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Evaluation des risques dans un établissement de micro finance: le cas des Caisses d'Epargne Populaire et d'Investissement

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par Yves Lionel MEFO'O NGO'O
Université de Yaoundé Institut des relations internationales du Cameroun - Master professionnel en relations internationales 2011
  

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GENERALE

Avant le début de la crise du milieu des années 80 au Cameroun, le secteur rural est tributaire de l'économie administrée en vigueur dans le cadre des plans quinquennaux de développement économique et social. La politique agricole dans ce cadre retient principalement trois orientations comme le note le Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural (MINADER, 2005) : le maintien et la consolidation de l'autosuffisance alimentaire, le développement des cultures d'exportation et l'amélioration du niveau et des conditions de vie en milieu rural. Par ailleurs, le financement du secteur rural dans cette période est marqué par une succession d'organismes plus ou moins spécialisés en la matière qui ont eu un bilan plutôt mitigé en termes d'amélioration de la production, d'accroissement des rendements et d'augmentation des revenus paysans malgré les montants colossaux distribués (Moulende, 2003). On distingue principalement, la Banque Camerounaise de Développement (BCD)1 l'Office National de Commercialisation des Produits de Base (ONCPB)2 le Fonds National de Développement Rural (FONADER)3 et le Crédit Agricole du Cameroun (CAC)4. Après cette crise, on assiste à une mutation du rôle de l'Etat vers la mise en place d'un environnement favorable à l'économie de marché. Dans le cadre des plans d'ajustement structurel conclus avec les institutions de Brettons Wood, l'Etat se désengage de la sphère productive pour se recentrer sur ses missions régaliennes de facilitation de l'activité des opérateurs privés. Afin de lever les distorsions des marchés et de réduire les coûts de transactions, on assiste à

1 La BCD, créée en 1961 a pour objectif dans un premier temps de redistribuer le crédit rural. Par la suite, elle s'occupe de financer les campagnes de commercialisation agricoles. Elle ferme en 1990 à la suite de nombreux impayés des banques dont elle a financé les campagnes de commercialisation (Moulende, 2003).

2 L'ONCPB est mise en place pour mettre en oeuvre une politique des prix des produits agricoles préservant les intérêts des producteurs et des consommateurs. Ainsi, le gouvernement fixe les prix payés aux producteurs des principales cultures d'exportation (cacao, café et coton), sur recommandation de l'ONCPB. La structure dépose le bilan en 1991.

3 Le FONADER, créé en 1973, a été conçu comme une « banque du paysan ». De ce fait, il accorde directement des crédits aux paysans ou à des groupes engagés dans l'agriculture ou l'élevage (Roesch et al., 2002). La défaillance de sa politique de crédit agricole, le manque de ressources financières, l'inadaptation des systèmes de garantie et des impayés de l'ordre de 70% pousse le gouvernement en 1990 à créer en remplacement, le Crédit Agricole du Cameroun (CAC).

4 Le Crédit Agricole du Cameroun (CAC) jouissait du statut de banque avec vocation agricole. Il a peu financé l'agriculture traditionnelle. Malheureusement, le CAC lui aussi est liquidé en 1997.

l'émergence d'une nouvelle économie du développement (Stieglitz, 1986). Celle-ci utilise une approche institutionnelle basée sur les systèmes financiers décentralisés telle que les Etablissements de Micro finance (EMF). Ces nouvelles institutions financières exceptionnelles prospèrent dans le monde, en Bolivie, au Bangladesh, et en Indonésie.

Au Cameroun, la micro finance démarre officiellement en 1963, avec la création de la première coopérative d'épargne et de crédit (« Credit Union » ou caisse populaire) en zone anglophone du pays sous l'impulsion de missionnaires hollandais. Toutefois, elle prend un essor remarquable et commence à se diversifier à partir du début des années 1990 grâce notamment aux lois sur la liberté d'association, décret n° 90/053 du 19 décembre 1990, et le décret n° 92/006 du 14 août 1992 relative aux sociétés, coopératives et aux groupes d'initiatives communes (GIC). Par ailleurs, la restructuration du secteur bancaire qui a suivi la crise des années 80, a entrainé la liquidation de plusieurs banques et la fermeture de presque la totalité des guichets de banques dans les zones rurales et les petites villes, et le licenciement de nombreux cadres de banques. Ces derniers se sont reconvertis en créant de nombreuses coopératives d'épargne et de crédit (COOPEC) fonctionnant ou essayant de fonctionner comme des quasi-banques (Creusot, 2006). C'est donc dans ce contexte caractérisé par la précarité, l'instabilité, la fragilité des revenus, la pauvreté ambiante que l'entrepreneuriat coopératif va se développer au Cameroun en mettant en place des produits financiers innovants (Tchouassi, 2001).

En 2000, sur les 1021 EMF recensés en zone CEMAC (Cameroun, Congo, Centrafrique, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad), le Cameroun comptait 64% des EMF, avec 67% des dépôts et 86% des encours de crédits. On note une inégale répartition des EMF sur le territoire national. En 2002, 52% des EMF fonctionnels étaient implantés en zone urbaine contre 48% en zone rurale (Creusot, 2006).

L'importance de la micro finance pour le gouvernement camerounais s'est par ailleurs traduite par la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets. A l'instar du Projet d'appui

au Programme national de la Micro finance (PPMF)5 et récemment le Projet d'Appui au Développement de la Micro finance rurale (PADMIR)6.

Dans l'espoir de réduire la pauvreté, les établissements de micro finance se sont transformés en fournisseurs de services financiers aux ménages à faible revenus (Morduch, 1999). Autrement, dit, la micro finance représente l'intermédiation financière en faveur des pauvres qui sont généralement exclus du système bancaire classique (Kobou et al., 2009 ). Ainsi, la micro finance s'adresse particulièrement au petit producteur et les sommes prêtées ou épargnées restent limitées (Doligez et Gentil, 2000). L'objectif qu'on lui assigne généralement est de contribuer à la réduction de la pauvreté (Morduch, 1999 ; Khandker, 2001 ; Morduch et Haley, 2002 ; Vatta, 2003 ; Labie, 2004 ; Hermes et Lensink, 2007 ; Kobou et al., 2009 ; Fondo et Baye, 2009 ; Lelart, 2010).

La pauvreté au Cameroun reste préoccupante comme le montre les statistiques de la deuxième Enquête Camerounaise auprès des Ménages (ECAM II). En effet, en 2002 environ

4 personnes sur 10 sont pauvres au Cameroun. De plus, elle se caractérise par des différences importantes, aussi bien suivant les groupes socio-économiques, que suivant la zone de résidence. Toutefois, le milieu rural reste le plus durement frappé.

La pauvreté est un phénomène complexe à appréhender, nécessitant ainsi différentes approches. Il est cependant devenu classique de distinguer trois principales écoles de pensée sur la mesure de la pauvreté : l'école Welfarist7 (Tinbergen, 1991 ; Ravallion, 1994 ; Lipton et Ravallion,

5 Le PPMF, mis en place en novembre 2000 s'inscrit dans le cadre de la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté avec un accent particulier sur la zone rurale. Ce projet est l'aboutissement de négociations conclues en novembre 1999 à Rome entre le gouvernement du Cameroun et le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA) pour un montant de 7 milliards de francs CFA sur 6 ans.

6Le PADMIR quant à lui, a été lancé les 13 et 14 janvier 2011. D'un coût total 22,5 millions d'USD, il a pour objectif d'appuyer financièrement et en priorité des petits producteurs agricoles en milieu rural, quels qu'ils soient, individuellement ou regroupés en Groupement d'Initiative Commune (GIC) ou en micro entreprise rurale (MER), qui ont des difficultés sérieuses à accéder aux services financiers formels.

7Elle pense que, la « chose » en question est le bien-être économique. Le concept du bien-être est approché à celui de l'utilité. Du fait de l'impossibilité de mesurer les utilités, elle s'appuie sur l'utilisation du revenu (ou de la consommation) comme mesure du bien-être.

1995), l'école des besoins de base8 (Stewart et Streeten, 1981 ; Stewart, 1995) et enfin l'école des capacités9 (Sen, 1981, 1985, 1992, 1999 ; Nussbaum, 1995, 1999, 2003).

Par ailleurs, ces trois écoles semblent être d'accord au moins sur le point suivant : est considérée comme pauvre, toute personne qui n'atteint pas un minimum de satisfaction raisonnable d'une « chose ». Ce qui les distingue, c'est la nature et le niveau de ce minimum (Asselin et Dauphin, 2000). De nos jours, les analyses de la pauvreté utilise principalement deux approches : l'approche monétaire 10(qui s'inscrit dans une vision Welfariste) et l'approche nonmonétaire ou multidimensionnelle 11(qui se rapproche quant à elles des écoles de besoins de base et celle des capacités).

En 2001, 84% des pauvres vivaient en milieu rural et l'incidence de la pauvreté11 y était plus du double de l'incidence en milieu urbain. Malgré les efforts du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté et l'adoption du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) en 2003, la stabilité de la pauvreté observée au niveau national masque un contraste frappant entre les milieux de résidence et entre les régions. En effet, en 2007, plus de la moitié des individus sont pauvres en milieu rural alors que seulement 12,2% sont pauvres dans les villes d'au moins 50 000 habitants selon l'Institut National de la Statistique (INS, 2007). L'un des objectifs majeurs du gouvernement à l'horizon 2035 est la réduction de la pauvreté à un niveau socialement acceptable à travers le Document de Stratégies pour la Croissance et l'Emploi (DSCE). En effet, le taux de pauvreté monétaire était de 40,2% en 2001. Malgré les efforts du gouvernement, ce

8Elle montre que, la « chose manquante » dans la vie des pauvres est un sous ensemble de biens et services spécifiquement identifiés et perçus comme universels, communs aux hommes de différentes cultures et civilisations. Cette pauvreté des « conditions de vie » ou « pauvreté d'existence », traduit une situation de manque dans les domaines relatifs à l'alimentation, à la santé, à l'éducation, au logement, etc.

9Pour cette école, la « chose » qui manque n'est ni l'utilité ni la satisfaction des besoins de base, mais des habilités ou capacités humaines. Cette approche découle des travaux de Sen (prix Nobel d'économie 1998), elle s'inscrit dans le champ d'une réflexion sur la justice sociale, l'égalité et les inégalités.

10Selon l'approche monétaire, la pauvreté désigne l'état des individus ou des ménages dont le revenu ou les dépenses sont inférieurs à un seuil de pauvreté. Dans la plupart des pays du monde, ce seuil est l'équivalent monétaire d'un panier de biens et de services considérés comme le minimum nécessaire à l'existence (Beitone et al., 2008).

11La pauvreté multidimensionnelle concerne à la fois les conditions de vies, la culture des individus, l'existence de discriminations, la désignation ou la stigmatisation par les organismes sociaux, etc. (Beitone et al., 2008).

taux de pauvreté est demeuré pratiquement stable entre 2001 et 2007 (République du Cameroun, 2009). C'est dans ce contexte que notre problématique s'articulera autour de la question centrale suivante : quels risques de crédits court un établissement de micro finance dans la réduction de la pauvreté au Cameroun ? Aussi cette principale question sera-t-elle analysée autour des clients Particuliers et des clients Entreprises.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille