimension multiple dont la complexité amène certains auteurs et certaines institutions à la définir de plusieurs manières.

Selon le Professeur Albert Tévoèdjrè par exemple, la pauvreté constitue paradoxalement la « richesse des peuples ».[11]

Or, l'anthropologue Oscar Lewis, lui, définit la pauvreté dans une perspective de culture du concept en parlant d' « un ensemble de normes et d'attitudes ayant pour effet d'enfermer les individus dans ce qui, à l'origine formé en réaction à des circonstances extérieures défavorables, perpétue en se transmettant de génération en génération l'état de pauvreté quelle que soit l'évolution des circonstances».[12]

3.1.2- Les dimensions possibles de la pauvreté

S'agissant des dimensions de la pauvreté, Serge Paugam[13] distingue trois formes de pauvreté :

La pauvreté intégrée qui décrit la situation de pays ou de régions économiquement en retard. La pauvreté y est depuis longtemps largement répandue et les pauvres ne sont pas stigmatisés. Ils bénéficient de la solidarité familiale ou de la socialisation par une pratique religieuse qui reste intense. L'économie informelle est particulièrement développée dans ces pays. C'est une pauvreté sans

[10]Amartya Sen, (1993),Éthique et économie, PUF.

[11]Tevoedjre A. (1978) la pauvreté richesse des peuples, EDITIONS OUVRIERES, Paris

[12]Oscar Lewis, (1966),The Culture of Poverty », Scientific American 215, Repris par Nicolas Duvoux, dans sons article « Repenser la culture de la pauvreté. », La Vie des idées, 5 octobre 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Repenser-la-culture-de-la-pauvrete.htm

[13] Paugam S. (2005), Les Formes élémentaires de la pauvreté, PUF, Paris

exclusion (ou, plus exactement, l'exclusion suit sa dynamique propre indépendamment de la pauvreté).

· La pauvreté marginale correspond à la pauvreté d'une petite partie de la population au sein d'une société prospère. Ces pauvres, considérés comme des « cas sociaux » inadaptés au monde moderne sont fortement stigmatisés.

· La pauvreté disqualifiante concerne les sociétés postindustrielles touchées par des difficultés économiques. Les pauvres sont considérés à travers l'image de la chute ou de la déchéance. L'angoisse du chômage et de l'exclusion touche une grande partie de la société.

Par contre, le système des Nations Unies considère le concept sous deux dimensions essentielles dans la perspective du paradigme du Développement Humain. Il s'agit de la dimension monétaire (argent) et de la dimension humaine ou non monétaire (accès limité à l'instruction, aux soins de santé, à l'eau potable, à l'énergie, au téléphone, au logement décent). Cependant il faut noter que de nos jours, il y a une troisième dimension de la pauvreté dite subjective. Elle est la perception que les personnes concernées ont de leur propre état dans leur environnement habituel de vie.

Notre étude aborde évidemment ces différentes dimensions de la pauvreté mais elle s'est davantage focalisée sur la pauvreté monétaire et ses implications immédiates au niveau des femmes rurales dans la mesure où elle est en corrélation directe avec la microfinance qui n'est d'ailleurs pas la seule et unique stratégie de lutte contre la pauvreté sous ses différentes formes. Du point de vue monétaire et selon la banque mondiale, le pauvre est celui qui vit en dessous de moins d'un dollars par jour. Dans le contexte béninois et dans la commune rurale d'Adjarra selon les indicateurs de l'INSAE, le plus pauvre est celui qui vit en

dessous du seuil de 132.728 f cfa par an soit moins de 370 f par jour.(EMICoV, 2009)

3.2 - La Microfinance

La microfinance est composée de < micro » qui vient du Grec < mikros » signifiant < petit » et de < finance » qui émane du vieux français < finer » signifiant < payer » ou tout simplement procurer des fonds a une entreprise. Au Bénin, on distingue deux formes de microfinance : la microfinance formelle et la microfinance informelle.

La microfinance formelle est pratiquée par des institutions structurées dont les activités sont officiellement reconnues par l'Etat. Ce sont des institutions comme le PADME, Vital Finance, l'AGeFIB, le réseau FECECAM,...qui octroient généralement des crédits allant de 20.000 à 5.000.000 francs CFA.

La microfinance informelle, selon Michel Lelart(2006) est l'ensemble des < pratiques d'épargne et de crédit qui ne sont pas obligées de respecter un cadre ou un schéma fixé. Les relations entre le débiteur et le créancier reposent sur la confiance, elles sont personnelles, non seulement parce que les partenaires se connaissent, mais parce qu'ils font affaire comme ils l'entendent. Et si on a souvent l'impression que les uns et les autres procèdent de la même façon, ils décident toujours tout eux-mêmes, au moindre détail près ».

La microfinance informelle se pratique au Bénin surtout au sein des organisations tontinières et par des "banquiers" ambulants. Les organisations tontinières sont des groupes de personnes qui se réunissent sur la base d'une relation contractuelle et d'une adhésion individuelle et volontaire. Les fonds de crédit sont souvent rassemblés, programmés et octroyés périodiquement aux bénéficiaires suivant un système rotatoire. La taille des crédits dépend du nombre des membres du groupe de tontine et de la part individuelle. Le taux d'intérêt au

remboursement est variable et relatif à chaque groupe de personne ou groupement. Les "banquiers" ambulants sont des travailleurs indépendants qui se déplacent à l'intérieur des marchés, des villages et des quartiers pour effectuer des opérations de dépôts et de petits crédits.

Ainsi, la microfinance se résume t-elle au fait d'octroyer de crédits aux petites et moyennes entreprises en vue de développer des activités génératrices de revenus. En d'autres termes, la microfinance désigne l'ensemble des nouvelles techniques et mécanismes de financement spécifiques permettant aux pauvres d'avoir accès aux marchés financiers c'est-à-dire à la monnaie sans caution matérielle ni garanties souvent exigées par le système bancaire classique.

Dans le cadre de la présente recherche, l'attention a été focalisée sur le service formel de microcrédits offert aux plus pauvres de la commune d'Adjarra par le Fonds National de Microfinance(FNM) à travers le programme gouvernemental de Micro Crédits aux Plus Pauvres(MCPP).

3.3- L'économie de marché et l'économie de subsistance

L'économie est l'ensemble des activités de production, de circulation, de répartition et de consommation des biens et des services dans une société. C'est à partie de la Renaissance qu'elle s'est détachée de la philosophie en tant que science de l'étude de la création et de la circulation des biens matériels dans la cité pour prendre la dénomination d'économie politique ou économie de marché.

L'économie de marché se fonde en effet sur des principes de croissance de richesse matérielle(le capital) comme la recherche effrénée du profit et du gain dans toute activité de production et de circulation des biens et des services.

Dans la présente étude, les principaux indicateurs de l'économie de marché sont en effet le crédit( capital) à rentabiliser, le respect des délais de remboursement du crédit, la tenue régulière d'une comptabilité fiable de l'activité économique, la séparation du crédit des dépenses du ménage, de la constitution d'épargne personnelle pour le réinvestissement et la diversification des activités entreprises.

Par contre, l'économie de substance ne vise pas la croissance et l'accumulation de richesse matérielle. Le fondement d'une économie de subsistance est la satisfaction des besoins élémentaires et vitaux de l'homme comme se nourrir et se soigner. Dans la présente étude les principaux indicateurs de l'économie de subsistance sont essentiellement la fongibilité du crédit dans les dépenses du ménage, les dons, l'entraide, la solidarité familiale dans les échanges des biens et des services.

3.4- La société traditionnelle et rurale

La société est un ensemble d'individus unis par des institutions, une culture et une civilisation. Elle est dite traditionnelle en référence à l'existence et l'entretien en son sein de plusieurs réalités culturelles qui sont des héritages institutionnelles difficilement immuables. Elle s'oppose à la société dite moderne fortement influencée par le développement de la science, de la technologie, de l'industrie et des échanges économiques à grande échelle. La ruralité est aussi à l'antipode de la modernité mais beaucoup plus centrée sur l'inexistence de l'urbanisation qui se caractérise par le développement de l'habitat, des routes et de l'électricité.

Le traditionnel se réfère aux pratiques humaines ancestrales tandis que le rural repose sur des critères de dégradation très limitée de l'environnement physique naturel par le phénomène de l'urbanisation. Au Bénin comme dans la commune d'Adjarra, la ruralité évoque l'existence de sociétés traditionnelles avec des normes et structures spécifiques.

CHAPITRE IV : HISTORIQUE DE LA MICROFINANCE ET DES POLITIQUES DE

LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

4.1- Historique de la microfinance en Afrique

La microfinance, stratégie de financement des activités économiques des pauvres, est parvenue en Afrique au début des années 80 sous sa forme moderne. Ces premières expérimentations remontent au début des années 1970 au Bangladesh, son pays d'origine, a l'issu des expérimentations de l'économiste Mohammad YUNUS. Par rapport à la situation antérieure qui se caractérisait par l'octroi de crédits subventionnés et effectués le plus souvent par des non spécialistes, la différence tient à l'importance accordée au remboursement, à la fixation d'un taux d'intérêt couvrant le coût de la prestation du crédit et au ciblage de groupes de clients n'ayant le plus souvent pour seule autre source de crédit que le secteur informel.

Mais en réalité, les pratiques de la microfinance en Afrique sont encore plus anciennes, surtout celles qui relèvent de la collecte de la petite épargne. Dans des pays comme le Burkina Faso, le Togo ou le Cameroun par exemple, les premières coopératives d'épargne et de crédit ont vu le jour au cours des années 60[14]. Mieux, selon les travaux du Professeur Hans Dieter Seibel[15] de l'Institut de Sociologie et Centre de Recherche en Développement, de l'Université de Cologne en Allemagne, l'association rotative d'épargne est une institution ancienne qui remonte au moins au XVIe siècle. C'est à cette époque qu'elle est arrivée aux Caraïbes avec les esclaves Yoruba. Le terme « esusu » et la pratique qu'il décrit existent encore aujourd'hui. On parle ainsi de l' « esu » aux Bahamas, du « susu » à Tobago ou encore du « sou » à Trinidad. Chez les Yoruba du Nigeria, aujourd'hui, il est difficile de trouver un adulte qui ne soit pas membre d'au moins un « esusu ».

[14]Ouedraogo A. & Gentil D. (2010), La microfinance en Afrique de l'Ouest : Histoires et innovations ; Editions CiF, editions Karthala

[15]Hans Dieter Seibel, 2006 , De la microfinance informelle au linkage banking : interactions entre théorie et pratique , DE Luxembourg

L'institution existe dans toute l'Afrique de l'Ouest, ainsi que dans de nombreuses autres régions du monde où elle fait partie intégrante des micro-économies locales. Elle s'appelle « arisan » en Indonésie, « paluwagan » aux Philippines, « gameya » en Egypte, « ekub » en Ethiopie, « cuchubal » au Guatemala, etc.

Cependant, aujourd'hui, et en termes d'évolution des pratiques, la microfinance ne se confond plus au terme de microcrédit. Elle désigne les dispositifs permettant d'offrir des crédits de faible montant (microcrédits) à des familles pauvres pour les aider à conduire des activités productives ou génératrices de revenus leur permettant ainsi de développer leurs très petites entreprises.

Avec le temps et le développement de ce secteur particulier de la finance partout dans le monde, y compris dans les pays développés de nos jours, la microfinance s'est élargie pour inclure désormais une gamme de services plus large (crédit, épargne, assurance, transfert d'argent etc.) et une clientèle plus étendue également. Dans ce sens, la microfinance ne se limite plus à l'octroi de microcrédits aux pauvres mais bien à la fourniture d'un ensemble de produits financiers à tous ceux qui sont exclus du système financier classique ou formel.

4.2- Historique des politiques de lutte contre la pauvreté dans le monde et au Bénin

Dans la littérature, les pratiques de lutte contre la pauvreté trouvent leurs origines dans les sociétés mésopotamiennes[16] plusieurs siècles avant le début même de l'ère Chrétienne.

Mais dans la conception chrétienne, la pauvreté est un état de fait qui, dans le cadre d'un monde régi par le divin, ne peut être éliminée. Elle est souvent perçue comme un châtiment et menace l'âme du chrétien de l'oisiveté, mère de tous les vices. La lutte contre la pauvreté passe donc par la remise au travail. Ainsi la pauvreté n'est pas due à un

[16] La Mésopotamie est une région du Moyen-Orient située entre le Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.

dysfonctionnement de la société mais aux individus eux-mêmes.

En France par exemple, l'abbé de Saint-Pierre(1724)[17] est l'un des premiers à réfléchir sous un jour nouveau à cette question. Les XVIIe et XVIIIe siècles apportent sur cette notion un grand bouleversement. La lutte contre la pauvreté est désormais passée de l'identification des causes des inégalités à la recherche de la conciliation de l'utilité et de la philanthropie.

A cet effet, l'abbé de Saint-Pierre préconisa le retour au travail comme moyen principal de la lutte contre la pauvreté et dans le même temps contre un facteur d'entropie sociale. C'est dans cet ordre de pensée qu'avait été mis en place le système de l'hôpital général [18]. C'était une stratégie d'internement forcé des pauvres qui avait pris un essor extraordinaire et qui a affecté très rapidement l'ensemble des Etats européens.

En 1575 en Angleterre, un acte d'Elisabeth I [19] a institué des établissements visant « la punition des vagabonds et le soulagement des pauvres ». Les "Houses of correction" qui auraient dues être présentes dans chaque comté vont laisser la place aux workhouses qui, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, trouveront leur véritable expansion. En Hollande, en Italie, en Espagne, en Allemagne, des lieux d'internement de même nature se sont multipliés.

Mais après un temps, cette politique d'enfermement systématique des pauvres apparaît inhumaine et dangereuse au plan sanitaire. Elle fut contestée par les philosophes des `'lumières» et finalement abandonnée. Une évolution dans la conception de la pauvreté a pris corps. La pauvreté devient l'expression de dysfonctionnements dans la

[17] L'abbé de Saint-Pierre, né le 18 février 1658 à Saint-Pierre-Église (Manche) et mort le 29 avril 1743, Paris, est un écrivain, diplomate et académicien français, précurseur de la philosophie des Lumières.

[18] l'Hôpital Général de Paris n'était pas un établissement médical par destination mais un lieu de renfermement des pauvres. Voulu par des dévots laïcs (la Compagnie du Saint-Sacrement) sous le règne de Louis XIII, il entendait résoudre le problème récurrent de la mendicité et des cours des miracles

[19]

Elisabeth Ire d'Angleterre est l'une des plus célèbres souveraines d'Angleterre. Également nommée (( La reine vierge », (( Gloriana » ou (( Good Queen Bess » par ses partisans, Élisabeth Ire fut reine d'Angleterre, et d'Irlande du 17 novembre 1558 jusqu'à sa mort. Elle parlait l'anglais, le latin, le grec, le français et l'italien

société. Un traitement laïc et social de celle-ci nécessite un questionnement de son origine et induit de nouvelles réponses à partir du moment où le principal facteur de la pauvreté est un facteur économique. Bien que le discours moral ne soit pas absent des débats de l'époque, le principe de la redistribution des richesses et des allocations devient possible et même nécessaire aux nouveaux principes de la République. Les personnes prises en charge sont des gens de catégorie spécifique comme les veuves et les orphelins.

Mais, c'est surtout au milieu du XXe siècle que certains Etats s'engagent dans un programme d'intervention directe et massive, en prenant le contrôle des institutions privées (caisses de retraite, assurances chômage) et en diversifiant les interventions.

A l'échelle mondiale l'Organisation des Nations Unies a mis en place au cours de la seconde moitié du XXème siècle un plan de réduction de la pauvreté au sein de ses Objectifs du millénaire, ratifiés en 2000 par les Etats membres, et qui constitue aujourd'hui une priorité mondiale. Le premier objectif du millénaire se donne deux cibles :

1. « réduire, entre 1990 et 2015, la proportion de personnes dont le revenu est inférieur à un dollar par jour, ce qui concerne plus d'un milliard de personnes. » et

2. « une réduction des populations souffrant de faim entre 1990 et 2015.

Au Bénin, les initiatives gouvernementales de lutte contre la pauvreté se sont beaucoup plus intensifiées vers la fin des années 80 après la crise économique qui a secoué le pays au cours de la décennie 80 - 90. Parmi ces initiatives, on peut citer le programme d'actions sociales d'urgence, la stratégie de la dimension sociale du développement, le minimum social commun, le plan d'orientation national, les stratégies de réduction de la pauvreté et les orientations stratégiques du développement.

Le programme d'actions sociales d'urgence lancé en 1989 était destiné aux groupes sociaux vulnérables ou menacés. Ce programme prévoyait des mesures concrètes, telles que l'intégration au marché du travail d'anciens fonctionnaires «déflatés» sous le Programme d'Ajustement Structurel(PAS) et des jeunes diplômés sans emploi.

La stratégie de la dimension sociale du développement avait pour objectifs (i) le renforcement des politiques macro-économiques et sectorielles par l'intégration de la dimension sociale du développement dans leurs stratégies ; (ii) l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme d'intervention ciblée en faveur des groupes vulnérables sur la base d'une approche participative des populations concernées ; (iii) la recherche et la maîtrise des causes de la pauvreté à travers une observation dynamique des conditions de vie des populations. Cette stratégie qui a pris corps en 1994 était fondée sur les principes de la décentralisation, la subsidiarité, la coordination des donneurs et la hiérarchisation des interventions relatives à la pauvreté.

