DEDICACE
A la mémoire de mon père, KALONGE Delphin, qui
j'ai souhaité voire vivre très longtemps sur cette terre des
Hommes, parce qu'il est le seul qui m'a indiqué la bonne voie en me
rappelant que la volonté fait toujours les Grands hommes.
A celle qui m'a transmis la vie, l'amour, le courage ;
à toi chère maman SAKINA Honorine, toutes mes joies, mon amour
et ma reconnaissance.
A ma famille, mon épouse, mes enfants, mes
frères et soeurs qui attendent avec patience les fruits de cette
oeuvre.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements les plus sincères s'adressent en
premier lieu à mon Promoteur, Monsieur le Professeur Ordinaire Docteur
Fréderic ESISO ASIA AMANI qui a crédité de sa confiance
cette recherche et pour la somme de ses conseils et recommandations.
Mes remerciements s'étendent également au
Co-promoteur de ce travail, Monsieur le Professeur Associé Docteur
Casimir NGUMBI KITETE WA YUMA, pour ses conseils et encouragements.
Mes vifs remerciements s'adressent enfin, à mes amis et
mes collègues enseignants pour leur soutien moral et
économique.
Gaston LUKONGO KALONGE
SIGLES ET ABREVIATIONS
ACL - PT : Assemblée Constituante
Législative Parlement de Transition
AFECOSKI : Association des Femmes Commerçantes du
Sud - Kivu
AFEJUCO : Association des Femmes Juristes du Congo
AFEM - SK : Association des Femmes de Média du
Sud-Kivu
AFEMD : Association des Femmes Musulmanes pour le
Développement
AMP : Alliance de la Majorité
Présidentielle
Art. Article
CAFCO : Conseil des Associations Féminines du
Congo
CAP : Comité d'Alerte pour la Paix
CDFE : Comité Diocésain des Femmes
CEDEF : Convention sur l'Elimination de toute forme de
discrimination à l'égard des femmes
CEI : Commission Electorale Indépendante
CENI : Commission Electorale Nationale
Indépendante
CEP : Centre d'Etude Politique
CNPD : Campagne Nationale pour une Paix durable
CNS : Conférence Nationale Souveraine
COCAFEM/GL : Collectif des Associations des Femmes dans
la sous région de Grands Lacs
COFAS : Caucus des Femmes du Sud - Kivu
COLO : Congrès LOKOLE
CONAFED : Conseil National des Femmes pour le
Développement
DAWN: Development Alternatives for Women's in a New Era
DDN : Dynamique pour le Développement National
DIC : Dialogue Inter Congolais
DSCRP : Document Stratégique de Croissance pour la
Réduction de la Pauvreté
DYNAFEP : Dynamique des Femmes Politiques
EDS : Enquête Démographique et de
Santé
FABAKO : Femmes de l'Alliance de Bas Congo
FCN : Front Commun de Nationalistes
FED : Femme et Développement
GED : Genre et Développement
GEFA : Groupe pour l'Emancipation de la Femme Africaine
HCCI : Haut Conseil de la Coopération
Internationale
HCR - PT : Haut Conseil de la République Parlement
de Transition
IFD : Intégration des Femmes dans le
Développement
INS : Institut National des Statistiques
MD : Mouvement des Démocrates
MFN : Mouvement des Femmes Nationalistes
MLC : Mouvement de Libération du Congo
MMF : Marche Mondiale des Femmes
MONUC : Mission d'observation des Nations Unies au
Congo
MPR : Mouvement Populaire de la Révolution
NCE : Noyaux Clubs d'Ecoute des Femmes Rurales
ONGD : Organisation Non Gouvernementale du
Développement
OPEKA : Organisation Politique de Kasavubistes
PALU : Parti Lumumbiste unifié
PLDC : Parti Libéral Démocrate
Chrétien
PMI : Protection Maternelle et Infantile
PNG : Politique Nationale de Genre
PNPFC : Programme National pour la Promotion de la Femme
Congolaise
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PPRD : Parti du Peuple pour la Reconstruction et le
Développement
Pr. Professeur
PUF : Presse Universitaire de France
RADECO : Rassemblement de Démocrates Conciliants
RAF : Réseau Action Femme
RCD : Rassemblement Congolais pour la Démocratie
RDC : République Démocratique du Congo
RFDP : Réseau des Femmes pour la Défense de
Droit et de la Paix
RPC : Rassemblement du Peuple Congolais
RUCG : Réseau Universitaire des Chercheurs en
Genre
UNAF : Union Nationale des Femmes
UNESCO: United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organisation
UNFC : Union Nationale des Femmes Congolaises
UNICEF: United Nations International Children's Emergency
Found
UNIKI : Université de Kindu
UNIKIN : Université de Kinshasa
UPFC : Union Progressiste Féminine Congolaise
VIH : Virus de l'Immunodéficience Humaine
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n°01 : Répartition des femmes
enquêtées par structures
Tableau n°02 : Distinction entre l'approche de l'IFD
et de GED
Tableau n°03 : Incidence de la pauvreté en
province selon les milieux de résidence et
les caractéristiques socio -
démographiques du chef de ménage.
Tableau n°04 : Occupations des femmes en RDC
Tableau n°05 : Effectif des ONGD en RDC de 1990
à 2003
Tableau n°06 : Représentation des femmes au
Dialogue Inter Congolais
Tableau n°07 : Initiatives des femmes politiques
dans le processus électoral
Tableau n°08 : Les effectifs des électeurs
par Genre
Tableau n°09 : Electeurs par Genre et par Provinces
Tableau n°10 : Candidats par Genre et par
Provinces
Tableau n°11 : Candidatures aux législatives
nationales
Tableau n°12 : Genre et élus par Provinces
Tableau n°13 : La représentation des femmes
dans les différentes législatives de 1970 à 2006
Tableau n°14 : Les femmes dans les
législatures de la RDC
Tableau n°15 : Candidatures à la
Présidentielle de 2006
Tableau n°16 : Niveau d'instruction des femmes
à Kindu
Tableau n°17 : Genre, élus et appartenance
politique lors des élections législatives Nationales de 2006.
LISTE DES FIGURES ET GRAPHIQUES
Figure n°01 : Schéma des théories sur
le Genre et le Développement
Graphique n°01 : Visualisation des effectifs des ONG
en RDC de 1990 à 2003
Graphique n°02 : Visualisation de la
représentation des femmes participantes au Dialogue Inter Congolais
Graphique n°03 : Visualisation des initiatives des
femmes politiques dans le processus électoral
Graphique n°04 : Visualisation des électeurs
par Genre
Graphique n° 05 : Visualisation des candidats aux
élections législatives nationales.
Graphique n°06 : Visualisation des candidatures
à la présidentielle de 2006.
INTRODUCTION
1. ÉTAT DE LA QUESTION
La logique féministe pour les études de genre
est partie d'un constat : les situations défavorables des femmes
par rapport aux hommes, dictées par le patriarcat. Cela s'est
institutionnalisé dans les normes et pratiques étatiques, qui
puisent leurs fondements des normes et pratiques sociales.
Ces situations ont été observées dans
différents contextes nationaux et locaux, sans être
abordées de manière uniforme partout par les chercheurs,
malgré les similitudes qui apparaissent dans la sphère de Genre
à travers le monde ; de manière générale, les
femmes ont un statut défavorable par rapport aux hommes dans plusieurs
secteurs de la vie sociale.
Là où des méthodologies ont
été appliquées aux recherches sur le Genre, les
réflexions des féministes ont produit des théories et des
approches, qui sont à fixer sur des situations observées dans un
espace bien déterminé, en un moment précis, dans un
environnement politique, économique, socio culturel bien
identifiable.
Ainsi, d'après Julienne NZUGU FEZA (1(*)) : « la
transposition de ces réflexions sur la République
Démocratique du Congo n'est pas de manière absolue applicable aux
situations des femmes congolaises. Les réalités qui ont produit
les études de Genre dans le monde anglo-saxon, en Europe ou dans tout
autre continent, ne sont pas nécessairement identiques aux
nôtres ».
Cela suppose donc un questionnement qui nous permette de
savoir ou de connaitre les situations réelles des femmes congolaises et
une approche à appliquer à leurs conditions d'existence, pour
susciter un changement socio politique et économique en faveur de
l'égalité des sexes.
Par ailleurs, selon Marie ZAMUDA RAMAZANI, « la
transposition d'approche ne peut dans ces conditions se faire de manière
mécanique. Il faut une méthodologie spécifique au contexte
congolais » (2(*)).
Plusieurs courants ont traversé le féminisme,
mais ont tous été sujet à requestionnement quand ceux-ci
ne répondaient pas des faits sur terrain ou encore ne pouvaient
engendrer les changements souhaités par les acteurs de promotion de
Genre, notamment les chercheurs, dans plusieurs pays du monde contemporain.
Nous faisons ici allusion aux différents débats scientifiques,
colloques, ateliers et conférences autour du concept de Genre en France,
en Afrique et aux Etats Unis par les chercheurs sur les situations des
femmes.
A cet effet, Marie-Ange LUKIANA * déclare dans sa
communication : « Que dire du Genre dans un contexte
multiculturel comme celui de la République Démocratique du Congo,
où la trajectoire historique, n'est pas commune à tous les
groupes sociaux, où les mutations sociales ont émaillé
« les histoires des femmes », produisant des régimes
de genre ponctuels, un peu permanents, imbriqués,
etc. »(3(*))
Cette communication va dans la même conception ou dans
le même sens avec celle de Catherine ODIMBA (4(*)), la Représentante
Africaine du Réseau Universitaire de Chercheurs en Genre, RUCG en sigle,
lorsqu'elle affirme avec consistance que : « la
République Démocratique du Congo a à la fois, une
politique, une économie, une culture et par sa particularité, ses
espaces de vie multiples. Elle a des histoires, des politiques, des
économies, tous conceptualisables. Il faut donc des réflexions
qui produisent des approches pour l'égalité des sexes qui
tiennent compte de tous ces paramètres ».
Par la même occasion, un Sociologue Congolais, LONGANDJO
OKITA KEKUMBA (5(*)) de
l'Université de Kinshasa, s'est posé les questions de
savoir : Qu'est-ce que le Genre en République Démocratique
du Congo et Quelles problématiques de Genre pour la République
Démocratique du Congo ? Existe-il un Genre ou des Genres (une
construction sociale des sexes ou des constructions sociales des sexes ?)
Ce qui implique un questionnement sur les régimes de Genre, leur
temporalité, leur fonctionnement et leur prise en Genre ainsi que le
système de Genre qu'ils mettent en place au niveau macro
sociétal ». Malheureusement, conclut LONGANDJO OKITA KEKUMBA,
la question ne semble pas être suffisamment prise en charge par plusieurs
chercheurs congolais.
La majorité de chercheurs congolais, membres du RUCG,
estiment qu'il existe une multitude de régimes de Genre en
République Démocratique du Congo, nous voulons dire plusieurs
espaces où le Genre fonctionne selon les normes de l'espace,
modelés par les cultures, les économies, les politiques et les
Administrations qui s'entrecroisent, se repoussent, se coalisent sur les femmes
et les hommes pour produire une configuration de Genre propre à la
République Démocratique du Congo.
Dans ces conditions, il est indispensable pour nous, de
critiquer rationnellement le questionnement des auteurs et chercheurs congolais
sur le Genre car, quels seraient les points de convergence et de divergence
entre la sphère globale, et les sphères sectorielles où se
dévoile le Genre, mais aussi entre la sphère publique et les
sphères privées?
Quand le public et le privé ; le local et le
global de Genre s'affrontent dans les espaces de vie, il en résulte
souvent de disfonctionnement de l'un ou de l'autre. Les logiques de Genre du
niveau global et national ne sont toujours pas les logiques du niveau local, ou
celles de la sphère publique consacrée dans les sphères
privées. Evoluer dans plusieurs sphères à la fois suppose
des paradoxes dans le chef des femmes. Quelle est la sphère dominante de
genre chez la femme congolaise ? Quelle est celle qui façonne son
identité. Bref, quelle est l'identité réelle de la femme
congolaise face à cette diversité de Genre qu'elle affronte au
même moment, dans sa vie de tous les jours ?
Pour Simone de BEAUVOIR (6(*)) citée par Marie-Claire YANDJU, la
Représentante du Ministre de Genre, Famille et Enfant de la RDC :
« la femme vit des « Genres » dans
différents espaces, mais un reste dominant, pour chaque femme et pour
chaque groupe social féminin congolais. La même qui donne des
ordres à ses enfants à la maison, ne peut pas prendre la parole
devant les hommes dans une église, son fils y compris; le religieux et
le familial s'affrontent, celle qui donne des ordres au service ne peut que
soumission à son mari ; le public et le privé s'affrontent,
celle qui doit préparer pour son mari a un cuisinier ; que devient
la femme du cuisinier et le cuisinier qui prépare chez une autre femme
ne peut pas le faire chez lui ! ». Ce sont des
réalités que toute femme connait, y compris la femme congolaise.
Les situations réelles des femmes congolaises ne sont
pas prises en compte et les politiques en direction des femmes ne sont pas
souvent accompagnées de mesure expresse de mise en oeuvre. C'est ainsi
que dans l'élan national de la lutte pour le repositionnement des
femmes, la situation semble stagnante.
Pour mieux baigner notre discours dans un courant
d'idées spécifique et expliquer la démarcation de notre
objet d'étude par rapport aux thèses antérieures
explicitées sur la situation de la femme dans le monde, nous avons fait
aussi une revue critique des divers courants d'idées existant sur le
Genre.
Le premier courant d'idées sur le Genre s'est
développé en 1972 à partir des impulsions du sociologue
britannique Ann OAKLEY (7(*)). Ce dernier a élaboré, dans sa
production scientifique, une distinction entre le Sexe et le Genre. Ce
courant prouve que la masculinité et la féminité ne sont
pas des substances « naturelles » inhérentes
à l'individu, mais des attributs psychologiques et culturels, fruits
d'un processus social au cours duquel l'individu acquiert les
caractéristiques du masculin ou (et) du féminin. Le Genre est ici
considéré comme le
« sexe social ».
Par la suite, de nombreux auteurs ont proposé un
renversement de la relation de cause à effet Sexe/Genre. Ces auteurs du
deuxième courant d'idées sur le Genre vont considérer que
le sexe, au même titre que le Genre, est une construction sociale. Parmi
ces auteurs, les plus célèbres sont :
Eve KOSOFSKY
SEDGWICK(8(*)),Michel
FOUCAULT (9(*)),Nicole
ALBERT(10(*)), Marie
-Hélène BOURCIER (11(*)),
Leslie
FEINBERG(12(*)),
Kate
BORNSTEIN(13(*)),
Patrick
CALIFIA-RICE(14(*)),
Lee
EDELMAN(15(*)) et Judith BUTLER(16(*))
Contrairement aux auteurs du deuxième courant
d'idées, Ann OAKLEY confirme : « Le genre
précède le sexe ; dans cette hypothèse le sexe est
simplement un marqueur de la division sociale ». Penser le sexe en
termes de donnée biologique est une impasse : pour elle le sexe est
avant tout une représentation de ce que la société se fait
de ce qui est « biologique ».
Selon Judith BUTLER, « Le Genre, c'est la
stylisation répétée des corps, une série d'actes
répétés à l'intérieur d'un cadre
régulateur plus rigide, des actes qui se figent avec le temps de telle
sorte qu'ils finissent par produire l'apparence de la substance, un Genre
naturel de l'être. ».(17(*))
Certes, à partir des explications
développées par les chercheurs et auteurs du deuxième
courant d'idées, nous retrouvons comme mérite le fait de partager
le même paradigme sur la notion et les considérations du concept
Genre, car les actes et les discours relatifs au Genre sont performatifs. Cela
signifie que non seulement ces derniers décrivent ce qu'est le Genre
(performance) et par là même ont la capacité de produire ce
qu'ils décrivent. Mais pour Judith BUTLER, « il faut aussi que
le Genre désigne l'appareil de production et d'institution des sexes
eux-mêmes [...] c'est aussi l'ensemble des moyens discursifs/culturels
par quoi la « nature sexuée » ou un « sexe
naturel » est produit et établi dans un domaine
« pré discursif », qui précède la
culture, telle une surface politiquement neutre sur laquelle intervient la
culture après coup. »
La troisième thèse ou le troisième
courant d'idées est tellement proche de notre objet d'étude,
c'est le courant dénommé « l'Approche Genre et
Développement ». Cette approche est soutenue par
plusieurs auteurs et chercheurs sur le Genre à l'heure actuelle. Les
plus célèbres sont : Laure BERENI et al (18(*)), Elsa DORLIN (19(*)), Guy HOCQUENGHEM (20(*)), Didier ERIBON (21(*)), Christine DELPHY (22(*)), Leo BERSANI (23(*)), Louis GEORGES (24(*)), Ronald LAING (25(*)), Thomas LAQUEUR (26(*)), Nicole-Claude MATHIEU
(27(*)), Laure MURAT
(28(*)) Nicole SAUDA
(29(*)), Catherine
ODIMBA (30(*)).
Cette approche repose sur l'analyse et la remise en cause des
processus qui différencient et hiérarchisent les individus en
fonction de leur sexe. Les conceptions du rôle des femmes dans le
développement ont évolué progressivement pour cesser de
considérer celles-ci comme des victimes et des objets passifs et en
faire des acteurs autonomes.
Elle compare la situation des femmes et des hommes grâce
à des outils d'analyse qui permettent de diagnostiquer les relations de
Genre dans une société donnée sous plusieurs
aspects : sociaux, économiques, culturels, environnementaux,
politiques, etc. Une fois les inégalités éventuelles
identifiées, elles seront prises en compte dans des programmes ou des
projets de développement.
L'approche Genre et développement va ainsi contribuer
à promouvoir l'égalité des droits et le partage
équitable des ressources et des responsabilités entre femmes et
hommes grâce à la prise en compte de leurs rôles et de leurs
besoins.
Pour ces auteurs, pendant la « Décennie des
femmes » (1975-1985) l'approche « Genre et
développement » est apparue dans les projets de
développement. Elle visait à réduire les
inégalités en plaçant les femmes comme principales
bénéficiaires (vision économiste) mais sans s'attaquer aux
fondements des inégalités entre les hommes et les femmes (Par
exemple : inutile de donner accès au crédit ou à la
formation à des femmes qui n'ont ni accès à la terre, ni
liberté de mouvement). Celles-ci étaient cantonnées dans
leur rôle traditionnel (maternité, éducation des enfants,
santé) sans effet sur les rôles socialement construits,
d'où l'échec de cette approche.
D'après nous, les auteurs de cette approche devraient
savoir qu'elle a été adoptée à la
conférence de
PÉKIN (1995) exclusivement par des
« savants-profanes », c'est-à-dire, par les
activistes de la promotion des Droits de la femme évoluant dans les ONGD
et autres Associations féministes.
Ainsi, les chercheurs et autres experts en l'occurrence les
« savants-scientifiques », hommes comme femmes, devraient
normalement être associés dans la construction de ce courant afin
que la majorité de ces défenseurs partagent le même
paradigme. Pour les auteurs cités ci-hauts, l'approche Genre et
Développement consiste à prendre en compte la répartition
des rôles et des activités des femmes et des hommes dans chaque
contexte et dans chaque société pour tendre vers un
équilibre des rapports de pouvoir entre les sexes.
Le programme d'action de PÉKIN contient douze objectifs
stratégiques concernant l'égalité de Genre. Depuis 2000,
les
Objectifs du
Millénaire sont les principaux cadres de référence
internationale en matière de développement, l'objectif
troisième se propose de « promouvoir
l'égalité des sexes et l'autonomisation des
femmes ».
En France par exemple, c'est en 2000 que le HCCI (Haut Conseil
de la Coopération Internationale) a mis en évidence dans une
étude intitulée «
L'intégration
du Genre dans la politique française de coopération : bilans
et perspectives »31(*) le retard de la France par rapport aux autres
pays européens sur la prise en compte des rapports sociaux entre femmes
et hommes dans la politique mise en oeuvre. Ce sont les secteurs de
l'éducation et de la santé qui ont été
privilégiés dans les programmes et les projets de
développement soutenus par la Coopération française alors
que les secteurs politiques et économiques n'ont pas reçu la
même impulsion.
En 2004, le ministère des Affaires
étrangères de la France a lancé le Réseau
Genre en Action, en sigle RGA, afin
de faciliter l'information, la formation et les échanges sur le
« Genre et développement » grâce à ce
portail d'informations et de ressources. D'autres actions ont été
soutenues (recherches, formations universitaires, obligation de critères
du Genre dans les appels d'offre, etc.) pour favoriser l'intégration du
Genre dans la politique de coopération française. (32(*))
Nous citons enfin, le mémoire de MONDOLE Esso LIBANZA
EBEYOGO (33(*)). Ce
dernier s'est fixé comme objet d'étude dans son travail, le fait
d'analyser la relation entre le financement des activités de lutte
contre la pauvreté et l'amélioration des conditions
socio-économiques des femmes de Kindele dans la ville de Kinshasa. Son
étude a illuminé à travers la stratégie de
financement des activités économiques des femmes, les voies par
lesquelles les relations du Genre affectent le développement et la
transformation de la communauté Kindele.
L'auteur s'est interrogé ainsi sur les
rationalités contingentes des financements destinés aux
activités des femmes de Kindele ainsi que l'impact de ceux-ci sur
l'amélioration de leur pouvoir économique dans une ville atypique
comme Kinshasa où la précarité caractérise le mode
de vie des communautés et des individus.
Ainsi, pour orienter rationnellement son travail, MONDOLE Esso
LIBANZA EBEYOGO a posé deux questions principales. La première
est celle de savoir si l'intégration de la stratégie du Genre
dans le système d'action des microcrédits productifs peut-elle
contribuer à l'amélioration de la perception du rôle des
femmes dans le milieu urbain de Kindele ?, la deuxième question
consiste à savoir pourquoi ces microcrédits productifs qui
servent pourtant de substituts fonctionnels à l'emploi chez les femmes
ne transforment-ils pas le milieu urbain de Kindele. Si non, à quoi
servent alors ces micro-prêt.
Au terme de son investigation, l'auteur est arrivé aux
résultats selon lesquels : l'intégration des
stratégies du Genre dans l'approche microcrédits productifs a non
seulement eu comme effet de mobiliser les femmes de Kindele dans
l'entrepreneuriat économique par l'impulsion et l'émergence des
activités marchandes, mais aussi contribué à
l'amélioration des conditions des femmes et de leurs ménages
respectifs par la résolution des certains problèmes ; car,
bien qu'il n'apparait pas utile en terme de stratégie économique
de prêter de l'argent aux indigents dont les besoins sont nombreux et la
survie précaire, certaines femmes ont dû profiter de la situation
et intégrer les règles du jeu.
Le mérite de travail de MONDOLE Esso LIBANZA EBEYOGO
résulte au niveau où il a explicité le rôle agissant
et dynamique des microcrédits productifs sur la situation
socio-économique des femmes de Kindele, car ces microcrédits
productifs n'agissent pas comme des solutions miracles, mais comme des simples
stratégies de substitution qui assure à la fois
l'équilibre social et le dynamisme dans le système de production.
Par contre, la plus grande faiblesse de ce travail
résulte au niveau où l'auteur a négligé
d'expliciter les manifestations de la conscience négative des
microcrédits productifs au sein des maisons financières,
bancaires et des coopératives des crédits. Ces dernières
imposent aux femmes bénéficiaires des microcrédits les
taux de remboursement très élevés et une durée trop
réduite. Ce qui fait qu'en cas d'accumulation de retard de
remboursement, ces maisons imposent des pénalités en gradation ou
des saisies des biens sans tenir compte des imprévues ou de la
précarité des conditions économiques des femmes dans les
pays sous développés.
Sans toutefois négliger les aspects pertinents
développés par les prédécesseurs regroupés
dans les divers courants scientifiques sur la notion du Genre, ce travail
cible un seul domaine de la vie dans la société moderne. C'est la
connexion explicative de la notion du Genre face à la participation
politique, dans un espace bien connu, précisément la
République Démocratique du Congo en général, mais
dans la ville de Kindu en particulier en tant que Chef-lieu de la province du
Maniema. C'est dans la ville de Kindu que l'étude s'est effectuée
au moyen de l'enquête.
Le choix de la ville de Kindu parmi d'autres se justifie par
le fait que celle-ci est le Chef-lieu de la Province du Maniema et elle
rassemble en son sein les caractéristiques essentielles de la dite
province. L'histoire de la RDC montre clairement que les Arabo-musulmans ont
exploré cette province avant même l'arrivée des
colonisateurs belges. Ainsi, avec les effets d'acculturation, ces
opérateurs économiques Arabes ont réussi à imposer
une culture de la discrimination des femmes dans nos sociétés.
Les effets de cette discrimination sont visibles dans la Province du Maniema et
c'est pour nous une occasion de les expliciter dans cette étude.
Kindu est également un des milieux où les femmes
ne se retrouvent pas dans les institutions politiques et elles sont moins
représentées dans les divers services publics.
Quant au choix de la période, il est à noter que
1960 a été pour la RDC l'année de l'accession à
l'indépendance nationale du pays. Les colonisateurs sont partis, mais
lors des négociations de la table ronde de Bruxelles, les
premières institutions politiques ressorties à l'issue de cette
table ronde n'ont pas tenu compte de la représentativité
féminine. Néanmoins, il sied de retenir que le Congo était
organisé politiquement et administrativement en empires, royaumes,
chefferies, clans,...avant la création de l'Etat Indépendant du
Congo par le Roi Léopold II en 1885.
Certes, pendant cette période les femmes étaient
toujours défavorisées par rapport aux avantages qu'avaient les
hommes dans les espaces de prise des décisions politiques, mais les
discriminations atroces sont apparues avec la pénétration des
Commerçants Arabo-musulmans. Au lieu que l'élite politique
congolaise corrige cette situation, elle l'a entérinée en 1960.
C'est pourquoi nous avons choisi le terminus de 1960. La seconde
extrémité temporelle va jusqu'en 2011. Cette année est
caractérisée par l'organisation des cycles électoraux en
RDC.
L'intérêt porté sur cette question en ce
moment où l'approche « égalité du
Genre » est au centre du débat sur la participation politique
des femmes dans la gestion des affaires publiques, se justifie non seulement
par les pressions de l'actualité sur l'histoire, mais aussi par la
dynamique des rapports sociaux et des pratiques sociales
stéréotypées.
Le passage de cette revue critique sur les courants de
pensées autour de concept « Genre » nous
amène automatiquement à cerner le problème
spécifique ayant nécessité la présente
étude.
2. PROBLÉMATIQUE
Au début du 20ième siècle,
plusieurs chercheurs en sciences sociales ou humaines ont entrepris de
s'intéresser de plus près à l'impact des
mutabilités des regroupements sociaux sur les femmes. En 1970, on a
parlé de la participation des femmes au développement non
seulement politique mais intégral. Ces approches partaient des
conceptions selon lesquelles les femmes accusaient un retard dans les
sociétés sub-sahariennes ainsi que dans les pays où
l'islam est une religion d'Etat embrassée par la majorité de la
population globale.
Cette conception était répandue de même
dans la société congolaise vers l'année 1994 et qu'il
était possible, selon les chercheurs, de combler l'écart entre
les femmes et les hommes en adoptant des mesures correctives dans le cadre des
structures politiques, administratives et juridiques existantes d'une part et
d'autre part, dans le cadre des politiques publiques.
Le lancement de la décennie « Femme,
égalité et paix » avec la conférence de Mexico
en 1975, a marqué le début officiel de la prise de conscience
collective et a permis de faire sortir les femmes en général de
leur invisibilité, dans le but de cesser le
développement exclusivement au masculin et de mobiliser les
forces visant à s'imposer dans les structures politico-administratives
des Etats modernes.
Cette conférence fut organisée à la
demande de l'Assemblée générale des Nations Unies pour
attirer l'attention de la Communauté Internationale sur le besoin de
développer des objectifs futurs précis, des stratégies
efficaces et des plans d'action en faveur de la promotion intégrale et
surtout politique des femmes. Trois objectifs clés furent
identifiées pour servir de base à cette assise des Nations Unies
relative aux femmes, il s'agit de :
? L'égalité complète hommes-femmes et
l'élimination de toutes sortes des discriminations fondées sur
le sexe ou autres considérations des divers ordres;
? Le favoritisme de toutes les actions orientées vers
l'intégration et la pleine participation des femmes au
développement intégral; et
? L'adoption des apports de plus en plus importants des femmes
au processus de renforcement de la paix internationale.
Par ailleurs, plusieurs conférences internationales et
régionales ont été organisées dans la plupart des
Etats du monde, avec comme objectif de remodeler la vision sur les conditions
vitales des femmes, ainsi que de définir les relations de pouvoir
politique- femmes.
Ces assises ont permis à tous les niveaux de
reconnaître la place et le rôle crucial des femmes dans la
mobilisation des ressources orientées vers le développement
politique et la nécessité de leur participation équitable
à la prise de décision pour asseoir un développement
durable. En somme, les contextes mondial et régional devraient offrir
aussi à la République Démocratique du Congo de
réelles opportunités pour réaliser l'équité
et l'égalité de Genre. Fort malheureusement en RD Congo,
l'équité et l'égalité de Genre sont des nouvelles
notions réfutées non seulement par les dirigeants politiques,
mais aussi par les diverses couches sociales qui trouvent dans ces notions une
nouvelle forme de la remise en cause des moeurs et traditions congolaises. Les
femmes ne sont pas visibles au sein des diverses institutions publiques. Bien
qu'il existe tout un arsenal des textes juridiques en faveur de la promotion
des femmes, mais dans la pratique ces textes ne sont pas pris en
considération.
La question de corrélation Genre et
développement politique est une problématique qui s'impose ce
dernier temps en RDC, comme thématique importante tant au niveau de
tout le pays en général que dans toutes les provinces de la
République Démocratique du Congo en particulier. Si la question
des inégalités de Genre dans le processus de développement
intégral a été abordée avant cette décennie,
il s'avère qu'elle se pose de façon accrue en cette
période de la reconstruction nationale et de la démocratisation
de la République Démocratique du Congo qui nécessite
l'implication non seulement des hommes, mais aussi de toutes les forces vives
de la nation où l'on retrouve les hommes et les femmes.
Le programme d'action adopté à la
quatrième conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes,
tenue à BEIJING en 1995, a fait de l'intégration de la
problématique hommes-femmes dans la société, une
stratégie mondiale en vue de la promotion de l'égalité des
sexes. Cette conférence a souligné la nécessité de
faire en sorte d'assurer un rang de priorité élevé
à l'égalité des sexes dans tous les domaines du
développement sociétal.
La situation d'inégalité des sexes en
République Démocratique du Congo pourrait tirer son fondement de
l'environnement socio culturel et de son histoire fluctuante qui est producteur
de contextes diversifiés, de l'exclusion naturelle et
réfléchie de la femme dans l'exercice du pouvoir politique et
dans l'acquisition des dividendes de l' environnement économique,
géographique, socioculturel, etc.
Il est à noter cependant que ces
inégalités ne se vivent pas de la même façon par
l'ensemble de la population féminine congolaise. Dans un contexte
multiculturel et à réalités locales diverses, on note une
superposition de facteurs qui militent pour des statuts
différenciés des femmes.
Scruter le fonctionnement de Genre dans différents
contextes s'affiche comme une nécessité pour les acteurs de
développement afin que soient pris en compte de manière
intégrale, les faits générateurs du positionnement
défavorable des femmes dans leurs espaces de vie en République
Démocratique du Congo. La non prise en compte de réalités
auxquelles font face les femmes, de leurs besoins spécifiques et
stratégiques semble induire le renforcement de leur situation
défavorable, et cela par les politiques et stratégies de
développement non sexuées.
D'où, la visée de cette analyse qui,
au-delà des inégalités sexuelles constatées dans la
communauté politique congolaise, met en corrélation explicative
les variables Genre et la participation politique afin d'atteindre une
explication objective sur les spécificités féminines qui
influent sur la vie politique et vice versa. Au-delà de cette
conception, s'accole également l'étude systématique de
causes et effets de l'invisibilité des femmes dans les institutions
politiques congolaises, ainsi que l'analyse des préalables relatifs
à l'intégration des femmes au processus de la participation
politique, l'appartenance sociale, le milieu de résidence, l'âge
et la trajectoire historique des femmes congolaises.
Sans toutefois se plonger dans les conceptions
idéalistes ou Platoniciennes relatives aux explications de notre objet
d'étude, ce travail part de l'analyse de faits existants dans la
société congolaise, précisément dans l'ordre des
problèmes sectoriels du Genre appliqué dans un cadre
limité : la participation politique.
Ainsi, il est question de privilégier le courant
d'idées de matérialismes dialectiques ; l'unique courant
capable de produire un schéma explicatif approprié afin
d'atteindre l'explication de la causalité de l'invisibilité des
femmes dans les institutions politiques de la République
Démocratique du Congo d'une part, et de produire des explications
relatives à la nature de combat politique opposant les hommes et les
femmes ; les armes et stratégies utilisées par chaque camp
dans ce combat pour le pouvoir politique.
Les opinions sont de nos jours controversées et
divisent non seulement les individus en terme des sexes, mais aussi les
catégories sociales ; d'abord en ce qui concerne
l'égalité Homme-femme, ensuite la nécessité de la
participation politique des femmes dans l'exercice du pouvoir politique et
enfin, le rôle et l'influence des actions des femmes dans le processus de
la participation politique. Les groupes féminins orientés vers
la promotion de la femme devraient être visibles dans l'univers politique
congolais.
En outre, ils devraient jouer le rôle des
« fonctions tribunitiennes », c'est-à-dire, ces
groupes devraient lutter à travers le schéma qui va de la
récupération des revendications des femmes congolaises au niveau
de la base, les catégorisent en fonction des réclamations
prioritaires et les canalisent enfin, vers les instances du pouvoir pour que
ces dernières prennent des décisions en faveur des femmes.
Le combat politique est inévitable et manifeste en RDC.
Ce combat oppose les hommes contre les femmes, il peut être aussi
conçu comme celui explicité dans les littératures
marxistes. Car, il se manifeste sous la forme des rapports de domiciliations et
d'exploitations qui, traditionnellement présentent les Hommes comme une
classe d'Aristocratie dominante et les Femmes comme celle des serfs
dominés. D'où, l'usage du raisonnement dialectique
matérialiste dans l'explication scientifique de notre objet
d'étude.
Les déterminants et les manifestations du Genre face au
développement politique subissent les mutations incessantes, car les
textes juridiques garantissant les droits des femmes subissent aussi des
mutations en fonction de l'évolution de la société
elle-même. Ce type de changement incessant veut qu'on s'attache au
courant matérialiste dialectique dans l'explication du
phénomène « Genre et politique ».
La République Démocratique du Congo, en tant
qu'un univers politique, ne devrait pas continuer à fonctionner au
masculin. Il fallait, à l'heure actuelle procéder à la
valorisation, à la capitalisation et à la maximisation des
ressources ; prendre en compte les femmes comme ressources humaines
potentielles et importantes dans une logique de mixité sociale, socle de
tout développement durable.
Paradoxalement, au-delà de la volonté
affichée par les Nations Unies concernant la place et le rôle
d'une femme dans toute société moderne ainsi que les impulsions
des Associations Féminines, l'évolution de la situation de la
femme en République Démocratique du Congo reste presque
statutaire et dans l'immobilisme à quelques exceptions près. Les
statistiques fiables nous montrent qu'à l'échelle nationale, les
indicateurs du Genre révèlent:
- Du point de vue social : 70% des
personnes vulnérables et assujetties sont des femmes. Le nombre des
femmes analphabètes s'élève à 60% par rapport aux
femmes instruites, une femme sur 3 au moins reçoit des coups ou subit
des relations sexuelles imposées. (Voir le rapport annuel de
l'UNESCO(34(*))), environ
200 fillettes par an sont utilisées pour devenir esclaves de sexe ou
prostituées en République Démocratique du Congo ;
- Du point de vue de la santé :
En République Démocratique du Congo, 75% des jeunes
infectés par le VIH sont des filles âgées de 15 à 24
ans ;
- Du point de vue de la politique : les
femmes élues dans tout le pays ne représentent que moins de 15%
de parlementaires ;
- Du point du vue de
l'économique : les femmes ne possèdent qu'un 1% des
richesses du pays.
Dans le cadre de ce mémoire, l'aspect politique nous
préoccupe le plus, car c'est dans la politique que se définissent
les destinées des gens et se prennent les grandes décisions
orientant les activités des autres domaines de la vie, or la femme y est
presque absente. Sa visibilité dans la sphère publique est
très faible. En tant que chercheur en sciences politiques,
précisément dans le domaine de GENRE, nous ne pouvons en aucun
cas nous passer des enjeux de cette nouvelle donne afin de comprendre la nature
de ce phénomène politique, l'analyser et l'expliquer de
façon rationnelle et scientifique pour dégager le sens
réel de la corrélation Genre et la participation politique.
Comme on peut le remarquer, l'univers d'étude
étant vaste, nous avons ciblé, observé et orienté
notre analyse dans la Province du Maniema. A partir de la réalité
du Maniema, nous avons globalisé la situation de la femme congolaise en
général grâce à l'usage de raisonnement inductif.
Temporellement, cette étude couvre la période allant de 1960
à 2011, du fait que c'est à partir de cette période que
l'élite politique congolaise exerce de façon indépendante,
ses activités politiques vis-à-vis des autres pays dits
« anciennes colonies ».
A cet effet, cette étude permettra, du point de vue
théorique, d'ouvrir une brèche des nouvelles discussions
scientifiques sur le rapport Genre-participation politique dans les pays dits
du tiers monde. En outre, c'est aussi un cadre de référence
pouvant aider tout opérateur politique afin qu'il saisisse l'importance
de promouvoir ou de favoriser la participation des Femmes dans le processus de
la démocratisation du pays. Car, les femmes constituent une force
sociopolitique capable d'influer sur l'organisation et le fonctionnement
harmonieux des structures politiques de chaque Etat.
De ce qui précède, il y a lieu de poser des
questions ci-après afin de situer notre objet d'étude par rapport
au problème explicité ci-haut : Existe-il, en RDC des
facteurs explicatifs du Genre. Une fois mis en application, pourraient-ils
contribuer à la participation politique inclusive ? Si non, que faire
pour que la matérialisation de l'approche Genre suscite la
visibilité des femmes dans l'exercice du pouvoir politique au Congo?
Quels sont, enfin, les indicateurs manifestes des inégalités
Hommes-Femmes prouvant que l'invisibilité des femmes au sein des
institutions politiques de la RDC est une réalité?
Dans un travail scientifique, il ne peut-être question
de collectionner et d'accumuler des données au hasard, sans respecter
les canons de la recherche scientifique, car les phénomènes socio
politiques qui font l'objet de notre analyse sont complexes et menacent
constamment d'égarer le chercheur de la voie tracée par les
spécialistes. Une idée anticipée doit être le point
focal de tout raisonnement expérimental.
3. HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS DE TRAVAIL
Partant de nos préoccupations nous avons pu
dégager trois hypothèses explicatives suivantes :
Primo, nous estimons qu'il existerait en République
Démocratique du Congo des conceptions explicatives sur le Genre, issues
des connaissances empiriques et réflexives qui bloqueraient le
processus de la participation politique inclusive.
Secundo, ces conceptions péjoratives et subjectives de
la notion de Genre, la déconsidération des potentialités
féminines, la primauté des pratiques traditionnelles face aux
textes juridiques modernes sur la position de la femme, l'abandon forcé
de scolarité des jeunes filles en faveur des enfants du sexe masculin
seraient des faits générateurs de l'invisibilité des
femmes dans l'espace où les décisions politiques sont prises en
RDC.
Tercio, nous estimons que le nombre des femmes parlementaires
congolaises par rapport à celui des hommes parlementaires, le nombre des
femmes responsables des partis politiques, le nombre des femmes ministres tant
au sein de gouvernement central que dans les gouvernements provinciaux,
l'inexistence de leadership politique féminin dans les diverses
structures politiques et sociales, seraient des indicateurs manifestes de
l'invisibilité des femmes dans les institutions politiques de la
République Démocratique du Congo.
La présente étude poursuit quatre objectifs
pratiques ci-après:
1. Répondre à la question de savoir si dans
notre pays en général et dans la ville de Kindu en particulier,
existe-t-il des facteurs explicatifs du Genre qui, une fois mis en application,
pourront contribuer à la participation politique inclusive de la
RDC;
2. Comprendre pourquoi l'exclusion et la discrimination des
femmes sont des réalités sociales dans notre
société ;
3. Présenter et analyser, les indicateurs
manifestes des inégalités Hommes-Femmes prouvant que
l'invisibilité des femmes au sein des institutions politiques de la RDC
est une réalité sociale;
4. Proposer les alternatives des solutions pouvant permettre
aux responsables des divers services publics et privés, aux gouvernants,
à toute la population congolaise en général et aux femmes
engagées dans les formations politiques, de pouvoir intégrer dans
leurs activités spécifiques, l'approche Genre afin de lutter
contre toutes sortes des discriminations des femmes dans notre
société.
4. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
4.1. LA METHODE.
Malgré la présence des textes anciens comme la
Bible ou le Coran sur les considérations de Genre, les recherches
féministes entant qu'ensemble d'énoncés cohérents
et falsifiables sont récentes.
Des années 1970 au cours desquelles les mouvements
féministes inspirés des courants marxistes connurent un essor
considérable à nos jours, elles se sont imposées
à d'autres champs épistémologiques sans pour autant
s'imposer comme discipline autonome avec ses théories, ses paradigmes et
ses méthodes.
Dans ce contexte, les démarches interdisciplinaires
apportent un secours à toute personne engageant des études sur le
Genre. Compte tenu de l'objectif poursuivi qui est de déterminer les
défis cognitifs et méthodologiques susceptibles de conduire
à une révision des « stéréotypes
Genres » en relation avec la participation politique, il est apparu
indispensable de rechercher les facteurs de cette corrélation dans les
réflexions menées jusqu'ici sur le sujet.
La revue de littérature s'est donc imposée
comme la seule démarche pouvant remplir ce rôle. En outre, le
schéma Marxiste est aussi favorable dans la confrontation des opinions
sur le rôle et la place de la Femme dans la communauté politique
congolaise.
Si l'implication et la participation active des femmes dans
l'exercice du pouvoir politique est une thèse
pour certains congolais, d'autres combattent par contre cette vision et vont
jusqu'à la qualifier ou à l'assimiler à la
déculturation et dépravation des moeurs congolaises (c'est une
antithèse). Pour nous, il est question de
mettre en connexion ces variables pour tirer enfin une
synthèse. Cette démarche nous plonge
dans le courant marxiste classique afin d'atteindre l'explication de notre
objet d'étude.
Notre choix sur la démarche (méthode)
dialectique matérialiste est fondé sur l'obligation de
procéder par l'analyse et l'explication de l'origine de
phénomène « invisibilité des femmes au sein des
institutions politiques tant au niveau national que provincial »,
explorer enfin la nature et le développement de cette
invisibilité.
Dans ce travail, le Genre est une réalité
sociale considérée dans sa totalité. Ainsi, il exige un
examen ou un inventaire dans sa globalité qui n'est ni
mécaniquement déterminée, ni complètement
donnée au hasard. Plusieurs faits déterminent et enveloppent ce
que l'on a considéré au passé et ce qu'on peut
considérer actuellement comme phénomène
« Genre ». Parmi ces déterminants, nous avons
considéré dans cette étude : les faibles taux de la
représentativité des femmes dans les institutions politiques, les
préalables coutumiers et traditionnels, la culture des habitants du
Maniema dictée par les influences de la civilisation des
Arabes-musulmans, l'exigence de l'autorisation maritale comme préalable
relatif à l'embauchage des femmes au sein des diverses institutions, les
dispositions juridiques promulguées en faveur de la promotion des
femmes, l'abandon de la scolarité des jeunes filles en faveur des jeunes
garçons, etc.
Considérant que notre travail doit se situer par
rapport au courant d'idées matérialiste historique, nous devons
mettre le critère de la pratique à la base de la connaissance. A
cet effet, le Genre est un phénomène issu des faits manifestes et
réels qui se déroulent dans la société congolaise
et partout ailleurs. C'est pourquoi l'explication rationnelle de ce
phénomène nous plonge dans l'univers social où d'autres
faits concrets sont tirés en vue de nous permettre de faire une
corrélation explicative logique. Toutes les considérations
théoriques secrétées dans le cadre du Genre sont
corroborées avec les pratiques quotidiennes des congolais afin de
dégager des explications objectives qui s'opposent aux explications
intentionnelles des faits.
En outre, le phénomène Genre et la participation
politique, thème qui nous a poussé à étudier les
motivations à la base de l'invisibilité des femmes au sein des
institutions politiques, est un ensemble ou un globalisme. Ce globalisme loin
de subir des explications visant à lui demander comment est-ce qu'il
explique la partie ou les parties, mais nous exigeons dans ce travail que ce
globalisme nous explique pourquoi il existe, ou comment. D'où il est
venu, qu'est-ce qui lui arrive, bien sûr avec l'évolution de la
société.
Le globalisme (phénomène Genre et
invisibilité des femmes dans les institutions politiques) est en
mouvement, lequel prend ici, deux formes : la forme évolutive et la
forme révolutionnaire. Il est évolutif ici, quand dans certaines
institutions publiques, on exige que les femmes soient
représentées.
A cet effet, les statistiques des femmes se trouvant dans les
institutions où les grandes décisions politiques sont prises
varient de manière continuelle ou progressiste et cela de façon
spontanée et quotidienne, ce qui apporte dans le vieil ordre des choses
de menus changements « quantitatifs ». Certains tableaux
visualisés dans cette étude, montrent la manière selon
laquelle les statistiques progressives des femmes parlementaires ont subi un
mouvement évolutif en RDC depuis l'an 1960.
Le mouvement est aussi révolutionnaire, quand lorsque
les éléments déterminants le phénomène qui
fait l'objet de notre étude s'unissent, se pénètrent d'une
idée commune et s'élancent contre la camp ennemi pour
anéantir jusqu'à la racine le vieil ordre de choses. Ils
apportent dans la vie des changements « qualitatifs », en
vue d'instituer enfin un nouvel ordre de choses.
Il arrive parfois que la présence des femmes est
incontournable lorsqu'on veut mettre sur pied les bureaux permanents des
institutions politiques et ceux des institutions d'appui à la
démocratie. De même, au moment de la formation de tout
gouvernement, le Chef du gouvernement (Premier Ministre dans le régime
parlementaire classique ou Chef de l'Etat dans le régime
présidentiel) a de nos jours l'obligation de mettre un nombre de femmes
afin de prouver que ces dernières ne sont pas discriminées. Ces
récentes pratiques prouvent que le mouvement révolutionnaire que
subi le phénomène qui fait l'objet de notre étude, est une
réalité.
Le schéma POLITZERIEN et VERHAEGENIEN
de la dialectique matérialiste demeure au centre de l'explication
causale de notre objet d'étude. C'est pourquoi certains principes sont,
ici, considérés comme des lois que nous avions manipulées
pour rendre opérationnelle notre méthode. Il s'agit des lois
ci-après :
- La loi de la connexion
universelle ;
Dans l'explication de la considération de l'approche
Genre face aux enjeux du développement intégral ou politique dans
un espace limité comme la RDC, nous l'avons considéré
comme un « tout » qui se tient et qui influe sur les restes
d'activités de la société, à savoir :
l'économie, la politique, le social, la diplomatie, l'histoire, etc.
Prenons le cas d'histoire, la RDC a connu une histoire qui a
motivé les citoyens de sexe masculin à considérer les
femmes comme des êtres de seconde nature. Il s'agit plus
particulièrement des citoyens vivant à l'Est du pays où
les Arabes musulmans extrémistes ont imposé l'islam comme
l'unique religion d'Etat.
Quant à l'économie, le système de la
division naturelle de travail, précisément en fonction des sexes,
a fait que dans les entités primitives congolaises, certains travaux
soient exclusivement de la compétence des Hommes (la chasse, la
pêche, la fabrication des outils en métal, etc....) et d'autres
pour les Femmes (la cueillette, le ramassage et les travaux des
ménages). Cette situation prouve une discrimination
délibérée mais subjective. De nos jours, la question sur
l'autorisation maritale avant d'exécuter un contrat du travail est un
phénomène qui prouve que la discrimination est encore à sa
phase active.
Pour ce qui est de la politique, bien que la constitution du
18 février 2006 exige que les femmes soient représentées
dans toutes les institutions publiques à cinquante pour cent, mais dans
la pratique les statistiques prouvent que cette représentation n'atteint
même pas le 5% sur tous les domaines professionnels. Il en est de
même pour les femmes diplomates par rapport aux hommes.
Le social est encore pire que les autres domaines, car les
femmes subissent les violences de tout genre. A la maison, au service, à
l'école, à l'église,.... Dans les ménages, les
femmes exécutent les tâches plus vastes que les hommes.
Tous ces faits influent sur le Genre et vice versa. C'est
pourquoi ces différentes matières interagissent entre-elles. Tout
dans ce monde agit sut tout. La formation scolaire des filles agit sur la
considération de Genre, le système éducatif dans les
foyers agit sur la considération de Genre, la politique agit sur la
considération du Genre, l'Administration publique de même, etc. ce
qui justifie notre position de ne pas isoler une matière ou de la
soumettre à des explications isolées.
- La loi du développement
incessant ;
Toutes les matières qui s'entrechoquent ou qui sont en
action réciproque sur la problématique du Genre ne restent jamais
où elles sont. Elles sont dans la mobilité et elles subissent des
mutations perpétuelles. C'est-ce qui nous a poussé dans ce
travail de te compte des explications diachroniques, du fait que dans ce
mouvement évolutif, nous avons constitué ou regroupé des
informations chronologiques sur l'évolution de la considération
du phénomène Genre dans le monde en général et en
RDC en particulier.
- La loi de la lutte des
contraires ;
Le Genre en tant qu'un objet doté de la
réalité sociale n'a pas commencé exactement comme il se
présente actuellement. Ainsi, il faut retenir que ce
phénomène renferme toujours un élément
contradictoire. Dans le cas d'espèce, il sied de l'opposer ici à
la variable « Sexe ». Ces deux variables sont en
contradiction permanente, mais inséparables entre elles.
Ainsi, la construction biologique du sexe est en contradiction
permanente avec la construction sociale du sexe. L'unité de cette
contradiction fait en sorte qu'il y a dans la communauté congolaise des
sujets disposant des sexes biologiques féminins, mais ils agissent comme
des hommes, ils parlent comme des hommes et luttent pour la conquête du
pouvoir politique de la même façon que les individus disposant des
sexes biologiques masculins. A ce niveau, nous confirmons à la
lumière de notre travail qu'ils sont des « Hommes »,
une construction sociale du sexe.
Le Genre est perçu donc comme l'unité des
contraires entre la construction sociale du sexe et la construction biologique
du sexe, dans le sens où les deux variables ont inséparables,
bien qu'elles soient en contradiction permanente. Nous ne pouvons en aucun cas
parlé du Genre sans parler effectivement des personnes de sexe
féminin ou de sexe masculin.
- La loi du changement
qualitatif.
L'éradication des usages coutumiers qui, au paravent
obligeaient, en RDC, les femmes de s'occuper exclusivement des travaux des
ménages et l'adoption des instruments juridiques portant sur la
promotion et la considération de Genre dans toutes ses dimensions,
constituent un avènement d'une révolution mentale sur la question
de Genre. A cet effet, l'ordre social établi est remplacé par un
nouvel ordre social, que tout congolais en général ou tout
habitant de la ville de Kindu en particulier a l'obligation
d'intérioriser et d'appliquer. C'est un changement qualitatif qui
apparait dans notre univers social et qui s'impose à tous.
Cette voie méthodologique à la fois simple et
complexe a été utilisée ensemble avec quelques instruments
techniques d'approche pour la collecte et l'analyse des données. Il
s'agit de la recherche documentaire, de l'observation directe
désengagée et de l'enquête par des interviews.
4.2. LES TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES.
Pour collecter les données, les traiter et/ou les
analyser, nous nous sommes servis des techniques suivantes : la recherche
documentaire, l'observation directe et l'enquête par des interviews.
a) La recherche documentaire.
La recherche documentaire a été
privilégiée pour faire un état des lieux de la situation
des femmes, et mettre en lumière les disparités de Genre qui
existent en RDC.
Elle nous a permis ensuite de présenter les concepts
théoriques sur la question et de passer en revue une étude
approfondie de la littérature existante : les ouvrages, les
périodiques, les archives, les rapports, les articles des revues, les
publications à l'internet, les diverses communications sur le Genre et
tant d'autres documents qui ont contribué à la
compréhension du sujet.
L'abondance de la moisson issue de ce vas et viens
documentaire est certes perceptible à travers d'innombrables recours aux
citations et références aux écrits d'autres chercheurs.
Ainsi, nous avons fait aussi recours à notre
expérience personnelle sur la notion de Genre, car nous avons eu
l'occasion de participer à des nombreux colloques scientifiques sur le
Genre et autres notions similaires tant au niveau local, national
qu'international en synergie avec les autres chercheurs sur le Genre. Les
données ventilées par sexes des provinces ont alimenté
cette étude pour l'analyse de la situation des femmes en RDC.
b) L'observation directe désengagée.
La technique documentaire est soutenue par une observation
systématique, mais désengagée. Cette dernière nous
permet de voir et de décrire sans tenir compte des considérations
subjectives de la situation de la femme congolaise dans la vie politique. Notre
curiosité était aussi portée sur les diverses
activités réalisées par les femmes, la manière dont
celles-ci s'engagent à lutter pour la promotion de Genre.
A Kindu par exemple, nous avons été curieux
d'observer l'engouement des femmes dans les diverses activités telles
que : les défilés organisés le 18 mars de chaque
année (journée internationale des femmes), la tenue des ateliers
et séminaires sur la question de la femme, etc.
Nous avons été émerveillés par la
particularité de Kindu où juste pour la période allant de
janvier à septembre 2010, les femmes réunies au sein de l'ONG
MWANGA ont organisé 24 ateliers de formation afin que lors des
échéances électorales de 2011 les femmes candidates soient
représentées.
L'émergence de ces Associations féminines
à Kindu est une occasion de confirmer la volonté manifeste des
femmes congolaises dans le combat de leur considération. Ce regard
intéressé et curieux nous a servi de première moisson
d'informations brutes mais incomplètes qu'il s'avérait
nécessaire de compléter par d'autres sources articulées,
structurées dont l'interview.
c) L'enquête par des interviews.
Ainsi, à l'occasion de pré enquête et
l'enquête sur le terrain à Kindu chef-lieu de la province du
Maniema, plusieurs entretiens ont été réalisés
à l'aide de l'interview structurée et directive sur les femmes
rencontrées dans les différents colloques, ateliers,
séminaires et meetings à l'intention des femmes. Le choix de la
ville de Kindu se justifie par le fait que Kindu est le chef-lieu de la
Province du Maniema. Cette dernière est l'une des entités de la
RDC qui ont connu la pénétration des Arabo-musulmans avant
l'arrivée des colonisateurs Belges. Ces Arabes ont laissé une
civilisation qui fait de la femme un être de seconde nature.
Ces entretiens visaient plus d'accéder au vécu
quotidien des femmes, leur situation au sein des ménages et dans les
espaces où les décisions politiques sont prises, les contraintes
sous-jacentes et la marge des libertés que leur offrent les textes
juridiques de la RDC.
Les entretiens ont été également
réalisés auprès des responsables des Associations
Féminines de la ville de Kindu, les Organisations Non-gouvernementales
et autres qui s'intéressent à la promotion et à
l'encadrement des femmes.
Au total 12 Associations Féminines, 4 confessions
religieuses disposant des structures d'encadrement des femmes, 5 partis
politiques et 12 ONG ont été sélectionnées à
partir de la méthode de sondage par choix raisonné ou la
méthode non probabiliste. Retenons que nous nous sommes
intéressés plus à la pré enquête qu'à
l'enquête proprement dite, car c'est la technique documentaire qui nous a
servi davantage et qui nous a permis de procéder par l'analyse
documentaire.
Les entretiens ont porté sur 50 femmes
considérées comme leaders féminins dans la ville de Kindu.
A cet effet, la technique d'échantillonnage non probabiliste en boule de
neige a été utilisée pour constituer l'échantillon.
Le choix de cette technique se justifie par l'absence d'une liste exhaustive
des femmes engagées dans les Associations Féminines et les ONG.
Ainsi, pour constituer notre échantillon, nous sommes
partis d'un petit groupe de femmes engagées dans les partis politiques.
Précisément celles du PPRD et MSR. C'est à partir de ces
deux groupes que nous avons pu atteindre les autres femmes qui évoluent
dans les structures féminines des confessions religieuses et celles qui
sont actives dans les ONG et ASBL.
Certes, cette technique nous a permis d'atteindre d'autres
femmes à interroger, grâce aux renseignements fournis par les
premières. C'est pour dire que les unités enquêtées
nous ont servi comme sources d'identification d'unités
d'échantillonnage additionnelles pour constituer notre
échantillon définitif.
La répartition par activité des femmes de Kindu
sélectionnées pour la constitution de notre échantillon se
présente comme suit :
Tableau N°1 répartition des femmes
enquêtées par structures
N°
|
Structures
|
Score
|
%
|
01
|
PARTIS POLITIQUES
|
20
|
40
|
02
|
CONFESSIONS RELIGIEUSES
|
15
|
30
|
02
|
ONG ET Asbl
|
15
|
30
|
|
TOTAL
|
50
|
100
|
Il ressort de cette représentation que 30 % ayant fait
partie de notre échantillon proviennent et évoluent dans les
partis politiques ; contre 15% des femmes qui sont très
engagées dans les structures des confessions religieuses et 15% enfin,
ce sont des femmes activistes des ONG et des Asbl féminines. Cette
situation peut s'expliquer non seulement par le sondage à choix
raisonné pour lequel nous avions opté, mais aussi par le fait que
la majorité des femmes ce dernier temps évoluent plus dans les
formations politiques.
La détermination de notre échantillon s'est
faite en respectant le « principe de zonage » en deux
temps. Au premier temps, il était question de choisir les sites
où les femmes se rencontrent pour débattre les problèmes
pouvant leur permettre d'exercer le pouvoir politique. Il s'agit des secteurs
ou unités d'analyses sur lesquelles porteraient l'étude au moyen
de l'enquête. C'est-à-dire le Zonage. Au second temps, il
était question de choisir les femmes à interroger. Pour avoir ces
femmes-enquêtées, nous avons fait deux tâches
successives : premièrement, il fallait faire une
pré-enquête sur la conception de phénomène Genre par
les femmes du Maniema dans les sites ciblés, se rendre aussi compte du
niveau d'organisation des femmes au sein de chaque site ainsi que le choix des
effectifs à interroger. Ici, nous avons interrogé un nombre
réduit de femmes, soit 5 pour les partis politiques et 2 pour les
structures des confessions religieuses et 3 pour les ONG et Asbl. C'est
à partir de 10 femmes que nous avons pu atteindre les autres qui ont
constituées un échantillon de 50 personnes enquêtées
oralement.
Les sujets enquêtés nous ont permis d'avoir non
seulement les informations sur le vécu et les causes de
l'invisibilité des femmes dans les institutions politiques, mais
également d'entrer en possession des données statistiques et
administratives sur la question et d'explorer le champ conceptuel de cette
étude.
5. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Hormis cette introduction qui, présente l'état
de la question, pose la problématique, définit les
hypothèses, les objectifs du travail et présente
brièvement les procédés méthodologiques de la
recherche et d'explication, toile de fond ayant servi à la collecte, au
traitement et à l'analyse des données et à l'explication,
ce travail comprend quatre chapitres.
Le chapitre premier définit et présente le
cadrage théorique. Concrètement, il définit la notion du
problème « Genre » et va jusqu'à toucher la
question du développement politique. Ce chapitre présente
également les diverses théories développées sur la
problématiques du Genre;
Le deuxième chapitre présente les
mécanismes de la promotion de Genre en République
Démocratique du Congo ;
Le troisième chapitre porte sur l'instauration d'un
nouvel ordre en RDC : femmes et processus électoral de l'an
2006 ;
Le quatrième chapitre enfin, aborde les
différents mécanismes de la pérennisation de la
participation politique des femmes congolaises.
Une conclusion coiffe l'ensemble de la dissertation,
l'embellit et jette un pont pour des nouvelles perspectives, avant que la
bibliographie et la table des matières ne bouclent définitivement
la rédaction de l'ensemble du présent mémoire.
CHAPITRE I. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
Le premier chapitre de ce travail se propose
de décrire à la première section : les
généralités sur la notion du Genre. La deuxième
section porte sur le fondement des disparités de Genre en RDC et la
question de l'hétérogénéité des femmes
congolaises. La troisième enfin, présente l'évolution des
approches du développement et du Genre.
I.1. LA DESCRIPTION DE LA NOTION DU GENRE
I.1.1. Théorie Genre et Sexe.
Indissociables des mouvements de
libération des femmes des années 1960-1970, les études
consacrées aux femmes, « études
féministes » ou encore women studies, sortes
d'« effets théoriques de la colère des
opprimées », selon la formule de Colette
Guillaumin, se sont développées dans les pays
anglo-saxons et en Europe occidentale afin de dénoncer les inégalités de traitement dont celles-ci
étaient victimes dans la plupart des domaines de la vie sociale
(accès aux études et au travail, maîtrise de son corps,
charges parentales et domestiques, etc.). 35(*)
Il s'agissait avant tout de compenser une vision scientifique
jusqu'alors « androcentrée », c'est-à-dire
essentiellement fondée sur le rôle des hommes dans l'histoire et
l'organisation des sociétés, de remédier aux Silences
de l'histoire soulignés par l'historienne Michelle
PERROT.36(*)
I.1.1. 1. Le Genre comme
construit social
Réaliser des études sur les femmes
s'avère rapidement insuffisant. Cela permet tout au plus de lutter pour
une amélioration de leurs conditions de vie, sans pour autant souligner
le caractère contingent, historiquement construit - et donc
relatif - de la répartition des tâches
entre sexes dans les différentes sociétés.
Pour souligner combien les « rôles sexuels » analysés
par l'anthropologue Margaret MEAD37(*) dès 1928 n'ont rien de naturel ni
d'immuable mais constituent dans chaque société l'aboutissement
d'une construction historique et culturelle, et pour
prolonger la distinction établie en 1949 par Simone de
BEAUVOIR entre sexe biologique inné et sexe social acquis, une
nouvelle notion devait être utilisée. 38(*)
Dès 1972, dans son essai Sex, Gender and
Society, la sociologue féministe britannique Ann
OAKLEY, s'inspirant notamment du psychanalyste Robert
STOLLER, proposa le terme Gender afin de distinguer le sexe,
donné biologique, et le Genre, construit social variable et
évolutif. Là où les différences biologiques
seraient données et naturelles, les identités de genre seraient liées à
la transmission, à travers divers dispositifs de socialisation (famille,
école, médias, culture, amitiés, etc.), de manières
d'être, de penser et d'agir orientant chaque individu vers des
modèles de la masculinité et de la féminité, vers
des identités et des rôles sociaux historiquement attribués
à chaque sexe à partir d'une naturalisation des
différences sexuelles et de l'idée d'un profond
déterminisme biologique.39(*)
Quelques années plus tard, en 1988, l'historienne
américaine Joan SCOTT contribua
à ajouter à la dimension constructiviste l'idée de
relations de pouvoir entre sexes aboutissant en
général à une domination masculine
dans les sphères privées et publiques. Elle soulignait ainsi que
« le Genre est un élément constitutif de rapports
sociaux fondés sur des différences perçues entre les
sexes, et le Genre est une façon première de signifier des
rapports de pouvoir », c'est-à-dire « un champ
premier au sein duquel ou par le moyen duquel le pouvoir est
articulé ».40(*)Les hommes se seraient appuyés sur les
différences biologiques, sexuelles, présentées comme
naturelles pour justifier une répartition des tâches à leur
avantage.
Les anthropologues Françoise Héritier et Paola
TABET41(*) ont
ainsi montré comment ceux-ci ont, dès la protohistoire,
monopolisé la fabrication et l'utilisation des outils en se
réservant des domaines de compétence privilégiés
(chasse, guerre, etc.). Cette ségrégation des domaines
d'activité imposée par les hommes au nom d'une force masculine
supérieure, destinée en réalité à compenser
leur incapacité à enfanter, eut pour conséquence de
renvoyer les femmes à des tâches présentées comme
mieux adaptées à leur nature spécifique (constitution
physique plus faible et maternité censées justifier leur maintien
dans des activités de maternage et de petite récolte, par
exemple).
Indissociable d'une hiérarchisation entre tâches
nobles et communes, la division des rôles sociaux masculins et
féminins, fidèle au mythe grec d'Hestia et Hermès (la
femme à l'intérieur/l'homme à l'extérieur du
foyer), conduisit à une « valence
différentielle » des sexes universellement établie.
I.1.1.2. Déconstruire les
stéréotypes quotidiens
Les utilisations des notions de Gender ou de Genre
furent variables et donnèrent lieu à de nombreux débats.
Certaines féministes sont allées jusqu'à estimer que le
terme était trop usité pour conserver sa capacité
critique, et lui ont préféré les notions de
« rapports sociaux de sexe », ou encore de « sexe
social ».
Traduire le concept anglais n'était guère
évident, notamment en français, le terme
« Genre » étant polysémique. En outre, comme
l'a rappelé Éric FASSIN, la traduction tendait
à gommer l'histoire spécifique du féminisme anglo-saxon,
associé au puritanisme et à la guerre des sexes, là
où le féminisme français semblait plus pacifique.42(*)
Mais au-delà de la diversité de ses usages,
d'après nous, le concept de « Genre » comporte un
intérêt remarquable, en ce qu'il permet de déconstruire et
de questionner des réalités sociales souvent hâtivement
décrites comme naturellement imposées et
irrémédiables, dans de très nombreux domaines sociaux.
Plus personne n'oserait aujourd'hui écrire, tel
Gustave LEBON à la fin du
XIXe siècle, que « le volume du crâne de
l'homme et de la femme, même quand on compare des sujets d'âge
égal, de taille égale, et de poids égal, présente
des différences considérables en faveur de l'homme, et cette
inégalité va également en s'accroissant avec la
civilisation, en sorte qu'au point de vue de la masse du cerveau et, par suite,
de l'intelligence, la femme tend à se différencier de plus en
plus de l'homme ». 43(*)
Mais les stéréotypes demeurent nombreux, quant
à des prédispositions féminines ou masculines
supposées naturelles : ainsi des talents innés de la femme
pour le maternage et le soin à autrui, des compétences
plutôt masculines pour les domaines scientifiques et techniques et de
l'appétence féminine corollaire pour les matières
littéraires et les métiers relationnels, ou encore des approches
différentes de la politique qui distingueraient hommes et femmes, etc.
Raisonner en termes de Genre permet d'interroger ces types de
présupposés communs, en soulignant combien la
réalité est souvent plus complexe, liée à des
représentations sociales parfois tellement intériorisées
que les individus n'en ont plus conscience et peuvent avoir le sentiment d'agir
par simple goût ou choix personnels. Il devient dès lors souvent
difficile de déterminer si un comportement est lié à des
injonctions et des normes sociales, à un choix individuel, ou bien
à un « faux » choix consistant en
réalité à « faire de nécessité
vertu », comme le note Pierre BOURDIEU dans La
Condition masculine (ainsi les filles choisissant les sections
littéraires en étant persuadées qu'elles sont plus
douées pour les lettres).44(*)
Travailler sur les identités hommes/femmes et leurs
relations impose de renoncer à des schémas simplistes et
catégoriques, pour souligner au contraire la complexité de la
« fabrique » du Genre. Il est tout d'abord
nécessaire de ne pas présupposer l'existence de deux groupes
homogènes, « les hommes » et « les
femmes ». Il faut ensuite tenir compte de la multiplicité et
de l'ambivalence des processus de socialisation, par exemple les modèles
différents et les injonctions contradictoires présents dans la
publicité, qui contribuent à fixer ou à faire
évoluer - souvent très lentement -, certains
stéréotypes, certaines identités et relations sociales.
Il faut aussi être attentif à la coexistence
d'identités de Genre historiquement construites et fortement
contraignantes avec la participation de chaque individu, au quotidien, à
la construction des représentations du masculin et du
féminin : le Genre est une donnée objectivable, mais
également un rapport interindividuel en construction permanente.
Il est d'ailleurs impossible d'isoler le Genre d'autres
données telles que le milieu socioprofessionnel, l'origine nationale ou
religieuse, la génération, etc., qui peuvent venir modifier ou
amplifier les effets imputables aux identités ou rapports de Genre
(cumul des handicaps dans le domaine professionnel pour les jeunes femmes peu
diplômées et d'origine étrangère, par exemple).
Il est enfin indispensable de dissocier ce qui relève
de données objectivables (comparaison statistique de la situation des
hommes et des femmes sur le marché du travail, en politique, etc.) et
les discours ou présentations de soi - identités dites
stratégiques -, d'acteurs mobilisant parfois la rhétorique
du Genre soit comme ressource soit comme variable stigmatisante. Il en va ainsi
par exemple de l'utilisation par certaines élues de l'idée d'un
« art féminin de la politique », destinée
à légitimer leur présence lors des discussions sur la
parité en politique.
I.1.1.3. « Trouble dans le
Genre »
Le sexe précède-t-il le genre, ou est-ce
l'inverse ? Certains auteurs, dits « essentialistes »,
estiment qu'existent en premier lieu des natures féminine et masculine
irréductibles, biologiquement données, à partir desquelles
se sont édifiées les relations de Genre. À l'inverse, les
« anti-essentialistes », s'inspirant notamment des travaux
de Michel FOUCAULT sur la sexualité, proposent de
renverser le lien entre Sexe et Genre, et considèrent que ce sont avant
tout les rapports de forces inégaux entre hommes et femmes, les
relations de Genre, qui ont conduit à mettre en avant une bipolarisation
sexuelle susceptible de naturaliser et de justifier la répartition des
rôles sociaux selon les sexes. 45(*)
Ainsi, pour Christine DELPHY, « si
le Genre n'existait pas, ce qu'on appelle le Sexe serait dénué de
signification, et ne serait pas perçu comme important : ce ne
serait qu'une différence physique parmi d'autres ». Les
différences de sexe, supposées naturelles, sont donc elles aussi
culturellement construites. Avec la multiplication de mouvements et
théories Queer (mot anglais signifiant
littéralement « bizarre »,
« étrange », voire
« déviant », et de plus en plus associé aux
homosexuels), le débat s'oriente, au tournant du
XXe siècle, sur l'articulation entre Genre et
sexualité.46(*)
Certains auteurs, telle que
Judith BUTLER, invitent à poursuivre l'effort
intellectuel de dénaturalisation ayant permis de conceptualiser la
notion de Gender. Il s'agit, selon eux, de renoncer à raisonner
à travers l'association des binômes sexe/genre et nature/culture,
et de dissocier l'idée de Genre de l'opposition nécessairement
binaire entre féminin et masculin. 47(*)
De notre part, nous disons que l'injonction à se
conformer nécessairement à la norme du féminin ou à
celle du masculin révèle une erreur essentielle, consistant
à oublier que les identités sexuelles sont elles-mêmes des
construits culturels et que le binôme féminin/masculin ne vient
pas « épuiser le champ sémantique du Genre ».
Le classement hétérosexuel/homosexuel
s'avère tout aussi normatif et lié au désir de classifier
et de masquer des orientations sexuelles initialement multiples, des
identités personnelles bi- ou trans-genre, marquées par des
traits et des désirs à la fois féminins et masculins, et
non réductibles à l'un ou l'autre.
Judith BUTLER Invite à
reconnaître le « trouble » qui existe dans le genre
et les identités sexuelles et à subvertir les injonctions
normatives en matière de sexualité. Il faut cesser de naturaliser
et classifier sexes, corps et désirs sexuels, et laisser
s'épanouir la multitude de configurations identitaires possibles en
matière de sexualité et de genre.
I.1.2. La Théorie du
Féminisme.
Ce qu'on désigne sous le terme
« féminisme » est un mouvement complexe à la
fois politique, social, culturel et intellectuel, qui s'est affirmé dans
le dernier tiers du XXe siècle au sein de la culture
occidentale (États-Unis et Europe) pour s'étendre ensuite, sous
des formes diverses, à toutes les régions du monde. Il met
théoriquement et politiquement en question la relation entre les sexes
qui a assuré séculairement « la domination
masculine ».
En effet si, à travers toute l'histoire humaine, la
différence des sexes s'est traduite dans des formes sociales et
culturelles multiples et a fait l'objet de conceptions religieuses et
philosophiques diverses, c'est cependant toujours sur la
base d'une structure duelle, hiérarchique et inégalitaire,
diversement modulée, constituant un « invariant »
dont Françoise Héritier48(*)a relayé par la
démocratie elle-même : celle-ci dans sa version grecque,
comme dans sa version moderne, se contente de substituer au patriarcat un
fratriarcat selon C. Pateman.49(*)
C'est par son caractère global que le féminisme
contemporain se distingue des manifestations sporadiques qu'il avait connues au
cours des siècles antérieurs, manifestations qui étaient
généralement liées à un objectif sectoriel et/ou
concernaient un groupe déterminé. Ce mouvement conteste
désormais structurellement les formes tant économiques que
sociales, politiques, culturelles, privées ou sexuelles, du rapport
entre les sexes.
Il faut porter au crédit de
Simone de BEAUVOIR 50(*) d'avoir, en 1946, su repérer et articuler pour
la première fois dans une réflexion générale les
manifestations les plus diverses de la dualisation hiérarchique des
sexes, et les formes variées sous lesquelles celle-ci se décline
à travers les périodes de l'histoire et les cultures :
formes sexuelles, reproductives, intellectuelles, culturelles, politiques,
économiques, etc., qui font qu'« on ne naît pas femme,
on le devient ».
Même si les analyses sont d'inégales valeurs, et
si le modèle humain proposé semble celui qu'incarne la
masculinité, des phénomènes abordés
jusque-là en ordre dispersé sont désormais
structurellement problématisés. Une problématique qui ne
cessera de se développer, suivant des chemins divers dans la
pensée et la pratique.
Trente ans plus tard, le livre de Simone de BEAUVOIR
fit scandale lors de sa parution, il aura sa traduction dans le
réel à travers le surgissement du « mouvement de
libération des femmes », sans qu'il faille y voir un lien de
cause à effet : les premières théoriciennes et
activistes du féminisme des années 1970, tant américaines
que françaises, ont pour la plupart lu l'ouvrage de Simone de BEAUVOIR
(Le Deuxième Sexe) et s'y réfèrent, mais sans
adopter nécessairement sa perspective théorique ou partager ses
analyses.
I.1.2.1. La Spécificité du
féminisme
Phénomène complexe, irréductible aux
autres phénomènes socio -politiques connus, tout comme à
ses manifestations sporadiques antérieures, le mouvement
féministe de la fin du XXe siècle manifeste son
originalité tant dans son organisation et ses modes de
développement, que dans son rapport à la théorie.
En effet ce mouvement ne comporte pas de doctrine
référentielle, pas plus qu'il ne s'organise en parti politique
- et les rares tentatives faites en ce sens échouent. Il ne
comporte pas de leader authentifié, même si des
personnalités s'y manifestent, inaugurant divers courants de
pensée et d'action. Et il n'a pas la représentation,
fût-elle utopique, de sa fin : il ne définit pas les formes
de la société idéale à atteindre. Il s'agit donc,
dans la pensée comme dans la pratique, d'un mouvement acentrique dont
les modes opératoires sont originaux : ce qui le rend
inidentifiable sur la scène des objets politico-sociaux
répertoriés jusque-là.
Le motif de la critique et de la contestation
féministe, à savoir la structure duelle et inégalitaire
qui régit le rapport entre les sexes, est en revanche clairement
identifié comme un « invariant » de
Françoise HERITIER qui a traversé sous des
formes différentes tous les groupes sociaux, toutes les cultures et
toutes les périodes de l'histoire. Il s'agit donc de contester
l'invariant.51(*)
Si ce mouvement s'affirme sous le terme
« féminisme » alors qu'il met en question non pas un
des sexes mais bien le rapport entre les sexes et leurs définitions
respectives, c'est que, d'une part, il est mis en oeuvre par les femmes et les
concerne au premier chef, et que, d'autre part, à la différence
d'autres courants philosophiques ou politiques, il n'est pas identifiable
à une doctrine fondatrice déterminée : il
possède des acteur(e)s mais pas d'auteur(e)s.
D'après nous, le Deuxième Sexe de
Simone de BEAUVOIR n'y occupe pas la place dogmatique
référentielle qu'occupe par exemple Le Capital dans le
marxisme et cette différence entre la nomination de la
« paternité » et l'anonymat de la
« maternité » d'un courant est sans doute
significative. Mais l'originalité déterminante de cet ouvrage,
au-delà de ses analyses sectorielles inégales, est de faire
apercevoir le caractère structurel des différents aspects qui
régissent les rapports entre les sexes, que ce soit sur le plan
politique, économique, social, culturel, générationnel ou
désirant.
Si l'identification et la contestation de la structure
ayant conditionné les rapports de sexes au cours de l'histoire sont
propres à l'ensemble du mouvement féministe, la lecture
interprétative de ces rapports et l'énoncé des
modalités de leur dépassement prennent des formes
théoriques et politiques, différentes et parfois antagonistes.
I.1.2.2. Le devenir homme des femmes ou
l'« universalisme »
Pour le courant dit « universaliste »,
qui se revendique de Simone de BEAUVOIR, il s'agit pour les femmes
d'accéder à la position de sujet ou d'individu neutre, position
que les seuls hommes s'étaient séculairement appropriée.
En effet, la célèbre formule beauvoirienne : « On
ne naît pas femme, on le devient », souligne le
caractère socialement construit et contraint de la position
féminine. Mais, dès lors qu'elle n'est pas accompagnée de
la formule parallèle : « On ne naît pas homme, on
le devient », elle laisse supposer que la masculinité
incarnerait l'humanité dans son essence.
La thèse qui sous-tend Le Deuxième
Sexe va rallier et inspirer un courant important du féminisme
français, qui rejette l'argument de la nature duelle des sexes
(« nature-elle-ment ») au nom d'une unicité de la
raison. La définition des sexes et la forme hiérarchique de leur
rapport sont arrachées à leur fausse évidence naturelle
pour apparaître comme une construction, un
« être-devenu » historico-social. C'est ainsi
qu'à la formule « différence des sexes » est
peu à peu substituée celle de « construction sociale de
sexes », celle de « rapports sociaux de sexes »,
ou plus tard celle de « genre », traduction approximative
du Gender anglais.
Ce paradigme inspire non seulement les pratiques
revendicatrices d'ordre politique et économique, mais contraint
également à revisiter les différents savoirs et les
systèmes de représentation.
I.1.2.3. Le différencialisme
Un autre courant, issu de sa confrontation avec la psychanalyse, adopte quant à lui une position
différente et affirme - non sans référence à
Mélanie KLEIN - qu'il existe deux sexes, deux
modalités différentes d'incarnation de l'humanité,
générant deux manières d'être au monde dont l'une a
été bridée et asservie à l'autre. Si le rapport au
monde masculin de type phallique a dominé l'histoire - parce qu'il
inclut la modalité relationnelle de la domination - le rapport au
monde féminin, jusqu'ici occulté - et lié à la
modalité maternelle de l'accueil - offre une alternative
bénéfique.52(*)
Soutenu initialement par l'oeuvre de Luce IRIGARAY, ce courant conteste l'affirmation
lacanienne d'un signifiant commun aux deux sexes, et corrélativement la
référence de l'humanité aux insignes phalliques. Au trait
unaire qui caractérise ce signifiant, IRIGARAY oppose le signifiant
féminin de « l'incontournable volume » ou des
« lèvres qui se touchent », c'est-à-dire du
non-un. Ainsi est reprise et traduite positivement la formule lacanienne selon
laquelle la femme est « pas toute ».53(*)
Marginalisée dans l'espace français dont la
tradition politique est dominée par la conception de
« l'individu » neutre, cette interprétation a
parfois été qualifiée péjorativement
d'« essentialiste » parce qu'elle semble figer chacun des
deux sexes dans une essence immuable.
Mais elle a inspiré d'importants courants du mouvement
des femmes, en particulier en Italie ou aux États-Unis où elle a
même parfois été qualifiée à tort de
french feminism. On peut y rattacher indirectement la pensée
américaine de Carroll GILLIGAN qui affirme la
nécessité d'un surplus de souci de l'autre ou de la sollicitude
sur la justice. Dans cet éclairage, l'émancipation des femmes
modifierait la conception même du monde commun.54(*)
I.1.2.4. Le postmodernisme ou
l'indécidabilité
C'est sous l'influence du courant philosophique
français dit post métaphysique que se dessine une
troisième position touchant à la définition
théorique et pratique des sexes. On peut y relever des
références à Michel FOUCAULT ou à
Gilles DELEUZE, mais c'est Jacques DERRIDA qui, dans son enseignement
régulier et très médiatisé aux États-Unis,
en sera le principal porte-drapeau.
Jacques DERRIDA récuse le
caractère unaire du signifiant phallique. Il associe à la
critique du logocentrisme déployée par HEIDEGGER - critique
du rapport au monde fondé sur la maîtrise et sur l'un - la
critique du phallocentrisme, et forge ainsi le terme de
« phallogocentrisme » pour caractériser et
dénoncer la tradition métaphysique occidentale à la fois
logocentrique et phallocentrique. 55(*)
Sous sa plume et dans sa perspective, la différence des
sexes, sans être niée, ne peut être pensée sous une
forme duelle : c'est une différance, c'est-à-dire un mouvement
de perpétuel différer, rendant inidentifiables ses pôles.
S'il qualifie de « féminine » cette position
d'indécidabilité des frontières sexuées, c'est en
un sens métaphorique.
Le féminin est en effet une forme d'être au
monde et de penser à laquelle il s'identifie lui-même. Ainsi
n'hésite-t-il pas à affirmer - reprenant une citation de
Maurice BLANCHOT : « Je suis une
femme », la position spéculative tenant lieu, à
moindres frais, de la révolution socio - politique qui, selon lui, ne
fait que conforter par le régime de l'opposition le dualisme
sexué. La chance du nouveau réside non dans la lutte mais dans le
jeu, ainsi que Derrida l'exprime au cours d'un dialogue avec une
féministe américaine. Cette position, qui inspirera un courant
important du féminisme universitaire américain, aura peu d'impact
sur le féminisme français.56(*)
C'est beaucoup plus tard qu'elle atteindra indirectement
celui-ci par le détour de la Queer theory, qui tente d'affirmer
l'indécidabilité des sexes à travers celle des
sexualités, thèse soutenue en France par certains leaders
intellectuels du mouvement homosexuel qui se revendiquent de l'oeuvre de Judith
BUTLER. Le « nomadisme », soutenu antérieurement
comme féminin Rosi BRAIDOTTI, se traduit
désormais en « transgenre ». 57(*) La réalité de
celui-ci est toutefois contestée par certains penseurs de
l'homosexualité comme Leo BERSANI.58(*)
I.1.2.5. Des sexes aux
sexualités
À partir des années 2000, certains courants
dérivés de la pensée derridienne mais davantage encore de
la problématique des homosexualités
greffée ainsi sur celle des sexes vont, en partant des États-Unis
pour gagner la scène française, faire de
l'indécidabilité non plus un différer, une
différance, mais un état, une
« indifférence » non seulement des sexes mais des
orientations sexuelles. Pour récuser la hiérarchie des sexes
- et des sexualités - contestent jusqu'à leurs
différences, tenant pour négligeable la morphologie.
Certaines recherches scientifiques comme celles de
H. ROUCHE tendent d'ailleurs à montrer la
similitude même biologique des sexes sous leur apparente
dissymétrie.59(*)
Alors que chez DERRIDA la
différance est un mouvement, chez les théoriciennes ou
théoriciens postérieurs du Gender trouble (Judith
Butler), réinterprété par la Queer theory,
l'indécidabilité devient un statut. L'affirmation de la
« différance » se transforme en affirmation de l'« indifférence » des
sexes.
À la limite de cette perspective, la
réversibilité des sexes et des sexualités est donc
potentiellement radicale. La différence morphologique devient
insignifiante, ainsi que l'indiquait d'ailleurs déjà
Gilles DELEUZE en revendiquant un « corps sans
organes ». L'inégalité est surmontée par
l'identité - une identité mouvante - au moins
potentielle qu'il s'agit d'exercer.
Paradoxalement, les théories de
l'indifférence des sexes et des sexualités viennent ainsi
rejoindre par une voie détournée les théories classiques
du sujet neutre et souverain, voire tout- puissant - l'individu -,
qui serait à la fois homme et femme, homo- et
hétérosexuel. Se heurtant toutefois à la
dissymétrie flagrante des sexes dans le processus
générationnel, dissymétrie qu'avait à sa
manière déjà rencontrée et recouverte Le
Deuxième Sexe, elles en minimisent la portée ou soutiennent
le projet des technologies de la reproduction.
I.1.2.6. Les Enjeux politiques du
féminisme
Malgré leur diversité et leurs oppositions,
ces théories, qui donnent lieu à des pratiques diverses, ont en
commun la mise en cause de la domination historico-sociale des hommes sur les
femmes, qui se manifeste dans les différentes modalités de la vie
politique, sociale, économique, érotique,
générationnelle ou symbolique. Elles entraînent des
stratégies diverses concernant le devenir des rapports entre hommes et
femmes, enjeu central du féminisme ou des féminismes dans leur
ambition émancipatrice.
Ce qui caractérise le féminisme,
au-delà des positions philosophiques et politiques diverses touchant aux
rapports entre les sexes et à leurs statuts respectifs, c'est qu'il en
conçoit la transformation non comme un tournant spéculatif, mais
comme une pratique politique aventureuse, conjoignant réflexion et
action. Il constitue à ce titre une praxis au sens
aristotélicien : praxis déployée dans la
durée, sans représentation a priori de son modèle, mais
qui vise à surmonter l'inégalité séculaire se
matérialise dans la « domination masculine ».
La question des rapports de sexes, élevée au
rang de paradigme politique et théorique par le féminisme, reste
toujours retraversée par celle des classes, des races, des orientations
sexuelles, des cultures et des conjonctures historiques, qui imposent une
pluralité d'analyses sectorielles et d'actions transformatrices. Elle
constitue un angle d'approche théorique et pratique universel, mais non
exclusif du réel.
La domination d'un sexe sur l'autre concerne en effet toutes
les périodes de l'histoire et toutes les cultures : mais, en la
prenant en charge théoriquement et politiquement, le mouvement
féministe ne prétend pas, comme le mouvement marxiste avec la
lutte des classes, en faire la « cause »
déterminante de toutes les autres formes de domination et
d'exploitation. La validité du féminisme est universelle mais non
exhaustive.
I.1.3. Le « néo- Beauvoirisme »
Dans la construction socio-psychologique des images de la
femme et de l'homme, on peut distinguer ici le sexe biologique du genre. «
On ne nait pas femme, on le devient », écrivait en 1949 Simone de
BEAUVOIR. C'est cette construction socio psychologique qui est rendue par ce
concept de genre.
Le terme réfère au groupe femmes et au groupe
hommes dans une société donnée, à un moment
donné. Il implique un savoir sur la différence sexuelle mais
aussi sur le pouvoir qui organise et hiérarchise les groupes. Renvoie
à l'expression anglo-saxonne Gender.
La société veille dès la naissance-voir
les bracelets bleus pour les garçons et roses pour les filles dans les
maternités- à une éducation différenciée
selon les sexes. De nombreuses études montrent que de manière
consciente et inconsciente les filles ne sont pas traitées comme les
garçons et ce, même avant la naissance. L'UNICEF, dans sa
publication Naitre femme, rappelle qu'en Inde 31 % des
filles et 51 % des garçons sont nourris au sein. Vêtements,
jouets, lectures mais aussi lois, langues et règles de comportement vont
chercher à différencier les conduites selon le sexe biologique.
Pourtant, si on nait, à quelques exceptions, avec un
sexe féminin ou un sexe masculin, on voit que la construction de
l'identité féminine et masculine dépend de nombreux
facteurs, qu'elle est variable et multiple. Dans la société
inuit, chaque naissance marque la réincarnation d'un ou d'une
ancêtre, c'est celle-ci ou celui-ci qui fera que l'enfant est
éduqué comme une fille ou un garçon et non le sexe
biologique de la nouvelle-née ou du nouveau-né, et ce jusqu'au
mariage, moment où elle ou il reprendra son sexe de naissance. C'est
ainsi, par exemple, que, pendant tout le XXe siècle, on a dit aux petits
garçons européens que les hommes ne pleuraient pas, oubliant
qu'au siècle précédent le mouvement romantique et Les
Souffrances du jeune Werther (1774) avaient mis à la mode les
pleurs masculins et leurs manifestations bruyantes de douleur.
Ce ne sont ni le tissage, ni le travail des champs, ni la
poterie qui ont de la valeur, c'est le genre qui leur en confère. C'est
ce que l'on voit systématiquement avec la division sexuelle du
travail.
On parlera donc d'études selon les genres pour
souligner que celles-ci prennent en compte la différence sociale des
sexes. Pourtant, ce terme est parfois utilisé en lieu et place de
femme ou de féministe, dans de nombreuses
organisations internationales, où on parle désormais de genre et
maternité, de Genre et périnatalité, de politique selon
les Genres afin de ne pas évoquer la discrimination envers les femmes,
les politiques d'égalité.
C'est affadir un concept fort et dynamique puisque c'est
replacer dans le biologique ce qui est un processus, un système de
rapports sociaux entre femmes et hommes. Quelques personnes, surtout en France,
s'opposent à l'emploi du concept de Genre pour dire
catégorie sociale, arguant que Genre fait
référence au genre grammatical. On peut penser, au contraire, que
cela enrichit les connotations verbales.
On connait les expressions : avoir mauvais Genre,
être bon chic, bon Genre, de quel Genre est-il ? Le genre
grammatical est lui aussi socialement construit, car les représentations
associées aux genres grammaticaux sont parfois
hiérarchisées selon les sexes biologiques féminins et
masculins, ainsi que l'ont démontré les grammairiens
Pour D'amourette PICHON (60(*)), la prise en compte
du Genre est nécessaire dans tous les domaines, y compris celui des
lois. C'est ainsi qu'en Luxembourg les nouvelles lois (dont celle sur le
changement du régime d'assurance pension, entrée en vigueur le
1er janvier 1999, ou celle du 8 septembre 1999 réglant les relations
entre l'État et les organismes oeuvrant dans les domaines social,
familial ou thérapeutique) ont pris en compte le Genre dès leur
conception
I.1.3. 1. Origine et émergence du terme
Genre
C'est une féministe américaine Ann OAKLEY
(61(*)) qui a inventé le
terme « Genre ». Elle distingue, à cet effet, trois
éléments ci-dessous pour le définir :
? Le Genre est un contenu social et arbitraire. Il n'y a rien
dans la nature qui justifie l'ordre social. (Mais bien sur toute la
société dit le contraire).
? Le Genre est ce qui permet d'établir une division
sociale entre les sexes. (Cette division est présentée dans
toutes les sociétés du monde).
? Le Genre va permettre d'établir une hiérarchie
entre les sexes. On a inventé des systèmes pour légitimer
cette hiérarchisation : masculisme et féminisme. (Il n'y a en
réalité aucune légitimité à cela).
Ainsi, en quoi un homme serait plus apte à
élever et éduquer un enfant qu'une femme dont l'instinct maternel
n'existe pas. Donc ; les gents ont préféré seulement
créer une différence entre l'homme et la femme.
Pour maintenir cette différence, on a inventé
trois choses :
? Des normes et des valeurs. (Exemple : La femme
s'épanouit au foyer, l'homme s'épanouit au travail).
? Des institutions : (Exemple : la famille,
l'école, les salaires, le mariage,...).
? Les processus de socialisation au sein de la famille :
(Exemple : les écoles, les diplômes, accès a
l'éducation,...).
I.1.3. 2. La division sociale des tâches en
fonction du sexe
D'après Ann OAKLEY (62(*)), les statistiques sur six tâches
ménagères (faire à manger, faire la vaisselle, laver les
linges, s'occuper des enfants, torchonner la maison et s'occuper de
l'époux) montrent que les hommes participent au maximum à 35% aux
tâches ménagères.
Ainsi, Il y a véritablement une division sociale des
tâches qui se fait par sexe. Ce qui est intéressant est la
perception qu'a la femme sur l'homme qui l'aide : les femmes disent que les
hommes les aident à 18% alors que les hommes soutiennent que c'est 35%
!
Donc, même si on partage les tâches, il y aura
encore des écarts perceptifs. Il y aura donc toujours des
différences de catégories de perception. Cette question de la
perception est appelée perception naturalisée. La
société nous a construits à travers cette perception.
Exemple : les jouets...
qu'offre-t-on aux garçons et aux filles pendant la fête de
noël. On va avoir des oppositions verticales pour assurer les
systèmes de domination (sec/humide, haut/bas, droite/gauche,
masculin/féminin).
Les femmes sont construites sur les activités
d'intérieur (s'occupe de l'habitation) alors que l'homme s'occupe de
l'extérieur (politique, chasse)... La femme s'occupe des cycles de vie :
mariage, gestation, naissance, éducation des enfants, deuil...
Evidemment la domination masculine va exploiter le corps de la
femme, dans une référence sexuelle. On instrumentalise la femme
à travers la violence symbolique. On a construit de corps de la femme
à travers des stéréotypes. Les hommes veulent que les
femmes soient dans un certain standard.
I.1.3.3. Les raisons de la domination des femmes.
La question qui vient à l'esprit est celle de savoir
les motivations à la base de la domination des femmes par les hommes. Ce
qu'avancent les sociologues est que « les schèmes de perception,
d'appréciation, d'action sont incorporés. La personne les subit
car elle ne fait que reproduire l'ordre social. C'est donc très
difficile pour la femme de « déconstruire l'étendue
sociale ».
Pour les hommes c'est pareil. Si la femme est construite dans
le désir, l'homme est construit dans la virilité. BOURDIEU
dit : « que la virilité est non seulement une
capacité sexuelle mais c'est aussi une capacité
sociale. »(63(*))
Il n'y a pas de femme hooligan car le hooliganisme est
considéré comme une forme virile d'extrémisme sportif. Il
n'y a aucune société où les femmes font la guerre, on a
besoin de femmes pour se reproduire. On a souvent accusé certaines
sociétés où les femmes seraient plus dominées que
d'autres, comme par exemple l'Islam. Le voile est la différence entre
l'espace public et l'espace privé.
Nous serions plus libéré car les femmes seraient
soit disant l'égal des hommes. En réalité les femmes
mènent une double vie (travail le jour et s'occupent de la maison quand
elles rentrent). On a fini par faire croire aux femmes qu'elles seraient
heureuses dans l'esclavage. La femme doit tout accepter sexuellement et
corporellement de l'homme.
I.1.3. 4. Que recherchent précisément les
hommes lorsqu'ils dominent les femmes ?
Selon BOURDIEU : « les hommes recherchent comment
reproduire, faire reconnaitre de manière universelle leur mode de vie
particulier » (64(*)). Ce sont essentiellement les hommes qui vont dominer
tous les pôles d'activité et vont avoir le sentiment qu'ils vont
pouvoir ordonner aux femmes toutes les positions sociales.
Les adolescents sont construits à travers cet
imaginaire : pour être un homme il faut être violent... les
adolescents se forment dans les modèles sociaux et donc tout ceci est un
cycle qui se reproduit continuellement. On nous présente des standards
que les adolescents reproduisent.
Dans une certaine mesure, il y a un échec du
féminisme. Les mentalités et pratiques n'ont pas fondamentalement
changé. Les structures cognitives de domination des hommes se
poursuivent.
I.1.3.5. Le terme « identité
sexuelle »
Le terme « identité sexuelle » est
celui qui a été adopté en français pour traduire le
terme anglais "gender identity". Si l'anglais fait référence aux
comportements (le genre), le français fait référence au
corps (le sexe).
En anglais, le terme "gender identity" a été
adopté, car l'autre expression ("sexual identity") était
déjà utilisée pour décrire l'orientation
sexuelle.
Pour certains, cet usage peut porter à la confusion
entre l'identité reliée au « sexe » dans le
sens homme/femme (ce qu'on entend par le mot genre dans l'usage
décrit dans cet article) et l'identité reliée à la
sexualité et
la vie sexuelle. On pourrait ainsi se questionner au sujet de son
identité sexuelle (par exemple, « suis-je
bisexuel ? » « Quelles sortes de relations sexuelles
préféré-je ? ») Sans pour autant
questionner son genre (« suis-je un homme ou une
femme ? »).
L'expression identité sexuelle est
également problématique en ce sens qu'elle renvoie implicitement
à une
métaphysique
des sexes distinguant strictement des sexualités comme des essences
différentes au sein de l'
être humain.
Dans ce cas, ou bien ces identités définissent
véritablement un genre, et il faut admettre que l'humanité se
divise en plusieurs espèces dont les rapports sont difficiles à
déterminer ; ou bien l'identité sexuelle est inessentielle,
c'est-à-dire contingente, et ne regarde pas les déterminations
essentielles d'un être vivant en tant que personne humaine.
Pour d'autres, elle est au contraire très judicieuse.
L'expression "identité sexuelle" fait référence à
la question "qui suis-je en tant qu'être corporé et
sexué?". Et c'est bien à cette question que sont
confrontées les personnes transsexuelles, transgenres et
intersexuées.
C'est la réponse à cette question qui
amène les personnes transsexuelles à modifier
définitivement leur corps par voie chirurgicale. Cette question
amène les personnes intersexuées qui ont été
assignées arbitrairement à leur naissance à devoir faire
corriger cette assignation arbitraire. Sentir qui on est constitue une autre
question que de savoir comment on s'assume et on s'exprime en tant qu'homme,
que femme, que homme et femme, que pas homme, que pas femme, etc.
I.1.3.6. Le Genre et le sexe dans le langage
Le Genre grammatical (masculin/féminin) ne doit pas
être confondu avec le sexe (mâle/femelle). Des mots masculins
peuvent désigner des femmes, de même que des mots féminins
peuvent désigner des hommes (par exemple dans la phrase
« Pierre est une personne sympathique »). En
français, pour désigner des groupes comprenant aussi bien des
hommes que des femmes, on utilise le Genre masculin, qui sert donc
également de Genre neutre. Il s'agit d'une règle de grammaire
appliquée (en
France) dans la
quasi-totalité des publications imprimées (presse,
édition, etc.).
Cette règle est néanmoins contestée par
de nombreuses personnes : se fondant sur la correspondance partielle qui
existe entre le genre et le sexe, elles estiment que l'emploi
générique du Genre masculin révèle un
caractère
sexiste de la grammaire
française.
Il est de plus en plus fréquent d'utiliser
rigoureusement des mots féminins pour désigner des femmes,
surtout en milieu professionnel (un auteur, une auteure), et
de construire des tournures dédoublées pour inclure explicitement
les femmes (gays et lesbiennes, toutes et
tous), ce qui, somme toute, est une manière de
généraliser les formules de politesse en évitant les
exclusions (« Françaises, Français »,
« Mesdames, Messieurs »).
I.2. LES FONDEMENTS DES DISPARITES DE GENRE EN RDC
I.2.1. Les faits de l'histoire
Le fonctionnement de genre en RDC est épisodique et
peut être classé en rapport avec l'histoire en trois
étapes : la période précoloniale, la période
coloniale et post coloniale.
Avant la colonisation, période de l'inexistence de la
structure étatique, les relations de genre sont à
considérer comme ayant été directement liées aux
différentes aires culturelles que compte la RDC. A chaque groupe social
correspondait un fonctionnement de genre. Il a existé des rapports
sociaux des sexes tissés sur le matriarcat ou sur le patriarcat. Au
Bandundu et au Bas Congo par exemple, le système matrilinéaire a
marqué les relations hommes - femmes. En outre, le type d'organisation
sociale fondée sur la royauté a eu des implications dans la
sphère de pouvoir et les femmes. Dans ces systèmes, les femmes
n'étaient pas exclues de manière absolue de la sphère de
pouvoir. Souvent elles étaient gardiennes du sacré.
Sur le plan économique, l'économie de
ménage fut au centre des activités économiques et la
grille d'activités de survie tournait autour de l'agriculture familiale,
de l'élevage, de la pêche et de la cueillette. Les femmes y
jouaient encore une fois un rôle important, mais la
différenciation sexuelle mettait toutefois la femme sous la tutelle de
l'homme.
Cette grille d'activité a subi des modifications
substantielles avec la colonisation, qui a introduit une organisation
étatique, mettant en parallèle les sphères publiques et
privées modelées sur le patriarcat. Hommes et femmes n'ont pas
été assujettis de la même façon. Les hommes ont
été cooptés en premier dans l'administration coloniale
où ils ont exercé les fonctions de greffiers, de plantons, de
commis de bureau, tandis que les femmes qui étaient
préparées à être de bonnes ménagères
étaient orientées vers l'école de monitrice,
d'infirmière et d'accoucheuse ; rôle reconnu aux femmes en
tant qu'actrices principales de la reproduction sociale.
Ceci a eu des implications sérieuses sur le
positionnement des femmes dans la sphère publique et dans les espaces
partagés hommes-femmes. Ces espaces étant dominés par le
modèle du « capital occidental ».
Après l'indépendance, la grille
d'activités économiques, politiques et sociales n'est pas
restée la même. Aux activités économiques de
subsistance pratiquées avant la colonisation se sont ajoutées les
fonctions administratives, économiques et politiques à large
spectre auxquelles les femmes ont eu un accès très limité
et pour lesquelles elles ont une faible expérience. Ce qui donne lieu
jusqu'à ce jour à une productivité
différenciée et à la domination masculine dans divers
domaines de la vie sociale.
Cette différence de rentabilité se manifeste
aussi entre différents groupes sociaux que compte la RDC. La culture
étatique de développement ou encore celle de différents
acteurs de développement affrontent les réalités locales
de différents groupes sociaux, en provoquant parfois des perturbations
sociales qui influent sur leur participation au développement ou encore
sur la jouissance effective des bénéfices qui peuvent en
découler.
Avec la modernisation, un nouveau modèle du travail
productif apparaît. Dans l'entre-temps, les femmes sont
dépossédées de leurs fonctions productrices originelles et
de ce fait, tout le processus de développement en sera retardé.
Ce retard s'observe à des degrés différents dans les
groupes sociaux féminins et dépend des coutumes dont la
variété est large et d'autres conditions préexistantes
dans différentes communautés congolaises. A l'aube de
l'indépendance, le statut de la femme est resté presque identique
à celui d'avant 1960.
C'était la pérennisation d'une
société patriarcale, dans laquelle la gestion de la chose
publique et des structures sociales était dans la plupart des cas
assurée par l'homme.
I.2.2. Les déterminants culturels
En effet, le processus de construction, de destruction et de
reconstruction des rapports selon les sexes est fonction du système des
valeurs culturelles de chaque société. La culture met en place un
système normatif qui régit le système social en ce qui
concerne le féminin et le masculin. L'espace politique, social, ou
économique n'est qu'un lieu du dévoilement de genre. Selon la
manière dont le genre est conçu en RDC, il apparaît un
système relationnel type, entre homme et femme qui détermine la
configuration sexuée de chaque espace partagé. Ce qui
nécessite un travail profond par divers acteurs impliqués dans la
promotion du genre : l'Etat, les acteurs sociaux nationaux et
internationaux, car les pratiques sociales perpétuent jusqu'à ce
jour les germes de la marginalisation et de la domination des femmes.
De manière générale, l'assignation des
rôles dans la société congolaise ou encore à travers
différents groupes sociaux passe par la socialisation, dont le processus
commence dès la naissance. Les hommes et les femmes s'adaptent à
des conduites sociales préexistantes véhiculées
principalement par la famille et relayées par l'école, l'Eglise,
les médias, etc.
Par certains comportements on peut noter le reflet de la
différenciation sexuelle dans le chef des femmes et des hommes. Le genre
conditionne dans une large mesure la participation effective des femmes au
développement. Le comportement social féminin répond
parfois aux exigences de genre pour lesquelles elles cherchent une harmonie
avec la société, en compromettant de fois leur capacité
à agir comme actrices de développement.
Les rôles à forte valeur sociale sont de
manière générale reconnus comme étant l'apanage des
hommes. Les femmes l'ont longtemps légitimé dans
différents groupes sociaux dans lesquels elles évoluent. De ce
fait, elles sont impliquées dans la construction et la sauvegarde des
normes qui les renvoient au destin de la féminité, et aux
rôles secondaires.
Au niveau culturel, il est à noter que l'instruction
des femmes est un des facteurs qui conditionnent leur statut défavorable
dans la vie sociale.
L'éducation maternelle restant plus déterminante
dans la construction de l'identité féminine, on assiste
aujourd'hui à la réutilisation des préjugés sociaux
tirés de la culture, par les femmes elles-mêmes, et les familles
congolaises. Les discours maternels maintiennent encore la femme dans un
assujettissement perpétuel à la culture du couple, de la famille,
et du groupe social d'origine. Pour la plupart des femmes interrogées,
la femme n'est pas faite pour la politique.
Le poids de la culture freine la mise en oeuvre de nouvelles
stratégies matrimoniales pour une éducation qui favoriserait la
reproduction d'une main d'oeuvre et d'une force de travail répondant
à un développement équilibré : hommes -
femmes.
Au lieu de s'inspirer des capacités individuelles, le
système éducatif traditionnel s'inspire des rôles
assignés à chacun selon le sexe, par la société,
pour asseoir l'éducation des enfants.
La neutralité dans l'éducation n'est pas encore
acquise. Elle affecte même l'orientation scolaire, alors que la
contribution au développement dans le contexte de la modernité
est tributaire du niveau d'instruction et de la compétence. Les sections
qui requièrent un peu plus d'effort physique et mental sont
considérées comme réservées aux hommes. Or, il faut
autant de femmes techniciennes, ingénieures, économistes,
politologues, etc. que d'hommes pour le décollage effectif du genre
comme approche de développement.
La majorité des femmes subissent de façon
profonde l'influence du système éducatif basé sur la
culture. Par des moyens de persuasion psychologique, la jeune
génération se soumet à des valeurs établies par la
société. La non conformité de la femme aux modèles
établis entraîne souvent des sanctions sociales à impact
psychologique.
I.2.3. Les déterminants économiques
Par les rôles de genre, les femmes sont dans le contexte
congolais et de manière générale affectées aux
rôles à faible valeur économique, politique et sociale. Les
espaces générateurs de capitaux sont dominés par les
hommes. Depuis la période coloniale, on constate que les hommes sont
majoritaires à occuper les fonctions politiques ou économiques
qui leur ont facilité le cumul des capitaux économiques favorable
à l'acquisition des moyens.
L'entreprenariat féminin reste dominant dans le secteur
informel, dans l'agriculture, dans les travaux domestiques et ne suffit pas
à les libérer de manière significative de la
pauvreté. Le document des stratégies d'intégration du
genre dans les politiques et programmes de développement
élaborés en novembre 2003 indique que 8 % seulement des femmes
sont dans l'entreprenariat généralement informel (ateliers de
couture, salons de coiffure, savonneries, salaisons de poisson, restauration).
Actuellement, seulement 5 % d'entreprises de type formel sont
gérées par les femmes, contre 95 % par les hommes.
En plus, comme faits cumulateurs des défaveurs, elles
sont généralement moins instruites et moins qualifiées,
accèdent moins aux stages de formation professionnelle, au
crédit, à la terre voire aux postes de décision. Aussi,
elles ne bénéficient pas d'une politique étatique
favorable à l'émergence d'une classe de femmes réellement
détentrice de capitaux. Dans la plupart des cas, leur champ social et
économique est circonscrit par la cellule familiale ou le ménage.
Dans la sphère publique, la tutelle des hommes reste encore très
palpable.
L'enquête démographique et de santé a
présenté de données sur les types de revenus des femmes.
Il en existe en argent ou par nature. L'utilisation des revenus est un des
indicateurs de statut de la femme. La proportion des femmes qui décident
principalement de l'utilisation de leur revenu est plus élevée en
milieu urbain (40%) qu'en milieu rural (15%). Le niveau d'instruction influence
aussi l'autonomie des femmes dans l'utilisation des revenus. Il s'ensuit que de
manière générale, les femmes en milieu urbain et
instruites ont plus de chance de décider sur leur revenu et les femmes
rurales et moins instruites sont par ce fait défavorisées.
On constate aussi un écart dans la décision des
femmes sur le revenu selon les quintiles de bien-être économique,
plus les femmes sont riches, plus elles ont la possibilité de
décider sur leur revenu. La pauvreté est un des facteurs qui
limitent les femmes dans la prise des décisions en ce qui concerne les
revenus du ménage. Si on met en corrélation cette dimension et
celle de la législation congolaise, il se dégage que la femme
mariée a une marge de manoeuvre très réduite en ce qui
concerne les décisions sur les revenus sans que des contraintes d'ordre
patriarcal ne la poursuivent.
Il est aussi important de s'appesantir sur les enjeux et
défis que pose l'adoption de projets à visée
économique tel que le Document de la Stratégie de
Réduction de la pauvreté. Quand bien même on y fait
référence à la féminisation de la pauvreté,
il sied cependant de soulever que ce document pose encore problème en ce
qui concerne la résorption effective de la pauvreté et sa
révision est en cours. La volonté de l'Etat bien que manifeste,
n'est toutefois pas de nature à rassurer sur sa capacité à
accroitre le pouvoir économique des femmes et même de l'ensemble
de la population, à travers la politique adoptée dans le
DSCRP.
En matière d'accès aux crédits dans les
banques et autres institutions, la femme connaît des difficultés
majeures pour accéder aux crédits. Les causes suivantes
justifient cet état de chose: le manque de garantie
matérielle : le manque d'aval d'une tierce personne ; le taux
d'intérêt excessif, c'est - à dire supérieur a un
taux de rendement des activités généralement
exploitées par la femme (petit commerce, agriculture traditionnelle,
petit élevage, etc.)
Etant donné que le crédit est un multiplicateur
des richesses, celui qui ne peut y accéder est d'office condamné
à la pauvreté. Dans le domaine de propriété
foncière, les femmes éprouvent de nombreuses difficultés
pour leur épanouissement, et ceci, à cause du manque des facteurs
de production tel que l'accès à la terre.
I.2.4. Les déterminants politiques
De manière générale, les politiques de
genre en République Démocratique du Congo initiées depuis
1967 sous le règne du président Mobutu, s'inscrivent dans un
processus de déconstruction de l'ordre ancien des rapports sociaux des
sexes tissés sur le système des valeurs traditionnelles pour un
autre, plus juste et plus équitable inspiré du besoin de
développement, dans le sens d'une redéfinition des rôles
qui ont longtemps consacré l'invisibilité de la femme et
limité son accès au contrôle de tout un éventail de
ressources. Ces politiques inscrites dans la logique du rôle
régulateur de l'Etat des tensions sociales restent cependant partielles
dans leur effectivité.
On note que ces politiques sont elles mêmes sources des
inégalités de genre car leur mise en pratique n'est pas
effective. Quand bien même ces politiques sont considérées
comme promouvant l'égalité des sexes, des dispositions
discriminatoires y subsistent encore et rendent la question de
révisitation des rôles des femmes complexe. C'est le cas avec le
code de la famille, la loi électorale, la mise en oeuvre du principe de
parité consacré dans la constitution, etc.
Ces textes ou mesures sont soit, non conformes à la
volonté de promotion de genre affichée par les décideurs,
soit non accompagnés de mesures expresses pour leur effectivité.
En outre, les politiques élaborées au niveau
national ne tiennent parfois pas compte des contextes et paraissent souvent
comme des modèles importés qui dans leur mise en oeuvre posent un
réel problème d'appropriation. Les femmes à la base n'y
comprennent presque rien et ne s'identifient pas à ces politiques.
L'approche participative dans l'élaboration des
politiques en direction des femmes n'est pas privilégiée. Si
quelques leaders de la société civile sont de temps en temps
impliqués dans les processus d'élaboration des politiques et
stratégies incitatives de la participation des femmes au
développement, le reste de la population féminine n'est
suffisamment pas souvent consultée à cette fin. Ce qui pose un
réel problème d'appropriation des politiques de genre par
l'ensemble de la population féminine.
I.2.5. L'appartenance sociale :
L'hétérogénéité des femmes congolaises
La population féminine congolaise n'est pas un ensemble
homogène auquel s'appliqueraient les interventions de
développement de manière uniforme. Au-delà du contexte
multiculturel, il s'affiche une différenciation des groupes sociaux par
le fait de l'appartenance sociale, des conditions physiques, de l'âge, du
milieu de résidence, de l'environnement géographique, etc.
Les femmes instruites et celles qui sont analphabètes
n'ont pas les mêmes chances de s'approprier des politiques de genre,
celles qui vivent en milieu urbain ont plus d'avantage que celles qui
évoluent en milieu rural. L'accès à l'information,
à l'éducation et aux ressources est beaucoup plus facilité
pour les femmes urbaines que pour les femmes rurales.
Des nuances apparaissent dans chaque groupe de population du
fait de l'histoire et des facteurs susmentionnés, créateurs de
différences. Ainsi en termes de genre, plusieurs configurations de la
situation des femmes apparaissent et méritent bien d'être prises
en compte.
L'accommodation au changement que le contexte actuel impose
aux femmes entre en contradiction avec leur enracinement à la culture
d'origine. Tout leur comportement politique, économique ou social en
dépend. Ainsi, le contexte congolais multiculturel mérite
d'être pris en compte pour un meilleur éclairage dans la
problématique de la participation politique. Une appréhension de
la réalité féminine dans le genre passe par le
repérage de la culture partagée, du contexte et des conditions
d'accès à diverses responsabilités et ressources. Ce qui
dans la plupart des cas manque dans les politiques élaborées en
direction des femmes dans la sphère nationale congolaise.
Cet élément est non négligeable, dans la
mesure où il apparaît des asymétries entre femmes et de
façon particulière, une inadéquation des politiques de
genre élaborées à l'échelon national à la
réalité de certains groupes sociaux, réalité dont
le fondement est à la fois historique et culturelle.
L'identification et la saisie du milieu sont indispensables,
car d'elles dépend la compréhension des comportements
féminins (65(*)).
Le genre public, qui reprend le langage officiel
reconstructeur des rapports sociaux selon le sexe, ne semble pas être
intégrateur des diversités géographiques, culturelles,
économiques de différents groupes sociaux féminins.
Ainsi, en République Démocratique du Congo, la
situation d'invisibilité est doublement vécue par certaines
catégories féminines du fait de leur appartenance sociale et
sexuelle. A une domination initiale issue des rapports sociaux des sexes,
s'accolent d'autres, liées à la hiérarchisation culturelle
et à des facteurs aggravants de marginalité tels :
l'âge, les conditions physiques, le milieu géographique,
l'histoire, l'âge, etc. Les schémas sociaux de différents
groupes sociaux ne sont pas les mêmes ; c'est le cas par exemple
avec les pygmées. Par ce fait, il se crée une déconnexion
de certaines catégories féminines. Des facteurs endogènes
et exogènes ont contribué à cette situation.
Il s'avère donc impérieux de partir de
l'environnement culturel d'origine de différentes catégories
sociales de femmes car celui-ci est très déterminant dans la
construction identitaire de celles-ci, partout où elles se trouvent.
I.3. Évolution des approches du
développement et de Genre.
La notion de développement faisant appel à la
participation des femmes est relativement récente. Elle s'est construite
graduellement au fil des trente dernières années. Au cours des
années cinquante, suite à la Deuxième Guerre mondiale, la
reconstruction représente l'une des principales préoccupations en
matière de développement.
Les grandes agences de développement et la Banque
mondiale adoptent la théorie de la modernisation,
présentée par le professeur américain W.W. Rostow, comme
stratégie d'action. À ce moment, les objectifs du
développement visent la croissance économique. On priorise la
construction des infrastructures (électricité, système
d'irrigation, hôpitaux, écoles) qui permettront d'assurer une
prospérité économique. Ce développement a
été vécu différemment par les pays du Nord et du
Sud.
À cette époque, les organismes non
gouvernementaux (ONG) qui travaillent au développement ne sont pas
encore vraiment actifs. Ceux qui le sont travaillent auprès de la
population européenne afin d'alléger la pauvreté.
Toutefois, ces ONG ne s'attaquent pas aux causes de la pauvreté
vécue par des milliers de gens.
Au cours de cette période, les femmes du Nord ayant
contribué à l'effort de guerre par l'occupation des nombreux
postes délaissés par les hommes partis au front, retournent
à la maison pour reprendre leur rôle traditionnel lié
à la reproduction. Les femmes du Sud appuient activement les mouvements
d'indépendance des hommes pour mettre fin au colonialisme. Elles
s'engagent dans des activités de subsistances et cherchent à
faire valoir leurs droits et libertés traditionnelles, bafouées
par le système colonialiste.
Les populations du Sud croient en l'établissement d'une
démocratie ainsi qu'à l'indépendance comme conditions
favorables au développement. Pendant cette période, la plupart
des anciennes colonies acquièrent leur indépendance. Des
années cinquante jusqu'aux années soixante dix, l'approche du
développement concernant les femmes est « une approche
assistantielle » ou dite de « bien-être social », qui vise
l'allègement de la souffrance. Cette approche met l'emphase sur le
rôle de mère pour les femmes. Des programmes visant
l'allègement de la famine, la nutrition, la santé, le planning
familial et la Protection Maternelle et Infantile (PMI) sont mis de l'avant
pour répondre aux besoins pratiques des femmes.
La décennie 1960 est consacrée au
développement par les Nations Unies. Les grandes agences de
développement croient toujours fermement au modèle de la
modernisation comme outil de développement. Les populations du Sud
demandent la restructuration du commerce international (66(*)), pour avoir accès au
marché. Elles manifestent le besoin d'investissements dans les secteurs
secondaires et tertiaires. Au coeur de leur programme de développement,
les ONG, elles, visent à aider les collectivités à se
prendre en main par l'apport d'un support technique aux communautés et
par la création de coopératives.
Les hommes sont toujours la cible principale de ces
programmes, puisqu'ils sont considérés comme chefs de famille et
seuls responsables du travail productif. L'intervention auprès des
femmes est surtout concentrée dans le secteur de la reproduction, par
l'entremise de projets portant sur l'hygiène, la nutrition et
l'économie familiale. On transpose par ces projets d'intervention
l'image de la femme véhiculée au Nord, celle de la bonne
mère et épouse, reine du foyer.
Dans les pays du Nord, la fin des années soixante voit
naître le mouvement actuel des femmes. De nombreux penseurs
féministes s'entendent pour dire que c'est à cette époque
que naît la deuxième vague du féminisme moderne, la
première étant la lutte pour le droit de vote, au début du
XXe siècle. Les femmes du Nord commencent à se battre pour des
droits juridiques, contre la discrimination au travail et les obstacles
à l'éducation. Elles font leur entrée sur le marché
du travail. Devant les rapports d'inégalités entre hommes et
femmes auxquels elles sont confrontées, les femmes
nord-américaines ont cherché à comprendre les raisons de
leur exclusion sociale.
L'héritage laissé par le mouvement des
suffragettes et l'idéologie libérale dominante a poussé
les femmes à vouloir obtenir l'égalité juridique. À
cette époque, les femmes travaillant dans le domaine du
développement prennent conscience que le développement tel
qu'entrepris au cours de cette période n'est pas profitable pour les
femmes du Sud. La fin de cette décennie voit le début de la vague
actuelle du mouvement des femmes qui réclame un changement des rapports
de pouvoir, à la racine de la subordination des femmes.
Le développement commence à être
envisagé sous un angle féminin lorsque les grandes agences de
développement s'inquiètent des impacts de l'importante croissance
démographique.
En 1970, Esther BOSERUP publie un ouvrage marquant, qui
démontre que les femmes sont les grandes perdantes du modèle de
développement lié à la théorie de la
modernisation (67(*)). Cet
ouvrage et d'autres qui ont suivi révèlent les nombreux
désavantages subis par les femmes, résultant des projets de
développement, et critiquent l'absence des femmes dans la planification
des projets et des programmes de développement.
Durant les années soixante-dix, la théorie et la
pratique du développement commencent à changer. On
s'aperçoit que la plupart des projets de développement ne
profitent qu'aux riches investisseurs du Nord. La redistribution des profits du
développement entre le Nord et le Sud se fait de façon
inégale. L'écart entre les riches et les pauvres ne fait que
s'élargir continuellement. Et les femmes sont
surreprésentées parmi les pauvres. La nouvelle approche du
développement mise en pratique par la Banque mondiale s'oriente
davantage vers la satisfaction des besoins essentiels des individus.
La décennie 1970 a été importante pour
les femmes. C'est pendant cette période que les femmes s'organisent en
mouvement, partout à travers le monde. Le milieu du développement
international n'échappe pas à l'influence croissante du mouvement
féministe. La préoccupation des femmes dans le
développement apparaît pour une première fois comme une
préoccupation mondiale avec la proclamation en 1975, de l'Année
internationale des femmes, et du déroulement de la première
Conférence internationale des femmes à Mexico. Celle-ci a
été suivie de la proclamation de la Décennie
internationale des femmes (1976-1985). Il y aura ensuite d'autres
conférences internationales des femmes, notamment à Copenhague en
1980, à Nairobi en 1985 et à Beijing en 1995.
Au cours des années soixante-dix, les Nations Unies
abandonnent leurs stratégies basées sur la modernisation des
économies du tiers-monde. Ils réalisent que « l'oubli »
des femmes pourrait être à l'origine de leur échec. Ils
voient dans l'engagement des femmes une façon de mettre en oeuvre de
nouvelles stratégies de développement.
L'amélioration de la productivité des femmes
devient alors un des buts du développement traditionnel. En 1976, les
Nations Unies créent un Fonds de développement
réservé aux femmes (UNIFEM), afin de permettre aux femmes
l'accès aux grandes conventions et conférences internationales.
C'est à partir de cette période que le féminisme au Sud a
pris son envol.
Depuis la Décennie internationale des femmes, on
considère, face à la pauvreté des femmes, que l'exclusion
de celles-ci du processus de développement constitue un véritable
problème. Diverses approches sont alors apparues pour tenter de
remédier au problème.
L'approche de « l'Intégration des Femmes dans le
Développement » (IFD), comme son nom l'indique, vise à
intégrer les femmes au processus de développement, sans pour
autant remettre en question le modèle de développement dans
lequel on voulait les intégrer. Cette approche est liée à
« l'approche anti-pauvreté » qui, reconnaissant le rôle
de production des femmes, vise à améliorer leurs conditions de
vie à travers de petits projets générateurs de revenus, en
lien avec leur rôle traditionnel.
Les années quatre-vingt ont été pour
plusieurs acteurs dans le domaine du développement une période de
réflexion et de remise en question. Face à la crise de la dette
cumulée par plusieurs pays en développement, ainsi qu'à la
dégradation de l'environnement à l'échelle
planétaire, on commence à considérer qu'il serait
important d'envisager le développement d'une toute autre
manière.
On assiste alors à l'intégration du terme
développement durable, mais aussi, de manière contradictoire,
à l'ouverture des marchés, à l'augmentation des
exportations, à l'application des programmes d'ajustements structurels,
etc. Au niveau du mouvement féministe du Sud, on s'allie autour de
problèmes sociaux et politiques (accès à la terre, eau,
défense des droits humains). Les femmes du monde réclament de
plus en plus de ressources et de bénéfices puisque les coupures
dans les services offerts par les États affectent durement leurs
conditions de vie et celles de leur famille. Elles poursuivent leur lutte pour
l'obtention de plus d'équité et d'égalité. La
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes, ratifiée par plusieurs pays à
travers le monde, entre en vigueur en 1981.
En 1985 se tient la troisième Conférence
internationale des femmes à Nairobi, suivie de la quatrième
Conférence à Beijing, en 1995. Une plate forme d'action est
adoptée. Au cours de l'an 2000, se tient à New York une rencontre
internationale (Beijing +5) pour l'évaluation de cette plate forme.
À partir des années quatre-vingt, le mouvement
féministe s'affirme au Nord et au Sud. Au sein de ce mouvement,
différents courants idéologiques s'intéressent aux causes
de la subordination des femmes. Dans le contexte de l'érosion des
services sociaux et du rôle de l'État, certaines personnes
préconisent « une approche axée sur l'efficacité
», visant à améliorer la productivité des femmes,
notamment à travers le crédit, la technologie et la formation.
Cette approche s'appuie sur les trois rôles des femmes au niveau de la
production, de la reproduction et de l'engagement communautaire.
D'autres préconisent « une approche axée
sur l'équité », qui vise à donner des chances
égales aux femmes dans tous les domaines. Cette dernière
approche, promue surtout pendant la Décennie des femmes, implique un
changement structurel visant à s'attaquer aux inégalités
entre les sexes.
Durant la même période, toute une
génération de féministes du Sud critique le modèle
de développement dans lequel on voudrait intégrer les femmes. Les
critiques du groupe DAWN (Development Alternatives for Women in a New Era) de
New Delhi sont importantes et marquent le début d'une véritable
approche féministe du développement. De ces critiques
émerge parallèlement une approche qui se préoccupe des
relations entre les genres et non seulement des femmes. Cette approche, dite
genre et développement, privilégie une perspective holistique,
c'est-à-dire tenant compte de l'articulation entre la famille et les
diverses activités sociales, économiques et politiques.
Les tenants de cette nouvelle approche soulèvent des
questions fortes pertinentes face à toute initiative de
développement : À qui elle profite ? Qui y perd ? Quels compromis
ont été faits ? Quels sont les résultats en terme
d'équilibre des droits et des privilèges, et en terme de partage
du pouvoir entre les hommes et les femmes et entre les divers groupes sociaux ?
L'analyse GED cherche donc à comprendre les facteurs qui favorisent le
maintien de la subordination des femmes et à développer des
stratégies de développement permettant d'appuyer le changement
des rapports sociaux dans un sens plus égalitaire.
I.3.1. LES DIFFERENTES APPROCHES CONCERNANT LES FEMMES
Finalement, on peut identifier trois grandes approches
concernant les femmes au sein du développement.
La première : l'intégration des femmes au
développement (IFD) ; la seconde : les femmes et le développement
(FED) ; et la troisième : l'approche genre et développement
(GED). Ces approches se chevauchent dans le temps jusqu'aujourd'hui.
I.3.1.1. INTÉGRATION DES FEMMES AU
DÉVELOPPEMENT (IFD)
L'approche de l'intégration des femmes au
développement (IFD) est issue du courant féministe libéral
et de la théorie de la modernisation (68(*)). Elle a fait son apparition en 1973. A cette
époque on croyait que la modernisation, habituellement synonyme
d'industrialisation, améliorerait le niveau de vie dans les pays en voie
de développement et qu'avec la croissance de l'économie de ces
pays, les bénéfices de la modernisation, étant
féministe explique la subordination des femmes par leur exclusion de la
sphère publique, due à la division sexuelle du travail.
Les féministes libérales cherchent à
promouvoir l'accès des femmes à différents domaines de
travail mais également à des postes où les
décisions prises peuvent avoir un impact sur la condition des femmes. Le
courant féministe prône des changements juridiques et
administratifs en vue d'assurer une meilleure intégration des femmes
dans le système économique. Au sein de ce courant
féministe, on réclame l'égalité pour vaincre la
discrimination envers les femmes.
L'approche IFD a mis beaucoup d'emphase sur la capacité
individuelle des femmes à s'outiller pour s'intégrer aux
structures déjà existantes du développement. Cette
approche a donc misé sur la promotion de l'accès aux nouvelles
technologies et à l'éducation, afin d'assurer la pleine
participation sociale des femmes.
I.3.1.2. L'APPROCHE FEMMES ET DÉVELOPPEMENT
(FED)
Face aux limites de la théorie de la modernisation et
de l'approche de l'IFD, une seconde approche est apparue au cours des
années 70 : l'approche Femmes et développement, fondée sur
la théorie de la dépendance et de la modernisation. Selon les
auteures DAGENAIS et PICHE, cette approche féministe-marxiste (69(*)) se fonde essentiellement sur
le postulat que les femmes ont toujours fait partie des processus de
développement et qu'elles n'y sont pas soudainement apparues au
début des années 1970.
Les auteures ajoutent que la perspective Femmes et
développement met l'accent sur la relation entre les femmes et les
processus de développement plutôt que seulement sur les
stratégies d'intégration des femmes au développement; que
cette même perspective part du fait que les femmes ont toujours
joué un rôle économique important au sein de leurs
sociétés ; que leur travail, à l'intérieur comme
à l'extérieur du foyer, est essentiel à la survie de ces
sociétés ; que cette intégration sert surtout au maintien
des structures internationales d'inégalité.
I.3.1.3. L'APPROCHE GENRE ET DÉVELOPPEMENT
(GED)
L'approche genre et développement résulte en
fait de nombreuses critiques formulées par des femmes chercheures du
Nord et du Sud, insatisfaites des approches précédentes. Ces
approches avaient ignoré l'apport des femmes et leur contribution
à la production de biens et de services dans leur communauté.
Les femmes étaient toujours confinées dans leur
rôle traditionnel familial. L'approche genre et développement a vu
le jour à la fin des années quatre-vingt, afin de travailler
à la reconnaissance de la contribution des femmes à la
société et à l' « empowerment » de celles-ci
à tous les niveaux.
Cette approche holistique, qui s'inspire du courant
féministe socialiste (70(*)) ; comble l'écart
laissé par les théoriciens de la modernisation en liant les
rapports de production aux rapports de reproduction et en tenant compte de tous
les aspects de la vie des femmes. L'approche GED se combine au concept de
développement durable et équitable.
L'approche Genre et Développement, en plus de chercher
à intégrer les femmes au développement, explore le
potentiel des initiatives de développement à transformer les
relations sociales et de genre et à donner plus de pouvoir aux femmes.
L'approche GED vise, à long terme, un partenariat égal entre les
femmes et les hommes dans la définition et l'orientation de leur avenir
collectif.
Contrairement aux approches précédentes,
l'approche genre et développement explique l'oppression des femmes par
la division du travail et donc par la subordination de la sphère de
reproduction à celle de la production. Les inégalités
entre les rapports femmes et hommes s'expliqueraient entre autres, par la non
reconnaissance de la contribution sociale des femmes par leur travail
domestique au détriment de la valorisation du travail salarié des
hommes.
Cette approche féministe tente de tenir compte, dans
ses stratégies d'intervention de l'ensemble de l'organisation sociale,
de la vie politique et économique, des différents rapports
sociaux entre les classes, ethnies etc.
L'approche GED va plus loin que l'approche IFD et Femmes et
développement dans la remise en question des postulats sous-jacents aux
structures sociales, économiques et politiques actuelles. La perspective
genre et développement conduit non seulement à
l'élaboration de stratégies d'intervention et d'actions positives
assurant une meilleure intégration des femmes aux initiatives de
développement en cours, mais elle entraîne inévitablement
un réexamen fondamental des structures et institutions sociales et, en
fin de compte, la perte de pouvoir des élites séculaires
produisant ainsi différents impacts sur la vie des femmes et des
hommes.
L'application de l'approche genre et développement doit
permettre aux programmes et projets de développement de répondre
aux besoins pratiques des femmes et aux intérêts
stratégiques de celles-ci. Les besoins pratiques sont liés aux
conditions de vie des femmes et les intérêts stratégiques
doivent correspondre aux intérêts à long terme pouvant
permettre l'amélioration de leur condition de vie.
L'approche GED vise l'autonomie des femmes pour éviter
leur récupération comme dispositif du développement.
Obtenir plus de pouvoir signifie aller au-delà de l'autonomie
financière vers l'autonomie politique. L'approche GED considère
les femmes comme agentes de changement plutôt que comme
bénéficiaires passives de l'aide au développement. Elle
affirme que les femmes doivent s'organiser afin d'augmenter leur pouvoir
politique.
C'est la raison pour laquelle nous nous proposons de faire un
aperçu synthétique des différences fondamentales entre
l'approche IFD et l'approche GED qui sont à la fois interchangeables
Tableau 2 :
Distinction entre l'approche de l'IFD et l'approche GED
INTEGRATION DES FEMMES AU DEVELOPPEMENT
(IFD)
|
GENRE ET DEVELOPPEMENT (GED)
|
1. l'approche
|
1. l'approche
|
Une approche qui considère les femmes comme
étant un problème
|
Une approche du développement
|
2. le centre d'intérêt
|
2. le centre d'intérêt
|
Les femmes
|
Les rapports femmes - hommes
|
3. le problème
|
3. le problème
|
L'exclusion des femmes (qui représentent la
moitié des ressources potentielles de production) du processus de
développement.
|
Les relations de pouvoir inégales (riches et pauvres,
femmes et hommes) qui empêchent un développement équitable
ainsi que la pleine participation des femmes.
|
4. l'objectif
|
4. l'objectif
|
Un développement plus efficient, plus efficace.
|
Un développement équitable et durable, où
les femmes et les hommes prennent les décisions.
|
5. la solution
|
5. la solution
|
Intégrer les femmes au processus de
développement existant.
|
Accroître le pouvoir des plus démunis et des
femmes.
Transformer les relations non égalitaires.
|
6. les stratégies
|
6. les stratégies
|
Projets pour femmes.
Volets femmes.
Projets intégrés.
Accroître la productivité des femmes.
Accroître le revenu des femmes d'effectuer les
tâches traditionnellement liées à leur rôle.
|
Identifier/considérer les besoins pratiques
déterminés par les femmes et les hommes en vue d'améliorer
leur condition.
Traiter en même temps des intérêts
stratégiques des femmes.
Faire face aux intérêts stratégiques des
pauvres par un développement axé sur les gens.
|
Source : tableau
conçu par nous même à partir de l'analyse
documentaire.
Il ressort de ce tableau que les approches de
définition nous renseignent peu sur l'évolution du concept de
développement voire sur la genèse du concept Genre et son lien
avec la politique. Pour ce faire, le présent cadre conceptuel met en
exergue les différentes théories de développement
élaborées depuis 1960 jusqu'à nos jours.
Certes, les notions de Genre et de Développement
intégral remontent de très lointaines et sont fonctions de la
division historique des universitaires. Il existe des tendances diverses qui
font que les gents cherchent à se positionner afin de prendre telle ou
telle autre position. De notre part, ces approches sont très pertinentes
dans la mesure où elles permettent de situer le Genre par rapport
à d'autres notions comme Parité, émancipation, etc.
Pour ce faire, nous proposons de présenter un
schéma explicatif de toutes ces approches de 1960 à nos jours.
Cette étude permettra à tout chercheur de cibler le sens visible
et invisible de la notion de Genre par rapport à d'autres concepts
similaires.
Toutes ces théories ont subi et subissent des mutations
jusqu'à nos jours, car le Genre est phénomène en mutation
permanente. Plus la société évolue, plus la conception que
les gens se font sur la notion de Genre se transforme.
Il est vrai que ce schéma peut connaitre de
modification dans les jours à venir, car la faiblesse ou les
désavantages d'une théorie donnent automatiquement naissance
à une nouvelle théorie. Les théories sur la notion de
Genre varient en fonction de temps et des auteurs. Mais, selon nous les
déterminants géographiques, historiques, culturels,
anthropologiques, économiques et politiques influent sur la
considération de phénomène
« Genre ».
Figure N°1 : Schéma des théories sur le
Genre et le Développement
Théorie de la modernisation
Idées- forces : le
développement passe par la croissance économique
Pionnier : ww.Rostow(1960)
Théorie de la dépendance
Idées-forces :
transfère de modèle de développement du Nord vers le sud
Pionniers : Sarnir AMIN et A. Gunder
FRANCK (1960-1970)
Approche « intégration des femmes au
développement » (IFD) Approche
« équipe »
« anti-pauvreté »,
« efficacité »
Idées-forces : Perspectives
d'intégration des femmes au développement
Pionniers : les femmes et les
féministes (1970-1980)
Approche « femme et développement
(FED)
Idées-forces : Participation
des femmes au processus de développement
Pionniers : les femmes et les
féministes (1970-1980)
APPROCHE ; « Genre et
développement » (GED)
Idées-forces : le
développement passe par la synergie des relations homme-femme.
Pionnier : les acteurs de
développement : chercheurs, ONG, Institutions Partenaires...
(à partir des
années 80 jusqu'à nos jours)
Prise en compte des rapports sociaux de
genre
- Dans les plans de développement ;
- Dans la perspective ESPECT ;
- Dans le projet de développement ;
- Au sein de la famille ;
- Par les partenaires au développement
Caractéristiques des relations homme-femme
selon le genre :
- Profit d'activité et la division sexuelle du travail
- Accès aux ressources, bénéfices et
contrôles.
- Besoins pratiques et intérêts stratégiques
des couches sociales
- Participation des femmes et des hommes à la gestion de
la communauté
- Possibilité des transformations économiques
Principes de GED
- Durabilité
- Participatif
- Equité/égalité
- empowerment
Approche « genre et projet de
développement »
- Contribution des activités du projet et à
l'amélioration des conditions de acteurs sociaux pour réduire la
pauvreté
- Besoins pratiques et intérêts
stratégiques ;
Niveau de participation des acteurs sociaux
- Contribution du projet à la transformation des rapports
de genre pour un DHD
Instruments d'étude
- MARP
- IPF
(Les plus utilisés au Bénin)
Source : Schéma explicatif des
théories de Genre et Développement conçu par Gaston
KALONGE grâce à l'analyse documentaire.
Ce cadre conceptuel présente le mérite de
distinguer les approches de Genre et de développement se rapportant
à différents niveaux (individuel, familial, communautaire,
national.....) de la réalité sociale (le bien être).
Il permet aussi d'identifier les modes de relations entre les
approches et les niveaux. Son intérêt réside dans son
adaptabilité à tous les pays en développement.
CHAPITRE II. ANALYSE DES MECANISMES DE LA PROMOTION DU
GENRE EN RDC
Dans l'élan global du repositionnement des femmes
à des fins de développement, il s'avère que la RDC est
partie prenante à plusieurs instruments internationaux relatifs aux
droits de l'homme garantissant également les droits des femmes,
notamment, la Convention des nations Unies sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination, le Protocole de la Charte Africaine des droits
de l'homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique, la
Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies
d'octobre 2000, la Résolution 1820 du Conseil de sécurité
des Nations Unies de juin 2008, le Pacte sur la paix, la
sécurité, le développement et la démocratie dans la
région des Grands Lacs, etc.
Ce qui au niveau national a eu des implications et a abouti
à des politiques nationales et à l'élaboration des textes
qui favorisent l'implication des femmes dans la vie nationale. Seulement comme
mentionné ci-haut, ces dispositions restent encore lacunaires tant dans
leur contenu que dans les faits.
Il existe certes une manifestation de volonté des
acteurs sociaux et étatiques à changer la situation des femmes de
manière durable. La traduction de ce fait est perçue en RDC,
à travers l'élaboration d'instruments nationaux en faveur de la
promotion des femmes et de Genre et l'implication accrue des organisations
féminines dans ces processus.
Sur le plan formel, quelques repères mettent en exergue
cette volonté, du moins manifeste :
? 2002 : l'élaboration du Programme National pour
la Promotion de la Femme Congolaise (PNPFC), adopté par le Gouvernement
en Septembre 1999 et mise en oeuvre en 2002;
? 2004 : l'élaboration du Document des
stratégies d'intégration du Genre dans les Politiques et
programmes de Développement en RDC
? 2005 : la mise en place des Bureaux de
réseautage des points focaux à Kinshasa et en provinces, suivi
des sessions de formation de ces derniers en approche Genre. A Kindu, ce bureau
existe également ;
? 2006 : la promulgation de la loi sur les violences
sexuelles;
? 2009 : l'élaboration de la Politique Nationale
de Genre.
II.1. LE STATUT DE LA FEMME EN RDC : UN REFLET DES
INEGALITES DE GENRE
II.1.1. Sur le plan politique
La participation de la femme dans le gouvernement ou dans les
organes locaux reste toujours faible. Les statistiques existantes de 1980 -
1995, indiquent que le nombre de femmes ayant occupé de postes
ministériels était de 16. Celui des hommes et femmes ayant
participé dans les organes locaux: s'élevait à 771 hommes
contre 22 femmes en 1980 et 5 ans après il est passé à
790 hommes contre 24 femmes (1995). A la période de transition, le
nombre des femmes et des hommes au parlement de transition et Haut Conseil de
la République parlement de transition est passé à 824
hommes contre 20 femmes (1990 - 1993).
Pour la Province du Maniema, les statistiques existantes de
1980 à 2011, indiquent que le nombre de femmes ayant occupé de
postes des Gouverneurs ou Vice-gouverneurs était de deux seulement.
Avant la période de la transition, il y avait une femme qui a
occupé le poste du Gouverneur (Gertrude KITEMBO) et pendant la
transition, une autre a occupé le poste du Vice-gouverneur de la
Province (Madame Catherine AZIZA SADIKI)
Aux élections de 2006, la représentation des
femmes tant au niveau national que provincial est restée encore
très faible. Nous confirmons que cette faible représentation des
femmes est la résultante de contraintes de divers ordres qui
pèsent sur elles. Il s'agit à titre illustratif, des contraintes
ci-après : le manque des moyens financiers pouvant couvrir les
besoins de la campagne. À Kindu par exemple, certaines femmes
étaient menacées par leurs époux à cause de leur
engagement au sein des formations politiques, la tradition les empêche
de prendre la parole devant les hommes ou de les réunir pour des fins
politiques, etc.
En ce qui concerne les opérations électorales de
l'an 2006 en RDC, au niveau du pouvoir législatif, sur 9709 candidatures
enregistrées au niveau de la Commission Electorale Indépendante
(CEI), il n'y a eu que 1320 candidatures féminines (13,6 %) dont
seulement 42 furent élues (3,2 %). Ainsi, les femmes ne
représentent que 8,4 % de 500 députés siégeant
à l'Assemblée nationale. Aucune femme n'a été
présente dans l'Espace Présidentiel, 8 femmes seulement (soit
7,6%) ont siégé dans le gouvernement de transition contre 53
hommes sur un total de 61 ministres et vice-ministres.
Au sénat de la transition, plus masculinisé
encore que l'assemblée nationale, il n'y avait que 3 femmes (2,5%)
contre 117 hommes alors que 120 sièges étaient à
répartir.
Les Assemblées provinciales quant à elles
présentent un pourcentage assez faible allant de 0% (Maniema) à
18,7% (Kinshasa), et entre les deux d'autres pourcentages très faibles,
dont : 2,3% (Nord Kivu) et 2,7% (Equateur).
Les femmes ont participé à titre
d'électrice à 55,07% contre les hommes dont le taux de
participation s'élevait à 44, 92%. Alors que les femmes sont
numériquement majoritaires au sein de la population globale et
constituent des forces actives et dynamiques pendant les campagnes
électorales, les échecs des femmes aux élections ont
été très criants et ont ainsi causé leur sous
représentation dans les institutions démocratiques issues des
élections libres, démocratiques, transparentes et
indépendantes.
Notre enquête dans la ville de Kindu relève les
réalités selon lesquelles, deux facteurs majeurs participent au
statut défavorable des femmes congolaises dans le domaine politique. Il
s'agit d'abord de la problématique du faible niveau
d'instruction pour la majorité des femmes et enfin, de l'absence de
culture politique chez la plupart des femmes ; fruit de la trajectoire
historique, de Genre, de la socialisation politique penchée beaucoup
plus vers les hommes
En rapport avec les exigences de la dialectique
matérialiste, l'interconnexion des faits exige à ce que d'autres
facteurs empiriques soient annexés à côté de deux
facteurs énumérés par nos enquêtés. Il s'agit
des facteurs ci-après:
- L'impréparation des femmes
- La confrontation à de nouvelles expériences
produites pas les mutations sociales
- Le patriarcat politique
- La faiblesse des actions des agents de développement
politique en direction des femmes
- Etc.
II.1.2.Sur le plan de l'éducation
La proportion de femmes de 15-49 ans sans instruction est
quatre fois plus élevée que celle des hommes (21 % contre 5 %) et
les hommes sont proportionnellement deux fois plus nombreux que les femmes
à avoir achevé les niveaux secondaires ou supérieurs (65 %
contre 41 %). La proportion des personnes de 15-49 ans qui ne savent ni lire ni
écrire (analphabètes) atteint 41 % parmi les femmes.
Cette situation n'est pas actuelle, car depuis l'enquête
organisée par le Bureau de l'UNICEF en 2001, la situation des femmes
est la même. Le taux de scolarisation des filles s'élevait
à 75,7 % contre 76,8 % pour les garçons. Le taux
d'analphabétisme des femmes est de 14,5 % contre 6 % pour les hommes
Les résultats de notre étude effectuée
par le moyen d'une enquête à Kindu montrent les
réalités selon lesquelles, plusieurs causes expliquent cette
différence en matière d'éducation notamment, les
difficultés d'accès, l'abandon du aux grossesses, aux mariages
précoces, au manque de revenu, à la tradition qui poussent les
parents à déconsidérer la scolarité des filles
etc.
Quelques exemples au niveau de la ville de Kindu insistent
sur le statut inférieur des femmes dans le domaine de l'éducation
par rapport aux hommes.
A Kindu, l'accès à l'école semble plus
difficile pour les filles que les garçons à partir du niveau
secondaire. En effet, si le rapport filles / garçons dans le primaire
est de 91,5% et donc proche de 100% (c'est-à-dire qu'il y a 9 filles
pour 10 garçons dans ce cycle), ce ratio descend à 55,5% (un peu
moins de 6 filles pour 10 garçons) au secondaire pour atteindre 8,6%
pour l'enseignement universitaire (1 fille pour 9 garçons).
Cette situation se traduit par un niveau moyen
d'éducation des femmes (5,7 années) inférieur à
celui des hommes (7,1 années) et un taux d'alphabétisation des
femmes (36,2%) plus faible que celui des hommes (48,2%).
Comme dit ci-haut, la pauvreté mais aussi la grossesse
ou le mariage précoce à Kindu sont les principales causes de
l'abandon de la scolarisation des jeunes filles. En effet, si 74,2% des
garçons ont arrêté leurs études pour des raisons
financières, 61,7% des filles de Kindu évoquent ce
problème financier tandis que 22,3% ont arrêté leurs
études à cause d'une grossesse ou un mariage.
D'ailleurs, selon l'EDS, la proportion de jeunes filles de
15-19 ans qui ont déjà commencé leur vie féconde
s'élève à 26,9% dans la Province du Maniema. En
résumé, des programmes ciblés sont nécessaires pour
que les filles de Kindu puissent poursuivre leur scolarité autant que
les garçons. Ceci est d'autant plus nécessaire que les
enquêtes montrent l'influence positive de l'éducation des
mères sur la santé des enfants.
La situation socio politique qu'a traversée la province
du Maniema ces dernières décennies a eu un impact négatif
sur le Genre. Elle est à la base de la dislocation des familles, suivie
d'une situation de précarité que vit la femme Congolaise à
tous les niveaux. On observe une permutation drastique du rôle de la
femme : chef de famille nombreuse dû au décès du
conjoint suite aux conflits armées et/ou au VIH / SIDA, enrôlement
forcé dans les milices combattantes, divorcée par suite des
violences sexuelles, femmes de compagnie pour les soldats, prostitution. On
constate également, en exploitant le rapport annuel (exercice 2008) de
la Division Provinciale de l'Agriculture du Maniema, l'existence d'une
déperdition au niveau de la productivité agricole où les
femmes occupent 52 % des forces de travail et assure 75 % de la production
alimentaire.
Aujourd'hui en RDC en général et dans le milieu
où nous avons fait notre enquête en particulier ( la ville de
Kindu), l'emploi non structuré occupe une grande majorité des
femmes qui s'adonnent à des activités de survie afin de lutter
contre la montée de la pauvreté du fait de la modicité des
salaires payés dans l'emploi formel dominé par les hommes et le
manque des ressources monétaires en général.
Les conclusions des consultations participatives indiquent
également que les droits des femmes sont violés ; des
discriminations sont constatées dans tous les domaines de vie :
droits, éducation, santé, accès aux ressources etc. En ce
qui concerne l'inégalité de l'accès à
l'éducation homme/femme, on constate un abandon précoce des
filles dû aux grossesses, aux mariages précoces et à
certaines traditions qui poussent les parents à
déconsidérer la scolarité des filles.
La situation de dépendance économique de la
femme vis-à-vis du revenu du mari est à la base de la violence
dont elle est victime. Les violences et sévices sexuels sont monnaie
courante. Les violences sexuelles ont entraîné la propagation de
la pandémie du VIH / SIDA dans les zones à conflits. Ces
violences continuent même en période post conflit sur l'ensemble
de la province.
Les femmes sont encore en minorité au sein des
institutions et structures de l'Etat notamment au niveau du gouvernement,
du parlement, de l'administration publique, du secteur privé, des
syndicats, des coopératives, des organisations professionnelles ainsi
qu'au niveau des organisations communautaires de base. En effet, le guide
biographique des femmes cadres et leaders, réalisé par le M.S.AF
et UNICEF, montre que le taux de représentativité des femmes aux
postes de pouvoir politique estimé à 10 % pour l'ensemble de la
République et dans la province du Maniema, le taux n'est que de 1 %
par rapport aux hommes.
II.1.3. Statut des femmes congolaises dans le domaine de
la santé
Il est à noter que le statut défavorable des
femmes congolaise dans le domaine de la santé a un lien avec
l'instruction, le pouvoir économique, la prise de décision, voire
les rapports sociaux des sexes et les politiques publiques dans ce domaine.
Tous ces aspects ont des effets sur le comportement des femmes dans le domaine
sanitaire. Ils contribuent ou non à modifier les tendances des femmes
dans leurs accès aux soins de santé, à l'information ou
encore dans leur appropriation des mesures sanitaires bénéfiques
à leur vie.
Le rapport du Bureau de l'OMS en RDC pour l'année 2010
prouve que la mortalité maternelle est très élevée
en RDC. Pour la période de 0-4 ans, le taux de mortalité
maternelle est estimé à 549 décès maternels pour
100 000 naissances vivantes. Le risque de mortalité maternelle sur la
durée de vie, calculé à partir du taux de mortalité
maternelle est de l'ordre de 0,034, ce qui signifie en d'autres termes, qu'en
RDC une femme court un risque d'environ 1 sur 29 de décéder pour
une cause maternelle durant les âges de procréation. Seulement,
les mesures en termes de prise en charge des femmes, d'information, de
sensibilisation, de renforcement des capacités du personnel, pour
réduire cet état de chose semblent faibles. Ce qui demande
l'implication de tous les acteurs qui militent pour la question de Genre ;
en fait le domaine de la santé par rapport à la question de
Genre, devraient tenir compte des besoins spécifiques et
stratégiques des femmes dans le domaine de la santé pour
l'élaboration des politiques appropriées.
Dans la ville de Kindu par exemple, en ce qui concerne les
attitudes et comportements en rapport avec le VIH/SIDA, le manque
d'éducation, l'accès réduit aux médias et au centre
de formation en la matière par les femmes, les rendent moins accessibles
aux informations sur le SIDA. Aussi, les stéréotypes
collés aux malades de SIDA produisent chez les femmes des attitudes
négatives tant pour les tests volontaires que pour la recherche de
l'information. La société est plus dure envers les femmes
porteuses de SIDA, ou encore envers celles qui ont un intérêt
particulier de la question, qu'envers les hommes. Ainsi, malgré la
connaissance du SIDA, des réticences persistent à plusieurs
niveaux en ce qui concerne l'appropriation d'approches de prévention et
de prise en charge du SIDA. Ce qui empiète sur la connaissance
complète de la question.
Selon le Ministère National de la santé en RDC,
la quasi-totalité des congolais ont entendu parler du VIH/sida (92 % des
femmes et 97 % des hommes) ; cependant, seulement 15 % des femmes et 22 % des
hommes de 15-49 ans peuvent être considérés comme ayant une
connaissance « complète » du sida. La possibilité de
transmission du VIH de la mère à l'enfant par l'allaitement est
connue par 55 % des femmes et 53 % des hommes ; mais seulement 14 % des femmes
et 15 % des hommes savent que le risque de transmission du VIH de la
mère à l'enfant peut être réduit par la prise de
médicaments spéciaux pendant la grossesse. Le
niveau global de tolérance envers les personnes vivant avec le VIH est
faible : seulement 6 % des femmes et 11 % des hommes feraient preuve de
tolérance.
L'usage des préservatifs à Kindu est en grande
partie décidé par l'homme. Les femmes ont une faible marge de
décision sur l'usage de préservatif. La supériorité
de l'homme dans la prise de décisions rentre même dans la
sphère des préventions, qui met par ce fait la vie des femmes en
danger ; elles ne sont pas toujours responsables même dans la
sexualité.
Au cours des 12 derniers mois ayant
précédé l'EDS, 19 % des femmes et 44 % des hommes de 15-49
ans ont eu des rapports sexuels à hauts risques (rapports sexuels avec
un partenaire extraconjugal et non cohabitant). Parmi eux, 17 % des femmes et
27 % des hommes ont déclaré avoir utilisé un condom au
cours des derniers rapports sexuels à hauts risques. Lors des derniers
rapports sexuels prénuptiaux, 16 % des jeunes femmes et 26 % des jeunes
hommes ont utilisé le condom.
Le constat est que les femmes utilisent moins les
préservatifs que les hommes. Question de soumission aveugle à
l'homme quel qu'en soit le risque. Ce qui a un lien avec la violence
domestique. Près de deux femmes sur trois (64 %) ont
déclaré avoir subi des violences physiques à un moment
quelconque de leur vie depuis l'âge de 15 ans et près de la
moitié (49 %) au cours des douze mois ayant précédé
l'enquête. Toutes les catégories de femmes sont touchées
par les violences domestiques. Dans 74 % des cas, l'auteur des actes de
violences est le conjoint actuel ou précédant ; fait de la
domination masculine.
En ce qui concerne l'accès aux soins de santé on
constate par exemple à Kindu que l'incapacité de consulter
un médecin ou autre personnel qualifié ainsi que
l'inaccessibilité aux soins existe soit parce que le prix est
élevé, soit les produits sont rares ou que la distance qui
sépare les malades d'une structure de santé sont grandes. Ce sont
autant des facteurs de la pauvreté.
Les femmes sont dans la plupart des cas les plus
concernées, pourtant, en cas de grossesse par exemple, les consultations
prénatales de qualité sont indispensables pour assurer la
vaccination des mères contre le tétanos et pour détecter
précocement et prendre en charge les complications potentielles et les
facteurs de risques pendant la grossesse et l'accouchement notamment la
pré éclampsie, l'anémie, les maladies
sexuellement transmissibles et la transmission du VIH/SIDA de la mère
à l'enfant. Elles permettent ainsi de prévenir les
décès maternels.
Le taux des femmes âgées de 15 - 49 ans qui ont
consulté le personnel qualifié est de 73,0 %. Des études
ponctuelles réalisées dans les milieux ruraux ont montré
que des coûts des services de santé ont un effet appauvrissant sur
les populations. En effet, 24,0 % des patients ont vendu leurs biens et 18,0 %
se sont endettés pour faire face aux coûts de soins de
santé. Une étude menée par une ONG a
déterminé que 30,0 % des patients ont vendu leurs biens et 15 %
se sont endettés pour faire face aux coûts de soins de
santé. Quand on met ceci avec la féminisation de la
pauvreté on peut bien voir à quel niveau les femmes sont les plus
exposées dans ces conditions.
Bien que le taux de la couverture des soins prénatals
soit de 73 ,3 %, des disparités persistent entre les milieux ruraux
et urbains, aussi entre les femmes qui ont étudié et celle dont
le niveau d'instruction est faible.
Le rapport annuel de la Division Provinciale de la
Santé au Maniema (exercice 2010), montre la réalité selon
laquelle, malgré la proximité géographique des services de
santé, 9 femmes de Kindu sur 10 âgées de 15 à 49 ans
déclarent avoir rencontré des problèmes pour
accéder aux soins, et en particulier des problèmes financiers
(78,1%). La pauvreté limite donc l'accès des femmes aux services
de santé. Il n'existe pas de mutuelles de santé
et le personnel médical exige d'être payé,
même dans les centres de santé publics, avant
toute consultation des patients. On souligne également
que les produits pharmaceutiques ne sont pas donnés
dans ces centres qui se contentent de délivrer des
ordonnances pour leur achat auprès des pharmacies.
Il faut noter par ailleurs que 43,2% des femmes
évoquent le problème de transport qui les a
empêchées de se soigner et 22,1% se sont vu refuser la permission
d'y aller par leurs conjoints. Une des conséquences de cette situation
est que seulement 39,1% des femmes ont effectué des soins
prénatals chez un médecin ou une sage-femme au cours de leur
dernière grossesse.
En outre dans toute la province du Maniema, un tiers des
accouchements (33%) se font en dehors des établissements sanitaires. Par
ailleurs, près de la moitié des accouchements ne sont pas
assistés par un personnel de santé. Ce qui explique probablement
le niveau élevé du taux de mortalité maternelle en RDC en
général et au Maniema en particulier.
L'inégalité dans le domaine de
l'éducation et du travail rend déjà les femmes
vulnérables (faiblesse du capital humain et financier). Un accès
limité au service de santé ne fait qu'accroître cette
vulnérabilité. L'Etat devrait consentir un effort plus important
pour améliorer l'accès physique et financier de tous, et
particulièrement des pauvres et des femmes, aux services de
santé.
Tableau 3. Incidence de la pauvreté
en province selon le milieu de résidence et les caractéristiques
socio démographiques du chef de ménage
|
Kinshasa
|
Sud Kivu
|
Maniema
|
Equateur
|
RDC
|
Milieu de résidence
|
Urbain
|
-
|
84.6
|
76.1
|
83.5
|
61.5
|
Rural
|
-
|
84.7
|
52.8
|
95.3
|
75.7
|
Sexe
|
Hommes
|
40.7
|
86,7
|
55.3
|
94.2
|
71,6
|
Femmes
|
45.7
|
65,6
|
60.8
|
87.7
|
69,9
|
Niveau d'instruction
|
Sans instruction
|
68.9
|
86,5
|
68.3
|
93.8
|
77,0
|
Primaire
|
57.0
|
84,9
|
54.3
|
96.9
|
76,3
|
Secondaire
|
45.5
|
83,6
|
55.6
|
92.7
|
71,9
|
Programme non formel
|
32.4
|
100,0
|
46.9
|
53.7
|
56,3
|
Universitaire
|
14.3
|
77,5
|
45.6
|
75.9
|
34,1
|
Secteur institutionnel
|
Administration publique
|
26.7
|
70,6
|
49.0
|
93.4
|
65,0
|
Entreprises publiques
|
16.2
|
86,0
|
22.0
|
87.0
|
59,1
|
Privés formels
|
31.3
|
48,8
|
53.6
|
92.2
|
49,6
|
Informel agricole
|
40.1
|
86,6
|
59.3
|
95.1
|
77,1
|
Informel non agricole
|
47.2
|
83,6
|
47.5
|
90.6
|
64,5
|
Associations
|
33.4
|
85,3
|
54.9
|
78.1
|
60,1
|
Source : Tableau
élaboré sur base des profils des provinces (PNUD ; Rapport
annuel, exercice 2009)
Le milieu de résidence, le sexe, le niveau
d'instruction et le secteur d'activité restent déterminants sur
l'incidence de pauvreté. Ces facteurs associés au niveau
d'instruction et au milieu de résidence aggravent la situation de
pauvreté des femmes résidant en milieu rural et n'ayant pas un
niveau élevé d'instruction.
L'accès des femmes aux services de santé n'est
pas évident dans la ville de Kindu. En effet, outre l'insuffisance des
infrastructures de santé, 85% des femmes enquêtées dans la
ville de Kindu, représentant 85 sur 100 sujets enquêtés
déclarent avoir rencontré des problèmes pour
accéder aux soins. Il s'agit principalement des problèmes
financiers (72%) et des problèmes de transport (44%).
L'inégalité selon le Genre sur le marché du travail et
dans le domaine de l'éducation rend déjà les femmes
vulnérables.
L'accès limité au service de santé ne
fait qu'accroître cette vulnérabilité dans la ville de
Kindu. Par ailleurs, d'autres facteurs viennent aggraver les barrières
financières et géographiques que subissent les femmes pour
accéder aux services de santé. En effet, 25 sur 100 femmes
enquêtées soit 25% de la totalité des sujets
enquêtés dans la ville de Kindu déclarent s'être vu
refuser la permission d'aller se soigner.
Malgré cela, les conditions d'accouchements semblent
bien meilleures au Chef lieu de Province par rapport aux autres territoires
formant la province du Maniema. Le même rapport du Ministère
National de la santé indique que les accouchements ont été
assistés dans une proportion élevée (73,5% au Maniema
contre 64,4% en RDC) par un personnel de santé (médecin,
infirmier ou sage femme).
II.1.4. Dans le domaine de l'emploi
Le Capital humain ne peut constituer un moteur de
modernisation que si on accorde une importance à
l'éducation ; car, le niveau de progrès d'un pays est
fonction du degré d'instruction de sa population. Ainsi, assurer
à tous, dans une société, des chances équitables,
d'accès à des moyens appropriés de s'instruire et de se
qualifier garanti le développement des populations. Or en R.D.C., il
existe encore des inégalités criantes entre
d'une part, hommes et femmes et d'autre part garçons et filles.
En matière d'emploi, les femmes sont très peu
représentées. Les données de l'INS (Rapport annuel de l'an
1991) indiquent qu'il y a 11% des femmes salariées dans le secteur non
agricole. En effet l'analphabétisme des femmes, la confusion
consacrée dans les dispositifs juridiques consacrant
l'incapacité de la femme mariée en exigeant l'autorisation
maritale, la coutume etc., sont des facteurs explicatifs de la sous
représentativité des femmes dans ces domaines.
Dans le Rapport cité ci-haut, les données de la
Province du Maniema révèlent
que l'inégalité dans le domaine de
l'éducation se répercute sur le marché du travail. En
effet, le taux d'activité des femmes de 10 ans et plus (50,6%) est
légèrement plus faible que celui des hommes (54,3%). En revanche,
leur taux de chômage est plus faible (2,3% pour les femmes et 3,6% pour
les hommes).
L'analyse par secteur institutionnel montre que les femmes
sont quasiment absentes dans le secteur organisé (secteur public et
privé formel). En effet, 97% des femmes du Maniema travaillent dans le
secteur informel (contre 85% des hommes). Par ailleurs, 4% des hommes occupent
des emplois de cadres contre seulement 0,1% des femmes.
Les femmes occupent surtout des emplois précaires avec
de faible rémunération. En effet, 44% des femmes sont des aides
familiales contre 10% des hommes dans cette catégorie. Le taux de
salarisation des femmes est très faible car seulement 2,4% des femmes de
la province sont salariées alors que ces proportions montent à
18,4% pour les hommes. Enfin, le revenu d'activité moyen mensuel des
femmes (15 dollars) est également nettement plus faible que celui des
hommes (20 dollars). Face à cette précarité des emplois
des femmes, des appuis spécifiques doivent leur être
accordés comme par exemple l'accès facile au crédit.
A Kindu Chef-lieu de la Province du Maniema, cette
inégalité dans le domaine de l'éducation se
répercute sur le marché du travail. Les femmes ont un taux
d'activité (62,8%) plus élevé que celui des hommes
(60,2%). En revanche, leurs conditions d'activité sont plus
précaires : un revenu mensuel moyen d'un peu plus de la moitié de
celui des hommes (19$ pour les femmes contre 32$ pour les hommes), un faible
taux de salarisation (4,9% pour les femmes et 21,4% pour les hommes). Il en est
de même du taux de chômage qui est un peu plus élevé
chez les femmes par rapport aux hommes. Par ailleurs, 56,3% des emplois du
secteur informel sont occupés par des femmes, que l'on trouve
concentrées dans les emplois les plus vulnérables, notamment
parmi les travailleurs à leur compte et spécialement les
commerçants.
Face à cette précarité des emplois des
femmes, des appuis spécifiques devraient leur être accordés
comme par exemple des facilités d'accès au crédit pour
celles qui envisagent de développer des activités
génératrices de revenus.
Il se dégage que de manière
générale la situation des femmes dans le domaine de l'emploi est
différente de celle des hommes, mais aussi, elle se différencie
entre les femmes elles-mêmes en raison de plusieurs facteurs. Le tableau
ci-dessous le confirme en tenant compte des caractéristiques socio
démographiques.
Tableau 4. Occupations des femmes en
RDC
Caractéristique socio- démographique
|
Employée
|
Ventes et services
|
Cadre/technicienne/direction
|
Agriculture
|
Groupe d'âge
|
15-19
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
|
0.4
0.8
0.9
1.0
0.3
0.5
00
|
24.9
27.6
25.0
30.6
26.4
19.1
19.6
|
0.5
2.0
3.6
3.4
4.7
5.6
4.4
|
63.1
65.1
64.0
58.8
63.4
70.1
73.5
|
Etat matrimonial
|
Célibataire
En union
Divorcée/séparée/veuve
|
2.5
0.3
0.6
|
32.9
23.0
33.2
|
4.1
3.2
3.1
|
47.3
69.0
57.0
|
Milieu de résidence
|
Urbain
Rural
|
1.6
0.1
|
52.0
10.4
|
6.7
1.4
|
28.8
85.1
|
Province
|
Kinshasa
Bandundu
Equateur
Sud Kivu
Maniema
|
2.4
0.4
0.1
0.3
0.1
|
73.0
7.5
11.8
34.8
19.5
|
6.3
3.0
1.4
4.2
3.7
|
5.4
88.4
82.6
53.8
69.6
|
Niveau d'instruction
|
Aucune instruction
Primaire
Secondaire
Supérieur
|
0.0
0.0
1.4
12.7
10.3
|
9.3
20.1
44.9
36.0
24.2
|
0.5
0.3
7.7
38.6
27.5
|
88.3
74.8
15.9
4.6
31.2
|
Quintile de bien être
économique
|
Le plus pauvre
Second
Moyen
Quatrième
Le plus riche
|
0.0
0.2
0.1
0.9
2.0
|
8.5
7.7
15.6
42.9
69.8
|
0.5
1.1
2.2
5.1
9.8
|
87.9
87.8
78.3
42.9
3.6
|
Source : Tableau
dressé à partir des données tirées dans le rapport
annuel de l'EDS-RDC 2007.
Au regard de tout ce qui précède, il est
à noter que si la question de Genre est au coeur des débats
politiques, il n'en reste pas moins qu'elle soit prise en compte par tous les
agents de développement. Ainsi, il est impérieux de tenir compte
de tous les facteurs qui engendrent le déséquilibre de Genre, ou
mieux de la situation défavorable des femmes congolaises dans tout
programme, politique ou projet de développement.
II.2. POLITIQUES ET PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT FONDES
SUR LE GENRE EN RDC.
Conscients des différences existant entre les hommes et
les femmes, les politiques et programmes de développement congolais
devraient s'efforcer de répondre aux besoins pratiques propres aux uns
et aux autres, dans le cadre de la répartition actuelle des ressources
et des responsabilités politiques à tous les niveaux et de la
reconstruction nationale.
II.2.1. La formation des acteurs de développement
sur le Genre.
Le contexte post conflit et de reconstruction nationale offre
de nouvelles opportunités de la révisitation de Genre en RDC.
Cette activité de formation s'avère être une
activité de renforcement des capacités qui vise à
accroître la prise de conscience, les connaissances et les
compétences pratiques autour des questions de Genre en partageant des
informations, des expériences et des techniques et en promouvant la
réflexion et le débat.
Le but de la formation en matière de Genre est de
permettre aux participants de comprendre les différents rôles et
besoins des femmes et des hommes dans la société, de mettre
à mal les comportements et structures sexuellement
stéréotypés et discriminatoires, ainsi que les
inégalités socialement construites, et de mettre en pratique ces
connaissances nouvellement acquises dans leur travail au jour le jour.
Grâce à la formation, l'acteur de
développement devrait pouvoir :
? Comprendre les différents rôles joués
par les hommes et les femmes ;
? Saisir la façon dont la perception de
l'égalité des sexes a évolué au fil des ans ;
? Reconnaître que les interventions gagnent en
efficacité en intégrant un souci d'équité entre les
sexes ;
? Déterminer les principes, avec les instruments
internationaux et nationaux correspondants, qui étayent les droits
fondamentaux des personnes se trouvant dans des situations d'après
conflit, et être particulièrement attentif aux questions qui
concernent directement les droits des femmes ;
? Faire en sorte que les droits juridiques des femmes soient
compris et que des mesures adéquates soient prises pour les garantir
;
? Recenser les éléments particuliers qui
caractérisent une démarche axée sur
l'égalité des sexes à tous les niveaux ;
? Utiliser des instruments et cadres spécialement
conçus pour réaliser une analyse par sexe et collecter des
données pour avoir une idée plus précise du cadre dans
lequel les femmes et les hommes se meuvent ;
? Mettre au point des mécanismes garantissant la prise
en compte des ressources et des besoins des femmes et des hommes à tous
les stades de la planification et de la gestion des programmes et au niveau des
systèmes d'évaluation ;
? Concevoir des stratégies pour soutenir les femmes
confrontées à des situations nouvelles (familles monoparentales,
mères célibataires, veuves) ;
? Intégrer dans toutes les phases de la programmation,
une démarche axée sur l'égalité des sexes ;
? Améliorer l'efficacité des programmes de
relèvement et développement grâce à une prise en
compte adéquate des besoins et des ressources de tous les membres de la
population ciblée ;
? Encourager chaque membre de chaque équipe à
faire en sorte d'intégrer dans son domaine de compétence les
préoccupations des femmes et des hommes.
II.2.2. La prospective du développement sur le Genre
en RDC.
Il s'agit ici de s'orienter intellectuellement et
politiquement, au sujet de la différence homme/femme, dans les
conceptions culturelles, dans le poids historique du retard imposé
à la femme et dans les conditions de fonctionnement de la femme
(tâches maternelles, domestiques, etc.,) qui l'empêchent de
fonctionner dans les affaires publiques comme l'homme, ainsi que dans les
politiques et stratégies de développement.
Comment faire de sorte que la maxime de promotion de genre
soit praticable dans les créations et les consommations culturelles ?
Comment faire pour que le retard historique soit éradiqué.
Comment faire pour que les tâches maternelles et domestiques cessent de
garder la femme en situation d'inégalité par rapport à la
participation dans les affaires publiques ?
La structuration du champ social de Kindu et sa configuration
en termes d'accès des femmes ou de certains groupes sociaux
spécifiques aux différentes ressources et aux espaces de prise
des décisions, est la résultante du jeu d'intérêts
et des normes sociales dont la trajectoire va de l'époque traditionnelle
à l'époque moderne, en passant par la colonisation
II.3. REGARD SUR LES MOUVEMENTS FEMININS CONGOLAIS
Les mouvements féminins congolais, en raison de leur
proximité avec les populations, jouent un rôle fondamental et
déterminant dans la lutte pour la promotion féminine et du Genre.
Ils permettent d'intensifier le dialogue entre l'Etat et les populations
à travers le plaidoyer et la sensibilisation, la vulgarisation et
le suivi de l'application effective des textes juridiques nationaux et des
traités internationaux sur les droits des femmes, ainsi que
l'identification des obstacles qui entravent la pleine jouissance de ces
droits.
Cette indentification des obstacles qui entravent la
jouissance de droits des femmes a progressivement pris conscience de son
rôle au fil du temps et ses actions évoluent avec le contexte
politique, économique et socio politique de la RDC. Ses configurations
ne sont pas restées les mêmes, et elle peut être
identifiée à travers plusieurs formes dans la trajectoire
historique de la RDC.
Avant 1960, en la période coloniale, émergent
les mouvements syncrétiques et messianiques en opposition à la
politique coloniale. Ceux-ci seront relayés par la jeune élite
congolaise à la veille de l'indépendance. Outre ces mouvements,
il est à noter qu'il a aussi existé des associations civiles
non-revendicatives à caractère culturel et tribal. Celles-ci
subsistèrent jusqu'après l'indépendance, entre 1960 et
1965 et se transformèrent, surtout en ce qui concerne les associations
tribales, en partis politiques.
Sous le régime dictatorial de Mobutu, entre 1965 et
1990, l'instauration du Mouvement Populaire de la Révolution comme parti
unique conduit à l'hibernation et à l'inféodation des
associations, encore subsistantes après l'indépendance. Tout
congolais était membre du MPR et devait par ce fait obéir
à l'idéologie unique du Parti-Etat. Il se développa un
militantisme de soutien en cette période.
La succession des régimes répressifs et de
conflits armés où les injustices historiques et violations
systématiques des droits humains ont prévalu, l'incapacité
de l'Etat à les résorber et à assurer aux populations avec
qui il forme système. La jouissance substantielle de la
citoyenneté, enclenche l'alternative non étatique de gestion de
la vie sociale.
II.3.1. Les mouvements des femmes pendant la période
coloniale jusqu'en 1965.
Une périodisation de l'évolution des mouvements
des femmes en RDC depuis l'époque coloniale sera l'occasion de mettre
en relief les moments déterminants de leur participation politique et
certains enjeux auxquels elles font face aujourd'hui.
Les femmes ont exploité le changement de contexte
politique post conflit pour promouvoir leurs droits et se rendre plus visible
dans les espaces de prise de pouvoir, mais sans pour autant être
arrivées à des résultats satisfaisants.
Les dynamiques sociales, économiques et politiques tant
au niveau national qu'international ont contribué à mettre en
exergue ou encore à constater le déséquilibre de genre,
dans la mesure où les logiques de développement insistaient
déjà sur le rôle potentiel de la femme comme actrice,
instrument et moteur du développement au même titre que
l'homme.
L'inadaptation à l'évolution globale, les
repères de développements extravertis, l'internationalisation du
féminisme, etc. ont suscité une prise de conscience des acteurs
sociaux et politiques au niveau national pour un processus d'intégration
de la femme dans plusieurs sphères de la vie nationale.
La prise de conscience d'une oppression
spécifique est au coeur de la lutte que les femmes à travers le
monde mènent. Cette prise de conscience a permis un début de
repositionnement de la femme dans les rapports selon le genre.
Avec l'évolution des contextes, les femmes prennent
conscience de leurs conditions, et par le biais des associations, vont tenter
de lutter pour leurs droits en tant que « citoyens » et de
les conquérir. Elles se considèrent dans ces conditions comme
« premiers forgerons » de leur propre statut et de leur
dignité dans la société.
Les actions collectives, menées souvent du dehors, ne
suffisent pas pour assurer pleinement la promotion des femmes. Elles sont ainsi
de plus en plus conscientes que la véritable émancipation vient,
avant tout, de dedans, des femmes elles-mêmes.
A l'aube de l'indépendance, le statut de la femme est
resté presque identique à celui d'avant 1960. C'était la
pérennisation d'une société patriarcale, dans laquelle la
gestion de la chose publique et des structures sociales était dans la
plupart des cas assurée par l'homme.
Les initiatives prises par les femmes ont permis à
certains moments la connexion des femmes pour un idéal commun qu'est la
promotion de genre. Seulement des défis majeurs ont
émaillé la lutte des femmes avec comme conséquences,
l'effondrement de certains piliers pour plus d'efficacité dans l'action.
L'auto - prise en charge des femmes dans ce processus est manifeste car par
leur prise de conscience, elles se sont pensées autrement, ont
participé à côté de l'Etat et des organisations
internationales à refaire le genre et ont activé des
stratégies pour que soient prises en compte leurs revendications.
Il sied donc de souligner qu'en RDC, certaines initiatives
étaient entreprises par les femmes pour leur participation politique
dès l'époque coloniale. Les femmes ont fourni un effort pour
revendiquer leurs droits, mais ne se sont pas vues représentées
lors de grands événements de 1960.
Quelques Associations (71(*)) féminines ont marqué de leurs
empreintes la trajectoire historique des mouvements féminins en RDC.
- Femmes ABAKO (FABAKO) : c'était une section
féminine de l'ABAKO. Celle-ci fut fondée par Madame
Julienne MBENGI en 1958. Le but proposé restait
l'émancipation de la femme.
- l'Union Nationale des femmes Congolaises :
fondée en février 1960 par Madame DJAMBO
et présidée par Madame Joséphine SOLDE.
Ses objectifs étaient : promouvoir l'entente et l'unité
entre les femmes congolaises, mobiliser l'opinion, développer le
sentiment de communauté parmi les femmes congolaises, la formation
civique, patriotique, sociale et politique.
- Le Groupement pour l'Emancipation de la Femme Africaine
(GEFA). Créée en 1958 après la tenue du congrès de
la femme africaine à Lomé du 15 au 18 juillet 1958, cette
association fut dirigée par Pauline LISANGA. Les buts
poursuivis étaient l'encadrement des jeunes délinquants, l'aide
aux vieillards et aux orphelins, la formation des femmes pour l'action
politique.
- Le Mouvement des Femmes Nationalistes : c'est une
section du Mouvement National Congolais fondé en Février 1960 par
Mademoiselle Sonise KAPAMBA. Il prônait
l'émancipation de la femme congolaise. En 1964, les femmes nationalistes
réclamèrent la participation de la femme aux élections.
- L'Union Progressiste Féminine Congolaise
créée à Léopoldville en Mars 1960 par Mademoiselle
Francine TSIMBA.
- En 1965, différentes associations féminines se
sont regroupées pour former l'Union Révolutionnaire des femmes du
Congo. Elle ne fit pas long feu à cause des divergences qui surgirent
entre leaders de différentes associations. Madame Sophie
KANZA fût sollicitée pour régler les conflits de
leadership et proposa une base de l'unification qui fût nommée
l'Union Nationale des Femmes Congolaises avec comme activité :
l'éducation civique, la couture et l'alphabétisation (72(*)).
La particularité de ces mouvements réside dans
le fait que les femmes congolaises étaient en contact avec les femmes
d'autres pays africains qui étaient en avance par rapport à
elles, notamment les femmes Togolaises, Nigérianes et Ghanéennes.
Ils ont servi de cadres d'apprentissage politique pour certaines femmes qui
exercèrent des postes de responsabilité pendant la
deuxième République.
II.3.2. Les mouvements des femmes sous le régime de
Mobutu.
Le Mouvement Populaire de la Révolution, né le
20 mail 1967, incorpora en son sein toutes les présidentes des
associations féminines. Ces dernières en furent les
premières propagandistes.
De 1991 à 1993, les associations féminines
étaient beaucoup plus orientées vers la lutte pour la survie. A
cause de la crise économique grandissante, les femmes ont réagi
en exerçant des métiers de survie, et se regroupaient
généralement pour des raisons de production : la recherche
du capital. C'est le cas des mamans libanga, moziki 100
Kilo, à Kindu, nous pouvons citer le cas des mamans de
« tout puissant Mazembe », etc.
A partir de 1994, les associations se regroupaient selon les
catégories socioprofessionnelles pour la défense des
intérêts non seulement liés à la survie, mais aussi
d'ordre professionnel. Des revendications pour plus de justice entre hommes et
femmes étaient formulées de temps en temps.
Par la suite, les femmes se sont montrées de plus en
plus combatives à travers des réseaux et cartels pour un
militantisme de responsabilité dans la sphère publique et la
reconnaissance de leurs droits en tant que citoyennes de la RDC, au même
titre que les hommes. C'est dans ce cadre qu'est né(e) :
- Le Conseil National des femmes pour le Développement
(CONAFED) crée au lendemain de la Conférence Nationale Souveraine
qui s'est fixé comme objectifs d'encadrer ses membres au travers des
séminaires et des campagnes d'éducation, de conscientisation et
de responsabilisation sur le développement ; de lutter pour la
reconnaissance et la défense des droits reconnus à la femme en
veillant à l'application des textes légaux ou statutaires y
relatifs.
- L'Union Nationale des Femmes (UNAF). Créée le
07 Juillet 1993 à l'initiative des femmes déléguées
de toutes les provinces aux assises de la Conférence Nationale
Souveraine, avec comme objectif : la défense des droits et
intérêts de la femme, la promotion socioculturelle de la femme, la
participation qualitative et quantitative de la femme à tous les niveaux
du développement harmonieux. Elle regroupait plus de 250
associations.
- Le Réseau Action Femme (RAF). Créé en
1994 dont l'objectif était l'épanouissement total de la femme et
de la jeune fille, ce réseau a dans son actif remis un mémorandum
au gouvernement de transition pour que soient révisés certains
articles du code de la famille relatifs à la succession, à
l'incapacité juridique de la femme, etc.
Il faut noter cependant que toutes ces structures n'ont jamais
installé à Kindu leurs bureaux ou antennes de la
représentation.
II.3.3. Les mouvements des femmes pendant la période
de 1997 à 2011.
A noter que la recrudescence des mouvements féminins,
aussi bien que de la société civile dans son ensemble correspond
à l'annonce de la libéralisation du champ associatif et par la
suite à la période de conflit et post conflit qui en ont
été favorables. 90% d'organisations non gouvernementales des
femmes et de leurs plateformes ont été créés entre
l'intervalle de temps allant de 1998 à 2004. Ce lien entre la
période de crise et l'émergence des associations des femmes,
traduit beaucoup plus le besoin et le souci partagés par les femmes de
construire la paix.
II.4. L'IMPLICATION DES FEMMES CONGOLAISES DANS LE
COMBAT POLITIQUE DE 1990 A 2011.
La période post conflit a été un moment
de participation accrue, tant de la société civile dans son
ensemble, que des organisations féminines au processus électoral
et à celui de restauration de la paix. Les faits catalyseurs de cette
prise de conscience collective selon les propos de 78 sur 100 personnes
enquêtées soit 78% sont entre autres :
- Le déclenchement du processus démocratique
annoncé le 24 avril 1990 par le président Mobutu, avec la
libéralisation de la vie associative et des partis politiques
- La reprise de la coopération structurelle vers les
années 2000
- Les effets des guerres entre les combattants « Mai
Mai » et les troupes du RCD ;
- Le processus de paix
- L'instauration d'un nouvel ordre politique : le
processus électoral
II.4.1. Le processus démocratique
L'émergence structurée de la
société civile en RDC est en relation avec la crise de l'Etat et
les revendications démocratiques. La démocratisation
annoncée par le régime Mobutu a permis avec la tenue de la
Conférence Nationale souveraine en août 1991, la structuration de
la société civile congolaise. L'idée de celle-ci se
popularise et se consolide. Ce moment a été une
opportunité pour plus d'implication de la société civile
dans la vie politique nationale.
Concrètement, cette société civile
regroupa les églises, les syndicats, les corporations
socioprofessionnelles, les associations féminines, les associations
sportives et culturelles, les mouvements des jeunesses, les
sociétés savantes, les mutuelles super tribalistes, les
sociétés patronales, et surtout les ONG de
développement.
Les associations congolaises sont relativement jeunes. La loi
N°004/2001 du 20 juillet 2001 libéralise complètement le
champ des associations sans but lucratif et consacre la nécessité
de faire participer ses institutions à la conception ainsi qu'à
l'exécution des politiques publiques.
Le nombre de syndicats des travailleurs passe de 1 en 1990
à 112 en 1991et à près de 1300 en 2003. Il n'y avait qu'un
syndicat patronal avant 1990 ; en 2003 on en comptait au moins trois. Les
O.N.G. effectivement recensées étaient de 450 en 1990, de 1.322
en 1996 et de 2.500 à 4.700 en 2003, soit 80 % des composantes de la
société civile créées après 1990(73(*)).
Tableau 5: Effectifs des ONG en RDC de 1990
à 2003
ANNEE
|
NOMBRES DES ONGS
|
MILLE NEUF CENT NONANTE
|
450
|
MILLE NEUF CENT NONANTE SIX
|
2500
|
DEUX MILLE TROIS
|
4700
|
Source :
Élaboré sur base du répertoire des ONG dans CNONG/UNICEF
(Rapport de l'an 1990)
Graphique N°1: Visualisation des
effectifs des ONG en RDC de 1990 à 2003.
Après le discours de Mobutu d'avril 1990, plusieurs
associations de droits de l'homme ont été créées
avec comme finalité d'aider la population à s'impliquer dans le
processus de démocratisation et à défendre les droits
civiques et politiques. Dans ce même élan, on a senti à
partir de la période post conflit, la volonté plus manifeste des
femmes de la ville de Kindu à lutter pour un Etat de droit, pour la paix
et pour l'égalité des chances hommes- femmes.
II.4.2. La reprise de la coopération
structurelle
Des forces exogènes ont aussi marqué de leur
influence les interactions politiques, économiques et sociales entre
divers acteurs pendant la période post conflit. L'influence des
institutions financières internationales, et des grandes puissances, en
direction des États et particulièrement ceux de pays
sous-développés au Sud a permis une recomposition des rapports
sociopolitiques et ont contribué à l'émergence et à
la prise en compte de la société civile comme nouvel acteur dans
la gestion de la vie nationale.
La société civile apparait comme un nouvel
espace social où se construisent des nouvelles dynamiques pour la
résorption de la crise sociale, et donc le lieu de construction des
nouvelles ressources, stratégies et formes politiques de
régulation, mais aussi comme le lieu où se construisent les
dynamiques en vue de l'émergence de la démocratie, qui est l'une
des conditions évoquées par les institutions internationales pour
garantir les bonnes relations de partenariat.
La reprise de la coopération structurelle avait comme
entre autres exigences, l'implication de la société civile dans
le processus de négociation, de la mise en oeuvre et d'évaluation
des politiques de coopération.
L'accord de Cotonou le consacre et donne davantage de
possibilité de représentation de la société civile
dans les sphères où se gèrent les questions de
développement national. Cet accord qui fut signé en juin 2000
pour les relations entre l'Union européenne et les pays ACP avait comme
principes fondamentaux :
- L'égalité des partenaires
- La participation de nouveaux partenaires (acteurs non
étatiques, organisations de la société civile et secteur
privé)
- Le dialogue et l'engagement mutuel
- La différenciation et la négociation
Ainsi, la société civile est introduite comme
une des composantes de la politique de coopération internationale, mais
qui n'était pas vraiment organisée au début. L'impact de
la participation de la société civile se fait aussitôt
ressentir car en 1990, les organisations de la société civile
étaient représentées à 21%, mais en 2003, elles ont
été représentées à 72% des projets
financés par la Banque Mondiale.
II.4.3. Les faits de guerres : atrocités et
violences dans la ville de Kindu
En dépit de l'ouverture politique, la
déliquescence effrénée de l'Etat va jusqu'aux guerres
d' « agression » de 1996 et 1998. Cette vague de
guerres aura causé la mort d'environ 4,7 millions de personnes, des
problèmes nutritionnels de plus de 16 millions de personnes, les
conditions d'hébergement difficiles, les épidémies de
diverses natures ainsi que d'autres circonstances particulières telles
que des viols massifs sur les femmes et les filles.
La société civile non seulement
témoignera et informera l'extérieur sur la détresse des
populations, mais entreprendra aussi des actions assez visibles pour la fin des
hostilités. Le peuple s'octroie ainsi la tutelle d'un pouvoir de
conjoncture des églises, des ONG de défense des droits de
l'homme, des associations féminines, et autres acquises à leur
cause.
La portée de ses interventions était liée
à la situation désastreuse de la période de guerre que
traversait la population de la ville de Kindu, à savoir le pillage des
ressources naturelles, les massacres des populations, la répression
militaire, les viols, etc.
Compte tenu de l'Etat de guerre dans lequel se trouvait la
République Démocratique du Congo, la coordination de la
société civile du Maniema avait mis un accent particulier sur la
résolution pacifique et la prévention des conflits, sur la
promotion de la paix et sur le processus de normalisation de la vie publique
par les élections libres et transparentes.
Toutefois, des déterminants à la fois sociaux,
économiques et politiques influent de temps en temps sur la
configuration de cette société civile qui reste souvent hybride.
Ainsi, les déterminants sociaux ont dans la plupart des
cas rapproché la population de la société civile, et ce,
essentiellement pendant la guerre, et ceux économiques, et politique
sont généralement les sources de l'inféodation, de
l'instrumentalisation et de la lutte pour le positionnement de certains
acteurs de la société civile dans l'après-guerre.
Les négociations initiées dans une conjoncture
politique et économique polluée ont déterminé la
société civile dans des proportions considérables.
Supposée avoir une meilleure connaissance de la situation des
populations, elle a contribué tout de même à la production
d'argumentaires qui ont servi à la prise de certaines mesures
bénéfiques à la République Démocratique du
Congo. Seulement, ce souci de l'intérêt collectif s'est vu
masqué par la quête du pouvoir qui a plongé les acteurs
sociaux dans une compromission et qui les a dépouillés dans une
certaine mesure de leur crédibilité au niveau de la
population.
La société civile du Maniema est entrée
ainsi dans une logique à double facette : à la fois elle
luttait pour la défense des droits des citoyens, mais aussi luttait pour
une représentation politique des femmes. Certains responsables de la
société civile du Maniema ont passé à la politique
active et participent aussi à l'instabilité sociopolitique.
II.4.4. Le processus de paix
Les affres de la guerre n'ont pas laissé la
société civile de la RDC en général et celle de la
Province du Maniema en particulier, indifférente. Les lourdes
conséquences d'ordre social, politique économique et humain
engendrées par les conflits, ont suscité une ouverture pour des
négociations dès 1998. La société civile s'est
engagée, tout comme les autres acteurs impliqués ou non dans la
guerre, à trouver des voies de sortie pour une paix durable. Toutes les
forces vives se sont mobilisées pour les négociations de paix.
Certaines personnes physiques se sont engagées activement pour que le
Maniema retrouve aussi la paix, on peut citer les figures les plus
célèbres comme : les acteurs politiques de la transition,
originaires du Maniema et anciens animateurs de la Société civile
du Maniema. Il s'agit de : TABEZI PENE MAGU, CHOMA NYEMBO, Catherine
AZIZA, Monseigneur Paul MAMBE MUKANGA, Emile DIMOKE, ZAKUANI MAKU, BITINGO,
etc.
Un grand travail de plaidoyer fut alors entrepris par la
société civile du Maniema au niveau local, national et
international pour l'avènement de la paix non seulement au Maniema, mais
sur toute l'étendue de la République. En 2000 la
société civile, notamment celle de la zone sous occupation des
Mai Mai avait suffisamment documenté les mécanismes et les
réseaux de pillages internationaux nés de la guerre. Elle
sollicitait la communauté internationale d'y mettre fin.
Déjà depuis septembre-octobre 1998, la
Société Civile du Congo se réunit et élabora
``l'Agenda pour la paix''. Certaines Associations féminines du
Maniema ont participé à l'élaboration de cet Agenda. Ce
document préconisait la voie des négociations pour régler
les problèmes de fond du Congo par la voie politique plutôt que
par la voie des armes. Par la suite, la Campagne Nationale pour une Paix
Durable (CNPD) fut lancée.
La CNPD mit sur pied un Conseil d'Orientation de 18 personnes
représentant un large éventail des composantes de la
Société Civile.
Il convient de souligner qu'en ces temps troublés de
guerre et de partition de fait du pays, la Société Civile avec
l'appui de partenaires extérieurs a pu maintenir une activité
à caractère national. Plusieurs rencontres furent, en effet,
organisées avec la participation de toutes les Provinces, y compris les
Provinces occupées et ce malgré les détours et les
tracasseries auxquels furent soumis les animateurs de la Société
Civile. Son Comité de suivi est resté en contact avec toutes les
coordinations provinciales.
La CNPD a mené des actions sur l'ensemble du territoire
national, des réseaux des droits de l'homme purent organiser des
rencontres nationales, le CNONGD a tenu son Assemblée
générale avec la participation de tous les CRONGD ; WOPPA, un
réseau de femmes congolaises pour la paix, a réuni des
délégations de femmes venues de toutes les Provinces.
Dans cet élan d'initiatives de la société
civile, une nouvelle dynamique a vu le jour tant à Kinshasa qu'à
Kindu avec comme mission, la défense et la promotion des
droits des populations congolaises et la paix. Dans ce contexte avaient
été signé les accords de Lusaka, dont la suite a
donné lieu au Dialogue Inter Congolais de Sun City, l'Accord Global et
Inclusif à Pretoria.
En ce qui concerne les femmes, le souci de la paix a
été l'un des déterminants de leur implication massive dans
le processus électoral. Sur 100 femmes interrogées à Kindu
par exemple, 72 disent avoir voté pour mettre fin à la guerre et
arriver à un changement. La paix fut ainsi un des enjeux de la
participation politique des femmes.
II.4.4.1. Participation des femmes aux
négociations de paix.
Pour sortir de cette guerre, les femmes ont
décidé de s'impliquer fortement dans la résolution du
conflit, en participant activement aux diverses négociations pour
l'instauration de la paix dans le pays. Pour faire entendre leurs voix, elles
ont formé un front commun pour dire non à la guerre, non à
l'agression du Congo par les pays voisins, non au pillage systématique
des ressources naturelles et minières du pays, et oui à la
cessation des hostilités, oui à la protection des vies humaines,
au dialogue entre forces politiques et sociales congolaises et à la
paix.
Sur toute l'étendue de la RDC, la participation des
femmes aux négociations était faible : 9% à Gaborone, 16%
à Sun City, 30% aux négociations informelles de Pretoria et 13%
(voir liste définitive) au Dialogue inter-congolais de Pretoria qui a
conduit à la signature, le 17 décembre 2002, de l'Accord Global
et Inclusif. Malgré cette faible représentativité, les
femmes se sont solidarisées pour mener une action commune et faire du
lobbying afin de faire aboutir les objectifs du Dialogue et surtout de prendre
position au moment du blocage des négociations. Du 23 au 25 septembre
2004, les femmes congolaises ont pris part, à Kigali, à la
réunion des femmes des Grands Lacs pour parler de la marginalisation des
femmes. En ce qui concerne la vile de Kindu, deux femmes seulement ont
participé à ces négociations, dont une du RCD et l'autre
de la Société Civile du Maniema. Elles y ont surtout
insisté sur le fait que les femmes sont des actrices de la paix, pas
seulement des victimes, et qu'elles sont un facteur de stabilisation.
Elles ont élaboré une déclaration qui
servit de document préparatoire à la Conférence sur la
paix, la sécurité et le développement dans la
Région des Grands Lacs. Ces femmes ont joué un rôle
important dans les processus de paix, notamment dans le Dialogue Inter
Congolais.
Une grande mobilisation et structuration de la
société civile s'est faite en amont du DIC, contrairement aux
autres cadres de négociation de la paix. Une des femmes
enquêtée répond : « nous avons fait notre
Dialogue Inter Congolais au féminin, avant le Dialogue Inter Congolais
proprement dit, mais en dépit de tous nos efforts, les femmes sont
souvent reléguées au second plan ».
Cela se justifie par le fait que, dans certains cas, les
femmes n'ont joué qu'un rôle secondaire sans participer aux
négociations de paix proprement dites. Cela fut vécu avec les
accords de Lusaka où aucune femme n'avait participé, mais pour
lesquelles deux femmes ont apposé les signatures sur l'accord pour la
partie Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). Elles
étaient donc complètement écartées des
négociations.
Un regard sur le processus du Dialogue Inter Congolais permet
de cerner le rôle effectivement joué par les femmes dans le
processus de paix.
II.4.4.2. Les efforts des femmes en amont du Dialogue
Inter congolais
Dans le processus du DIC, la dynamique des femmes a
impulsé un plus grand engagement des femmes. Leur représentation
ainsi que leur participation ont été beaucoup plus visibles
à cet effet. L'objectif principal du D.I.C a été
l'établissement d'un nouvel ordre politique et la réconciliation
nationale. Pour ce faire, il a fallu une mobilisation au profit de la
construction d'une culture de la démocratie et de la paix.
Conscientes des atrocités subies pendant la guerre, les
femmes congolaises, principales victimes, se sont organisées à
s'impliquer de façon effective dans le processus de paix.
Par l'esprit même du D.I.C, hommes et femmes devaient
être représentés, car l'exclusion des femmes, comme par
exemple, leur absence de la table des négociations, a souvent
occasionné des conséquences regrettables dans le domaine de la
justice sociale, du développement, de la réconciliation et du
redressement économique.
Pour marquer leur implication dans le D.I.C., les femmes se
sont mobilisées en vue de faire entendre leur voix sur la situation
préoccupante du pays en rapport avec l'instauration d'une paix durable,
la reconstruction de l'Etat et l'accès des femmes à la gestion de
la chose publique, pour leur représentation significative.
Leur pression a réussi à faire entendre leur
voix au cours des séances plénières et permis
d'insérer notamment ce qui suit dans l'Accord Global et
Inclusif :
Pour garantir une transition pacifique, les parties
participent à la gestion politique durant la transition. Les
institutions qu'elles mettront en place durant la transition doivent assurer
une représentativité appropriée des onze provinces du
pays, des différentes sensibilités au sein des forces politiques
et sociales en présence. En plus, il faudrait prévoir une
représentativité des femmes à tous les niveaux de
responsabilité.
La constitution sur laquelle l'Accord Global et Inclusif a
débouché stipule dans le préambule :
? Nous, les délégués des composantes et
entités au dialogue inter congolais ; réunis en
plénière...Déterminés à garantir les
libertés et les droits fondamentaux du citoyen et, en particulier,
à défendre ceux de la femme et de l'enfant...
? Le point III.39 de cette constitution stipule ce qui
suit : le travail est un droit...Nul ne peut être lésé
dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions ou de
ses croyances... »
a. Les femmes congolaises au Dialogue Inter
Congolais
Tableau N° 6: Représentation des
femmes au Dialogue Inter Congolais
Composante.
|
Total
|
Femme
|
% Femme
|
Gouvernement.
|
67
|
12
|
7
|
RCD
|
57
|
9
|
13
|
MLC
|
67
|
6
|
8,9
|
Mai- Mai
|
8
|
0
|
0
|
RCD- K/ML
|
11
|
1
|
6
|
Forces vives
|
65
|
13
|
18
|
Opposition Politique.
|
68
|
2
|
2,8
|
Total
|
333
|
43
|
11
|
Source : La toute
première liste de participants élaborée par
composante
Il ressort de ce tableau les réalités selon
lesquelles, 43 femmes ont représentées toutes les congolaises au
DIC contre un effectif de 333 hommes, soit 11% seulement. Face à ce
résultat, nous nous attachons aux propos de nos enquêtées
qui ont déclarées que les textes garantissant les droits des
femmes existent en RDC, mais ils ne sont pas appliqués dans la vie
pratique. En outre, sur les 43 femmes présentes à ces assises, le
Maniema était représenté seulement par 2 femmes soit 0,53%
par rapport à tous les participants.
Graphique N° 2: Visualisation de la
représentation des femmes participantes au Dialogue Inter Congolais
Cette liste est indicative de la dose de volonté
affichée par différents acteurs pour une implication des femmes
aux assises de Sun City. Cette volonté a été très
faible et a poussé les femmes à mettre en place une
stratégie alternative, qui consistait en la cooptation de 37 femmes
expertes aux côtés des femmes participantes.
b. Stratégies féminines dans les
processus de paix
b.1. Au niveau national
Plusieurs ateliers et manifestations ont ainsi
été organisés à cette fin. Nous ne saurons les
énumérer tous, mais à titre illustratif, il est
nécessaire d'en épingler quelques-uns.
· Atelier du 06 au 09 février
2002
Avec l'appui des différentes organisations non
gouvernementales et celles des organisations internationales telles que
l'UNIFEM, les femmes de la zone ouest dont les zones étaient sous
contrôle gouvernemental avaient tenu à uniformiser leurs points de
vue pour se constituer un cahier de charge, car chaque province en avait un.
A l'occasion, plusieurs recommandations avaient
été faites aux parties en guerre, à la facilitation du
D.I.C., et aux femmes elles-mêmes. Ces dernières devraient sous
l'égide de leurs leaders, apporter leurs contribution afin d'arriver au
consensus et à la réconciliation nationale lors du D.I.C.
· Atelier du 15 au 18 février
2002
Pour pallier l'absence des femmes se trouvant sur la partie
sous occupation, il a été impérieux de convoquer une
réunion pour l'harmonisation des cahiers de charges. De ce fait, les
femmes congolaises représentant toutes les provinces au D.I.C se sont
fixées comme objectifs à Nairobi :
? D'harmoniser leurs cahiers de charge ; ce qui
déboucha sur la déclaration et plan d'action de
Nairobi » ;
? De renforcer les capacités en négociation et
résolution pacifique des conflits.
Elles ont aussi organisé des activités telles
que :
? La mission de solidarité pour la paix. Plusieurs ONG
y avaient pris part, pour le cas de la ville de Kindu, l'ONG MWANGA et AFILMA
ont participé également, mais une seule femme a pu
représenter toutes les femmes du Maniema contre 8 hommes qui avaient
aussi représenté le Maniema.
? La conférence sur les enjeux politiques et le
rôle de la femme dans la consolidation de la paix. Le WOPPA introduit en
1998, le plaidoyer pour la paix.
? Le lobbying : déplacement de certaines femmes
à l'étranger pour expliquer la situation de guerre en R.D.Congo,
etc.
· La création du Caucus des
femmes
Les femmes ont développé plusieurs
stratégies qui pouvaient leur permettre de s'octroyer les droits dont
elles se réclamaient. L'aboutissement en a été la
création du Caucus des femmes. La capitalisation des relations
interpersonnelles et l'expertise féminine avaient été
mises à profit. L'un des aspects positifs que l'on peut
reconnaître au caucus est qu'il est resté le seul cadre, à
travers lequel, toutes les composantes se retrouvaient à travers les
femmes et pouvaient encore échanger.
On convient de retenir à ce propos que deux
défis majeurs étaient à relever :
? Le caucus devait rester neutre et apolitique. Il devait
éviter de soutenir l'une ou l'autre tendance, tout en continuant
à dénoncer d'éventuelles exactions commises par
différentes parties en conflit contre les femmes et la population.
? Il devait maintenir sa cohésion interne et
éviter des luttes intestines de leadership qui pouvaient le mettre en
danger en tant que mouvement de paix et de changement social.
Ainsi, chaque femme avait à opérer un choix
raisonné en cas de divergence entre la conscience collective et son
appartenance politique. Bien que numériquement la représentation
ait été faible par rapport à celle des hommes, les femmes
congolaises y ont joué un rôle très important. Une forte
synergie des femmes déléguées des composantes et expertes
s'était mise en place autour d'un objectif commun : le
succès des assises.
La première manifestation du Caucus à Sun City
fut la célébration de la Journée Internationale de la
femme. Les femmes sont entrées dans la plénière,
vêtues des pagnes offerts par le gouvernement et le RCD,
indifféremment portés par les unes et les autres et
rassemblées derrière un calicot déclarant :
« Les femmes congolaises unies pour la restauration de la paix au
Congo ». Cinq autres banderoles suspendues sur les murs dans la salle
arboraient des messages d'unité et des revendications des femmes sur la
concrétisation de leur quota de 30% dans les instances
décisionnelles.
La déclaration de Nairobi et le plan d'Actions des
femmes étaient mis devant chaque participant à la
plénière. Les femmes se sont avancées, portant de petits
fanions bifaces (en français et en anglais) arborant les messages de
paix et scandant le chant de paix : « Notre Congo sera
toujours uni ». Leur champ fut peu à peu repris par
l'assemblée qui s'est levée pour accueillir la procession des
femmes. Suite à cette action du 08 Mars, un souffle de modération
a persisté tout au long des travaux de cette journée où
devaient être lues les politiques générales des
délégations.
Les premières informations émanant de la
plénière ont révélé que toute
l'assemblée était profondément marquée par la
teneur du message des femmes. Selon un leader d'une des parties
belligérantes rapporté par la presse, « Tout
extrémisme et toute virulence et même l'indifférence
étaient inconcevables, déplacés et irresponsables
après l'action des femmes en plénière ».
Après cette première manifestation le 8 Mars, le
Caucus des femmes s'est employé à organiser des rencontres et des
entretiens aussi bien formels qu'informels avec les leaders ou les
délégués de différentes composantes au Dialogue
à savoir : le M.L.C., le MPR, le Gouvernement, l'UDPS, le RCD/GOMA,
l'Opposition non armée et les commissions du DIC. Un seul point au
centre des entretiens : montrer à chaque composante sa
responsabilité dans la crise en R.D.Congo et demander son engagement
personnel et de sa famille politique pour sortir de la crise. Tout au long des
travaux, le Caucus des femmes a fait le lobby auprès des composantes
impliquées à travers des entretiens exclusifs tout le temps qu'il
s'observait un blocage du processus. Cela a permis de lever chaque fois le
blocage.
Les femmes déléguées des partis
politiques avaient des difficultés à défendre à la
fois les intérêts du parti et ceux du caucus. Elles avaient
à prendre en compte les projets de société de leurs partis
respectifs et le plan d'action de Nairobi. Ce qui ne leur rendait pas la
tâche facile.
Après le DIC, le Caucus des femmes devait faire face
aux défis de sa pérennisation. La lutte de leadership et
l'influence des tendances politiques ont vite rattrapé cette structure
qui s'est éclatée avant le moment stratégique
électoral.
En ces débuts, le Caucus des femmes était
considéré comme structure ponctuelle d'action en des moments
importants de la vie nationale. Par la suite, la volonté
d'institutionnalisation et de restructuration du Caucus par une frange des
femmes a conduit à des malentendus. Pour ces femmes, une structuration
du caucus à des fins de continuité de l'action féminine
s'avérait indispensable, ce qui ne fut pas l'entendement d'autres femmes
qui voyaient en cela un détournement de l'objectif du « Caucus
des femmes originel ».
Une crise de légitimité du « Caucus,
nouvelle formule » s'installe. Ce fut le début de
l'éclatement du Caucus des femmes. Il est à noter que ces
tendances à des crises de légitimité sont l'une des causes
de l'inefficacité des actions féminines. Ainsi, en dépits
d'expériences louables des femmes, celles-ci restent difficilement
capitalisables car des ruptures d'actions interviennent par
désengagement de certaines en plein parcours stratégique.
Pour pallier le manque de consensus autour du Caucus des
femmes institutionnalisé, d'autres femmes ont pris l'initiative de
créer le Cadre permanent de concertation des femmes : CAFCO.
Là encore, le consensus des femmes autour de sa légitimité
reste toujours mitigé. Ce qui crée problème sur
l'émergence d'une solidarité féminine pour une lutte
commune.
b.2. Au niveau des provinces
Dans la province du Maniema, précisément dans la
ville de Kindu, le souci de contribuer à la défense des droits
des femmes et d'apporter un plus à la construction de la paix, a fait
que les femmes se regroupent selon la profession comme les femmes journalistes
et les femmes juristes respectivement en Association des Femmes des
Médias du Maniema, « AFEM-MA » et en Association des
Femmes Juristes du Congo « AFEJUCO » ; et, selon les
confessions religieuses comme la Fédération des Femmes
Protestantes « FFP », l'Association des Femmes Musulmanes pour
le Développement « AFEMD », le Comité
Diocésain des Femmes « CDFE » pour les femmes
catholiques. Toutes ces dynamiques ont eu comme dénominateur commun la
recherche de la paix et la promotion du genre.
Pour être plus fortes et agissantes, ces organisations
de femmes de différentes idéologies et de différentes
tendances se sont regroupées en des plateformes comme le Collectif des
Femmes Agissant en synergie. Ces organisations et plateformes des femmes se
sont progressivement érigées en des cadres de renforcement des
capacités, d'échange d'expérience et d'expression
politique pour les femmes au Maniema.
Outillées, les femmes se sont impliquées dans la
recherche acharnée de la paix à travers les dénonciations
des violations des droits humains, l'organisation des marches pacifiques,
l'élaboration des pétitions, mémorandums et des lettres
ouvertes visant les décideurs locaux, nationaux et internationaux, ont
offert, à l'échelle provinciale et internationale, l'exemple d'un
nouvel élan et d'une nouvelle approche de lutte pour la paix.
Les organisations locales des femmes à la base, ont mis
en oeuvre des stratégies de consolidation de la paix à travers
leurs plates-formes et associations. Il s'agit notamment de la
réconciliation intercommunautaire et intracommunautaire et du maintien
du dialogue avec les différents représentants locaux des
composantes signataires de l'Accord Global et Inclusif de Sun City.
Cela a favorisé la cohabitation pacifique des groupes
antagonistes aussi bien intra qu'intercommunautaires dont les conflits sont
survenus du fait des guerres à répétition. Pour ce faire,
à KASONGO et à KABAMBARE, les femmes émanant de
différents groupements, ethnies, couches sociales, tendances et
idéologies ont mis en oeuvre des plateformes
hétérogènes au travers desquelles elles ont
opéré pour consolider la paix.
Ces plateformes des femmes qui étaient
opérationnelles en milieux aussi bien urbains ( telles que le Caucus des
femmes du Maniema pour la paix) que ruraux (à titre illustratif, les
comités d'alerte pour la paix, les clubs d'écoute des femmes) se
sont révélées également des cadres de revendication
et de plaidoyer où les femmes ont proposé des édits,
signé des pétitions et mémorandums adressées aux
différentes composantes au DIC et d'autres acteurs politiques locaux,
nationaux et internationaux aux fins de les interpeler et de les influencer
à respecter leurs engagements à reconstruire le pays et à
promouvoir une paix durable. « La paix n'a pas de prix, c'est la
devise que nous avions pendant la transition.
Nous devrions user de tout moyen loyal pour la construire et
la consolider. Nous quittions parfois nos familles pendant des jours et nous
faisions de longues distances à pied pour faire la médiation et
la réconciliation interpersonnelles et intercommunautaires. Nous nous
réjouissions du fait que nous étions parvenues à faire
adhérer nos maris à notre lutte pour la paix. Leur soutien
et encouragement renforçaient notre engagement », propos
partagés par les femmes à la base de KASONGO et de KABAMBARE
lors des focus groupes organisés distinctement dans leurs
contrées respectives.
Cette implication des femmes du Maniema dans la recherche de
la paix ne s'est pas limitée à la sphère locale, elle
s'est étendue également à la sphère sous
régionale. Pendant que la crise politique paralysait les relations
diplomatiques entre le Rwanda et la R.D.Congo, les femmes de Kindu ont
participé à des ateliers d'échange sur la paix au Rwanda
et au Burundi avec la facilitation des organisations internationales.
Cet échange d'information et d'expérience avec
les femmes de la sous-région a permis la mise sur pied d'une
Concertation des Collectifs des Associations des Femmes dans la
sous-région des Grands Lacs « COCAFEM/GL ».
Cependant, au lieu de servir de balise pour la paix dans la sous-région,
cette dynamique sous régionale a généré des
frictions au sein de la société civile car perçue comme
une émanation de l'extérieur et support des guerres d'agression
en R.D.Congo.
Elle n'a donc pas été exploitée et
capitalisée à sa juste valeur au Maniema du fait du contexte qui
n'a pas été approprié. Les tensions entre les peuples de
la sous-région étaient encore à leur paroxysme de telle
sorte que toute synergie formelle était inopportune.
Force est de signaler cependant que, COCAFEM/GL s'est
progressivement érigé en un instrument de rapprochement des
peuples de la sous-région duquel d'autres dynamiques sous
régionales de construction de la paix se sont inspirées. Alors
qu'à ses débuts la COCAFEM/GL impliquait aussi le Collectif des
femmes du Maniema, en 2004, elle impliquait déjà 4 collectifs des
autres provinces de la R.D.Congo notamment 2 collectifs de Kinshasa, 1
collectif du Nord-Kivu et un autre de Kisangani.
A l'échelle mondiale, les femmes du Maniema ont
intégré la Marche Mondiale des Femmes « MMF »
et leur participation aux Actions globales de 2000 et 2005 organisées
respectivement à New York et au Brésil a été
capitalisée en opportunité de plaidoyer et de lobby en faveur de
la paix à l'Est de la R.D.Congo en synergie avec les femmes de Bukavu et
de Goma. Elles ont, à cette double occasion, témoigné
devant les femmes et hommes politiques de par le Monde, sur les guerres
à l'Est de la R.D.Congo et des violations massives et
systématiques aux atrocités dépassant tout entendement
dont les populations civiles et particulièrement les femmes sont
victimes.
Le message fort des témoignages des femmes de Kindu,
Goma et Bukavu a profondément touché la Marche Mondiale des
Femmes qui a pris la résolution d'organiser l'Action globale de 2010
à Bukavu, Chef-lieu de l'ex Province du Kivu, autour de quatre
thèmes : - les violences envers les femmes - biens communs et
services publics - autonomie économique des femmes - paix et
démilitarisation.
La contribution des femmes journalistes dont les jeunes filles
reporters dans la recherche de la paix a été également
pertinente. Alors que les médias locaux se refusaient toute descente
dans les zones rouges de peur d`être pris pour cible par les rebelles,
les femmes journalistes, membres de l'AFEM-MA ainsi que les jeunes filles
reporters encadrées par la Section Droits Humains de la Mission
d'Observation des Nations Unies au Congo, MONUC en sigle, se sont
montrées extraordinaires en effectuant des descentes dans des villages
occupés par les rebelles et/ou les Mai Mai notamment les villages de
LOKALA, MISENGE, KATAKO, KAMPENE, PEMBERIBA, LOKANDO, KAYUYU et BIKENGE
où elles ont réalisé des reportages et des interviews avec
des seigneurs des guerres en l'occurrence KIWIS, KABAMBE, KESENDE et SHETANI.
Ces interviews et reportages ont permis aux communautés
de s'imprégner des motivations de différents groupes rebelles et
cela a ouvert des pistes à des négociations et des
échanges entre belligérants et gouvernement d'une part, et, entre
belligérants et société civile, d'autre part. Cela a
permis aux médias locaux de briser le silence d'être proactifs
dans le traitement de l'information liée aux conflits armés dans
la région.
L'Association des Femmes des Médias a, en outre,
mobilisé les médias étrangers sur la question de la paix
en R.D.Congo ; elle a, également, organisé des ateliers
d'échange entre d'une part, les femmes des médias de la
R.D.Congo, et, d'autre part, les femmes des médias du Rwanda, du Burundi
et de la R.D.Congo.
Ces ateliers d'échange d'expérience ont permis
la mise en oeuvre des stratégies comme la réalisation des
reportages conjoints par les femmes des médias du Rwanda, du Burundi et
de la R.D.Congo sur les conflits armés à l'Est de la R.D.Congo.
Cette synergie des femmes journalistes de la sous-région a offert un
modèle des efforts conjugués pour une paix durable dans la
sous-région des Grands Lacs.
Fort malheureusement cette dynamique n'a pas été
capitalisée par les femmes journalistes de la sous-région parce
qu'aucun cadre durable de concertation n'a été mis sur pied pour
la pérenniser. Aussi, cette synergie qui est restée informelle et
circonstancielle n'a-t-il pas favorisé la responsabilisation et
l'engagement individuels et collectifs des femmes journalistes.
Au niveau international, l'Association des Femmes des
Médias ont fait un plaidoyer à la Cour Pénale
Internationale en 2007 et un témoignage devant le Sénat
américain en 2010 sur les questions sécuritaires et la lutte
contre les violences sexuelles faites aux femmes à l'Est de la RDC. En
couronnement de leurs efforts dont les échos et les effets touchent les
instances aussi bien locales qu'internationales, les femmes journalistes ont
raflé des prix internationaux ces deux dernières
années.
Les femmes ont aussi joué le rôle de
« voix de sans voix » notamment au parlement où
celles émanant de Kindu et des autres villes de l'Est de la RDC, ont
accompagné et porté le plaidoyer des organisations des femmes
à la base. Elles ont même réussi à faire
adhérer une bonne partie de leurs collègues hommes à ces
plaidoyers.
L'un des effets marquant fut la promulgation des Lois
n°06/018 et n°06/019 du 20 Juillet 2006 portant répression de
viol et violence sexuelle modifiant et complétant respectivement le
Décret du 30 Janvier 1940 portant Code Pénal Congolais et le
Décret du 06 Août 1959 portant Code de Procédure
Pénale Congolais.
En prélude du dialogue, les organisations et les
collectifs des femmes de Kindu ont organisé, aussi bien en milieux
urbains que ruraux des fora, des ateliers d'échanges et des
séminaires de formation sur les enjeux du Dialogue Inter Congolais. Cela
a permis l'élaboration concertée d'un cahier des charges des
femmes concernant leur vision pour sortir de la crise.
En Juin-Juillet 2001, les élections ont commencé
au sein de la société civile pour désigner les
représentants au DIC. Ce moment a été
caractérisé par des tensions entre les femmes leaders de Kindu en
entraînant entre elles une guerre de chacune contre toutes et de toutes
contre chacune. Chacune voulait aller à Sun City pendant que seule une
place était donnée aux femmes contre trois places données
aux hommes.
Les femmes ont difficilement trouvé un compromis sur
leur représentante aux assises de Sun City. Ce conflit de leadership a
fait basculer l'engagement des femmes et fragilisé leur dynamisme en ce
moment crucial de la recherche de la paix.
L'atelier de Nairobi auquel les femmes du Maniema ont pris
part et qui a réuni les femmes congolaises de toutes les tendances et
idéologies confondues en Février 2002 a été un
cadre de concertation et d'échange qui a permis aux femmes congolaises
de partager une vision commune fondée sur l'engagement personnel et
collectif à faire émerger une paix durable au pays.
Les femmes de Kindu, ont organisé des marches
pacifiques pour soutenir les assises de Sun City, elles ont également
rédigé des memos et organisé des rencontres avec
différents groupes politiques pour les amener à y adhérer.
Une seule préoccupation était au centre des actions des
femmes : « La réunification du pays et la restauration de
la Paix durable ».
Un comité des femmes a été
institué à Kindu pour faire le suivi à partir de la
province. Il fonctionnait en système d'alerte et de lobby auprès
de la communauté internationale et de différentes composantes aux
assises. Avec ce comité des femmes, les différentes bases des
composantes aux assises de Sun City faisaient pression sur leurs
déléguées à partir de la province pour les
influencer à trouver un compromis.
Tout au long des assises, les femmes du Caucus des femmes de
Sun City ont maintenu le contact avec leurs bases respectives afin que les unes
et les autres agissent dans une seule vision. Ainsi, pendant que le Caucus des
femmes agissait sur les déléguées des composantes au
Dialogue à Sun City, leurs bases agissaient en province dans une
même vision et dans le même angle sur les bases des composantes au
dialogue.
Il y a lieu de penser que l'aboutissement du DIC avec la
signature de l'accord global et inclusif par les composantes a
été influencé à bien des égards par les
actions des femmes congolaises à Sun City.
A l'issue de Sun City, il fut créé le Caucus des
femmes du Maniema pour la paix pour immortaliser et pérenniser l'esprit
du Caucus des femmes et consolider la paix. Ce cadre a permis aux femmes du
Maniema de mettre en oeuvre des stratégies diverse pour la consolidation
de la paix, ainsi que la promotion du Genre et de la parité dans les
instances de prise des décisions.
Seulement, le Caucus Kindu Chef-lieu de la Province du Maniema
s'est vu fragmenté par la suite en faveur de la création d'un
autre cadre : le CAFCO. Les deux structures, loin d'être des cadres
complémentaires d'actions pour les femmes du Maniema, fonctionnent
plutôt comme des structures rivales. Les frictions et polémiques
au sein des organisations et plateformes des femmes semblent largement reposer
sur le conflit d'intérêts et de leadership plutôt que sur le
souci de faire émerger un mouvement des femmes fortement engagé
pour la cause des femmes et la paix.
CHAPITRE III. L'INSTAURATION D'UN NOUVEL ORDRE
POLITIQUE EN RDC : FEMMES ET LE PROCESSUS ÉLECTORAL DE L'AN
2006
A travers les engagements pris pour la gestion de la
transition, des dispositions expresses avaient été prises pour
confier certaines responsabilités à la société
civile, dans le cadre du contrôle de la transition. Elle se voit confier
un certain nombre d'institutions citoyennes à cet effet, à
l'issue du Dialogue Inter Congolais.
Aussi, comme susmentionné, des acteurs de la
société civile se sont impliqués dans la vie politique
active et ont de manière assez remarquable participé aux
élections de 2006. Plusieurs candidats de la formation politique MSR
ont été membres de la société civile.
Il est important de souligner que pendant la période
post conflit, les élections et la désignation des responsables
des institutions étatiques ont été des moments qui ont
suscité un certain élan d'éveil de conscience
féminine pour plus de représentions, seulement sur terrain les
choses ne se sont pas passées comme souhaité.
III.1. Les femmes congolaises dans le processus
électoral
Les femmes congolaises ont joué un rôle
significatif dans le processus électoral soit comme électrices,
candidates et même superviseuses et conseillères des
électeurs. Nos investigations montrent que les femmes ont
développé des stratégies électorales en
sensibilisant les électeurs sur le bien fondé du vote et sur la
décision responsable à prendre.
Tableau N°7: Initiatives des femmes
politiques dans le processus électoral
ACTIVITES
|
FEMME POLITIQUE(%)
|
EDUCATION CIVIQUE
|
60
|
PLAIDOYER
|
20
|
PARTICIPATION A LA CAMPAGNE ELECTORALE
|
66
|
Source : http//www.cei-rdc.org.
Consulté le 20 novembre 2010
Notons que les femmes ont plus participé à la
campagne électorale en vue de soutenir les candidatures des hommes au
lieu d'être elles-mêmes candidates. Par ailleurs, dans la ville de
Kindu, certaines femmes ont organisé les activités de
l'éducation civique et politique en rapport avec le processus
électoral. La graphique ci-dessous visualise le niveau
d'évolution de ces activités.
Graphique N°3: initiatives des
femmes politiques dans le processus électoral
Les activités d'éducation civique ont beaucoup
plus été faites par les femmes actrices politiques. Au niveau de
la société civile, les femmes candidates indépendantes ont
été plus nombreuses à s'engager dans cette dynamique. Les
partis politiques n'ayant pas été très ouverts aux
candidatures féminines. D'où la plus grande implication des
femmes dans les plaidoyers en faveur de la prise en compte du Genre dans la loi
électorale, de plus de représentation de femmes aux postes qui
ont nécessité une nomination et dans d'autres instances de prise
des décisions au niveau des partis politiques en dehors de ceux qui ont
nécessité le vote.
En ce qui concerne la campagne électorale, les femmes
candidates déclarent ne pas avoir senti de manière significative
l'accompagnement des femmes de la société civile sur leur terrain
de campagne. Le « collectif » se limitait au niveau de la
sensibilisation de l'électorat pour susciter une opinion en faveur des
candidatures féminines, sans pour autant mobiliser des électeurs
en faveur des candidatures féminines de manière individuelle. Il
fallait compter sur ces capacités personnelles pour affronter
l'électorat.
A Kindu, les femmes déclarent que cette
démission de la société civile a favorisé le
clientélisme politique ; la représentation des femmes a
été « objet de campagne » plutôt que
manifestation de volonté d'un changement de la situation des femmes par
rapport à leur représentation dans les instances de pouvoir.
Si les partis politiques se sont lancés dans la
cooptation des femmes pour leurs listes électorales, c'est juste pour
des raisons de forme et non pour des motivations profondes de promotion de
Genre.
L'objectivation des femmes pendant le processus
électoral a dans une large mesure été faite avec le
concours d'un engagement aveugle des femmes elles-mêmes. Un régime
d' « élection-passerelle » s'est
érigé, et avait comme fondement la quête du bien être
par cooptation. Le paternalisme politique a fait ainsi résurgence dans
ce contexte, et fut dans une large mesure exercé par les responsables
des partis politiques, essentiellement composés d'hommes.
La question d'une solidarité permanente des femmes de
la société civile et actrices politiques nécessite dans
ces conditions une attention particulière. Quelques cas rares de soutien
aux candidatures féminines par les femmes existent tout de
même.
Ainsi par exemple, les femmes musulmanes de Kindu
affiliées à l'ONG Fondation TAMBWE MWAMBA, ont entrepris des
sensibilisations dans les mosquées. Au lieu d'encourager les femmes
à être candidates et à voter car elles en sont capables au
même titre que les hommes, elles ont sollicité le vote des femmes
en faveur uniquement du candidat Alexis TAMBWE MWAMBA.
D'autres organisations féminines et mixtes
contactées ont joué le rôle contraire aux femmes
musulmanes. Il s'agissait de sensibiliser les femmes à ne pas voter pour
le sel et autres biens matériels, mais de porter le choix sur les femmes
et hommes capables de favoriser le droit et le développement.
Certaines organisations féminines ont encouragé
et porté leur soutien à une candidature féminine. Ainsi,
par exemple la candidate députée nationale NASIFA BINTI a eu
le soutien des organisations féminines de Kindu et des mutuelles
regroupant les tribus du territoire de Kasongo, mais qui n'ont pas
réussi à faire d'elle une députée en 2011.
D'autres structures féminines de la ville de Kindu ont,
à travers les organisations à la base et leurs plateformes,
organisé des ateliers d'échange, des séances d'animation
de proximité à l'intention des femmes de différentes
couches sociales, des hommes et des femmes confondues et des leaders locaux
(chefs coutumiers, chefs religieux, enseignants et autres leaders d'opinion)
aux fins de les sensibiliser et de les mobiliser pour qu'ils s'impliquent dans
les différents scrutins : Référendum,
présidentiels, législatifs nationaux et provinciaux.
Les organisations féminines de Kindu, par exemple, se
sont employées à vulgariser dans les limites de leurs moyens la
loi électorale et à entretenir les différentes parties
prenantes aux élections sur le profil de bons candidats. Ils se sont
également investis à encourager les femmes à postuler et
à être proactives au cours du processus. Ils ont, à cet
effet, formé des femmes candidates et d'autres ayant des ambitions sur
des échéances futures (élections locales notamment) sur
les enjeux des élections tout en militant pour l'intégration
qualitative et quantitative des femmes parmi les ressources humaines locales de
la CEI à différents titres : chefs de bureau,
observatrices, assesseures, témoins et agents de saisie.
Pour ce faire, les plateformes des femmes à
l'échelle aussi bien locale qu'urbaine ont initié des
pourparlers, des séances de dialogue avec les acteurs politiques locaux
et les responsables locaux de la CEI, elles ont également couché
leurs revendications sous forme des mémorandums qu'ils ont
adressés aux acteurs suscités.
Les femmes journalistes de Kindu pour leur part, ont
oeuvré à travers la synergie des médias pour les
élections où elles ont joué le rôle des productrices
et techniciennes en sillonnant les coins et les recoins de la province pour
faciliter à toutes les couches sociales l'accès à
l'information disponible aussi bien qualitative que quantitative sur le
processus électoral.
Grâce à ce militantisme et plaidoyer des femmes,
les femmes et les filles majeures émanant des organisations des femmes
ont été accréditées comme observatrices et
assesseures dans des bureaux de vote où elles ont respectivement
été témoins du déroulement des élections et
assisté ou remplacé momentanément les chefs des bureaux de
vote en cas d'empêchement. La CEI a également pris en compte la
représentation équitable des femmes et filles majeures dans le
recrutement de son personnel à différents postes.
Même si les résultats atteints n'ont pas
été à la taille des ambitions féminines, les
élections ont eu comme effet positif de décomplexer les femmes
dans cette sphère électorale de compétition.
Cette école électorale pour les femmes a mis en
exergue la nécessité pour elles, d'affiner mieux leurs
stratégies pour les prochaines échéances. On assiste
à un accroissement du pouvoir de négociation des femmes. Des
avancées ont été observées en même temps que
des défis à relever.
III.1.1. Les résultats de vote
III.1.1.1. L'enrôlement
Tableau N°8: Les effectifs des
électeurs par Genre
Genre
|
Electeurs
|
Pourcentage (%)
|
Féminin
|
12 562 989
|
52,6
|
Masculin
|
11 510 188
|
47,4
|
Total Est
|
24 073 177
|
100
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre 2007
Le tableau ci-haut montre que les effectifs des femmes
enrôlées dépassent ceux des hommes. L'écart de ce
dépassement est de 5.2%. Cette logique mathématique prouve que
les candidatures féminines devraient remporter face à celles des
hommes. Paradoxalement, dans une ville comme Kindu, aucune femme n'a
réussi à toutes les échéances électorales de
2006 et lors des élections de la députation nationale de 2011,
aucune femme n'a remporté sur toute l'étendue de la province du
Maniema.
Graphique N°4: Visualisation des
électeurs par Genre
Tableau N°9: Électeurs par
Genre et par provinces
Province
|
Genre
|
Pourcentage (%)
|
Bandundu
|
Féminin
|
53,7
|
Bandundu
|
Masculin
|
46,3
|
Total Bandundu
|
|
100
|
Bas Congo
|
Féminin
|
51,8
|
Bas Congo
|
Masculin
|
48,2
|
Total Bas Congo
|
|
100
|
Equateur
|
Féminin
|
52,6
|
Equateur
|
Masculin
|
47,4
|
Total Equateur
|
|
100
|
Kasaï-Occ.
|
Féminin
|
50,4
|
Kasaï-Occ.
|
Masculin
|
49,6
|
Total Kasaï-Occ.
|
|
100
|
Kasai-Or.
|
Féminin
|
51,8
|
Kasai-Or.
|
Masculin
|
48,2
|
Total Kasai-Or.
|
|
100
|
Katanga
|
Féminin
|
51,8
|
Katanga
|
Masculin
|
48,2
|
Total Katanga
|
|
100
|
Kinshasa
|
Féminin
|
50,6
|
Kinshasa
|
Masculin
|
49,4
|
Total Kinshasa
|
|
100
|
Maniema
|
Féminin
|
52,6
|
Maniema
|
Masculin
|
47,4
|
Total Maniema
|
|
100
|
Nord Kivu
|
Féminin
|
52,9
|
Nord Kivu
|
Masculin
|
47,1
|
Total Nord-Kivu
|
|
100
|
Orientale
|
Féminin
|
52,1
|
Orientale
|
Masculin
|
47,9
|
Total Orientale
|
|
100
|
Sud Kivu
|
Féminin
|
54,5
|
Sud Kivu
|
Masculin
|
45,5
|
Total Sud-Kivu
|
|
100
|
Source : Rapport
d'évaluation des opérations électorales/CEI-RDC,
Août 2006, p. 23
Les femmes ont le plus participé aux élections
par rapport aux hommes. Seulement les résultats n'ont pas suivi cette
participation majoritaire des femmes.
La mobilisation et la sensibilisation des femmes en milieux
urbains et ruraux comme électrices et candidates a produit des effets
beaucoup plus quantitatifs que qualitatifs. Ces chiffres d'enrôlement
n'ont malheureusement pas favorisé un vote des femmes pour les femmes.
Le fait de la marchandisation des élections a profité aux hommes
qui sont les détenteurs privilégiés des ressources
financières. A cela s'ajoute le détournement des voix des femmes
et l'annulation des bulletins de vote dus à l'analphabétisme
féminin prononcé.
« Nous ne savions ni lire le nom de nos candidats,
ni les reconnaître sur les bulletins de vote, nous avions
également difficile à cocher dans la case indiquée comme
il le fallait. De ce fait, ceux qui nous guidaient pouvaient nous duper sans
que nous ne nous en rendions compte », ont déclaré les
femmes de TOKOLOTE dans la commune de MIKELENGE dans le focus groupe des
femmes y organisé lors de nos enquêtes.
III.1.2. Les élections provinciales Genre et
élus
Les résultats au niveau national montrent que 6,8% des
élus sont des femmes ; elles ont représenté 11,4% des
candidats par rapport aux hommes dont on trouve 93.2% des élus sur
88.6% des candidats. Un tel score prouve l'échec des candidatures
féminines en RDC.
Tableau N°10: Candidats par Genre
et par provinces
Genre
|
Candidats
|
Pourcentage
|
Elus
|
Pourcentage
|
Féminin
|
1 531
|
11,4
|
43
|
6,8
|
Masculin
|
11 943
|
88,6
|
589
|
93,2
|
Total
|
13 474
|
100,0
|
632
|
100,0
|
Source : CEI 2006,
http//www.ceirdc.org
III.1.2.1. Genre et élus par province
Le nombre de femmes élues était plus important
dans la province du Katanga soit 13 élues qui représentent 14%
des élus de la province et à Kinshasa soit 9 élues
(20,5%). Dans les autres provinces, la répartition est la
suivante : 7 élues en Province Orientale (8%), 4 au
Kasaï-Occidental (8,2%), 3 au Bandundu (3,9%), 2 au Kasaï-Oriental et
au Sud Kivu, 1 dans chacune des provinces du Bas Congo, Equateur et Nord Kivu
et aucune femme au Maniema.
Par rapport à l'appartenance politique, on note
que 65,1% des femmes élues étaient membres de
l'Alliance pour la Majorité Présidentielle, 18,6% de l'Union pour
la Nation pour Jean Pierre Bemba qui était candidat à la
présidentielle, et 16,3% des autres Partis politiques non alignés
aux alliances et indépendants. En termes d'importance de femmes
élues par parti politique, le PPRD et le MLC auxquels appartiennent les
candidats présidentiels du deuxième tour viennent en
tête : 46,5% des femmes élues appartiennent au PPRD et 17,5%
des femmes élues appartiennent au MLC.
III.1.3.Les élections législatives
Tableau N° 11: Candidatures aux
législatives nationales
GENRE
|
CANDIDATURE
|
%
|
MASCULIN
|
8389
|
86.4
|
FEMININ
|
1320
|
13.6
|
TOTAL CANDIDATURE
|
9709
|
100
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre 2007
Le tableau ci-haut montre qu'il y a eu en 2006 plus d'hommes
candidats à la députation nationale par rapport aux femmes. Sur
un total de 9 709 candidats que la CEI avait enregistré, il y avait
8 389 candidatures des hommes contre 1 320 candidatures des femmes,
ce qui représente respectivement 86.4% et 13.6%
Graphique N°5: Visualisation des
Candidatures aux législatives Nationales
Les candidatures féminines s'évaluent à
0,1 %. Ce qui a eu des répercussions sur le vote pour femmes. Le nombre
de femmes élues est le plus important dans la province de Kinshasa soit
10 élues qui représentent 17,2% des élus de la province et
au Katanga soit 9 élues (13%). Dans les autres provinces, la
répartition est la suivante : 4 élues au Nord Kivu (8,3%), 2
au Bas Congo 2 (8,3%), 5 en Province Orientale (7,9%), 3 au
Kasaï-Occidental (7,5%), 3 au Bandundu (5,3%), 3 à l'Equateur
(5,2%), 2 au Kasaï-Oriental (5,1%), 1 au Sud Kivu (3,1%), et 0 au Maniema
(0,0%).
Kinshasa est la capitale de la RDC où les efforts en
termes de promotion de genre sont plus avancés qu'en province. La
scolarisation des femmes y est aussi plus importante et les pratiques sociales
ont subi des influences externes plus visibles. A cela s'ajoute la
facilité de l'accès aux médias qui a contribué dans
une large mesure à la visibilité d'un certain nombre de
candidatures féminines.
Elle est suivie par la province du Nord-Kivu où la
ville de Goma a été facilement accessible dans la zone en
conflit. Plusieurs activités de campagne et de sensibilisation y ont eu
lieu.
Tableau N°12: Genre et élus
par province
Province
|
Féminin
|
%
|
Masculin
|
%
|
Total
|
Bandundu
|
3
|
5,3
|
54
|
94,7
|
57
|
Bas Congo
|
2
|
8,3
|
22
|
91,7
|
24
|
Equateur
|
3
|
5,2
|
55
|
94,8
|
58
|
Kasaï-Occidental
|
3
|
7,5
|
37
|
92,5
|
40
|
Kasaï-Oriental
|
2
|
5,1
|
37
|
94,9
|
39
|
Katanga
|
9
|
13
|
60
|
87
|
69
|
Kinshasa
|
10
|
17,2
|
48
|
82,8
|
58
|
Maniema
|
0
|
0
|
12
|
100
|
12
|
Nord Kivu
|
4
|
8,3
|
44
|
91,7
|
48
|
Province Orientale
|
5
|
7,9
|
58
|
92,1
|
63
|
Sud Kivu
|
1
|
3,1
|
31
|
96,9
|
32
|
Total
|
42
|
8,4
|
458
|
91,6
|
500
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre 2007
Cette situation de sous représentation a
été remarquable à travers presque toutes les
législatures que la RDC a connues.
Le tableau suivant montre la représentation des femmes
dans les différentes législatures de 1970 jusqu'avant les
élections de 2006.
Tableau N°13: la
représentation des femmes dans les différentes
législatures de 1970 jusqu'avant les élections de 2006
République
|
Dénomination de la
législature
|
Mode d'accession
|
Sexe
|
|
|
|
Effectifs
|
|
|
|
H
|
%
|
F
|
%
|
|
2ième République
|
1ière législature (1970-1975)
|
Elections
|
409
|
97,2
|
12
|
2,8
|
421
|
|
2ième législature (1975-1977)
|
Elections
|
235
|
96
|
10
|
4
|
245
|
|
3ième législature (1977-1982)
|
Elections
|
235
|
91,7
|
7
|
2,3
|
242
|
|
4ième législature (1982-1987)
|
Elections
|
319
|
97,6
|
8
|
2,4
|
327
|
|
5ième législature (1987-1994
|
Elections
|
206
|
93,3
|
15
|
6,7
|
221
|
Transition sous Mobutu
|
Haut Conseil de la République (HCR)
|
Désignation par la CNS
|
438
|
97,4
|
12
|
2,6
|
450
|
|
Haut Conseil de la République Parlement de Transition
(HCR-PT)
|
Fusion des députés de la 5ième
législature et du HCR
|
740
|
94,9
|
40
|
5,1
|
780
|
|
1994-1997
|
|
|
|
|
|
|
Transition sous Laurent Désiré Kabila
|
Assemblée Constituante et Législative Parlement
de Transition (ACL-PT)
|
Nomination par décret-loi
|
270
|
90
|
30
|
10
|
300
|
|
(2000-2003)
|
|
|
|
|
|
|
Transition sous Joseph Kabila
|
Parlement de Transition (issu de l'Accord Global et
Inclusif)
|
Désignation par les composantes et entités au
Dialogue Inter Congolais
|
430
|
86
|
70
|
12
|
500
|
Source : tableau élaboré sur base des
données tirées à l'internet. Site
http//www.wikipediat.org. Consulté le 22 Mars 2010.
III.1.4. Les élections sénatoriales de l'an
2006
Tableau N°14: Les femmes dans les
législatures de la RDC
|
Féminin
|
%
|
Masculin
|
%
|
Total
|
Candidats
|
104
|
9.2
|
1023
|
90.8
|
1127
|
Elus
|
5
|
4.6
|
103
|
95.4
|
108
|
Source : http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4
novembre 2007
L'analyse des résultats de la CEI fait ressortir le
fait que, 4,6% des élus sont des femmes ; elles ont
représenté 9,2% des candidats, les sénatrices femmes ont
été élues deux à Kinshasa et deux au Katanga et une
seule au Sud Kivu. Deux sénatrices femmes sont membres de l'Union des
Nations, deux indépendantes et une de l'Alliance de la Majorité
Présidentielle. Deux sénatrices femmes sont membres de MLC, deux
indépendantes et une de PPRD.
Le PPRD et le MLC viennent toujours en tête par rapport
aux femmes alignées et élues. Pour les femmes membres des partis
politiques, le vote des femmes dépendait dans ces conditions de
l'importance de leur parti d'appartenance.
En ce qui concerne les femmes indépendantes, le
leadership, le pouvoir économique, le marketing politique étaient
nécessaires pour un poids sur l'électorat
III.1.5. Les élections présidentielles
Tableau N°15: Candidatures à
la présidentielle de 2006
GENRE
|
CANDIDATURE
|
MASCULIN
|
29
|
FEMININ
|
4
|
TOTAL CANDIDATURE
|
33
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre 2007
Graphique N°6 : Candidatures
à la présidentielle de 2006
III.2. causes de la sous représentation des
femmes dans la sphère politique
Les contraintes qui agissent sur les femmes pour leur
représentation dans les instances de prise du pouvoir sont de deux
ordres :
III.2.1. Les contraintes directement liées à
la situation des femmes
A la question de savoir les différentes contraintes
à la base de la sous représentation des femmes, 89 sur 100 sujets
enquêtés, soit 89% disent que c'est le faible accès
à l'information, l'analphabétisme élevé et le poids
de la pauvreté. Par ailleurs, 11 sur 100 femmes enquêtées,
soit 11%, estiment que c'est le statut socio culturel des femmes et la
méconnaissance de leurs droits fondamentaux
Certes, la fréquence élevée ne prouve en
quoi les 11 autres femmes n'ont pas raison. Car, plus la majorité des
femmes congolaises sont analphabètes, moins elles seront
informées sur leurs droits. A cela s'ajoute aussi l'invisibilité
des femmes au sein des institutions politiques, car les femmes instruites ne
sont pas nombreuses.
La culture du Maniema aussi ne permet pas aux femmes d'exercer
le pouvoir politique, car elles n'ont pas droit de s'élever ni de parler
debout lorsque les hommes sont assis. Elles sont d'après les coutumes de
diverses tribus, subordonnées aux hommes.
III.2.2. Les contraintes indirectes, d'ordre institutionnel
et juridique
Le 82% de nos enquêtées disent qu'il existe en
RDC et au Maniema en particulier les Faibles capacités des institutions
en termes de coordination, de mise en oeuvre et de suivi, faibles
capacités de la société civile, effets environnementaux
sur les femmes, insuffisance et manque d'application de la législation
et culture politique discriminatoire.
D'après nous, il faut dire que la lutte et les efforts
des femmes du Maniema pendant le processus électoral sont restés
parsemés d'embuches d'ordre socioculturel, économique, politique
et légal auxquels elles ont dû faire face. Sur le plan
socioculturel, il s'agit du mythe, des préjugés et des
stéréotypes autour de l'activisme des femmes dans la vie
politique, de l'analphabétisme et de la sous-instruction des femmes et
d'autres limites culturelles qui confinent le rôle des femmes dans les
travaux champêtres en tant que nourricière et productrice et ceux
ménagers en tant qu'épouse.
Sur le plan économique, il s'agit de la pauvreté
des femmes liées à la perception des rapports de Genre (au
Maniema seuls les hommes sont propriétaires et détenteurs des
moyens de production dont la terre et le bétail dont ils sont
gestionnaires et contrôleurs au détriment des femmes qui
constituent la classe laborieuse en tant que productrices et main d'oeuvre pour
leurs familles et leurs communautés). Sur le plan politique, il faut
noter également l'immaturité et l'inexpérience politique
des femmes qui ont défavorisé amplement leur positionnement
politique, car le premier Gouverneur élu démocratiquement au
Maniema (Dr Didi MANARA LINGA) avait nommé dans son gouvernement deux
femmes parmi les dix postes ministériels de la province, mais toutes ces
femmes ont été révoquées dans quelques mois pour
des raisons liées à l'incompétence.
L'enquête de terrain a révélé un
certain nombre de problèmes auxquels les femmes ont été
confrontées pendant le processus électoral. Les plus remarquables
sont les suivants :
III.2.3. Le fait d'une « campagne
électorale transactionnelle »
La campagne électorale a été un moment
pour la formation de l'opinion publique et de constitution d'un
électorat. Beaucoup de facteurs ont cependant enfreint la
capacité des femmes à se constituer une base électorale
sûre et importante. L'absence de ce pouvoir mobilisateur a un fondement
à la fois culturel et économique, mais aussi a des liens avec le
niveau d'expérience des femmes dans le jeu électoral.
Au regard du décor planté par la campagne
électorale, ce moment n'a pas été l'occasion de
défendre des projets de société mais plutôt un
moment des dons. Ce qui dès le départ a fait naître un
modèle de « campagne électorale
transactionnelle » où les électeurs se sont
lancé à la recherche d'un bien-être de campagne.
Ce fût un moment d'ambiance exceptionnelle, de
créativité tournée beaucoup plus vers la manipulation des
consciences, plutôt que vers la défense des projets de
société. Quand bien même une portion de la population
constituée essentiellement d'intellectuels pouvait encore faire
attention au discours idéologique, la majorité a plutôt
mordu aux discours ethnicisés, mais surtout prometteurs de bonheurs
même sans support de politique.
La constance et la promotion des valeurs qu'incarnaient les
femmes dans leur majorité ne savaient répondre à la
quête des « biens de campagne » dont la population
était à la recherche. Cette population en quête de survie
au jour le jour s'est vu ouvrir un marché circonstanciel. C'est à
elle que devaient s'affronter des femmes sans suffisamment de moyens et novices
dans leur majorité dans le champ de la compétition politique.
III.2.4. La faiblesse du marketing politique et
d'accès aux médias
Les femmes n'ont aussi apparemment pas eu assez de temps pour
l'accoutumance au marketing politique qui implique la connaissance des
électeurs, le soin à apporter à son image, la
particularité du thème central de sa campagne, l'entretien de
bonnes relations avec les médias, le rôle de la
publicité : arme essentielle utilisant des canaux tels que les
imprimés, des messages bien conçus, les médias (radio,
télévision, etc.), les affiches.
Face aux médias à la fois les femmes candidates
et électrices n'y ont pas accédé facilement. En ce qui
concerne les femmes dans leur ensemble, l'enquête démographique et
de santé de 2007 démontre que : 31% de femmes déclare
suivre la radio au moins une fois par semaine, 20% de femmes regardent la
télévision au moins une fois par semaine, 9% de femmes lisent un
journal au moins une fois par semaine et en somme, 3% de femmes seulement sont
à la fois exposées à la radio, à la
télévision et lisent les journaux. Or ces canaux ont
été fortement sollicité pendant la campagne
électorale, sans que les femmes électrices ou candidates n'y
aient suffisamment accès.
L'étendue de la RDC, l'enclavement de certaines
entités en sont des facteurs aggravants. La campagne devait être
basée sur une connaissance relativement exacte des situations de
différentes couches de populations rencontrées. Ce qui n'a pas
été facile pour les candidates féminines souvent
déconnectées de la base.
Les femmes ont cependant reçu un appui technique de
certains partenaires pour développer des stratégies de campagne
tel que le « porte à porte », la sensibilisation des
femmes à la base, mais cela n'a pas porté le résultat
escompté.
La multitude d'actions menées sur terrain par les
femmes et les organisations féminines n'ont pas été
suffisantes pour la formation d'une opinion publique et de l'électorat
féminin. Le déficit d'appropriation du discours féminin
pour le changement a milité pour un déficit dans la formation
d'une opinion publique en faveur des femmes.
III.2.5. Faible représentation des femmes dans les
partis politiques
Le nombre des femmes dans les instances supérieures de
prise des décisions au niveau des partis politiques a été
un frein à l'émergence d'une classe politique féminine. 9
femmes seulement étaient dirigeantes de partis sur les 267
autorisés à fonctionner en 2006, avant les élections.
- Le Congrès LOKOLE (COLO) : AKERE LYOMBE
BOTUMBE
- La Dynamique pour le
Développement national (DDN): NGOY KILUMBA
- Le Front Commun des Nationalistes (FCN) : NTUMBA
BIJIKA
- Le Mouvement des Démocrates (MD) : Justine MPOYO
KASA-VUBU
- Le Mouvement Populaire de la Révolution Fait
Privé (MPR Fait Privé) : NZUZI WA MBOMBO
- L'organisation Politique des Kasavubistes (OPKA) :
Marie Rose KASA-VUBU
- Le Parti Libéral Démocrate
Chrétien (PLDC) : Anne KANKOLONGO
- Le Rassemblement des Démocrates Conciliants (RADECO)
: Tacher LUSAMBA
- Le Rassemblement du Peuple Congolais (RPC) : LINGBANGI
Sylvie
Au regard de ce qui précède, les
résultats de notre enquête sur terrain à Kindu prouvent
qu'il existe au Congo des facteurs ayant enfreint la capacité des
femmes à mobiliser l'opinion publique ou mieux un grand nombre
d'électeurs en leur faveur. Il s'agit des facteurs ci-dessous :
- Les contraintes géographiques : l'étendue
de la RDC et l'enclavement de certaines circonscriptions électorales
- L'accès limité des femmes aux médias
- La pauvreté financière et de temps
- La perception populaire généralement
négative du leadership féminin
- L'ethnicité et la tribalité
- La qualité du message de campagne
- Le clivage entre les animateurs des organisations
féminines de la ville de Kindu et celles des territoires (milieux
ruraux).
- Le conflit d'intérêts dans le chef des femmes
dans leurs stratégies collectives
- L'existence des structures peu inclusives
- Etc.
III.2.6. L'absence d'une culture politique chez la plupart
de femmes congolaises
La pratique politique exige une certaine expérience,
mais aussi une manifestation d'intérêt pour les activités
politiques. Ce qui n'a pas été perceptible chez une grande partie
de femmes enquêtées à la base. « La politique est
bonne pour les hommes, une femme impliquée dans la politique n'est pas
un modèle et s'expose à beaucoup d'anti valeurs, notamment :
la prostitution, la corruption, la trahison, le divorce, etc. ».
L'enquête de terrain révèle le fait que
l'environnement direct, le niveau d'instruction influent sur la participation
politique des femmes. Les milieux urbains sont plus favorables à la
participation politique des femmes par rapport aux milieux ruraux et semi
ruraux notamment les quartiers périphériques de Kindu. Sur 100
femmes interrogées à la base, 10 ont un niveau universitaire, 35
ont fait le secondaire et 55 le primaire ou n'ont pas étudié.
De ces femmes, 73 n'ont pas manifesté de
l'intérêt pour les activités politiques, dont 50 parmi les
analphabètes et ayant un faible niveau d'instruction, contre 20 de
celles qui ont étudié. Par rapport au milieu, 27 femmes sur 35
des Quartiers périphériques ne s'intéressent pas à
la politique et dans la commune d'ALUNGULI un peu plus
hétérogène, 19 femmes sur 35 ne sont pas
intéressées par la politique.
La commune MIKELENGE est majoritairement habitée par
les originaires des territoires de KIBOMBO et de KAILO. Dans cette commune,
où l'on note un pourcentage assez élevé de femmes
instruites, 10 femmes seulement sur 30 n'ont pas manifesté de
l'intérêt pour les activités politiques.
Tableau N°16: Niveau d'instruction des
femmes de Kindu
Commune
|
Primaire
|
%
|
Secondaire
|
%
|
supérieur
|
%
|
MIKELENGE/35
|
23
|
53.4
|
9
|
24.6
|
3
|
16.66
|
KASUKU/30
|
8
|
18.6
|
15
|
44.11
|
7
|
38.88
|
ALUNGULI /30
|
12
|
27.9
|
10
|
29.41
|
8
|
44.44
|
TOTAL
|
43
|
100%
|
34
|
100%
|
18
|
100%
|
Source : Rapport annuel de l'Antenne de l'UNICEF à
Kindu, année 2010
A noter que par rapport au site de KASUKU et MIKELENGE, les
femmes d'ALUNGULI se sont montrées plus hostiles à l'implication
des femmes dans le champ politique. Cela pour des raisons qui touchent à
la fois au milieu, au niveau d'instruction et aux
références/modèles de l'environnement direct. Ces femmes
sont rarement en contact avec des femmes évoluant dans la sphère
politique. Le niveau d'instruction des femmes y est faible et elles
côtoient difficilement des femmes qui s'adonnent à des
activités politiques. Les germes de la construction sociale des sexes,
qui mettent les femmes en dehors du champ politique y persistent encore de
manière sensible.
Un des paradoxes relevés dans le chef des femmes est
que, quand bien même elles reconnaissent que les femmes peuvent
participer à la vie politique, mais c'est
« l'autre » qui peut le faire et non pas «moi».
Une des enquêtées dit : « les femmes peuvent
bien participer à la vie politique et changer bien des choses car elles
cautionnent moins les antivaleurs ». Mais à la question de
savoir si elle peut faire la politique, la réponse était
nette : « moi je ne peux pas car cela risque de mettre mon foyer
en danger ».
Cette reconnaissance de participation politique des femmes
pour les autres met en évidence le fait que les femmes demeurent encore
sous tutelle de leurs époux, du moins pour celles qui sont
mariées, et suscite la question de la capacité réelle des
femmes dans les options d'engagement politique.
III.2.7. L'augmentation de la charge horaire et de travail
pendant le processus électoral
Une des questions capitales qui s'est posée selon les
femmes, est la conciliation des rôles. Etre à la fois mère,
épouse, travailleuse, candidate ou militante a posé un
sérieux problème de disponibilité et de temps. Il fallait
en ce moment électoral, concilier l'activité politique à
celle de survie ou encore de maintenance financière dans la course
électorale.
Les rôles économiques, sociaux et politiques se
chevauchent et font naître un conflit d'intérêt dans le chef
des femmes dans leur majorité. La quête de survie l'a
emporté sur les activités politiques jugées secondaires.
Ceci met en exergue la relation qui a existé entre le niveau de
pauvreté et l'implication des femmes dans le processus électoral.
A titre illustratif, lors de nos interviews individuelles avec
les femmes leaders des Associations et ONG féminines de la ville de
Kindu, elles ont avoué à 100% que les contraintes de temps et des
moyens logistiques ne leur ont pas permis de préparer suffisamment les
femmes à la base à affronter les élections.
III.2.8. La persistance des problèmes structurels
dans les organisations féminines
Il a été constaté une absence de
coordination au niveau des actions féminines qui ont été
faites généralement de manière disparate. Ce qui
débouche sur l'absence d'une vision commune relative à la
participation politique des femmes. Les divergences d'intérêts,
ont envahi l'espace des leaders féminins et ont eu des
répercussions sur leur solidarité. Aussi la synergie d'action
entre différentes structures féminines, entre les leaders
féminins tant de la société civile que de la sphère
politique et l'électorat féminin était faible.
III.3. Les femmes congolaises au sein des partis
politiques
L'aube des années 1990 aura été
caractérisée par le triomphe de l'idée
démocratique. La plupart des pays africains, qui étaient
régis par un système de Parti-Etat ou de monopartisme, ont
été secoués par les exigences du multipartisme et des
droits de l'homme et du citoyen.
Les partis politiques assument une fonction
représentative dans les institutions démocratiques. Le rôle
des partis politiques consiste pour ce faire à rassembler et à
représenter les intérêts sociaux et ils servent de
structure pour la participation politique. En outre ce sont les partis
politiques qui participent aux élections dans le but de remporter afin
de gérer les institutions gouvernementales.
Au niveau juridique, il est à noter que des
manifestations de volonté politique pour une promotion des femmes sont
observables. Cela ne suffit cependant pas à améliorer les
conditions d'épanouissement des femmes dans le cercle des partis
politiques.
La loi 001/2001 du 17 mai 2001 stipule que dans leur
création, organisation et fonctionnement, les partis politiques doivent
veiller à ne pas instituer de discrimination basée sur l'ethnie,
la religion, le sexe, la langue.
Dans le contexte de la République Démocratique
du Congo, les partis politiques demeurent faibles et sont influencés par
la personnalité de leurs dirigeants qui de plus en plus semblent
détachés de leur base.
Les enquêtes de terrain font ressortir qu'il se pose un
problème réel d'organisation des partis politiques.
L'enquête de terrain a révélé ce qui
suit :
- Le manque de maitrise du nombre des membres effectifs
- Le manque d'identification de personnes aux postes
prévus dans le fonctionnement du parti (cumul des fonctions)
- La rupture d'action et l'absence d'éducation
politique de la base. Les partis apparaissent comme des appareils
électoraux et fonctionnent avec des ruptures entre le moment de vote et
les prochaines échéances
Tableau N°17: Genre, élus et
appartenance politique lors des élections législatives
nationales
Appartenance politique
|
Femmes élues
|
%
|
PPRD
|
13
|
31,0
|
MLC
|
6
|
14,3
|
ANCC
|
2
|
4,8
|
CDC
|
2
|
4,8
|
CODECO
|
2
|
4,8
|
Indépendant
|
2
|
4,8
|
Le Renouveau
|
2
|
4,8
|
MSR
|
2
|
4,8
|
PALU
|
2
|
4,8
|
ABAKO
|
1
|
2,4
|
ADECO
|
1
|
2,4
|
DCF-COFEDEC
|
1
|
2,4
|
FSIR
|
1
|
2,4
|
MMM
|
1
|
2,4
|
RCDN
|
1
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2,4
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UNADEF
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1
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2,4
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UNAFEC
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1
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2,4
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UPRDI
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1
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2,4
|
Total
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42
|
100,0
|
Source :
http//www.cei-rdc.org. Consulté le 4 novembre
2007
Sur l'ensemble des partis politiques que compte la RDC, 2
seulement viennent en tête avec 31% des femmes élues pour le PPRD
et 14,3% pour le MLC.
Au regard de cette situation, quelques associations
féminines telles que : La Dynamique des femmes politiques
(DYNAFEP), le Carrefour des Femmes Politiques et la Ligue des femmes
Congolaises pour les Elections, ont mené une action de lobbying
auprès des leaders des partis politiques, pour obtenir d'eux une
déclaration en vue de leur engagement à mettre en oeuvre tous les
mécanismes relatifs à la paix, la sécurité, l'ordre
public et l'unité nationale pendant le processus électoral ; mais
aussi à renforcer la participation et le leadership de la femme et de la
jeunesse à tous les niveaux de prise de décision, dans tous les
secteurs de la vie nationale en général, et au niveau des
formations politiques en particulier.
« Les partis politiques dans leur majorité
n'ont nullement favorisé la promotion des femmes et de leurs
candidatures. Les femmes visionnaires et exprimant des ambitions politiques
étaient toujours bloquées et reléguées au second
plan tandis que celles influentes en l'occurrence les femmes
commerçantes dont la plupart n'exprimaient aucune ambition politique ont
été apprivoisées et sollicitées par les partis afin
qu'elles soient instrumentalisées pour le succès aux
élections des leaders des partis politiques notamment les
hommes », s'est exprimée une femme de Kindu qui a
été directrice de la campagne électorale d'une autre femme
de Kindu qui fût candidate aux législatives nationales.
Ces comportements observés dans le chef des acteurs
politiques ont démotivé une bonne partie des femmes aux ambitions
politiques à adhérer dans les partis politiques et à poser
leurs candidatures comme indépendantes. Là encore le
problème des moyens logistiques pour battre campagne s'est posé
avec acuité.
III.4. La place de la femme dans l'organisation de
l'Etat congolais
Influencé par l'élan de la communauté
internationale, la République Démocratique du Congo n'est pas
restée en marge du processus global de lutte pour le repositionnement
des femmes.
Dès le lendemain de son accession au pouvoir, le
président Mobutu lançait le slogan homme nouveau, femme
nouvelle qui se contenait dans un programme d'action. C'est ainsi que par
exemple dès 1966, Madame Sophie KANZA fut nommée au gouvernement
en qualité de Ministre des affaires sociales et que le droit
de vote fut accordé aux femmes en 1967.
Le besoin d'intégrer la femme à la vie nationale
se fait sentir de plus en plus et implique plusieurs acteurs dans cette lutte.
Ici, contrairement à la société traditionnelle où
les structures sociales étaient principalement initiatrices des
relations selon le genre, on note dans la reconstruction sociale des sexes
l'implication de l'Etat, des acteurs sociaux mais aussi, des femmes
elles-mêmes.
Dans le manifeste de la N'Sele, publié le 20 Mai 1967,
il est stipulé que " la femme n'a pas la place qui lui revient dans la
société, qu'elle porte en elle les espoirs de toute la nation,
que son rôle dans l'éducation des enfants est
irremplaçable. Le M.P.R. entendait ainsi mener une politique
d'émancipation de la femme.
Certaines politiques ont été menées au
niveau de l'Etat pour mettre fin à la marginalisation constatée
des femmes et permettre ainsi leur participation à la vie nationale. A
l'issue du Dialogue Inter Congolais, l'Accord global inclusif, le décret
portant attribution des ministères et la Constitution de transition ont
à travers les textes qui régissent la transition, consacré
cette volonté de l'Etat à promouvoir la lutte contre les
inégalités de genre.
III.5. Place de la femme au sein des communautés
locales congolaises
Les communautés locales restent les véhicules
culturels auxquels les femmes elles-mêmes participent à la
base. Dans celles-ci chevauchent normes coutumières et
étatiques. Si au niveau national, la culture étatique connait des
influences exogènes de manière significative, il n'en est pas le
cas pour les communautés locales qui parfois résistent aux
dispositifs étatiques de promotion de la condition féminine.
Les schémas sociaux au niveau local entrent souvent en
contradiction avec ceux du niveau national. La culture de l'Etat qui milite
pour la promotion de genre est parfois différente des valeurs sociales
véhiculées dans la plupart de groupes sociaux congolais. Les
femmes ont des rôles que leur reconnaissent ces groupes sociaux et qui ne
correspondent pas souvent à ceux qui sont dictés par les
politiques étatiques de Genre. Le consensus social ne se dégage
pas facilement, dans ces conditions, et cela va en défaveur des
femmes.
Toutefois, le contexte et les besoins spécifiques des
femmes peuvent contribuer à une révisitation de leurs
rôles. Des stratégies ont été mises sur pieds,
surtout dans les zones sortant des conflits pour impliquer davantage de femmes
dans le processus de paix par rapport aux besoins qui s'affichaient. Ce qui a
permis une facilité d'appropriation des initiatives féminines par
les femmes des communautés locales.
Les femmes rurales comme victimes directes des conflits
armés se sont impliquées dans les initiatives féminines
comme bases (noyaux) de différentes associations des femmes. Elles ont,
pour leur part, formé des cadres d'action dont les Comités
d'Alerte pour la Paix (CAP) et les Noyaux Clubs d'Ecoute des femmes rurales
(NCE) sous les impulsions respectives du Réseau des Femmes pour la
défense des Droits et la Paix « RFDP » et de
l'AFEM-SK. Ces cadres créés par les femmes rurales se sont
développées progressivement en de systèmes
« d'alerte », de « médiation »
et de « lobby » au sein des communautés.
Dans la commune d'Alunguli, les CAP et les NCE ont
dénoncé les violations et engagé des dialogues avec les
politiques locaux, les groupes armés locaux et les combattants
individuellement. Ces dialogues ont débouché sur le
désengagement de certains combattants qui se sont retirés des
groupes armés. Les CAP d'Alunguli ont également fait des SIT-IN
à la MONUC et aux bureaux des responsables locaux dont l'administrateur
du territoire et les chefs coutumiers pour demander l'implication effective de
la communauté internationale et des institutions politiques dans la
recherche de la paix.
Au sein des communautés locales, il s'est
observé un engagement des femmes à titre individuel et collectif
pour la recherche d'une paix durable.
A la cité Kalima dans le territoire de Pangi et
à Elila dans le territoire de Kailo, les femmes se sont
décidées de briser les clivages ethniques et ont mis sur pied des
plates-formes de paix. Les unes et les autres ont engagé des dialogues
avec leurs maris sur les enjeux de la cohabitation pacifique et elles ont
réussi à convaincre leurs maris à se désengager des
bandes armées. Ces hommes désengagés sont devenus des
promoteurs de la paix au sein de leurs communautés et se sont
associés aux activités de médiation de leurs femmes. Cela
a permis la réouverture du marché et des écoles dans ces
entités qui étaient occupées par les combattants Mai Mai.
Au village de Makola à 38 Km de la ville de Kindu, au
sein du territoire de Kailo les femmes ont initié des comités
locaux pour la paix avec la mission de réconcilier les différents
milieux divisés par les conflits fonciers ayant entrainé la mort
des personnes innocentes. Ces comités locaux ont joué le
rôle de médiateurs dans les milieux divisés par les
conflits. Cela a permis la réunification communautaire.
Le niveau de connaissance des instruments juridiques internes
et internationaux est encore très bas. Nos enquêtes ont
révélé que les femmes paysannes n'ont pas la
maîtrise des instruments juridiques internes et internationaux qui
consacrent leurs droits de participer au même titre que les hommes
à la gestion de la cité et au processus de paix.
A la limite, elles connaissent les grands titres de ces
instruments mais le contenu leur échappe. C'est le cas également
d'autres couches sociales des femmes comme les femmes porte-faix. Bien qu'elles
soient en milieux urbains et groupées en Association, elles ont peu de
connaissances sur les différents textes protégeant les droits des
femmes.
Les dispositions légales sur la parité contenues
dans la Constitution de la R.D.Congo, la Convention sur l'Elimination de toute
forme de discrimination à l'égard des femmes
« CEDEF », la Résolution 1325 du Conseil de
sécurité des Nations Unies, restent méconnus de toutes ces
forces vives au Maniema. Seules les femmes élites au sein de la
société civile en ont la connaissance. « ...Ces
différents textes juridiques devaient pourtant être la bible des
femmes pour un activisme balisé et bien argumenté »,
s'est exprimée une enquêtée en réagissant à
la question relative au niveau d'appropriation des instruments juridiques par
les différentes couches sociales des femmes au Maniema.
On serait tenté de lier cet écart de niveau des
connaissances entre les femmes leaders et les femmes à la base à
la différence du niveau d'instruction entre ces deux groupes des femmes
mais cette raison ne semble pas évidente.
L'analogie faite aux institutions coutumières où
les membres des communautés dont la plupart n'a jamais été
à l'école. Ils maîtrisent tout le contenu culturel et le
transmettent des générations en générations. Ceci
montre que l'acquisition des connaissances sur les droits et les devoirs par un
peuple est une question d'éducation et de sensibilisation plutôt
qu'une question d'instruction.
Il sied également de mentionner que cet activisme dont
font montre les femmes au sein de la société civile, se trouve
menacé par la discontinuité et le manque d'identité
observé dans le chef de ces dernières. Il ne s'observe pas
encore, à Kindu, une démarcation nette entre les femmes
politiques et les femmes leaders de la société civile.
Tantôt femmes politiques, tantôt femmes de la société
civile, l'engagement des femmes leaders de la société civile
reste perplexe et conditionné par les enjeux du moment.
Etant donné que les résultats des
élections de 2006 n'ont pas permis une représentation
équitable des femmes dans les instances de prise des décisions,
les politiques puisent les femmes dans la société civile pour
remédier à l'exigence de la parité. Du fait qu'il existe
un écart d'atouts entre les femmes au sommet généralement
instruites et assez visionnaires et les femmes à la base
généralement sous instruites, le fait pour les femmes leaders de
la société civile de quitter leurs structures pour des postes
politiques crée un vide et affecte sensiblement la structure.
Nos enquêtes ont attesté qu'une fois dans la
politique, au lieu d'accompagner et de porter les sensibilités et la
vision de la société civile dont elles sont l'émanation,
ces femmes qui jadis étaient leaders de la société civile
se désolidarisent quasi totalement d'avec leurs bases. Il suffit
cependant que, leur mandat politique arrive à terme pour qu'elles
reviennent à leur base en se réclamant de la
société civile. Cela frise un certain opportunisme et ce
basculage des femmes entre le politique et la société civile
prouve à suffisance que malgré les exploits dont elles font
montre, le leadership des femmes au Maniema se recherche encore.
Le manque de l'union et de l'unité au sein des
mouvements des femmes au Maniema se veut aussi une sérieuse menace
quant à leur avenir. Le conflit de leadership y entraîne la
fragmentation des organisations et des collectifs et cela fragilise
sensiblement la lutte des femmes pour la paix. Au lieu que les femmes
conjuguent des efforts pour renforcer les cadres déjà existants,
il s'observe une multiplication des associations et des collectifs avec comme
conséquence la dispersion des efforts.
Aussi, les clivages ethniques et idéologiques
prennent-ils au piège les femmes du Maniema. Du fait de cela, leur
participation est dérisoire parce que le subjectif l'emporte sur
l'objectif. Quand il s'agit par exemple de désigner une
déléguée pour représenter l'organisation ou le
collectif à telle ou telle autre assise, il s'en suit presque toujours
une polémique.
Les femmes enquêtées ont déclaré
qu'au sein de leurs structures, le choix des déléguées se
fonde souvent sur les affinités et les considérations ethniques
plutôt que sur le mérite et la compétence.
La conséquence de cela est que les femmes perdent
parfois certains enjeux parce qu'elles n'ont pas été
judicieusement représentées.
La protection des intérêts individuels au
détriment des intérêts collectifs est également une
grande menace à l'émergence des organisations des femmes parce
qu'elle est souvent à la base de trahison quand il s'agit de certains
enjeux.
Faut-il dire aussi qu'il ne s'observe pas, dans la ville de
Kindu, de collaboration entre les organisations des femmes impliquées
dans la défense de droits et la paix et d'autres structures des femmes
comme l'Association des Femmes commerçantes du Congo
« l'AFECCO ». Or, cette complémentarité
devrait être capitalisée par les unes et les autres comme une
ressource pour le succès des femmes et leur développement
harmonieux.
CHAPITRE IV. MECANISMES DE PERENNISATION DE LA
PARTICIPATION POLITIQUE DES FEMMES CONGOLAISES
Les efforts pour la pérennisation de la participation
politique des femmes congolaises doivent être opérationnels tant
au niveau institutionnel qu'au niveau des acteurs sociaux, notamment les
organisations féminines. Ainsi, notre enquête sur terrain a
relevé certains mécanismes de la pérennisation de la
participation politique des femmes congolaises. Il s'agit des mécanismes
ci-après :
- Enclencher un rapport de pouvoir égalitaire entre
femmes et hommes dans la participation politique
- Appliquer la loi sur la décentralisation pour offrir
aux femmes congolaises plus de chance d'accès à la
gouvernance
- Pistes d'action en rapport avec la bonne Gouvernance et le
Genre
- la révision du code de la famille
et autres textes juridiques sur les droits des femmes
IV.1. Enclencher un rapport de pouvoir
égalitaire entre femmes et hommes dans la participation politique
Pour parler de « participation politique », le
concept de participation même doit d'abord être clarifié.
Actuellement, le mot « participation » est utilisé comme
condition de réussite du développement et de la bonne
gouvernance. Or, cette participation peut n'être qu'une illusion
démocratique et demeurer passive, réduite à
l'échelle de l'information ou de la consultation.
Elle peut relever de l'utopie ou d'une dynamique
de technocrates et d'expert(e)s, mettent en garde Marie Lise SEMBLAT et
Marie RANDRIAMAMONJY. Ces dernières précisent que «
parler de la participation politique des femmes dans le contexte du
Genre et de la gouvernance », c'est dépasser le stade de la
consultation symbolique des femmes. C'est aussi aller au-delà de
l'étape qui consiste à les informer des actions à mener
pour elles et pour la collectivité. (74(*))
Il s'agit plutôt de mettre sur un pied
d'égalité les femmes et les hommes dans la prise de
décision politique et dans le contrôle de pouvoir dans tous les
domaines. Mais qu'est-ce qui est « politique », et qu'est-ce qui ne
l'est pas ? La « participation politique » ne concerne pas seulement
les partis. Toute décision affectant la vie des autres, qu'elle soit
privée ou publique, est « Politique ». Ce sont les «
décisions politiques » qui apportent les transformations dans la
société. Les femmes congolaises doivent donc s'investir dans la
politique, s'engager et militer pour transformer les relations
inégalitaires femmes-hommes en relations égalitaires.
Ainsi, comment faire pour que cette participation soit
effective en RDC ?. Au Madagascar par exemple, REJO FIENENA a
présenté le cas ou le modèle spécifique des
Associations des femmes en politique à Madagascar. Ces associations ont
initié un mouvement de ralliement des femmes qui se fixe comme objectif
l'obtention de 30-50% des sièges de 2010 à 2015. (75(*))
En RDC, la stratégie selon nos enquêtées
doit consister à sensibiliser et identifier les femmes ayant une
vocation politique, à les encourager à se porter candidates,
à renforcer leurs capacités, à inciter l'électorat
potentiel à les élire et à les accompagner dans le
processus électoral. Une telle démarche a fait ses preuves dans
la mise en oeuvre d'un programme d'appui à la gestion communale au
Burkina Faso, d'après Paule Elise Henry (76(*)).
Dans cette expérience, le renforcement des
capacités au niveau local a engendré un déclic pour
encourager les femmes de Burkina Faso à entrer dans les conseils
municipaux ou à siéger au sein des conseils d'administration des
infrastructures marchandes (les marchés par exemple).
En RDC, les acquis de cette démarche sont fragiles,
marginaux et réversibles. Les effets obtenus risquent donc de ne pas
redresser de manière durable la situation actuelle du «
déficit démocratique dans les pays dits du tiers monde»
marqué par l'absence des femmes dans les sphères politiques.
Les résultats des entretiens menés par
Irène STOJCIC et Sophie ELIZEON à l'île de la
Réunion d'une part, et par Lala RAHARINJANAHARY à Madagascar
d'autre part, attestent que certaines femmes élues n'ont plus
l'intention de se représenter sur des listes électorales
(77(*)).
Joséphine YAZALI a formulé un même constat
parlant du cas des Communautés locales en Inde où «
prenant conscience de leur rôle passif, les dix femmes élues au
sein des panchâyat ne sont plus disposées à
être députées» (78(*)).
Charles MAPHASI KUMBU a fait remarquer que les acquis ne
suivent pas une croissance linéaire. En RDC, la réorganisation du
pouvoir politique à l'issue du Dialogue Inter Congolais en application
de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies n'a pas tenu compte de la représentation féminine,
même en ce qui concerne les élections territoriales où des
avancées notables étaient enregistrées avec le respect du
quota de 30% en faveur de la femme (79(*)).
Et si un autre obstacle à la participation des femmes
en politique étaient les femmes elles-mêmes ? Les femmes se
cantonnent dans certains stéréotypes, a rappelé
Joëlle PALMIERI (80(*)) en référence à une étude
sur les nouvelles technologies de l'information (TIC) menée au
Sénégal et en Afrique du Sud : au lieu de démystifier le
stéréotype selon lequel « les femmes
n'étaient pas portées sur les sciences mais sur la
gestion de la vie quotidienne », elles perpétuent
l'image de la femme soumise et subordonnée. Elles ne saisissent pas
l'opportunité qui s'offre à elles d'utiliser les TIC afin de
renverser le pouvoir en leur faveur.
Dans le même sens, l'étude relatée par
Lily RAHAINGO-RAZAFI MBELO à Madagascar illustre que :
« les femmes se tiennent à distance du « politique »
parce que, selon les opinions recueillies, les femmes au pouvoir reproduiraient
les pratiques machistes des hommes » (81(*)).
Des points de vigilance ont aussi été
soulevés. D'abord, il est plus que nécessaire de remettre en
cause les préjugés conformistes et essentialistes qui consistent
à dire que « les femmes sont naturellement porteuses
de bonne gouvernance », et à démystifier
l'hypothèse selon laquelle « les femmes sont par
essence de bonnes politiciennes, altruistes et non corrompues».
Si ces arguments font carrière, ils risquent de bloquer les
accompagnements indispensables tels le renforcement de capacités des
candidates potentielles et des élues.
Ensuite, il faut aussi veiller à ce que la
participation politique des femmes congolaises ne se réduise pas
à un slogan qui instrumentaliserait la participation des femmes pour en
faire des alliées-alibi en les maintenant dans un état de
subordination.
Pour ce qui est de la réalité de la Ville de
Kindu, cadre physique de notre recherche, le constat général est
que les conditions ne sont pas encore réunies pour que les femmes et les
hommes soient égaux en gouvernance. Le chemin est encore long. Comment
faire évoluer la situation ? Les mouvements féminins qui ont
accompagné le processus de démocratisation dans cette province
qui a connu la civilisation arabo-musulmane permettront de parvenir
progressivement à un changement. L'activité et l'engagement des
femmes au sein des partis politiques sont essentiels mais ils ne doivent pas
entraver la mobilisation et la solidarité des femmes autour des enjeux
communs.
D'où, la nécessité de trouver des
synergies et de s'appuyer sur le réseautage (nord/sud/sud) dans une
optique de changement global et durable.
Autre enjeu : quel est le rôle des « femmes
élites » ou les « épouses de » dans
l'accompagnement des mouvements féminins ? Certes, ces élites
devraient jouer des rôles importants dans l'appropriation des modes de
gouvernance.
Elles peuvent apporter leur perception et analyser des
rapports de pouvoir. Elles sont légitimes à parler des femmes de
la base et peuvent jouer le rôle de leaders pour favoriser la
participation politique des femmes. Mais elles ne représentent pas
nécessairement un modèle pour les femmes de classes non
privilégiées (d'un point de vue économique, social,
ethnique, de caste, etc.).
Les besoins et intérêts qu'elles défendent
ne sont pas forcément, ceux des femmes des autres classes. Dans tous les
cas, la question n'est pas d'examiner les questions féminines en marge
de la société. Il s'agit bel et bien de lutter contre la
pérennisation des inégalités véhiculées dans
le cadre patriarcal. Dans cette optique, la vigilance est de mise pour
éviter une instrumentalisation des mouvements féministes qui
immobiliserait la lutte contre la subordination afin de solder
l'invisibilité des femmes dans les institutions politiques
congolaises.
Il existe certes une manifestation de volonté des
acteurs sociaux et étatiques à changer la situation des femmes de
manière durable. La traduction de ce fait est perçue en RDC,
à travers l'élaboration d'instruments nationaux en faveur de la
promotion des femmes et de Genre et l'implication accrue des organisations
féminines dans ces processus.
Sur le plan formel, quelques repères mettent en exergue
cette volonté, du moins manifeste :
? 2002 : l'élaboration du Programme National pour
la Promotion de la Femme Congolaise (PNPFC), adopté par le Gouvernement
en Septembre 1999 et mise en oeuvre en 2002;
? 2004 : l'élaboration du Document des
stratégies d'intégration du Genre dans les Politiques et
programmes de Développement en RDC ;
? 2005 : la mise en place des Bureaux de
réseautage des points focaux à Kinshasa et en provinces, suivi
des sessions de formation de ces derniers en approche Genre ;
? 2006 : la promulgation de la loi sur les violences
sexuelles;
? 2009 : l'élaboration de la Politique Nationale
de Genre ;
IV.1.1. Appliquer la loi sur la décentralisation
pour offrir aux femmes congolaises plus de chance d'accès à la
gouvernance
Dans le contexte de la décentralisation, l'augmentation
de la représentativité des femmes au sein des institutions
démocratiquement établies aux niveaux local, provincial et
national est un thème d'actualité.
D'un point de vue politique, selon Jeannine RAMAROKOTO et
Elisabeth HOFMANN (82(*)),
la décentralisation est une politique de gouvernance
caractérisée par le rapprochement de l'Etat des citoyen(e)s.
Se référant à la Commission
Européenne, elles expliquent que la décentralisation se fonde
entre autres, sur la démocratie et la gouvernance locales. Dans cette
optique, la décentralisation en RDC devrait instaurer
l'égalité entre les hommes et les femmes dans la
représentation politique, améliorer l'accès des femmes aux
services et parvenir à une affectation des ressources locales de
manière plus équilibrée entre les femmes et les hommes.
Pour Awa GUEYE (83(*)), la décentralisation est un contexte qui
favorise la participation citoyenne, l'éclosion des initiatives
individuelles et communautaires. A priori, le niveau local ouvrirait donc une
importante porte d'entrée pour les femmes dans l'exercice de la
gouvernance dans la sphère publique. La décentralisation
proposerait un cadre adéquat de participation politique pour toutes les
couches sociales et particulièrement les femmes, favorisant a priori la
participation des organisations de la société civile, dont les
organisations féminines, aux affaires publiques.
En institutionnalisant la participation, la
décentralisation devrait encourager l'insertion des acteurs locaux,
femmes et hommes, dans les espaces décisionnels congolais et rendre
possible, voire faciliter, la mixité des candidatures et la
participation inclusive aux élections.
Cependant, cette opportunité n'est ni automatique ni
une fin en soi, et l'engagement politique ne suffit pas. Souvent, les hommes
politiques et les élus locaux se déclarent favorables à
une gouvernance décentralisée et à plus
d'égalité entre les femmes et les hommes.
Mais la réalité est plus nuancée. Les
mesures prises sont souvent superficielles. Malgré les lois et
décrets promulgués, les difficultés de leur application
sont nombreuses. Les faits et expériences présentés par
nous même lors du colloque sur le Genre et Université en RDC
attestent qu'en réalité « on fait plus de bruit que
d'actions concrètes». Nous avons analysé le cas de
l'île de la RDC où la législation impose
l'égal accès des hommes et des femmes à toutes les
institutions publiques. (84(*))
Dans notre communication intitulée « Vite, une
femme sur ma liste : comment faire ? », nous avons décrit les
difficultés pour « trouver des femmes » puisque les listes
présentées lors des opérations électorales de
2006 en RDC devraient comporter autant de candidates que de candidats.
Le recrutement s'est ainsi fait parmi les membres
actifs du monde associatif qui se déclarent généralement
« apolitiques ». Pour la RDC, les données montrent
que les statistiques au niveau des assemblées provinciales sont encore
désespérantes : les femmes demeurent sous
représentées tant au niveau provincial que national.
Les lois existent mais la volonté de l'application
laisse à désirer, voire fait défaut, dans la
majorité des cas. La faible volonté politique d'agir pour
l'égalité femmes-hommes au niveau décentralisé,
nourrie par l'insuffisance de conviction de la part des décideurs quant
à la nécessité d'un changement en faveur des femmes, est
le principal frein à l'accès des femmes à la gouvernance.
Ceci se manifeste par exemple, par le nombre relativement faible de signataires
de la Charte pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie
locale du CCRE d'après Jeannine RAMAROKOTO et Elisabeth HOFMANN
(85(*)). Un autre exemple est
fourni par Charles MAPHASI KUMBU, par rapport à l'application de la
Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies
en RDC. Malgré les dispositions favorables à la participation au
niveau local « les femmes n'ont pu obtenir que 8% sur l'ensemble des
sièges à pourvoir aux législatives
». (86(*))
Au niveau des provinces, les femmes sont
écartées des processus et des instances de décisions
importantes et ignorent certaines opportunités qui s'offrent à
elles. Diverses raisons ont été avancées pour expliquer ce
constat.
D'après Joséphine YAZALI (87(*)), les citoyennes au niveau
local en Inde ne connaissent pas toujours leurs droits et leurs obligations. Le
pourcentage de femmes analphabètes y est élevé et le
pouvoir est confisqué par une minorité qui n'est pas
représentative. Cette situation, selon nous, est similaire à
celle de la RDC.
La participation aux élections est souvent liée
plus aux habitudes qu'aux principes démocratiques. Selon Sheila SANOUDI,
au Burkina Faso, « les femmes qui s'engagent en politique sont celles
qui sont instruites, actives dans les structures associatives. Elles ont des
ressources financières ». (88(*))
Ces femmes sont rares dans les zones rurales. Par ailleurs,
les formations politiques ou coalitions de partis sont les seules
autorisées à présenter des candidat(e)s aux
élections, or au Burkina Faso en 2005, environ 9% des membres de bureaux
exécutifs des partis politiques sont des femmes et elles y occupent des
postes de subalternes. La chance pour une femme d'être proposée
par les partis est ainsi infime.
De plus, une femme qui réussit en politique est mal
vue, notamment au niveau local. Cette observation de Sheila SANOUDI est
partagée par BENAOUDA LEBDAI qui souligne « la facilité
avec laquelle les femmes sont rapidement qualifiées de
prostituées, de légères, de faciles, dès qu'elles
essaient de s'affirmer sur le plan politique ou économique,
dès qu'elles tentent de prendre le pouvoir pour faire avancer la
société ». (89(*))
A Madagascar, les enquêtes réalisées par
Lala RAHARINJANAHARY ont révélé que même si les
femmes maires sont appréciées, aussi bien par leurs
supérieurs hiérarchiques (au niveau des régions,
ministères, etc.) que par leurs subordonnés, « elles
n'ont pas droit à l'erreur et sont plus exposées aux critiques
que les hommes ». (90(*))
Même si la décentralisation rime avec la
stratégie de gouvernance rapprochant l'Etat des citoyens, les
inégalités de genre accompagneront la décentralisation
politique si des efforts spécifiques ne poussent pas dans l'autre sens.
La mise en place des conseils municipaux en Iran, que cite Lucia DIRENBERGER
(91(*)), en est un
exemple.
En effet, le contexte de transformation socioculturelle de la
société Iranienne est propice à l'entrée des femmes
dans la sphère publique et politique locale. L'absence d'organisation
politique dans les villes moyennes et les villages laisse aux candidat(e)s
indépendant(e)s, parmi lesquels les femmes sont nombreuses, une
réelle chance dans la compétition locale. Mais l'application de
l'approche genre dans cette politique de décentralisation est
située dans un contexte dualiste : un système électoral
fondé sur le suffrage universel d'une part, et une constitution
conçue sur la base de l'Islam, d'autre part.
Dans un tel contexte, l'Iran a institutionnalisé les
discriminations de Genre et la décentralisation des
inégalités de représentation politique.
IV.1.2. Genre et Gouvernance en RDC : Quelles pistes
d'actions ?
Des avancées sont observées dans le pays
actuellement : lois favorables à la participation politique des femmes ;
présence des femmes en politique de plus en plus acceptée ;
quoique lente, augmentation des candidatures féminines aux
élections. Un travail individuel pour renforcer l'assurance et
l'affirmation de soi des femmes est nécessaire et mérite
d'être accompagné par la famille, par les associations et
organisations travaillant au niveau décentralisé.
Le rôle des médias pour véhiculer une
image positive des femmes congolaises dans la politique a été
spécifiquement soulevé. Néanmoins, cette participation
politique des femmes, notamment au niveau des Provinces, continue à
représenter un chemin semé d'embûches dans la grande
majorité des situations. Pour passer du discours à la pratique,
il faut une stratégie permanente et sensible au genre qui interroge,
entre autres, les systèmes d'institutionnalisation.
- Réviser les textes juridiques
L'égalité des femmes et des hommes est un droit
fondamental spécifié dans l'article 1er de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme. Partout, que de chemin parcouru en termes de
droit pour trouver un statut plus mérité à la femme !
Pourtant, Awa GUEYE constate qu'il y a de nombreuses
confusions sur la nécessité d'une égale participation des
femmes et des hommes aux pouvoirs de décision dans la pratique. Des
confusions, dont entre autres, celle de « voir la participation
des femmes comme un privilège à accorder
éventuellement aux femmes par magnanimité ou
condescendance ».
En fait, l'égalité femmes-hommes dans la
participation à la gouvernance n'est pas considérée comme
un droit. Si elle l'était, la question de savoir ce que la participation
des femmes à la gestion des affaires publiques apporte comme valeur
ajoutée, n'aurait pas sa raison d'être. Le simple fait que cette
question ait été évoquée lors de plusieurs
communications atteste qu'au sein de la communauté politique congolaise,
l'égalité femmes-hommes dans la gouvernance n'est toujours pas
comprise comme un droit.
Pourquoi cet aspect « droit à la gouvernance
» est-il négligé ? Claudy VOUHE et Vanessa GAUTIER ont
apporté trois réponses : « à cause de la
faiblesse des processus officiels qui permettent de revendiquer les
droits et de demander des comptes aux Etats sur les conventions internationales
; parce qu'il n'y a pas de consensus quant à ce que ces droits
signifient en pratique ; et du fait de l'insuffisance des moyens et
capacités des organisations de la société civile
à porter les revendications liées aux droits et au genre
». (92(*))
Le monde a beaucoup changé depuis les débuts du
militantisme pour les droits des femmes. Plusieurs communications ont
rappelé les acquis en matière de législation relative
à l'égalité de traitement, à l'intégration
de la dimension de Genre, et à l'adoption de mesures spécifiques
en faveur de l'émancipation des femmes. Si les cadres international et
régional sont d'une utilité certaine, ils sont insuffisants en
eux-mêmes.
Au niveau national, certains pays bénéficient
d'une Constitution qui garantit les droits fondamentaux dont le suffrage
universel et le principe du non discrimination à tous les niveaux. C'est
le cas par exemple de l'île Maurice, de la RDC, du Cameroun, ou du
Sénégal. Tout le monde s'accorde à dire qu'une
Constitution n'est pas neutre par rapport à l'égalité des
sexes. La formulation des textes affiche parfois une neutralité laissant
supposer, sans la nommer, une égalité parfaite entre femmes et
hommes. Il y a lieu cependant de revendiquer que les deux sexes soient
explicitement stipulés dans le texte constitutionnel.
Les participant(e)s sont unanimes : la vigilance est de mise
s'agissant de la formulation des droits et des lois et des structures et
modalités de leur mise en oeuvre. A titre d'exemple, Awa GUEYE a
souligné que la Constitution du Sénégal précise que
« tous les êtres humains sont égaux devant la loi.
Les hommes et les femmes sont égaux en droit ».
Le code des collectivités locales utilise les
expressions « Conseillers » et « conseillères ». Il
précise dans les articles sur la communauté rurale, sur la
commune, et sur la région, que « les listes de candidatures
sont représentées pour le scrutin proportionnel et pour
le scrutin majoritaire, en tenant compte de la dimension genre dans les
investitures ».
En France, Sophie ELIZEON et Irène STOJCIC rappellent
que la lutte menée par les féministes depuis les années
soixante a abouti à l'adoption en 2000 de la loi sur la parité.
Celle-ci « favorise l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives, rendant obligatoire la candidature d'autant de
femmes que d'hommes pour les scrutins de liste ».
Les recommandations rendant obligatoires la parité dans
certains scrutins, la répartition égalitaire des sièges et
délégations ou encore l'augmentation des pénalités
en cas de non respect des obligations en la matière, sont reprises par
les évolutions récentes de la loi sur la parité.
Des effets directs sont observés sur les listes
présentées aux élections municipales, régionales,
sénatoriales et européennes et sur les résultats des
élections. Les résultats positifs enregistrés ne sont pas
seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs. On constate, d'une part un
« changement de regard que porte la société sur
les femmes en politique, changeant la vision de normalité
favorisant la présence de candidats aux scrutins », et d'autre part
que «les femmes sollicitées ont la possibilité de
négocier leur position dans la liste ».
Pour nous, l'inscription de l'égalité femmes-
hommes dans la Constitution n'est pas une fin en soi mais une étape
à franchir. Elle accompagne la démocratie et la pleine
participation des citoyen(e)s en politique. Les réalisations concernant
l'explicitation de l'égalité des sexes dans la Constitution et
les lois au niveau national pourraient servir d'exemples à d'autres
pays. Ce point de vue intéresse particulièrement la RDC
où la révision de la Constitution est d'actualité.
A ce sujet, nous disons énergiquement qu'il n'y a pas
de recette ni de formulation « prête à l'emploi » pour
réviser une Constitution afin d'insérer la dimension Genre. Elle
propose une approche participative consistant à travailler ensemble
à partir d'un texte de Constitution, faire une analyse commune du
contexte pour trouver les formulations appropriées au contexte
spécifique de la RDC. La mise en réseau des juristes,
politologues et sociologues engagé(e)s dans la promotion du genre est
recommandée pour cette concrétisation.
En dépit des lois et décrets adoptés en
faveur de l'égale participation des femmes et des hommes à la
gouvernance, des contraintes ont été relevées, mises en
exergue par deux cas précis. D'abord, Charles MAPHASI KUMBU constate
qu'un grand travail reste à mener en RDC, notamment pour traduire dans
les faits les prescrits de la Résolution 1325. Selon lui, les
difficultés proviennent en partie du caractère non contraignant
du texte compte tenu de la terminologie utilisée et notamment l'usage
des verbes « demander, prier, engager, souligner, et
déclarer ».
Ces termes n'impliquent pas un engagement mais une invitation
pour sa mise en oeuvre. Jeannine RAMAROKOTO et Elisabeth HOFMANN (93(*)) ont évoqué
l'application de l'article 30 de la Charte pour l'égalité des
femmes et des hommes dans la vie locale du CCRE : bien que le texte
précise que « la collectivité territoriale signataire
s'engage d'impliquer de façon égalitaire les femmes et
les hommes, ....à utiliser les relations de jumelage comme
plateforme d'échange sur les questions d'égalité
des femmes et des hommes..., à intégrer la dimension de
l'égalité des sexes dans ses actions de
coopération décentralisée », la
réalité est à mille lieues des engagements pris par les
signataires de la charte. Malgré la loi, des facteurs structuraux
bloquent aussi la participation des femmes. Patricia Day HOOKOOMSING,
restituant les témoignages de femmes ayant une expérience dans la
politique à Maurice, a fait savoir que « la puissance des
lobbies liés au grand capital, donc sous le contrôle des
hommes, et ceux liés aux regroupements communaux et religieux,
qui sont également contrôlés par les hommes font
que les femmes ont peu ou aucune chance de se faire une place en
politique ». (94(*))
De plus, le manque de financement est un autre frein auquel
les femmes désireuses d'entrer en politique doivent faire face. Au
Maniema, une femme parmi nos enquêtées a témoigné
que « sa demande d'être candidate était
écartée par le parti parce qu'elle ne disposait pas de
la somme nécessaire pour contribuer à la campagne
électorale ».
Ainsi, les autres enquêtées ont retenu que pour
ne pas rester lettre morte, un dispositif juridique, doit être
appuyé par une volonté politique. Des mécanismes concrets
d'application et de suivi devraient accompagner ces textes.
Dans le domaine juridique, il y a des leviers «
incontournables » pour favoriser la participation politique des femmes.
Par exemple, fixer un quota et le rendre obligatoire sur certains scrutins ;
favoriser une répartition égalitaire des sièges ;
réclamer des listes paritaires (zébrées, alternance hommes
- femmes) ; instaurer l'égalité comme condition de
recevabilité des listes et veiller à la refonte et au
réexamen des codes électoraux en appui à la
Constitution.
Il est important aussi d'analyser les systèmes
électoraux selon le Genre : à titre d'exemple, en règle
générale, le système de candidats multiples par
circonscription, assorti du système majoritaire à un tour («
first passed the post ») ne sert pas la cause des femmes. Globalement, une
veille permanente doit être menée car le processus de gouvernance
incluant l'égalité femmes-hommes ne suit pas de manière
linéaire la lutte pour la démocratie.
En plus des textes et lois adoptés, une volonté
politique doit être affichée avec des mesures adéquates
luttant contre le manque d'instruction et la pauvreté, et permettant de
prendre en compte les rapports de violence dans la ré-conceptualisation
de la gouvernance.
Car « les violences, dont les violences
sexuelles, représentent une expression non seulement des
rapports de force entre hommes et femmes mais aussi entre citoyens et
pouvoir public ».
Le niveau de compétence des élues et
l'insuffisance d'outils à leur disposition constituent un point
critique. C'est pourquoi les activités de renforcement de
capacités et des mesures d'accompagnement sont nécessaires pour
soutenir la participation des femmes en politique. Il faut des budgets
appropriés et explicites pour faciliter la mise en oeuvre et pour
obliger les bénéficiaires de rendre des comptes.
L'indicateur de quantité relatif à la
présence féminine est une chose, nécessaire certainement,
mais insuffisante en soi. Car avoir des données quantitatives ne
résout pas tout. Comment, par exemple, mesurer le rapport de
subordination entre femmes et hommes à partir des données, dans
des contextes particuliers ?
Des informations à caractère plus qualitatif ont
aussi été suggérées dans les communications de
plusieurs chercheurs congolais sur le Genre, qui méritent d'être
recueillies et publiées, systématiquement. Elles portent par
exemple sur les changements de comportement, d'attitude, de mentalité,
de perception, du public par rapport aux femmes dans la politique.
- Les indicateurs nécessaires pour mesurer la
« bonne gouvernance » dans toute sa complexité
Quelques paradigmes présentés par Vanessa
GAUTIER et Claudy VOUHE donnent une vision globale et bornent quelques pistes
d'évaluation : liberté de choix et d'actions, respects des
droits, prises en compte des différents besoins, intérêts,
contraintes et priorités des hommes et des femmes, etc.
D'après nous, des indicateurs demandent encore à
être créés, expérimentés et affinés,
tout comme les systèmes pour les formuler, les suivre et les vulgariser.
Il est nécessaire de définir ensemble les données
pertinentes qui peuvent rendre compte de cette pluri dimensionnalité de
la réalité dans laquelle le Genre est considéré en
RDC et s'articule avec la gouvernance.
IV.2. Les repères de la pérennisation au
niveau institutionnel
On note à ce niveau, des avancées dans les
instruments nationaux, dont la pulsion vient à la fois du contexte
international de la lutte pour la promotion de genre et des efforts des
organisations ayant le genre comme champ d'action.
A cet effet, depuis la transition, une lecture des textes qui
normalisent la vie nationale reflète la volonté étatique
de promotion de genre.
a) L'Accord Global et Inclusif.
L'Accord Global et Inclusif met en évidence ce qui
suit : pour garantir une transition pacifique, les institutions de la
transition doivent assurer une représentation appropriée des
femmes à tous les niveaux des responsabilités.
b) La Constitution de transition.
Cette constitution a mis en exergue la volonté de
promouvoir et de « garantir les libertés et les droits
fondamentaux du citoyen congolais, et à défendre ceux de la femme
et de l'enfant ».
- Dans l'article 17, il est clairement dit que tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont une égale protection
des lois. Aucun congolais ne peut, en matière d'éducation et
d'accès aux fonctions publiques ni en aucune matière faire
l'objet d'une mesure discriminatoire, qu'elle résulte de la loi ou d'un
acte de l'exécutif, en raison de sa religion, de son sexe, de son
origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses
opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une
race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité
culturelle ou linguistique.
- L'article 51 de la Constitution de la transition stipule
ceci : « l'Etat a le devoir de veiller à
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard de la femmes et d'assurer le respect et la promotion de ses
droits. L'Etat doit prendre dans tous les domaines, notamment dans les domaines
économique, social, et culturel, toutes les mesures appropriées
pour assurer la pleine participation de la femme au développement de la
nation. L'Etat prend des mesures pour lutter contre toutes les formes de
violence faite à la femme dans la vie privée. La femme a droit
à une représentation significative au sein des institutions
nationales, provinciales et locales ».
c) Le décret 03/027 du 16 Septembre 2003 fixant
les attributions du Ministère de condition féminine.
Déjà depuis 1980, le domaine d'intervention de
la politique en faveur des femmes fera l'objet d'une nouvelle
réglementation avec l'avènement du Ministère de la
condition féminine comme nouveau mécanisme pertinent des actions
relatives à la situation des femmes. C'est la reconnaissance
gouvernementale d'un champ d'action correspondant aux politiques publiques
menées en direction des femmes.
Le discours gouvernant sur la promotion féminine va se
structurer autour des idées concernant l'émergence du concept
d'intégration de la femme au développement, et va être
inscrit dans la politique gouvernementale.
En 2003, ce ministère s'est vu attribué comme
missions
- La protection et la promotion du statut de la
femme ;
- L'étude et la mise en oeuvre de toutes mesures visant
à mettre fin à la discrimination contre la femme en vue d'assurer
l'égalité en droit avec l'homme ;
- L'aménagement du cadre légal et institutionnel
pour assurer la participation de la femme au développement de la nation
et une représentation significative au sein des institutions nationales,
provinciales et locales ;
- La collaboration avec les ministères des Droits
humains, de l'Enseignement, de la Famille, la femme et l'enfant ;
- L'intégration effective de la femme dans les
politiques et programmes divers en RDC.
L'une des difficultés à l'institutionnalisation
du genre est que, les différentes structures créées au
niveau du gouvernement pour la question de promotion des femmes sont
instables.
c) La Constitution de la 3ième
République.
Concernant la condition féminine, l'article 14 de la
Constitution de la Troisième République, promulguée le 18
février 2006, dispose que :
Les pouvoirs publics veillent à l'élimination de
toute forme de discrimination à l'égard de la femme et assurent
la protection et la promotion de ses droits.
Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les
domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les
mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la
pleine participation de la femme au développement de la nation.
Ils prennent des mesures pour lutter contre toute forme de
violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie
privée.
La femme a droit à une représentation
équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales.
L'Etat garantit la mise en oeuvre de la parité homme-femme dans lesdites
institutions. La loi fixe les modalités d'application de ces droits.
Toutefois, la route qui conduit à la parité des
sexes est encore longue à parcourir ; mais il reste que
l'observation dévoile des tendances de modification des valeurs et des
pratiques contribuant dans une certaine mesure à moins infirmer les
femmes et à légitimer en partie la civilisation phallocratique
des moeurs de genre. Ces tendances ont été beaucoup plus
observables dans la participation de la femme à la gestion de la chose
publique. L'Etat et les acteurs sociaux y ont contribué sensiblement.
III.3. regard sur le processus de la révision du
code de la famille
Des motivations profondes ont milité pour la
réforme du code de la famille qui renfermait en lui des dispositions en
défaveur des femmes. Dans la loi n° 87-010 du 1er août 1987
portant sur le Code de la famille figurent plusieurs dispositions
discriminatoires à l'égard de la femme(55), et ce
alors que le Code est censé protéger les droits de tous les
membres composant une famille. De nombreuses dispositions sont donc en
contradiction avec la Convention sur toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes comme le souligne le rapport
CEDAW/C/COD/4-5. Par ailleurs, l'aspect discriminant de plusieurs articles du
Code de la Famille avait déjà été souligné
par le CEDEF lors de sa 22ème session.
L'article 330 du Code de la famille relatif
au contrat de mariage, pose le principe de l'égalité entre
époux. Cette loi impose aux époux des droits et obligations
réciproques : obligations mutuelles de vie commune, obligations quant
aux soins et assistance mutuels, obligation à la fidélité,
respect et affection mutuels, etc. Cependant, il existe de nombreux paradoxes
qui violent ce principe d'égalité entre époux alors que
l'article 16.1.c de la CEDEF affirme que les deux époux ont les
mêmes droits et responsabilités pendant le mariage.
Le Code de la famille limite dans son article
215, la capacité de la femme mariée, ce qui est
contraire à l'article 15.1 de la CEDEF qui demande aux Etats de
reconnaître à la femme l'égalité avec l'homme devant
la loi.
En effet, les articles 444 à 448 de ce
Code placent la femme mariée dans une position de dépendance et
d'obéissance telle qu'elle ne peut poser aucun acte juridique sans le
consentement de son mari.
Ces articles font ainsi passer la femme mariée de la
tutelle parentale à la tutelle maritale, et consacrent un écart
considérable entre les époux. L'article 448 dispose ainsi que :
« La femme doit obtenir l'autorisation de son mari pour tous les actes
juridiques dans lesquels elle s'oblige à une prestation qu'elle doit
effectuer en personne ».
Violant les principes de l'égalité en droit et
du respect de la dignité humaine, ces dispositions entravent la
participation des femmes à la vie sociale, économique et
politique.
A cet effet, l'initiative de la révision du
Code de la famille pour le changement du statut
juridique de la femme a connu récemment d'importantes avancées.
Un mémorandum a été présenté en 2002 au
législateur congolais, puis défendu en 2004 auprès de la
Commission de la réforme du droit congolais par les organisations
féminines.
Ainsi, la loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant sur
le Code du travail a apporté des réponses en vue du renforcement
des mesures antidiscriminatoires à l'égard des femmes
travailleuses. L'article 1 a ainsi supprimé l'opposition expresse du
mari à l'engagement d'une femme mariée.
Pourtant, cette même loi entretient une certaine
confusion dans son article 6 relatif « à la capacité de
contracter », qui prévoit que « la capacité d'une
personne d'engager ses services est régie par la loi du pays auquel elle
appartient, ou à défaut de nationalité connue, par la loi
congolaise ». En renvoyant la capacité de contracter au droit
commun congolais, c'est le Code de la famille qui s'applique. Or, le Code de la
famille dans son article 215 limite la capacité de la femme
mariée à imposer son choix d'effectuer un travail salarié,
ainsi que dans son article 448 disposant que la femme doit obtenir
l'autorisation de son mari pour tous les actes juridiques.
La nouvelle proposition révisant le Code de la famille,
élaborée avec le Ministère de la justice, prévoit
de supprimer ces dispositions discriminatoires. Aussi, la question de la
représentation féminine dans les instances politiques ne peut
être analysé que par rapport à la question de
démocratie, en mettent en rapport l'ensemble du système
constitutionnel congolais, les ordonnancements juridiques et les exigences
démocratiques.
La réforme du droit congolais s'avère
nécessaire, elle implique l'harmonisation des lois nationales avec les
instruments juridiques internationaux, l'abrogation de certaines lois
discriminatoires à l'égard des femmes et l'élaboration de
nouvelles lois intégrant la dimension « Genre ».
IV.4. les repères de la pérennisation au
niveau des Organisations Féminines.
Des défis majeurs persistent en ce qui concerne la mise
en oeuvre des dispositions législatives, mais aussi, la révision
des dispositions discriminatoires qui persistent dans ces textes. Le CEDEF
avait déjà souligné cet état de fait lors de son
rapport conclusif de la Vingt-deuxième session du Comité (17
janvier- 4 février 2000). Le Comité s'était montré
préoccupé du fait qu'en dépit de certains acquis
législatifs, le Code de la famille, le Code pénal et le Code du
travail continuent de contenir des dispositions discriminatoires.
Le Comité avait alors recommandé au Gouvernement
de donner la priorité la plus élevée à l'adoption
d'une législation visant à garantir l'égalité
de jure et de facto des femmes, et d'en assurer
l'application. Très peu de mesures ont jusqu'à présent
été adoptées pour abolir les dispositions discriminatoires
de l'ensemble de textes qui régissent la RDC et permettre l'application
effective de ceux qui promeuvent la participation politique des femmes.
Pour ce faire, les organisations féminines ont
mené certaines actions pour que change cet état de chose.
IV.5. Le plaidoyer pour la révision de la loi
électorale.
Depuis la fin des élections de 2006, des femmes ou
associations de femmes se sont réunies pour évaluer les
élections mais plus encore pour stigmatiser le faible taux de femmes
élues. Parmi les causes de cette faiblesse, l'on a souligné la
loi électorale qui, en son article 13, a vidé de son sens
l'article 14 de la Constitution promulguée le 18 février 2006.
L'article 13 de la loi électorale qui parle de la
composition des listes stipule à l'alinéa 3 :
« Chaque liste est établie en tenant compte, s'il
échait, de la représentation paritaire homme-femme et de la
promotion de la personne vivant avec handicap ». Et souligne à
l'alinéa 4 : « Toutefois, la non réalisation de la
parité homme-femme au cours des prochaines échéances
électorales n'est pas un motif d'irrecevabilité d'une
liste ».
Les analyses féministes et progressistes ont
considéré l'article 13 comme une régression par rapport
à l'avancée démocratique contenue dans l'article 14 de la
Constitution. C'est aussi cet article 14 de la Constitution qui avait
suscité beaucoup d'espoir, d'audace lorsqu'on a proposé les
fameuses « listes bloquées et
zébrées » que le législateur d'alors n'avait pas
retenues.
Les femmes politiques ont fait un plaidoyer parlementaire et
attendent la révision de la loi électorale en tenant compte de la
parité homme-femme pour toutes les listes déposées par les
partis politiques. En ce qui concerne la CENI, elles demandent aux partis
politiques de désigner des femmes au bureau de la CENI et aux organes de
décision de mettre fin à toute forme de violence faite à
la femme au sein des partis politiques, etc.
IV.6. Le plaidoyer pour la révision du code de
la famille.
En mars 2006, le Réseau Action Femme (RAF) a pris part
à l'atelier de révision des propositions d'amendement du Code de
la famille pour garantir les droits des femmes et des enfants, organisé
par le service d'études et de recherche du Ministère de la
justice. Actuellement il existe un document qui porte la proposition
d'amendement du Code de la famille en vue de garantir les droits des femmes et
des enfants.
IV.7. Le plaidoyer pour la loi de mise en oeuvre de la
parité.
Il est à noter que jusqu'à ce jour, il n'existe
pas encore de mécanismes qui permettent l'effectivité de ces
dispositions constitutionnelles en faveur de la représentation paritaire
des femmes et des hommes dans les institutions de la RDC. Quand bien même
le principe d'égalité est consacré dans la Constitution,
un silence demeure quant aux conditions de rendre concret ce principe ;
les dispositifs institutionnels pour rendre effectif ce principe n'apparaissent
pas de manière expresse dans ces textes et les mécanismes
contraignants qui permettent l'effectivité de cette disposition dans la
pratique n'existent pas encore.
Les organisations féminines ont ainsi multiplié
des actions pour que soit adoptée la loi de mise en oeuvre de la
parité en RDC.
IV.8. Le plaidoyer auprès des responsables des
partis politiques.
Les organisations féminines ont entrepris un plaidoyer
pour l'inclusion paritaire du genre dans le projet de loi instituant la CENI,
appuyé par le programme Gouvernance politique du PNUD à
l'initiative de la cellule Genre et Elections de la Division électorale
de la MONUC. Ce plaidoyer a malheureusement échoué au niveau du
Parlement, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Il existe à cet effet, un écart entre les textes
et les pratiques institutionnelles en ce qui concerne l'effectivité des
politiques élaborées en direction des femmes. La réticence
des acteurs politiques à la promotion de genre reste manifeste. Il faut
donc susciter une conscience étatique pour la promotion de genre.
Pour le moment, CAFCO, encouragé par les deux
partenaires précédemment cités, tourne son plaidoyer vers
les partis politiques, qui seront appelés à désigner en
leur sein les futurs membres du bureau de la CENI. Cet état de chose
constitue déjà un problème par rapport aux
élections futures.
CONCLUSION
La question de corrélation Genre et participation
politique est une problématique qui préoccupe toutes les couches
sociales ce dernier temps en RDC, comme thématique importante tant au
niveau de tout le pays en général que dans toutes les provinces
de la République Démocratique du Congo en particulier.
La visée de cette analyse qui, au-delà des
inégalités sexuelles constatées dans la communauté
politique congolaise, était de mettre en corrélation explicative
les variables Genre et participation politique afin d'atteindre une
explication sur les spécificités féminines qui influent
sur la vie politique et vice versa. Au-delà de cette conception,
s'accole également l'analyse systématique de causes et effets de
l'invisibilité des femmes dans les institutions politiques
congolaises.
Ce problème a soulevé en nous quelques questions
notamment: Existe-il, en RDC des facteurs explicatifs du Genre, une fois mis en
application, pourraient-ils contribuer à la participation politique
inclusive ? Sinon, que faire pour que la matérialisation de
l'approche Genre suscite la visibilité des femmes dans l'exercice du
pouvoir politique au Congo? Quels sont, enfin, les indicateurs manifestes des
inégalités Hommes-Femmes prouvant que l'invisibilité des
femmes au sein des institutions politiques de la RDC est une
réalité?
Trois hypothèses ont été ensuite
avancées à cet effet à savoir:
Primo, nous avons estimé qu'il existerait en
République Démocratique du Congo des conceptions explicatives sur
le Genre, issu des connaissances empiriques et réflexives qui
bloqueraient le processus de la participation politique inclusive.
Secundo, ces conceptions péjoratives et subjectives de
la notion de Genre, la déconsidération des potentialités
féminines, la primauté des pratiques traditionnelles face aux
textes juridiques modernes sur la position de la femme, l'abandon forcé
de scolarité des jeunes filles en faveur des enfants du sexe masculin
seraient des faits générateurs de l'invisibilité des
femmes dans l'espace où les décisions politiques sont prises en
RDC.
Tercio, nous avons estimé que le nombre des femmes
parlementaires congolaises par rapport à celui des hommes
parlementaires, le nombre des femmes responsables des partis politiques, le
nombre des femmes ministres tant au sein de gouvernement central que dans les
gouvernements provinciaux, l'inexistence de leadership politique féminin
dans les diverses structures politiques et sociales, seraient des indicateurs
manifestes de l'invisibilité des femmes dans les institutions
politiques de la République Démocratique du Congo.
La vérification de ces trois hypothèses a
été rendue possible grâce à la méthode
dialectique matérialiste.
Ainsi, il était question de privilégier le
courant d'idées de matérialisme historique ; l'unique
courant qui nous a permis de produire un schéma explicatif
approprié afin d'atteindre l'explication de la causalité de
l'invisibilité des femmes dans les institutions politiques de la
République Démocratique du Congo d'une part, et de produire des
explications relatives à la nature de combat politique opposant les
hommes et les femmes ; les armes et stratégies utilisées par
chaque camp dans ce combat pour le pouvoir politique.
Grâce à cette méthode, nous avons compris
que les déterminants et les manifestations du Genre face à la
participation politique subissent des mutations incessantes, car les textes
juridiques garantissant les droits des femmes subissent aussi des mutations en
fonction de l'évolution de la société congolaise
elle-même.
Le choix de la démarche (méthode) dialectique
matérialiste est fondé sur l'obligation de procéder par
l'analyse et l'explication causale de phénomène
« invisibilité des femmes au sein des institutions politiques
tant au niveau national que provincial.
Pour collecter les données, les traiter et/ou les
analyser, nous nous sommes servis des techniques suivantes : la recherche
documentaire, l'observation directe et l'enquête par des interviews.
Ainsi, au terme de cette étude , il convient de relever
que la question de l'invisibilité des femmes au sein des institutions
politiques de la RDC a toujours été et demeure
préoccupante, surtout dans les milieux où la majorité de
la population est influencée par la culture arabo-musulmane, sans
exclure d'autres faits corollaires tels que : la pauvreté, la crise
de revenu et de l'emploi, l'insuffisance et la docilité des salaires
ainsi que l'exode rural qui pèsent sur les conditions de vie des femmes
congolaises en général et celles du Maniema en particulier.
En République Démocratique du Congo les
conceptions explicatives sur le Genre sont issues des connaissances empiriques
et réflexives, par conséquent elles bloquent le processus du
développement politique inclusif. En outre, les facteurs à la
base de la déconsidération du Genre selon la majorité de
nos enquêtées sont : la déconsidération des
potentialités féminines, la primauté des pratiques
traditionnelles face aux textes juridiques modernes sur la position de la
femme, l'abandon forcé de scolarité des jeunes filles en faveur
des enfants du sexe masculin seraient des faits générateurs de
l'invisibilité des femmes dans l'espace où les décisions
politiques sont prises en RDC. Ces résultats justifient la confirmation
de la première et la deuxième hypothèse de cette
étude.
La question de participation politique des femmes en RDC,
reste au centre des débats ayant trait au développement durable.
Les femmes sont dans leur ensemble une ressource humaine potentielle et
importante dans le contexte actuel de reconstruction nationale, de
consolidation de la paix et de réformes dans plusieurs secteurs de la
vie nationale.
Il sied toutefois de noter que les situations des femmes en
RDC sont multiformes et contextuelles. Les femmes ne constituent pas un
ensemble homogène dans un contexte multiculturel, et les politiques en
direction d'elles devraient tenir compte de toutes les réalités
auxquelles les femmes font face.
Il s'avère donc important de tenir compte du
fonctionnement du Genre dans toutes les sphères de vie où se
retrouvent les femmes et de mettre sur pied des stratégies
adaptées à chaque situation des femmes pour que soient
effectivement embarquées toutes les femmes vers un changement en ce qui
concerne leur participation politique. Les facteurs économiques,
socioculturels, politiques devront être identifiés,
revisités par rapport à chaque contexte pour susciter le
repositionnement des femmes.
A cet effet, les statistiques des femmes se trouvant dans les
institutions où les grandes décisions politiques sont prises
varient de manière continuelle ou progressiste et cela de façon
spontanée et quotidienne, ce qui apporte dans le vieil ordre des choses
dans de menus changements « quantitatifs ». Les divers
tableaux visualisés dans cette étude, montrent que les femmes
sont invisibles au sein des institutions politiques de la RDC depuis l'an 1960
jusqu'à 2011. A cet effet, notre troisième hypothèse est
également confirmée.
Les enquêtes sur terrain relèvent les
réalités selon lesquelles « l'empowerment »,
c'est-à-dire « attribution du pouvoir » doit briser
les mythes de la condition féminine homogène et reconnaitre
l'existence des différences de statuts, des rapports de force et
même de la domination. L'empowerment doit correspondre, selon nos
enquêtées, à un droit à la parole et à la
reconnaissance sociale en ce sens qu'il peut être considéré
comme un processus vers l'égalité entre l'homme et les femmes, et
doit être défini dans chaque contexte culturel spécifique
(social, économique et politique).
Les conclusions de nos enquêtes prouvent qu'il existe en
République Démocratique du Congo en général et au
Maniema en particulier les incompatibilités, les contradictions et les
inégalités du Genre. L'égalité dont réclame
la majorité de nos enquêtées ne signifie pas seulement
l'inclusion des femmes dans les institutions politiques, mais le processus
visant à faire participer les femmes comme les hommes à la
préparation et à l'adoption des mécanismes de la
pérennisation de la participation des femmes au sein des institutions
politiques de la RDC.
Le processus d'inclusion et d'élargissement est la
condition déterminante pour atteindre les objectifs du millénaire
pour le développement politique au Congo - Kinshasa.
L'égalité de Genre consiste à oeuvrer pour que les femmes
aient un accès équitable aux responsabilités politiques du
pays.
La visibilité politique des femmes au sein des
institutions politiques congolaises a nécessité pour nous le
concours de la théorie et de l'empirie, c'est que la théorie de
GENDER couvre bien le débat et que l'empirie démontrée
à partir de la réalité de la ville de Kindu donne les
précisions de l'exploitation de l'analyse dialectique
matérialiste. La réalité de Kindu nous permet de
généraliser le phénomène de l'invisibilité
des femmes dans toutes les institutions politiques du pays, même au
niveau national.
Enfin, le résultat de ce travail, une fois
exploité par le pouvoir, peut - on s'attendre incontestablement et
inconditionnellement à un changement socio - politique et
économique en faveur de l'égalité de sexe. Le
quatrième chapitre a explicité certains mécanismes de la
pérennisation de la participation politique des femmes au sein des
institutions politiques congolaises. Non seulement il y aura un accroissement
des effectifs des femmes exerçant le pouvoir politique mais aussi
l'exécution de l'arsenal juridique qui existe sur les droits des femmes.
Ce changement qui prend la forme révolutionnaire et la forme
évolutive se confirme dans ce travail, à partir non seulement de
la présentation des statistiques des femmes politiques d'une
manière chronologique mais aussi de l'inverse des valeurs et des
conceptions du Genre en RDC, d'autant plus que les femmes dans certaines
entités commencent à exercer le pouvoir politique.
Au regard de cette conclusion, nous recommandons à tous
les acteurs les dispositions ci-après :
- Une socialisation politique en direction des
femmes
La famille, l'école, l'église, les
médias, les milieux de travail et de vie, sont des espaces
appropriés d'injections de nouvelles normes et conduites de genre. Ces
canaux de socialisation devraient être exploités pour une
redéfinition des rapports de genre, dans le sens d'une
amélioration de la perception du rôle politique des femmes. Une
redistribution des rôles politiques conforme au contexte actuel s'impose,
pour réduire la passivité des femmes en rapport avec les
activités politiques.
La cellule familiale est la base de l'action de
révisitation des rapports de genre. L'école qui participe
à la socialisation de la jeune fille, devra revoir son programme
scolaire afin d'intégrer la dimension genre propice à
l'émergence d'une génération des femmes prêtes
à participer au même titre que les hommes aux activités
politiques et aux sphères de prise des décisions.
Par leur diversité et leur importance au niveau de la
communication de masse et de la rentabilité économique, les
médias constituent un levier de la vie politique et de la
démocratie participative. Or, le champ médiatique se
caractérise par une double carence : l'image de la femme y est souvent
négative et la présence des femmes dans les débats
politiques est marginale, y compris quand ces débats sont animés
par des femmes journalistes.
Pour remédier à cette double carence, il importe
de réformer le système d'information de sorte à assurer
une visibilité publique aux femmes pour qu'elles puissent s'exprimer
autant que les hommes et diffuser une image active en rupture avec les
stéréotypes véhiculés par la publicité et
les feuilletons télévisés.
- Les structures politiques
représentatives
La présence des femmes dans les structures politiques
est à renforcer, car leur représentation reste très faible
tant dans les partis politiques que dans les structures étatiques de
prise des décisions. Ce qui constitue un frein à
l'émergence d'une conscience collective de promotion de genre. Les
acteurs politiques doivent travailler à une dynamique favorisant la
présence des femmes dans différentes structures de
représentation politique qui constituent, à vrai dire, une
véritable « école de la citoyenneté ».
- L'action des organisations féminines et de la
société civile
Ces organisations doivent revoir leurs approches en ce qui
concerne la participation politique des femmes. Il s'avère important de
se rapprocher davantage de la base pour impulser des changements significatifs
en faveur de la participation politique des femmes. Tout au long de
l'enquête, il a été constaté une déconnexion
assez prononcée de la base féminine aux leaders de la
société civile, surtout en milieu rural et semi rural. Un effort
de rapprochement est indispensable.
- La connexion entre le local et le global
Aussi bien pour la société civile que pour les
acteurs étatiques, il est important d'établir une interaction
entre le local et le global. Ce qui implique une connaissance suffisante des
réalités locales auxquelles les femmes font face et qui ont des
implications sur leur participation politique.
1. Nécessité des palliatifs
d'ordre institutionnel, législatif et associatif pour combler
les retards des femmes.
2. Nécessité d'une synergie
d'action entre l'Etat, la société civile, les femmes et
les communautés locales.
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* 2 Marie ZAMUDA RAMAZANI,
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* 3 Marie-Ange LUKIANA, (2010),
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* 4 Catherine ODIMBA, (2010),
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* 5 LONGANDJO OKITA KEKUMBA,
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in Rapport final de colloque sur le Genre et Université en
RDC tenu à Kinshasa du 12 au 15 décembre 2010,
inédit.
* 6 Simon de BEAUVOIR
cité par Madame le Professeur Marie-Claire YANDU, (2007), « la
problématique de la participation des femmes congolaises au processus
électoral » communication faite à l'occasion de la
clôture de l'Atelier National de validation des consultations nationales
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* 43 Gustave LEBON
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* 44 Pierre BOURDIEU,
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* 45 Michel FOUCAUL
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* 47 Judith BUTLER, (2006),
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* 48 Françoise
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* 49 C. PATEMAN,
(1989), the Disorder of Women: Democracy, Feminism and Political Theory,
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* 50 Simone de
BEAUVOIR, op. cit , p.13
* 51 Françoise
HERITIER, op.cit., p.56
* 52 Mélanie KLEIN
cité par N. LORAUX, (1985), Façons tragiques de tuer
une femme, Paris, Gallimard, p. 64
* 53 L. IRIGARAY,
(1974), Speculum, de l'autre femme, Paris, Minuit, p. 137
* 54 Carroll GILLIGAN,
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* 55 Jacques DERRIDA,
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* 56 Maurice BLANCHOT,
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* 57 Rosi BRAIDOTTI, (1991),
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* 58 Leo BERSANI,
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* 59
H. ROUCHE cité par
C. GUILLAUMIN, (1992), Sexe, race et pratique du pouvoir.
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* 60 D'Amourette PICHON,
(2007), le Genre et le sexe, Paris, PUF, p. 241
* 61 Ann OAKLEY, op.
cit., p. 76
* 62 Ann OAKLEY, op.
cit., p. 82
* 63 BOURDIEU cité par
AMUNDALA KANZA, (2009), la perception du Genre dans les
sociétés primitives Africaines, Kinshasa, LGDJ, p. 87
* 64 BOURDIEU cité par
AMUNDALA KANZA, op. cit., p. 96
* 65 Belinda NTUMBA, (2010),
la parité en RDC : mythe ou réalité ?,
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* 66 W.W. Rostow, cité
par Odilon KAZADI, (2009), le Genre: état de lieu et
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* 67 Esther BOSERUP, (1970),
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* 68 Henri BROUF, (2008),
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* 69 DAGENAIS et PICHE, (1994),
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* 70 DAGENAIS et PICHE, op.
cit., p. 98
* 71 Catherine ODIMBA, (2009),
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* 72 Catherine ODIMBA,
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* 73 Rapport annuel de
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* 74 Hygin KAKAÏ, (2003),
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* 75 Félicitée
REJO FIENENA, cité par idem, p. 31
* 76 Paule Elise Henry,
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* 77 Irène STOJCIC et
Sophie ELIZEON, (1975), Religions Africaines comme effet et source de la
civilisation de l'oralité, colloque de Cotonou, p.75
* 78 Joséphine YAZALI,
(1998), Les pouvoirs au village, Paris, Karthala, p.96
* 79 Charles MAPHASI KUMBU,
(2000), La dynamique du concept « genre » dans les politiques du
développement en Afrique in Afrique Contemporaine, n°196
octobre-décembre, p. 76
* 80 Joëlle PALMIERI,
(1994), Les africaines, histoire des femmes d'Afrique Noire au XIXè
et XXè siècle, Paris, Ed. desjonquères, p. 54
* 81 Lily RAHAINGO-RAZAFI
MBELO, (1998), Les forces d'inertie à la promotion féminine
(Etude réalisée pour le compte du PNUD), p. 99
* 82 Jeannine RAMAROKOTO et
Elisabeth HOFMANN, Intégrer le « genre » dans
l'approche-projet : entre l'engouement dans les discours et la surcharge dans
les pratiques, Communication à l'occasion de 25 ans du
Master/DESS : Analyse de projets Agricoles, industriels, sociaux et de
l'environnement, université de Rennes 1, 28 octobre 2006
* 83 Awa GUEYE, (1989), Les
structures élémentaires de la parenté, Mouton, Paris,
p.132
* 84 Gaston KALONGE, «
Vite, une femme sur ma liste : comment faire ? », dans la
communication sur le Genre et les conflits en Afrique, Kinshasa, salle promo de
l'UNIKIN du 12 au 15 mars 2009.
* 85 Jeannine RAMAROKOTO et
Elisabeth HOFMANN, op.cit., p. 98
* 86 Charles MAPHASI KUMBU,
op.cit., p. 112
* 87 Joséphine YAZALI,
op.cit., p. 143
* 88 Sheila SANOUDI, (Mars
1975), « Machismo ou la suprématie du mâle »,
in Le Courrier-UNESCO, Paris, p. 56
* 89 BENAOUDA LEBDAI, (1996),
Relations sociales de genre, l'approche de la DDC, Bernès, Paris, p.
78
* 90 Lala RAHARINJANAHARY,
(1994), Sexes et pouvoir, La construction sociale des corps et des
émotions, Presses de l'Université de Montréal,
Montréal, p. 76
* 91 Lucia DIRENBERGER, (1999),
Population, développement et approche genre au monde, URD,
Lomé, p. 77
* 92 Claudy VOUHE et Vanessa
GAUTIER, (2008), femmes et processus électoral, Paris, Dalloz, p. 86
* 93 Jeannine RAMAROKOTO et
Elisabeth HOFMANN, op. cit., p. 134
* 94 Patricia Day HOOKOOMSING,
op cit
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