UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI
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FACULTE DES LETTRES ARTS ET SCIENCES HUMAINES
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ECOLE DOCTORALE PLURIDISCIPLINAIRE
« Espaces, Cultures et
Développement »
****************
FILIERE :
Sociologie-Anthropologie
SPECIALITE : Sociologie du
Développement
MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES
APPROFONDIES (DEA) SUJET
MICROFINANCE ET PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE
LA PAUVRETE AU BENIN : Expérience des femmes du programme de Micro
Crédits aux Plus Pauvres(MCPP) dans la commune rurale
d'Adjarra
Réalisé et soutenu publiquement par :
Benjamin D. GOGAN
Le 31 Mai 2012 à Cotonou
Sous la direction de
Albert NOUHOUAYI
Professeur Emérite des universités
CAMES
Avec la collaboration de
Adolphe KPATCHAVI
Maître-assistant des universités CAMES
Mention Très Bien
Année académique 2010 - 2011
SOMMAIRE
INTRODUCTION .11
PREMIERE PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION
DE LA PAUVRETE.....................14
DEUXIEME PARTIE : REVUE DE LITTERATURE ET
DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE
RECHERCHE............................................................................................
..38
TROISIEME PARTIE : MICROCREDITS AUX PLUS PAUVRES
ET MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE
D'ADJARRA
............................................................................................
....59
QUATRIEME PARTIE: INFLUENCES DES REALITES
SOCIOCULTURELLES ET ECONOMIQUES SUR
LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE
D'ADJARRA............................................. 81
CONCLUSION 112
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 114
TABLE DES MATIERES ..125
A toi mon fils bien
aiméKpèjesuton Amniel GOGAN
REMERCIEMENTS
Le présent travail de recherche ne saurait être
une réalité sans le concours de certaines personnes et
personnalités pour lesquelles je tiens à témoigner ici
toute ma gratitude. Il s'agit :
du Professeur Albert NOUHOUAYI, Professeur Emérite de
Philosophie et Sociologie des universités du CAMES ; merci pour avoir
accepté de diriger ce travail malgré vos multiples occupations
;
du Docteur Adolphe KPATCHAVI, Maître-assistant des
universités CAMES ; merci pour avoir accepté sacrifier de votre
temps pour le suivi et les orientations scientifiques nécessaires ;
du Professeur Albert TINGBE-AZALOU, Maître de
Conférences des universités du CAMES ; merci pour vos conseils
;
du Professeur Gauthier BIAOU, Maître de Conférences
des universités du CAMES ; merci pour tous vos conseils ;
de Monsieur Léopold GOGAN, Secrétaire
Général du ministère du Commerce et de l'Industrie ; merci
pour vos conseils et soutiens ; de Madame Réckya MADOUGOU, Ministre de
la Microfinance, de l'Emploi des Jeunes et des Femmes, merci pour votre accueil
et les orientations dans les structures de votre département ;
de Monsieur Komi KOUTCHE, Directeur Général du Fond
National de la Microfinance(FNM) ; merci pour votre accueil et orientation ; de
Monsieur Issifou SANNI, Directeur des opérations au FNM ; merci pour
votre accueil, facilitation et orientations vers les IMF partenaires
stratégiques du FNM ;
de tous les responsables et agents de la CCEC et de l'ASMAB;
merci pour n'avoir ménagé aucun effort pour me faciliter les
enquêtes de terrain
de toutes les femmes bénéficiaires de
microcrédits aux plus pauvres de la commune d'Adjarra
SIGLES ET ACRONYMES
AGeFIB : Agence de Financement des Initiatives de Base AGR :
Activités Génératrices de Revenus
ASMAB : Association de Solidarité des Marchés du
Bénin
CAMES : Conseil Africain et Malgache de l'Enseignement
Supérieur CAPE : Cellule d'Analyse de Politique Economique
CAVECA : Caisses Villageoises d'Epargnes et de Crédits
Autogérés CBDD : Centre Béninois de Développement
Durable
CEC : Caisses d'Epargne et de Crédit
CCEC : Coopérative Chrétienne d'Epargne et de
Crédit
CERISE : Comité d'Echange et de Réflexions sur les
Systèmes d'Epargne-crédit
CLCAM : Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel
CREP : Caisses Rurales d'Epargne et de Prêt
CRM : Centre de Recherche sur la Mondialisation
CVEC : Caisses Villageoises d'Epargnes et de Crédits
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté
DSCRP : Document de Stratégie de Croissance pour la
Réduction de la Pauvreté
EBC : Enquête Budget Consommation
ECVR : Etudes sur les Conditions de Vie des ménages Ruraux
EMICOV: Enquête Modulaire Intégrées sur les Conditions de
Vie des ménages
FECECAM : Fédération des Caisses d'Epargne et de
Crédit Agricole Mutuel
FINCA : Fondation Internationale pour l'Assistance Communautaire
FNM : Fonds National de Microfinance
GRET : Groupe de Recherche et d'Echanges
Technologiques IMF : Institution de Micro Finance
INSAE : Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Economique IRAM : Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes
de développement
K-REP : Programme d'Entreprise Rurale du Kenya
MCA : Millenium Challenge Account
MCPP : Micro Crédits aux Plus Pauvres
MDR: Ministère du Développement Rural
MISD : Ministère de l'Intérieur et de la
Sécurité et de la Décentralisation ONG: Organisation Non
Gouvernementale
PADME : Projet d'Appui au Développement des Micro
Entreprises PADSA : Programme d'Appui au Développement du Secteur
Agricole PAPME : Projet d'Appui aux Petites et Moyennes Entreprises
PISEA : Programme d'Insertion des Sans Emplois dans l'Agriculture
PAGER : Projet d'Activités Génératrices de Revenus
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PARMEC : Projet d'Appui à la Réglementation sur les
Mutuels d'Epargne et de Crédit
PAE : Plan d'Action Environnemental
PRODECOM : Programme de Démarrage des Commune
RGPH 3: Recensement Général de la Population et de
l'Habitation 3 SPA : Seuil de Pauvreté Alimentaire
SPNA : Seuil de Pauvreté Non Alimentaire
SPG : Seuil de Pauvreté Globale
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UMOA
: Union Monétaire Ouest Africaine
UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour la Science,
l'Education et la Culture
USAID: United State Agency of International Development
LISTE DES TABLEAUX Pages
Tableau I: Evolution des indices de pauvreté entre
2002 et 2006 43 Tableau II:Répartition des
bénéficiaires selon la taille de leur ménage.85
Tableau III : Données comparées de l'expérience des
femmes
en gestion de groupe solidaire .
..92 TableauIV:Répartition des bénéficiaires
selon les secteurs d'activités.93 Tableau V :
Répartition des bénéficiaires ayant subi des pressions
de
remboursement 96 Tableau VI : Répartition
des bénéficiaires selon la pratique de la
tontine ......98 Tableau VII: Répartition
des bénéficiaires selon leur opinion du montant
du crédit .. 100 TableauVIII :
Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur les
échéances de remboursement du crédit et la
procédure de mise en
place et de recouvrement 101 Tableau IX:
Répartition des bénéficiaires selon leur opinion sur
la nature
du programme ..102
LISTE DES GRAPHIQUES
GraphiqueI: Répartition des femmes selon leur statut
dans le ménage.83 Graphique II Types de ménage des
bénéficiaires .. ........ 84 Graphique III :
Répartition des bénéficiaires selon l'influence des rites
de
la maternité sur leurs activités
.....87 Graphique IV: Répartition des
bénéficiaires selon la fréquence de
maternité entre 2006 et2011 87 Graphique
V : Répartition des bénéficiaires selon l'influence du
veuvage
sur leurs activités .88 GraphiqueVI :
Répartition des bénéficiaires selon l'influence de
la parenté sur leurs activités .....
90 Graphique VII : Répartition des femmes selon la tenue
régulière de
la comptabilité de leurs activités
économiques ..... 94
Graphique VIII: Répartition des femmes selon la
pratique de la fongibilité
du crédit dans les dépenses du ménage
94
Graphique IX : Respect des délais de remboursement
crédit 95
GraphiqueX : Répartition des femmes selon les
sources
de remboursement du crédit 97
RESUME
La pauvreté est un phénomène de
société caractérisé par des privations diverses.
L'objectif fondamental de la présente recherche est d'élucider le
paradoxe de la croissance de ce phénomène au niveau des femmes
rurales béninoises et celles de la commune d'Adjarra en particulier
malgré les efforts de micro financement des activités
génératrices de revenues. A travers l'expérience des
femmes bénéficiaires de microcrédits aux plus
pauvres(MCPP) dans la commune d'Adjarra, la présente étude a
tenté d'identifier les causes de ce paradoxe et d'analyser l'approche
économique du programme MCPP dans la société
traditionnelle et rurale d'Adjarra. L'échantillon d'étude a
été tiré à double degré. Un premier
degré de portée géographique a retenu trois des quatre
arrondissements à forte ruralité sur les six que compte la
commune. Le second degré de type aléatoire simple et probabiliste
par quota a été tiré au hasard parmi les
bénéficiaires identifiées selon deux catégories. Il
y a la catégorie de la grande masse des bénéficiaires en
difficulté (97,5%) et la catégorie témoin de l'infime
minorité (2,5%) qui s'efforce pour émerger selon les principes du
programme. Les résultats ont révélé d'une part que
ce sont les obligations des rites socioculturels liés à la
maternité et au veuvage qui limitent surtout la rentabilité
économique des femmes en dehors de leur statut de chef de ménage
et du système social de la commune dominé par la parenté
et la polygamie. D'autre part l'analyse de l'approche innovante du programme
MCPP a révélé que c'est la rencontre
hétérogène de l'approche d'économie de
marché du programme avec le système d'économie de
subsistance dans la localité qui hypothèque les efforts
consentis. Ce qui soulève encore d'autres interrogations sur la
réduction de la pauvreté dans les sociétés
traditionnelles et rurales comme celles du Bénin face à la
mondialisation de l'économie de marché.
Mots dles : microfinance, Pauvreté,
économie de marché, économie de subsistance, rites
socioculturels
ABSTRACT
Poverty is a societal phenomenon characterized by various
hardships. To limit its disasters especially on women in developing countries
such as Benin, several strategies have been implemented by States. Among these
strategies, microfinance wins a good place today particularly in Benin, where
access to microcredit has been widespread since 2006 through a comprehensive
national program. However, poverty is paradoxically increasing especially the
monetary one in rural areas of the country. Through the experience of Adjarra
women, this research sought to identify the causes of this paradox in the
district of Adjarra. The study sample was drawn at two levels. A first degree
of geographic reach has retained three of the four rural districts with a high
of six in the commune. The second degree type simple random and probabilistic
quota is the beneficiaries identified in two categories. There is the category
of the great mass of beneficiaries in difficulty (97.5%) and category witnessed
the tiny minority (2.5%) who tries to emerge according to the principles of the
program. The results showed firstly that it is the socio-anthropological
rituals related to motherhood and widowhood, which severely limits the economic
viability of women including their status as head of household and social
system dominated by kinship and polygamy. Second meeting of the heterogeneous
approach to market economy program with the system of subsistence economy in
the locality negates the efforts put in. This raises other questions today on
the global political economy facing the issue of poverty reduction in rural and
traditional societies as in Benin.
Keywords: poverty, microfinance,
market economy, subsistence economy, socio-cultural rituals
INTRODUCTION
Au cours de ces dernières décennies,
l'évolution des inégalités sociales dans le monde a
accentué le niveau de paupérisation des populations surtout dans
les pays en développement. La croissance macro-économique ne
suffit plus pour contenir le flot des personnes vulnérables qui
augmentent d'année en année. Les problèmes quotidiens
auxquels ces personnes sont confrontées de nos jours, s'articulent
souvent autour de l'insécurité alimentaire, de l'accès
difficile aux soins de santé, à l'eau potable, à
l'éducation, à l'instruction et à l'énergie.
Autrement dit, la satisfaction des besoins fondamentaux est devenue le calvaire
journalier et le souci permanent des populations victimes de la pauvreté
extrême. Dès lors, une grande question s'est posée et s'est
imposée aux gouvernements des pays en développement et aux
agences de coopération. Il s'agit de comment comprendre et
définir de manière opérationnelle, ce
phénomène de pauvreté qui menace les populations tous les
jours afin d'y trouver une réponse et des stratégies
adéquates de lutte. C'est ainsi que l'on est arrivé à
cerner le phénomène de pauvreté comme étant
l'état où se trouve toute personne qui, d'une part, dispose
d'un revenu très faible par rapport au reste de la population et qui,
d'autre part, reste privée d'un véritable accès aux
services de base nécessaires pour vivre (santé, logement,
éducation); (UNESCO,1997). En
d'autres termes, l'état de pauvreté est « une situation
illustrant une insuffisance des ressources matérielles (manque d'argent)
et des conditions de vie (logement, équipements, participation à
la vie sociale et économique, etc.), ne permettant pas à des
individus de vivre quotidiennement de façon digne selon les droits
légitimes et vitaux de la personne humaine » (Coulibaly,
2007). Face à cette situation, l'Assemblée générale
des Nations Unies a proclamé en 2000 la Déclaration du
Millénaire en proposant un programme global pour éradiquer la
pauvreté dans le monde. Ce programme, dénommé
«Objectifs du Millénaire pour le
Développement » comporte huit points dont le premier est de
réduire l'extrême pauvreté et la faim à l'horizon
2015. « Il s'agira de réduire de moitié la proportion de
la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour,
ainsi que celle souffrant de la faim après 50 ans de lutte contre la
pauvreté avec des efforts mitigés pour un échec
retentissant» (Jules Dufour, 2011)[1].
Il urge alors de mettre sur pied des politiques efficaces
d'allègement de la pauvreté qui puisse entraîner une
augmentation durable des revenus de ces segments de population appelés
"pauvres" en leur facilitant l'accès aux crédits afin qu'ils
puissent développer des activités économiques à la
base et en jouir convenablement.
Cependant, la grande difficulté liée à la
nature même des personnes concernées, est que les banques
n'accordent pas de crédits à des "gens peu solvables" incapables
de satisfaire aux exigences classiques de garanties conditionnant tout
prêt bancaire ; d'où le recours au système de crédit
propre aux pauvres appelé "microfinance". La
microfinance qui constitue aujourd'hui une arme de lutte contre la
pauvreté est officialisée au Bénin depuis 1990 par la loi
N° 90-018 du 27 Juillet 1990 portant réglementation de la
profession bancaire. Cette loi a été ensuite renforcée en
1997 par la loi PARMEC de l'UEMOA ; la loi N°97-027 du 08
Août 1997 portant réglementation des institutions mutualistes ou
coopératives d'épargne et de crédit au sein de l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine.
Mais, depuis que les institutions de microfinance (IMF)
déploient leur potentiel au Benin, à côté des autres
stratégies du gouvernement pour endiguer le phénomène de
pauvreté, les résultats ne sont pas encore à la hauteur
des attentes au regard des nombreuses études réalisées sur
l'état de la pauvreté au Bénin[2]. Les manifestations du
phénomène sont plus poignantes dans les zones rurales du pays
où les femmes
[1] Jules Dufour est Professeur, chercheur associé au
Centre de Recherche sur la Mondialisation au canada [2]Voir le sous
chapitre sur l'état de la pauvreté au Bénin dans la revue
de littérature p 39
constituent la grande masse des populations les plus
touchées.
Ainsi, dans la perspective d'élucider ce paradoxe des
limites des politiques de réduction de la pauvreté en milieu
rural béninois et celui de la microfinance en l'occurrence, avons-nous
choisi de consacrer les travaux de la présente recherche liés au
processus d'obtention du diplôme d'études approfondies(DEA) en
sociologie du développement à l' étude de
« la microfinance dans la problématique de réduction
de la pauvreté rurale au Bénin : expériences des
femmes du programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres (MCPP)dans la
commune rurale d'Adjarra ».
Le présent mémoire qui résume les travaux
de ladite recherche est structuré en quatre grandes parties. La
première partie présente la problématique de
réduction de la pauvreté au Bénin et dans la commune
d'Adjarra. La seconde partie expose le Programme de Microcrédits aux
Plus Pauvres(MCPP) et une synthèse monographique de la commune. La
troisième partie présente la revue de littérature et la
démarche méthodologique de recherche adoptée. Enfin, la
quatrième partie fait état des influences socioculturelles et
économiques sur les micro-crédits dans la commune d'Adjarra.
Première partie
LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA
PAUVRETE
CHAPITRE I: LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
1.1- Le microcrédit entre pauvreté et
production de richesse
Le Bénin est un pays en développement qui a
connu une crise économique sans précédent au cours des
années 80. Depuis lors, les Gouvernements qui se sont
succédé à la tête du pays ont initié
plusieurs programmes pour combattre la pauvreté engendrée par la
crise. Le pays a connu d'abord la mise en oeuvre des programmes d'ajustement
structurel qui ont contribué au rétablissement des
équilibres macroéconomiques et à l'amélioration des
finances publiques jusqu'en 2000. Ensuite, il y a eu la mise en oeuvre de 2001
à 2006 de la Stratégie de Réduction de la
Pauvreté(SRP) élaboré dans la vision des perspectives
à long terme <( Bénin Alafia 2025 ». En dépit de
tous ces efforts, la pauvreté surtout monétaire n'a pas connu un
recul très considérable jusqu'en 2006. Elle s'est plutôt
aggravée avec un indice global allant de 28,5% en 2002 à 37,4% en
2006 (EMICOV, INSAE 2007).
En 2010, l'incidence de cette pauvreté en milieu rural
est de 61,5% contre 34,1% en milieu urbain selon le rapport du PNUD sur
l'évaluation de la situation d'évolution des Objectifs du
Millénaire pour le Développement(OMD) au Bénin (PNUD,
2010). Dans ces conditions, les couches sociales les plus exposées sont
surtout les femmes et les enfants. La pauvreté au Bénin a donc un
<( visage féminin » avec 80% des femmes plus pauvres qui se
retrouvent dans les zones rurales et péri urbaines du pays(INSAE/MCA
2008).
Certes, des efforts sont consentis dans le pays depuis le
début des années 90 pour réduire significativement la
pauvreté féminine grâce au développement de
plusieurs institutions de microfinance et des projets à volet
microfinance afin de permettre aux femmes béninoises et celles rurales
en particulier d'accéder aux petits crédits pour mener des
activités génératrices de revenus.
Dans l'optique de l'atteinte des OMD, le Gouvernement
béninois à travers sa Stratégie de Croissance pour la
Réduction de la Pauvreté(SCRP) et ses Orientations
Stratégiques pour le Développement(OSD), a renforcé ses
politiques de lutte contre la pauvreté en généralisant le
microfinancement des activités génératrices de revenus
depuis 2006. Cette mesure vise à faciliter davantage l'accès des
plus pauvres aux crédits sans autres formes de garantie
matérielle autre que la caution solidaire afin de donner un coup
d'accélérateur au développement de l'économie
locale.
Pourtant, la pauvreté surtout monétaire ne cesse
de galoper. Il s'est instauré dans les zones rurales une sorte de ce que
l'anthropologue Oscar Lewis [3] appelle « culture de la
pauvreté »[4]. La
moitié des départements du Bénin est
sévèrement touchée. De plus, iifaut souligner
le caractère très préoccupant du niveau des indicateurs
de
pauvreté dans certaines communes où près
de 9 personnes sur 10 sont victimes de la pauvreté extrême
(PNUD 2010).
Dans la commune rurale d'Adjarra, la situation n'est pas
également reluisante. Sur les 6656 bénéficiaires ayant
débuté le programme de Micro Crédits aux Plus
Pauvres(MCPP) à Adjarra, seulement 167 (soit un pourcentage de 2,5%)
sont parvenus à la porte de la troisième phase du programme
après quatre années d'activités (Bilan/FNM 2010). Or,
c'est la phase qui représente l'étape conduisant à
l'autonomisation financière [5] et à la sortie de l'extrême
pauvreté. En d'autres termes, 97,5% des bénéficiaires du
programme dans cette zone de couverture du programme s'enlisent davantage dans
la pauvreté monétaire avec des micros dettes. La microfinance
s'étant déjà révélée comme une arme
de lutte efficace contre la pauvreté dans des pays comme
l'Indonésie, la Bolivie, la Tanzanie, le
[3] Oscar Lewis (1914-1970) est un
anthropologue américain. On lui doit le concept de culture de la
pauvreté
[4] Voir définition du concept de pauvreté
dans la suite du mémoire, pp 26 - 28
[5]
Voir le sous chapitre `'mode opératoire du programme
MCPP» dans la suite du mémoire ; pp 63-64
Kenya, ....et surtout le Bangladesh avec la banque Gramen, la
question fondamentale qui se pose dans le contexte béninois et
particulièrement dans les zones rurales du pays comme celles de la
commune d'Adjarra est de savoir pourquoi malgré le
déploiement des efforts de réduction de la pauvreté par
les microcrédits, la pauvreté monétaire s'accroit
paradoxalement au niveau des femmes rurales.
Certes, d'autres recherches antérieures se sont
déjà intéressées à des questionnements
similaires sur la microfinance. Autrement dit `'la recherche s'est
impliquée dans la microfinance dès le milieu des années
1980 à l'Ohio State University, autour des professeurs Adams,
Gonzales-Vega et Graham. (...). Mais les travaux se sont orientés vers
les facteurs de pérennité des institutions pratiquant la
microfinance. Ceux-ci étaient appréhendés à partir
de critères dits« de performance », un ensemble d'indicateurs
quantitatifs et surtout financiers, représentant la « bonne »
situation de l'institution» [6]. Cependant, malgré le
résultat des `'success stories»[7], des observations in situ
montrent encore que la microfinance présente des limites issues de
son environnement socioéconomique et institutionnel. Celles-ci
restreignent ses capacités d'extension et la possibilité que la
microfinance offre des opportunités de participer au
développement économique de sa zone d'intervention. Ces
contraintes amènent à s'interroger sur la validité d'une
politique d'intervention libellée en termes de « lutte contre la
pauvreté ».
En d'autres termes, ces différentes études ne se
sont pas focalisées sur des aspects anthropo-économiques de la
microfinance en tant qu'outil de réduction de la pauvreté non
seulement au Bénin mais spécifiquement dans la commune d'Adjarra
après sa généralisation dans le pays à travers le
programme de Microcrédit aux Plus Pauvres(MCPP).
[6] DJEFAL S. (2004) Les ressorts de la
microfinance : entre marché et solidarité. Impact et
pérennité des systèmes financiers
décentralisés. Etude de cas en Afrique de l'Quest (1980-2000)
; Thèse de doctorat, UNIVERSITE LUMIERE LYON 2
[7]
Les `'success stories» sont des
expériences réussies de la microfinance
C'est ce qui justifie d'ailleurs l'originalité de la
présente recherche qui permettra de mettre aux jours des
résultats scientifiques pouvant servir d'éléments
d'appréciation de cette stratégie de lutte contre la
pauvreté en milieu rural béninois et en particulier dans la
commune d'Adjarra. Dans cette optique, deux hypothèses explicatives ont
été émises tout en situant les microcrédits dans un
contexte innovant de stratégie de développement.
1.2- Les hypothèses de recherche
Les hypothèses de recherche émises sont les
suivantes : Première hypothèse : Les
réalités socioculturelles liées à la femme rurale
représentent des freins majeurs au développement des
activités économiques des bénéficiaires du
programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune d'Adjarra.
Deuxième hypothèse : L'approche
d'économie de marché du programme de microcrédits aux plus
pauvres n'est pas compatible au système d'économie de subsistance
de la société traditionnelle et rurale d'Adjarra.
Ces hypothèses ont ensuite induit la fixation des
objectifs de recherche suivants
1. 3- Les objectifs de la recherche
Les objectifs de la présente recherche sont de deux
ordres. D'une part, Il y a un objectif général ; et d'autre part,
deux objectifs spécifiques.
1.3.1- Objectif général de la recherche
Elucider le paradoxe de la croissance de la pauvreté
monétaire au niveau des femmes rurales au Bénin
1.3.2-Objectifs spécifiques
Identifier les réalités socioculturelles qui
pèsent sur les activités
économiques des bénéficiaires du programme
de microcrédits aux plus pauvres dans la commune rurale d'Adjarra
|
Analyser l'approche économique du programme de
microcrédits aux plus pauvres dans l'environnement social
traditionnel de la commune rurale d'Adjarra
|
1.4- Justification du choix du sujet et du champ
d'étude
La microfinance est une stratégie récente de
lutte contre la pauvreté. Le choix porté sur ce sujet en tant que
stratégie de développement dans les milieux ruraux du
Bénin résulte principalement de l'engouement populaire que le
phénomène suscite ces dernières années dans le
pays. Or la pauvreté qu'elle est censé réduire
sévit encore paradoxalement dans de nombreuses zones rurales du pays.
Par contre, le choix porté sur la commune d'Adjarra
comme champ d'étude fait suite à nos expériences de
recherche menée sur le même sujet dans la commune en 2002.
C'était une étude de « l'impact de la microfinance sur
la pauvreté dans la commune d'Adjarra ». L'une des principales
conclusions de cette recherche était la rareté des crédits
qui ne permettait pas aux femmes d'entreprendre une activité
génératrice de revenus. Aujourd'hui l'Etat a rendu le
crédit beaucoup plus accessible dans la localité. Pourtant la
pauvreté ne recule pas. Il s'est alors avéré opportun pour
nous aujourd'hui de poursuivre les travaux et de chercher à comprendre
davantage les nouvelles réalités qui entretiennent
l'appauvrissement des femmes dans la localité.
CHAPITRE II : CHAMP SCIENTIFIQUE ET FONDEMENT
THEORIQUE
DE LA RECHERCHE
2.1- Champ scientifique de la recherche
Le présent travail de recherche qui est une
étude de cas liée à un programme de développement,
s'inscrit dans le champ scientifique de l'anthropologie de développement
socio-économique. Il s'agit de l'étude scientifique de
l'influence des réalités socioculturelles sur le
développement des activités économiques dans un espace
social traditionnel relativement réduit.
2.2- Fondement théorique de la recherche
Dans la littérature scientifique, nous nous sommes
basé sur la synthèse des théories
développées par des anthropologues comme Jean Pierre olivier de
Sardan, Karl Polanyi, Marcel Mauss et Maurice Godelier.
En effet, Pour Olivier de Sardan(1995),« les
processus et phénomènes sociaux associés à ce qu'on
appelle, en référence aux pays du Sud,
développement, politiques de développement,
opérations de développement, dispositifs de développement,
projets de développement, constituent un domaine de
recherche à part entière pour l'anthropologie et la sociologie
».
« La socio-anthropologie est l'étude empirique
multidimensionnelle de groupes sociaux contemporains et de leurs interactions,
dans une perspective diachronique, et combinant l'analyse des pratiques et
celle des représentations. La socio-anthropologie ainsi conçue se
distingue de la sociologie quantitativiste à base d'enquêtes
lourdes par questionnaires comme de l'ethnologie patrimonialiste
focalisée sur l'informateur privilégié (de
préférence grand initié). La
socioanthropologie fusionne les traditions de la sociologie de terrain
(école de Chicago) et de l'anthropologie de terrain (ethnographie) pour
tenter une analyse intensive des dynamiques de
reproduction/transformation d'ensembles sociaux de
nature diverses, prenant en compte les comportements des acteurs, comme
les significations qu'ils accordent à leurs comportements
». Par ailleurs, le « développement », dans une
perspective fondamentalement méthodologique, est « l'ensemble
des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de
transformation d'un milieu social, entreprises par le biais d'institutions
ou d'acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à
mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources
et/ou techniques et/ou savoirs. Le (( développement »
n'est qu'une des formes du changement social et ne peut être
appréhendé isolément. L'analyse des actions
de développement et des réactions populaires à ces
actions ne peut être disjointe de l'étude des dynamiques
locales, des processus endogènes, ou des processus « informels
» de changement. De même, la socio- anthropologie du
développement est indissociable de la socio- anthropologie du
changement social. Le développement en effet fait intervenir de
multiples acteurs sociaux, du côté des « groupes cibles
» comme du côté des institutions de développement.
Leurs statuts professionnels, leurs normes d'action, leurs
compétences, leurs ressources cognitives et symboliques, leurs
stratégies diffèrent considérablement. Le
développement « sur le terrain », c'est
la résultante de ces multiples interactions, qu'aucun modèle
économique en laboratoire ne peut prévoir, mais dont la
socio-anthropologie peut tenter de décrire et interpréter les
modalités. Cela implique un savoir- faire qui ne s'improvise pas.
La confrontation de logiques sociales variées autour des
projets de développement constitue un phénomène social
complexe, que les économistes, les agronomes ou les «
décideurs » ont tendance à ignorer. Face aux
écarts répétés entre les conduites
prévues et les conduites réelles, face aux dérives que
toute opération de développement subit du fait des
réactions des
groupes-cibles, les « développeurs » tendent
à recourir à de pseudonotions sociologiques ou anthropologiques
qui relèvent plus de clichés et de stéréotypes que
d'outils analytiques. (...)
Aussi l'analyse des pratiques sociales effectives dans un
projet de développement mettra-t-elle l'accent sur le décalage
inévitable, entre les divers « intérêts » et les
« rationalités » qui régissent les agissements des
opérateurs de développement, et les divers «
intérêts » et « rationalités » qui
règlent les réactions des populations concernées.
La socio-anthropologie du développement ne peut se
décomposer en sous-disciplines : la transversalité de ses objets
est indispensable à sa visée comparatiste. Une
socio-anthropologie du changement social et du développement est
à la fois une anthropologie politique, une sociologie
des organisations, une anthropologie économique, une sociologie des
réseaux, une anthropologie des représentations et systèmes
de sens.
L'anthropologie du changement social et du
développement se situe largement dans l'héritage de Polanyi en ce
que celui-ci a particulièrement insisté sur la notion de l'
« embeddedness », c'est à dire sur
l' « enchâssement » de l'économie dans la vie sociale en
général ».
En effet, très distingués notamment avec son
ouvrage The Great Transformation( La Grande
Transformation, 1944), Karl Polanyi décrit les rouages
économiques des sociétés industrielles, depuis les
prémices des révolutions industrielles anglo-saxonnes, en
réaction au courant de l'école classique (Adam Smith, David
Ricardo, Jean-Baptiste Say, ...). Polanyi renouvelle l'approche
économique par une réflexion qui sera qualifiée de
substantiviste, où il prône l'encastrement de
l'économie dans la société.
C'est surtout dans la troisième partie du livre
collectif Trade and market(1957) que transparait
« la notion d'économie encastrée
(embedded, enmeshed, littéralement « prise au
filet ») dans la structure sociale. L'anthropologie économique est
alors définie comme une économie générale dont la
science économique constituerait un département ; avec la
typologie de l'intégration économique autour du
don, de la redistribution, et de
l'échange généralisé ou du
marché gouverné par la formation de prix et qui
prétend recouvrir la diversité des formes des économies
à la surface du globe, dans le temps et l'espace. Par opposition
à la définition de la science économique qualifiée
de formelle et fondée sur la rareté et le choix entre des moyens
alternatifs, les auteurs fondent l'anthropologie économique sur une
définition de l'économie qu'ils appellent substantive
». Le don et la redistribution qui sont des réalités
socioculturelles et anthropologiques ne sauraient donc être
dissociés du système économique que Polanyi qualifie de
substantive.
Or, la notion de <( don » fait appel
à Marcel Mauss considéré comme l'un des pères de
l'anthropologie qui n'a jamais publié d'ouvrage de synthèse de sa
pensée mais plutôt un grand nombre d'articles dans
différentes revues, en particulier dans la revue <(
L'Année Sociologique ». Il est surtout connu pour un
certain nombre de grandes théories, notamment celle du don et du
contre-don à travers son Essai sur le don(
1925). Mauss s'est intéressé à la signification
sociale du don dans les sociétés tribales. Le don <( oblige
» celui qui reçoit et qui ne peut se libérer que par un
<( contre-don ». Pour Mauss, le don est essentiel dans la
société humaine et comporte trois phases : l'obligation
de donner, l'obligation de recevoir et l'obligation de rendre. S'il
prend les sociétés <( primitives » comme terrain
d'étude, c'est moins parce que le primitif serait toujours aussi le
simple et l'originel, que parce qu'il est difficile de rencontrer ailleurs une
pratique du don et du contre-don <( plus nette, plus complète, plus
consciente » c'est-à-dire comme un <( fait social total
».
En d'autres termes l'anthropologie économique
américaine sous la houlette de Georges Dalton, a montré que la
conception formaliste de l'économie c'est-à-dire de
l'économie politique n'est pas recevable ailleurs que dans les
sociétés capitalistes. En réaction, s'est
développée une conception «substantiviste » de
l'économie qui la définit comme l'ensemble des faits de
production, de distribution et de consommation en les intégrant aux
« facteurs extra-économiques » que la conception formaliste
pensait nécessaire d'isoler. Le progrès a consisté
à envisager tout phénomène de développement
économique comme « fait social total » selon la notion de
Mauss.
L'anthropologie de développement
socio-économique se fonde alors sur la théorie substantiviste
appropriée à la compréhension des réalités
économiques des pays en développement, des sociétés
paysannes récentes ou contemporaines parce que la vie sociale a une
« substance » homogène où les aspects que nous
appellerions économiques sont indissociables de tous les autres aspects.
Dans ces sociétés, le choix et la quantité du travail
fourni n'ont pas principalement et toujours pour but de réaliser un
gain. Or pour les formalistes, les catégories et les lois de la science
économique ont une valeur universelle, quel que soit le type de
société. Partout, le problème économique consiste,
pour l'homme confronté à une situation de rareté, à
chercher par un calcul rationnel comment maximiser ses gains et minimiser ses
pertes. Le but essentiel de toute activité économique serait de
satisfaire des besoins au moindre coût, donc de faire un profit et de
créer, si possible, des « surplus » propres à
satisfaire d'autres besoins.
En somme, sur les questions de développement Maurice
Godelier, l'un des pionniers de l'anthropologie économique en France
résume dans son ouvrage Rationalité et
irrationalité en Économie publié en 1966 que
« substantivistes, marxistes et structuralistes
s'accordent à ne voir dans la notion d' «
obstacles au développement » qu'une
rationalisation intéressée des divergences entre la
rationalité économique, supposée universelle, et les
« rationalités sociales » particulières des
sociétés et des cultures ». Par exemple dans
`'l'énigme du don», Godelier(1997)
affirme que « Dans une économie de marché, le
crédit est d'abord utilisé pour le financement des entreprises et
l'emprunt est utilisé dans des activités productives qui
permettront de faire du profit et de rembourser le prêt et la charge
d'intérêts. Ce n'est pas le cas chez les Kwakiutl [8]. De
plus, dans une économie de marché, c'est le débiteur qui
prend toujours l'initiative de la dette, alors que dans le potlatch [9],
c'est le créditeur qui fait le premier pas en forçant son
rival à accepter les dons. Et surtout, le principal motif du potlatch
est la recherche du prestige honorifique, du statut politique et non
l'accumulation de richesse matérielle ». Le fondement
rationnel des obligations de don observées dans le potlatch se trouvent
ainsi bien ancré dans des rapports sociaux.
[8] Kwakiutl : Populations de
pêcheurs-chasseurs-collecteurs des côtes du xixe
siècle du Pacifique depuis l'État de Washington jusqu'à
l'Alaska
[9]
Le potlatch chez les populations
de pêcheurs-chasseurs-collecteurs des côtes(Kwakiutl) du
xixe siècle du Pacifique est « un rassemblement
d'individus cérémonieusement et souvent personnellement
invité pour être témoins de la démonstration de
prérogatives familiales » selon Barnett H. G.
(1938), The Nature of the Potlatch, in Amer. Anthrop.,
no 40
CHAPITRE III : CLARIFICATION CONCEPTUELLE
Pour mieux faciliter la compréhension du sujet et
permettre aux lecteurs d'avoir une vision claire et précise des contours
de ce travail, il s'est agi ici de définir de façon approfondie
les concepts majeurs autour desquels gravite l'essentiel du mémoire. Ces
concepts sont essentiellement la pauvreté et la microfinance. En dehors
de ces concepts, il y a également des termes comme économie de
marché, économie de subsistance et société
traditionnelle dont les indicateurs sont ici identifiés et
contextualités.
3.1 - La pauvreté
La compréhension approfondie du concept de pauvreté
aborde ici sa définition et ses dimensions.
3. 1 .1- Définition de la pauvreté
Etymologiquement, le terme « pauvre
» vient du latin pauper et du grec
pénes (pauvre) et penia (pauvreté) qui sont des
vocables de même famille que peina (faim) et d'une façon
lointaine ponos (douleur) et poiné (châtiment,
peine). Le mot «pauvreté » se
traduit en grec par aporia (absence de chemin, difficulté dans
laquelle se trouve le pauvre).
Au sens absolu, la pauvreté représente une
situation de privation des moyens de couverture des besoins primaires des
membres d'un ménage. Elle est souvent mesurée par un niveau de
revenu ou de dépense individuelle. La pauvreté désigne
également l'incapacité d'acquérir une ration alimentaire
équilibrée apportant une énergie quotidienne
supérieure à 2400 calories par équivalent adulte, assortie
d'une incapacité à couvrir correctement les autres besoins non
alimentaires. Du point de vue quantitatif, on parle de la notion du seuil de la
pauvreté nécessaire à la survie.
Souvent, la pauvreté est liée à la notion
d'exclusion. Les individus appartenant aux ménages les plus pauvres sont
les plus menacés par
l'exclusion dans la mesure où ils ne
bénéficient pas des services de base comme l'éducation, la
santé, le logement, etc. Pauvreté et exclusion forment donc ce
que Amartya Sen appelle « cercle vicieux » qu'il faut rompre
pour rentrer dans le « cercle vertueux » en
développant les « capabilités » des
pauvres.[10]
La pauvreté est un phénomène de
société à dimension multiple dont la complexité
amène certains auteurs et certaines institutions à la
définir de plusieurs manières.
Selon le Professeur Albert Tévoèdjrè par
exemple, la pauvreté constitue paradoxalement la « richesse des
peuples ».[11]
Or, l'anthropologue Oscar Lewis, lui, définit la
pauvreté dans une perspective de culture du concept en parlant d' «
un ensemble de normes et d'attitudes ayant pour effet d'enfermer les
individus dans ce qui, à l'origine formé en réaction
à des circonstances extérieures défavorables,
perpétue en se transmettant de génération en
génération l'état de pauvreté quelle que soit
l'évolution des circonstances».[12]
3.1.2- Les dimensions possibles de la pauvreté
S'agissant des dimensions de la pauvreté, Serge Paugam[13]
distingue trois formes de pauvreté :
La pauvreté intégrée qui
décrit la situation de pays ou de régions économiquement
en retard. La pauvreté y est depuis longtemps largement répandue
et les pauvres ne sont pas stigmatisés. Ils bénéficient de
la solidarité familiale ou de la socialisation par une pratique
religieuse qui reste intense. L'économie informelle est
particulièrement développée dans ces pays. C'est une
pauvreté sans
[10]Amartya Sen, (1993),Éthique et
économie, PUF.
[11]Tevoedjre A. (1978) la pauvreté
richesse des peuples, EDITIONS OUVRIERES, Paris
[12]Oscar Lewis, (1966),The Culture of
Poverty », Scientific American 215, Repris par Nicolas
Duvoux, dans sons article « Repenser la culture de la
pauvreté. », La Vie des idées, 5 octobre 2010.
ISSN : 2105-3030. URL :
http://www.laviedesidees.fr/Repenser-la-culture-de-la-pauvrete.htm
[13] Paugam S. (2005), Les Formes
élémentaires de la pauvreté, PUF, Paris
exclusion (ou, plus exactement, l'exclusion suit sa dynamique
propre indépendamment de la pauvreté).
· La pauvreté marginale
correspond à la pauvreté d'une petite partie de la
population au sein d'une société prospère. Ces pauvres,
considérés comme des « cas sociaux » inadaptés
au monde moderne sont fortement stigmatisés.
· La pauvreté disqualifiante
concerne les sociétés postindustrielles touchées par des
difficultés économiques. Les pauvres sont
considérés à travers l'image de la chute ou de la
déchéance. L'angoisse du chômage et de l'exclusion touche
une grande partie de la société.
Par contre, le système des Nations Unies
considère le concept sous deux dimensions essentielles dans la
perspective du paradigme du Développement Humain. Il s'agit de la
dimension monétaire (argent) et de la dimension
humaine ou non monétaire (accès limité à
l'instruction, aux soins de santé, à l'eau potable, à
l'énergie, au téléphone, au logement décent).
Cependant il faut noter que de nos jours, il y a une troisième
dimension de la pauvreté dite subjective. Elle est la
perception que les personnes concernées ont de leur propre état
dans leur environnement habituel de vie.
Notre étude aborde évidemment ces
différentes dimensions de la pauvreté mais elle s'est davantage
focalisée sur la pauvreté monétaire et ses implications
immédiates au niveau des femmes rurales dans la mesure où elle
est en corrélation directe avec la microfinance qui n'est d'ailleurs pas
la seule et unique stratégie de lutte contre la pauvreté sous ses
différentes formes. Du point de vue monétaire et selon la banque
mondiale, le pauvre est celui qui vit en dessous de moins d'un dollars par
jour. Dans le contexte béninois et dans la commune rurale d'Adjarra
selon les indicateurs de l'INSAE, le plus pauvre est celui qui vit en
dessous du seuil de 132.728 f cfa par an soit moins
de 370 f par jour.(EMICoV, 2009)
3.2 - La Microfinance
La microfinance est composée de < micro » qui
vient du Grec < mikros » signifiant < petit » et de
< finance » qui émane du vieux français <
finer » signifiant < payer » ou tout simplement procurer
des fonds a une entreprise. Au Bénin, on distingue deux formes de
microfinance : la microfinance formelle et la microfinance informelle.
La microfinance formelle est pratiquée par des
institutions structurées dont les activités sont officiellement
reconnues par l'Etat. Ce sont des institutions comme le PADME, Vital Finance,
l'AGeFIB, le réseau FECECAM,...qui octroient généralement
des crédits allant de 20.000 à 5.000.000 francs CFA.
La microfinance informelle, selon Michel Lelart(2006) est
l'ensemble des < pratiques d'épargne et de crédit qui ne
sont pas obligées de respecter un cadre ou un schéma fixé.
Les relations entre le débiteur et le créancier reposent sur la
confiance, elles sont personnelles, non seulement parce que les partenaires se
connaissent, mais parce qu'ils font affaire comme ils l'entendent. Et si on a
souvent l'impression que les uns et les autres procèdent de la
même façon, ils décident toujours tout eux-mêmes, au
moindre détail près ».
La microfinance informelle se pratique au Bénin surtout
au sein des organisations tontinières et par des "banquiers" ambulants.
Les organisations tontinières sont des groupes de personnes qui se
réunissent sur la base d'une relation contractuelle et d'une
adhésion individuelle et volontaire. Les fonds de crédit sont
souvent rassemblés, programmés et octroyés
périodiquement aux bénéficiaires suivant un système
rotatoire. La taille des crédits dépend du nombre des membres du
groupe de tontine et de la part individuelle. Le taux d'intérêt
au
remboursement est variable et relatif à chaque groupe
de personne ou groupement. Les "banquiers" ambulants sont des travailleurs
indépendants qui se déplacent à l'intérieur des
marchés, des villages et des quartiers pour effectuer des
opérations de dépôts et de petits crédits.
Ainsi, la microfinance se résume t-elle au fait
d'octroyer de crédits aux petites et moyennes entreprises en vue de
développer des activités génératrices de revenus.
En d'autres termes, la microfinance désigne l'ensemble des
nouvelles techniques et mécanismes de financement spécifiques
permettant aux pauvres d'avoir accès aux marchés financiers
c'est-à-dire à la monnaie sans caution matérielle ni
garanties souvent exigées par le système bancaire
classique.
Dans le cadre de la présente recherche, l'attention a
été focalisée sur le service formel de microcrédits
offert aux plus pauvres de la commune d'Adjarra par le Fonds National de
Microfinance(FNM) à travers le programme gouvernemental de Micro
Crédits aux Plus Pauvres(MCPP).
3.3- L'économie de marché et
l'économie de subsistance
L'économie est l'ensemble des activités de
production, de circulation, de répartition et de consommation des biens
et des services dans une société. C'est à partie de la
Renaissance qu'elle s'est détachée de la philosophie en tant que
science de l'étude de la création et de la circulation des biens
matériels dans la cité pour prendre la dénomination
d'économie politique ou économie de marché.
L'économie de marché se fonde en effet sur des
principes de croissance de richesse matérielle(le capital) comme la
recherche effrénée du profit et du gain dans toute
activité de production et de circulation des biens et des services.
Dans la présente étude, les principaux
indicateurs de l'économie de marché sont en effet le
crédit( capital) à rentabiliser, le respect des délais de
remboursement du crédit, la tenue régulière d'une
comptabilité fiable de l'activité économique, la
séparation du crédit des dépenses du ménage, de la
constitution d'épargne personnelle pour le réinvestissement et la
diversification des activités entreprises.
Par contre, l'économie de substance ne vise pas la
croissance et l'accumulation de richesse matérielle. Le fondement d'une
économie de subsistance est la satisfaction des besoins
élémentaires et vitaux de l'homme comme se nourrir et se soigner.
Dans la présente étude les principaux indicateurs de
l'économie de subsistance sont essentiellement la fongibilité du
crédit dans les dépenses du ménage, les dons, l'entraide,
la solidarité familiale dans les échanges des biens et des
services.
3.4- La société traditionnelle et
rurale
La société est un ensemble d'individus unis par
des institutions, une culture et une civilisation. Elle est dite traditionnelle
en référence à l'existence et l'entretien en son sein de
plusieurs réalités culturelles qui sont des héritages
institutionnelles difficilement immuables. Elle s'oppose à la
société dite moderne fortement influencée par le
développement de la science, de la technologie, de l'industrie et des
échanges économiques à grande échelle. La
ruralité est aussi à l'antipode de la modernité mais
beaucoup plus centrée sur l'inexistence de l'urbanisation qui se
caractérise par le développement de l'habitat, des routes et de
l'électricité.
Le traditionnel se réfère aux pratiques humaines
ancestrales tandis que le rural repose sur des critères de
dégradation très limitée de l'environnement physique
naturel par le phénomène de l'urbanisation. Au Bénin comme
dans la commune d'Adjarra, la ruralité évoque l'existence de
sociétés traditionnelles avec des normes et structures
spécifiques.
CHAPITRE IV : HISTORIQUE DE LA MICROFINANCE ET DES
POLITIQUES DE
LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
4.1- Historique de la microfinance en Afrique
La microfinance, stratégie de financement des
activités économiques des pauvres, est parvenue en Afrique au
début des années 80 sous sa forme moderne. Ces premières
expérimentations remontent au début des années
1970 au Bangladesh, son pays d'origine, a l'issu des
expérimentations de l'économiste Mohammad YUNUS.
Par rapport à la situation antérieure qui se caractérisait
par l'octroi de crédits subventionnés et effectués le plus
souvent par des non spécialistes, la différence tient à
l'importance accordée au remboursement, à la fixation d'un taux
d'intérêt couvrant le coût de la prestation du crédit
et au ciblage de groupes de clients n'ayant le plus souvent pour seule autre
source de crédit que le secteur informel.
Mais en réalité, les pratiques de la
microfinance en Afrique sont encore plus anciennes, surtout celles qui
relèvent de la collecte de la petite épargne. Dans des pays comme
le Burkina Faso, le Togo ou le Cameroun par exemple, les premières
coopératives d'épargne et de crédit ont vu le jour au
cours des années 60[14]. Mieux, selon les travaux du Professeur
Hans Dieter Seibel[15] de l'Institut de Sociologie et Centre de
Recherche en Développement, de l'Université de Cologne en
Allemagne, l'association rotative d'épargne est une institution ancienne
qui remonte au moins au XVIe siècle. C'est à cette époque
qu'elle est arrivée aux Caraïbes avec les esclaves Yoruba. Le terme
« esusu » et la pratique qu'il décrit existent encore
aujourd'hui. On parle ainsi de l' « esu » aux Bahamas, du « susu
» à Tobago ou encore du « sou » à Trinidad. Chez
les Yoruba du Nigeria, aujourd'hui, il est difficile de trouver un adulte qui
ne soit pas membre d'au moins un « esusu ».
[14]Ouedraogo A. & Gentil D. (2010), La
microfinance en Afrique de l'Ouest : Histoires et innovations ; Editions
CiF, editions Karthala
[15]Hans Dieter Seibel, 2006 , De la
microfinance informelle au linkage banking : interactions entre théorie
et pratique , DE Luxembourg
L'institution existe dans toute l'Afrique de l'Ouest, ainsi
que dans de nombreuses autres régions du monde où elle fait
partie intégrante des micro-économies locales. Elle s'appelle
« arisan » en Indonésie, « paluwagan »
aux Philippines, « gameya » en Egypte, « ekub
» en Ethiopie, « cuchubal » au Guatemala, etc.
Cependant, aujourd'hui, et en termes d'évolution des
pratiques, la microfinance ne se confond plus au terme de microcrédit.
Elle désigne les dispositifs permettant d'offrir des
crédits de faible montant (microcrédits) à des familles
pauvres pour les aider à conduire des activités productives ou
génératrices de revenus leur permettant ainsi de
développer leurs très petites entreprises.
Avec le temps et le développement de ce secteur
particulier de la finance partout dans le monde, y compris dans les pays
développés de nos jours, la microfinance s'est élargie
pour inclure désormais une gamme de services plus large (crédit,
épargne, assurance, transfert d'argent etc.) et une clientèle
plus étendue également. Dans ce sens, la microfinance ne se
limite plus à l'octroi de microcrédits aux pauvres mais bien
à la fourniture d'un ensemble de produits financiers à
tous ceux qui sont exclus du système financier classique ou
formel.
4.2- Historique des politiques de lutte contre la
pauvreté dans le monde et au Bénin
Dans la littérature, les pratiques de lutte contre la
pauvreté trouvent leurs origines dans les sociétés
mésopotamiennes[16] plusieurs siècles avant le début
même de l'ère Chrétienne.
Mais dans la conception chrétienne, la pauvreté
est un état de fait qui, dans le cadre d'un monde régi par le
divin, ne peut être éliminée. Elle est souvent
perçue comme un châtiment et menace l'âme du chrétien
de l'oisiveté, mère de tous les vices. La lutte contre la
pauvreté passe donc par la remise au travail. Ainsi la pauvreté
n'est pas due à un
[16] La Mésopotamie est une
région du Moyen-Orient située entre le Tigre et l'Euphrate. Elle
correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.
dysfonctionnement de la société mais aux individus
eux-mêmes.
En France par exemple, l'abbé de Saint-Pierre(1724)[17]
est l'un des premiers à réfléchir sous un jour nouveau
à cette question. Les XVIIe et XVIIIe
siècles apportent sur cette notion un grand bouleversement. La lutte
contre la pauvreté est désormais passée de
l'identification des causes des inégalités à la recherche
de la conciliation de l'utilité et de la philanthropie.
A cet effet, l'abbé de Saint-Pierre préconisa le
retour au travail comme moyen principal de la lutte contre la pauvreté
et dans le même temps contre un facteur d'entropie sociale. C'est dans
cet ordre de pensée qu'avait été mis en place le
système de l'hôpital général [18]. C'était
une stratégie d'internement forcé des pauvres qui avait pris un
essor extraordinaire et qui a affecté très rapidement l'ensemble
des Etats européens.
En 1575 en Angleterre, un acte d'Elisabeth I [19] a
institué des établissements visant « la punition des
vagabonds et le soulagement des pauvres ». Les "Houses of correction" qui
auraient dues être présentes dans chaque comté vont laisser
la place aux workhouses qui, dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle, trouveront leur véritable expansion. En Hollande, en
Italie, en Espagne, en Allemagne, des lieux d'internement de même nature
se sont multipliés.
Mais après un temps, cette politique d'enfermement
systématique des pauvres apparaît inhumaine et dangereuse au plan
sanitaire. Elle fut contestée par les philosophes des
`'lumières» et finalement abandonnée. Une évolution
dans la conception de la pauvreté a pris corps. La pauvreté
devient l'expression de dysfonctionnements dans la
[17] L'abbé de Saint-Pierre,
né le 18 février 1658 à Saint-Pierre-Église
(Manche) et mort le 29 avril 1743, Paris, est un écrivain, diplomate et
académicien français, précurseur de la philosophie des
Lumières.
[18] l'Hôpital
Général de Paris n'était pas un
établissement médical par destination mais un lieu de
renfermement des pauvres. Voulu par des dévots laïcs (la Compagnie
du Saint-Sacrement) sous le règne de Louis XIII, il entendait
résoudre le problème récurrent de la mendicité et
des cours des miracles
[19]
Elisabeth Ire d'Angleterre est
l'une des plus célèbres souveraines d'Angleterre.
Également nommée (( La reine vierge », (( Gloriana » ou
(( Good Queen Bess » par ses partisans, Élisabeth Ire
fut reine d'Angleterre, et d'Irlande du 17 novembre 1558 jusqu'à sa
mort. Elle parlait l'anglais, le latin, le grec, le français et
l'italien
société. Un traitement laïc et social de
celle-ci nécessite un questionnement de son origine et induit de
nouvelles réponses à partir du moment où le principal
facteur de la pauvreté est un facteur économique. Bien que le
discours moral ne soit pas absent des débats de l'époque, le
principe de la redistribution des richesses et des allocations devient possible
et même nécessaire aux nouveaux principes de la République.
Les personnes prises en charge sont des gens de catégorie
spécifique comme les veuves et les orphelins.
Mais, c'est surtout au milieu du XXe siècle
que certains Etats s'engagent dans un programme d'intervention directe et
massive, en prenant le contrôle des institutions privées (caisses
de retraite, assurances chômage) et en diversifiant les interventions.
A l'échelle mondiale l'Organisation des Nations Unies a
mis en place au cours de la seconde moitié du XXème siècle
un plan de réduction de la pauvreté au sein de ses Objectifs du
millénaire, ratifiés en 2000 par les Etats membres, et qui
constitue aujourd'hui une priorité mondiale. Le premier objectif du
millénaire se donne deux cibles :
1. « réduire, entre 1990 et 2015, la proportion
de personnes dont le revenu est inférieur à un dollar par jour,
ce qui concerne plus d'un milliard de personnes. » et
2. « une réduction des populations souffrant de faim
entre 1990 et 2015.
Au Bénin, les initiatives gouvernementales de lutte
contre la pauvreté se sont beaucoup plus intensifiées vers la fin
des années 80 après la crise économique qui a
secoué le pays au cours de la décennie 80 - 90. Parmi ces
initiatives, on peut citer le programme d'actions sociales d'urgence, la
stratégie de la dimension sociale du développement, le minimum
social commun, le plan d'orientation national, les stratégies de
réduction de la pauvreté et les orientations stratégiques
du développement.
Le programme d'actions sociales d'urgence lancé en 1989
était destiné aux groupes sociaux vulnérables ou
menacés. Ce programme prévoyait des mesures concrètes,
telles que l'intégration au marché du travail d'anciens
fonctionnaires «déflatés» sous le Programme
d'Ajustement Structurel(PAS) et des jeunes diplômés sans
emploi.
La stratégie de la dimension sociale du
développement avait pour objectifs (i) le renforcement des
politiques macro-économiques et sectorielles par l'intégration de
la dimension sociale du développement dans leurs stratégies ;
(ii) l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme
d'intervention ciblée en faveur des groupes vulnérables sur la
base d'une approche participative des populations concernées ; (iii)
la recherche et la maîtrise des causes de la pauvreté
à travers une observation dynamique des conditions de vie des
populations. Cette stratégie qui a pris corps en 1994 était
fondée sur les principes de la décentralisation, la
subsidiarité, la coordination des donneurs et la hiérarchisation
des interventions relatives à la pauvreté.
En 1997, le programme du Minimum Social Commun a
été mis en oeuvre à travers une phase pilote dans quelques
communes du Bénin. Ce programme était destiné à
répondre à cinq besoins essentiels: l'éducation,
l'accès aux services de santé, les capacités et
activités génératrices de ressources, la
sécurité alimentaire et la réhabilitation des routes de
campagne.
Le plan d'orientation national 1998-2002 quant à lui, a
été conçu dans la perspective d'obtention d'une croissance
économique dont le niveau serait à 6,7% en vue de lutter contre
la pauvreté par le biais d'une croissance du revenu par tête.
Les Stratégies de Réduction de la
Pauvreté(SRP) ont été mises en oeuvre entre 2003 et 2005
avant de devenir Stratégies de Croissance pour la Réduction de la
Pauvreté(SCRP) depuis 2007. Les objectifs fondamentaux de ces
stratégies se résument au renforcement des
politiques macro-économiques, à une
accélération des réformes structurelles et
institutionnelles, à la bonne gouvernance et à la promotion des
investissements privés d'une part et à une plus grande
priorité accordée aux secteurs sociaux, à travers une
allocation plus importante des ressources issues de la croissance et de
l'assistance extérieure d'autre part. C'est au coeur de ces SCRP que se
trouve aujourd'hui le programme de microcrédits aux plus pauvres qui est
l'objet de la présente étude dans la commune rurale d'Adjarra.
Deuxième partie
REVUE DE LITTERATURE ET DEMARCHE
METHODOLOGICUE DE RECHERCHE
CHAPITRE V : ETAT DE LA PAUVRETE ET DE LA
MICROFINANCE
Sur la base des études scientifiques récentes,
la revue de littérature s'est surtout intéressée ici
à l'état de la pauvreté au Bénin et à celui
de la microfinance tant au Bénin, en Afrique que dans le monde.
5.1 - La pauvreté au Bénin
Au Bénin, plusieurs études ont été
réalisées pour appréhender le phénomène de
pauvreté afin d'y développer des stratégies
adéquates de lutte. Les premières sont celle de J-P. Lachaud et
de M. Tovo.
En effet, dans son étude sur `'la
pauvreté au Bénin : éléments
d'analyse», Lachaud (1994) a été l'un des
pionniers qui a pu établir un profil de pauvreté au Bénin.
Cette étude s'est fondée sur des données de
l'enquête budget consommation (EBC) de 1986-87. La pauvreté a
été assimilée à une situation dans laquelle une ou
plusieurs personnes ne peuvent atteindre un niveau de bien-être
matériel correspondant à un minimum acceptable. La
pauvreté ainsi définie soulève deux questions : un
problème d'identification et un problème d'agrégation.
Après avoir exposé différentes approches sur le concept du
bien-être, Lachaud recommande l'utilisation des dépenses de
consommation comme mesure du bien-être. Mieux encore, après
l'expérimentation de plusieurs indicateurs, c'est la consommation par
tête ajustée qui a été privilégiée
comme indicateur permettant une meilleure sélection des
individus/ménages pauvres. Ainsi pour établir le profil de
pauvreté, Lachaud a- t- il- distingué trois seuils ou lignes de
pauvreté à savoir :
1) un seuil équivalant aux deux tiers de la moyenne de
la consommation par tête ajustée par équivalent-adulte. Ce
seuil était estimé à 53.366 F.CFA par an en 1986
;
2)
un seuil qui équivaut au tiers de la moyenne de la
consommation annuelle par tête ajustée soit 26.683 F.CFA en 1986
qui permet d'analyser l'extrême pauvreté et enfin ;
3) une ligne de pauvreté par rapport aux besoins
nutritionnels en référence à un panier de biens
représenté par un bien unique qu'est le riz et sur la base d'un
besoin journalier de 2.400 Kcal par adulte. Il en sort un seuil de 74.880
F.CFA/an/équivalent-adulte.
Sur la base de ces résultats, Lachaud aboutit à
une spatialisation qui identifie le Nord rural ou urbain comme une
région très vulnérable en termes de pauvreté, en
particulier la pauvreté extrême. La pauvreté affecte plus
les campagnes que les villes.
Après Lachaud, c'est Tovo(1995) qui s'est
illustré à travers son titre `'Réduire la
pauvreté au Bénin». Selon Tovo, le seuil de
pauvreté avant la dévaluation est évalué à
39.286 F.CFA sur la base du coût des besoins essentiels.
Selon ses estimations, 15% de la population serait en dessous de ce seuil. Tovo
présente les interrelations entre la pauvreté et l'état de
l'environnement. En faisant référence au Plan d'Action
Environnemental (PAE) qui estime le coût économique de la
dégradation de l'environnement à 3 voire 5% du PIB, il met
l'accent sur la notion de vulnérabilité. Il la définit
comme un indicateur de probabilité d'exposition à la
pauvreté ou à l'appauvrissement. Il identifie quelques
groupes vulnérables à savoir les ménages ayant une
femme comme chef de ménage, les personnes âgées,
les enfants en situation difficile, les familles de pêcheurs, les
ménages d'agriculteurs à faibles moyens de production, les
fonctionnaires déflatés et les jeunes diplômés sans
emploi. Par rapport à la dévaluation, Tovo affirme que
l'après dévaluation a été une période
difficile pour le béninois moyen. Des premières informations
recueillies par ce dernier, l'incidence de la dévaluation a
été forte parmi les citadins pauvres. Les revenus nominaux de
ceux travaillant dans le secteur informel semblent avoir diminué en
moyenne de 30 à 50%. On s'attend donc que la dévaluation du franc
CFA de 50% (en devises étrangères) produise un impact positif
important à long terme, dont l'atténuation de la
pauvreté.
En un mot, Pour Tovo, au nombre des
conditions nécessaires à la mise en oeuvre efficace d'une
stratégie de lutte contre la pauvreté au Bénin on peut
citer:
- la conception des interventions du bas vers le haut ;
- la participation des populations ;
- le renforcement du pouvoir des communautés ;
- l'allègement des contraintes institutionnelles et
juridiques dans
le domaine du régime foncier et de l'égalité
entre hommes et femmes;
- le renforcement des mécanismes de surveillance de la
pauvreté.
Par ailleurs, Tovo insiste également sur quelques
domaines d'intervention comme le secteur productif et la création
d'emplois, l'éducation, la démographie, l'eau potable et
l'assainissement. L'étude insiste également sur l'importance des
interventions ciblées et la décentralisation, ainsi que le
renforcement des capacités de la société civile.
Toujours dans la perspective de comprendre davantage les
déterminants de la pauvreté, les institutions comme le
PNUD, le MDR, et l'INSAE ont réalisé entre 1995-96, et 1999-2000
les premières éditions de l'étude sur les
conditions de vie des ménages béninois. Il s'agit des
Etudes sur les Conditions de Vie des ménages Ruraux
(ECVR). Ces études ont été conduites en milieu rural comme
en milieu urbain. Le milieu rural a été stratifié en huit
(8) zones agro-écologiques (Zone AE), tandis que le milieu urbain est
représenté par les principales villes à savoir, Cotonou,
Porto-Novo, Parakou, Abomey-Bohicon. A partir d'un module dépense il a
été possible d'établir un profil de pauvreté
monétaire. Ce profil comporte trois seuils de pauvreté à
savoir : (i)le seuil de pauvreté alimentaire (SPA) calculé
à partir d'un panier de biens alimentaires établi sur la base
d'un régime alimentaire et nutritionnel équilibré et un
besoin énergétique journalier de 2.400kcal par adulte, (ii) le
seuil de pauvreté non alimentaire (SPNA) estimé à partir
du rapport
entre les dépenses réelles alimentaires et non
alimentaires des ménages et enfin (iii) le seuil de pauvreté
global (SPG) qui est la somme des deux précédents.
En milieu rural, le seuil de pauvreté alimentaire
était de 38.800 F.CFA. L'incidence de la
pauvreté alimentaire est de 17%. L'incidence de la pauvreté
globale y est de 33% avec 24% de ménages vulnérables. Par rapport
à la saisonnalité, la période la plus critique se situe en
septembre-novembre avec une incidence de 24% de ménages pauvres. La
corrélation entre la possession ou non d'un actif et le niveau de
pauvreté paraît inexistante car les ménages ruraux ont
déclaré très peu d'actifs. Le ratio du déficit de
dépenses dans le milieu rural est de 31%. Autrement dit les
ménages arrivent, en moyenne, à subvenir à 69% de leurs
besoins vitaux.
En milieu urbain, le seuil de pauvreté global est
estimé à 144.300 Fcfa par an par équivalent-adulte
avec une variation sensible d'une ville à l'autre. L'incidence
de la pauvreté globale y est de 33% avec 23% de ménages
vulnérables. Le lien étroit entre la pauvreté urbaine et
l'emploi est mis en exergue par un taux de chômage et un taux de
sousemploi relativement plus élevés chez les pauvres (taux de
chômage de 5,2% contre 3,8% et taux de sous-emploi de 27,9% contre
23,9%). Sur l'ensemble des quatre villes-échantillons, Cotonou
était la plus touchée avec une incidence de la pauvreté
globale de 38%. Cotonou est la ville la plus urbanisée du Bénin
et le revenu moyen y est le plus élevé (230.228 F.CFA).
L'incidence de la pauvreté globale paraît positivement
reliée au degré d'urbanisation.
Après les ECVR et dans le souci de bâtir une
nouvelle stratégie efficace de réduction de la pauvreté,
une enquête d'envergure nationale a été
réalisée en 2006. Il s'agit de l'Enquête
Modulaire Intégrée sur les Conditions de Vie des
ménages(EMICoV). Cette enquête avait pour objectif
d'évaluer l'ampleur de la pauvreté, d'identifier ses
caractéristiques ainsi que ses déterminants afin
d'affiner les politiques de lutte contre la pauvreté. La pauvreté
monétaire analysée selon les indicateurs habituels d'incidence
(P0), de profondeur (P1) et de sévérité (P2) se
présente comme suit :
Tableau I: Evolution des indices de
pauvreté entre 2002 et 2006
|
2002
|
|
|
2006
|
|
Milieu de résidence
Urbain Rural Ensemble
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
23,6
|
0,107
|
0,069
|
27,2
|
0,11
|
0,06
|
|
0,11
|
0,058
|
|
0,149
|
0,075
|
31,6
|
40,6
|
|
|
28,5
|
0,109
|
0,062
|
37,4
|
0,138
|
0,071
|
Source : EMICoV 2006
Cette enquête réalisée entre août et
novembre 2006 auprès de 7440 ménages urbains et 10560
ménages ruraux par l'Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Economique (INSAE) a eu le mérite d'appréhender la
pauvreté de 3 manières :
1. la pauvreté monétaire qui dépend du
revenu du ménage fixé à un seuil. Les seuils sont
calculés en fonction d'une enquête de prix des biens et services
disponibles dans chaque commune. Par exemple le seuil de pauvreté
à Cotonou est annuellement de 236 330 FCFA / tête, soit
0,99 € par jour et par tête. Dans la commune rurale
d'Adjarra il est 132.728 f cfa / tête et par an en
2009
2. la pauvreté non monétaire dépend des
conditions de vie et des actifs du ménage ;
3. la pauvreté subjective dépend de la
perception d'un ménage sur sa pauvreté. Elle s'explique par deux
facteurs à savoir les caractéristiques du ménage
(âge et niveau d'instruction du chef de ménage, revenus) et le
développement de sa sphère géographique (village, commune,
département). Cette troisième dimension laisse penser que le
développement des communes fournit un contexte significatif et positif
à la lutte contre la pauvreté des individus.
Cette approche multidimensionnelle a l'avantage de couvrir les
différents
éléments constitutifs de la pauvreté. Elle
permet aussi d'identifier le
noyau dur de la pauvreté.
Enfin, il faut noter qu'en dehors des études
pionnières et celles réalisées par des institutions de
références ci-dessus indiquées d'autres travaux
récents se sont intéressé à l'approche
multidimensionnelle de la question. C'est le cas des travaux de
Mèdédji et Djossou, (2007) sur `'les
différentes facettes de la pauvreté au Bénin».
Les résultats de leur étude ont montré
l'existence de la pauvreté non monétaire et le faible recoupement
entre les différentes formes de pauvreté. Ce qui confirme la
nature multidimensionnelle de la pauvreté au Bénin. La
caractérisation des populations pauvres suivant ces différentes
formes de pauvreté montre par ailleurs des profils aussi
différenciés.
5.2- La microfinance au Bénin et dans le
monde
Les connaissances scientifiques sur la microfinance dont il
s'agit ici ont été tirées de la littérature des
études récentes sur la microfinance tant au Bénin, en
Afrique que dans le monde.
En effet, au Bénin, une équipe de chercheurs
commis par le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD-Bénin 2007) a réalisés une
étude sur le diagnostic approfondi du secteur de la
microfinance au Benin. L'objectif général de
l'étude est d'analyser les performances globales du secteur de la
microfinance au Bénin avec un accent particulier sur la demande et
l'offre des produits et services de microfinance. De façon
spécifique il a été question de l'analyse des aspects de
l'offre et de la demande de services financiers de même que les
contraintes, opportunités et mesures visant à desserrer les
contraintes identifiées.
L'analyse de la situation de l'offre s'est
intéressé à la typologie des IMF, la couverture
géographique, les conditions d'intervention et des performances, les
dynamiques de concurrence, les contraintes géographiques et
socio-économiques, les stratégies d'interventions, l'application
des pratiques optimales, la gouvernance, les systèmes d'information de
gestion (SIG), la sécurité physique et financière
(assurances et centrales de risques),les potentialités du secteur et
conditions de viabilité / pérennité des IMF, les
perspectives de développement, d'évolution du secteur et
d'intervention des différents acteurs (plans de développement et
d'affaires des IMF, programmes du gouvernement et des bailleurs de fonds,
modalités de financement...).
L'analyse de la demande s'est orientée vers la demande
satisfaite de services et produits d'épargne, de crédit, de
micro-assurance et de transfert d'argent et la demande potentielle pour ces
produits notamment le type et la nature des besoins exprimés, la
répartition de la clientèle par catégories
socio-économiques.
Pour ce qui est des défis et des contraintes de la
viabilité des IMF opérant dans les zones rurales, l'étude
a permis d'identifier les contraintes comme l'enclavement,
l'analphabétisme de la population, la faible capacité de
mobilisation des ressources, la faiblesse de la production agricole et son
caractère aléatoire, les aléas climatiques et
calamités naturelles, la faible disponibilité de l'énergie
électrique, les problèmes de sécurité, les
difficultés d'approvisionnement en carburant et le manque
d'infrastructures.
A l'université d'Abomey-Calavi Ingrid Sonya M.
ADJOVI (2009) par le biais de son mémoire de maitrise en
sociologie, a étudié les interactions entre l'Etat, les
organisations de la société civile, les institutions de
microfinance et les groupements féminins dans l'économie
informelle à Cotonou. Elle a tenté de comprendre la participation
de ces divers acteurs sociaux dans l'économie informelle à
travers la pratique des activités génératrices de revenus,
leur financement et la réglementation. Dans une approche de
l'individualisme méthodologique et de l'interactionnisme, les
résultats de cette étude ont montré dans leurs
globalité que l'économie informelle trouve son explication dans
certains facteurs sociaux (la pauvreté, l'analphabétisme et la
logique de prédétermination professionnelle), culturels
(croyances relatives à l'argent et à la richesse, les croyances
liées aux stratégies de vente des produits et la force du verbe)
et économiques (faible niveau de revenu et d'épargne), sans
isoler la forme de régulation exercée par l'Etat sur les divers
acteurs collectifs en présence.
Par ailleurs, Yaya Koloma (2007)
décrit les faits marquants du secteur de la microfinance au Mali, son
contexte, ses caractéristiques, et son articulation avec les politiques
publiques de réduction de la pauvreté et des
inégalités, notamment de genre. Les nouvelles orientations du
financement du développement ont conduit le Mali à
considérer la microfinance comme l'un des outils majeurs des politiques
publiques de
lutte contre la pauvreté, en instaurant un cadre
réglementaire et une politique nationale de microfinance. Elle
toucherait 6,5% de la population totale estimée à 11,6 millions
en 2005. Ce taux aurait connu un accroissement de 27,7% entre 2003 et 2005. Sur
1,9 millions de familles maliennes en 2005, la proportion de familles
touchées par les services microfinanciers s'élèverait
à 38,8%. Les femmes représenteraient 40,3% de la clientèle
des institutions de microfinance. Les controverses théoriques et
empiriques ont conduit à revoir l'espoir tant suscité de
l'efficacité des services de la microfinance en termes de lutte contre
la pauvreté et les inégalités de genre. L'étude du
cas du Mali, à travers les quelques rares évaluations d'impact
qui ont été réalisées, permet de constater que,
même si une amélioration certaine des conditions de vie de
certains clients ou clientes bénéficiaires des services n'est pas
à écarter, une réduction certaine de la pauvreté
peut paraître difficile.
D'un autre côté, Isabelle Guérin
et Jane Palier (2007) mettent en cause le lien automatique
fait entre microfinance et autonomisation des femmes et montrent que cette
approche un peu simpliste ne reflète pas la réalité ; car
elle n'examine pas les limites de l'outil de développement qu'est la
microfinance. Or, Linda Mayoux (2007) se demande si
les tendances actuelles à la commercialisation ou au ciblage de la
pauvreté affichées dans `Ways Forward for Microfinance' (voies
possibles pour la microfinance) lors du récent Sommet de
microcrédit sont susceptibles d'améliorer l'impact sur les
questions de genre. Mayoux présente des façons d'intégrer
l'autonomisation des femmes dans ces deux tendances actuelles mais en
précisant qu'il faudra que la microfinance prenne un engagement beaucoup
plus clair en faveur de l'égalité des genres.
Par contre, Ranjula Bali Swain (2007) de
l'université d'Uppsala aborde les différentes définitions
et utilisations du concept d'autonomisation. Forte de sa recherche sur les
groupes d'entraide en Inde, elle montre que la formation joue un rôle
prépondérant dans
l'autonomisation des femmes. Selon les conclusions de ses
travaux, les femmes ne constituent pas un groupe homogène. Elles ont des
besoins financiers différents qui varient selon le contexte
socioculturel et leur expérience. Elles ne forment pas un groupe
marginalisé puisqu'elles ont des relations et des échanges
d'expériences avec les hommes à des niveaux divers. C'est
plutôt Susan Johnson (2007), de l'Université de
Bath qui explique pourquoi il est essentiel que les institutions de
microfinance en particulier et le secteur en général, comprennent
cet aspect de la question et voient comment l'intégrer aux études
d'impact. Susan montre qu'il faut ouvrir la `boîte
noire' de l'économie des ménages, comprendre les relations
hommes/femmes et les décisions relatives à l'attribution des
ressources pour concevoir des services microfinanciers qui permettront aux
femmes d'atteindre leurs objectifs.
Tamara Underwood (2007) du Réseau
Européen de la Microfinance (REM) quant à elle, a eu le
mérite de rendre publics les résultats de son travail de
recherche sur les femmes et le microcrédit en Europe occidentale. Elle a
examiné les raisons pour lesquelles dans cette région la
clientèle de la microfinance est constituée à 39% de
femmes. Ces raisons sont, selon Tamara, le manque
d'éducation, la formation commerciale insuffisante, le manque
d'expérience commerciale, le faible accès à l'information,
l'insuffisance de confiance en soi, le revenu bas et l'absence de garantie ou
de biens nantis. Par contre Maria Darbringer de
l'Université de Vienne (2007) a résumé une étude
socio-anthropologique d'un projet de microcrédit en Equateur. Ses
travaux ont permis de mieux saisir le comportement des femmes qui tentent de
jongler avec leurs nombreuses responsabilités. Elle s'attarde sur la
nécessité de ne pas se confiner aux aspects économiques
lors de l'évaluation de l'impact des programmes de microfinance pour
étudier aussi les relations sociales.
CHAPITRE VI : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE RECHERCHE
« Le chercheur en science sociale suit
une démarche analogue à
celle du chercheur du pétrole. Ce n'est pas en
forant n'importe où que celui-ci trouvera ce qu'il cherche. Au
contraire, le succès d'un programme de recherche
pétrolière dépend de la démarche suivie. Le
processus est comparable en matière de recherche sociale. Il importe
avant tout que le chercheur soit capable de concevoir et de mettre en oeuvre un
dispositif d'élucidation du réel, c'est-à-dire, dans son
sens plus large, une méthode de travail »[20]. Fort de cette
assertion de Quivy et Campenhoudt(1995) après
le choix du sujet de recherche, nous avons opté pour une démarche
méthodologique spécifique qui a consisté à
définir la nature de l'étude, à identifier les techniques
et outils d'investigation appropriés, à déterminer la
population d'enquête, à dégager un échantillon
requis et à mettre en oeuvre des méthodes de collecte et de
traitement des données appropriées sans oublier le choix
modèle d'analyse.
6.1- Nature de l'étude
Le présent travail de recherche est une
étude à la fois qualitative et quantitative.
6.2 -Population d'enquête
La population mère ou population d'enquête
concernée par la présente étude est de deux
catégories. La première catégorie concerne les femmes
bénéficiaires du programme de microcrédits aux plus
pauvres(MCPP) qui n'ont pas pu renouveler le premier crédit pour pouvoir
poursuivre leurs activités et qui ont même abandonné le
processus de portage par phases établies par le programme MCPP.
[20] Campenhoudt V. et Quivy R. (1995)
Manuel de recherche en sciences sociales, DUNOD, Paris
Autrement dit, ce sont les bénéficiaires qui
n'ont pas pu franchir la première phase. Elles sont les plus nombreuses
(97,5% entre 2006 et 2010).
La deuxième catégorie est celle des
bénéficiaires qui sont passés du crédit initial des
30.000f de la première phase à la deuxième phase de
50.000f de crédit et sont déjà à la porte de la
troisième phase d'autonomisation dans la commune. Les
bénéficiaires de cette deuxième catégorie sont au
nombre de 167, soit 2,5% des 6656 qui ont
démarré leurs activités depuis 2006 dans la commune avec
les IMF partenaires stratégiques du Fond National de Microfinance (FNM),
l'institution de pilotage national du programme.
6. 3 - Echantillonnage
L'échantillonnage est « l'ensemble des
opérations permettant de sélectionner un sous ensemble d'une
population en vue de constituer un échantillon ».
L'échantillon ici est tiré à double degré.
Le premier degré est de portée
géographique (lieu de résidence des femmes plus pauvres). Il
concerne trois des quatre arrondissements ruraux sur les six que compte toute
la commune. Il s'agit des arrondissements de Malanhoui, d'Aglogbè et de
Mèdédjonou.
Le second degré concerne les sujets de recherche. Il
est de type aléatoire simple tiré au hasard et par quota des
bénéficiaires en fonction de leur résidence dans les trois
arrondissements ci-dessus.
Dans la première catégorie, 30
bénéficiaires ont été tirées par
arrondissement ; soit un total de 90 bénéficiaires. Le
critère de choix dans cette catégorie est qu'il faut avoir
reçu le premier crédit, abandonné le processus ou
être en difficulté de remboursement.
Dans la deuxième catégorie 10
bénéficiaires ont été tirées par
arrondissement ; soit un total de 30 bénéficiaires. Le
critère de choix est qu'il faut avoir renouvelé le premier
crédit, être au terme de la deuxième
phase sans endettement. Cette deuxième catégorie
de bénéficiaires a servi de groupe témoin de comparaison
des réalités observées et analysées. La taille de
l'échantillon finalement retenu pour les enquêtes de terrain est
de 120 bénéficiaires.
6.4 : Méthode, techniques et outils
d'investigation
Toute recherche suppose une méthode assortie d'une ou
de plusieurs techniques. Selon Grawitz, « la méthode utilise et
organise des techniques qui sont concrètes en fonction d'un but(...).
L'objectif poursuivi lors d'une recherche détermine le choix des
techniques, lesquelles sont liées elles-mêmes à la
méthode de travail »[21]. Le présent travail qui a une
dimension plus qualitative que quantitative s'est donc inspiré des
approches de la Méthode Accélérée de Recherche
Participative(MARP). Le MARP est un processus continu d'apprentissage pour une
meilleure connaissance des populations locales. C'est une approche anthropique
en ce sens qu'elle se base sur les savoirs et les pratiques des populations
locales. Les techniques extraites de cette méthode
après les analyses documentaires, la préenquête et le
pré-test, sont l'observation participante, les entretiens individuels et
le focus group.
6.4.1 - L'analyse documentaire
L'analyse documentaire a consisté en la collecte,
lecture et exploitation des ouvrages et des publications scientifiques relatifs
à la microfinance, à la pauvreté, aux stratégies de
réduction de la pauvreté, au développement humain et
durable et aux théories de développement économique et
socio-anthropologique. Elle a été réalisée
grâce à la disponibilité des centres de documentation comme
les bibliothèques de l'Université d'Abomey-calavi(UAC), de
l'Ecole Nationale d'Economie Appliquée et de Management(ENEAM), de
l'Université Africaine du
[21] GRAWITZ M.(2000) , Lexique des sciences sociales,
Dalloz, paris ; p424
Développement Coopératif (UADC), de l'Institut
Français de Cotonou, du Centre Culturel Américain et Chinois sans
oublier l'internet. Cette analyse documentaire a permis d'approfondir et de
rendre précis les contours du sujet de recherche pour une bonne
orientation des objectifs.
6.4.2- La pré-enquête
La pré-enquête a été
également utile à travers des entretiens exploratoires au niveau
du Ministère de la microfinance, de l'emploi des jeunes et des femmes,
du Fond National de Microfinance(FNM), de la cellule de microfinance et les
institutions de microfinance, partenaires stratégiques conduisant le
Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres(MCPP) dans la commune
d'Adjarra notamment la Coopérative Chrétienne d'Epargne et de
Crédit(CCEC) et l'Association pour la Solidarité des
Marchés du Bénin(ASMAB). Cette pré-enquête a permis
de recueillir des informations d'orientation générale et
d'identifier le groupe cible constituant la population d'enquête de la
recherche de terrain.
6.4.3-Le pré-test
Le pré-test est la technique qui a permis la
vérification de la validité du principal outil de collecte des
données. Il a consisté à tester le guide d'entretien sur
sept (7) bénéficiaires puis traité et corrigé avant
le déroulement de l'enquête proprement dite avec la
totalité de l'échantillon sélectionné.
6.4.4 - l'observation
L'observation réalisée au cours de cette
recherche a été participante. L'observation participante est une
technique introduite dans les enquêtes de terrain par Bronislaw
Malinowski[22] et John Layard[23] au début du
XXe siècle. Elle consiste à étudier une
société ou une communauté en partageant son mode de vie,
en se faisant accepter par
[22] Bronisaw Kasper Malinowski
(né le 7 avril 1884 à Cracovie et mort le 14 mai 1942 à
New Haven) est un anthropologue, ethnologue et sociologue anglais d'origine
polonaise.
[23]John Willoughby Layard (1891 -
1974) est un psychologue et anthropologue anglais
ses membres et en participant aux activités des groupes
et à leurs enjeux. Avec l'observation participante, le chercheur
s'immerge pleinement dans la vie sociale où il prend un rôle
réel, participe aux rites et aux institutions comme le souligne si
bien François Simiand[24] lorsqu'il disait que « Les
phénomènes sociaux peuvent être saisis par la voie d'une
véritable observation, faite par l'auteur de la recherche, observation
immédiate quelquefois, plus souvent d'observations médiates
(c'est-à-dire des effets ou traces du phénomène), mais non
plus, en tout cas, par la voie indirecte, c'est-à-dire par
l'intermédiaire de l'auteur du document »[25]. Cette
observation a été possible grâce à la
disponibilité des animateurs de terrain des IMF qui gèrent le
programme dans la commune. Ils ont été très utiles en nous
faisant parcourir les unités d'observation que sont les ménages
et les groupes solidaires constitués par le programme dans leur milieu
de vie réelle.
6.4.5 - L'entretien semi-directif
Après l'observation participante, l'entretien
semi-directif a été utilisé pour la collecte des
informations au niveau de chaque bénéficiaire constituant
l'échantillon de recherche. L'entretien semi-directif est une interview
semi structurée et une technique qualitative qui permet de centrer le
discours des personnes interrogées autour de différents
thèmes définis au préalable. Il vient compléter et
approfondir des domaines de connaissance spécifiques et se
déroule très librement à partir d'une question. Au cours
de l'entretien l'enquêteur accorde moins d'importance à la
standardisation des questions à poser qu'à l'information à
recueillir. L'essentiel, c'est qu'au terme du dialogue entre l'enquêteur
et l'enquêté, les objectifs définis par les principaux
thèmes et questions qui orientent la recherche soient atteints.
L'entretien semi-
[24] François Joseph Charles
Simiand (1873-1935) est un sociologue, historien et
économiste français. Il est considéré comme l'un
des fondateurs de l'école sociologique française.
[25]
in Bourdieu Pierre, Chamboredon Jean-Claude, Passeron
Jean-Claude, Le Métier de sociologue, Paris : Mouton, collection
Les textes sociologiques, 1983 (4e édition)
directif a été utile pour cette étude en
ce sens qu'il a permis non seulement d'approfondir l'observation mais surtout
pour saisir les réalités de chaque bénéficiaire
dans le processus de gestion de crédit et de son
activité génératrice de revenus.
6.4.6- Le focus group
Le focus group est un type d'entretien de groupe
composé de personnes concernées par une politique de
développement ou une intervention. Il est destiné à
obtenir des informations relatives à leurs opinions, attitudes et
expériences ou encore à expliciter leurs attentes
vis-à-vis de cette politique ou de cette intervention. Il s'agit donc
d'une technique d'enquête qualitative rapide.
Le focus group présente un grand intérêt
pour des recherches liées à des projets ou des programmes, en
particulier pour les études de terrain auprès des
bénéficiaires et des acteurs intermédiaires. Il permet de
comprendre, d'analyser et de décomposer le fondement des opinions
exprimées par les participants. Toujours avec l'aide des animateurs de
terrain des IMF, les bénéficiaires des deux catégories de
l'échantillon ont été rassemblées en groupe de 8 ou
10 voire 12 selon le cas en vue de se prononcer sur les problèmes,
solutions et propositions possibles.
L'entretien de groupe fait appel à l'interaction des
participants pour enrichir et consolider l'information collectée. Le
focus groupe a été utilisé ici surtout pour
l'approfondissement des résultats par la méthode de
triangulation. Par analogie à la triangulation utilisée en
mathématiques, la triangulation des méthodes qualitatives fait
référence à l'usage croisé de techniques de recueil
de données. Elle permet :
- d'éliminer ou de réduire les biais et d'augmenter
la fiabilité et la
validité de l'étude;
- d'améliorer la compréhension d'une étude
et, ainsi, de fournir
une richesse qualitative et une meilleure compréhension du
phénomène étudié;
- de rassurer les chercheurs quant aux résultats fournis
par
l'étude.
6.4.7- Outils de collecte des données
Les principaux outils utilisés pour la collecte des
informations sont la grille de lecture, le guide d'observation et le guide
d'entretien.
La grille de lecture est un outil qui a permis de faire les
analyses documentaires et la synthèse des ouvrages consultés. Il
comporte des lignes comme le titre de l'ouvrage, du rapport ou de l'article, la
nature de l'ouvrage, le ou les auteurs, l'année de publication, le
résumé, les principales idées et citations, le centre de
documentation ou le site web.
Le guide d'observation permet de réaliser l'observation
sur le terrain. Il a permis de spécifier les réalités
à observer telles que l'activité entreprise par les
bénéficiaires, les modes de production, d'approvisionnement et de
vente des biens produit, l'environnement de travail, le milieu de vie familial,
les particularités socioculturelles et anthropologiques importantes.
Le guide d'entretien est un ensemble de directives
spécifiées en support à l'entretien (interview) de
recherche qualitatif ou semi-directif. Son choix se justifie ici en tant
qu'outil principal de collecte de données sur le terrain par deux
raisons fondamentales. D'une part il y a le fait que la cible de la recherche
est constituée dans sa grande majorité de sujets
analphabètes dans la commune rurale d'Adjarra. Il serait alors
difficile, voire imprudent de les soumettre au remplissage de questionnaires en
langue française. D'autre part, la recherche a une dimension beaucoup
plus qualitative. C'est une étude fondamentalement anthropologique.
6.5- Méthode et technique de traitement de
données
Les données recueillies ont été
traitées manuellement suivant deux méthodes. Il y a la
méthode statistique simple (statistique descriptive) et la
méthode de l'analyse de contenu.
La méthode de l'analyse de contenu est « un
ensemble de technique qui permet d'étudier de manière
systématique et rigoureuse le contenu manifeste ou latent d'un document
pour en déterminer objectivement les éléments
significatifs ». Elle a été réalisée
suivant quatre grandes opérations à savoir :
- Lecture des notes d'entretien pour dégager les
dissemblances et ressemblances des unités d'enregistrement pour la
constitution des catégories ;
- catégorisation des éléments des
informations recueillies, constitution des indicateurs puis vérification
;
- Codage, comptage des unités d'enregistrement et de
numération puis traitement des données ;
- Enfin interprétation et inférence des
résultats.
La méthode statistique simple a permis de
déterminer les variables dominantes et les moins dominantes à
travers des calculs comme la somme, la moyenne, la médiane et la
fréquence. Elles sont traduites dans des tableaux et des graphiques afin
de pouvoir servir de référence illustrative.
6.6- Le modèle d'analyse
Le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres(MCPP) est
un programme de développement socio-économique qui a
été conçu comme un instrument de réduction sensible
de la pauvreté extrême au Bénin. Son objectif principal est
de donner un coup d'accélérateur au développement de
l'économie locale en permettant aux femmes plus pauvres d'accéder
aux microcrédits afin d'accroitre leurs revenus à travers des
activités génératrices de ressources financières.
C'est un programme économique mais à dimension sociale.
Mais ici, le champ d'étude de ce programme est le
milieu rural, donc lié aux sociétés paysannes et
traditionnelles où la pauvreté surtout monétaire est
galopante au Bénin. C'est donc l'étude d'un fait
économique(microfinance) comme stratégie de développement
dans un contexte socio-anthropologique. A cet effet nous avons fondé
l'étude sur deux modèles théoriques majeurs. L'un
centré sur le marché (microéconomie politique) et l'autre
inscrivant la microfinance dans le contexte anthropologique (fait
économique dans une société traditionnelle). Chaque
théorie explique une partie du phénomène. Mais, comment
concilier deux approches qui paraissent aussi antinomiques ? L'une axée
sur le marché c'est-à-dire le profit et la croissance de richesse
matérielle ; et l'autre sur le lien social, culturel et anthropologique?
Une synthèse a été possible en considérant que le
marché est une construction sociale. Ce qui implique de concevoir les
faits économiques comme imbriqués dans les faits sociaux. La
microfinance apparaît alors comme un phénomène hybride,
pris dans une logique de marché, mais avec des ressorts
spécifiques et socio-anthropologiques qu'il s'agira d'identifier, de
décrire et d'expliciter dans une dynamique complexe d'innovation face au
défi de lutte contre la pauvreté en milieu rural comme celui de
la commune d'Adjarra.
le modèle d'analyse retenu se repose donc sur la
théorie de « l'embeddedness »
c'est-à-dire de « l'économie prise au filet par des
réalités socioculturelles »
développée par Karl Polanyi et remise aux jours par Jean
Pierre Olivier de sardan dans ses travaux en socioanthropologie du changement
social[26]. La microfinance est alors analysée ici à travers le
programme de microcrédits aux plus pauvres dans la commune rurale
d'Adjarra dans une perspective d'innovation devant conduire à un
changement social caractérisé par des dynamiques complexes
d'acteurs, d'enjeux et de défis pour la lutte contre la pauvreté
en milieu rural. L'analyse des résultats issus de toutes ces dynamiques
s'inscrit dans le contexte scientifique de l'anthropologie de
développement socio-économique.
Société
Fait économique
Réalités sociales et
anthropologiques
Réalités sociales et
anthropologiques
Réalités sociales et
anthropologiques
Réalités sociales et
anthropologiques
Microfinance
Et les AGR
Réalités sociales et
anthropologiques
Réalités sociales et
anthropologiques
Schéma du modèle théorique de
l'enchâssement
du fait économie dans le système social
émis par Karl Polanyi
[26] Confère chapitre II sur le développement
des fondements théoriques de la recherche ; p19 ; p 21
Troisième partie
MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES ET
MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA
CHAPITRE VII : LE MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES(
MCPP)
7.1- Contexte de mise oeuvre du programme MCPP au
Bénin
Dans les pays de l'UEMOA[27], le secteur de la microfinance a
connu un développement assez remarquable au début des
années 90. Au Bénin, ce développement est
caractérisé par un secteur de la microfinance très
dynamique animé par une multitude d'institutions offrant des produits et
services adaptés aux besoins des populations pauvres exclues du
système financier classique. Compte tenu de la pertinence des
interventions de ces acteurs et du volume d'activités
réalisées, le secteur de la microfinance s'impose
désormais comme une alternative crédible de financement notamment
en ce qui concerne l'intégration des populations démunies au
circuit de production de la richesse nationale.
Malgré l'importance désormais reconnue à
ce secteur, les institutions qui l'animent sont confrontées à un
certain nombre de problèmes dont les plus importants se résument
:
- aux difficultés d'accès aux ressources
financières adaptées aux spécificités des besoins
des pauvres ;
- absence de mécanismes d'accompagnement en termes de
renforcement des capacités et d'appuis divers ;
- absence d'un mécanisme de sécurisation pour la
gestion des nombreux risques auxquels sont soumises les institutions de
microfinance.
De ce fait, la microfinance considérée jusque
là comme l'instrument formidable de réduction de la
pauvreté commençait à connaitre ces limites. Les
Institutions de Micro Finance(IMF) en activité dans le pays,
partagées entre le poids et l'étendue de la pauvreté et la
nécessité de survie, de viabilité et de
rentabilité, ont reconsidéré le cadre de leurs
interventions sur le terrain. En d'autres termes, entre 2000 et 2005, ces
[27]UEMOA : Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine
IMF ont pris l'option d'orienter leurs services vers une
clientèle très moins pauvres négligeant ainsi la grande
masse des populations plus pauvres devant bénéficier des
opérations d'épargne et de crédit portant sur de petits
montants. En un mot, les institutions de microfinance ont
délaissé les microcrédits pour monter sur le terrain de ce
que j'appelle « la moyenne finance »[28] non loin du système
bancaire classique dont les crédits sont fondés sur des garanties
matérielles considérables. Pour trouver une solution
adaptée à ces différentes préoccupations qui
compromettent très fortement l'avenir du secteur de la microfinance au
Bénin face à sa première mission de réduction de la
pauvreté, le gouvernement a pris ses responsabilités. Il a choisi
depuis mars 2006 l'option de replacer la microfinance dans son contexte initial
et de faire d'elle un outil très stratégique d'intervention dans
le domaine du développement et de la lutte contre la pauvreté.
C'est dans ce cadre qu'il a été décidé de la
création par décret N° 301-206 du 27 juillet 2006 du Fonds
National de la Microfinance. Par cet acte, le souci du gouvernement est non
seulement de concrétiser le désir des acteurs de la microfinance
de disposer de cet outil stratégique, mais aussi, de mettre en place un
cadre approprié de gestion des programmes du gouvernement
dédiés aux couches les plus défavorisées dont
notamment le Programme de Microcrédits aux Plus Pauvres
(MCPP).
7.2- Objectifs et attentes du programme MCPP
L'objectif global du programme est de rendre
économiquement actives les populations les plus pauvres par la mise
à leur disposition de micro crédits et d'autres services
d'accompagnement.
De façon spécifique, il s'agit:
d'organiser en groupements de 03 à 15 personnes les
potentiels
bénéficiaires ;
[28]Les « institutions de la moyenne finance
» sont des institutions financières qui ne sont pas des
banques mais exigent de garantie matérielle avant tout crédit.
Elles se situent entre les institutions de microfinnace qui font de
crédit aux plus pauvres sans garantie matérielle et les banques
classiques
de sensibiliser et de former ceux-ci sur des notions essentielles
de solidarité-développement des AGR et gestion du crédit
;
de mettre en place les microcrédits ;
d'encadrer et de suivre l'exécution des activités
des groupements en vue d'un bon remboursement ;
de constituer en faveur du bénéficiaire, une
petite épargne sur chaque remboursement ;
Toutes les 77 communes du Bénin ont déjà
été prises en compte par le programme qui touche essentiellement
les populations ayant un besoin financier initial d'au plus 30.000 F CFA pour
démarrer une activité génératrice de revenus. Les
produits offerts sont variés et visent l'amélioration des
conditions de vie et de travail des plus pauvres.
A l'origine étaient proposés la sensibilisation
et la formation, le micro crédit et l'épargne. Aujourd'hui, Avec
les améliorations apportées au programme, d'autres services se
sont ajoutés comme l'alphabétisation, la micro assurance, la
mutuelle de santé et le capital risque.
Les principales attentes du programme ou le résultat
attendu de cette initiative gouvernementale est d'assurer l'autonomisation des
plus pauvres par l'amélioration qualitative de leurs conditions de vie
à travers
v' La création au niveau des populations cibles, des
sources
plus ou moins régulières de revenus ainsi que
l'accroissement de ces revenus,
v' La promotion de la culture de l'entrepreneuriat à
leur niveau en vu d'obtenir l'accroissement de leurs capacités
techniques et organisationnelles ; ce qui les prépare mieux à la
conquête du marché.
7.3 - Cadre institutionnel et mode opératoire du
programme MCPP
Vu l'envergure national du programme MCPP, sa mise en oeuvre a
nécessité l'instauration d'un cadre institutionnel
adéquat.
7.3.1- Cadre institutionnel de mise en oeuvre du programme
MCPP
Le cadre institutionnel de mise en oeuvre du programme de
microcrédits aux plus pauvres est constitué du Fond National de
Microfinance(FNM) au niveau national qui s'appui sur des partenaires
stratégiques(IMF) chargés d'atteindre les cibles, de distribuer
et de gérer les crédits à la base.
Le mécanisme de mise en oeuvre selon les concepteurs
est fondé sur le principe du « faire-faire )> qui est l'un des
principes cardinaux du document de base de politique nationale de microfinance
au Bénin. Des institutions financières dénommées
« partenaires stratégiques )> sont donc
sélectionnées et signent des contrats avec le FNM pour
l'exécution du programme sur le terrain.
A coté des IMF partenaires stratégiques, il y a
le réseau national des bénéficiaires qui a
été mise en place pour aider à l'identification et au
suivi des bénéficiaires.
7.3.2- Mode opératoire du programme MCPP
Le programme de microcrédits aux plus pauvres est un
programme spécial de portage qui permet de développer au niveau
des bénéficiaires plus pauvres une capacité de gestion
d'une part, d'assurer à terme au niveau de ces
bénéficiaires une culture de l'entrepreneuriat et l'habitude du
remboursement de crédit vis-à-vis des institutions de
microfinance ou du moins de la « moyenne finance )> et d'autres part de
tirer des revenus conséquents de leurs activités pour
améliorer leurs conditions de vie.
Le programme MCPP est un système de crédit
successif à taux progressif dont l'exécution se fait en trois
phases à savoir :
Phase I : A cette première
phase, le montant du crédit est de trente mille francs cfa (30.000 f
CFA) renouvelable une seule fois. Le taux d'intérêt est de 5% dont
une épargne de 3% à ristourner aux bénéficiaires.
Donc le taux d'intérêt prélever sur le compte du
bénéficiaire n'est que de 2%.
Phase II : A cette deuxième
phase, le bénéficiaire pris à l'étape zéro a
la première phase est supposé avoir amorcé un processus
progressif de renforcement de ses aptitudes à développer une
activité économique et à gérer un montant
supérieur de crédit. Le montant du crédit passe donc
à 50.000 f CFA avec un taux d'intérêt de 8% dont une
épargne stratégique de 5%. Le taux d'intérêt
réel déduit à cette phase est de 3%.
Phase III : La troisième et
dernière phase consacre le reversement des bénéficiaires
dans le portefeuille des institutions de la « moyenne finance ». A
cette étape le bénéficiaire est supposé avoir des
acquis et des aptitudes requises pour s'adapter aux conditions de prêt
sur le marché financier général. Les épargnes
stratégiques instaurées au profit du bénéficiaire
aux phases I et II sont des efforts de constitution de provision pouvant
contribuer aux exigences financières de garantie préalables aux
crédits une fois reversé dans le portefeuille des IMF classiques
ou des institutions de la « moyenne finance ».
-Susciter création d'activités
Génératrices de revenus
- Accès aux microcrédits à des
conditions très souples
- 30.000 fCFA maximum
Pré -Marché : 12 mois
Phase I
MCPP 1
30.000
-Maitriser les activités
Génératrices de revenus
- Accès aux microcrédits à des
conditions souples
- 50.000 fCFA maximum
1
Phase II
Préparation -Marché : 12 mois
MCPP 2
50.000
2
-Entreprendre les AGR et ou les PME -accès aux
crédits des IMF et Banques - Montant en fonction des
activités
Marché IMF et Banques
Phase III
Client des IMF
3
Schéma conceptuel du MCPP/ Source : FNM 2008
Dans la commune d'Adjarra, le programme de microcrédits
aux plus pauvres est mis en oeuvre suivant un dispositif dans lequel on
retrouve les acteurs étatiques au sommet, les partenaires
stratégiques(IMF) au niveau départemental et communal et enfin
les bénéficiaires à la base au niveau des villages. Ce
dispositif est représenté dans le schéma de la page
suivante.
|
|
PARTENAIRES AU DEVELOPPEMENT
|
ETAT
|
|
|
|
|
|
MINISTERE DE LA MICROFINANCE DE L'EMPLOI DES JEUNES ET DES
FEMMES
FONDS NATIONAL DE MICROFINANCE
|
|
BANQUES
|
PROGRAMME DE MICRO CREDIT AUX PLUS PAUVRES(MCPP)
PARTENAIRES STRATEGIQUES D'INTERVENTION ET DE GESTION DES
CREDITS SUR LE TERRAIN IMF
COOPERATIVE CHRETIENNE D'EPARGE ET DE CREDIT ( CCEC)
|
|
ASSOCIATION DE SOLIDARITE DES MARCHES DU BENIN (ASMAB)
|
|
|
LES FEMMES BENEFICIAIRES DE LA COMMUNE D'ADJARRA
SCHEMA DU DISPOSITIF DE GESTION DU PROGRAMME MCPP DANS LA
COMMUNE D'ADJARRA
CHAPITRE VIII : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA
Dans ce chapitre, Il est question de la présentation de
la zone géographique et sociale de la recherche. C'est une étude
descriptive du site de recherche qui s'articule autour de l'organisation
sociale et administrative, du milieu physique et du potentiel économique
de la commune d'Adjarra.
8.1- Le milieu physique de la commune d'Adjarra
La description du milieu physique de la commune d'Adjarra
concerne ici la situation géographique, le climat, le relief, les sols
et la végétation.
8.1.1- Situation géographique et climat
Situé au Sud-Est du département de
l'Ouémé au Bénin, la commune d'Adjarra est limitée
au Nord par la commune d'Avrankou, au Sud par celle de
Sèmè-Podji, à l'Est par la frontière de la
République du Nigéria et à l'Ouest par la commune urbaine
de Porto-Novo. Elle couvre une superficie de 112 km2. La commune
d'Adjarra se trouve à environ 7 km de Porto-Novo (Chef lieu du
Département de l'Ouémé et Capitale du Bénin) et
à environ 38 km de Cotonou (Capitale économique du
Bénin).
La commune d'Adjarra est soumise au climat
subéquatorial fortement influencé par le régime
soudano-guinéen qui caractérise toute la région
Sud-Bénin. Ainsi, la zone géographique d'Adjarra
connaît-elle deux saisons de pluies et deux saisons sèches qui
s'alternent :
Une grande saison des pluies allant du mois d'avril au mois
de
juillet.
Une petite saison sèche allant du mois d'août au
mois de septembre.
Une petite saison pluvieuse qui couvre les mois d'octobre et de
novembre.
Une grande saison sèche qui couvre la période de
Décembre à
Mars.
La moyenne des précipitations y oscille entre 1100 et 1200
mm.
Le climat de la commune est aussi caractérisé
par une forte humidité (75% en moyenne par an) et des
températures variant entre 21,9°C et 32,8°C. De
décembre à janvier, la commune connait ordinairement l'harmattan
qui est un vent froid et sec qui crée une forte amplitude thermique
pendant la journée.
Le réseau hydrographique d'Adjarra est constitué
de cinq (5) rivières longeant la frontière nigériane. Les
plus importantes sont les rivières de "Djavidéblako", de
"Mèdédjonou Tokpa" et de "Odo Tokpa". Elles favorisent plusieurs
transactions commerciales formelles et informelles entre le Nigéria et
la commune.
8.1.2- Relief, sol et végétation à
Adjarra
La commune d'Adjarra a un relief presque très peu
accidenté. Elle est située sur le plateau de
Pobè-Sakété dont l'altitude qui est de 100 m en moyenne,
décroît pour atteindre 20m à Adjarra. Ce plateau est
entaillé par de petites et moyennes dépressions aux pentes
très peu marquées. Les dépressions moyennes, au nombre de
trois, se rejoignent en une vallée unique entre la Commune et la
République Fédérale du Nigeria.
La commune d'Adjarra fait partie de la sixième zone
agroécologique du Bénin ; c'est-à-dire la zone des terres
de barre où le seuil de pauvreté est globalement
estimé à 132. 728 f cfa l'an (INSAE, EMICoV, 2007).
La commune d'Adjarra dispose de trois (03) types de sols :
- les sols des plateaux : sols ferralitiques, de couleur rouge
et à texture sablo argileux (terres de barre), ils couvrent environ 80%
de la superficie totale de la commune.
- les sols de bas de pente : sols de coloration brune claire,
à texture sableuse et faciles à travailler, ils se situent en
bordures des bas-fonds marécageux, soit dans des dépressions
fermées.
- les sols des bas-fonds : ce sont des sols hydromorphes,
argileux, riches en matières organiques, situés dans les zones
inondables, surtout dans l'Arrondissement d'Aglogbè.
Le couvert végétal est clairsemé. Il est
dominé par le palmier à huile (Elaesisguineensis) avec une
composition d'arbustes, de hautes herbes et par endroit de reliques de
forêts sacrées.
Aux abords des marigots, la végétation plus
variée est composée de palmier raphia, de bambou, des
fourragères et d'autres espèces hydromophes. Elle abrite une
faune essentiellement composée de petits rongeurs (rat palmiste, souris,
écureuil, etc.), d'oiseaux (perdrix, et autres), de varans et autres
espèces de reptiles.
8.2- Potentiel économique de la commune
d'Adjarra
La commune d'Adjarra est une zone majoritairement agricole
donc paysanne. Les principales activités économiques qui s'y
développent sont l'agriculture, l'élevage, la pêche, le
commerce, l'artisanat, le transport, l'exploitation du bois de feu et la
transformation du bois en charbon. Les produits découlant de ces
activités sont le maïs, l'arachide, le manioc, le
niébé, la patate douce et le riz. Les activités
artisanales se résument à la poterie, à la vannerie et
à la production de tam-tam. Les services et secteurs bancaires de la
commune d'Adjarra se limitent aux activités d'une seule Caisse Locale de
Crédit Agricole Mutuel (CLCAM) et trois Caisses d'Epargnes et de
Crédits (CEC).
8.2.1 - Commerce
Le commerce occupe une place de choix au sein des
activités économiques locales d'Adjarra. Il mobilise 47,61% de la
population et touche une diversité de produits. Il s'agit des
hydrocarbures et produits manufacturés provenant surtout du Nigeria, des
produits agricoles, d'élevage, de l'artisanat, de transformation et de
la pharmacopée. Cette activité est majoritairement exercée
par les femmes qui se livrent activement au petit commerce. Mais il faut noter
que la Commune regorge aussi de quelques grands commerçants reconnus sur
le plan national.
L'équipement marchand de la commune est faible. Il
repose sur l'existence de quelques boutiques, magasins de stockage et des
hangars construits dans les marchés de Gbangni, Kpétou et
Alladako. Ces hangars sont aussi bien en matériaux définitifs
qu'en matériaux précaires.
La plupart des produits commercialisés proviennent du
Nigéria ou de la commune. Les produits provenant du Nigéria
arrivent dans la commune par les voies fluviales. Une fois
débarqués, les produits sont soit emmagasinés, soit
stockés dans les maisons. Ils sont ensuite vendus soit en gros (cas des
grossistes), soit en détails dans les boutiques ou sur des
étalages de fortune.
Les produits de la commune (paniers, tam-tam, maïs,
manioc, régime de palme...) sont exportés par les
commerçants collecteurs surtout vers le Nigéria par les voies
fluviales et vers Porto-Novo par voie terrestre pour être vendu sur le
marché de Ouando.
8.2.2- Agriculture et élevage
Sur le plan spatial, l'agriculture est la plus importante
activité pratiquée par les populations de la commune d'Adjarra.
Elle est de type familial. Les terres sont peu fertiles. L'agriculture est
orientée vers les
cultures vivrières telles que les
céréales, les tubercules et les légumineuses. Les cultures
de rente sont les produits issus de l'exploitation du palmier à huile,
du raphia, des arbres fruitiers et des plantations de bois. L'agriculture est
pluviale et pratiquée à dominance par les hommes et dans une
moindre mesure par les femmes.
Les agriculteurs travaillent individuellement ou en
associations. Ils bénéficient de l'appui technique et financier
du CeRPA, des ONG et des projets d'Etat dans des domaines assez variés.
L'agriculture est pratiquée avec des outils aratoires. Les techniques
culturales sont purement traditionnelles avec parfois l'utilisation d'ordures
ménagères et des déjections animales pour la restauration
de la fertilité des sols.
L'élevage est pratiqué à Adjarra par
presque tous les ménages. Les espèces élevées sont
les bovins, ovins, caprins, porcins et volailles. La principale race de bovins
élevés est la race lagunaire retrouvée dans le sud
Bénin. L'élevage de volailles concerne les pintades, les poules,
les pigeons, canards et dindons. On distingue deux types d'élevage :
l'élevage conventionnel et l'élevage non conventionnel. En
élevage conventionnel les animaux sont le plus souvent en divagation.
L'élevage non conventionnel concerne les lapins et les aulacodes.
8.2.3- La pêche, la chasse et l'artisanat
Dans la commune d'Adjarra, la pêche et la chasse sont
des activités saisonnières qui se pratiquent surtout dans
l'Arrondissement d'Aglogbè et dans une moindre mesure dans celui de
Médédjonou. Elles occupent très peu de personnes. Les
réglementations en vigueur sont rarement respectées par les
pêcheurs qui utilisent des engins prohibés comme la palangre
à hameçons non appâtés, le kpoto kpoto, et le filet
épervier à mailles fines. Les plans d'eau d'Adjarra sont pauvres
en ressources halieutiques.
L'artisanat est pratiqué à Adjarra sous une forme
traditionnelle et moderne.
L'artisanat traditionnel concerne l'art de la vannerie, de la
tresse, de la poterie en terre cuite, des instruments de musique (tambours,
gongs), des produits de la forge (houe, coupe-coupe, hache, fusil de chasse),
de la sculpture. L'art sous ces différentes formes a pris naissance dans
les couvents qui étaient à la fois un centre de formation des
"vodounsi" (adeptes du vodoun) et foyers de créations artistiques. Mais
son exercice est freiné, aujourd'hui, par l'insuffisance de
matières premières.
L'artisanat moderne est pratiqué par les jeunes qui
s'intéressent à la couture, la mécanique, la soudure, la
coiffure, le tissage, la menuiserie, la vulcanisation, la maçonnerie....
Ce sont de véritables hommes de métier qui ouvrent le long des
principales voies et dans les agglomérations, des garages, des ateliers,
des salons de coiffure pour des prestations de service et la production des
biens demandés par la population. Ils se constituent de plus en plus en
associations par corps professionnels ; lesquelles s'unissent pour former une
fédération communale.
Au niveau de l'artisanat, les femmes sont
spécialisées dans la tresse des nattes, la coiffure, la poterie
en terre cuite, le tissage, la photographie, la couture,....
Malgré leur dynamisme, les artisans éprouvent de
difficultés à s'installer après l'apprentissage et
à s'imposer sur le marché souvent pour des raisons d'insuffisance
de matériels de travail, de technique de travail peu
maîtrisée, d'accès difficile au crédit,
d'éloignement des lieux d'approvisionnement en matériels,
d'insolvabilité des clients, d'insuffisance de pièces de
rechange, de faible taux de couverture en électricité de la zone
et de taxes relativement élevées. Ces artisans sont donc
contraints à se tourner vers d'autres secteurs relativement porteurs
dont le taxi moto communément appelés "Zémidjan".
8.3 - Structuration sociale de la commune
La description de la structure sociale de la commune d'Adjarra
concerne ici la population et ses mouvements, les ethnies et les religions, le
pouvoir politique traditionnel, le pouvoir politique moderne et la place de la
femme dans la société.
8.3.1 - Peuplement et mouvements des populations
Historiquement, les premiers occupants d'Adjarra sont des
Nagots venus du Nigéria. Ils se sont installés dans la zone du
XVIe au XVIIIe siècle. Ils sont rejoints vers la première
moitié du XVIIIe siècle (période allant de 1746 à
1830), par les migrants Adja originaires de Tado (région située
au Togo), qui, en quête de sécurité, ont transité
par Pahou (Commune de Ouidah). Le peuplement d'Adjarra s'est poursuivi jusqu'au
XIXe siècle par l'arrivée des Yoruba en provenance du Sudouest de
la République du Nigeria.
L'histoire nous révèle aussi que le nom
d'origine de la localité était "Adja-la". Ce nom lui a
été donné par les Adja pour signifier qu'elle constitue un
détachement ou une branche d'Adja. "Adjarra" est une déformation
dans la transcription de "Adja-la" par les colons.
En matière d'évolution démographique, la
Commune d'Adjarra compte 60.112habitants (RGPH3 ; 2002). La population est
à dominance à la fois rurale et féminine. Sa
densité avoisine 536,7habitants au km2.
Du point de vu de la structuration de la population par
âge il faut souligner que la population d'Adjarra est jeune et active.
C'est sur cette frange active que repose l'essentiel du poids économique
de la commune. Les jeunes ayant moins de 15 ans sont donc majoritaires. Cette
forte proportion de la jeunesse constitue un facteur de dynamisme pour le
développement et en même temps un problème majeur de la
société du fait de l'investissement que nécessite sa
scolarisation, son accès aux soins de santé et à
l'emploi.
. La natalité de la population de la commune d'Adjarra est
estimée
à 5,2%. Cela signifie que 3.134 bébés (87%
des prévisions) naissent chaque année dans la perspective d'un
renouvellement de la population.
La mortalité infantile est faible (0,05% de l'ensemble
de la population). Par contre la mortalité au sein des personnes
âgées de plus de 15 ans est élevée.
8.3.2- Ethnies et religions
Aujourd'hui, il existe une mosaïque d'ethnies qui
cohabite dans la commune d'Adjarra. Les Goun et les Fon sont majoritaires
(83,4%), suivis des Yoruba (8,2%), et des Adja, Mina et Toffin (1,0%). Les
autres ethnies sont composées de Bariba, dendi, Yom-Lokpa, Otamari, et
Peulh etc (7,2%). Ce brassage ethnique est aussi à la base de la
diversité des activités économiques de la commune.
En effet, les commerçants Yorouba et une partie des
Goun ont développé le commerce transfrontalier alors que les Goun
et les Fon s'investissent beaucoup dans l'agriculture et le transport. Quant
aux autres ethnies, elles se retrouvent dans la fourniture des services, dans
les buvettes et restaurants et dans les divers.
Par ailleurs, la vie spirituelle de la commune d'Adjarra est
animée par plusieurs religions. Chacune d'elle prêche pour la
culture de la paix, de la tolérance mutuelle et de la cohésion
locale et nationale. Les religions sont de deux ordres :
La religion traditionnelle (52,3%) et les religions
révélées. Les religions traditionnelles sont
constituées autour des fétiches vodoun, thron, etc. Les exigences
de leurs rites et rituels sont liées à la protection des
forêts sacrées qui abritent leurs couvents. Ceci explique la
multiplicité des reliques forestières sur le terroir communal.
L'implantation du siège départemental de vodoun dans la commune
renforce la prédominance de cette religion.
Les religions révélées sont plus
variées. On les regroupe en deux catégories :
- le christianisme qui comprend le catholicisme (17,8%), le
christianisme céleste (5%) et le protestantisme (3,1%). La Commune
abrite en outre le siège mondial du christianisme céleste en
cours de construction à Tchakou ;
- et l'islam (8,3%).
8.3.3- Pouvoir politique traditionnel
L'organisation sociale traditionnelle de la Commune d'Adjarra
montre que le natif appartient à un clan dont les vestiges, ayant
résisté à l'érosion du temps, sont gardés
dans des temples. Le clan est caractérisé par des litanies
panégyriques qui se réfèrent soit aux hauts faits et
parfois aux fonctions de l'ancêtre mythique ou réel, commun aux
membres dudit clan, soit aux pratiques culturelles. Les litanies constituent
des hymnes de ralliement des membres du clan et peuvent être
utilisés pour faire adhérer les clans aux objectifs de
développement économique de la commune.
Le clan est composé de lignage qui, à son tour
comporte des familles. Les familles sont constituées de ménages
et les ménages sont composés d'individus.
Aujourd'hui, la pénétration des religions
révélées fragilise un peu les clans dont le support
spirituel est la religion traditionnelle. Cependant, le pouvoir traditionnel
demeure centralisé et hiérarchisé dans l'ensemble de la
commune.
La gestion du pouvoir traditionnel est assurée, selon le
groupe social par :
- le roi de Hounvè assisté par les Vodounon
(prêtres) et Oga (Ministres) ;
- un Vodounon (Chef du culte) ;
- le Balè au niveau des yoruba.
Les chefs coutumiers ont un rôle important dans la vie
sociale et politique et même économique de la commune d'Adjarra.
Ils s'occupent essentiellement, dans les limites de leurs compétences,
de la revalorisation du patrimoine culturel, du règlement des conflits
familiaux et de l'organisation des cérémonies religieuses
annuelles.
8.3.4- Pouvoir politique moderne
Dans le contexte actuel de la décentralisation, les
orientations pour la politique de développement de la commune sont
fixées par le Conseil Communal sur la base des réelles
aspirations des communautés administrées. Elles sont ensuite
passées au maire, premier responsable de l'exécutif, pour leur
mise en oeuvre.
Comme le pouvoir traditionnel, le pouvoir politique moderne
est concentré dans les mains du maire ; la différence avec le
pouvoir traditionnel est la proximité des populations et la
possibilité de leur contrôle sur la gestion des affaires de la
commune. L'exercice du pouvoir politique au niveau arrondissement et villageois
se fait respectivement par le chef d'arrondissement et le chef de village.
Les autorités administratives et traditionnelles de la
commune d'Adjarra développent de bonnes relations de collaboration
surtout dans les domaines de la valorisation du patrimoine culturel et de
l'organisation des fêtes nationales.
8.3.5- Place de la Femme dans la société
d'Adjarra
Dans la commune d'Adjarra, les besoins des femmes sont
beaucoup plus collectifs. Ils sont dictés par les aspirations de toute
la société qui exige d'elles une importante contribution au mieux
être de la communauté, c'est-à-dire, une bonne santé
de sa famille, un niveau
d'instruction acceptable pour les enfants, un accès
à une alimentation saine et suffisante, un accroissement des revenus
pour la famille, etc.
La société lui reconnaît son rôle de
pilier dans la promotion du bienêtre intégral de la famille et
même de la collectivité, surtout à travers les
activités productives des secteurs clés de l'économie,
comme l'agriculture et le commerce.
Dans les secteurs économiques, les femmes s'adonnent
surtout aux cultures vivrières (maïs, niébé, ...), au
maraîchage, à l'élevage des animaux à cycle court
(petits ruminants, porcins, volailles), à la petite industrie
(fabrication de savon, de textile, des nattes, de la poterie en terre cuite),
à la transformation et la commercialisation des produits agricoles et
manufacturés.
Le dynamisme des femmes dans les secteurs de l'économie
locale favorise un approvisionnement régulier des marchés rendant
ainsi accessibles les prix des denrées alimentaires et des produits de
premières nécessités à toutes les couches de la
population.
Sur le plan de la participation des femmes aux structures de
prises de décision, elles sont surtout présentes dans des
groupements féminins qui reposent sur l'esprit de solidarité et
à travers lesquels elles consolident leurs capacités
managériales.
Par contre, au niveau de la commune, la présence des
femmes dans les instances de décision reste encore trop faible. Par
exemple, elles ne sont pas représentées au sein du Conseil
Communal, la plus grande instance de décision de la commune
d'Adjarra.
8.4- Organisation administrative et
infrastructures.
8.4.1- Administration de la commune
La commune d'Adjarra faisait partie du canton de la banlieue
de Porto-Novo dont le chef lieu est Avrankou. Il était administré
par le chef du canton d'Avrankou qui s'appuyait sur l'autorité d'un des
ministres (dont la résidence est à Avrankou) du roi et d'un
commis.
Entre 1972 et 1990, Adjarra a été
érigé en district puis en souspréfecture. L'administration
a été renforcée. Elle jouissait d'une faible autonomie
financière et décisionnelle.
Avec l'avènement de la décentralisation, Adjarra
est devenu commune et compte six (6) arrondissements. IL s'agit des
arrondissements d'Adjarra 1 et d'Adjarra 2, de Honvié, d'Aglogbè,
de Malanhoui et de Mèdédjonou. L'ensemble de ces Arrondissements
sont constitués par 36 villages et 11 quartiers.
La gestion administrative de la commune d'Adjarra est
assurée par plusieurs services : les services de l'administration
communale, les services déconcentrés de l'Etat et autres
structures intervenant dans la commune.
La Mairie abrite l'administration centrale de la commune. Elle
est composée de 10 services dirigés par des Chefs Bureaux. Il
s'agit
- du Bureau des Affaires Générales (BAG)
- du Bureau des Affaires Economiques (BAE)
- du Bureau des Affaires Financières (BAF)
- du Bureau des Archives, de la Documentation et de l'Information
(BADI)
- du Bureau des Transmissions (BT)
- du Bureau de l'Etat Civil et de la Population (BECP)
- du Bureau des Affaires Sociales (BAS)
- du Secrétariat Particulier (SP)
- du Secrétariat Administratif (SA) et le
Secrétariat Général (SG)
- du Bureau des Services Techniques (BST)
8.4.2- Infrastructures de la commune
En matière d'infrastructures, Adjarra compte :
sur le plan éducatif, cinquante (50) écoles
primaires, quatre (4) collèges d'enseignement général,
trois (3) écoles maternelles, vingt-sept (27) centres
d'alphabétisation, un centre universitaire et quelques complexes
scolaires privés.
Sur le plan d'infrastructure sanitaire on y décompte un
(1) centre de santé communautaire, quatre (4) complexes communaux de
santé, un (1) dispensaire isolé, un (1) dépôt
pharmaceutique.
Sur le plan culturel et sportif, la commune d'Adjarra dispose
d'un centre de lecture et d'une maison des jeunes.
Carte administrative de la commune d'Adjarra
QUATRIEME PARTIE
INFLUENCES DES REALITES SOCIOCULTURELLES ET
ECONOMIQUES SUR LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE
D'ADJARRA
CHAPITRE IX : IDENTITE SOCIALE DES BENEFICIAIRES DE
MICROCREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA
Les premiers résultats des enquêtes de terrain
sont ceux concernant l'identité sociale des groupes de femmes
étudiées dans la commune. Il s'agit surtout de leur statut dans
le ménage, du type de ménage auquel elles appartiennent et de la
taille de leur ménage.
9.1- Statut des femmes bénéficiaires dans
les ménages
Dans le groupe de la première catégorie de
bénéficiaires, les résultats ont
révélé que :
- 63% sont des chefs de ménage[29].
- 10% ne sont pas des chefs de ménage.
- 27% vivent dans des ménages mixtes[30].
Or, dans le groupe de la deuxième catégorie de
bénéficiaires, - 16% seulement des bénéficiaires
sont des chefs de ménage
- 27% ne le sont pas,
- 57% vivent dans des ménages mixtes.
Le statut de chef de ménage implique une grande
responsabilité financière dans la vie du ménage. Les
données ainsi recueillies montrent que la première
catégorie de bénéficiaires c'est-à-dire le grand
groupe des femmes en difficulté présente un fort pourcentage de
femmes chefs de ménage : (63%) contre (16%) pour la seconde
catégorie de femmes. Cette réalité montre à quel
point la charge familiale influence négativement l'activité
économique des bénéficiaires en difficulté qui
sont contraintes à engager presque la totalité
de leur revenu dans la survie du ménage puisque la plupart ont eu
à déclarer :« papa ne donne rien )> ; «
je ne peux pas toujours attendre papa pour que les enfants mangent
)> ; « papa est chauffeur et quant il part, il fait des jours avant
de revenir )>.
[29]Le chef de ménage désigne le conjoint qui
assure les principales dépenses du ménage
[30]les ménages mixtes sont des ménages dans
lesquels les principales dépenses sont assurées conjointement par
les deux époux
En effet, après la dot, la femme reçoit un fonds
de commerce - le « Adjokouè » - pour
conduire une activité économique à vie. Ce sont les
revenus de ce fonds qui servent à couvrir les dépenses du
ménage quelle que soit sa taille. C'est la
rentabilisation de ce fonds qui confère d'ailleurs à la femme
rurale de la localité son statut respectable de bonne épouse,
chef de ménage « yonnou houéssi
» mais pas chef de famille. La responsabilité d'une
bonne femme chef de ménage est de tout faire pour bien nourrir toute sa
famille et de prendre en charge la majeure partie des dépenses du
ménage. Face à cette lourde responsabilité la femme
rurale, déjà analphabète a du mal à se soustraire
à la logique de séparation du crédit des dépenses
du ménage. Il s'ensuit une comptabilité compliquée rendant
difficile le remboursement du crédit à bonne date, le
réinvestissement et la continuité efficace de l'activité.
La répartition de ces femmes suivant leur statut dans le ménage
se présente dans le graphique ci-dessous.
Graphique I : Répartition des
femmes selon leur statut dans le ménage
statut des bénéficiaires dans le
ménage( Groupe 1)
chef de ménage
pas chef de ménage
statut mixte
27%
63%
10%
Statut des bénéficiaires dans le
ménage (Groupe 2)
Chef de ménage
pas chef de ménage
statut mixte
16%
57%
27%
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
La comparaison de ces données recueillies permettent de
conclure que les femmes bénéficiaires qui évoluent
normalement vers la sortie de la pauvreté
extrême(deuxième catégorie de
bénéficiaires) sont celles qui n'ont pas une grande
responsabilité financière dans le ménage.
9.2- Type de ménage des femmes
En ce qui concerne le type de ménage dans lequel vivent
les femmes bénéficiaires de microcrédit à Adjarra,
les résultats ont montré que 70% des bénéficiaires
vivent dans un ménage polygamique contre 30% de ménage
monogamique dans la première catégorie de
bénéficiaires. Or, dans la deuxième catégorie, 80%
des bénéficiaires vivent dans un ménage monogamique contre
20% de ménages polygamiques comme l'illustre bien le graphique de
résultat suivant.
Graphique II : Types de ménage des
bénéficiaires
Type de ménage
des bénéficiaires (Groupe 1)
monogamie
Polygamie
70%
30%
Type de ménage
des bénéficiaires (Groupe 2)
Monogamie
Polygamie
20%
80%
Source : Données d'enquête de
terrain, septembre - octobre 2011
La grande remarque est que la polygamie domine le groupe des
femmes de la première catégorie. Est-ce une réponse
affirmative à une influence négative de la polygamie sur
l'activité économique de la femme rurale ? La plupart des femmes
ont déclaré « les enfants de ma coépouse sont
aussi mes enfants. Leurs problèmes sont mes problèmes ».
« Ici nous, nous vivons en famille et il n'y a pas de séparation
entre nous », « si papa n'a pas d'argent ou ma coépouse a
aussi des problèmes d'argent, je suis obligée de lui prêter
ou de lui donner si j'en ai » ; « personne ne connait l'avenir ; si
demain moi-même ou mes enfants se retrouvent en difficulté, c'est
d'abord mes voisins immédiats qui vont nous secourir ». Ceci
témoigne le sens élevé du don, de la solidarité
familiale des bénéficiaires dans leur milieu social de vie.
9.3- Taille des ménages des
bénéficiaires de microcrédits
L'autre réalité constatée aussi est que
la propension à la polygamie implique une taille élevée
des ménages qui abritent les femmes bénéficiaires de la
première catégorie. Dans cette catégorie de
bénéficiaires, 60% des femmes c'est-à-dire la
majorité, vivent dans un ménage dont les membres sont compris
entre 08 et 10 alors que 10% seulement des femmes de la deuxième
catégorie vivent dans des ménages de grande taille[31]
La conclusion que nous tirons après la comparaison de
ces données est que la polygamie implique une grande taille des
ménages. Ce qui augmente les charges financières des
ménages, amenuisant ainsi les revenus des femmes appartenant à
ces ménages. Puisque la plupart de ces femmes sont des chefs de
ménage, les revenus issus de leurs activités économiques
sont fortement absorbés par les charges de survie. Ce qui
hypothèque le réinvestissement rapide et le remboursement du
crédit à temps.
Tableau II : Répartition des
bénéficiaires selon la taille de leur ménage
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
Taille du ménage
|
Nombre de bénéficiaires
|
pourcentage (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
pourcentage (%)
|
02 - 03
|
12
|
13
|
10
|
33
|
04 - 07
|
18
|
20
|
17
|
57
|
08 - 10
|
54
|
60
|
03
|
10
|
Plus de 10
|
06
|
07
|
00
|
00
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
[31] La taile du ménage est
le nombre d'individus constituant un ménage ; voir les
détails dans le tableau N°6.
CHAPITRE X : PESANTEURS SOCIOCULTURELLES ET RENTABILITE
DES
ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A ADJARRA
Les pesanteurs socioculturelles identifiées au terme
des investigations et qui menacent fortement la stratégie de
microfinancement des activités génératrices de revenus des
femmes plus pauvres en tant que fait économique dans la commune sont
liées aux rites de la maternité, au veuvage et au système
de liens de parenté.
10. 1- Influences des rites de la maternité sur
l'activité des femmes
La première fonction qui est dévolue à la
femme dans la commune rurale d'Adjarra demeure encore la procréation. Le
véritable élément de valorisation du statut de la femme se
révèle être la maternité compte tenu de la valeur
économique et sociale que l'on accorde à l'enfant. La femme
rurale se fait valoir par la maternité dans la mesure où une
femme qui a mis au monde un enfant dispose d'un rang social plus
élevé qu'une jeune fille. Cette dernière se voit aussi
plus valorisée qu'une femme stérile.
En dehors des exigences médicales qui imposent un repos
à la femme après la maternité, la femme mère au
village est contrainte à des rites ou cérémonies
traditionnelles d'enfantement qui durent au moins trois à six mois. Ce
qui l'oblige à limiter ou à suspendre l'activité
économique durant toute la période. Le temps est parfois plus
élastique lorsque la femme donne naissance à des jumeaux. Ces
derniers sont considérés comme des dieux auxquels il faut
accorder le maximum de temps destiné aux rites et
cérémonies sacrés. Les cérémonies rituelles
liées à la maternité chez les femmes dans la commune se
sont ainsi révélées comme une pesanteur culturelle
importante dans le développement des activités
génératrices de revenus qu'elles entreprennent. Selon les
données recueilles, 80% des femmes de la première
catégorie de bénéficiaires du programme ont vu leurs
activités
ralenties par la maternité contre 10% seulement au niveau
du groupe témoin (voir le graphique ci-dessous).
Graphique III :
Répartition des bénéficiaires selon
l'influence des rites de la maternité sur leurs
activités
OUI NON
80%
Influences des rites liés à la
maternité sur les activités économiques Groupe
1
20%
OUI NON
Influences des rites liés à la
maternité sur les activités économiques Groupe
2
10%
90%
Source : données
d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011
Mais, le constat le plus préoccupant au niveau de ce
phénomène,
est la fréquence ou le taux élevé de
cette maternité chez les femmes dans la commune. Entre 2006 et 2011, 53%
des bénéficiaires de la première catégorie ont
connu une fréquence de trois maternités successives qui les ont
soustraites momentanément à leurs activités
économiques pendant au moins trois ou six mois selon le cas. Or chez les
femmes du groupe témoin de l'échantillon aucune des
bénéficiaires n'a connu trois maternités successives entre
2006 et 2011.
Graphique IV: Répartition
des bénéficiaires selon la fréquence de
maternité
entre 2006 et 2011
Fréquence de la maternité entre 2006
et 2O11 (Groupe 1)
10%
7%
30%
Zéro maternité Une
maternité Deux maternité
Trois maternité
53%
Fréquence de la maternité entre 2006
et 2011 (Groupe 2)
Zéro maternité Une
maternité
Deux maternité Trois
maternité
7% 7%
86%
Source : Données d'enquête
de terrain, septembre - octobre 2011
Cette réalité renforce d'ailleurs Fourn (1997) dans
ces travaux
lorsqu'elle disait qu' «en même temps que les
femmes évoluent dans les conditions socioéconomiques difficiles,
elles doivent parallèlement procéder à une
stratégie de maternité nombreuse »[32].
[32]FOURN E. (1997), La maternité, un
pouvoir ambigu pour les femmes, UNESCO-Bénin,
n°Spécial
10 .2 - Influence du veuvage sur l'activité des
femmes
Le veuvage est une réalité socioculturelle et
institutionnelle qui oblige également les femmes de la localité
à rester enfermées pendant douze mois subdivisés en trois
grandes périodes pour porter le deuil de leur défunt mari. Il y a
une première période de quarante et un(41) jours dont la fin est
marquée par des prières et des sacrifices là où les
cheveux, les ongles et les poils du défunt sont enterrés. Une
deuxième période qui court du 41e jour au cinquième mois
à la fin de laquelle la veuve est autorisée à se
séparer du pagne de veuvage. La dernière période consacre
les moments de visites pour boucler les douze mois de veuvage. Plus qu'une
obligation, le veuvage reste un devoir sacré qui combine des rituels de
séparation de l'âme du défunt avec celle de son
épouse. Pendant ce long moment de deuil sacré, toute
activité économique de la femme est totalement suspendue. 37% de
la grande masse des bénéficiaires de la première
catégorie de l'échantillon ont subi cette réalité
contre 100% des bénéficiaires de la deuxième
catégorie qui n'en ont pas connu. Le graphique ci-dessous illustre bien
cette réalité.
Graphique V : Répartition des
bénéficiaires selon l'influence du veuvage sur leurs
activités
influence du veuvage sur les AGR (Groupe
1)
37%
63%
OUI NON
Influence du veuvage sur les AGR (Groupe
2)
OUI NON
Source : Données d'enquête de
terrain, septembre - octobre 2011
10.3- Influence des liens de parenté sur
l'activité des femmes
Le lien de parenté s'est aussi
révélé comme une pesanteur structurelle du milieu social
pour le programme de microcrédits aux plus pauvres. En effet, la
population de la commune d'Adjarra vit dans un environnement social clanique
où le parent n'est pas forcement les géniteurs, les oncles, les
tantes, les nièces, les neveux, etc. La parenté articule des
fonctions intégratrices mais aussi discriminantes qui vont audelà
des proches parents ou de la famille. La filiation qui est une composante de la
parenté par exemple, peut définir l'appartenance à des
groupes sociaux pérennes qui s'étendent sur un réseau
généalogique qui va bien au-delà des parents proches qu'un
individu est amené à connaître ou à
fréquenter au cours de sa propre existence. À ce titre, un
lignage, un clan, voire une caste, sont des extensions
généralisantes du principe de filiation. Dans un tel
système social comme celui d'Adjarra l'esprit de parenté
influence fortement les relations entre les individus même s'ils n'ont
pas des liens familiaux directs. La parenté est une dimension de
l'existence humaine qui ne peut donc être séparée de la
faculté de produire et de communiquer des représentations portant
sur les liens qui la constituent. C'est ce qui justifie l'impuissance de la
plupart des femmes responsables de groupe solidaire et même de certains
chefs de village à accompagner les animateurs du programme dans le
recouvrement rapide et efficace des crédits sur le terrain. Ils
craignent ainsi de rentrer en conflit ouvert avec des parents. « Pour
éviter des problèmes j'ai eu à rembourser les
crédits de ma propre poche et je ne souhaite plus recommencer » ;
« pour préserver ma vie dans ce village, je ne veux même plus
prendre le devant de ce crédit de groupe » ; ont
déclaré la plupart des responsables de groupe solidaire sur le
processus de recouvrement des crédits. 48% des
bénéficiaires de la première catégorie ont vu leur
activité influencée directement ou indirectement par les liens de
la parenté contre 0% dans le groupe témoin.
Le graphique suivant présente le niveau de l'influence
de cette réalité sur le processus de microfinancement des
activités génératrices de revenus par le programme MCPP
dans la commune.
Graphique VI: Répartition
des bénéficiaires selon l'influence de la parenté
sur leurs activités par le non renouvellement de
crédit
48%
OUI NON
52%
Influences des liens de parenté sur
les activités économiques Groupe 1
Influences des liens de parenté sur
les activités économiques Groupe 2
100%
OUI NON
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
CHAPITRE XI: GROUPES SOLIDAIRES ET GESTION DES
ACTIVITES
GENERATRICES DE REVENUS
Les résultats liés aux groupes solidaires et
à la gestion des activités entreprises s'intéressent
surtout à l'expérience des femmes en matière
d'appartenance à un groupe solidaire d'activité
économique, au secteur de l'activité entreprise, à la
tenue régulière de la comptabilité et à la
fongibilité du crédit dans les dépenses du
ménage.
11.1- Expérience des femmes en gestion de groupe
solidaire
S'agissant de l'expérience antérieure des femmes
en matière d'appartenance à un groupe solidaire
d'activités économiques, 87% des bénéficiaires de
la première catégorie n'ont aucune expérience
antérieure. La majorité d'entre elles se sont retrouvées
occasionnellement pour constituer ces groupes parce que « c'est l'une
des conditions a remplir pour obtenir le crédit » ont-elles
déclaré. Cette mise en groupe forcée a engendré des
difficultés de coopération, de confiance et
d'honnêteté dans la notion de gestion solidaire de leur groupe
surtout par rapport à l'acheminement des fonds de remboursements.
Certaines responsables ont gardé sur elles des parts de remboursement de
crédit de leurs membres et ont bloqué par conséquent tout
le groupe dans le processus de renouvellement du crédit. La
conséquence immédiate est que l'activité est ralentie ou
suspendue au niveau de plusieurs autres femmes faute de nouveau financement
à temps.
Par contre dans la catégorie du groupe témoin,
54% des femmes interviewées ont déjà totalisé plus
de cinq années de vie en groupement coopératif villageois et se
connaissent mieux. Ces résultats révèlent donc que la
majeure partie des groupes solidaires se sont constitués avec le
démarrage du programme. Les femmes qui ne rencontrent pas de
difficulté dans la gestion solidaire de leur groupe d'activité
sont celles
qui ont déjà une expérience de cohabitation
et de coopération. Le tableau suivant présente des données
comparées de ce résultat.
Tableau III: Données
comparées de l'expérience des femmes en gestion de groupe
solidaire
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
Expérience en gestion solidaire de groupe
de crédit
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (/o)
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (/o)
|
Plus de 05 ans avant le programme
|
00
|
00
|
16
|
54
|
Moins de 05 ans avant le programme
|
12
|
13
|
10
|
33
|
Aucune expérience avant le
programme
|
78
|
87
|
04
|
13
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
11.2- Secteur d'activité des femmes
En ce qui concerne le secteur d'activité, les femmes
rencontrées dans la commune, qu'elles soient de la premières ou
de la deuxième catégorie s'investissent dans le petit commerce et
la petite restauration.
Le petit commerce est l'achat et la vente de biscuits, de
plastique, de mais, du haricot, du sel, des brindilles de natte, du lait, du
savon, du riz, etc. La plupart vont chercher ces produits au Nigéria ou
parfois à Cotonou et viennent les écouler dans leur village ou
dans les petits marchés de la localité.
La petite restauration est la vente du riz et du haricot cuits,
de akpan, du accassa, de la bouillie, etc.
Très peu d'entre elles s'investissent dans la
transformation c'est-àdire la production du gari ou de l'huile de
palme.
Aucune bénéficiaire n'est dans l'agriculture
à cause du faible montant du crédit et de la durée
considérable des récoltes qui ne peut s'accommoder avec les
échéances de remboursement[33]. Ces résultats montrent que
les femmes ne s'investissent que dans la gestion des produits de consommation
courante caractéristique d'une économie de subsistance. Les
statistiques concernant la répartition des femmes selon leur secteur
d'activité se résument dans le tableau ci-dessous.
Tableau IV: Répartition des
bénéficiaires selon les secteurs d'activités
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
Secteur d'activité
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
Agriculture
|
00
|
00
|
00
|
00
|
transformation
|
15
|
17
|
02
|
06
|
Petit commerce
|
39
|
43
|
18
|
60
|
Petite restauration
|
36
|
40
|
10
|
34
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
11.3- Tenue de la comptabilité des
activités
Par rapport à la tenue régulière de la
comptabilité, les résultats ont révélé que
83% des femmes de la première catégorie ne le font pas contre 90%
qui le font dans la catégorie du groupe témoin. Cette pratique
induit une fongibilité [34] du crédit dans les dépenses du
ménage et complique la gestion financière de l'activité
entreprise. 68% des bénéficiaires de la première
catégorie pratique la fongibilité du crédit contre 0% dans
la catégorie du groupe témoin. Le remboursement des
crédits devient par conséquent compliqué. Le non
remboursement du
[33] Le crédit est de
30.000 f à la première phase du programme et renouvelable une
fois. IL passe à 50.000 f à la deuxième et
troisième phase
[34]
La fongibiité du
crédit est le mélange du crédit avec les autres sources de
financement des dépenses du ménage
crédit à temps empêche le renouvellement
et bloque non seulement l'activité individuelle mais aussi celle des
autres membres du groupe selon les principes du crédit solidaire [35].
Les graphiques ci-dessous illustrent bien ces résultats obtenus.
Graphique VII: Répartition des
femmes selon la tenue régulière de la comptabilité de
leurs activités économiques
Tenue régulière de la
comptabilité de l'acitvité économique
Groupe 1
83%
17%
OUI NON
10%
OUI NON
90%
Tenue régulière de la
comptabilité de l'acitvité économique Groupe
2
Source : Données
d'enquête de terrain, septembre - octobre
2011
Graphique VIII: Répartition des
femmes selon la pratique de la fongibilité du crédit dans les
dépenses du ménage
Fongibilité du crédit dans
les dépenses du ménage Groupe 1
32%
68%
OUI NON
Fongibilité du crédit dans
les dépenses du ménage Groupe 2
100%
OUI NON
Source : Données
d'enquête de terrain, septembre - octobre
2011
[35]Les principes du
crédit solidaire stipulent que même si un membre du groupe a des
impayés c'est tout le groupe qui est considéré comme
débiteur et ne pourra renouveler crédit qu'après
remboursement du montant total prêté à tout le
groupe
CHAPITRE XII : CREDIT ET GESTION DES REMBOURSEMENTS
Il s'agit précisément ici du respect des
délais de remboursement, des pressions de remboursement, des sources de
remboursement.
12.1- Respect des délais de remboursement des
crédits
Après l'octroi de crédit les
bénéficiaires se confrontent au respect des délais de
remboursement et les résultats ont révélé que 79%
des femmes de la première catégorie n'arrivent pas à
respecter ces délais contre 0% des femmes du groupe témoin de la
deuxième catégorie. Cet état de fait s'explique par des
difficultés induites par la fongibilité du crédit dans les
dépenses du ménage et aussi par le jeu d'acteur de certaines
femmes du groupe solidaire évoqués dans les résultats
précédents. « il arrive que nous remettions nos sous au
responsable du groupe mais qui ne rendent pas compte aux animateurs des IMF
à temps » ont déclaré certaines femmes. Les
données comparées de la proportion des deux groupes de
bénéficiaires par rapport au respect ou non des délais de
remboursement des crédits se présentent à travers le
graphique suivant.
Graphique IX : Respect des délais
de remboursement du crédit
OUI NON
OUI NON
Respect des délais de remboursement du
crédit Groupe 1
21%
79%
Respect des délais de remboursement du
crédit Groupe 2
Source : Données d'enquête de
terrain, septembre - octobre 2011
12.2- Les pressions de remboursement de
crédit
Le non respect des délais de remboursement des
crédits donne lieu à des pressions sur les femmes
défaillantes. Ces pressions proviennent non seulement du groupe
solidaire d'appartenance, de la communauté mais aussi des IMF
responsables des crédits dans la localité. C'est une pression
sociale et psychologique qui prend d'ampleur graduellement. La pression
communautaire est la plus forte en ce sens qu'elle devient populaire en
impliquant les autorités cultuelles(Zangbéto)[36],
traditionnelles et politiques locales.
Les pressions cultuelles des Zangbéto se manifestent
par des menaces de publication nocturne du nom des débiteurs sur les
sanctuaires et à travers le village sous l'instigation des animateurs
locaux du programme en collaboration avec certains chefs de village. C'est la
pression ultime parce qu'elle constitue une sorte de malédiction pour
les mis en cause et engendre parfois des conflits entre les groupements et les
familles. La répartition des bénéficiaires de la
première catégorie de femmes ayant subi ces différentes
formes de pression se présente dans le tableau ci-dessous.
Tableau V : Répartition des
bénéficiaires ayant subi des pressions
de remboursement
Sources de pression
|
Nombre de bénéficiaires
|
Pourcentage (%)
|
IMF
|
41
|
45
|
Groupe solidaire
|
26
|
29
|
Communauté
|
23
|
26
|
Total
|
90
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
[36] Les Zangbéto sont des sociétés
secrètes chargées de sauvegarder les valeurs éthiques et
traditionnelles
12.3 - Sources de remboursement des crédits
Les résultats ont aussi révélé que
les crédits ne sont pas remboursés uniquement à partir des
revenus nets des activités entreprises. 82% des femmes du premier groupe
ont déclaré avoir recouru à plusieurs autres sources pour
pouvoir rembourser les crédits contre 10% seulement au niveau du groupe
témoin dont les 90% ont régulièrement remboursé les
crédits à partir des revenus de leurs activités. Les
autres sources de remboursement révélées par ces femmes au
cours des enquêtes de terrain sont pour la plupart d'autres
crédits auprès des tontiniers, des amies, des coépouses ou
le mari. (( Nous essayons de jongler à gauche et à droite
pour pouvoir payer les dettes. L'essentiel c'est que nous puissions faire
quelque chose afin de trouver à manger avec nos enfants » ; (( si
tu ne te débrouilles par pour payer l'argent de l'Etat, il semble que
les gendarmes viendront nous arrêter après les mauvais sors que
les Zangbéto peuvent nous jeter » ; (( c'est pour cela que nous
courrons partout pour pouvoir rembourser l'argent de baba boni[37]
» ; (( les crédits nous ont aidé mais si c'est comme
cela on doit rembourser c'est pas la peine » ; (( nous
préférons nous débrouiller nous même » ont
déclaré plusieurs de ces femmes. Graphique X :
Répartition des femmes selon les sources de remboursement du
crédit
Sources de remboursement
des crédits(Groupe 1)
Activités entreprises
Autres sources
18%
82%
Sources de remboursement des credits( Groupe
2)
10%
Activités entreprises
Autres sources
90%
Source : Données
d'enquête de terrain, septembre - octobre
2011
[37] Elles parlent du Président Boni YAYI en disant `'
baba boni»
La tontine ou la microfinance informelle s'est
révélée comme la principale source de recours pour le
payement des crédits du programme de microcrédits aux plus
pauvres. Elle est pratiquée à 100% par les femmes du groupe
témoin et à 26% par le groupe cible de recherche comme le montre
le tableau VI.
Tableau VI : Répartition des
bénéficiaires selon la pratique de la tontine
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
pratique de tontine
|
Nombre de bénéficiaires
|
fréquence (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
fréquence (%)
|
Oui
|
23
|
26
|
30
|
100
|
Non
|
67
|
74
|
00
|
00
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
CHAPITRE XIII : SENS ET SIGNIFICATION DES MCPP
POUR
LES BENEFICIAIRES
Les résultats de la perception de l'approche du
programme de micro crédits aux plus pauvres par les
bénéficiaires de la commune sont relatifs au montant du
crédit, aux délais et procédures de remboursement et
à la nature du programme.
13.1- Montant des crédits
Le montant du crédit qui s'élève à
30.000f renouvelable une seule fois pour la première phase et 50.000f
pour la deuxième phase parait insuffisant surtout pour les
bénéficiaires de la deuxième catégorie. 67% d'elles
ont estimé qu'il faut augmenter le montant du crédit initial
jusqu'à 200.000f au moins. La principale raison évoquée
est que le montant accordé ne permet pas d'entreprendre une
activité économique rentable et durable. Or pour les
bénéficiaires de la première catégorie en
difficulté, les résultats montrent que seulement 13% ont
estimé que le montant est insuffisant. 40% l'ont trouvé
acceptable et 37% l'ont trouvé suffisant comme crédit. «
Il y a souvent la mévente et si le montant est trop
élevé comment aions nous rembourser ? Mais l'Etat aussi n'a
qu'à voir comment nous aider davantage » ; « les
activités ne marchent pas » ; « l'Etat devrait même nous
donnés ses fonds » ont déclaré la plupart de ces
femmes au sujet de cet aspect du programme. Ces différents
résultats relatifs au montant du crédit sont
résumés dans le tableau VII.
.
Tableau VII:
Répartition des bénéficiaires selon leur opinion du
montant du crédit
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
Montant du crédit
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
suffisant
|
37
|
41
|
04
|
13
|
acceptable
|
40
|
45
|
06
|
20
|
insuffisant
|
13
|
14
|
20
|
67
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
13.2- Délais et Procédures de
remboursement des crédits
En ce qui concerne les délais et procédures de
remboursement la plupart des bénéficiaires ont
suggéré que les échéances de remboursement soient
prolongées en passant d'une semaine à un mois en
général. Le délai d'une semaine constitue une grande
pression psychologique de micro-dette pour ces femmes dans la mesure où
la plupart n'ont pas encore une expérience avérée de la
pratique de tontine avec les banquiers ambulants. Ces derniers n'acceptent
souvent pas des retraits sur dépôt avant un mois. 68% des
bénéficiaires de la première catégorie et 60% du
groupe témoin ont exprimé leur désir de voir ces
délais prolonger.
Pour ce qui est de la procédure de mise en place et de
remboursement des crédits, elle parait compliquée et trop
modernisée pour 60% des femmes de la première catégorie
contrairement à 87% des femmes du groupe témoin qui la trouve
acceptable comme l'illustre le tableau VIII.
Tableau VIII : Répartition des
bénéficiaires selon leur opinion sur
les échéances de remboursement du crédit et la
procédure de mise en place et de recouvrement
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
échéances de remboursement
du crédit
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
acceptable
|
29
|
32
|
12
|
40
|
A prolonger
|
61
|
68
|
18
|
60
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
procédure de mise en place et
de recouvrement des crédits
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
Nombre de bénéficiaires
|
Fréquence (%)
|
compliquée
|
54
|
60
|
04
|
13
|
acceptable
|
36
|
40
|
26
|
87
|
Total
|
90
|
100
|
30
|
100
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
13.3 - Nature du programme MCPP selon les
bénéficiaires
Sur la question de la nature du programme, les
résultats ont montré que dans la première catégorie
des femmes de l'échantillon d'étude, 66% estime que le programme
de microcrédits aux plus pauvres est un programme
politico-électoraliste sur la base des déclarations de certains
leaders politiques. « Les microcrédits ont une finalité
électoraliste. C'est l'argent de la politique, même si vous ne
remboursez pas ; personne ne vous arrêtera. C'est votre argent
». ont rapporté plusieurs femmes. Dans ce cas, les
crédits peuvent être considérés comme des dons
provenant de la générosité des politiciens pour se
maintenir au pouvoir. Or dans la deuxième catégorie, celle des
femmes du groupe témoin, 80% des bénéficiaires ont reconnu
l'utilité socioéconomique du programme. Cet état de fait
explique l'influence du
politique dans la gestion efficace du programme dans la
localité reconnue comme région de l'opposition au pouvoir en
place. Le tableau ci-dessous illustre la répartition des
bénéficiaires selon leur opinion sur la nature du programme.
Tableau IX: Répartition des
bénéficiaires selon leur opinion sur la nature
du programme.
|
Première catégorie
de bénéficiaires
|
Deuxième catégorie
de bénéficiaires
|
Nature du programme
|
Nombre de
|
fréquence
|
Nombre de
|
fréquence
|
9
|
bénéficiaires
|
(%)
|
bénéficiaires
|
(%)
|
99999999e 19
|
99
|
99
|
99
|
99
|
99999)999999t 199939
|
|
|
|
|
9999999)9e
|
|
|
|
|
99999999e 19
|
99
|
99
|
99
|
99
|
99999)999999t
|
|
|
|
|
99939399999999999li19e
|
|
|
|
|
Total
|
99
|
999
|
99
|
999
|
|
Source : enquête de terrain, septembre
- octobre 2011
CHAPITRE XIV : ANALYSE DES RESULTATS
Le but de la recherche est de répondre à la
question de départ que tout chercheur se pose en ayant soin de se fixer
des hypothèses explicatives avant de procéder à
l'observation. L'analyse des résultats issus de cette observation
constitue l'étape fondamentale qui permet de vérifier d'une part,
la validité de ou des hypothèses et d'interpréter d'autre
part, les écarts entre les faits attendus et les réalités
observées. Cette analyse conduit donc le chercheur à tirer les
conclusions nécessaires et à proposer de nouvelles pistes de
réflexions pour des recherches ultérieures.
14.1- Rappel des hypothèses et objectifs de
recherche
La question de départ qui sous-tend la présente
recherche a été de savoir pourquoi la pauvreté
monétaire s'accroit en milieu rural béninois et en l'occurrence
dans la commune d'Adjarra malgré les efforts consentis par l'Etat
à travers la stratégie de microfinancement des activités
génératrices de revenus. Entre 2006 et 2010 les résultats
affichés par la mise en oeuvre du programme de microcrédits aux
plus pauvres dans la commune montrent que 97,5% des bénéficiaires
n'ont pas pu amorcer la phase d'autonomisation financière réelle
et de sortie de l'extrême pauvreté selon les objectifs et
principes directeurs du programme.
Nous avons émis deux hypothèses explicatives.
Selon la première, Les réalités socioculturelles
liées à la femme représentent des freins majeurs au
développement des activités économiques des
bénéficiaires du programme de microcrédits aux plus
pauvres dans la commune rurale d'Adjarra. En d'autres termes les
activités économiques des femmes bénéficiaires de
microcrédits de la commune d'Adjarra sont « prises aux filets
» par des réalités socioculturelles et anthropologiques
relatives à la maternité, au veuvage et au statut social de la
femme rurale. La deuxième hypothèse se rapporte à
l'approche d'économie de
marché du programme de microcrédits aux plus
pauvres qui s'est révélée incompatible au contexte
d'économie de subsistance de la société paysanne et
traditionnelle de la commune rurale d'Adjarra.
Les objectifs spécifiques de la recherche se sont
articulés autour de l'identification des réalités
socioculturelles et anthropologues qui pèsent sur les activités
économiques des femmes de la commune et de l'analyse de l'approche
innovante du programme de microcrédits aux plus pauvres dans
l'environnement paysans de la commune rurale d'Adjarra à partir du
vécu des bénéficiaires.
14.2- Synthèse des résultats
Les conclusions de la recherche montrent que la croissance de
la pauvreté monétaire au niveau des femmes rurales de la commune
d'Adjarra malgré les efforts de microfinancement des activités
génératrices de revenus est due à deux grandes
réalités. En amont, la stratégie de portage par phases du
programme de microcrédits aux plus pauvres s'inscrit dans une logique
d'économie de marché. Ce qui ne répond pas aux attentes
réelles et aux rationalités de la grande masse des
bénéficiaires qui sont moulées dans un système
social d'économie de subsistance. En aval, la rentabilité et la
continuité des activités économiques entreprises se
trouvent engluées dans des réalités socioculturelles et
anthropologiques auxquelles la femme rurale ne peut se soustraire facilement.
Le succès économique efficace du programme de microcrédits
aux plus pauvres dans sa conception actuelle dans les milieux ruraux en
général et dans la commune rurale d'Adjarra nécessite par
conséquent un temps assez considérable de transformation et de
changement du milieu social ; c'est-à-dire du contexte socioculturel et
anthropologique que constitue le milieu rural.
En effet, les réalités socioculturelles et
anthropologiques identifiées dans la commune et qui influencent
fortement les activités économiques des femmes sont
principalement les obligations rituelles liées à la
maternité nombreuse des femmes et au veuvage.
Ces obligations institutionnelles sont principalement des rites de passage
comme le baptême traditionnel, la détermination de l'ancêtre
incarné dans le nouveau-né, les signes du fâ sous lesquels
l'enfant est né et les différentes cérémonies de
deuil inhérentes au veuvage.
Le lien structurel de parenté, la polygamie et le
statut de chef de ménage porté par la majorité des femmes
du milieu (traits caractéristiques de la société
traditionnelle d'Adjarra) qui modulent le comportement de la femme rurale se
sont également révélés comme des freins qui
hypothèquent la rentabilité des activités en termes de
croissance économique des revenus.
14.3-Analyse des résultats
La socio-anthropologie du changement social ou du
développement socio-économique étant une discipline
transversale incluant à la fois l'anthropologie politique, la sociologie
des organisations, l'anthropologie économique, la sociologie des
réseaux, l'anthropologie des représentations et systèmes
de sens, toutes ces réalités identifiées et qui ont pris
au filet les activités économiques des femmes dans la commune
d'Adjarra sont analysées ici sous ces différents aspects.
Autrement dit, l'enjeu est la lutte contre la pauvreté
dans un environnement social rural caractérisé par des
rationalités socioculturelles spécifiques. Cette lutte contre la
pauvreté s'inscrit dans une dynamique qui implique des acteurs qui
s'interagissent à travers des organisations. Le système
d'interactions organisées de tous ces acteurs conduit au résultat
de réduction ou non de la pauvreté. C'est ce que Crozier et
Friedberg appellent en analyse stratégique des organisations «
système d'action concret » [38]. Les organisations
impliquées dans la
[38] Crozier M. & Friedberg E. , (1977), l'acteur et le
système, le seul, Paris
stratégie de microfinancement des activités
génératrices de revenus dans la perspective de réduction
de la pauvreté dans la commune sont de deux types. Il s'agit des
organisations formelles et des organisations informelles. [39]
Les organisations formelles en jeu sont l'Etat
(ministère de la microfinance, de l'emploi des jeunes et des femmes, le
fond national de microfinance, la mairie d'Adjarra à travers ses
arrondissements), les partenaires stratégiques du FNM
(Coopérative chrétienne d'épargne et de crédit -
CCEC, l'Association des marchés du Bénin - ASMAB) et les
groupements solidaires constitués dans les villages par le programme de
microcrédits aux plus pauvres.
Les organisations informelles en jeu sont les ménages,
les familles, les clans, l'organisation du pouvoir traditionnel
représenté ici par la société secrète des
Zangbéto[40]
Ici, le système d'action concret qu'est le
résultat de réduction de la pauvreté à travers la
microfinance est la convergence des stratégies des acteurs et des
groupes qui animent ces différentes organisations formelles et
informelles avec des marges de manoeuvre et des sources de pouvoir
différentes.
Les acteurs des organisations formelles impliquées dans
la lutte contre la pauvreté dans la commune tirent leurs
stratégies d'actions, de pouvoir et de marge de manoeuvre du
système de l'environnement de l'économie politique ou de
l'économie de marché. Cette source d'action de
développement module des comportements et des pratiques qui visent
l'accroissement de revenus et la réalisation de profit à travers
les activités entreprises par les femmes plus pauvres. Cela se traduit
clairement dans les objectifs même du programme de microcrédits
aux plus pauvres que sont entre autres :
[39] Les organisations formelles sont régies par de
lois et des règles écrites or les organisations informelles sont
régies par des lois et règles non écrites mais
sociologiques et anthropologiques
[40]
Les Zangbéto sont des revenants organisés en
société secrète et chargés de faire respecter la
tradition
- La création au niveau des
populations cibles, des sources plus ou moins régulières
de revenus ainsi que l'accroissement de ces
revenus,
- La promotion de la culture de l'entrepreneuriat à
leur niveau en vu d'obtenir l'accroissement de leurs capacités
techniques et organisationnelles ; ce qui les prépare mieux
à la conquête du marché.
Les acteurs des organisations informelles par contre tirent
leurs stratégies, pouvoir et marges de manoeuvre de l'environnement de
l'économie de subsistance qui ne vise pas toujours le profit et qui est
aussi fortement influencée par des réalités
socioculturelles et anthropologiques identifiées au terme des
études de terrain. La force de coercition extérieure de ces
réalités détermine le comportement des
bénéficiaires de microcrédits et d'autres acteurs de ces
organisations informelles impliquées dans le programme au niveau de la
commune. « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine
leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine
leur conscience » disait Karl Marx[41] dans sa vision holistique de
la réalité sociale.
En d'autres termes les femmes bénéficiaires du
programme de microcrédits dans la commune d'Adjarra ont bien conscience
de vouloir sortir de l'extrême pauvreté. Mais les exigences des
réalités de leur milieu social ne leur permettent pas d'avoir des
comportements et des stratégies d'action efficace pour la
réalisation rapide du gain et du profit. Pour que la
microfinance puisse avoir des résultats rapides et considérables
en matière de réduction de la pauvreté dans ces
conditions, il faille d'abord opérer une transformation profonde du
système socioculturel et anthropologique de la commune.
Or, les réalités socio-anthropologiques
identifiées qui pèsent sur les activités
génératrices de revenus des femmes bénéficiaires
ont des
[41]Karl Marx,(1859), Critique de
l'économie politique ; p 59
fonctions importantes dans le système socioculturel de la
commune. Malinowski dans son approche fonctionnaliste disait déjà
que « dans tous les types de civilisation, chaque coutume, chaque
objet matériel, chaque idée et chaque croyance remplit une
fonction vitale, a une tâche à accomplir, représente une
partie indispensable d'une totalité organique »[42]. Par
exemple parmi les rites coutumiers liés à la maternité, il
y a les cérémonies de détermination de l'ancêtre
incarné dans le nouveau-né(le Djoto) et les signes du
fâ[43] sous lesquels l'enfant est venu au monde. Si ce sont des jumeaux,
les cérémonies sont encore plus intenses et soustraient la
nouvelle mère à toute activité économique pour une
période assez considérable. Dans ces conditions, la femme n'a pas
le choix entre la vie de son enfant qui lui est très cher et
l'activité économique. Le veuvage quant à lui comporte
aussi des rituelles de séparation de l'âme du défunt mari
d'avec celle de l'épouse en vie. Le non respect de ces pratiques
engendrerait aussi la mort prématurée de l'épouse qui
serait rappelée par son défunt mari conformément à
la loi spirituelle du mariage contracté par les deux conjoints avant le
décès du mari. On retrouve donc à ce niveau de
considération des choses, une anthropologie des représentations
et des systèmes de sens très fort que les
bénéficiaires accordent à leurs réalités
face aux activités économiques.
Le lien de parenté dans une perspective de sociologie
des réseaux constitue une institution anthropologique spécifique
aux sociétés africaines traditionnelles. Il est reconnu en tant
que tel par les acteurs du pouvoir politique traditionnel qui en sont les
gardiens. Les stratégies de développement et de changement social
qui tentent de briser ces types de lien sociaux de l'extérieur ne
connaissent pas toujours de succès. Le système social des milieux
ruraux ne sont pas compatible avec le
[42] Malinowski,( 1884 - 1942) est un
anthropologue, ethnologue et sociologue anglais d'origine polonaise
[43]
Les signes du fâ sont des déterminants
de la géomancie qui gouvernent le destin de l'enfant
système économique capitaliste formel. Les
réalités et les rationalités ne sont pas les
mêmes.
Or, au regard des résultats issus de la présente
recherche, le programme de microcrédits aux plus pauvres est
conçu et mis en oeuvre sur fond de rationalité de
l'économie politique assorti d'une vision de croissance de revenus par
la maximisation du gain, mais qui rencontre un système d'économie
de subsistance dans les milieux ruraux béninois en l'occurrence dans la
commune rurale d'Adjarra. Le constat des limites de cette approche de politique
de développement socio-économique à la base face à
la croissance paradoxale de la pauvreté monétaire s'expliquent
donc par la rencontre sur le terrain de deux systèmes
socioéconomiques aux rationalités et réalités
presque dichotomiques qui annihilent les efforts de développement
déployés. Il s'agit des réalités et
rationalités de l'économie politique formelle
capitaliste portées par le programme de
développement MCPP et les réalités et rationalités
de l'économique de subsistance portées
par les bénéficiaires dans les zones rurales et paysannes comme
la commune d'Adjarra.
En d'autres termes la compréhension des limites ou des
difficultés que rencontre la microfinance dans les milieux ruraux du
Bénin et spécifiquement dans la commune rurale d'Adjarra
s'inscrit parfaitement dans le modèle d'analyse holistique d' «
embeddedness » de Karl Polanyi. Le fait économique que
constitue la microfinance dans sa vision actuelle est pris au filet par des
réalités socioculturelles et anthropologiques des zones rurales
du pays. Le succès véritable de cette stratégie en guise
de politique de réduction de la pauvreté rurale nécessite
la compréhension et la mise en adéquation de ces
réalités socio-anthropologiques avec les approches de
développement dans une perspective d'économie substantive qui
dépasse l'économie politique formelle.
14.4- Limites de la recherche et perspectives pour la
thèse
Le présent travail de recherche sur «
la microfinance dans la problématique de réduction de la
pauvreté rurale au bénin : Expériences du programme de
Micro Crédits aux Plus Pauvres(MCPP) dans la commune rurale d'Adjarra
» a eu le mérite d'identifier des pesanteurs
institutionnelles, culturelles, structurelles et économiques qui
limitent les efforts de la microfinance dans le milieu rural de la commune
d'Adjarra en tant qu'outil de réduction de la pauvreté.
Cependant, face à ces difficultés que rencontre la
stratégie actuelle de microfinance dont les exigences économiques
sont encore incompatibles avec les réalités des
sociétés traditionnelles, quels sont les savoirs endogènes
qui pourront être utiles au financement des activités des pauvres
dans les milieux ruraux du pays ? Faute de temps et de ressources
financières, la présente étude n'a pas pu aborder ces
pistes et bien d'autres considérations liées à la
question. C'est pour cela que nous avons estimé que ces nouvelles
dimensions de la question pourront être abordées dans des travaux
de recherche ultérieur. Ces travaux pourraient rentrer dans le cadre de
la préparation de la thèse de doctorat. Dans cette perspective le
sujet pourra prendre l'orientation suivante : « Microfinance
et dynamisme des pratiques financières endogènes de lutte contre
la pauvreté rurale au sud-Est du Bénin : essai empirique pour une
anthropologie de la microfinance ».
Il s'agira en termes d'objectifs spécifiques
D'identifier les forces et les faiblisses de la microfinance
formelle dans le processus de réduction de la pauvreté en milieu
rural béninois ;
D'identifier les atouts et les contraintes de la microfinance
informelle traditionnelle pour le développement des activités
économiques en milieu rural béninois ;
De comparer les deux approches moderne et traditionnelle de
financement de l'activité économique des femmes pauvres en milieu
rural,
De faire une synthèse systématique des pratiques
endogènes efficace de financement des activités
économiques des femmes rurales dans le sud -Est Bénin
CONCLUSION
La microfinance constitue aujourd'hui un instrument non moins
négligeable dans la démarche de réduction de la
pauvreté dans les pays en développement. En fonction de ses
performances dans d'autres pays, il a été question ici de savoir
pourquoi au Bénin et particulièrement dans les zones rurales
comme la commune d'Adjarra, les résultats de la microfinance sont encore
peu significatifs face à la croissance de la pauvreté
monétaire en dépit des efforts manifeste d'accessibilité
aux crédits déployés par le Gouvernement depuis 2006. Se
fondant sur la théorie de « l'embeddedness » de Polanyi,
c'est-à-dire du fait économique « prise au filet » par
des réalités socioculturelles et anthropologiques, deux
hypothèses explicatives ont été émises et se sont
révélées vérifiées aux termes des
investigations et des analyses. D'une part, il s'est agit du fait que certaines
réalités socioculturelles et anthropologiques liées
à la maternité (baptême traditionnel,
détermination de l'ancêtre incarné dans le
nouveau-né, ses signes du fâ...), et au veuvage (long
rituel de deuil et de séparation de l'âme du défunt avec
son épouse) constituent des freins au développement des
activités économiques entreprises par les femmes
bénéficiaires de microcrédits dans la commune d'Adjarra.
D'autre part, il a été aussi vérifié que l'approche
d'économie de marché associé à la
solidaritégroupe adoptée par le programme de microcrédits
aux plus pauvres est encore incompatible au système de
société paysanne et traditionnelle de la commune rurale
d'Adjarra. Ce système socio-économique est fortement
dominé par des pratiques de l'économie de subsistance entretenu
par des liens évidents de la parenté, la polygamie et des
exigences de statut de chef de ménage porté par la
majorité des bénéficiaires. Ce qui maintient la
majorité des bénéficiaires dans un cycle permanent
d'endettement et d'appauvrissement continu. Ces réalités
endogènes et traditionnelles constituent des limites au
développement des « capabilités » des
femmes rurales en termes de leur insertion dans un système
d'économie de marché. La principale connaissance théorique
à laquelle le présent travail de recherche a conduit est que la
pauvreté monétaire galopante en milieu rural béninois est
due à la rencontre hétérogène des dynamiques
rationnelles du système économique marchand avec les
rationalités du système d'économie de subsistance dans les
zones rurales dominées par des réalités
socio-anthropologiques locales. En termes de perspectives pratiques
découlant de cette étude, on peut retenir la recherche de
l'harmonisation continue des stratégies de réduction de la
pauvreté avec les réalités endogènes et les
attentes des populations dans les programmes et projets de
développement. La présente analyse des limites de la microfinance
face à la pauvreté est un champ de recherche difficile mais qui
pourra permettre l'amélioration des pratiques interventionnistes et
contribuer à modérer les positions excessives de certains
décideurs. Certes, la microfinance est capable de réduire la
pauvreté, tout en faisant preuve de rentabilité. Mais comment
aboutir à la croissance de richesse dans des sociétés
africaines majoritairement non capitalistes avec des méthodes et
processus de l'économie formaliste fondée sur la
monétarisation excessive de l'échange et du profit ? Face
à une forte tendance à la mondialisation de l'économie
aujourd'hui, il est évident que la microfinance peut conduire au
meilleur comme au pire. L'essentiel c'est de pouvoir identifier quelles
stratégies mènent à tel ou tel scénario surtout
dans les sociétés africaines en développement car, comme
le souligne le paysan sénégalais Mamadou
Cissokho « pour que le développement soit local, il
faut que la force du développement soit locale. Le système actuel
donateurs-récepteurs n'est pas éternel. Pour que nous soyons
indépendants, il nous faut un moyen puissant de financement,
d'organisation et de gestion rigoureuse»[44].
[44]Fernand V.,(1987), Manuel de gestion
pratique des associations de développement rural du tiers monde.
Tome II, l'Harmattan, Paris
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20H, 10 Janvier, 2012
ANNEXES
OUTIL N°1 : GRILLE DE LECTURE
I - TITRE DE L'OUVRAGE, DU RAPPORT OU DE L'ARTICLE
II- NATURE DE L'OUVRAGE
III- NOM ET PRENOM DU OU DES AUTEURS
IV- ANNEE DE PUBLICATION OU D'EDITION
V- NOMBRE DE PAGES DE L'OUVRAGE
VI- RESUME DE L'OUVRAGE
VII- LES PRINCIPALES IDEES ET CITATIONS
VIII- LE CENTRE DE DOCUMENTATION
IX- LES COORDONNEES DU SITE INTERNET
I-
OUTIL N°2 : GUIDE D'OBSERVATION
LES GROUPEMENTS SOLIDAIRES Nombre de membres
Types de femmes
Catégories de bénéficiaires
Cohésion du groupe
Lien de parenté
II- LES ACTIVITES GEGERATRICES DE REVENUS Nature de
l'activité
Types de produits
Circuit d'approvisionnement et de vente
III- LES FEMMES DANS LES MENAGES Types de ménage
Taille des ménages
L'environnement du ménage
Les enfants
Le mari
Les occupations quotidiennes
IV- LES RITES SOCIOCULTURELS ET ANTHROPOLOGIQUES PARTICULIERS
Nature des rites
Durée des rites
Le contenu cultuel
Relation du rite avec l'activité économique
OUTIL N°3 : GUIDE D'INTERVIEW
I- IDENTITE DU BENEFICIAIRE
1- Nom et prénom :
2- Village :
3- Arrondissement
4- Situation matrimonial : marié
|
5-
|
6-
|
|
|
non marié
|
|
|
5- Taille du ménage
6- Type de ménage : monogamique polygamique
7-
Statut dans le ménage : chef de ménage pas
chef de ménage
[
8- Activité entreprise :
9- Secteur d'activité : agriculture commerce
[
autre
10- Source de financement : MPCPP
MPCPP+autres
12- Nombre de crédit obtenu
14- Date du premier crédit MCPP :
15- Revenu moyen : journalier Hebdomadaire
II - LA GESTION DES ACTIVITES GENERATRICES DE
REVENUS ET LE MODE DE CONSTITUTION DES GROUPES SOLIDAIRES
transformation
Mensuel
13 -Marge bénéficiaire : journalière
Hebdomadaire Mensuelle
14-Dépense moyenne par jour dans le ménage
Avant les crédits Apres les crédits 15-
Maitrise des pratiques commerciales ou de production liées à
une Meilleure rentabilité : très faible faible
bonne
très bonne
16- Diversification des activités économiques :
pas du tout peu
[
|
|
très peu
|
[ considérable
|
|
|
|
|
très considérable
14-
capacité à surmonter les difficultés de
trésorerie : très faible
faible bonne très bonne
15- augmentation des actifs de l'entreprise :
pas du tout peu
[
|
|
très peu
|
|
considérable
|
|
très
|
|
|
|
|
|
considérable
16- Le groupe solidaire :
Mode de constitution
Difficultés .
Expérience
.
III- LE SERVICE D'OFFRE DE CREDIT ET LA GESTION DU
REMBOURSEMENT
16- Système d'accès aux crédits du MCPP
Facile
|
|
difficile
|
[ compliqué
|
|
|
|
|
17-Système de recouvrement
Très souple souple
[
|
|
très rigoureux
|
|
rigoureux
|
|
recours à
|
|
|
|
|
|
|
d'autres sources
18 - remboursement du crédit : difficile facile recours
à d'autres
sources
LES PESANTEURS SOCIOCULTURELLES 19- la
maternité et ses rites
20- Le veuvage et ses rites
21- le système de parenté
22- autres réalités
IV- Sens et signification des MCPP pour les
bénéficiaires
23- le montant des crédits
Très insuffisant insuffisant acceptable
élevé
trop élevé
24- Nature du programme
Programme de développement socio-économique
Programme de développement politico-électoraliste
Table des matières
SOMMAIRE
|
Pages
2
|
REMERCIEMENTS
|
.....4
|
SIGLES ET ACRONYMES
|
..5
|
LISTE DES TABLEAUX
|
7
|
LISTE DES GRAPHIQUES
|
7
|
RESUME
|
9
|
INTRODUCTION
|
11
|
PREMIERE PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA
PAUVRETE....................................
|
14
|
CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
|
..15
|
1.1- Le microcrédit entre pauvreté et
production de richesse
|
15
|
1.2- Les hypothèses de recherche
|
.18
|
1.3- Les objectifs de la recherche
|
.18
|
1.4- Justification du choix du sujet et du champ
d'étude
|
..19
|
CHAPITRE II : CHAMP SCIENTIFIQUE ET FONDEMENT
THEORIQUE
|
|
DE LA RECHERCHE
|
.20
|
2.1- Champ scientifique de la recherche
|
21
|
2.2- Fondements théoriques de la recherche
|
21
|
CHAPITRE III : CLARIFICATION CONCEPTUELLE
|
.26
|
3.1- La pauvreté
|
26
|
3.2- La Microfinance
|
29
|
3.3- L'économie de marché et
l'économie de subsistance
|
30
|
3.4- La société traditionnelle et rurale
|
31
|
CHAPITRE IV : HISTORIQUE DE LA MICROFINANCE ET DES
POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE 32
4.1- Historique de la microfinance en Afrique .
.32
4.2- Historique des politiques de lutte contre la
pauvreté dans le monde
et au Bénin 33
DEUXIEME PARTIE : REVUE DE LITTERATURE ET
DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE
RECHERCHE............................................................................................
|
...38
|
CHAPITRE V : ETAT DE LA PAUVRETE ET DE LA MICROFINANCE
|
39
|
5.1 - La pauvreté au Bénin
|
..39
|
5.2- La microfinance au Bénin et dans le monde
|
45
|
CHAPITRE VI : DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE
RECHERCHE...........
|
49
|
6.1- Nature de l'étude
|
49
|
6.2 -Population d'enquête
|
49
|
6.3 - Echantillonnage
|
50
|
6.4 : Méthode, techniques et outils
d'investigation
|
.51
|
6.4.1 - L'analyse documentaire
|
51
|
6.4.2- La pré-enquête
|
52
|
6.4.3-Le pré-test .
|
..52
|
6.4.4 - l'observation .
|
52
|
6.4.5 - L'entretien semi-directif
|
53
|
6.4.6- Le focus group ..54
6.4.7- Outils de collecte des données
55
6.5 - Méthode et technique de traitement de
données .56
6.6- Le modèle d'analyse 57
TROISIEME PARTIE : MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES
ET MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE
D'ADJARRA
.................................................................................................
59
CHAPITRE VII : LE MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES( MCPP)
60
7.1- Contexte de mise oeuvre du programme MCPP
au Bénin .60
7.2- Objectifs et attentes du programme MCPP
61
7.3 - Cadre institutionnel et mode opératoire du
programme MCPP 63
7.3.1- Cadre institutionnel de mise en oeuvre du
programme MCPP .63
7.3.2- Mode opératoire du programme MCPP .
.63
CHAPITRE VIII : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE D'ADJARRA
67
8.1- Le milieu physique de la commune d'Adjarra
.67
8.1.1- Situation géographique et climat .
67
8.1.2- Relief, sol et végétation
à Adjarra .
8.2- Potentiel économique de la commune d'Adjarra
8.2.1 - Commerce
8.2.2- Agriculture et élevage
8.2.3- La pêche, la chasse et l'artisanat
8.3 - Structuration sociale de la commune
8.3.1 - Peuplement et mouvements des populations
8.3.2- Ethnies et religions
8.3.3- Pouvoir politique
traditionnel
8.3.4- Pouvoir politique moderne
8.3.5- Place de la Femme dans la
société d'Adjarra
8.4- Organisation administrative et
infrastructures
8.4.1- Administration de la commune
8.4.2- Infrastructures de la commune
QUATRIEME PARTIE: INFLUENCES DES REALITES SOCIOCULTURELLES ET
ECONOMIQUES SUR
LES MICRO-CREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA CHAPITRE
IX : IDENTITE SOCIALE DES BENEFICIAIRES DE
MICROCREDITS DANS LA COMMUNE D'ADJARRA
9.1- Statut des femmes bénéficiaires dans
les ménages
9.2- Type de ménage des femmes
9.3- Taille des ménages des
bénéficiaires de microcrédits
|
...46
69
70
...70 .71 .73
.....73
74
.........75
. ..76
..... ...76
78
78
79
8H
82
.82
84
85
|
CHAPITRE X : PESANTEURS SOCIOCULTURELLES ET
RENTABILITE DES
ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A ADJARRA .
|
..86
|
10. 1- Influence des rites de la maternité sur
l'activité des femmes
|
.....86
|
10 .2 - Influence du veuvage sur l'activité des
femmes
|
88
|
10.3- Influences des liens de parenté sur
l'activité des femmes
|
89
|
CHAPITRE XI: GROUPES SOLIDAIRES ET GESTION DES
ACTIVITES
|
|
GENERATRICES DE REVENUS
|
..91
|
11.1- Expérience des femmes en gestion de groupe
solidaire
|
91
|
11.2- Secteur d'activité des femmes
|
..92
|
11.3- Tenue de la comptabilité des
activités
|
.93
|
CHAPITRE XII : CREDIT ET GESTION DES REMBOURSEMENTS
95
12.1- Respect des délais de remboursement
des crédits .95
12.2- les pressions de remboursement de crédit
.96
12.3 - Sources de remboursement des crédits
97
CHAPITRE XIII : SENS ET SIGNIFICATION DES MCPP
POUR
LES BENEFICIAIRES .99
13.1- Montant des crédits 99
13.2- Délais et Procédures de remboursement
des crédits 100
13.3 - Nature du programme MCPP selon les
bénéficiaires 101
CHAPITRE XIV : ANALYSE DES RESULTATS 103
14.1- Rappel des hypothèses et objectifs de
recherche 103
14.2- Synthèse des résultats
.104
14.3-Analyse des résultats 105
14.4- Limites de la recherche et perspectives pour la
thèse .110
CONCLUSION . 112
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 114
ANNEXES . ...119
TABLE DES MATIERES 125
|