CHAPITRE III. L'INSTAURATION D'UN NOUVEL ORDRE
POLITIQUE EN RDC : FEMMES ET LE PROCESSUS ÉLECTORAL DE L'AN
2006
A travers les engagements pris pour la gestion de la
transition, des dispositions expresses avaient été prises pour
confier certaines responsabilités à la société
civile, dans le cadre du contrôle de la transition. Elle se voit confier
un certain nombre d'institutions citoyennes à cet effet, à
l'issue du Dialogue Inter Congolais.
Aussi, comme susmentionné, des acteurs de la
société civile se sont impliqués dans la vie politique
active et ont de manière assez remarquable participé aux
élections de 2006. Plusieurs candidats de la formation politique MSR
ont été membres de la société civile.
Il est important de souligner que pendant la période
post conflit, les élections et la désignation des responsables
des institutions étatiques ont été des moments qui ont
suscité un certain élan d'éveil de conscience
féminine pour plus de représentions, seulement sur terrain les
choses ne se sont pas passées comme souhaité.
III.1. Les femmes congolaises dans le processus
électoral
Les femmes congolaises ont joué un rôle
significatif dans le processus électoral soit comme électrices,
candidates et même superviseuses et conseillères des
électeurs. Nos investigations montrent que les femmes ont
développé des stratégies électorales en
sensibilisant les électeurs sur le bien fondé du vote et sur la
décision responsable à prendre.
Tableau N°7: Initiatives des femmes
politiques dans le processus électoral
ACTIVITES
|
FEMME POLITIQUE(%)
|
EDUCATION CIVIQUE
|
60
|
PLAIDOYER
|
20
|
PARTICIPATION A LA CAMPAGNE ELECTORALE
|
66
|
Source : http//www.cei-rdc.org.
Consulté le 20 novembre 2010
Notons que les femmes ont plus participé à la
campagne électorale en vue de soutenir les candidatures des hommes au
lieu d'être elles-mêmes candidates. Par ailleurs, dans la ville de
Kindu, certaines femmes ont organisé les activités de
l'éducation civique et politique en rapport avec le processus
électoral. La graphique ci-dessous visualise le niveau
d'évolution de ces activités.
Graphique N°3: initiatives des
femmes politiques dans le processus électoral
Les activités d'éducation civique ont beaucoup
plus été faites par les femmes actrices politiques. Au niveau de
la société civile, les femmes candidates indépendantes ont
été plus nombreuses à s'engager dans cette dynamique. Les
partis politiques n'ayant pas été très ouverts aux
candidatures féminines. D'où la plus grande implication des
femmes dans les plaidoyers en faveur de la prise en compte du Genre dans la loi
électorale, de plus de représentation de femmes aux postes qui
ont nécessité une nomination et dans d'autres instances de prise
des décisions au niveau des partis politiques en dehors de ceux qui ont
nécessité le vote.
En ce qui concerne la campagne électorale, les femmes
candidates déclarent ne pas avoir senti de manière significative
l'accompagnement des femmes de la société civile sur leur terrain
de campagne. Le « collectif » se limitait au niveau de la
sensibilisation de l'électorat pour susciter une opinion en faveur des
candidatures féminines, sans pour autant mobiliser des électeurs
en faveur des candidatures féminines de manière individuelle. Il
fallait compter sur ces capacités personnelles pour affronter
l'électorat.
A Kindu, les femmes déclarent que cette
démission de la société civile a favorisé le
clientélisme politique ; la représentation des femmes a
été « objet de campagne » plutôt que
manifestation de volonté d'un changement de la situation des femmes par
rapport à leur représentation dans les instances de pouvoir.
Si les partis politiques se sont lancés dans la
cooptation des femmes pour leurs listes électorales, c'est juste pour
des raisons de forme et non pour des motivations profondes de promotion de
Genre.
L'objectivation des femmes pendant le processus
électoral a dans une large mesure été faite avec le
concours d'un engagement aveugle des femmes elles-mêmes. Un régime
d' « élection-passerelle » s'est
érigé, et avait comme fondement la quête du bien être
par cooptation. Le paternalisme politique a fait ainsi résurgence dans
ce contexte, et fut dans une large mesure exercé par les responsables
des partis politiques, essentiellement composés d'hommes.
La question d'une solidarité permanente des femmes de
la société civile et actrices politiques nécessite dans
ces conditions une attention particulière. Quelques cas rares de soutien
aux candidatures féminines par les femmes existent tout de
même.
Ainsi par exemple, les femmes musulmanes de Kindu
affiliées à l'ONG Fondation TAMBWE MWAMBA, ont entrepris des
sensibilisations dans les mosquées. Au lieu d'encourager les femmes
à être candidates et à voter car elles en sont capables au
même titre que les hommes, elles ont sollicité le vote des femmes
en faveur uniquement du candidat Alexis TAMBWE MWAMBA.
D'autres organisations féminines et mixtes
contactées ont joué le rôle contraire aux femmes
musulmanes. Il s'agissait de sensibiliser les femmes à ne pas voter pour
le sel et autres biens matériels, mais de porter le choix sur les femmes
et hommes capables de favoriser le droit et le développement.
Certaines organisations féminines ont encouragé
et porté leur soutien à une candidature féminine. Ainsi,
par exemple la candidate députée nationale NASIFA BINTI a eu
le soutien des organisations féminines de Kindu et des mutuelles
regroupant les tribus du territoire de Kasongo, mais qui n'ont pas
réussi à faire d'elle une députée en 2011.
D'autres structures féminines de la ville de Kindu ont,
à travers les organisations à la base et leurs plateformes,
organisé des ateliers d'échange, des séances d'animation
de proximité à l'intention des femmes de différentes
couches sociales, des hommes et des femmes confondues et des leaders locaux
(chefs coutumiers, chefs religieux, enseignants et autres leaders d'opinion)
aux fins de les sensibiliser et de les mobiliser pour qu'ils s'impliquent dans
les différents scrutins : Référendum,
présidentiels, législatifs nationaux et provinciaux.
Les organisations féminines de Kindu, par exemple, se
sont employées à vulgariser dans les limites de leurs moyens la
loi électorale et à entretenir les différentes parties
prenantes aux élections sur le profil de bons candidats. Ils se sont
également investis à encourager les femmes à postuler et
à être proactives au cours du processus. Ils ont, à cet
effet, formé des femmes candidates et d'autres ayant des ambitions sur
des échéances futures (élections locales notamment) sur
les enjeux des élections tout en militant pour l'intégration
qualitative et quantitative des femmes parmi les ressources humaines locales de
la CEI à différents titres : chefs de bureau,
observatrices, assesseures, témoins et agents de saisie.
Pour ce faire, les plateformes des femmes à
l'échelle aussi bien locale qu'urbaine ont initié des
pourparlers, des séances de dialogue avec les acteurs politiques locaux
et les responsables locaux de la CEI, elles ont également couché
leurs revendications sous forme des mémorandums qu'ils ont
adressés aux acteurs suscités.
Les femmes journalistes de Kindu pour leur part, ont
oeuvré à travers la synergie des médias pour les
élections où elles ont joué le rôle des productrices
et techniciennes en sillonnant les coins et les recoins de la province pour
faciliter à toutes les couches sociales l'accès à
l'information disponible aussi bien qualitative que quantitative sur le
processus électoral.
Grâce à ce militantisme et plaidoyer des femmes,
les femmes et les filles majeures émanant des organisations des femmes
ont été accréditées comme observatrices et
assesseures dans des bureaux de vote où elles ont respectivement
été témoins du déroulement des élections et
assisté ou remplacé momentanément les chefs des bureaux de
vote en cas d'empêchement. La CEI a également pris en compte la
représentation équitable des femmes et filles majeures dans le
recrutement de son personnel à différents postes.
Même si les résultats atteints n'ont pas
été à la taille des ambitions féminines, les
élections ont eu comme effet positif de décomplexer les femmes
dans cette sphère électorale de compétition.
Cette école électorale pour les femmes a mis en
exergue la nécessité pour elles, d'affiner mieux leurs
stratégies pour les prochaines échéances. On assiste
à un accroissement du pouvoir de négociation des femmes. Des
avancées ont été observées en même temps que
des défis à relever.
III.1.1. Les résultats de vote
III.1.1.1. L'enrôlement
Tableau N°8: Les effectifs des
électeurs par Genre
Genre
|
Electeurs
|
Pourcentage (%)
|
Féminin
|
12 562 989
|
52,6
|
Masculin
|
11 510 188
|
47,4
|
Total Est
|
24 073 177
|
100
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre 2007
Le tableau ci-haut montre que les effectifs des femmes
enrôlées dépassent ceux des hommes. L'écart de ce
dépassement est de 5.2%. Cette logique mathématique prouve que
les candidatures féminines devraient remporter face à celles des
hommes. Paradoxalement, dans une ville comme Kindu, aucune femme n'a
réussi à toutes les échéances électorales de
2006 et lors des élections de la députation nationale de 2011,
aucune femme n'a remporté sur toute l'étendue de la province du
Maniema.
Graphique N°4: Visualisation des
électeurs par Genre
Tableau N°9: Électeurs par
Genre et par provinces
Province
|
Genre
|
Pourcentage (%)
|
Bandundu
|
Féminin
|
53,7
|
Bandundu
|
Masculin
|
46,3
|
Total Bandundu
|
|
100
|
Bas Congo
|
Féminin
|
51,8
|
Bas Congo
|
Masculin
|
48,2
|
Total Bas Congo
|
|
100
|
Equateur
|
Féminin
|
52,6
|
Equateur
|
Masculin
|
47,4
|
Total Equateur
|
|
100
|
Kasaï-Occ.
|
Féminin
|
50,4
|
Kasaï-Occ.
|
Masculin
|
49,6
|
Total Kasaï-Occ.
|
|
100
|
Kasai-Or.
|
Féminin
|
51,8
|
Kasai-Or.
|
Masculin
|
48,2
|
Total Kasai-Or.
|
|
100
|
Katanga
|
Féminin
|
51,8
|
Katanga
|
Masculin
|
48,2
|
Total Katanga
|
|
100
|
Kinshasa
|
Féminin
|
50,6
|
Kinshasa
|
Masculin
|
49,4
|
Total Kinshasa
|
|
100
|
Maniema
|
Féminin
|
52,6
|
Maniema
|
Masculin
|
47,4
|
Total Maniema
|
|
100
|
Nord Kivu
|
Féminin
|
52,9
|
Nord Kivu
|
Masculin
|
47,1
|
Total Nord-Kivu
|
|
100
|
Orientale
|
Féminin
|
52,1
|
Orientale
|
Masculin
|
47,9
|
Total Orientale
|
|
100
|
Sud Kivu
|
Féminin
|
54,5
|
Sud Kivu
|
Masculin
|
45,5
|
Total Sud-Kivu
|
|
100
|
Source : Rapport
d'évaluation des opérations électorales/CEI-RDC,
Août 2006, p. 23
Les femmes ont le plus participé aux élections
par rapport aux hommes. Seulement les résultats n'ont pas suivi cette
participation majoritaire des femmes.
La mobilisation et la sensibilisation des femmes en milieux
urbains et ruraux comme électrices et candidates a produit des effets
beaucoup plus quantitatifs que qualitatifs. Ces chiffres d'enrôlement
n'ont malheureusement pas favorisé un vote des femmes pour les femmes.
Le fait de la marchandisation des élections a profité aux hommes
qui sont les détenteurs privilégiés des ressources
financières. A cela s'ajoute le détournement des voix des femmes
et l'annulation des bulletins de vote dus à l'analphabétisme
féminin prononcé.
« Nous ne savions ni lire le nom de nos candidats,
ni les reconnaître sur les bulletins de vote, nous avions
également difficile à cocher dans la case indiquée comme
il le fallait. De ce fait, ceux qui nous guidaient pouvaient nous duper sans
que nous ne nous en rendions compte », ont déclaré les
femmes de TOKOLOTE dans la commune de MIKELENGE dans le focus groupe des
femmes y organisé lors de nos enquêtes.
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