En 1997, le programme du Minimum Social Commun a été mis en oeuvre à travers une phase pilote dans quelques communes du Bénin. Ce programme était destiné à répondre à cinq besoins essentiels: l'éducation, l'accès aux services de santé, les capacités et activités génératrices de ressources, la sécurité alimentaire et la réhabilitation des routes de campagne.

Le plan d'orientation national 1998-2002 quant à lui, a été conçu dans la perspective d'obtention d'une croissance économique dont le niveau serait à 6,7% en vue de lutter contre la pauvreté par le biais d'une croissance du revenu par tête.

Les Stratégies de Réduction de la Pauvreté(SRP) ont été mises en oeuvre entre 2003 et 2005 avant de devenir Stratégies de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté(SCRP) depuis 2007. Les objectifs fondamentaux de ces stratégies se résument au renforcement des

politiques macro-économiques, à une accélération des réformes structurelles et institutionnelles, à la bonne gouvernance et à la promotion des investissements privés d'une part et à une plus grande priorité accordée aux secteurs sociaux, à travers une allocation plus importante des ressources issues de la croissance et de l'assistance extérieure d'autre part. C'est au coeur de ces SCRP que se trouve aujourd'hui le programme de microcrédits aux plus pauvres qui est l'objet de la présente étude dans la commune rurale d'Adjarra.

Deuxième partie

REVUE DE LITTERATURE ET DEMARCHE

METHODOLOGICUE DE RECHERCHE

CHAPITRE V : ETAT DE LA PAUVRETE ET DE LA MICROFINANCE

Sur la base des études scientifiques récentes, la revue de littérature s'est surtout intéressée ici à l'état de la pauvreté au Bénin et à celui de la microfinance tant au Bénin, en Afrique que dans le monde.

5.1 - La pauvreté au Bénin

Au Bénin, plusieurs études ont été réalisées pour appréhender le phénomène de pauvreté afin d'y développer des stratégies adéquates de lutte. Les premières sont celle de J-P. Lachaud et de M. Tovo.

En effet, dans son étude sur `'la pauvreté au Bénin : éléments d'analyse», Lachaud (1994) a été l'un des pionniers qui a pu établir un profil de pauvreté au Bénin. Cette étude s'est fondée sur des données de l'enquête budget consommation (EBC) de 1986-87. La pauvreté a été assimilée à une situation dans laquelle une ou plusieurs personnes ne peuvent atteindre un niveau de bien-être matériel correspondant à un minimum acceptable. La pauvreté ainsi définie soulève deux questions : un problème d'identification et un problème d'agrégation. Après avoir exposé différentes approches sur le concept du bien-être, Lachaud recommande l'utilisation des dépenses de consommation comme mesure du bien-être. Mieux encore, après l'expérimentation de plusieurs indicateurs, c'est la consommation par tête ajustée qui a été privilégiée comme indicateur permettant une meilleure sélection des individus/ménages pauvres. Ainsi pour établir le profil de pauvreté, Lachaud a- t- il- distingué trois seuils ou lignes de pauvreté à savoir :

1) un seuil équivalant aux deux tiers de la moyenne de la consommation par tête ajustée par équivalent-adulte. Ce seuil était estimé à 53.366 F.CFA par an en 1986 ;

2)

un seuil qui équivaut au tiers de la moyenne de la consommation annuelle par tête ajustée soit 26.683 F.CFA en 1986 qui permet d'analyser l'extrême pauvreté et enfin ;

3) une ligne de pauvreté par rapport aux besoins nutritionnels en référence à un panier de biens représenté par un bien unique qu'est le riz et sur la base d'un besoin journalier de 2.400 Kcal par adulte. Il en sort un seuil de 74.880 F.CFA/an/équivalent-adulte.

Sur la base de ces résultats, Lachaud aboutit à une spatialisation qui identifie le Nord rural ou urbain comme une région très vulnérable en termes de pauvreté, en particulier la pauvreté extrême. La pauvreté affecte plus les campagnes que les villes.

Après Lachaud, c'est Tovo(1995) qui s'est illustré à travers son titre `'Réduire la pauvreté au Bénin». Selon Tovo, le seuil de pauvreté avant la dévaluation est évalué à 39.286 F.CFA sur la base du coût des besoins essentiels. Selon ses estimations, 15% de la population serait en dessous de ce seuil. Tovo présente les interrelations entre la pauvreté et l'état de l'environnement. En faisant référence au Plan d'Action Environnemental (PAE) qui estime le coût économique de la dégradation de l'environnement à 3 voire 5% du PIB, il met l'accent sur la notion de vulnérabilité. Il la définit comme un indicateur de probabilité d'exposition à la pauvreté ou à l'appauvrissement. Il identifie quelques groupes vulnérables à savoir les ménages ayant une femme comme chef de ménage, les personnes âgées, les enfants en situation difficile, les familles de pêcheurs, les ménages d'agriculteurs à faibles moyens de production, les fonctionnaires déflatés et les jeunes diplômés sans emploi. Par rapport à la dévaluation, Tovo affirme que l'après dévaluation a été une période difficile pour le béninois moyen. Des premières informations recueillies par ce dernier, l'incidence de la dévaluation a été forte parmi les citadins pauvres. Les revenus nominaux de ceux travaillant dans le secteur informel semblent avoir diminué en moyenne de 30 à 50%. On s'attend donc que la dévaluation du franc CFA de 50% (en devises étrangères) produise un impact positif important à long terme, dont l'atténuation de la pauvreté.

En un mot, Pour Tovo, au nombre des conditions nécessaires à la mise en oeuvre efficace d'une stratégie de lutte contre la pauvreté au Bénin on peut citer:

- la conception des interventions du bas vers le haut ;

- la participation des populations ;

- le renforcement du pouvoir des communautés ;

- l'allègement des contraintes institutionnelles et juridiques dans

le domaine du régime foncier et de l'égalité entre hommes et femmes;

- le renforcement des mécanismes de surveillance de la pauvreté.

Par ailleurs, Tovo insiste également sur quelques domaines d'intervention comme le secteur productif et la création d'emplois, l'éducation, la démographie, l'eau potable et l'assainissement. L'étude insiste également sur l'importance des interventions ciblées et la décentralisation, ainsi que le renforcement des capacités de la société civile.

Toujours dans la perspective de comprendre davantage les déterminants de la pauvreté, les institutions comme le PNUD, le MDR, et l'INSAE ont réalisé entre 1995-96, et 1999-2000 les premières éditions de l'étude sur les conditions de vie des ménages béninois. Il s'agit des Etudes sur les Conditions de Vie des ménages Ruraux (ECVR). Ces études ont été conduites en milieu rural comme en milieu urbain. Le milieu rural a été stratifié en huit (8) zones agro-écologiques (Zone AE), tandis que le milieu urbain est représenté par les principales villes à savoir, Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey-Bohicon. A partir d'un module dépense il a été possible d'établir un profil de pauvreté monétaire. Ce profil comporte trois seuils de pauvreté à savoir : (i)le seuil de pauvreté alimentaire (SPA) calculé à partir d'un panier de biens alimentaires établi sur la base d'un régime alimentaire et nutritionnel équilibré et un besoin énergétique journalier de 2.400kcal par adulte, (ii) le seuil de pauvreté non alimentaire (SPNA) estimé à partir du rapport

entre les dépenses réelles alimentaires et non alimentaires des ménages et enfin (iii) le seuil de pauvreté global (SPG) qui est la somme des deux précédents.

En milieu rural, le seuil de pauvreté alimentaire était de 38.800 F.CFA. L'incidence de la pauvreté alimentaire est de 17%. L'incidence de la pauvreté globale y est de 33% avec 24% de ménages vulnérables. Par rapport à la saisonnalité, la période la plus critique se situe en septembre-novembre avec une incidence de 24% de ménages pauvres. La corrélation entre la possession ou non d'un actif et le niveau de pauvreté paraît inexistante car les ménages ruraux ont déclaré très peu d'actifs. Le ratio du déficit de dépenses dans le milieu rural est de 31%. Autrement dit les ménages arrivent, en moyenne, à subvenir à 69% de leurs besoins vitaux.

En milieu urbain, le seuil de pauvreté global est estimé à 144.300 Fcfa par an par équivalent-adulte avec une variation sensible d'une ville à l'autre. L'incidence de la pauvreté globale y est de 33% avec 23% de ménages vulnérables. Le lien étroit entre la pauvreté urbaine et l'emploi est mis en exergue par un taux de chômage et un taux de sousemploi relativement plus élevés chez les pauvres (taux de chômage de 5,2% contre 3,8% et taux de sous-emploi de 27,9% contre 23,9%). Sur l'ensemble des quatre villes-échantillons, Cotonou était la plus touchée avec une incidence de la pauvreté globale de 38%. Cotonou est la ville la plus urbanisée du Bénin et le revenu moyen y est le plus élevé (230.228 F.CFA). L'incidence de la pauvreté globale paraît positivement reliée au degré d'urbanisation.

Après les ECVR et dans le souci de bâtir une nouvelle stratégie efficace de réduction de la pauvreté, une enquête d'envergure nationale a été réalisée en 2006. Il s'agit de l'Enquête Modulaire Intégrée sur les Conditions de Vie des ménages(EMICoV). Cette enquête avait pour objectif d'évaluer l'ampleur de la pauvreté, d'identifier ses

caractéristiques ainsi que ses déterminants afin d'affiner les politiques de lutte contre la pauvreté. La pauvreté monétaire analysée selon les indicateurs habituels d'incidence (P0), de profondeur (P1) et de sévérité (P2) se présente comme suit :

Tableau I: Evolution des indices de pauvreté entre 2002 et 2006

 

2002

 
 

2006

 

Milieu de
résidence

Urbain
Rural
Ensemble

P0

P1

P2

P0

P1

P2

23,6

0,107

0,069

27,2

0,11

0,06

 

0,11

0,058

 

0,149

0,075

31,6

40,6

 
 

28,5

0,109

0,062

37,4

0,138

0,071

Source : EMICoV 2006

Cette enquête réalisée entre août et novembre 2006 auprès de 7440 ménages urbains et 10560 ménages ruraux par l'Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique (INSAE) a eu le mérite d'appréhender la pauvreté de 3 manières :

1. la pauvreté monétaire qui dépend du revenu du ménage fixé à un seuil. Les seuils sont calculés en fonction d'une enquête de prix des biens et services disponibles dans chaque commune. Par exemple le seuil de pauvreté à Cotonou est annuellement de 236 330 FCFA / tête, soit 0,99 € par jour et par tête. Dans la commune rurale d'Adjarra il est 132.728 f cfa / tête et par an en 2009

2. la pauvreté non monétaire dépend des conditions de vie et des actifs du ménage ;

3. la pauvreté subjective dépend de la perception d'un ménage sur sa pauvreté. Elle s'explique par deux facteurs à savoir les caractéristiques du ménage (âge et niveau d'instruction du chef de ménage, revenus) et le développement de sa sphère géographique (village, commune, département). Cette troisième dimension laisse penser que le développement des communes fournit un contexte significatif et positif à la lutte contre la pauvreté des individus.

Cette approche multidimensionnelle a l'avantage de couvrir les différents

éléments constitutifs de la pauvreté. Elle permet aussi d'identifier le

noyau dur de la pauvreté.

Enfin, il faut noter qu'en dehors des études pionnières et celles réalisées par des institutions de références ci-dessus indiquées d'autres travaux récents se sont intéressé à l'approche multidimensionnelle de la question. C'est le cas des travaux de Mèdédji et Djossou, (2007) sur `'les différentes facettes de la pauvreté au Bénin». Les résultats de leur étude ont montré l'existence de la pauvreté non monétaire et le faible recoupement entre les différentes formes de pauvreté. Ce qui confirme la nature multidimensionnelle de la pauvreté au Bénin. La caractérisation des populations pauvres suivant ces différentes formes de pauvreté montre par ailleurs des profils aussi différenciés.

5.2- La microfinance au Bénin et dans le monde

Les connaissances scientifiques sur la microfinance dont il s'agit ici ont été tirées de la littérature des études récentes sur la microfinance tant au Bénin, en Afrique que dans le monde.

En effet, au Bénin, une équipe de chercheurs commis par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD-Bénin 2007) a réalisés une étude sur le diagnostic approfondi du secteur de la microfinance au Benin. L'objectif général de l'étude est d'analyser les performances globales du secteur de la microfinance au Bénin avec un accent particulier sur la demande et l'offre des produits et services de microfinance. De façon spécifique il a été question de l'analyse des aspects de l'offre et de la demande de services financiers de même que les contraintes, opportunités et mesures visant à desserrer les contraintes identifiées.

L'analyse de la situation de l'offre s'est intéressé à la typologie des IMF, la couverture géographique, les conditions d'intervention et des performances, les dynamiques de concurrence, les contraintes géographiques et socio-économiques, les stratégies d'interventions, l'application des pratiques optimales, la gouvernance, les systèmes d'information de gestion (SIG), la sécurité physique et financière (assurances et centrales de risques),les potentialités du secteur et conditions de viabilité / pérennité des IMF, les perspectives de développement, d'évolution du secteur et d'intervention des différents acteurs (plans de développement et d'affaires des IMF, programmes du gouvernement et des bailleurs de fonds, modalités de financement...).

L'analyse de la demande s'est orientée vers la demande satisfaite de services et produits d'épargne, de crédit, de micro-assurance et de transfert d'argent et la demande potentielle pour ces produits notamment le type et la nature des besoins exprimés, la répartition de la clientèle par catégories socio-économiques.

Pour ce qui est des défis et des contraintes de la viabilité des IMF opérant dans les zones rurales, l'étude a permis d'identifier les contraintes comme l'enclavement, l'analphabétisme de la population, la faible capacité de mobilisation des ressources, la faiblesse de la production agricole et son caractère aléatoire, les aléas climatiques et calamités naturelles, la faible disponibilité de l'énergie électrique, les problèmes de sécurité, les difficultés d'approvisionnement en carburant et le manque d'infrastructures.

A l'université d'Abomey-Calavi Ingrid Sonya M. ADJOVI (2009) par le biais de son mémoire de maitrise en sociologie, a étudié les interactions entre l'Etat, les organisations de la société civile, les institutions de microfinance et les groupements féminins dans l'économie informelle à Cotonou. Elle a tenté de comprendre la participation de ces divers acteurs sociaux dans l'économie informelle à travers la pratique des activités génératrices de revenus, leur financement et la réglementation. Dans une approche de l'individualisme méthodologique et de l'interactionnisme, les résultats de cette étude ont montré dans leurs globalité que l'économie informelle trouve son explication dans certains facteurs sociaux (la pauvreté, l'analphabétisme et la logique de prédétermination professionnelle), culturels (croyances relatives à l'argent et à la richesse, les croyances liées aux stratégies de vente des produits et la force du verbe) et économiques (faible niveau de revenu et d'épargne), sans isoler la forme de régulation exercée par l'Etat sur les divers acteurs collectifs en présence.

Par ailleurs, Yaya Koloma (2007) décrit les faits marquants du secteur de la microfinance au Mali, son contexte, ses caractéristiques, et son articulation avec les politiques publiques de réduction de la pauvreté et des inégalités, notamment de genre. Les nouvelles orientations du financement du développement ont conduit le Mali à considérer la microfinance comme l'un des outils majeurs des politiques publiques de

lutte contre la pauvreté, en instaurant un cadre réglementaire et une politique nationale de microfinance. Elle toucherait 6,5% de la population totale estimée à 11,6 millions en 2005. Ce taux aurait connu un accroissement de 27,7% entre 2003 et 2005. Sur 1,9 millions de familles maliennes en 2005, la proportion de familles touchées par les services microfinanciers s'élèverait à 38,8%. Les femmes représenteraient 40,3% de la clientèle des institutions de microfinance. Les controverses théoriques et empiriques ont conduit à revoir l'espoir tant suscité de l'efficacité des services de la microfinance en termes de lutte contre la pauvreté et les inégalités de genre. L'étude du cas du Mali, à travers les quelques rares évaluations d'impact qui ont été réalisées, permet de constater que, même si une amélioration certaine des conditions de vie de certains clients ou clientes bénéficiaires des services n'est pas à écarter, une réduction certaine de la pauvreté peut paraître difficile.

D'un autre côté, Isabelle Guérin et Jane Palier (2007) mettent en cause le lien automatique fait entre microfinance et autonomisation des femmes et montrent que cette approche un peu simpliste ne reflète pas la réalité ; car elle n'examine pas les limites de l'outil de développement qu'est la microfinance. Or, Linda Mayoux (2007) se demande si les tendances actuelles à la commercialisation ou au ciblage de la pauvreté affichées dans `Ways Forward for Microfinance' (voies possibles pour la microfinance) lors du récent Sommet de microcrédit sont susceptibles d'améliorer l'impact sur les questions de genre. Mayoux présente des façons d'intégrer l'autonomisation des femmes dans ces deux tendances actuelles mais en précisant qu'il faudra que la microfinance prenne un engagement beaucoup plus clair en faveur de l'égalité des genres.

Par contre, Ranjula Bali Swain (2007) de l'université d'Uppsala aborde les différentes définitions et utilisations du concept d'autonomisation. Forte de sa recherche sur les groupes d'entraide en Inde, elle montre que la formation joue un rôle prépondérant dans

l'autonomisation des femmes. Selon les conclusions de ses travaux, les femmes ne constituent pas un groupe homogène. Elles ont des besoins financiers différents qui varient selon le contexte socioculturel et leur expérience. Elles ne forment pas un groupe marginalisé puisqu'elles ont des relations et des échanges d'expériences avec les hommes à des niveaux divers. C'est plutôt Susan Johnson (2007), de l'Université de Bath qui explique pourquoi il est essentiel que les institutions de microfinance en particulier et le secteur en général, comprennent cet aspect de la question et voient comment l'intégrer aux études d'impact. Susan montre qu'il faut ouvrir la `boîte noire' de l'économie des ménages, comprendre les relations hommes/femmes et les décisions relatives à l'attribution des ressources pour concevoir des services microfinanciers qui permettront aux femmes d'atteindre leurs objectifs.

Tamara Underwood (2007) du Réseau Européen de la Microfinance (REM) quant à elle, a eu le mérite de rendre publics les résultats de son travail de recherche sur les femmes et le microcrédit en Europe occidentale. Elle a examiné les raisons pour lesquelles dans cette région la clientèle de la microfinance est constituée à 39% de femmes. Ces raisons sont, selon Tamara, le manque d'éducation, la formation commerciale insuffisante, le manque d'expérience commerciale, le faible accès à l'information, l'insuffisance de confiance en soi, le revenu bas et l'absence de garantie ou de biens nantis. Par contre Maria Darbringer de l'Université de Vienne (2007) a résumé une étude socio-anthropologique d'un projet de microcrédit en Equateur. Ses travaux ont permis de mieux saisir le comportement des femmes qui tentent de jongler avec leurs nombreuses responsabilités. Elle s'attarde sur la nécessité de ne pas se confiner aux aspects économiques lors de l'évaluation de l'impact des programmes de microfinance pour étudier aussi les relations sociales.

CHAPITRE VI : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE RECHERCHE

« Le chercheur en science sociale suit une démarche analogue à

celle du chercheur du pétrole. Ce n'est pas en forant n'importe où que celui-ci trouvera ce qu'il cherche. Au contraire, le succès d'un programme de recherche pétrolière dépend de la démarche suivie. Le processus est comparable en matière de recherche sociale. Il importe avant tout que le chercheur soit capable de concevoir et de mettre en oeuvre un dispositif d'élucidation du réel, c'est-à-dire, dans son sens plus large, une méthode de travail »[20]. Fort de cette assertion de Quivy et Campenhoudt(1995) après le choix du sujet de recherche, nous avons opté pour une démarche méthodologique spécifique qui a consisté à définir la nature de l'étude, à identifier les techniques et outils d'investigation appropriés, à déterminer la population d'enquête, à dégager un échantillon requis et à mettre en oeuvre des méthodes de collecte et de traitement des données appropriées sans oublier le choix modèle d'analyse.

6.1- Nature de l'étude

Le présent travail de recherche est une étude à la fois qualitative et quantitative.

6.2 -Population d'enquête

La population mère ou population d'enquête concernée par la présente étude est de deux catégories. La première catégorie concerne les femmes bénéficiaires du programme de microcrédits aux plus pauvres(MCPP) qui n'ont pas pu renouveler le premier crédit pour pouvoir poursuivre leurs activités et qui ont même abandonné le processus de portage par phases établies par le programme MCPP.

[20] Campenhoudt V. et Quivy R. (1995) Manuel de recherche en sciences sociales, DUNOD, Paris

Autrement dit, ce sont les bénéficiaires qui n'ont pas pu franchir la première phase. Elles sont les plus nombreuses (97,5% entre 2006 et 2010).

La deuxième catégorie est celle des bénéficiaires qui sont passés du crédit initial des 30.000f de la première phase à la deuxième phase de 50.000f de crédit et sont déjà à la porte de la troisième phase d'autonomisation dans la commune. Les bénéficiaires de cette deuxième catégorie sont au nombre de 167, soit 2,5% des 6656 qui ont démarré leurs activités depuis 2006 dans la commune avec les IMF partenaires stratégiques du Fond National de Microfinance (FNM), l'institution de pilotage national du programme.

6. 3 - Echantillonnage

L'échantillonnage est « l'ensemble des opérations permettant de sélectionner un sous ensemble d'une population en vue de constituer un échantillon ». L'échantillon ici est tiré à double degré.

Le premier degré est de portée géographique (lieu de résidence des femmes plus pauvres). Il concerne trois des quatre arrondissements ruraux sur les six que compte toute la commune. Il s'agit des arrondissements de Malanhoui, d'Aglogbè et de Mèdédjonou.

Le second degré concerne les sujets de recherche. Il est de type aléatoire simple tiré au hasard et par quota des bénéficiaires en fonction de leur résidence dans les trois arrondissements ci-dessus.

Dans la première catégorie, 30 bénéficiaires ont été tirées par arrondissement ; soit un total de 90 bénéficiaires. Le critère de choix dans cette catégorie est qu'il faut avoir reçu le premier crédit, abandonné le processus ou être en difficulté de remboursement.

Dans la deuxième catégorie 10 bénéficiaires ont été tirées par arrondissement ; soit un total de 30 bénéficiaires. Le critère de choix est qu'il faut avoir renouvelé le premier crédit, être au terme de la deuxième

phase sans endettement. Cette deuxième catégorie de bénéficiaires a servi de groupe témoin de comparaison des réalités observées et analysées. La taille de l'échantillon finalement retenu pour les enquêtes de terrain est de 120 bénéficiaires.

6.4 : Méthode, techniques et outils d'investigation

Toute recherche suppose une méthode assortie d'une ou de plusieurs techniques. Selon Grawitz, « la méthode utilise et organise des techniques qui sont concrètes en fonction d'un but(...). L'objectif poursuivi lors d'une recherche détermine le choix des techniques, lesquelles sont liées elles-mêmes à la méthode de travail »[21]. Le présent travail qui a une dimension plus qualitative que quantitative s'est donc inspiré des approches de la Méthode Accélérée de Recherche Participative(MARP). Le MARP est un processus continu d'apprentissage pour une meilleure connaissance des populations locales. C'est une approche anthropique en ce sens qu'elle se base sur les savoirs et les pratiques des populations locales. Les techniques extraites de cette méthode après les analyses documentaires, la préenquête et le pré-test, sont l'observation participante, les entretiens individuels et le focus group.

6.4.1 - L'analyse documentaire

L'analyse documentaire a consisté en la collecte, lecture et exploitation des ouvrages et des publications scientifiques relatifs à la microfinance, à la pauvreté, aux stratégies de réduction de la pauvreté, au développement humain et durable et aux théories de développement économique et socio-anthropologique. Elle a été réalisée grâce à la disponibilité des centres de documentation comme les bibliothèques de l'Université d'Abomey-calavi(UAC), de l'Ecole Nationale d'Economie Appliquée et de Management(ENEAM), de l'Université Africaine du

[21] GRAWITZ M.(2000) , Lexique des sciences sociales, Dalloz, paris ; p424

Développement Coopératif (UADC), de l'Institut Français de Cotonou, du Centre Culturel Américain et Chinois sans oublier l'internet. Cette analyse documentaire a permis d'approfondir et de rendre précis les contours du sujet de recherche pour une bonne orientation des objectifs.

6.4.2- La pré-enquête

La pré-enquête a été également utile à travers des entretiens exploratoires au niveau du Ministère de la microfinance, de l'emploi des jeunes et des femmes, du Fond National de Microfinance(FNM), de la cellule de microfinance et les institutions de microfinance, partenaires stratégiques conduisant le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres(MCPP) dans la commune d'Adjarra notamment la Coopérative Chrétienne d'Epargne et de Crédit(CCEC) et l'Association pour la Solidarité des Marchés du Bénin(ASMAB). Cette pré-enquête a permis de recueillir des informations d'orientation générale et d'identifier le groupe cible constituant la population d'enquête de la recherche de terrain.

6.4.3-Le pré-test

Le pré-test est la technique qui a permis la vérification de la validité du principal outil de collecte des données. Il a consisté à tester le guide d'entretien sur sept (7) bénéficiaires puis traité et corrigé avant le déroulement de l'enquête proprement dite avec la totalité de l'échantillon sélectionné.

6.4.4 - l'observation

L'observation réalisée au cours de cette recherche a été participante. L'observation participante est une technique introduite dans les enquêtes de terrain par Bronislaw Malinowski[22] et John Layard[23] au début du XXe siècle. Elle consiste à étudier une société ou une communauté en partageant son mode de vie, en se faisant accepter par

[22] Bronisaw Kasper Malinowski (né le 7 avril 1884 à Cracovie et mort le 14 mai 1942 à New Haven) est un anthropologue, ethnologue et sociologue anglais d'origine polonaise.

[23]John Willoughby Layard (1891 - 1974) est un psychologue et anthropologue anglais

ses membres et en participant aux activités des groupes et à leurs enjeux. Avec l'observation participante, le chercheur s'immerge pleinement dans la vie sociale où il prend un rôle réel, participe aux rites et aux institutions comme le souligne si bien François Simiand[24] lorsqu'il disait que « Les phénomènes sociaux peuvent être saisis par la voie d'une véritable observation, faite par l'auteur de la recherche, observation immédiate quelquefois, plus souvent d'observations médiates (c'est-à-dire des effets ou traces du phénomène), mais non plus, en tout cas, par la voie indirecte, c'est-à-dire par l'intermédiaire de l'auteur du document »[25]. Cette observation a été possible grâce à la disponibilité des animateurs de terrain des IMF qui gèrent le programme dans la commune. Ils ont été très utiles en nous faisant parcourir les unités d'observation que sont les ménages et les groupes solidaires constitués par le programme dans leur milieu de vie réelle.

6.4.5 - L'entretien semi-directif

Après l'observation participante, l'entretien semi-directif a été utilisé pour la collecte des informations au niveau de chaque bénéficiaire constituant l'échantillon de recherche. L'entretien semi-directif est une interview semi structurée et une technique qualitative qui permet de centrer le discours des personnes interrogées autour de différents thèmes définis au préalable. Il vient compléter et approfondir des domaines de connaissance spécifiques et se déroule très librement à partir d'une question. Au cours de l'entretien l'enquêteur accorde moins d'importance à la standardisation des questions à poser qu'à l'information à recueillir. L'essentiel, c'est qu'au terme du dialogue entre l'enquêteur et l'enquêté, les objectifs définis par les principaux thèmes et questions qui orientent la recherche soient atteints. L'entretien semi-

[24] François Joseph Charles Simiand (1873-1935) est un sociologue, historien et économiste français. Il est considéré comme l'un des fondateurs de l'école sociologique française.

[25]

in Bourdieu Pierre, Chamboredon Jean-Claude, Passeron Jean-Claude, Le Métier de sociologue, Paris : Mouton, collection Les textes sociologiques, 1983 (4e édition)

directif a été utile pour cette étude en ce sens qu'il a permis non seulement d'approfondir l'observation mais surtout pour saisir les réalités de chaque bénéficiaire dans le processus de gestion de crédit et de son activité génératrice de revenus.

6.4.6- Le focus group

Le focus group est un type d'entretien de groupe composé de personnes concernées par une politique de développement ou une intervention. Il est destiné à obtenir des informations relatives à leurs opinions, attitudes et expériences ou encore à expliciter leurs attentes vis-à-vis de cette politique ou de cette intervention. Il s'agit donc d'une technique d'enquête qualitative rapide.

Le focus group présente un grand intérêt pour des recherches liées à des projets ou des programmes, en particulier pour les études de terrain auprès des bénéficiaires et des acteurs intermédiaires. Il permet de comprendre, d'analyser et de décomposer le fondement des opinions exprimées par les participants. Toujours avec l'aide des animateurs de terrain des IMF, les bénéficiaires des deux catégories de l'échantillon ont été rassemblées en groupe de 8 ou 10 voire 12 selon le cas en vue de se prononcer sur les problèmes, solutions et propositions possibles.

L'entretien de groupe fait appel à l'interaction des participants pour enrichir et consolider l'information collectée. Le focus groupe a été utilisé ici surtout pour l'approfondissement des résultats par la méthode de triangulation. Par analogie à la triangulation utilisée en mathématiques, la triangulation des méthodes qualitatives fait référence à l'usage croisé de techniques de recueil de données. Elle permet :

- d'éliminer ou de réduire les biais et d'augmenter la fiabilité et la

validité de l'étude;

- d'améliorer la compréhension d'une étude et, ainsi, de fournir

une richesse qualitative et une meilleure compréhension du phénomène étudié;

- de rassurer les chercheurs quant aux résultats fournis par

l'étude.

6.4.7- Outils de collecte des données

Les principaux outils utilisés pour la collecte des informations sont la grille de lecture, le guide d'observation et le guide d'entretien.

La grille de lecture est un outil qui a permis de faire les analyses documentaires et la synthèse des ouvrages consultés. Il comporte des lignes comme le titre de l'ouvrage, du rapport ou de l'article, la nature de l'ouvrage, le ou les auteurs, l'année de publication, le résumé, les principales idées et citations, le centre de documentation ou le site web.

Le guide d'observation permet de réaliser l'observation sur le terrain. Il a permis de spécifier les réalités à observer telles que l'activité entreprise par les bénéficiaires, les modes de production, d'approvisionnement et de vente des biens produit, l'environnement de travail, le milieu de vie familial, les particularités socioculturelles et anthropologiques importantes.

Le guide d'entretien est un ensemble de directives spécifiées en support à l'entretien (interview) de recherche qualitatif ou semi-directif. Son choix se justifie ici en tant qu'outil principal de collecte de données sur le terrain par deux raisons fondamentales. D'une part il y a le fait que la cible de la recherche est constituée dans sa grande majorité de sujets analphabètes dans la commune rurale d'Adjarra. Il serait alors difficile, voire imprudent de les soumettre au remplissage de questionnaires en langue française. D'autre part, la recherche a une dimension beaucoup plus qualitative. C'est une étude fondamentalement anthropologique.

6.5- Méthode et technique de traitement de données

Les données recueillies ont été traitées manuellement suivant deux méthodes. Il y a la méthode statistique simple (statistique descriptive) et la méthode de l'analyse de contenu.

La méthode de l'analyse de contenu est « un ensemble de technique qui permet d'étudier de manière systématique et rigoureuse le contenu manifeste ou latent d'un document pour en déterminer objectivement les éléments significatifs ». Elle a été réalisée suivant quatre grandes opérations à savoir :

- Lecture des notes d'entretien pour dégager les dissemblances et ressemblances des unités d'enregistrement pour la constitution des catégories ;

- catégorisation des éléments des informations recueillies, constitution des indicateurs puis vérification ;

- Codage, comptage des unités d'enregistrement et de numération puis traitement des données ;

- Enfin interprétation et inférence des résultats.

La méthode statistique simple a permis de déterminer les variables dominantes et les moins dominantes à travers des calculs comme la somme, la moyenne, la médiane et la fréquence. Elles sont traduites dans des tableaux et des graphiques afin de pouvoir servir de référence illustrative.

6.6- Le modèle d'analyse

Le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres(MCPP) est un programme de développement socio-économique qui a été conçu comme un instrument de réduction sensible de la pauvreté extrême au Bénin. Son objectif principal est de donner un coup d'accélérateur au développement de l'économie locale en permettant aux femmes plus pauvres d'accéder aux microcrédits afin d'accroitre leurs revenus à travers des activités génératrices de ressources financières. C'est un programme économique mais à dimension sociale.

Mais ici, le champ d'étude de ce programme est le milieu rural, donc lié aux sociétés paysannes et traditionnelles où la pauvreté surtout monétaire est galopante au Bénin. C'est donc l'étude d'un fait économique(microfinance) comme stratégie de développement dans un contexte socio-anthropologique. A cet effet nous avons fondé l'étude sur deux modèles théoriques majeurs. L'un centré sur le marché (microéconomie politique) et l'autre inscrivant la microfinance dans le contexte anthropologique (fait économique dans une société traditionnelle). Chaque théorie explique une partie du phénomène. Mais, comment concilier deux approches qui paraissent aussi antinomiques ? L'une axée sur le marché c'est-à-dire le profit et la croissance de richesse matérielle ; et l'autre sur le lien social, culturel et anthropologique? Une synthèse a été possible en considérant que le marché est une construction sociale. Ce qui implique de concevoir les faits économiques comme imbriqués dans les faits sociaux. La microfinance apparaît alors comme un phénomène hybride, pris dans une logique de marché, mais avec des ressorts spécifiques et socio-anthropologiques qu'il s'agira d'identifier, de décrire et d'expliciter dans une dynamique complexe d'innovation face au défi de lutte contre la pauvreté en milieu rural comme celui de la commune d'Adjarra.

le modèle d'analyse retenu se repose donc sur la théorie de « l'embeddedness » c'est-à-dire de « l'économie prise au filet par des réalités socioculturelles » développée par Karl Polanyi et remise aux jours par Jean Pierre Olivier de sardan dans ses travaux en socioanthropologie du changement social[26]. La microfinance est alors analysée ici à travers le programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune rurale d'Adjarra dans une perspective d'innovation devant conduire à un changement social caractérisé par des dynamiques complexes d'acteurs, d'enjeux et de défis pour la lutte contre la pauvreté en milieu rural. L'analyse des résultats issus de toutes ces dynamiques s'inscrit dans le contexte scientifique de l'anthropologie de développement socio-économique.

Société

Fait économique

Réalités sociales et anthropologiques

Réalités sociales et anthropologiques

Réalités sociales et anthropologiques

Réalités sociales et anthropologiques

Microfinance

Et les AGR

Réalités sociales et anthropologiques

Réalités sociales et anthropologiques

Schéma du modèle théorique de l'enchâssement

du fait économie dans le système social émis par Karl Polanyi

[26] Confère chapitre II sur le développement des fondements théoriques de la recherche ; p19 ; p 21

Troisième partie

MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES ET

MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA

CHAPITRE VII : LE MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES( MCPP)

7.1- Contexte de mise oeuvre du programme MCPP au Bénin

Dans les pays de l'UEMOA[27], le secteur de la microfinance a connu un développement assez remarquable au début des années 90. Au Bénin, ce développement est caractérisé par un secteur de la microfinance très dynamique animé par une multitude d'institutions offrant des produits et services adaptés aux besoins des populations pauvres exclues du système financier classique. Compte tenu de la pertinence des interventions de ces acteurs et du volume d'activités réalisées, le secteur de la microfinance s'impose désormais comme une alternative crédible de financement notamment en ce qui concerne l'intégration des populations démunies au circuit de production de la richesse nationale.

Malgré l'importance désormais reconnue à ce secteur, les institutions qui l'animent sont confrontées à un certain nombre de problèmes dont les plus importants se résument :

- aux difficultés d'accès aux ressources financières adaptées aux spécificités des besoins des pauvres ;

- absence de mécanismes d'accompagnement en termes de renforcement des capacités et d'appuis divers ;

- absence d'un mécanisme de sécurisation pour la gestion des nombreux risques auxquels sont soumises les institutions de microfinance.

De ce fait, la microfinance considérée jusque là comme l'instrument formidable de réduction de la pauvreté commençait à connaitre ces limites. Les Institutions de Micro Finance(IMF) en activité dans le pays, partagées entre le poids et l'étendue de la pauvreté et la nécessité de survie, de viabilité et de rentabilité, ont reconsidéré le cadre de leurs interventions sur le terrain. En d'autres termes, entre 2000 et 2005, ces

[27]UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

IMF ont pris l'option d'orienter leurs services vers une clientèle très moins pauvres négligeant ainsi la grande masse des populations plus pauvres devant bénéficier des opérations d'épargne et de crédit portant sur de petits montants. En un mot, les institutions de microfinance ont délaissé les microcrédits pour monter sur le terrain de ce que j'appelle « la moyenne finance »[28] non loin du système bancaire classique dont les crédits sont fondés sur des garanties matérielles considérables. Pour trouver une solution adaptée à ces différentes préoccupations qui compromettent très fortement l'avenir du secteur de la microfinance au Bénin face à sa première mission de réduction de la pauvreté, le gouvernement a pris ses responsabilités. Il a choisi depuis mars 2006 l'option de replacer la microfinance dans son contexte initial et de faire d'elle un outil très stratégique d'intervention dans le domaine du développement et de la lutte contre la pauvreté. C'est dans ce cadre qu'il a été décidé de la création par décret N° 301-206 du 27 juillet 2006 du Fonds National de la Microfinance. Par cet acte, le souci du gouvernement est non seulement de concrétiser le désir des acteurs de la microfinance de disposer de cet outil stratégique, mais aussi, de mettre en place un cadre approprié de gestion des programmes du gouvernement dédiés aux couches les plus défavorisées dont notamment le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres (MCPP).

7.2- Objectifs et attentes du programme MCPP

L'objectif global du programme est de rendre économiquement actives les populations les plus pauvres par la mise à leur disposition de micro crédits et d'autres services d'accompagnement.

De façon spécifique, il s'agit:

d'organiser en groupements de 03 à 15 personnes les potentiels

bénéficiaires ;

[28]Les « institutions de la moyenne finance » sont des institutions financières qui ne sont pas des banques mais exigent de garantie matérielle avant tout crédit. Elles se situent entre les institutions de microfinnace qui font de crédit aux plus pauvres sans garantie matérielle et les banques classiques

de sensibiliser et de former ceux-ci sur des notions essentielles de solidarité-développement des AGR et gestion du crédit ;

de mettre en place les microcrédits ;

d'encadrer et de suivre l'exécution des activités des groupements en vue d'un bon remboursement ;

de constituer en faveur du bénéficiaire, une petite épargne sur chaque remboursement ;

Toutes les 77 communes du Bénin ont déjà été prises en compte par le programme qui touche essentiellement les populations ayant un besoin financier initial d'au plus 30.000 F CFA pour démarrer une activité génératrice de revenus. Les produits offerts sont variés et visent l'amélioration des conditions de vie et de travail des plus pauvres.

A l'origine étaient proposés la sensibilisation et la formation, le micro crédit et l'épargne. Aujourd'hui, Avec les améliorations apportées au programme, d'autres services se sont ajoutés comme l'alphabétisation, la micro assurance, la mutuelle de santé et le capital risque.

Les principales attentes du programme ou le résultat attendu de cette initiative gouvernementale est d'assurer l'autonomisation des plus pauvres par l'amélioration qualitative de leurs conditions de vie à travers

v' La création au niveau des populations cibles, des sources

plus ou moins régulières de revenus ainsi que

l'accroissement de ces revenus,

v' La promotion de la culture de l'entrepreneuriat à leur niveau en vu d'obtenir l'accroissement de leurs capacités techniques et organisationnelles ; ce qui les prépare mieux à la conquête du marché.

7.3 - Cadre institutionnel et mode opératoire du programme MCPP

Vu l'envergure national du programme MCPP, sa mise en oeuvre a nécessité l'instauration d'un cadre institutionnel adéquat.

7.3.1- Cadre institutionnel de mise en oeuvre du programme MCPP

Le cadre institutionnel de mise en oeuvre du programme de microcrédits aux plus pauvres est constitué du Fond National de Microfinance(FNM) au niveau national qui s'appui sur des partenaires stratégiques(IMF) chargés d'atteindre les cibles, de distribuer et de gérer les crédits à la base.

Le mécanisme de mise en oeuvre selon les concepteurs est fondé sur le principe du « faire-faire )> qui est l'un des principes cardinaux du document de base de politique nationale de microfinance au Bénin. Des institutions financières dénommées « partenaires stratégiques )> sont donc sélectionnées et signent des contrats avec le FNM pour l'exécution du programme sur le terrain.

A coté des IMF partenaires stratégiques, il y a le réseau national des bénéficiaires qui a été mise en place pour aider à l'identification et au suivi des bénéficiaires.

7.3.2- Mode opératoire du programme MCPP

Le programme de microcrédits aux plus pauvres est un programme spécial de portage qui permet de développer au niveau des bénéficiaires plus pauvres une capacité de gestion d'une part, d'assurer à terme au niveau de ces bénéficiaires une culture de l'entrepreneuriat et l'habitude du remboursement de crédit vis-à-vis des institutions de microfinance ou du moins de la « moyenne finance )> et d'autres part de tirer des revenus conséquents de leurs activités pour améliorer leurs conditions de vie.

Le programme MCPP est un système de crédit successif à taux progressif dont l'exécution se fait en trois phases à savoir :

Phase I : A cette première phase, le montant du crédit est de trente mille francs cfa (30.000 f CFA) renouvelable une seule fois. Le taux d'intérêt est de 5% dont une épargne de 3% à ristourner aux bénéficiaires. Donc le taux d'intérêt prélever sur le compte du bénéficiaire n'est que de 2%.

Phase II : A cette deuxième phase, le bénéficiaire pris à l'étape zéro a la première phase est supposé avoir amorcé un processus progressif de renforcement de ses aptitudes à développer une activité économique et à gérer un montant supérieur de crédit. Le montant du crédit passe donc à 50.000 f CFA avec un taux d'intérêt de 8% dont une épargne stratégique de 5%. Le taux d'intérêt réel déduit à cette phase est de 3%.

Phase III : La troisième et dernière phase consacre le reversement des bénéficiaires dans le portefeuille des institutions de la « moyenne finance ». A cette étape le bénéficiaire est supposé avoir des acquis et des aptitudes requises pour s'adapter aux conditions de prêt sur le marché financier général. Les épargnes stratégiques instaurées au profit du bénéficiaire aux phases I et II sont des efforts de constitution de provision pouvant contribuer aux exigences financières de garantie préalables aux crédits une fois reversé dans le portefeuille des IMF classiques ou des institutions de la « moyenne finance ».

-Susciter création d'activités Génératrices de revenus

- Accès aux microcrédits à des conditions très souples

- 30.000 fCFA maximum

Pré -Marché : 12 mois

Phase I

MCPP 1

30.000

-Maitriser les activités Génératrices de revenus

- Accès aux microcrédits à des conditions souples

- 50.000 fCFA maximum

1

Phase II

Préparation -Marché : 12 mois

MCPP 2

50.000

2

-Entreprendre les AGR et ou les PME -accès aux crédits des IMF et Banques - Montant en fonction des activités

Marché
IMF et Banques

Phase III

Client des IMF

3

Schéma conceptuel du MCPP/ Source : FNM 2008

Dans la commune d'Adjarra, le programme de microcrédits aux plus pauvres est mis en oeuvre suivant un dispositif dans lequel on retrouve les acteurs étatiques au sommet, les partenaires stratégiques(IMF) au niveau départemental et communal et enfin les bénéficiaires à la base au niveau des villages. Ce dispositif est représenté dans le schéma de la page suivante.

 
 

PARTENAIRES AU
DEVELOPPEMENT

ETAT

 
 
 
 
 

MINISTERE DE LA MICROFINANCE DE
L'EMPLOI DES JEUNES ET DES FEMMES

FONDS NATIONAL DE
MICROFINANCE

 

BANQUES

PROGRAMME DE MICRO CREDIT
AUX PLUS PAUVRES(MCPP)

PARTENAIRES STRATEGIQUES D'INTERVENTION
ET DE GESTION DES CREDITS SUR LE TERRAIN
IMF

COOPERATIVE CHRETIENNE
D'EPARGE ET DE CREDIT
( CCEC)

 

ASSOCIATION DE SOLIDARITE
DES MARCHES DU BENIN
(ASMAB)

 
 

LES FEMMES BENEFICIAIRES DE LA COMMUNE D'ADJARRA

SCHEMA DU DISPOSITIF DE GESTION DU PROGRAMME MCPP DANS LA

COMMUNE D'ADJARRA

CHAPITRE VIII : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA

Dans ce chapitre, Il est question de la présentation de la zone géographique et sociale de la recherche. C'est une étude descriptive du site de recherche qui s'articule autour de l'organisation sociale et administrative, du milieu physique et du potentiel économique de la commune d'Adjarra.

8.1- Le milieu physique de la commune d'Adjarra

La description du milieu physique de la commune d'Adjarra concerne ici la situation géographique, le climat, le relief, les sols et la végétation.

8.1.1- Situation géographique et climat

Situé au Sud-Est du département de l'Ouémé au Bénin, la commune d'Adjarra est limitée au Nord par la commune d'Avrankou, au Sud par celle de Sèmè-Podji, à l'Est par la frontière de la République du Nigéria et à l'Ouest par la commune urbaine de Porto-Novo. Elle couvre une superficie de 112 km2. La commune d'Adjarra se trouve à environ 7 km de Porto-Novo (Chef lieu du Département de l'Ouémé et Capitale du Bénin) et à environ 38 km de Cotonou (Capitale économique du Bénin).

La commune d'Adjarra est soumise au climat subéquatorial fortement influencé par le régime soudano-guinéen qui caractérise toute la région Sud-Bénin. Ainsi, la zone géographique d'Adjarra connaît-elle deux saisons de pluies et deux saisons sèches qui s'alternent :

Une grande saison des pluies allant du mois d'avril au mois de

juillet.

Une petite saison sèche allant du mois d'août au mois de septembre.

Une petite saison pluvieuse qui couvre les mois d'octobre et de novembre.

Une grande saison sèche qui couvre la période de Décembre à

Mars.

La moyenne des précipitations y oscille entre 1100 et 1200 mm.

Le climat de la commune est aussi caractérisé par une forte humidité (75% en moyenne par an) et des températures variant entre 21,9°C et 32,8°C. De décembre à janvier, la commune connait ordinairement l'harmattan qui est un vent froid et sec qui crée une forte amplitude thermique pendant la journée.

Le réseau hydrographique d'Adjarra est constitué de cinq (5) rivières longeant la frontière nigériane. Les plus importantes sont les rivières de "Djavidéblako", de "Mèdédjonou Tokpa" et de "Odo Tokpa". Elles favorisent plusieurs transactions commerciales formelles et informelles entre le Nigéria et la commune.

8.1.2- Relief, sol et végétation à Adjarra

La commune d'Adjarra a un relief presque très peu accidenté. Elle est située sur le plateau de Pobè-Sakété dont l'altitude qui est de 100 m en moyenne, décroît pour atteindre 20m à Adjarra. Ce plateau est entaillé par de petites et moyennes dépressions aux pentes très peu marquées. Les dépressions moyennes, au nombre de trois, se rejoignent en une vallée unique entre la Commune et la République Fédérale du Nigeria.

La commune d'Adjarra fait partie de la sixième zone agroécologique du Bénin ; c'est-à-dire la zone des terres de barre où le seuil de pauvreté est globalement estimé à 132. 728 f cfa l'an (INSAE, EMICoV, 2007).

La commune d'Adjarra dispose de trois (03) types de sols :

- les sols des plateaux : sols ferralitiques, de couleur rouge et à texture sablo argileux (terres de barre), ils couvrent environ 80% de la superficie totale de la commune.

- les sols de bas de pente : sols de coloration brune claire, à texture sableuse et faciles à travailler, ils se situent en bordures des bas-fonds marécageux, soit dans des dépressions fermées.

- les sols des bas-fonds : ce sont des sols hydromorphes, argileux, riches en matières organiques, situés dans les zones inondables, surtout dans l'Arrondissement d'Aglogbè.

Le couvert végétal est clairsemé. Il est dominé par le palmier à huile (Elaesisguineensis) avec une composition d'arbustes, de hautes herbes et par endroit de reliques de forêts sacrées.

Aux abords des marigots, la végétation plus variée est composée de palmier raphia, de bambou, des fourragères et d'autres espèces hydromophes. Elle abrite une faune essentiellement composée de petits rongeurs (rat palmiste, souris, écureuil, etc.), d'oiseaux (perdrix, et autres), de varans et autres espèces de reptiles.

8.2- Potentiel économique de la commune d'Adjarra

La commune d'Adjarra est une zone majoritairement agricole donc paysanne. Les principales activités économiques qui s'y développent sont l'agriculture, l'élevage, la pêche, le commerce, l'artisanat, le transport, l'exploitation du bois de feu et la transformation du bois en charbon. Les produits découlant de ces activités sont le maïs, l'arachide, le manioc, le niébé, la patate douce et le riz. Les activités artisanales se résument à la poterie, à la vannerie et à la production de tam-tam. Les services et secteurs bancaires de la commune d'Adjarra se limitent aux activités d'une seule Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel (CLCAM) et trois Caisses d'Epargnes et de Crédits (CEC).

8.2.1 - Commerce

Le commerce occupe une place de choix au sein des activités économiques locales d'Adjarra. Il mobilise 47,61% de la population et touche une diversité de produits. Il s'agit des hydrocarbures et produits manufacturés provenant surtout du Nigeria, des produits agricoles, d'élevage, de l'artisanat, de transformation et de la pharmacopée. Cette activité est majoritairement exercée par les femmes qui se livrent activement au petit commerce. Mais il faut noter que la Commune regorge aussi de quelques grands commerçants reconnus sur le plan national.

L'équipement marchand de la commune est faible. Il repose sur l'existence de quelques boutiques, magasins de stockage et des hangars construits dans les marchés de Gbangni, Kpétou et Alladako. Ces hangars sont aussi bien en matériaux définitifs qu'en matériaux précaires.

La plupart des produits commercialisés proviennent du Nigéria ou de la commune. Les produits provenant du Nigéria arrivent dans la commune par les voies fluviales. Une fois débarqués, les produits sont soit emmagasinés, soit stockés dans les maisons. Ils sont ensuite vendus soit en gros (cas des grossistes), soit en détails dans les boutiques ou sur des étalages de fortune.

Les produits de la commune (paniers, tam-tam, maïs, manioc, régime de palme...) sont exportés par les commerçants collecteurs surtout vers le Nigéria par les voies fluviales et vers Porto-Novo par voie terrestre pour être vendu sur le marché de Ouando.

8.2.2- Agriculture et élevage

Sur le plan spatial, l'agriculture est la plus importante activité pratiquée par les populations de la commune d'Adjarra. Elle est de type familial. Les terres sont peu fertiles. L'agriculture est orientée vers les

cultures vivrières telles que les céréales, les tubercules et les légumineuses. Les cultures de rente sont les produits issus de l'exploitation du palmier à huile, du raphia, des arbres fruitiers et des plantations de bois. L'agriculture est pluviale et pratiquée à dominance par les hommes et dans une moindre mesure par les femmes.

Les agriculteurs travaillent individuellement ou en associations. Ils bénéficient de l'appui technique et financier du CeRPA, des ONG et des projets d'Etat dans des domaines assez variés. L'agriculture est pratiquée avec des outils aratoires. Les techniques culturales sont purement traditionnelles avec parfois l'utilisation d'ordures ménagères et des déjections animales pour la restauration de la fertilité des sols.

L'élevage est pratiqué à Adjarra par presque tous les ménages. Les espèces élevées sont les bovins, ovins, caprins, porcins et volailles. La principale race de bovins élevés est la race lagunaire retrouvée dans le sud Bénin. L'élevage de volailles concerne les pintades, les poules, les pigeons, canards et dindons. On distingue deux types d'élevage : l'élevage conventionnel et l'élevage non conventionnel. En élevage conventionnel les animaux sont le plus souvent en divagation. L'élevage non conventionnel concerne les lapins et les aulacodes.

8.2.3- La pêche, la chasse et l'artisanat

Dans la commune d'Adjarra, la pêche et la chasse sont des activités saisonnières qui se pratiquent surtout dans l'Arrondissement d'Aglogbè et dans une moindre mesure dans celui de Médédjonou. Elles occupent très peu de personnes. Les réglementations en vigueur sont rarement respectées par les pêcheurs qui utilisent des engins prohibés comme la palangre à hameçons non appâtés, le kpoto kpoto, et le filet épervier à mailles fines. Les plans d'eau d'Adjarra sont pauvres en ressources halieutiques.

L'artisanat est pratiqué à Adjarra sous une forme traditionnelle et moderne.

L'artisanat traditionnel concerne l'art de la vannerie, de la tresse, de la poterie en terre cuite, des instruments de musique (tambours, gongs), des produits de la forge (houe, coupe-coupe, hache, fusil de chasse), de la sculpture. L'art sous ces différentes formes a pris naissance dans les couvents qui étaient à la fois un centre de formation des "vodounsi" (adeptes du vodoun) et foyers de créations artistiques. Mais son exercice est freiné, aujourd'hui, par l'insuffisance de matières premières.

L'artisanat moderne est pratiqué par les jeunes qui s'intéressent à la couture, la mécanique, la soudure, la coiffure, le tissage, la menuiserie, la vulcanisation, la maçonnerie.... Ce sont de véritables hommes de métier qui ouvrent le long des principales voies et dans les agglomérations, des garages, des ateliers, des salons de coiffure pour des prestations de service et la production des biens demandés par la population. Ils se constituent de plus en plus en associations par corps professionnels ; lesquelles s'unissent pour former une fédération communale.

Au niveau de l'artisanat, les femmes sont spécialisées dans la tresse des nattes, la coiffure, la poterie en terre cuite, le tissage, la photographie, la couture,....

Malgré leur dynamisme, les artisans éprouvent de difficultés à s'installer après l'apprentissage et à s'imposer sur le marché souvent pour des raisons d'insuffisance de matériels de travail, de technique de travail peu maîtrisée, d'accès difficile au crédit, d'éloignement des lieux d'approvisionnement en matériels, d'insolvabilité des clients, d'insuffisance de pièces de rechange, de faible taux de couverture en électricité de la zone et de taxes relativement élevées. Ces artisans sont donc contraints à se tourner vers d'autres secteurs relativement porteurs dont le taxi moto communément appelés "Zémidjan".

8.3 - Structuration sociale de la commune

La description de la structure sociale de la commune d'Adjarra concerne ici la population et ses mouvements, les ethnies et les religions, le pouvoir politique traditionnel, le pouvoir politique moderne et la place de la femme dans la société.

8.3.1 - Peuplement et mouvements des populations

Historiquement, les premiers occupants d'Adjarra sont des Nagots venus du Nigéria. Ils se sont installés dans la zone du XVIe au XVIIIe siècle. Ils sont rejoints vers la première moitié du XVIIIe siècle (période allant de 1746 à 1830), par les migrants Adja originaires de Tado (région située au Togo), qui, en quête de sécurité, ont transité par Pahou (Commune de Ouidah). Le peuplement d'Adjarra s'est poursuivi jusqu'au XIXe siècle par l'arrivée des Yoruba en provenance du Sudouest de la République du Nigeria.

L'histoire nous révèle aussi que le nom d'origine de la localité était "Adja-la". Ce nom lui a été donné par les Adja pour signifier qu'elle constitue un détachement ou une branche d'Adja. "Adjarra" est une déformation dans la transcription de "Adja-la" par les colons.

En matière d'évolution démographique, la Commune d'Adjarra compte 60.112habitants (RGPH3 ; 2002). La population est à dominance à la fois rurale et féminine. Sa densité avoisine 536,7habitants au km2.

Du point de vu de la structuration de la population par âge il faut souligner que la population d'Adjarra est jeune et active. C'est sur cette frange active que repose l'essentiel du poids économique de la commune. Les jeunes ayant moins de 15 ans sont donc majoritaires. Cette forte proportion de la jeunesse constitue un facteur de dynamisme pour le développement et en même temps un problème majeur de la société du fait de l'investissement que nécessite sa scolarisation, son accès aux soins de santé et à l'emploi.

. La natalité de la population de la commune d'Adjarra est estimée

à 5,2%. Cela signifie que 3.134 bébés (87% des prévisions) naissent chaque année dans la perspective d'un renouvellement de la population.

La mortalité infantile est faible (0,05% de l'ensemble de la population). Par contre la mortalité au sein des personnes âgées de plus de 15 ans est élevée.

8.3.2- Ethnies et religions

Aujourd'hui, il existe une mosaïque d'ethnies qui cohabite dans la commune d'Adjarra. Les Goun et les Fon sont majoritaires (83,4%), suivis des Yoruba (8,2%), et des Adja, Mina et Toffin (1,0%). Les autres ethnies sont composées de Bariba, dendi, Yom-Lokpa, Otamari, et Peulh etc (7,2%). Ce brassage ethnique est aussi à la base de la diversité des activités économiques de la commune.

En effet, les commerçants Yorouba et une partie des Goun ont développé le commerce transfrontalier alors que les Goun et les Fon s'investissent beaucoup dans l'agriculture et le transport. Quant aux autres ethnies, elles se retrouvent dans la fourniture des services, dans les buvettes et restaurants et dans les divers.

Par ailleurs, la vie spirituelle de la commune d'Adjarra est animée par plusieurs religions. Chacune d'elle prêche pour la culture de la paix, de la tolérance mutuelle et de la cohésion locale et nationale. Les religions sont de deux ordres :

La religion traditionnelle (52,3%) et les religions révélées. Les religions traditionnelles sont constituées autour des fétiches vodoun, thron, etc. Les exigences de leurs rites et rituels sont liées à la protection des forêts sacrées qui abritent leurs couvents. Ceci explique la multiplicité des reliques forestières sur le terroir communal. L'implantation du siège départemental de vodoun dans la commune renforce la prédominance de cette religion.

Les religions révélées sont plus variées. On les regroupe en deux catégories :

- le christianisme qui comprend le catholicisme (17,8%), le christianisme céleste (5%) et le protestantisme (3,1%). La Commune abrite en outre le siège mondial du christianisme céleste en cours de construction à Tchakou ;

- et l'islam (8,3%).

8.3.3- Pouvoir politique traditionnel

L'organisation sociale traditionnelle de la Commune d'Adjarra montre que le natif appartient à un clan dont les vestiges, ayant résisté à l'érosion du temps, sont gardés dans des temples. Le clan est caractérisé par des litanies panégyriques qui se réfèrent soit aux hauts faits et parfois aux fonctions de l'ancêtre mythique ou réel, commun aux membres dudit clan, soit aux pratiques culturelles. Les litanies constituent des hymnes de ralliement des membres du clan et peuvent être utilisés pour faire adhérer les clans aux objectifs de développement économique de la commune.

Le clan est composé de lignage qui, à son tour comporte des familles. Les familles sont constituées de ménages et les ménages sont composés d'individus.

Aujourd'hui, la pénétration des religions révélées fragilise un peu les clans dont le support spirituel est la religion traditionnelle. Cependant, le pouvoir traditionnel demeure centralisé et hiérarchisé dans l'ensemble de la commune.

La gestion du pouvoir traditionnel est assurée, selon le groupe social par :

- le roi de Hounvè assisté par les Vodounon (prêtres) et Oga (Ministres) ;

- un Vodounon (Chef du culte) ;

- le Balè au niveau des yoruba.

Les chefs coutumiers ont un rôle important dans la vie sociale et politique et même économique de la commune d'Adjarra. Ils s'occupent essentiellement, dans les limites de leurs compétences, de la revalorisation du patrimoine culturel, du règlement des conflits familiaux et de l'organisation des cérémonies religieuses annuelles.

8.3.4- Pouvoir politique moderne

Dans le contexte actuel de la décentralisation, les orientations pour la politique de développement de la commune sont fixées par le Conseil Communal sur la base des réelles aspirations des communautés administrées. Elles sont ensuite passées au maire, premier responsable de l'exécutif, pour leur mise en oeuvre.

Comme le pouvoir traditionnel, le pouvoir politique moderne est concentré dans les mains du maire ; la différence avec le pouvoir traditionnel est la proximité des populations et la possibilité de leur contrôle sur la gestion des affaires de la commune. L'exercice du pouvoir politique au niveau arrondissement et villageois se fait respectivement par le chef d'arrondissement et le chef de village.

Les autorités administratives et traditionnelles de la commune d'Adjarra développent de bonnes relations de collaboration surtout dans les domaines de la valorisation du patrimoine culturel et de l'organisation des fêtes nationales.

8.3.5- Place de la Femme dans la société d'Adjarra

Dans la commune d'Adjarra, les besoins des femmes sont beaucoup plus collectifs. Ils sont dictés par les aspirations de toute la société qui exige d'elles une importante contribution au mieux être de la communauté, c'est-à-dire, une bonne santé de sa famille, un niveau

d'instruction acceptable pour les enfants, un accès à une alimentation saine et suffisante, un accroissement des revenus pour la famille, etc.

La société lui reconnaît son rôle de pilier dans la promotion du bienêtre intégral de la famille et même de la collectivité, surtout à travers les activités productives des secteurs clés de l'économie, comme l'agriculture et le commerce.

Dans les secteurs économiques, les femmes s'adonnent surtout aux cultures vivrières (maïs, niébé, ...), au maraîchage, à l'élevage des animaux à cycle court (petits ruminants, porcins, volailles), à la petite industrie (fabrication de savon, de textile, des nattes, de la poterie en terre cuite), à la transformation et la commercialisation des produits agricoles et manufacturés.

Le dynamisme des femmes dans les secteurs de l'économie locale favorise un approvisionnement régulier des marchés rendant ainsi accessibles les prix des denrées alimentaires et des produits de premières nécessités à toutes les couches de la population.

Sur le plan de la participation des femmes aux structures de prises de décision, elles sont surtout présentes dans des groupements féminins qui reposent sur l'esprit de solidarité et à travers lesquels elles consolident leurs capacités managériales.

Par contre, au niveau de la commune, la présence des femmes dans les instances de décision reste encore trop faible. Par exemple, elles ne sont pas représentées au sein du Conseil Communal, la plus grande instance de décision de la commune d'Adjarra.

8.4- Organisation administrative et infrastructures.

8.4.1- Administration de la commune

La commune d'Adjarra faisait partie du canton de la banlieue de Porto-Novo dont le chef lieu est Avrankou. Il était administré par le chef du canton d'Avrankou qui s'appuyait sur l'autorité d'un des ministres (dont la résidence est à Avrankou) du roi et d'un commis.

Entre 1972 et 1990, Adjarra a été érigé en district puis en souspréfecture. L'administration a été renforcée. Elle jouissait d'une faible autonomie financière et décisionnelle.

Avec l'avènement de la décentralisation, Adjarra est devenu commune et compte six (6) arrondissements. IL s'agit des arrondissements d'Adjarra 1 et d'Adjarra 2, de Honvié, d'Aglogbè, de Malanhoui et de Mèdédjonou. L'ensemble de ces Arrondissements sont constitués par 36 villages et 11 quartiers.

La gestion administrative de la commune d'Adjarra est assurée par plusieurs services : les services de l'administration communale, les services déconcentrés de l'Etat et autres structures intervenant dans la commune.

La Mairie abrite l'administration centrale de la commune. Elle est composée de 10 services dirigés par des Chefs Bureaux. Il s'agit

- du Bureau des Affaires Générales (BAG)

- du Bureau des Affaires Economiques (BAE)

- du Bureau des Affaires Financières (BAF)

- du Bureau des Archives, de la Documentation et de l'Information (BADI)

- du Bureau des Transmissions (BT)

- du Bureau de l'Etat Civil et de la Population (BECP)

- du Bureau des Affaires Sociales (BAS)

- du Secrétariat Particulier (SP)

- du Secrétariat Administratif (SA) et le Secrétariat Général (SG)

- du Bureau des Services Techniques (BST)

8.4.2- Infrastructures de la commune

En matière d'infrastructures, Adjarra compte :

sur le plan éducatif, cinquante (50) écoles primaires, quatre (4) collèges d'enseignement général, trois (3) écoles maternelles, vingt-sept (27) centres d'alphabétisation, un centre universitaire et quelques complexes scolaires privés.

Sur le plan d'infrastructure sanitaire on y décompte un (1) centre de santé communautaire, quatre (4) complexes communaux de santé, un (1) dispensaire isolé, un (1) dépôt pharmaceutique.

Sur le plan culturel et sportif, la commune d'Adjarra dispose d'un centre de lecture et d'une maison des jeunes.

Carte administrative de la commune d'Adjarra

QUATRIEME PARTIE

INFLUENCES DES REALITES SOCIOCULTURELLES ET

ECONOMIQUES SUR LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE

D'ADJARRA

CHAPITRE IX : IDENTITE SOCIALE DES BENEFICIAIRES DE

MICROCREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA

Les premiers résultats des enquêtes de terrain sont ceux concernant l'identité sociale des groupes de femmes étudiées dans la commune. Il s'agit surtout de leur statut dans le ménage, du type de ménage auquel elles appartiennent et de la taille de leur ménage.

9.1- Statut des femmes bénéficiaires dans les ménages

Dans le groupe de la première catégorie de bénéficiaires, les résultats ont révélé que :

- 63% sont des chefs de ménage[29].

- 10% ne sont pas des chefs de ménage.

- 27% vivent dans des ménages mixtes[30].

Or, dans le groupe de la deuxième catégorie de bénéficiaires, - 16% seulement des bénéficiaires sont des chefs de ménage

- 27% ne le sont pas,

- 57% vivent dans des ménages mixtes.

Le statut de chef de ménage implique une grande responsabilité financière dans la vie du ménage. Les données ainsi recueillies montrent que la première catégorie de bénéficiaires c'est-à-dire le grand groupe des femmes en difficulté présente un fort pourcentage de femmes chefs de ménage : (63%) contre (16%) pour la seconde catégorie de femmes. Cette réalité montre à quel point la charge familiale influence
négativement l'activité économique des bénéficiaires en difficulté qui

sont contraintes à engager presque la totalité de leur revenu dans la survie du ménage puisque la plupart ont eu à déclarer :« papa ne donne rien )> ; « je ne peux pas toujours attendre papa pour que les enfants mangent )> ; « papa est chauffeur et quant il part, il fait des jours avant de revenir )>.

[29]Le chef de ménage désigne le conjoint qui assure les principales dépenses du ménage

[30]les ménages mixtes sont des ménages dans lesquels les principales dépenses sont assurées conjointement par les deux époux

En effet, après la dot, la femme reçoit un fonds de commerce - le « Adjokouè » - pour conduire une activité économique à vie. Ce sont les revenus de ce fonds qui servent à couvrir les dépenses du ménage quelle que soit sa taille. C'est la rentabilisation de ce fonds qui confère d'ailleurs à la femme rurale de la localité son statut respectable de bonne épouse, chef de ménage « yonnou houéssi » mais pas chef de famille. La responsabilité d'une bonne femme chef de ménage est de tout faire pour bien nourrir toute sa famille et de prendre en charge la majeure partie des dépenses du ménage. Face à cette lourde responsabilité la femme rurale, déjà analphabète a du mal à se soustraire à la logique de séparation du crédit des dépenses du ménage. Il s'ensuit une comptabilité compliquée rendant difficile le remboursement du crédit à bonne date, le réinvestissement et la continuité efficace de l'activité. La répartition de ces femmes suivant leur statut dans le ménage se présente dans le graphique ci-dessous.

Graphique I : Répartition des femmes selon leur statut dans le ménage

statut des bénéficiaires
dans le ménage( Groupe 1)

chef de ménage

pas chef de ménage

statut
mixte

27%

63%

10%

Statut des bénéficiaires
dans le ménage (Groupe 2)

Chef de ménage

pas chef de ménage

statut
mixte

16%

57%

27%

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

La comparaison de ces données recueillies permettent de conclure que les femmes bénéficiaires qui évoluent normalement vers la sortie de la pauvreté extrême(deuxième catégorie de bénéficiaires) sont celles qui n'ont pas une grande responsabilité financière dans le ménage.

9.2- Type de ménage des femmes

En ce qui concerne le type de ménage dans lequel vivent les femmes bénéficiaires de microcrédit à Adjarra, les résultats ont montré que 70% des bénéficiaires vivent dans un ménage polygamique contre 30% de ménage monogamique dans la première catégorie de bénéficiaires. Or, dans la deuxième catégorie, 80% des bénéficiaires vivent dans un ménage monogamique contre 20% de ménages polygamiques comme l'illustre bien le graphique de résultat suivant.

Graphique II : Types de ménage des bénéficiaires

Type de ménage des
bénéficiaires (Groupe 1)

monogamie

Polygamie

70%

30%

Type de ménage des
bénéficiaires (Groupe 2)

Monogamie

Polygamie

20%

80%

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

La grande remarque est que la polygamie domine le groupe des femmes de la première catégorie. Est-ce une réponse affirmative à une influence négative de la polygamie sur l'activité économique de la femme rurale ? La plupart des femmes ont déclaré « les enfants de ma coépouse sont aussi mes enfants. Leurs problèmes sont mes problèmes ». « Ici nous, nous vivons en famille et il n'y a pas de séparation entre nous », « si papa n'a pas d'argent ou ma coépouse a aussi des problèmes d'argent, je suis obligée de lui prêter ou de lui donner si j'en ai » ; « personne ne connait l'avenir ; si demain moi-même ou mes enfants se retrouvent en difficulté, c'est d'abord mes voisins immédiats qui vont nous secourir ». Ceci témoigne le sens élevé du don, de la solidarité familiale des bénéficiaires dans leur milieu social de vie.

9.3- Taille des ménages des bénéficiaires de microcrédits

L'autre réalité constatée aussi est que la propension à la polygamie implique une taille élevée des ménages qui abritent les femmes bénéficiaires de la première catégorie. Dans cette catégorie de bénéficiaires, 60% des femmes c'est-à-dire la majorité, vivent dans un ménage dont les membres sont compris entre 08 et 10 alors que 10% seulement des femmes de la deuxième catégorie vivent dans des ménages de grande taille[31]

La conclusion que nous tirons après la comparaison de ces données est que la polygamie implique une grande taille des ménages. Ce qui augmente les charges financières des ménages, amenuisant ainsi les revenus des femmes appartenant à ces ménages. Puisque la plupart de ces femmes sont des chefs de ménage, les revenus issus de leurs activités économiques sont fortement absorbés par les charges de survie. Ce qui hypothèque le réinvestissement rapide et le remboursement du crédit à temps.

Tableau II : Répartition des bénéficiaires selon la taille de leur ménage

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

Taille du ménage

Nombre de
bénéficiaires

pourcentage
(%)

Nombre de
bénéficiaires

pourcentage
(%)

02 - 03

12

13

10

33

04 - 07

18

20

17

57

08 - 10

54

60

03

10

Plus de 10

06

07

00

00

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

[31] La taile du ménage est le nombre d'individus constituant un ménage ; voir les détails dans le tableau N°6.

CHAPITRE X : PESANTEURS SOCIOCULTURELLES ET RENTABILITE DES

ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A ADJARRA

Les pesanteurs socioculturelles identifiées au terme des investigations et qui menacent fortement la stratégie de microfinancement des activités génératrices de revenus des femmes plus pauvres en tant que fait économique dans la commune sont liées aux rites de la maternité, au veuvage et au système de liens de parenté.

10. 1- Influences des rites de la maternité sur l'activité des femmes

La première fonction qui est dévolue à la femme dans la commune rurale d'Adjarra demeure encore la procréation. Le véritable élément de valorisation du statut de la femme se révèle être la maternité compte tenu de la valeur économique et sociale que l'on accorde à l'enfant. La femme rurale se fait valoir par la maternité dans la mesure où une femme qui a mis au monde un enfant dispose d'un rang social plus élevé qu'une jeune fille. Cette dernière se voit aussi plus valorisée qu'une femme stérile.

En dehors des exigences médicales qui imposent un repos à la femme après la maternité, la femme mère au village est contrainte à des rites ou cérémonies traditionnelles d'enfantement qui durent au moins trois à six mois. Ce qui l'oblige à limiter ou à suspendre l'activité économique durant toute la période. Le temps est parfois plus élastique lorsque la femme donne naissance à des jumeaux. Ces derniers sont considérés comme des dieux auxquels il faut accorder le maximum de temps destiné aux rites et cérémonies sacrés. Les cérémonies rituelles liées à la maternité chez les femmes dans la commune se sont ainsi révélées comme une pesanteur culturelle importante dans le développement des activités génératrices de revenus qu'elles entreprennent. Selon les données recueilles, 80% des femmes de la première catégorie de bénéficiaires du programme ont vu leurs activités

ralenties par la maternité contre 10% seulement au niveau du groupe témoin (voir le graphique ci-dessous).

Graphique III : Répartition des bénéficiaires selon l'influence des rites de la maternité sur
leurs activités

OUI NON

80%

Influences des rites liés à la maternité
sur les activités économiques
Groupe 1

20%

OUI NON

Influences des rites liés à la maternité sur
les activités économiques
Groupe 2

10%

90%

Source : données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

Mais, le constat le plus préoccupant au niveau de ce phénomène,

est la fréquence ou le taux élevé de cette maternité chez les femmes dans la commune. Entre 2006 et 2011, 53% des bénéficiaires de la première catégorie ont connu une fréquence de trois maternités successives qui les ont soustraites momentanément à leurs activités économiques pendant au moins trois ou six mois selon le cas. Or chez les femmes du groupe témoin de l'échantillon aucune des bénéficiaires n'a connu trois maternités successives entre 2006 et 2011.

Graphique IV: Répartition des bénéficiaires selon la fréquence de maternité

entre 2006 et 2011

Fréquence de la maternité
entre 2006 et 2O11
(Groupe 1)

10%

7%

30%

Zéro maternité Une

maternité Deux maternité

Trois maternité

53%

Fréquence de la maternité
entre 2006 et 2011
(Groupe 2)

Zéro maternité Une

maternité

Deux maternité Trois

maternité

7% 7%

86%

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

Cette réalité renforce d'ailleurs Fourn (1997) dans ces travaux

lorsqu'elle disait qu' «en même temps que les femmes évoluent dans les conditions socioéconomiques difficiles, elles doivent parallèlement procéder à une stratégie de maternité nombreuse »[32].

[32]FOURN E. (1997), La maternité, un pouvoir ambigu pour les femmes, UNESCO-Bénin, n°Spécial

10 .2 - Influence du veuvage sur l'activité des femmes

Le veuvage est une réalité socioculturelle et institutionnelle qui oblige également les femmes de la localité à rester enfermées pendant douze mois subdivisés en trois grandes périodes pour porter le deuil de leur défunt mari. Il y a une première période de quarante et un(41) jours dont la fin est marquée par des prières et des sacrifices là où les cheveux, les ongles et les poils du défunt sont enterrés. Une deuxième période qui court du 41e jour au cinquième mois à la fin de laquelle la veuve est autorisée à se séparer du pagne de veuvage. La dernière période consacre les moments de visites pour boucler les douze mois de veuvage. Plus qu'une obligation, le veuvage reste un devoir sacré qui combine des rituels de séparation de l'âme du défunt avec celle de son épouse. Pendant ce long moment de deuil sacré, toute activité économique de la femme est totalement suspendue. 37% de la grande masse des bénéficiaires de la première catégorie de l'échantillon ont subi cette réalité contre 100% des bénéficiaires de la deuxième catégorie qui n'en ont pas connu. Le graphique ci-dessous illustre bien cette réalité.

Graphique V : Répartition des bénéficiaires selon l'influence du veuvage sur
leurs activités

influence du veuvage sur
les AGR (Groupe 1)

37%

63%

OUI NON

Influence du veuvage sur
les AGR (Groupe 2)

OUI NON

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

10.3- Influence des liens de parenté sur l'activité des femmes

Le lien de parenté s'est aussi révélé comme une pesanteur structurelle du milieu social pour le programme de microcrédits aux plus pauvres. En effet, la population de la commune d'Adjarra vit dans un environnement social clanique où le parent n'est pas forcement les géniteurs, les oncles, les tantes, les nièces, les neveux, etc. La parenté articule des fonctions intégratrices mais aussi discriminantes qui vont audelà des proches parents ou de la famille. La filiation qui est une composante de la parenté par exemple, peut définir l'appartenance à des groupes sociaux pérennes qui s'étendent sur un réseau généalogique qui va bien au-delà des parents proches qu'un individu est amené à connaître ou à fréquenter au cours de sa propre existence. À ce titre, un lignage, un clan, voire une caste, sont des extensions généralisantes du principe de filiation. Dans un tel système social comme celui d'Adjarra l'esprit de parenté influence fortement les relations entre les individus même s'ils n'ont pas des liens familiaux directs. La parenté est une dimension de l'existence humaine qui ne peut donc être séparée de la faculté de produire et de communiquer des représentations portant sur les liens qui la constituent. C'est ce qui justifie l'impuissance de la plupart des femmes responsables de groupe solidaire et même de certains chefs de village à accompagner les animateurs du programme dans le recouvrement rapide et efficace des crédits sur le terrain. Ils craignent ainsi de rentrer en conflit ouvert avec des parents. « Pour éviter des problèmes j'ai eu à rembourser les crédits de ma propre poche et je ne souhaite plus recommencer » ; « pour préserver ma vie dans ce village, je ne veux même plus prendre le devant de ce crédit de groupe » ; ont déclaré la plupart des responsables de groupe solidaire sur le processus de recouvrement des crédits. 48% des bénéficiaires de la première catégorie ont vu leur activité influencée directement ou indirectement par les liens de la parenté contre 0% dans le groupe témoin.

Le graphique suivant présente le niveau de l'influence de cette réalité sur le processus de microfinancement des activités génératrices de revenus par le programme MCPP dans la commune.

Graphique VI: Répartition des bénéficiaires selon l'influence de la parenté sur
leurs activités par le non renouvellement de crédit

48%

OUI NON

52%

Influences des liens de parenté sur les
activités économiques
Groupe 1

Influences des liens de parenté sur les
activités économiques
Groupe 2

100%

OUI NON

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

CHAPITRE XI: GROUPES SOLIDAIRES ET GESTION DES ACTIVITES

GENERATRICES DE REVENUS

Les résultats liés aux groupes solidaires et à la gestion des activités entreprises s'intéressent surtout à l'expérience des femmes en matière d'appartenance à un groupe solidaire d'activité économique, au secteur de l'activité entreprise, à la tenue régulière de la comptabilité et à la fongibilité du crédit dans les dépenses du ménage.

11.1- Expérience des femmes en gestion de groupe solidaire

S'agissant de l'expérience antérieure des femmes en matière d'appartenance à un groupe solidaire d'activités économiques, 87% des bénéficiaires de la première catégorie n'ont aucune expérience antérieure. La majorité d'entre elles se sont retrouvées occasionnellement pour constituer ces groupes parce que « c'est l'une des conditions a remplir pour obtenir le crédit » ont-elles déclaré. Cette mise en groupe forcée a engendré des difficultés de coopération, de confiance et d'honnêteté dans la notion de gestion solidaire de leur groupe surtout par rapport à l'acheminement des fonds de remboursements. Certaines responsables ont gardé sur elles des parts de remboursement de crédit de leurs membres et ont bloqué par conséquent tout le groupe dans le processus de renouvellement du crédit. La conséquence immédiate est que l'activité est ralentie ou suspendue au niveau de plusieurs autres femmes faute de nouveau financement à temps.

Par contre dans la catégorie du groupe témoin, 54% des femmes interviewées ont déjà totalisé plus de cinq années de vie en groupement coopératif villageois et se connaissent mieux. Ces résultats révèlent donc que la majeure partie des groupes solidaires se sont constitués avec le démarrage du programme. Les femmes qui ne rencontrent pas de difficulté dans la gestion solidaire de leur groupe d'activité sont celles

qui ont déjà une expérience de cohabitation et de coopération. Le tableau suivant présente des données comparées de ce résultat.

Tableau III: Données comparées de l'expérience des femmes en gestion de
groupe solidaire

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

Expérience en gestion
solidaire de groupe de
crédit

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(/o)

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(/o)

Plus de 05 ans avant le
programme

00

00

16

54

Moins de 05 ans avant
le programme

12

13

10

33

Aucune expérience
avant le programme

78

87

04

13

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

11.2- Secteur d'activité des femmes

En ce qui concerne le secteur d'activité, les femmes rencontrées dans la commune, qu'elles soient de la premières ou de la deuxième catégorie s'investissent dans le petit commerce et la petite restauration.

Le petit commerce est l'achat et la vente de biscuits, de plastique, de mais, du haricot, du sel, des brindilles de natte, du lait, du savon, du riz, etc. La plupart vont chercher ces produits au Nigéria ou parfois à Cotonou et viennent les écouler dans leur village ou dans les petits marchés de la localité.

La petite restauration est la vente du riz et du haricot cuits, de akpan, du accassa, de la bouillie, etc.

Très peu d'entre elles s'investissent dans la transformation c'est-àdire la production du gari ou de l'huile de palme.

Aucune bénéficiaire n'est dans l'agriculture à cause du faible montant du crédit et de la durée considérable des récoltes qui ne peut s'accommoder avec les échéances de remboursement[33]. Ces résultats montrent que les femmes ne s'investissent que dans la gestion des produits de consommation courante caractéristique d'une économie de subsistance. Les statistiques concernant la répartition des femmes selon leur secteur d'activité se résument dans le tableau ci-dessous.

Tableau IV: Répartition des bénéficiaires selon les secteurs d'activités

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

Secteur d'activité

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

Agriculture

00

00

00

00

transformation

15

17

02

06

Petit commerce

39

43

18

60

Petite restauration

36

40

10

34

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

11.3- Tenue de la comptabilité des activités

Par rapport à la tenue régulière de la comptabilité, les résultats ont révélé que 83% des femmes de la première catégorie ne le font pas contre 90% qui le font dans la catégorie du groupe témoin. Cette pratique induit une fongibilité [34] du crédit dans les dépenses du ménage et complique la gestion financière de l'activité entreprise. 68% des bénéficiaires de la première catégorie pratique la fongibilité du crédit contre 0% dans la catégorie du groupe témoin. Le remboursement des crédits devient par conséquent compliqué. Le non remboursement du

[33] Le crédit est de 30.000 f à la première phase du programme et renouvelable une fois. IL passe à 50.000 f à la deuxième et troisième phase

[34]

La fongibiité du crédit est le mélange du crédit avec les autres sources de financement des dépenses du ménage

crédit à temps empêche le renouvellement et bloque non seulement l'activité individuelle mais aussi celle des autres membres du groupe selon les principes du crédit solidaire [35]. Les graphiques ci-dessous illustrent bien ces résultats obtenus.

Graphique VII: Répartition des femmes selon la tenue régulière de la
comptabilité de leurs activités économiques

Tenue régulière de la comptabilité
de l'acitvité économique

Groupe 1

83%

17%

OUI NON

10%

OUI NON

90%

Tenue régulière de la comptabilité
de l'acitvité économique
Groupe 2

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

Graphique VIII: Répartition des femmes selon la pratique de la fongibilité du
crédit dans les dépenses du ménage

Fongibilité du crédit dans les
dépenses du ménage
Groupe 1

32%

68%

OUI NON

Fongibilité du crédit dans les
dépenses du ménage
Groupe 2

100%

OUI NON

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

[35]Les principes du crédit solidaire stipulent que même si un membre du groupe a des impayés c'est tout le groupe qui est considéré comme débiteur et ne pourra renouveler crédit qu'après remboursement du montant total prêté à tout le groupe

CHAPITRE XII : CREDIT ET GESTION DES REMBOURSEMENTS

Il s'agit précisément ici du respect des délais de remboursement, des pressions de remboursement, des sources de remboursement.

12.1- Respect des délais de remboursement des crédits

Après l'octroi de crédit les bénéficiaires se confrontent au respect des délais de remboursement et les résultats ont révélé que 79% des femmes de la première catégorie n'arrivent pas à respecter ces délais contre 0% des femmes du groupe témoin de la deuxième catégorie. Cet état de fait s'explique par des difficultés induites par la fongibilité du crédit dans les dépenses du ménage et aussi par le jeu d'acteur de certaines femmes du groupe solidaire évoqués dans les résultats précédents. « il arrive que nous remettions nos sous au responsable du groupe mais qui ne rendent pas compte aux animateurs des IMF à temps » ont déclaré certaines femmes. Les données comparées de la proportion des deux groupes de bénéficiaires par rapport au respect ou non des délais de remboursement des crédits se présentent à travers le graphique suivant.

Graphique IX : Respect des délais de remboursement du crédit

OUI NON

OUI NON

Respect des délais de
remboursement du crédit
Groupe 1

21%

79%

Respect des délais de
remboursement du crédit
Groupe 2

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

12.2- Les pressions de remboursement de crédit

Le non respect des délais de remboursement des crédits donne lieu à des pressions sur les femmes défaillantes. Ces pressions proviennent non seulement du groupe solidaire d'appartenance, de la communauté mais aussi des IMF responsables des crédits dans la localité. C'est une pression sociale et psychologique qui prend d'ampleur graduellement. La pression communautaire est la plus forte en ce sens qu'elle devient populaire en impliquant les autorités cultuelles(Zangbéto)[36], traditionnelles et politiques locales.

Les pressions cultuelles des Zangbéto se manifestent par des menaces de publication nocturne du nom des débiteurs sur les sanctuaires et à travers le village sous l'instigation des animateurs locaux du programme en collaboration avec certains chefs de village. C'est la pression ultime parce qu'elle constitue une sorte de malédiction pour les mis en cause et engendre parfois des conflits entre les groupements et les familles. La répartition des bénéficiaires de la première catégorie de femmes ayant subi ces différentes formes de pression se présente dans le tableau ci-dessous.

Tableau V : Répartition des bénéficiaires ayant subi des pressions de
remboursement

Sources de pression

Nombre de bénéficiaires

Pourcentage (%)

IMF

41

45

Groupe solidaire

26

29

Communauté

23

26

Total

90

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

[36] Les Zangbéto sont des sociétés secrètes chargées de sauvegarder les valeurs éthiques et traditionnelles

12.3 - Sources de remboursement des crédits

Les résultats ont aussi révélé que les crédits ne sont pas remboursés uniquement à partir des revenus nets des activités entreprises. 82% des femmes du premier groupe ont déclaré avoir recouru à plusieurs autres sources pour pouvoir rembourser les crédits contre 10% seulement au niveau du groupe témoin dont les 90% ont régulièrement remboursé les crédits à partir des revenus de leurs activités. Les autres sources de remboursement révélées par ces femmes au cours des enquêtes de terrain sont pour la plupart d'autres crédits auprès des tontiniers, des amies, des coépouses ou le mari. (( Nous essayons de jongler à gauche et à droite pour pouvoir payer les dettes. L'essentiel c'est que nous puissions faire quelque chose afin de trouver à manger avec nos enfants » ; (( si tu ne te débrouilles par pour payer l'argent de l'Etat, il semble que les gendarmes viendront nous arrêter après les mauvais sors que les Zangbéto peuvent nous jeter » ; (( c'est pour cela que nous courrons partout pour pouvoir rembourser l'argent de baba boni[37] » ; (( les crédits nous ont aidé mais si c'est comme cela on doit rembourser c'est pas la peine » ; (( nous préférons nous débrouiller nous même » ont déclaré plusieurs de ces femmes. Graphique X : Répartition des femmes selon les sources de remboursement du crédit

Sources de
remboursement des
crédits(Groupe 1)

Activités entreprises

Autres sources

18%

82%

Sources de
remboursement des
credits( Groupe 2)

10%

Activités entreprises

Autres sources

90%

Source : Données d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011

[37] Elles parlent du Président Boni YAYI en disant `' baba boni»

La tontine ou la microfinance informelle s'est révélée comme la principale source de recours pour le payement des crédits du programme de microcrédits aux plus pauvres. Elle est pratiquée à 100% par les femmes du groupe témoin et à 26% par le groupe cible de recherche comme le montre le tableau VI.

Tableau VI : Répartition des bénéficiaires selon la pratique de la tontine

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

pratique de tontine

Nombre de
bénéficiaires

fréquence
(%)

Nombre de
bénéficiaires

fréquence
(%)

Oui

23

26

30

100

Non

67

74

00

00

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

CHAPITRE XIII : SENS ET SIGNIFICATION DES MCPP POUR

LES BENEFICIAIRES

Les résultats de la perception de l'approche du programme de micro crédits aux plus pauvres par les bénéficiaires de la commune sont relatifs au montant du crédit, aux délais et procédures de remboursement et à la nature du programme.

13.1- Montant des crédits

Le montant du crédit qui s'élève à 30.000f renouvelable une seule fois pour la première phase et 50.000f pour la deuxième phase parait insuffisant surtout pour les bénéficiaires de la deuxième catégorie. 67% d'elles ont estimé qu'il faut augmenter le montant du crédit initial jusqu'à 200.000f au moins. La principale raison évoquée est que le montant accordé ne permet pas d'entreprendre une activité économique rentable et durable. Or pour les bénéficiaires de la première catégorie en difficulté, les résultats montrent que seulement 13% ont estimé que le montant est insuffisant. 40% l'ont trouvé acceptable et 37% l'ont trouvé suffisant comme crédit. « Il y a souvent la mévente et si le montant est trop élevé comment aions nous rembourser ? Mais l'Etat aussi n'a qu'à voir comment nous aider davantage » ; « les activités ne marchent pas » ; « l'Etat devrait même nous donnés ses fonds » ont déclaré la plupart de ces femmes au sujet de cet aspect du programme. Ces différents résultats relatifs au montant du crédit sont résumés dans le tableau VII.

.

Tableau VII: Répartition des bénéficiaires selon leur opinion du montant du
crédit

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

Montant du crédit

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

suffisant

37

41

04

13

acceptable

40

45

06

20

insuffisant

13

14

20

67

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

13.2- Délais et Procédures de remboursement des crédits

En ce qui concerne les délais et procédures de remboursement la plupart des bénéficiaires ont suggéré que les échéances de remboursement soient prolongées en passant d'une semaine à un mois en général. Le délai d'une semaine constitue une grande pression psychologique de micro-dette pour ces femmes dans la mesure où la plupart n'ont pas encore une expérience avérée de la pratique de tontine avec les banquiers ambulants. Ces derniers n'acceptent souvent pas des retraits sur dépôt avant un mois. 68% des bénéficiaires de la première catégorie et 60% du groupe témoin ont exprimé leur désir de voir ces délais prolonger.

Pour ce qui est de la procédure de mise en place et de remboursement des crédits, elle parait compliquée et trop modernisée pour 60% des femmes de la première catégorie contrairement à 87% des femmes du groupe témoin qui la trouve acceptable comme l'illustre le tableau VIII.

Tableau VIII : Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur les
échéances de remboursement du crédit et la procédure de mise en place et de
recouvrement

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

échéances de
remboursement du
crédit

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

acceptable

29

32

12

40

A prolonger

61

68

18

60

Total

90

100

30

100

 

procédure de mise en
place et de
recouvrement des
crédits

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

Nombre de
bénéficiaires

Fréquence
(%)

compliquée

54

60

04

13

acceptable

36

40

26

87

Total

90

100

30

100

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

13.3 - Nature du programme MCPP selon les bénéficiaires

Sur la question de la nature du programme, les résultats ont montré que dans la première catégorie des femmes de l'échantillon d'étude, 66% estime que le programme de microcrédits aux plus pauvres est un programme politico-électoraliste sur la base des déclarations de certains leaders politiques. « Les microcrédits ont une finalité électoraliste. C'est l'argent de la politique, même si vous ne remboursez pas ; personne ne vous arrêtera. C'est votre argent ». ont rapporté plusieurs femmes. Dans ce cas, les crédits peuvent être considérés comme des dons provenant de la générosité des politiciens pour se maintenir au pouvoir. Or dans la deuxième catégorie, celle des femmes du groupe témoin, 80% des bénéficiaires ont reconnu l'utilité socioéconomique du programme. Cet état de fait explique l'influence du

politique dans la gestion efficace du programme dans la localité reconnue comme région de l'opposition au pouvoir en place. Le tableau ci-dessous illustre la répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur la nature du programme.

Tableau IX: Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur la nature du
programme.

 

Première catégorie de
bénéficiaires

Deuxième catégorie de
bénéficiaires

Nature du programme

Nombre de

fréquence

Nombre de

fréquence

9

bénéficiaires

(%)

bénéficiaires

(%)

99999999e 19

99

99

99

99

99999)999999t 199939

 
 
 
 

9999999)9e

 
 
 
 

99999999e 19

99

99

99

99

99999)999999t

 
 
 
 

99939399999999999li19e

 
 
 
 

Total

99

999

99

999

 

Source : enquête de terrain, septembre - octobre 2011

CHAPITRE XIV : ANALYSE DES RESULTATS

Le but de la recherche est de répondre à la question de départ que tout chercheur se pose en ayant soin de se fixer des hypothèses explicatives avant de procéder à l'observation. L'analyse des résultats issus de cette observation constitue l'étape fondamentale qui permet de vérifier d'une part, la validité de ou des hypothèses et d'interpréter d'autre part, les écarts entre les faits attendus et les réalités observées. Cette analyse conduit donc le chercheur à tirer les conclusions nécessaires et à proposer de nouvelles pistes de réflexions pour des recherches ultérieures.

14.1- Rappel des hypothèses et objectifs de recherche

La question de départ qui sous-tend la présente recherche a été de savoir pourquoi la pauvreté monétaire s'accroit en milieu rural béninois et en l'occurrence dans la commune d'Adjarra malgré les efforts consentis par l'Etat à travers la stratégie de microfinancement des activités génératrices de revenus. Entre 2006 et 2010 les résultats affichés par la mise en oeuvre du programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune montrent que 97,5% des bénéficiaires n'ont pas pu amorcer la phase d'autonomisation financière réelle et de sortie de l'extrême pauvreté selon les objectifs et principes directeurs du programme.

Nous avons émis deux hypothèses explicatives. Selon la première, Les réalités socioculturelles liées à la femme représentent des freins majeurs au développement des activités économiques des bénéficiaires du programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune rurale d'Adjarra. En d'autres termes les activités économiques des femmes bénéficiaires de microcrédits de la commune d'Adjarra sont « prises aux filets » par des réalités socioculturelles et anthropologiques relatives à la maternité, au veuvage et au statut social de la femme rurale. La deuxième hypothèse se rapporte à l'approche d'économie de

marché du programme de microcrédits aux plus pauvres qui s'est révélée incompatible au contexte d'économie de subsistance de la société paysanne et traditionnelle de la commune rurale d'Adjarra.

Les objectifs spécifiques de la recherche se sont articulés autour de l'identification des réalités socioculturelles et anthropologues qui pèsent sur les activités économiques des femmes de la commune et de l'analyse de l'approche innovante du programme de microcrédits aux plus pauvres dans l'environnement paysans de la commune rurale d'Adjarra à partir du vécu des bénéficiaires.

14.2- Synthèse des résultats

Les conclusions de la recherche montrent que la croissance de la pauvreté monétaire au niveau des femmes rurales de la commune d'Adjarra malgré les efforts de microfinancement des activités génératrices de revenus est due à deux grandes réalités. En amont, la stratégie de portage par phases du programme de microcrédits aux plus pauvres s'inscrit dans une logique d'économie de marché. Ce qui ne répond pas aux attentes réelles et aux rationalités de la grande masse des bénéficiaires qui sont moulées dans un système social d'économie de subsistance. En aval, la rentabilité et la continuité des activités économiques entreprises se trouvent engluées dans des réalités socioculturelles et anthropologiques auxquelles la femme rurale ne peut se soustraire facilement. Le succès économique efficace du programme de microcrédits aux plus pauvres dans sa conception actuelle dans les milieux ruraux en général et dans la commune rurale d'Adjarra nécessite par conséquent un temps assez considérable de transformation et de changement du milieu social ; c'est-à-dire du contexte socioculturel et anthropologique que constitue le milieu rural.

En effet, les réalités socioculturelles et anthropologiques identifiées dans la commune et qui influencent fortement les activités économiques des femmes sont principalement les obligations rituelles liées à la

maternité nombreuse des femmes et au veuvage. Ces obligations institutionnelles sont principalement des rites de passage comme le baptême traditionnel, la détermination de l'ancêtre incarné dans le nouveau-né, les signes du fâ sous lesquels l'enfant est né et les différentes cérémonies de deuil inhérentes au veuvage.

Le lien structurel de parenté, la polygamie et le statut de chef de ménage porté par la majorité des femmes du milieu (traits caractéristiques de la société traditionnelle d'Adjarra) qui modulent le comportement de la femme rurale se sont également révélés comme des freins qui hypothèquent la rentabilité des activités en termes de croissance économique des revenus.

14.3-Analyse des résultats

La socio-anthropologie du changement social ou du développement socio-économique étant une discipline transversale incluant à la fois l'anthropologie politique, la sociologie des organisations, l'anthropologie économique, la sociologie des réseaux, l'anthropologie des représentations et systèmes de sens, toutes ces réalités identifiées et qui ont pris au filet les activités économiques des femmes dans la commune d'Adjarra sont analysées ici sous ces différents aspects.

Autrement dit, l'enjeu est la lutte contre la pauvreté dans un environnement social rural caractérisé par des rationalités socioculturelles spécifiques. Cette lutte contre la pauvreté s'inscrit dans une dynamique qui implique des acteurs qui s'interagissent à travers des organisations. Le système d'interactions organisées de tous ces acteurs conduit au résultat de réduction ou non de la pauvreté. C'est ce que Crozier et Friedberg appellent en analyse stratégique des organisations « système d'action concret » [38]. Les organisations impliquées dans la

[38] Crozier M. & Friedberg E. , (1977), l'acteur et le système, le seul, Paris

stratégie de microfinancement des activités génératrices de revenus dans la perspective de réduction de la pauvreté dans la commune sont de deux types. Il s'agit des organisations formelles et des organisations informelles. [39]

Les organisations formelles en jeu sont l'Etat (ministère de la microfinance, de l'emploi des jeunes et des femmes, le fond national de microfinance, la mairie d'Adjarra à travers ses arrondissements), les partenaires stratégiques du FNM (Coopérative chrétienne d'épargne et de crédit - CCEC, l'Association des marchés du Bénin - ASMAB) et les groupements solidaires constitués dans les villages par le programme de microcrédits aux plus pauvres.

Les organisations informelles en jeu sont les ménages, les familles, les clans, l'organisation du pouvoir traditionnel représenté ici par la société secrète des Zangbéto[40]

Ici, le système d'action concret qu'est le résultat de réduction de la pauvreté à travers la microfinance est la convergence des stratégies des acteurs et des groupes qui animent ces différentes organisations formelles et informelles avec des marges de manoeuvre et des sources de pouvoir différentes.

Les acteurs des organisations formelles impliquées dans la lutte contre la pauvreté dans la commune tirent leurs stratégies d'actions, de pouvoir et de marge de manoeuvre du système de l'environnement de l'économie politique ou de l'économie de marché. Cette source d'action de développement module des comportements et des pratiques qui visent l'accroissement de revenus et la réalisation de profit à travers les activités entreprises par les femmes plus pauvres. Cela se traduit clairement dans les objectifs même du programme de microcrédits aux plus pauvres que sont entre autres :

[39] Les organisations formelles sont régies par de lois et des règles écrites or les organisations informelles sont régies par des lois et règles non écrites mais sociologiques et anthropologiques

[40]

Les Zangbéto sont des revenants organisés en société secrète et chargés de faire respecter la tradition

- La création au niveau des populations cibles, des sources plus ou moins régulières de revenus ainsi que l'accroissement de ces revenus,

- La promotion de la culture de l'entrepreneuriat à leur niveau en vu d'obtenir l'accroissement de leurs capacités techniques et organisationnelles ; ce qui les prépare mieux à la conquête du marché.

Les acteurs des organisations informelles par contre tirent leurs stratégies, pouvoir et marges de manoeuvre de l'environnement de l'économie de subsistance qui ne vise pas toujours le profit et qui est aussi fortement influencée par des réalités socioculturelles et anthropologiques identifiées au terme des études de terrain. La force de coercition extérieure de ces réalités détermine le comportement des bénéficiaires de microcrédits et d'autres acteurs de ces organisations informelles impliquées dans le programme au niveau de la commune. « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience » disait Karl Marx[41] dans sa vision holistique de la réalité sociale.

En d'autres termes les femmes bénéficiaires du programme de microcrédits dans la commune d'Adjarra ont bien conscience de vouloir sortir de l'extrême pauvreté. Mais les exigences des réalités de leur milieu social ne leur permettent pas d'avoir des comportements et des stratégies d'action efficace pour la réalisation rapide du gain et du profit. Pour que la microfinance puisse avoir des résultats rapides et considérables en matière de réduction de la pauvreté dans ces conditions, il faille d'abord opérer une transformation profonde du système socioculturel et anthropologique de la commune.

Or, les réalités socio-anthropologiques identifiées qui pèsent sur les activités génératrices de revenus des femmes bénéficiaires ont des

[41]Karl Marx,(1859), Critique de l'économie politique ; p 59

fonctions importantes dans le système socioculturel de la commune. Malinowski dans son approche fonctionnaliste disait déjà que « dans tous les types de civilisation, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque idée et chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche à accomplir, représente une partie indispensable d'une totalité organique »[42]. Par exemple parmi les rites coutumiers liés à la maternité, il y a les cérémonies de détermination de l'ancêtre incarné dans le nouveau-né(le Djoto) et les signes du fâ[43] sous lesquels l'enfant est venu au monde. Si ce sont des jumeaux, les cérémonies sont encore plus intenses et soustraient la nouvelle mère à toute activité économique pour une période assez considérable. Dans ces conditions, la femme n'a pas le choix entre la vie de son enfant qui lui est très cher et l'activité économique. Le veuvage quant à lui comporte aussi des rituelles de séparation de l'âme du défunt mari d'avec celle de l'épouse en vie. Le non respect de ces pratiques engendrerait aussi la mort prématurée de l'épouse qui serait rappelée par son défunt mari conformément à la loi spirituelle du mariage contracté par les deux conjoints avant le décès du mari. On retrouve donc à ce niveau de considération des choses, une anthropologie des représentations et des systèmes de sens très fort que les bénéficiaires accordent à leurs réalités face aux activités économiques.

Le lien de parenté dans une perspective de sociologie des réseaux constitue une institution anthropologique spécifique aux sociétés africaines traditionnelles. Il est reconnu en tant que tel par les acteurs du pouvoir politique traditionnel qui en sont les gardiens. Les stratégies de développement et de changement social qui tentent de briser ces types de lien sociaux de l'extérieur ne connaissent pas toujours de succès. Le système social des milieux ruraux ne sont pas compatible avec le

[42] Malinowski,( 1884 - 1942) est un anthropologue, ethnologue et sociologue anglais d'origine polonaise

[43]

Les signes du fâ sont des déterminants de la géomancie qui gouvernent le destin de l'enfant

système économique capitaliste formel. Les réalités et les rationalités ne sont pas les mêmes.

Or, au regard des résultats issus de la présente recherche, le programme de microcrédits aux plus pauvres est conçu et mis en oeuvre sur fond de rationalité de l'économie politique assorti d'une vision de croissance de revenus par la maximisation du gain, mais qui rencontre un système d'économie de subsistance dans les milieux ruraux béninois en l'occurrence dans la commune rurale d'Adjarra. Le constat des limites de cette approche de politique de développement socio-économique à la base face à la croissance paradoxale de la pauvreté monétaire s'expliquent donc par la rencontre sur le terrain de deux systèmes socioéconomiques aux rationalités et réalités presque dichotomiques qui annihilent les efforts de développement déployés. Il s'agit des réalités et rationalités de l'économie politique formelle capitaliste portées par le programme de développement MCPP et les réalités et rationalités de l'économique de subsistance portées par les bénéficiaires dans les zones rurales et paysannes comme la commune d'Adjarra.

En d'autres termes la compréhension des limites ou des difficultés que rencontre la microfinance dans les milieux ruraux du Bénin et spécifiquement dans la commune rurale d'Adjarra s'inscrit parfaitement dans le modèle d'analyse holistique d' « embeddedness » de Karl Polanyi. Le fait économique que constitue la microfinance dans sa vision actuelle est pris au filet par des réalités socioculturelles et anthropologiques des zones rurales du pays. Le succès véritable de cette stratégie en guise de politique de réduction de la pauvreté rurale nécessite la compréhension et la mise en adéquation de ces réalités socio-anthropologiques avec les approches de développement dans une perspective d'économie substantive qui dépasse l'économie politique formelle.

14.4- Limites de la recherche et perspectives pour la thèse

Le présent travail de recherche sur « la microfinance dans la problématique de réduction de la pauvreté rurale au bénin : Expériences du programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres(MCPP) dans la commune rurale d'Adjarra » a eu le mérite d'identifier des pesanteurs institutionnelles, culturelles, structurelles et économiques qui limitent les efforts de la microfinance dans le milieu rural de la commune d'Adjarra en tant qu'outil de réduction de la pauvreté. Cependant, face à ces difficultés que rencontre la stratégie actuelle de microfinance dont les exigences économiques sont encore incompatibles avec les réalités des sociétés traditionnelles, quels sont les savoirs endogènes qui pourront être utiles au financement des activités des pauvres dans les milieux ruraux du pays ? Faute de temps et de ressources financières, la présente étude n'a pas pu aborder ces pistes et bien d'autres considérations liées à la question. C'est pour cela que nous avons estimé que ces nouvelles dimensions de la question pourront être abordées dans des travaux de recherche ultérieur. Ces travaux pourraient rentrer dans le cadre de la préparation de la thèse de doctorat. Dans cette perspective le sujet pourra prendre l'orientation suivante : « Microfinance et dynamisme des pratiques financières endogènes de lutte contre la pauvreté rurale au sud-Est du Bénin : essai empirique pour une anthropologie de la microfinance ».

Il s'agira en termes d'objectifs spécifiques

D'identifier les forces et les faiblisses de la microfinance formelle dans le processus de réduction de la pauvreté en milieu rural béninois ;

D'identifier les atouts et les contraintes de la microfinance informelle traditionnelle pour le développement des activités économiques en milieu rural béninois ;

De comparer les deux approches moderne et traditionnelle de financement de l'activité économique des femmes pauvres en milieu rural,

De faire une synthèse systématique des pratiques endogènes efficace de financement des activités économiques des femmes rurales dans le sud -Est Bénin

CONCLUSION

La microfinance constitue aujourd'hui un instrument non moins négligeable dans la démarche de réduction de la pauvreté dans les pays en développement. En fonction de ses performances dans d'autres pays, il a été question ici de savoir pourquoi au Bénin et particulièrement dans les zones rurales comme la commune d'Adjarra, les résultats de la microfinance sont encore peu significatifs face à la croissance de la pauvreté monétaire en dépit des efforts manifeste d'accessibilité aux crédits déployés par le Gouvernement depuis 2006. Se fondant sur la théorie de « l'embeddedness » de Polanyi, c'est-à-dire du fait économique « prise au filet » par des réalités socioculturelles et anthropologiques, deux hypothèses explicatives ont été émises et se sont révélées vérifiées aux termes des investigations et des analyses. D'une part, il s'est agit du fait que certaines réalités socioculturelles et anthropologiques liées à la maternité (baptême traditionnel, détermination de l'ancêtre incarné dans le nouveau-né, ses signes du fâ...), et au veuvage (long rituel de deuil et de séparation de l'âme du défunt avec son épouse) constituent des freins au développement des activités économiques entreprises par les femmes bénéficiaires de microcrédits dans la commune d'Adjarra. D'autre part, il a été aussi vérifié que l'approche d'économie de marché associé à la solidaritégroupe adoptée par le programme de microcrédits aux plus pauvres est encore incompatible au système de société paysanne et traditionnelle de la commune rurale d'Adjarra. Ce système socio-économique est fortement dominé par des pratiques de l'économie de subsistance entretenu par des liens évidents de la parenté, la polygamie et des exigences de statut de chef de ménage porté par la majorité des bénéficiaires. Ce qui maintient la majorité des bénéficiaires dans un cycle permanent d'endettement et d'appauvrissement continu. Ces réalités endogènes et traditionnelles constituent des limites au

développement des « capabilités » des femmes rurales en termes de leur insertion dans un système d'économie de marché. La principale connaissance théorique à laquelle le présent travail de recherche a conduit est que la pauvreté monétaire galopante en milieu rural béninois est due à la rencontre hétérogène des dynamiques rationnelles du système économique marchand avec les rationalités du système d'économie de subsistance dans les zones rurales dominées par des réalités socio-anthropologiques locales. En termes de perspectives pratiques découlant de cette étude, on peut retenir la recherche de l'harmonisation continue des stratégies de réduction de la pauvreté avec les réalités endogènes et les attentes des populations dans les programmes et projets de développement. La présente analyse des limites de la microfinance face à la pauvreté est un champ de recherche difficile mais qui pourra permettre l'amélioration des pratiques interventionnistes et contribuer à modérer les positions excessives de certains décideurs. Certes, la microfinance est capable de réduire la pauvreté, tout en faisant preuve de rentabilité. Mais comment aboutir à la croissance de richesse dans des sociétés africaines majoritairement non capitalistes avec des méthodes et processus de l'économie formaliste fondée sur la monétarisation excessive de l'échange et du profit ? Face à une forte tendance à la mondialisation de l'économie aujourd'hui, il est évident que la microfinance peut conduire au meilleur comme au pire. L'essentiel c'est de pouvoir identifier quelles stratégies mènent à tel ou tel scénario surtout dans les sociétés africaines en développement car, comme le souligne le paysan sénégalais Mamadou Cissokho « pour que le développement soit local, il faut que la force du développement soit locale. Le système actuel donateurs-récepteurs n'est pas éternel. Pour que nous soyons indépendants, il nous faut un moyen puissant de financement, d'organisation et de gestion rigoureuse»[44].

[44]Fernand V.,(1987), Manuel de gestion pratique des associations de développement rural du tiers monde. Tome II, l'Harmattan, Paris

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ANNEXES

OUTIL N°1 : GRILLE DE LECTURE

I - TITRE DE L'OUVRAGE, DU RAPPORT OU DE L'ARTICLE

II- NATURE DE L'OUVRAGE

III- NOM ET PRENOM DU OU DES AUTEURS

IV- ANNEE DE PUBLICATION OU D'EDITION

V- NOMBRE DE PAGES DE L'OUVRAGE

VI- RESUME DE L'OUVRAGE

VII- LES PRINCIPALES IDEES ET CITATIONS

VIII- LE CENTRE DE DOCUMENTATION

IX- LES COORDONNEES DU SITE INTERNET

I-

OUTIL N°2 : GUIDE D'OBSERVATION

LES GROUPEMENTS SOLIDAIRES Nombre de membres

Types de femmes

Catégories de bénéficiaires

Cohésion du groupe

Lien de parenté

II- LES ACTIVITES GEGERATRICES DE REVENUS Nature de l'activité

Types de produits

Circuit d'approvisionnement et de vente

III- LES FEMMES DANS LES MENAGES Types de ménage

Taille des ménages

L'environnement du ménage

Les enfants

Le mari

Les occupations quotidiennes

IV- LES RITES SOCIOCULTURELS ET ANTHROPOLOGIQUES PARTICULIERS

Nature des rites

Durée des rites

Le contenu cultuel

Relation du rite avec l'activité économique

OUTIL N°3 : GUIDE D'INTERVIEW

I- IDENTITE DU BENEFICIAIRE

1- Nom et prénom :

2- Village :

3- Arrondissement

4- Situation matrimonial : marié

5-

6-

 
 

non marié

 
 

5- Taille du ménage

6- Type de ménage : monogamique polygamique

7-

Statut dans le ménage : chef de ménage pas chef de ménage

[

8- Activité entreprise :

9- Secteur d'activité : agriculture commerce

[

autre

10- Source de financement : MPCPP

MPCPP+autres

12- Nombre de crédit obtenu

14- Date du premier crédit MCPP :

15- Revenu moyen : journalier Hebdomadaire

II - LA GESTION DES ACTIVITES GENERATRICES DE REVENUS
ET LE MODE DE CONSTITUTION DES GROUPES SOLIDAIRES

transformation

Mensuel

13 -Marge bénéficiaire : journalière Hebdomadaire Mensuelle

14-Dépense moyenne par jour dans le ménage

Avant les crédits Apres les crédits
15- Maitrise des pratiques commerciales ou de production liées à

une Meilleure rentabilité : très faible faible bonne

très bonne

16- Diversification des activités économiques :

pas du tout peu

[

 

très peu

[ considérable

 
 
 
 

très considérable

14-

capacité à surmonter les difficultés de trésorerie : très faible

faible bonne très bonne

15- augmentation des actifs de l'entreprise :

pas du tout peu

[

 

très peu

 

considérable

 

très

 
 
 
 
 

considérable

16- Le groupe solidaire :

Mode de constitution

Difficultés .

Expérience

.

III- LE SERVICE D'OFFRE DE CREDIT ET LA GESTION DU REMBOURSEMENT

16- Système d'accès aux crédits du MCPP

Facile

 

difficile

[ compliqué

 
 
 
 

17-Système de recouvrement

Très souple souple

[

 

très rigoureux

 

rigoureux

 

recours à

 
 
 
 
 
 

d'autres sources

18 - remboursement du crédit : difficile facile recours à d'autres

sources

LES PESANTEURS SOCIOCULTURELLES 19- la maternité et ses rites

20- Le veuvage et ses rites

21- le système de parenté

22- autres réalités

IV- Sens et signification des MCPP pour les bénéficiaires

23- le montant des crédits

Très insuffisant insuffisant acceptable élevé

trop élevé

24- Nature du programme

Programme de développement socio-économique Programme de développement politico-électoraliste

Table des matières

SOMMAIRE

Pages

2

REMERCIEMENTS

.....4

SIGLES ET ACRONYMES

..5

LISTE DES TABLEAUX

7

LISTE DES GRAPHIQUES

7

RESUME

9

INTRODUCTION

11

PREMIERE PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA PAUVRETE....................................

14

CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

..15

1.1- Le microcrédit entre pauvreté et production de richesse

15

1.2- Les hypothèses de recherche

.18

1.3- Les objectifs de la recherche

.18

1.4- Justification du choix du sujet et du champ d'étude

..19

CHAPITRE II : CHAMP SCIENTIFIQUE ET FONDEMENT THEORIQUE

 

DE LA RECHERCHE

.20

2.1- Champ scientifique de la recherche

21

2.2- Fondements théoriques de la recherche

21

CHAPITRE III : CLARIFICATION CONCEPTUELLE

.26

3.1- La pauvreté

26

3.2- La Microfinance

29

3.3- L'économie de marché et l'économie de subsistance

30

3.4- La société traditionnelle et rurale

31

CHAPITRE IV : HISTORIQUE DE LA MICROFINANCE ET DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE 32

4.1- Historique de la microfinance en Afrique . .32

4.2- Historique des politiques de lutte contre la pauvreté dans le monde

et au Bénin 33

DEUXIEME PARTIE : REVUE DE LITTERATURE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE

RECHERCHE............................................................................................

...38

CHAPITRE V : ETAT DE LA PAUVRETE ET DE LA MICROFINANCE

39

5.1 - La pauvreté au Bénin

..39

5.2- La microfinance au Bénin et dans le monde

45

CHAPITRE VI : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE RECHERCHE...........

49

6.1- Nature de l'étude

49

6.2 -Population d'enquête

49

6.3 - Echantillonnage

50

6.4 : Méthode, techniques et outils d'investigation

.51

6.4.1 - L'analyse documentaire

51

6.4.2- La pré-enquête

52

6.4.3-Le pré-test .

..52

6.4.4 - l'observation .

52

6.4.5 - L'entretien semi-directif

53

6.4.6- Le focus group ..54

6.4.7- Outils de collecte des données 55

6.5 - Méthode et technique de traitement de données .56

6.6- Le modèle d'analyse 57

TROISIEME PARTIE : MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES ET MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE

D'ADJARRA ................................................................................................. 59

CHAPITRE VII : LE MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES( MCPP) 60

7.1- Contexte de mise oeuvre du programme MCPP au Bénin .60

7.2- Objectifs et attentes du programme MCPP 61

7.3 - Cadre institutionnel et mode opératoire du programme MCPP 63

7.3.1- Cadre institutionnel de mise en oeuvre du programme MCPP .63

7.3.2- Mode opératoire du programme MCPP . .63

CHAPITRE VIII : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA 67

8.1- Le milieu physique de la commune d'Adjarra .67

8.1.1- Situation géographique et climat . 67

8.1.2- Relief, sol et végétation à Adjarra .

8.2- Potentiel économique de la commune d'Adjarra

8.2.1 - Commerce

8.2.2- Agriculture et élevage

8.2.3- La pêche, la chasse et l'artisanat

8.3 - Structuration sociale de la commune

8.3.1 - Peuplement et mouvements des populations

8.3.2- Ethnies et religions

8.3.3- Pouvoir politique traditionnel

8.3.4- Pouvoir politique moderne

8.3.5- Place de la Femme dans la société d'Adjarra

8.4- Organisation administrative et infrastructures

8.4.1- Administration de la commune

8.4.2- Infrastructures de la commune

QUATRIEME PARTIE: INFLUENCES DES REALITES SOCIOCULTURELLES ET ECONOMIQUES SUR

LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA CHAPITRE IX : IDENTITE SOCIALE DES BENEFICIAIRES DE

MICROCREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA

9.1- Statut des femmes bénéficiaires dans les ménages

9.2- Type de ménage des femmes

9.3- Taille des ménages des bénéficiaires de microcrédits

...46

69

70

...70 .71 .73

.....73

74

.........75

. ..76

..... ...76

78

78

79

8H

82

.82

84

85

CHAPITRE X : PESANTEURS SOCIOCULTURELLES ET RENTABILITE DES

ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A ADJARRA .

..86

10. 1- Influence des rites de la maternité sur l'activité des femmes

.....86

10 .2 - Influence du veuvage sur l'activité des femmes

88

10.3- Influences des liens de parenté sur l'activité des femmes

89

CHAPITRE XI: GROUPES SOLIDAIRES ET GESTION DES ACTIVITES

 

GENERATRICES DE REVENUS

..91

11.1- Expérience des femmes en gestion de groupe solidaire

91

11.2- Secteur d'activité des femmes

..92

11.3- Tenue de la comptabilité des activités

.93

CHAPITRE XII : CREDIT ET GESTION DES REMBOURSEMENTS 95

12.1- Respect des délais de remboursement des crédits .95

12.2- les pressions de remboursement de crédit .96

12.3 - Sources de remboursement des crédits 97

CHAPITRE XIII : SENS ET SIGNIFICATION DES MCPP POUR

LES BENEFICIAIRES .99

13.1- Montant des crédits 99

13.2- Délais et Procédures de remboursement des crédits 100

13.3 - Nature du programme MCPP selon les bénéficiaires 101

CHAPITRE XIV : ANALYSE DES RESULTATS 103

14.1- Rappel des hypothèses et objectifs de recherche 103

14.2- Synthèse des résultats .104

14.3-Analyse des résultats 105

14.4- Limites de la recherche et perspectives pour la thèse .110

CONCLUSION . 112

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 114

ANNEXES . ...119

TABLE DES MATIERES 125






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery