Les bénéfices d'adduction d'eau potable dans la commune d'Adjohoun au Bénin( Télécharger le fichier original )par Serge & Justin DEDJINOU &CLOHOUNTO Université d'Abomey-Calavi - Maà®trise 2009 |
3.2 : Valeur économique totale des biens d'environnementLa valeur économique de l'environnement présente des aspects multiples. La notion de valeur économique totale de l'environnement permet de spécifier ces aspects en distinguant entre valeur d'usage, valeur d'option, valeur de non-usage de même qu'entre usage présent et usage futur. La valeur d'usage désigne à la fois les prestations directement consommables (nourritures, bois...) que l'environnement met à la disposition de l'homme et celle indirectement utilisée telle les fonctions de protection, de régulation que l'environnement remplit (valeur d'usage indirecte). La valeur d'option désigne celle attribuée à un usage potentiel futur. Les valeurs de non usage de l'environnement peuvent être différenciées en valeur de legs (ou d'héritage) et en valeur d'existence. La première désigne la valeur accordée à des caractéristiques environnementales (paysage) conservées pour les générations futures (qui en feront usage ou non). Enfin, la valeur d'existence est celle placée sur l'existence même (indépendamment de tout usage) d'une composante de l'environnement. La tangibilité de ces valeurs diminue à mesure que l'on se déplace vers l'usage futur et le non usage. Elle aboutie, à l'extrême, à la reconnaissance d'une valeur d'existence de l'environnement découlant du simple fait que l'homme à conscience de son existence. Tableau1 : Décomposition de la valeur économique totale
Face à l'incapacité de la théorie économique classique à résoudre les problèmes liés à la détermination de la valeur des actifs environnementaux, l'on a assisté depuis quelques années à un développement de nouvelles techniques d'évaluation de ces actifs. Ces méthodes visent essentiellement à amener l'individu à révéler son consentement à payer ou recevoir quant à la valeur de l'actif ; car face à un bien d'environnement, l'on a estimé que seul l'individu est capable d'en révéler la vraie valeur d'après les bénéfices qu'il en tire et non le marché. 3.3 Les méthodes d'évaluation des biens environnementauxL'évaluation économique des biens environnementaux requiert l'utilisation de techniques d'évaluation particulières. Le développement de ces méthodes est étroitement lié à la prise en compte de l'environnement par les pouvoirs publics et les économistes et ceci pour pallier au caractère non marchant des biens environnementaux. Dans la littérature économique, il existe deux grandes familles de méthodes : Les méthodes indirectes et les méthodes directes. 3.3.1 Les méthodes indirectes Les méthodes indirectes d'évaluation sont principalement la méthode des coûts de transport, la méthode des prix hédoniques et la méthode des dépenses de protection. 3.3.1.1 La méthode des coûts de transport La méthode des coûts de transport (MCT) est utilisée pour évaluer les valeurs d'usage d'un site en quantifiant les dépenses engagées pour se rendre sur le site. On doit ses fondements à HOTELLING(1947). La MCT consiste à évaluer les différents coûts que les ménages sont prêts à payer pour profiter d'un lieu à usage récréatif. Principe de la méthode Visiter un parc, un plan d'eau ou un site exceptionnel en montagne, demande la plupart du temps de se déplacer et de payer pour un mode de transport choisi. Les visiteurs d'un site doivent en effet acheter un billet de train ou de bus pour les transports publics ou supporter les coûts (essence, entretien, assurance...), liés à l'utilisation de leur voiture. Ils doivent également passer du temps (voyage) pour atteindre le site. Cette méthode peut être utilisée pour estimer les bénéfices ou les coûts issus de : Changement dans la qualité environnementale d'un lieu à usage récréatif ; ü Usage récréatif ; ü La création d'un lieu à usage récréatif ; ü La suppression d'un lieu à usage récréatif ; ü Changement dans les coûts d'accès d'un lieu à usage récréatif. L'idée de base consiste à estimer le consentement à payer des individus pour l'aménagement des sites naturels de loisirs d'après le montant de monnaie et le temps qu'ils ont consacrés à se rendre sur le site. On suppose, en général, que les individus supportent un ensemble de coûts pour se rendre sur le site. Ces coûts comprennent : le coût du transport (essence, prix du billet de taxi,...), le droit d'entrée éventuel, le temps passé pour y rendre et séjourner sur place. Cette méthode a été utilisée dans le Common, M.(1988) pour évaluer les bénéfices des usages récréatifs d'une vallée. L'objectif était d'estimer les coûts de la construction d'un barrage qui inonderait la vallée. Grâce à une enquête on détermine le nombre de visiteurs de la vallée ainsi que leur provenance. Nous pouvons retenir de façon générale, que la méthode consiste à évaluer la valeur d'usage récréative d'un site en reliant la demande pour ce site, mesurée par le nombre de visites au site, à son prix, mesuré par les coûts supportés pour une visite. On établit une fonction V=f(C, X) dans laquelle V est le nombre de visites sur le site, C le coût de visite et X d'autres variables significatives expliquant V. L'avantage essentiel de la méthode des coûts de transport réside dans le fait que les mesures de l'avantage environnemental reposent sur l'observation de comportements d'agents observés sur le marché. Les inconvénients sont en revanche nombreux. Tout d'abord la méthode ne s'applique par définition qu'à des valeurs d'usage puisqu'elle repose sur des coûts de trajet effectivement pratiqués et exclut donc toute évaluation de valeur de non usage. 3.3.1.2 La méthode des prix hédoniques(MPH) ou des prix implicites La MPH conduit des analyses comparées de prix d'habitations pour lesquelles seule la composante environnementale est différente (Ridker et Henning, 1967, pour une première application à la pollution de l'air). La MPH appliquée aux prix des maisons est l'une des méthodes couramment utilisée par les économistes pour évaluer les pertes ou les gains monétaires liées à la qualité de l'environnement. Elle repose sur l'idée que la variabilité observée du prix des maisons selon leur localisation permet d'estimer la valeur que les consommateurs attribuent à un changement dans la qualité de leur environnement. Le différentiel de prix entre des maisons de caractéristiques environnementales différentes peut alors constituer une information sur le prix implicite ou prix hédonique de cette caractéristique. En effet, il est possible d'envisager que, lorsque la qualité de l'environnement varie et les consommateurs préfèrent une meilleur qualité, le prix de la maison sera, ceteris paribus, affecté par le niveau de qualité de l'environnement. L'information sur la qualité sera reflétée par le prix. De façon spécifique, cette méthode est principalement utilisée dans le secteur de l'immobilier. L'idée de base est assez simple. Lorsqu'un agent achète une habitation, le prix de celle-ci est déterminé par un certain nombre de caractéristiques telles que : la qualité de la maison, la proximité au lieu de travail et aux commerces, mais également la qualité du cadre de vie, qui comprend entre autres des caractéristiques environnementales telles que le niveau de la qualité de l'air, le bruit du trafic et la proximité des zones vertes. Enfin, la méthode des prix hédoniques tente, dans un premier temps, d'établir la part de l'environnement dans les différences de prix des biens immobiliers et dans un second temps, de déterminer le coût d'une dégradation de l'environnement ou l'avantage résultant de son amélioration, sous forme de consentement effectif à payer pour les caractéristiques ou les attributs environnementaux exercé par les agents économiques sur le marché immobilier. La méthode convient assez bien dans le cas de la pollution atmosphérique ou dans celui du bruit, en tout cas quand les effets sont faciles à observés par les individus concernés, se répercutent par conséquent sur les prix de marché, ce qui est aisé à observer et à mesurer. Plus précisément, la validité de la méthode des prix hédoniques supposent que les agents aient une information complète, soient capables d'acheter exactement l'ensemble de caractéristiques qu'ils désirent, et que le marché immobilier soit en équilibre (Sylvie FAUCHEUX, Jean-François Noël, 1995). La méthode a été appliquée, entre autres problèmes, à la qualité de l'air dans les villes (Jansen, van der Meer, Opschoor, Stapel, 1972 ; Brookshire, Thayer, Schulze, d'Arge, 1982) et à la qualité de l'eau (d'Arge et Shogren, 1988).1(*) 3.3.1.3 La méthode des dépenses de protection Cette méthode quantifie les dépenses de protection contre une baisse de qualité de l'environnement (Blomquist, 1979, Dardis, 1980). Elle repose sur la théorie du choix du consommateur, et plus précisément, sur l'observation de la fonction de production des ménages. On peut calculer, de façon indirecte, des coûts de la pollution en considérant des dépenses faites par les ménages pour se protéger d'une dégradation environnementale. Ces dépenses de protection représentent le consentement minimal à payer d'un ménage pour maintenir constant le niveau d'utilité de ses inputs (Desaigues & Point, 1993). Cette méthode a par exemple été utilisée pour l'évaluation du coût de la contamination de l'eau souterraine dans le sud de la Pennsylvanie par C. Abdalla et al (1992). Il existe également d'autres méthodes qui comptabilisent des dépenses liées à la ressource et qui permettent de calculer indirectement le coût de la pollution : - Le coût de purification - Le coût de remplacement - Le coût des matériaux de substitution - Le coût des mesures d'évitement (prévention, interdiction) Le problème de ces méthodes est qu'elles évaluent indirectement le consentement à payer d'un individu. On peut donc rencontrer des difficultés comme le biais d'inclusion. En effet, la valeur du coût de purification peut regrouper plusieurs biens environnementaux et donc ce coût n'estime pas uniquement le bien recherché. De plus le lien entre ces différents coûts et le bien environnemental que l'on souhaite évaluer peut être complexe et difficile à établir. Par ailleurs, il est difficile de percevoir l'ensemble des bénéfices d'une amélioration à travers la réduction des dépenses de protection. En effet, les ménages ne disposent pas forcément de toute l'information nécessaire. Autrement dit, ils ne connaissent pas l'origine des effets qu'ils subissent et ils ne sont pas toujours capables de lutter contre ces effets par des dépenses de protection. Par ailleurs, il n'est pas toujours possible de réaliser des dépenses de protection efficaces pour se préserver contre certains effets. Dans ces deux cas, la réduction des effets ne se traduit pas par une réduction des dépenses de protection alors qu'il y a des bénéfices. La méthode peut donc être parfois réductrice. Cependant Laughland et al. (1996) ont démontré l'existence de comportements de protection des consommateurs faces à une eau contaminée. C'est Courant et Porter (1981) qui ont développé le cadre théorique d'un comportement de protection en réponse à la pollution. Ils ont montré que les dépenses de protection constituaient un consentement à payer pour la réduction de la pollution. Cette méthode est donc souvent utilisée, notamment dans le cadre de la contamination des eaux souterraines. Abdalla et al. (1992) dans une étude sur les dépenses de protection des ménages desservis par le réseau public de distribution d'eau potable en Pennsylvanie central et du sud est. Au centre, 96 % des ménages sont informés de la présence de matières organique dans l'eau distribuée par le réseau, parmi lesquels 76 % adoptent des comportements de protection. Au sud-est, seulement 43 % des ménages sont au courant de la contamination, cependant 44 % des ménages adoptent des comportements de protection. En moyenne, les dépenses pour éviter la contamination s'élèvent à 252 et 123 dollars respectivement au centre et au sud-est. Collins et Steinback (1993) ont réalisé une étude sur les dépenses de protection en cas de contamination des eaux dans l'ouest de la Virginie. Dans cette ville, 85 % des ménages sont au courant des problèmes de contamination et investissent régulièrement dans des actions de protection. Les actions les plus fréquentes sont le nettoyage et la réparation des systèmes de canalisation ainsi que le traitement des eaux. Une enquête réalisée par téléphone et Internet a révélé des dépenses moyennes de 320, 357 et 1090 dollars respectivement pour les problèmes de pollution bactérienne, minérale et organique. En Géorgie, Abrahams et al. (2000) ont réalisé une étude sur le comportement de protection des ménages face à un risque de pollution de l'eau de robinet. La perception de la qualité de l'eau par les Géorgiens est basée sur le goût, l'odeur et l'apparence de l'eau de robinet. Ils ont évalué deux types de protection : le recours à l'eau de bouteille ou l'installation de filtres. Sur 232 personnes interrogées, 38 % utilisent l'eau en bouteille et 8 % ont installé des filtres pour l'eau de robinet les dépenses moyennes pour l'achat d'eau en bouteille s'élèvent à 4,32 dollars par ménage et par semaine. Cette méthode qui est basée sur l'observation du comportement des individus permet de mesurer le Consentement minimal à payer (Abdalla et al, 1996). 3.3.2 Les méthodes directes Dans cette section, nous allons développer seulement la méthode d'évaluation contingente . Une recherche menée par la Water Research Team de la Banque mondiale (The World Bank Water Demand Research Team,1993), The demand for water in rural areas: determinants and policy implications a démontré, sur un cas précis, que les prévisions du choix des ménages fondés sur une enquête de volonté de payer peuvent atteindre une grande précision, à condition toutefois que soient rigoureusement suivies certaines règles méthodologiques. 3.3.2.1 La méthode d'évaluation contingente La méthode d'évaluation contingente (MEC) consiste à interroger directement les individus par le biais d'enquête. Il s'agit d'évaluer, à l'aide de questions appropriées, combien les individus sont prêts à payer ex-ante pour une modification donnée d'un bien environnemental. L'idée générale de cette technique est la suivante. Comme ce sont les préférences des individus qui sont à la base de l'évaluation économique, mais qu'il n'existe pas de marché évident pour l'environnement, la MEC consiste à construire un marché hypothétique (contingent) d'une modification de la qualité environnementale. Le développement de cette méthode a été favorisé par de nombreux évènements dont le plus célèbre fût la catastrophe provoquée par le naufrage de l'Exxon-Valdez en Alaska qui a suscitée de nombreuses réflexions sur la validité et l'utilisation de la méthode d'évaluation contingente. Elles ont débouché sur un ensemble de recommandations retranscrites dans le National Oceanic and Atmospheric Administration(NOAA) panel (Arrow et al... 1993), rapport d'un groupe d'experts réunissant des économistes renommés dont plusieurs prix Nobel, qui avait pour vocation de statuer sur la validité de la MEC et de définir un certain nombre de contraintes pour sa bonne mise en oeuvre. Ce rapport devient donc une référence incontournable pour tout utilisateur de la MEC. Ces recommandations proposent d'effectuer des enquêtes par interview plutôt que par téléphone ou par courrier, et d'interroger les individus sur leur consentement à payer par une question fermée (car la technique d'interview minimise les non réponses). Cette méthode a connu de nombreuses applications, notamment dans les domaines du tourisme, de la gestion forestière, de l'accès aux services de santé, de l'immobilier...etc. Anne Stenger-Letheux (1997) a utilisé cette méthode pour « l'Estimation de la valeur de préservation des eaux souterraines de la nappe phréatique d'Alsace ». L'objectif de son étude était d'estimer le consentement à payer des ménages pour la préservation de la nappe phréatique en Alsace. N'GUESSAN et BOUAFFON (2006) ont utilisé cette méthode pour évaluer la contribution des ménages ruraux au financement de l'Assurance Maladie Universelle en Côte d'Ivoire. L'objectif de leur étude était d'estimer les dispositions des ménages à cotiser pour l'assurance maladie universelle et d'identifier les facteurs explicatifs de ces cotisations. L'efficacité de la méthode contingente dépend en grande partie de la conception et de la mise en oeuvre de l'enquête. Par ailleurs, Il existe de nombreux biais liés à l'utilisation de cette méthode. Parmi ceux-ci nous pouvons citer : · le biais de l'échantillon, qui doit être construit avec beaucoup de précaution ; · le biais de l'entretien: apparaît lorsque l'enquêté attribut une valeur supérieure au bien considéré dans le souci de plaire à l'enquêteur ; · le biais stratégique : qui apparaît quand les individus pensent que leur réponse peut influer sur la décision finale ; · le biais hypothétique : survient lorsque l'individu ne peut pas se projeter dans la situation d'une transaction hypothétique. Il est dû au manque de familiarité avec le marché hypothétique et le manque d'informations sur le bien ou le service. Mais selon WHITTINGTON et al. (1990) la possibilité que ce type de biais apparaisse dans la plupart des services publics des pays en voie de développement n'est pas significative. · Effet revenu : enfin un autre biais, provient de l'effet revenu. En effet le consentement à payer pour les biens environnementaux dépend de la situation courante de l'individu, et donc de ses dotations. En particulier les agents plus riches ont généralement un consentement à payer plus important que les agents plus pauvres, ce qui a pour conséquence de leur donner un poids plus important dans les évaluations que ce que donnerait une mesure directe du bien-être. * 1 Ces exemples sont cités par Sylvie F. et J.F. Noël dans ECONOMIE DES RESSSOURCES NATURELLES ET DE L'ENVIRONNEMENT, éd : ARMAN COLIN, 1995. |
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