Sous la Direction de Marie-Hélène
Pierraccini, cadre de santé
L'analyse des pratiques
professionnelles :
un moyen de « faire équipe »
?
416 Chemin de la Madrague-Ville
IRFFS HOUPHOUET BOIGNY
13314 Marseille Cedex 15
L'analyse des pratiques
professionnelles :
un moyen de « faire équipe »
?
A Marie-Hélène Pierraccini pour le temps qu'elle
m'a accordé, A tous ceux qui m'ont aidée dans cette
recherche, A tous ceux qui ont suivi cette formation, A tous ceux qui
sont toujours à mes côtés...
Merci.
Note aux lecteurs.
Les propos tenus dans ce mémoire n'engagent que la
responsabilité de l'auteur.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
1 DES EXPERIENCES HOSPITALIERES 3
1.1 Le staff 3
1.2 Les réunions d'éthique 4
1.2.1 L'histoire 4
1.2.2 Divergence d'objectifs et de perceptions 5
1.2.3 L'enquête next 6
1.2.4 De l'intérêt d'améliorer les relations
dans les services 7
2 L'EQUIPE 10
2.1 Définitions 10
2.1.1 L'équipe 10
2.1.2 Le groupe primaire 10
2.1.3 Le travail en équipe 11
2.2 L'équipe comme groupe mature 12
2.2.1 Définition 12
2.2.2 La question des interactions 13
2.2.3 La question de la division du travail 17
2.3 Les équipes en service de soins : des groupes
non matures ? 22
2.3.1 L'équipe, un « groupe conflictuel » ?
22
2.3.2 Quel rôle pour le cadre? 23
2.3.3 Quels outils pour le cadre ? 24
3 L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES 26
3.1 Définitions 26
3.1.1 Pratique 26
3.1.2 Analyse 26
3.1.3 Professionnelles 27
3.1.4 Analyse des pratiques professionnelles 27
3.2 L'intérêt de la démarche
28
3.3 Origines et influences de l'analyse des pratiques
professionnelles 30
3.3.1 Les groupes Balint 30
3.3.2 Les influences théoriques 31
3.4 Approche psychosociologique de l'analyse des
pratiques professionnelles 32
3.4.1 Objectifs du groupe 32
3.4.2 Constitution du groupe 32
3.4.3 L'intervention 33
4 SYNTHESE DE LA PROBLEMATIQUE 38
5 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 40
5.1 La méthode cinique 40
5.2 Le dispositif de recherche 41
5.2.1 L'entretien libre 41
5.2.2 La question inaugurale 42
5.2.3 Choix du terrain et de la population 42
5.2.4 Modalités d'accès au terrain 43
5.2.5 Les attendus des entretiens et les relances
éventuelles 45
5.3 Résultats et analyse des entretiens
47
5.3.1 Conceptions de l'intervention 48
5.3.2 Maturité du collectif 55
5.3.3 Les inattendus 63
5.3.4 Synthèse des résultats 67
5.4 Limites de la recherche 68
5.4.1 Un seul service 69
5.4.2 Une petite équipe 69
5.4.3 L'absence de médecin au sein du dispositif 70
5.4.4 L'outil 70
CONCLUSION 72
BIBLIOGRAPHIE 74
WEBOGRAPHIE 76
SOMMAIRE DES ANNEXES 77
INTRODUCTION
Nous avons toujours pensé que le changement passe
à travers le dialogue. A nos yeux, l'ouverture à l'autre permet
de progresser, d'évoluer et de « grandir ».
Ne vous y trompez pas, nous ne sommes pas dupes. Nous avons
conscience que de multiples facteurs entrent en compte dans ces étapes
vers la maturité mais c'est à ce niveau que se trouve notre
motivation pour cette recherche.
Tout groupe humain prend sa richesse dans la
communication,
l'entraide et la solidarité visant à un
but commun : l'épanouissement de
chacun dans le respect des différences.
Françoise Dolto
Que ce soit au niveau mondial, européen ou national, ce
sont les consensus qui font avancer les hommes. Le manque de communication,
quant à lui, leur porte souvent préjudice.
A plus petite échelle, notre première partie
sera consacrée à un constat et une analyse de ce
phénomène au sein des établissements de santé
où l'insuffisance de dialogue est un véritable fléau. Elle
affecte le moral des équipes, contribue au turn-over du personnel et
porte atteinte aux patients.
Afin de mieux appréhender les difficultés de
communication au sein d'un collectif, nous aborderons dans une deuxième
partie une approche sociologique de l'équipe. Celle-ci nous permettra de
mettre en évidence les obstacles qu'elle rencontre. Ces derniers ne sont
pas infranchissables. Une équipe, si elle le souhaite et si elle est
accompagnée, peut atteindre le degré de maturité suffisant
pour développer un langage et des objectifs communs afin
d'améliorer son efficacité.
De la considération des obstacles vient
l'échec. De la considération
des moyens la réussite.
Anonyme. Extrait de
Pantcha-Tantra
Nous faisons le choix de nous concentrer sur les moyens.
D'après nous, c'est au cadre de santé d'offrir à ses
collaborateurs les conditions nécessaires pour l'amélioration de
leur
Un dispositif d'analyse des pratiques
professionnelles, conduit en équipe pluridisciplinaire, permet-il
d'améliorer d'une part la qualité des interactions et, d'autre
part le positionnement de chacun au sein du collectif?
système de communication. Le Répertoire des
métiers de la fonction publique hospitalière vient appuyer cette
idée. Une question se pose alors : de quels outils dispose-t-il pour
atteindre cet objectif ?
La dynamique des groupes proposent plusieurs techniques
permettant l'amélioration des relations au sein d'un collectif. Notre
intérêt s'est porté sur les groupes d'analyse des pratiques
professionnelles qui nous semblent être un moyen adapté de
conduire une équipe à franchir les obstacles auxquels elle se
heurte. Notre troisième partie propose un éclairage
théorique de cette méthode.
Selon nous, elle permet à chacun de se positionner au
sein du collectif, mais aussi (et surtout) de prendre l'autre en
considération dans sa pratique quotidienne, de « s'ajuster à
autrui ». Notre enquête de terrain sera menée en ce sens. Nos
ressentis et attendus sont-ils partagés par des professionnels
participant à un tel dispositif ?
La dernière partie de cette recherche sera
consacrée à cette question :
1. DES EXPERIENCES HOSPITALIERES
Les métiers de la santé sont avant tout des
métiers de relation. Pourtant, force est de constater que les espaces
pluridisciplinaires de parole, d'échanges et de réflexion ne sont
que trop rares au sein des établissements de santé.
A Marseille, une étude1 menée par un
groupe de travail sur le burn-out des soignants a montré que 30% des
services de l'établissement concerné avaient instauré une
réunion pluridisciplinaire de n'importe quel type que ce soit (groupe de
parole, staff...).
1.1. Le staff
Le service de réanimation au sein duquel nous avons
exercé, fait partie de ces 30%. Depuis plusieurs années, un staff
est organisé toutes les semaines par le cadre de santé. Celui-ci
a pour vocation de proposer un espace de parole au personnel
paramédical, que ce soit sur leur vécu vis-à-vis d'un
patient ou sur le fonctionnement du service.
Dans les faits, il est très difficile de faire
adhérer les soignants à cette réunion. De manière
récurrente, nous entendons qu'il est difficile de se faire entendre au
sein des hôpitaux. La question se pose alors : pourquoi les soignants de
ce service ne profitent-ils pas de cet espace de dialogue ? Plusieurs
hypothèses nous apparaissent:
? Le staff se déroule pendant les heures de travail du
personnel. Ainsi, nous entendons souvent des phrases du type « qui va
faire mon boulot pendant que je suis là à discuter ? »
et « j'arrive dans cinq minutes
». De plus, il est difficile de ne pas être
dérangé, le staff se déroulant au sein du poste central de
la réanimation. Ainsi, lorsqu'une alarme retentit dans le box d'un
patient ou que le téléphone sonne, un membre du personnel est
contraint de répondre ; la réunion est donc continuellement
interrompue. Le cadre contextuel est-il le bon?
? Un médecin du service, dont le rôle est
d'être garant de l'information médicale, assiste au staff. Le
personnel lui laisse très souvent la parole ; seuls les « anciens
» infirmiers
1 Etude réalisée par D. Lemoine, Infirmière
Anesthésiste Diplômée d'Etat, dans le cadre d'un groupe de
travail sur le burn-out des soignants.
s'expriment. Les autres membres du personnel ont-ils peur
d'être jugés par le médecin ?
Ces questions resteront très certainement sans
réponse, cependant, nous retiendrons de cette situation que la
volonté d'échanger ne suffit pas pour échanger :
le contexte et les membres en présence lors de la réunion
influent sur son déroulement.
Une deuxième expérience, au sein du même
service, nous confirme la difficulté de se rencontrer.
1.2. Les réunions d'éthique
1.2.1. L'histoire
Au début, la difficile prise en charge d'un patient qui
a confronté l'équipe à de nombreuses
incompréhensions mutuelles. D'un côté, les médecins,
et de l'autre, l'équipe soignante... Qui n'a pas vécu une telle
<< séparation de pensée » au sein d'un service de
soins ? Notre vocabulaire est pourtant bien le même, mais quel sens
mettons-nous derrière les mots ?
Face à la détresse morale de certains membres du
personnel et à la demande constante de l'équipe soignante
d'organiser une rencontre pour parler de ce patient, l'équipe
médicale et le cadre de santé ont décidé de mettre
en place des << réunions d'éthique ». Elles auraient
lieu environ une fois par mois et permettraient d'échanger sur des
situations complexes, situations fréquentes en service de
réanimation.
L'histoire commençait bien... En 2003, une
étudiante cadre de santé, issue du même service, mettait en
évidence dans son mémoire que ces réunions avaient conduit
à une « synergie de l'équipe
pluridisciplinaire». (Par synergie, elle entendait
complémentarité des acteurs, partage des valeurs, partage de la
décision, communication, cohésion et sens du soin). (Galland,
2002- 2003)2
2 Galland, karin. 2002-2003. Mots pour mots:
réflexion et dynamique d'équipe. Marseille: IF-CS AP-HM,
2002- 2003.
Ces réunions étaient animées par le chef
de service, et co-animées par un des chefs de clinique. Pour y avoir
participé activement, nous pouvons dire à quel point il
était difficile de s'exprimer pour le personnel paramédical. De
plus, il semblait parfois exister une « vérité
éthique » délivrée par le corps médical. Dans
un tel contexte, il ne s'agissait plus de réunions, mais de cours
magistraux. Cet état de fait a conduit le personnel paramédical
à ne plus se rendre à ces rencontres, qui de plus, se
déroulaient sur leur temps personnel. Une phrase prononcée par un
infirmier à cette époque nous semble assez bien résumer
cette situation : « Venir sur mes heures de repos pour
m'entendre faire la
morale...J'ai autre chose à
faire. ».
Et c'est la fin de l'histoire... Aujourd'hui, triste
réalité, ces réunions ont disparu. Au moins avaient-elles
le mérite d'exister. Que s'est-il passé ?
1.2.2. Divergence d'objectifs et de perceptions
En nous basant sur certains résultats de
l'enquête de terrain conduite par l'étudiante cadre de
santé, nous pouvons mettre en évidence des points de divergence
entre l'équipe médicale et l'équipe paramédicale
:
? Les objectifs attribués à ces réunions
: pour les médecins, il s'agissait de « régler des
situations conflictuelles et des problèmes de décision de prise
en charge », pour les soignants, ces réunions
avaient pour ambition de « parler des situations difficiles
», « améliorer la qualité des soins
» et « évoquer les droits des patients
».
? La perception de ces réunions : du point de vue
médical, elles étaient « un espace de régulation
des conflits », du point de vue paramédical, elles
représentaient « un lieu
d'échange
».
Nous tenons à nous arrêter sur le champ lexical
employé par chacune des catégories socioprofessionnelles : d'une
part, nous entendons « régler » et «
réguler », ce qui nous renvoie à la
règle, à l'ordre et à la conformité, d'autre part,
il s'agit de « parler », « évoquer
» et « échanger », c'est à dire exprimer sa
pensée et communiquer.
Nous constatons donc à quel point la
vision3 de ces réunions était très
différente au sein des groupes médical et
paramédical.
D'autres résultats ont montré que ces
réunions augmentaient le niveau de connaissance de l'équipe ; les
acteurs, au travers de discussions, apprenaient à mieux se
connaître. Certains se sont rendu compte qu'ils travaillaient «
à côté » de telle personne, mais pas «
avec » cette même personne.
A l'heure où nous parlons, le personnel soignant n'est
plus le même à plus de 60% ; nous pouvons donc penser que
l'équipe est retournée à son état initial où
chacun pensait qu'elle ne communiquait pas assez.
1.2.3. L'enquête next4
Cette étude, financée par la Commission
européenne et menée dans 10 pays , porte sur la situation de
travail et de vie des personnels soignants ainsi que des difficultés
qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur métier. En France, le projet
est relayé sous le nom PRESST5 : l'échantillon ayant
retourné les questionnaires compte 5376 soignants issus de 56
établissements de santé différents. Les premiers
résultats ont été analysés et retranscrits dans un
article publié pour les Archives des maladies professionnelles.
(Estryn-Behar, et al.)
En premier lieu, il est nécessaire de spécifier
que 15,1% des soignants (ASH, AS, IDE, IDE spécialisés et cadres)
ont accès à des réunions pluridisciplinaires de
manière régulière et 23,2% de manière ponctuelle.
Ces résultats viennent appuyer le constat réalisé au sein
de l'établissement marseillais cité précédemment.
Seul un pourcentage restreint de soignants dispose d'espace de dialogue
réunissant l'ensemble du personnel dans leur exercice quotidien.
Parmi la population d'infirmiers interrogée, seulement
38,5% d'entre eux estiment pouvoir discuter en détail de questions
professionnelles (informations sur les protocoles, les
3 Le terme vision est employé au sens de « point de
vue, avis, opinion ». Il désigne également « la
représentation mentale que l'on se fait d'une réalité
». (Rey, 1998)
4 Nurse's Early Exit Study,
http://www.presst-
next.fr/SESMAT/
5 Promouvoir en Europe Santé et satisfaction des Soignants
au Travail.
équipements, l'évolution du diagnostic et de
l'état médical et psychologique des patients). Lorsqu'il s'agit
de questions d'ordre psychologique, le pourcentage diminue à 27%.
Or, « l'insuffisance de travail en
équipe, de la communication et du partage des
décisions dans un environnement stressant est apparu comme un des
facteurs clés » (Le nezet, et al., 2006)6
du turn-over du personnel soignant au sein des établissements de
santé. Le désir d'abandon de la profession « tous les jours
» ou « plusieurs fois par semaine » s'élèvent
à 7,9% chez les IDE. Si l'on ajoute ceux qui y pensent plus ou moins
souvent, le pourcentage s'élève à 47,6%.
Le manque de communication et de travail en
équipe sont une véritable « plaie » pour les
établissements de santé qui assistent à une «
hémorragie » de leur personnel soignant. De plus en plus
d'études sont publiées sur ce sujet : certaines
établissent le lien entre communication et turn-over, d'autres
s'attachent à l'évaluation des procédures mises en place
au sein des services de soins pour améliorer la communication et la
collaboration au sein des équipes. Que pouvons-nous en retenir?
1.2.4. De l'intérêt d'améliorer les
relations dans les services
La majorité de ces enquêtes ont été
réalisées aux Etats-Unis. Elles ont été
recensées dans l'article publié par M. Estryn-Behar et O. Le
Nézet7 et révèlent que « le soin
apporté à la communication afin de mieux collaborer profite aux
patients, infirmiers et médecins ».
La cohésion d'équipe, les relations
infirmier/médecin et la communication influencent fortement le moral des
équipes. Mais il ne s'agit pas uniquement de moral et d'intention de
quitter la profession infirmière ; une équipe du George
Washington University Hospital s'est attardée sur l'analyse des
situations qui portaient préjudice au patient. Ici encore, le manque de
communication et de travail en équipe est apparu comme un facteur
influençant.
Enfin, une dernière étude a permis de signifier
le lien entre les efforts de l'encadrement pour renforcer les relations
interpersonnelles et la cohésion de l'équipe, celle-ci facilitant
la satisfaction professionnelle de chacun des intervenants.
6 Le Nezet, Estryn-Behar. 2006. Insuffisance de
travail en équipe et burn-out, deux prédicteurs majeurs dans
l'intention de quitter la profession d'infirmière. Soins Cadres.
Octobre 2006, Hors Série n°2.
7 Op. Cité. p.3.
Nous avons à plusieurs reprises évoqué les
mots collaboration, cohésion, communication et relation ; il nous semble
donc opportun de nous arrêter sur leur signification8.
? << Collaboration >> est dérivé du
latin collaborare au sens de << travailler en commun pour gagner
des bénéfices >>.
? << Cohésion >> s'applique à un groupe
humain dans l'action. Ce mot indique le caractère de solidité
d'un lien logique et les idées d'unité et d'union.
? << Communication >> est emprunté au
dérivé latin communicatio << mise en commun,
échange de propos, action de faire part >>. Plus tardivement, la
communication est envisagée comme << manière d'être
ensemble >> et comme << un mode privilégié de
relations sociales >>.
? << Relation >>, appliqué aux rapports
sociaux, fait référence à des liens de dépendance,
d'interdépendance et d'influence réciproque.
L'ensemble des études auxquelles nous avons fait
référence emploient ces termes au sujet de l'équipe de
soins, de l'équipe pluridisciplinaire. Ces notions semblent être
essentielles pour nombre de professionnels de la santé. Chacun
relève donc l'importance de travailler en interdépendance,
d'échanger, de transmettre et d'être unis pour améliorer
les bénéfices de chacun : patients, infirmiers et
médecins.
Pour M. Estryn-Behar et O. Le Nézet, « une
équipe n'est pas un simple côtoiement
hiérarchique de personnes oeuvrant dans différentes disciplines
pour délivrer des soins aux patients. Une équipe
soignante est le fruit d'un fonctionnement collectif
i. Nous sommes en accord avec cette définition qui
introduit la notion de « fonctionnement collectif » et donc,
de travail effectué ensemble.
Pourtant, le constat que nous avons effectué ne nous
pousse pas à croire que nombre d'équipe adopte ces
comportements.
Peut-être que la communication devrait être
formalisée, peut-être que les équipes
devraient s'accorder des temps dédiés à
l'échange et à la réflexion ? Peut-être quelqu'un
d'extérieur à
8 Op. Cité. (Rey, 1998)
9 Op. Cité. p. 5.
l'équipe serait-il le bienvenu pour animer ces espaces ?
Il permettrait de réguler les temps de prise de parole et
l'écoute de chacun.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les
professionnels pour mettre en place de véritables lieux d'échange
? D'où provient la différence de vision entre médecins et
personnels paramédicaux sur ces espaces pluridisciplinaires de parole
?
Nous avons mis en évidence l'importance de la
communication intercatégorielle au sein des services et
l'intérêt pour le cadre de santé de s'en préoccuper
: l'amélioration des échanges, la synergie d'équipe et la
construction d'un sens commun sont de réelles nécessités
pour les professionnels de santé, les patients et
l'hôpital.
Afin de comprendre les difficultés de communication
rencontrée au sein des équipes, il nous paraît
nécessaire de nous intéresser à ce concept. Cette approche
devrait nous permettre de comprendre les conditions du bon fonctionnement d'un
collectif de travail et d'appréhender les raisons de
dysfonctionnements.
2. L'EQUIPE
2.1. Definitions
2.1.1. L'équipe
Les principaux chercheurs ayant travaillé sur les
phénomènes de groupe ne se sont que peu penchés sur «
l'équipe ». C'est le professeur Robert Lafon qui s'y est
intéressé le premier ; dans un article publié en 1962, il
évoque l'étymologie du mot : « Equipe viendrait du vieux
français esquif, qui désignait à
l'origine une suite de chalands attachés les uns aux
autres et tirés par des hommes ou des chevaux, en
attendant l'époque des remorqueurs.
Est-ce l'image des bateliers tirant
sur la même corde ou celle des bateaux attachés
ensemble...Toujours estil qu'on a
parlé un jour d'équipe de travailleurs pour
réaliser une oeuvre commune (...) » (Les
mécanismes des relations humaines dans le travail en équipe,
1962).10
« Réaliser une oeuvre commune »,
c'est là le propre de l'équipe. En effet, il est
communément admis qu'une équipe est un « groupe primaire
» (que nous définirons par la suite), cependant, dans cette
catégorie elle « est une variété
originale, qui ajoute à la cohésion
socio-affective et aux relations interpersonnelles de
face-à-face, une
caractéristique supplémentaire : celle de la
convergence des efforts pour l'exécution
d'une tâche qui sera l'oeuvre
commune. » (Mucchielli, 2007)11
Nous intéresser au fonctionnement d'une équipe nous
impose donc de nous intéresser à celui d'un « groupe
primaire ».
2.1.2. Le groupe primaire
Le terme « groupe primaire » est employé pour
la première fois en 1909 par C. H. Cooley, sociologue
américain, et désigne « les ensembles humains
caractérisés par une association
10 Les mécanismes des relations humaines dans le
travail en équipe. Lafon, Robert. 1962. s.l. :
XVIII° congrès de l'ANAS, 1962.
11 Mucchielli, Roger. 2007. Le travail en
équipe./ Clés pour une meilleure efficacité collective.
10° édition. Issy les Moulineaux : ESF éditeurs, 2007.
p. 208. Coll. Formation Permanente. 978 2 7101 1837 4.
ou une coopération de face à face »
(Anzieu, 1968)12. Le qualificatif <<
primaire » complète la définition du groupe13 par
la notion de face à face.
Le groupe primaire est généralement associé
au groupe restreint et présente les caractéristiques suivantes
(Anzieu, 1968)14 :
? Un nombre restreint de membres qui permet à chacun
d'avoir des échanges interindividuels avec tous les autres.
? La communauté des buts.
? Des relations affectives entre les membres pouvant conduire
à la création de sousgroupes.
? L'interdépendance des membres.
? La différenciation des rôles de chacun.
? La création de normes, de croyances et de rites propres
au groupe (langage et code du groupe).
Ainsi, un groupe d'amis, une famille, un gang, un jury et bien
d'autres encore se révèlent être des groupes primaires. On
ne peut cependant pas les qualifier d'équipe.
2.1.3. Le travail en équipe
Comme nous l'avons souligné plus haut, celle-ci
possède une caractéristique supplémentaire : <<
la dimension action », c'est-à-dire le fait qu'il y ait un
travail à effectuer. Celui-ci impose à l'équipe «
sa loi, ses exigences, son programme,
ses moyens. Il n'y a
d'équipe que de travail (...).
». (Mucchielli, 2007)15
12 Anzieu, Didier en collaboration avec J-Y Martin. 1968.
La dynamique des groupes restreints. Paris: PUF, 1968. p.
416. p.13. Collection le Psychologue. 978-2-13-055887-3.
13 Op. Cité. p. 29. D.Anzieu en collaboration
avec J-Y Martin, respectivement psychologue et psychosociologue,
emploient le terme au sens d'« ensembles de personnes réunies
ou qui peuvent et veulent se réunir ».
14 Op. Cité. p.36-37
15 Op. Cité. p. 16
Le travail en équipe est défini par la
multidisciplinarité16, selon Jacobson et
Monello17, il « groupe des professionnels de
catégories différentes, obligés pour
réaliser l'objectif, de se
compléter, de s'articuler,
de dépendre les uns des autres.
». Le travail en service de soins
correspond à cette définition : médecins, infirmiers,
aides-soignants, cadre de santé et autres catégories
professionnelles sont obligés d'être réunis pour prendre en
charge les patients. Ils dépendent les uns des autres pour
réaliser au mieux la tâche qui leur est dévolue : ils sont
une équipe.
2.2. L'équipe comme groupe mature
2.2.1. Définition
Selon R. Mucchielli18, l'équipe se situe
parmi les groupes unitaires, c'est-à-dire le quatrième et dernier
niveau d'existence groupale. Les groupes ayant atteint ce degré
d'existence sont à la fois centrés sur la tâche et sur le
groupe lui-même. Dans l'immédiat, nous ne nous attarderons pas sur
les trois premiers qui ne concernent pas l'équipe, à savoir notre
propos.
Au sein d'un groupe unitaire, chaque personnalité est
reconnue par les autres membres du groupe. Le groupe est capable de
s'autoréguler, « il se donne des règles et une
règle de révision des règles ». Dans un tel
ensemble, la distribution des rôles apparaît être une
évidence ; chacun sait qu'il a besoin des autres pour réaliser
l'objectif commun ; ainsi, chacun prend sa place. La deuxième
caractéristique d'un groupe unitaire concerne les interactions ; Selon
R. Mucchielli, « l'interaction est un
phénomène vital pour le groupe », elle est
également « l'unité de mesure de la
participation ». (Mucchielli, 1980)19
Bien que les groupes ne soient pas censés remplir
simultanément toutes les
caractéristiques évoquées précédemment
pour exister, l'ensemble des auteurs sur le sujet s'accordent
sur
16 Nous associerons systématiquement le terme
équipe à la notion de multidisciplinarité.
17 Jacobson, V and Monello, P. 1970. Le
travail social en équipe: la collaboration entre travailleurs sociaux de
formation différente. s.l.: Editions Privat, 1970. p. 148.
18 Op. Cité. p. 29.
19 Mucchielli, Roger. 1980. La dynamique des
groupes. Issy les Moulinaux : ESF éditeurs, 1980. p. 100.
Collection Formation Permanente. 2-7101-0034-7. p.29.
l'importance de la qualité des interactions et
de l'existence d'une division du travail bien définie (chacun
connaissant ses responsabilités, prérogatives, territoires et
modes de travail, mais aussi ceux des autres.) pour améliorer
l'efficacité du collectif. Cette division du travail clairement
établie organise et structure le groupe.
Cette situation ne correspond pas à celle
rencontrée dans notre activité. Dans les services de soins, la
distribution des rôles n'est pas toujours une évidence, et comme
nous l'avons vu précédemment, les interactions ne sont pas
toujours d'excellente qualité.
Les difficultés rencontrées par les
équipes de soins nous paraissent liées à un degré
de maturité inférieur à celui requis (groupe unitaire)
pour fonctionner au mieux. Nous allons donc nous attarder sur la qualité
des interactions au sein des équipes de soins, ainsi qu'à la
distribution des rôles et la division du travail.
2.2.2. La question des interactions
Dans un premier temps, intéressons-nous à la
qualité des interactions au sein de l'équipe.
« Une interaction est d'abord un
échange entre membres du groupe [...] Elle suppose donc
une communication (...)» (Mucchielli, 1980) or,
celle-ci est fonction du nombre de membres du groupe ainsi que de son
homogénéité.
P Qualité des interactions et nombre de
membres du groupe
R. Mucchielli20, dans son ouvrage sur le travail en
équipe (Mucchielli, 2007) cite plusieurs résultats
d'expérience ayant prouvé la relation entre qualité des
interactions et nombre de membres du groupe. Voici ce qu'il en ressort :
? « Plus le groupe est nombreux,
moins les membres sont satisfaits parce que les difficultés de
communication s'accroissent (...)
(Golembiewski, 1962 ; Thomas et Fink, 1963)
? Plus le groupe est nombreux, plus il y a
de chances pour que se forment des sousgroupes et des cliques. (Hare, 1952 ;
Berkowitz, 1963)
20 Op. Cite. p. 46.
? Plus le groupe est nombreux, plus les
problèmes interpersonnels prennent
d'importance, au détriment de
l'unité d'action dans la
réalisation de la tâche. » (Deutsch et
Rosenau, 1963 ; Hackman et Vidmar, 1970)
Selon les mêmes chercheurs, la taille optimale d'une
équipe serait de trois à douze membres. Nous pouvons donc
considérer comme normal qu'une équipe de soins rencontre des
difficultés en termes de communication, celle-ci étant toujours
constituée d'un collectif supérieur à douze
membres.
P Qualité des interactions et
homogénéité des membres du groupe
Attachons nous désormais à
l'homogénéité. Selon Anzieu et Martin, «
l'efficacité des communications dans un groupe requiert
une certaine homogénéité des membres
[...] homogénéité du niveau de culture et
des cadres de référence mentaux
(l'homogénéité intellectuelle est moins
importante) (...) »21 .
S. Moscovici22 (Anzieu, 1968), quant à lui,
fait remarquer l'importance de «
l'homogénéité des systèmes de
valeurs ». Selon lui, chaque individu ou chaque sous-groupe apporte
son propre système de valeurs et celui-ci est unique ; la confrontation
de ces systèmes à l'intérieur du groupe conduit
généralement à une dégradation, voir à une
rupture des échanges au sein de l'équipe.
Les difficultés de communication rencontrées dans
les services de soins peuvent également s'expliquer par ces
postulats.
Le << système de valeurs » d'un groupe peut
aussi être appelé << code des valeurs »,
c'est-à-dire les règles de conduite qui apparaissent au sein du
groupe. Ces règles permettent de déterminer quels sont les
comportements ou opinions qu'il convient de suivre au sein du groupe : elles
introduisent donc la notion de conformité. Or, ce qui est conforme l'est
en fonction de normes.
21 Op. Cite. p. 208.
22 Op. Cite. p. 208-209.
Le fondement psychologique pour l'établissement de
normes est « la formation de cadres de référence communs
en tant que produit de l'interaction des
individus. »23. Tout est donc
étroitement lié : la communication est moins importante lorsque
le groupe est nombreux, le produit des interactions est donc plus faible, et
l'homogénéité des cadres de référence est
donc plus difficile à obtenir ; c'est ce qui se passe au sein d'une
équipe exerçant en service de soins.
Une homogénéité des cadres de
référence et systèmes de valeurs apparait difficile
à obtenir sans que l'équipe pluridisciplinaire n'y travaille
réellement. Certes l'ensemble des professionnels de santé
revendique des valeurs humanistes ; que l'on soit médecin, infirmier,
aide-soignant, cadre de santé ou autre, le patient est au centre des
préoccupations. Cependant, chacun s'est construit différemment et
ne possède pas le même « groupe de
référence ».
Ce groupe participe à la construction des
identités professionnelles et sociales : de manière plus ou moins
consciente, chacun possède la culture24 (opinions, principes,
valeurs, langage et buts) du groupe de référence auquel il se
rattache.
Or, cette identification « est
considérablement favorisée par l'existence de
filières promotionnelles instituées permettant de planifier
l'accès à ce groupe » (Dubar,
2002)25. Il convient donc de nous arrêter
sur les différences d'accès aux professions de santé.
D'une part, les médecins suivent un cursus universitaire :
celui-ci assoit le savoir médical fondé sur la recherche
scientifique et permet une reconnaissance de la profession.
D'autre part, les personnels paramédicaux sont
formés en écoles et instituts. Ce sont « des milieux
fermés, propices au développement
d'une culture propre » (Hart, et al.,
2002)26.
23 Coindre, Brigitte. 2007/2008.
Cours de psychologie sociale. Licence AGES. Marseille.
24 La culture est un ensemble de croyances, de modèles,
de représentations et d'habitudes qui guident inconsciemment les
manières de penser et les conduites des individus qui participent
à cette culture. Par définition elle s'acquiert par
l'expérience. Une culture professionnelle se développe par les
études et la formation ainsi que dans la pratique du métier.
Mucchielli, Alex. 1985. Les mentalités. Paris:
Presses Universitaires de France (PUF), 1985. p. 127 pages. pp.7-23. Coll. Que
sais-je?. 978-2130388340.
25 Dubar, Claude. 2002. La socialisation.
Construction des identités sociales et professionnelles. Paris:
Armand-Colin, 2002. p. 255. ISBN 2-200-26448-8.
26 Hart, Josette and Mucchielli, Alex. 2002.
Soigner l'hôpital. Diagnostics de crise et traitements de
choc. Rueil-Malmaiison : Lamarre, 2002. p. 167. Coll. Gestion des
ressources humaines. ISBN 2-85030-715-7. p.150.
Enfin, si nous retenons les infirmiers, leur savoir n'est pas
reconnu comme scientifique puisqu'il n'est pas encore officialisé par la
faculté.
Ces différences de formation impliquent une
différence de références. Celle-ci est amplifiée
par la pratique du métier. En effet, à l'heure actuelle, les
médecins disposent de temps consacrés à la recherche, ce
qui n'est pas le cas des professions paramédicales. De ce fait, les
médecins se retrouvent fréquemment pour remplir leur mission de
recherche et développent des normes « médicales ». Les
paramédicaux, quant à eux (notamment les infirmiers), sont
payés pour une production de soins et non de travaux de recherche. Leur
quotidien est au chevet des patients, et c'est auprès d'eux qu'ils
développent leurs propres normes.
Au sein de l'équipe pluridisciplinaire, nous nous
retrouvons face à deux groupes de référence : les
médecins et les personnels paramédicaux27. Chacun
d'entre eux possèdent son propre système de normes et sa propre
culture. Une enquête menée pour le Ministère de l'Emploi,
de la Cohésion sociale et du Logement et le Ministère de la
Santé et des Solidarités vient appuyer cette idée ; voici
ce que l'on peut y lire : « en milieu hospitalier,
c'est l'esprit de corps qui est
souvent évoqué comme constituant un principe
d'union et d'alliance supérieur
à l'esprit d'équipe »
(Gheorghiu, et al., Juin 2005)28.
Il existe à l'intérieur d'une équipe
de soins plusieurs systèmes de référence
différents.
Etablir des normes passe par le produit des
interactions. Travailler sur les interactions et la qualité de la
communication permettrait-il d'améliorer l'esprit
d'appartenance29 à l'équipe (en opposition à
l'esprit de référence) ?
27 Pour cette étude, nous distinguerons les
paramédicaux et les médicaux, mais il est fort à supposer
que dans une étude plus approfondie, on puisse révéler
l'existence de plusieurs groupes restreints au sein du personnel
paramédical.
28 Gheorghiu, Minhaï Dinu and
Frédéric, Moatty. Juin 2005. Les conditions du
travail en équipe. Conditions et organisation du travil dans les
établissements de santé. Ministère de l'Emploi, de la
Cohésion sociale et du Logement et Ministère de la Santé
et des Solidarités. s.l. : Centre d'études de l'emploi (CEE),
Juin 2005. p. 289, Post enquête. n°49. p.13
29 Nous faisons ici référence au « groupe
d'appartenance » ; groupe dans lequel s'exerce la relation de travail, en
l'occurrence l'équipe. Celui-ci se distingue du « groupe de
référence » qui fournit à l'individu ses valeurs, ses
opinions, ses comportements et ses normes.
2.2.3. La question de la division du travail
Attachons nous désormais à la division du
travail (Comme nous avons pu le voir, celle-ci est le deuxième
élément clé pour atteindre la maturité
nécessaire au fonctionnement en équipe). Dans une équipe
de soins, les rôles et places de chacun sont-ils correctement
définis ? Chacun connait-il ses prérogatives et
responsabilités ? N'existent-ils pas des << luttes de territoire
»? C'est à ces différents points que nous allons
désormais nous attacher.
P Définition des rôles et
responsabilités
Commençons par la définition des rôles
ainsi que la connaissance des responsabilités. Au sein d'une
organisation, c'est la <<structure formelle », qui fixe
officiellement la manière dont le travail est censé s'organiser ;
dans sa version extrême, elle détermine les rôles et
responsabilités. Pour éclairer notre propos, il convient donc de
s'intéresser à cette structure au sein des services de soins ; sa
représentation la plus simple est l'organigramme.
Au sein des établissements hospitaliers, il existe une
hiérarchie médicale et une hiérarchie soignante ;
celles-ci se traduisent au sein des services. D'une part, le chef de service a
autorité sur l'ensemble du personnel médical, d'autre part, le
cadre de santé est responsable de l'équipe soignante : ainsi
plusieurs hiérarchies se croisent de manière
interdépendante. Selon une étude menée en 2006 (Jounin, et
al., Octobre 2006)30, la décomposition des tâches
(prescription et exécution d'un acte par exemple) dans le milieu
hospitalier obéit à différentes injonctions
hiérarchiques ; à la question : « La
hiérarchie, c'est aussi les
médecins ? », voici ce que nous pouvons relever dans des
entretiens réalisés pour la même étude (Jounin, et
al., Octobre 2006)31 :
? Un infirmier : << Pour moi oui, ma
hiérarchie...Même si, je veux dire, ils ont pas un rôle
de sanction par rapport à moi. Enfin je pense pas, je sais pas si...
Enfin moi je pense pas qu'ils peuvent me sanctionner. Ils pourraient faire un
rapport à Mme X [surveillante générale] qui elle pourrait
plus me sanctionner. Mais
30 Jounin, Nicolas and Wolff, Loup. Octobre 2006.
Entre fonctions et statuts, les relations hiérarchiques
dans les établissements de santé. Ministère de
l'Emploi, de la Cihésion sociale et du Logement et Ministère de
la Santé et des Solidarités. s.l.: Centre d'Etudes de l'Emploi
(CEE), Octobre 2006. p. 129, Post-enquête. n°64. p.65.
31 Op. Cité. p. 105.
pour moi oui, hiérarchiquement, oui... Même
si je sais que ma courbe hiérarchique, c'est pas celle-là. Mais
pour moi, je reconnais aussi bien que les médecins sont, oui,
hiérarchiquement supérieurs à moi et s'ils ont des
choses à me dire, je suis capable de les entendre et...
Même si dans l'organigramme on est séparé.
Enfin moi je fais pas de distinction. Un interne viendrait me voir, je
reconnaîtrais si j'ai fait des erreurs ou quoi que ce soit. Pour moi
c'est sûr que hiérarchiquement il est supérieur à
moi. Parce qu'il a un rôle de prescription, on a notre rôle propre,
mais l'essentiel... enfin c'est pas l'essentiel. En partie on a un rôle
aussi d'application de prescription. Il faut bien qu'on applique les
prescriptions médicales. »
? Un interne : « Les infirmières, quelque
part, si, quelque part, je sais pas si c'est hiérarchique, mais c'est
moi qui fais les prescriptions, et c'est elles qui les appliquent.»
? Un médecin : « Vis-à-vis du personnel
soignant, là c'est plus difficile bien sûr [qu'avec les internes
et externes]. Ils sont pas sous ma responsabilité directe, je pense.
J'en suis pas sûr, d'ailleurs. Ils sont pas sous ma
responsabilité directe, ils sont sous celle du chef de service. Par
contre effectivement, c'est le rapport... Même dès le niveau
d'interne, les internes demandent des choses, font des prescriptions
médicales que les infirmières doivent exécuter.
Après, là aussi les infirmières ne sont pas juste
là pour exécuter des ordres sans poser de question. On est
très intéressé d'avoir des infirmières qui ont une
opinion, et on discute. Après, bon, il faut qu'elles
fassent ce qu'on leur demande. (...)Donc avec les infirmières, on a
effectivement un rapport quand même de supériorité, parce
que toutes les décisions sont médicales, c'est elles qui les
exécutent. »
? Un cadre de santé : « C'est notre
quotidien, d'être gérés par les médecins. Mais
ce qu'il faut c'est garder notre autonomie, nous soignantes, et ne pas avoir
de lien hiérarchique avec les médecins ».
Ces quatre extraits nous permettent de montrer à quel
point la structure formelle est difficile à appréhender
pour l'ensemble des corps professionnels exerçant au sein d'un
service. Malgré une réglementation
détaillée, personne ne sait vraiment de qui il est le responsable
et de qui il dépend.
P Les glissements de tâches
Concernant la division du travail, nous pouvons
également ajouter qu'il n'est pas rare d'assister à des «
glissements de tâches »32 en service de soins. Dans
l'étude citée précédemment, certains entretiens
viennent confirmer ces « dépassements de responsabilités
» :
? Un infirmier et un aide soignant : « -
[Aide-soignant] L'infirmier a des fonctions bien définies par la loi.
L'aide-soignant aussi. Mais du fait de la charge de travail et qu'on travaille
en binôme, souvent l'aide-soignant est amené en fait à
aller au-delà de ses fonctions.
- [Infirmier] Il y a des petits glissements (...)
»
? Un membre de la CGT : « Ça s'appelle des
glissements de tâches. Et ça il y en a tous les jours.
(...). »
? Une directrice des soins et un cadre de santé :
« - [Directrice des soins] Nous avons un gros souci sur les
prescriptions médicales et d'examen. À partir de maintenant, si
une prescription d'examen n'est pas validée par un médecin, il
n'y aura pas d'examen. Il y a eu un souci, là, qui ne doit plus arriver,
ça aurait pu être grave. On l'a arrêté juste avant,
on peut le dire, le patient était tout prêt à passer
à l'examen. Ce n'est pas à l'aide-soignante, à
l'infirmière, ou au cadre... Ils peuvent remplir un bon, mais il doit
être impérativement validé, sauf urgence
vitale.
- [Cadre infirmier] Mais c'est nous qui le
faisons depuis des lustres pour les bons de labo, et c'est la même
chose pour la radio. (...) »
32 Selon l'auteur de l'étude, cette expression
désigne le fait que des catégories de personnel non
habilitées exécutent des tâches théoriquement
réservées aux professions désignées par la
réglementation.
L'ensemble de ces témoignages, nous permet
également de penser que les rôles et
responsabilités de chacun ne sont appréhendés et
respectés que de manière partielle au sein des services de
soins.
P Les luttes de territoire
Le dernier point que nous devons aborder pour
appréhender le degré de maturité d'une équipe
soignante concerne la connaissance et le respect des territoires de chacun. En
établissement de santé, des luttes de territoire (et de pouvoir),
qu'elles soient conscientes ou inconscientes, peuvent aller à l'encontre
d'une coopération et d'une communication efficace.
É Le pouvoir médical
La profession médicale a toujours
bénéficié d'une forte reconnaissance ; elle doit son
pouvoir charismatique au fait que le médecin a souvent entre ses mains
la vie d'un patient. En effet, le médecin a toujours été
indépendant du jugement et du contrôle des profanes ; ce statut a
permis à la profession d'évoluer de manière totalement
autonome et de contrôler l'hôpital malgré la double
hiérarchie (administrative et médicale). Aujourd'hui, ce pouvoir
est remis en cause par plusieurs points :
? Des usagers des soins de plus en plus procéduriers qui
remettent en cause la « toute puissance » des médecins.
? L'apparition d'une ligne hiérarchique
paramédicale : la Direction des soins. ? La nouvelle gouvernance avec la
mise en place des pôles.
? La haute technicité des hôpitaux modernes qui,
comme le souligne C. Hugues pose la question des « frontières
entre les différentes catégories de personnel :
« comme le nombre de tâches à accomplir augmente de
jour en jour dans les hôpitaux modernes, il y a
davantage de frontières entre postes qu'il
n'y en avait précédemment.
Toutes sont le lieu d'une nécessaire
coopération, et donc d'un conflit
potentiel » (Carricaburu, et al., 2004)33.
En effet, chaque nouvelle technologie pose la question de
33 Carricaburu, Danièle and Ménoret, Marie.
2004. Sociologie de la santé. Institutions, professions et
maladies. Paris : Aramand Colin, 2004. p. 235. Collection U. ISBN
2-200-26229-9. p.62.
savoir qui de l'infirmier ou du médecin assurera les
nouvelles tâches (chaque soin du
rôle propre infirmier pose la même question entre
l'infirmier et l'aide-soignant).
Ce constat nous interpelle sur les « zones d'autonomie
»34 de chacun des acteurs hospitaliers et il parait
nécessaire de nous attarder sur l'évolution des professions
paramédicales.
É L'évolution des professions
paramédicales
D'après E. Freidson, « le terme «
paramédical » s'applique aux métiers
relatifs à l'administration des soins qui tombent
finalement sous le contrôle du médecin » (Carricaburu,
et al., 2004)35. Cette citation, qui date des
années 1970 est-elle toujours valable dans le contexte actuel ? Certes,
la capacité de prescription accorde aux médecins une
autorité fonctionnelle sur l'ensemble des soignants, cependant, chacune
des catégories professionnelles tend de plus en plus à
s'organiser:
? L'institution d'un Diplôme d'Etat, d'un rôle
propre et la création d'un ordre infirmier accorde à la
profession une certaine autonomie. Les revendications concernant la formation
par un cursus universitaire sont de plus en plus importantes : la profession
évolue vers la reconnaissance d'un savoir qui lui soit propre et non
issu des savoirs médicaux.
? Face à la technicisation de la fonction
infirmière, les aides-soignantes revendiquent leur place auprès
du patient dans l'accompagnement et l'écoute. Cette profession voit son
statut modifié par la création d'un Diplôme d'Etat en
2007.
? Le métier de cadre de santé est
créé par le décret n° 95-926 du 18 aout 1995 : ils
sont formés à un travail de proximité, de gestion des
ressources humaines et ne se limitent plus à uns simple fonction de
contrôle comme les anciens surveillants.
? Enfin, comme dit précédemment, les professions
paramédicales s'organisent autour de leur propre ligne
hiérarchique. La Direction des soins dispose de l'autorité
hiérarchique sur l'ensemble des cadres de santé : la
création de cette nouvelle
34 Expression empruntée à M. Crozier, auteur de
« L'acteur et le système ».
35 Op. Cité. p. 64.
hiérarchie pose la question de la subordination des
personnels paramédicaux aux personnels médicaux.
La reconnaissance acquise par les professions de soins,
détachées sur le plan administratif des professions
médicales, n'est pas sans incidence sur les rapports entre les
différents corps professionnels, sur les stratégies de
carrière des membres des professions concernées et implicitement,
sur les relations de coopération au sein des équipes. Ces
jeux de pouvoir, très certainement inconscients, sont en
opposition avec une division du travail reconnue de tous.
Nous venons de montrer qu'une équipe de soins ne
remplit pas les critères fondamentaux de la maturité.
2.3. Les équipes en service de soins : des
groupes non matures ?
Les interactions peuvent difficilement être de bonne
qualité, le nombre important de l'équipe augmentant les
difficultés de communication. Ces difficultés sont
également amplifiées par une
hétérogénéité des systèmes de valeurs
et des cadres de référence mentaux au sein du groupe.
La division du travail, censée organiser et structurer
le groupe, n'est pas clairement établie ; la structure formelle mal
définie, les glissements de tâches et les jeux de pouvoir
empêchent les membres du groupe de connaître et maîtriser les
rôles et responsabilités de chacun.
2.3.1. L'équipe, un « groupe conflictuel »
?
Précédemment, nous avons choisi de ne pas
évoquer l'ensemble des degrés de développement des groupes
primaires car l'équipe, en théorie, est censée être
un groupe unitaire.
A ce stade de la réflexion, il nous paraît utile
d'aborder le troisième degré, celui-ci semblant correspondre au
degré de maturité des équipes de soins. Le
troisième niveau d'existence groupale (Mucchielli, 2007)36
correspond à un besoin de structuration et d'organisation interne. Un
tel groupe se centre sur la tâche et non sur le groupe lui-même
(contrairement au
36 Op. Cite. p. 28-29.
groupe unitaire dont la spécificité est
d'être centré sur les deux). Il connaît son potentiel et son
pouvoir, à tel point que certains membres entrent en conflit pour
s'approprier cette puissance ; nous pouvons comparer cette lutte de pouvoir
à celle que nous avons décrite précédemment. Un
autre élément à relever concerne l'existence de
sous-groupes ; nous avons également pu constater ce point au sein des
équipes de soins. Enfin, dans un groupe de ce stade (que nous
appellerons désormais « groupe conflictuel »), « les
accords ne se font que du bout des lèvres » ; le niveau
d'interactions, « phénomène vital pour le groupe
», est faible. De fait «
l'homogénéité des systèmes de
valeurs » ne peut se construire. A ce stade, l'efficacité du
groupe est moindre.
2.3.2. Quel rôle pour le cadre?
En nous appuyant sur les missions des cadres de santé
définies par le répertoire des métiers de la fonction
publique hospitalière, nous considérons que le cadre de
santé doit aider l'équipe à passer du stade « groupe
conflictuel » à celui de « groupe unitaire ».
En effet, il doit « créer et adapter les
conditions de l'efficacité, de
l'innovation et de la motivation des agents
»37 ; au vu des résultats de l'enquête
Presst-Next, nous considérons qu'une des conditions de la motivation est
la qualité des interactions.
De plus, le cadre doit également «
Animer, mobiliser et entraîner une équipe de
collaborateurs ».
Pour ce faire, il doit « Favoriser
l'expression de ses collaborateurs ou de ses pairs sur les
problèmes [...] Identifier les informations
pertinentes, choisir et utiliser des supports et des moyens
adaptés pour communiquer ». Cette mission, menée
à bien, devrait conduire l'équipe à améliorer la
qualité de ses interactions.
Enfin, le cadre doit favoriser le travail en réseau,
l' « augmentation de la connaissance interprofessionnelle
», «traiter des différends et des conflits
professionnels », « redéfinir des missions
(...) des responsabilités au sein des équipes
». Si le cadre mène à bien l'ensemble de ces missions,
alors la division du travail sera mieux connue et respectée de tous.
37
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/repert
metierfph/
Ainsi, le cadre de santé, dans l'exercice de sa
fonction, doit aider ses collaborateurs et pairs à améliorer leur
système de communication ainsi que leur connaissance de la division du
travail. Cette évolution permet alors au groupe de changer ; il passe du
troisième stade de maturité au quatrième et devient un
groupe unitaire, c'est-à-dire une équipe au sens véritable
du terme.
2.3.3. Quels outils pour le cadre ?
Travailler sur la qualité des interactions suppose que le
groupe apprenne à mieux communiquer ; une telle évolution suppose
que celui-ci travaille à cette amélioration.
Dans ce domaine, le succès de la dynamique des
groupes38 a été rapide et considérable. De
nombreuses méthodes de formation aux relations humaines ont vu le jour ;
chacune requiert la présence d'un animateur expérimenté.
Celui-ci ne fait pas partie de l'équipe. J.Y. Martin39
définit son rôle comme capital ; il permet de réguler la
parole, de permettre à chacun de s'exprimer librement sans peur du
jugement et de rechercher les ressources de chaque participant.
Grâce aux fonctions de l'animateur, la qualité
des interactions progresse au sein du groupe. Or, nous avons vu
précédemment que l'émergence de normes (de système
de référence commun) provient du produit des interactions ; nous
pensons donc qu'un groupe de discussion conduit par un animateur
expérimenté peut amener le groupe à une certaine «
homogénéité des systèmes de valeurs ».
Pour le cadre de proximité, il s'agit donc de
créer des espaces de dialogue en équipe au sein de son service.
Face à la multitude de techniques proposées, laquelle doit
retenir son attention ?
Selon R. Mucchielli40, lorsqu'une équipe veut
se perfectionner, plutôt que d'être au point d'équilibre
de réflexion sur le groupe et la tâche, elle doit avoir tendance
à se recentrer sur
38 Le deuxième grand champ de cette discipline consiste
à permettre d'agir sur les différentes personnalités par
le moyen du groupe lui-même : on parle alors d'action
socio-psychologique.
39 (Anzieu, 1968) Annexe 1- Conduite et observation des
réunions-discussions.
40 (Mucchielli, 2007)p. 31-32.
l'un ou l'autre. Dans le cas où elle recherche
l'amélioration de la communication à propos des tâches
prescrites (ce qui correspond à notre propos), elle devra se concentrer
sur celles-ci.
Qu'est-ce-qu'une tâche ? Selon le Dictionnaire
historique de la langue française (Rey, 1998), le terme désigne
le travail déterminé que l'on a obligation de faire. Pour une
équipe de soins, se centrer sur la tâche revient donc à se
centrer sur le travail qui lui est dévolu : la meilleure prise en charge
des patients.
Travailler sur la tâche impose le travail sur la
pratique dans la mesure où celle-ci est définie comme la
manière concrète d'exercer une activité. La
réflexion sur la pratique permet de décomposer les rôles de
chacun pour mener à bien la tâche prescrite ; elle permet donc
d'appréhender la division du travail.
Le cadre de santé doit donc proposer un espace de dialogue
conduit par un animateur (amélioration des interactions) où
l'équipe travaille sur ses pratiques (division du travail).
Parmi l'ensemble des méthodes utilisées
par les psychosociologues pour permettre au groupe de progresser, nous
retiendrons donc les groupes d'analyse de pratiques professionnelles. Nous
pensons que ces derniers permettent d'améliorer d'une part la
qualité des interactions et, d'autre part l'appréhension par les
membres du groupe de la division du travail dans la réalisation de la
tâche qui lui est prescrite ; ces conditions étant celles requises
pour constituer un groupe unitaire.
La suite de notre travail consistera donc à définir
cette méthode.
3. L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
3.1. Definitions
Nous commencerons par donner une définition des termes
utilisés dans cette expression en nous appuyant sur celles
développées par Jacky Beillerot41.
3.1.1. Pratique
Dans le sens le plus courant, une pratique est toute
application de principes qui permet d'effectuer concrètement une
activité, qui permet donc d'exécuter des opérations, de se
plier à des prescriptions. Comme dit précédemment, une
pratique permet de réaliser la tâche prescrite.
La pratique renvoie aux procédés pour faire et
non au faire et aux gestes. Elle est à la fois la règle d'action
et sa mise en oeuvre. Elle a une double dimension : d'un côté les
gestes, les conduites et les langages, de l'autre, les objectifs, les
stratégies (manière d'organiser une action pour arriver à
ses résultats) et les idéologies (système d'idées
et vision du monde) qui sont invoquées ; travailler sur les pratiques
permet alors de connaître les processus et les valeurs qui guident nos
actions dans le cadre du travail.
Cette définition nous permet d'appréhender la
complexité des objets que sont les pratiques. C'est pourquoi elles ne
peuvent se comprendre et s'interpréter que par l'analyse.
3.1.2. Analyse
Le terme comporte une double origine et un double usage :
décomposition en éléments de la matière (chimie) et
décomposition en éléments des idées, des notions ou
des concepts : il s'agit alors d'une démarche et d'une méthode de
pensée.
41 Beillerot, Jacky. 2003. L'analyse des
pratiques professionnelles: pourquoi cette expression? In Cahiers
pédagogiques. Cercle de Recherche et d'Action Pédagogiques,
Septembre 2003, n° 416. Dossier "Analysons nos pratiques 2".
Analyser impose une opération de division : les
procédures de découpe sont alors essentiels, sans eux, il n'y
aurait pas d'analyse.
L'analyse impose la reconnaissance qu'un ensemble est
constitué de parties qui, identifiées, permettront d'atteindre
les noyaux de cet ensemble.
Pour Marguerite Altet : « analyser :
c'est une démarche intellectuelle. Il
s'agit d'une démarche
compréhensive en comprenant le sens de la situation dans un
réseau de sens. Analyser n'est ni
évaluer, ni porter des jugements, ni
mesurer des écarts, c'est mettre en
relation, donner du sens.
»42.
Analyser ses pratiques consiste donc à les
« découper >> afin de pouvoir faire émerger les
notions, idées et concepts qui les composent ; cette démarche
permet de mettre en évidence la « double dimension >> de la
pratique, de lui donner du sens.
3.1.3. Professionnelles
Cet adjectif signale que les pratiques dont il sera question
sont celles-ci et point d'autres : autrement dit, avant de qualifier quelque
chose, le mot « professionnelles » délimite ; il écarte
ce qui n'est pas.
Lors d'une séance d'analyse de pratiques professionnelles,
il ne conviendra pas de s'attarder sur d'autres pratiques que celles mises en
oeuvre dans le cadre de l'exercice de la profession.
3.1.4. Analyse des pratiques professionnelles
Il s'agit d'activités pendant lesquelles les auteurs de
pratiques professionnelles parlent de celles-ci, avec d'autres auteurs comme
eux, en présence de quelqu'un au rôle nommé d'animateur.
Lorsque les pratiques sont abordées et connues par le
discours, ce ne sont pas elles qui sont visées, mais ce que les auteurs
peuvent en dire, en percevoir, en ressentir. L'animateur recherche avant tout
à faire émerger la deuxième dimension des pratiques,
à savoir les objectifs, stratégies et idéologies des
membres du groupe.
42 M. Altet, in M. Martayan, Repères
méthodologiques autour de la dynamique des Groupes d'Analyse de
Pratiques Professionnelles, IFCS - AP-HM, 2007
Enfin, nous souhaitons donner une définition de l'analyse
des pratiques professionnelles que nous partageons :
« Il s'agit
d'activités qui sont organisées dans un cadre
institué de formation professionnelle ou continue, qui
concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers
(formateurs, enseignants, travailleurs
sociaux, psychologues,
thérapeutes, médecins,
responsables de ressources humaines...) ou des
fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs
diversifiés (de l'éduction, du
social, de
l'entreprise...)
D'autres dimensions paraissent
caractériser l'Analyse des pratiques professionnelles
: les sujets participant à un dispositif de ce type
sont invités à s'impliquer dans
l'analyse,
c'est-àdire à
travailler à la co-construction du sens de leur
pratiques et/ou à l'amélioration des techniques
professionnelles. Cette élaboration en situation
interindividuelle, le plus souvent groupale,
s'inscrit dans une certaine durée et
nécessite la présence d'un animateur
(...) ». (Blanchard-Laville, et
al., 1996)43
Analyser ses pratiques professionnelles, c'est mener un
travail sur soi (dans le contexte professionnel), avec d'autres, pour
bénéficier de la richesse de l'interaction.
3.2. L'intérêt de la démarche
Pour Dominique Fablet,44
l'Analyse des pratiques professionnelles « a pour
principale finalité la construction de
l'identité professionnelle des praticiens,
dans ses différentes composantes : renforcer
les compétences requises dans les activités professionnelles
exercées, accroître le degré
d'expertise, faciliter la
compréhension des contraintes et enjeux spécifiques des univers
socio-professionnels et développer les capacités
de compréhension et d'ajustement à
autrui... »
43 Blanchard-Laville, Claudine and Fablet, Dominique
(ouvrage coordonné). 1996. L'analyse des pratiques
professionnelles. Paris: L'Harmattan, 1996. p. 264. Coll. Savoir et
Formation. 2-7384-8975-3. p.262-263
44 Fablet, Dominique. 2004. Les groupes
d'analyse des pratiques professionnells: une visée avant tout formative.
Connexions. Cairn, 2004, n°82 « Groupes de parole et cirse
institutionnelle ». p. 105-117.
En d'autres termes, l'Analyse des pratiques professionnelles
est un processus de professionnalisation ; elle permet au praticien de se
confronter aux situations complexes de son exercice et de prendre le recul
nécessaire.
Il est en effet difficile de réfléchir pendant
la pratique, lorsque l'action monopolise l'attention. Dans ce contexte, il y a
tout intérêt à réfléchir à distance de
la pratique en instaurant un espace de réflexion.
Les séances d'analyse de pratiques professionnelles en
groupe sont un travail «
d'après-coup qui consiste à
réfléchir et à essayer de comprendre pourquoi la personne
s'est comportée de telle ou telle façon,
et pourquoi cela pose problème. »
(Amaral-Giacomino, 2003)45. Accepter le travail de
l'analyse revient à accepter le questionnement et la remise en question
autour de ses pratiques et comportements.
Enfin, on ne peut séparer sa propre pratique de celles
des autres acteurs présents dans le champ. En service de soins, chaque
geste est dépendant du geste de l'autre ; la pratique s'inscrit dans une
action collective. Il existe des accords implicites qui permettent de
fonctionner ensemble.
L'analyse de pratique en groupe vise donc
l'organisation du travail, les rapports de pouvoir et les réseaux de
communication46. Une telle analyse n'est possible qu'en
présence de toutes les catégories d'acteurs puisque chacun
dépend de l'autre : les accords implicites peuvent ainsi devenir
explicites.
Avant de contextualiser notre propos en service de soins, nous
nous proposons de situer les origines de l'analyse des pratiques
professionnelles ; cette approche nous permettra de repérer
différentes formes de ces activités.
45 Amaral-Giacomino, Christine. 2003.
Théoriser les pratiques professionnelles. [book auth.] Claudine
Blanchard-Laville and Dominique Fablet. Théoriser les pratiques
professionnelles. Intervention et recherche- action en travail social.
Paris: L'Harmattan, 2003, p. 252. Coll. Savoir et Formation..p. 50.
46 Perrenoud, Philippe. 2003. L'analyse de
pratiques en questions. Cahiers Pédagogiques. Cercle de
recherche et d'Action Pédagogiques, Septembre 2003, n°416. Dossier
"Analysons nos pratiques 2"
3.3. Origines et influences de l'analyse des pratiques
professionnelles
3.3.1. Les groupes Balint
Dans les années 50, alors que se mettait en place au
Royaume-Uni, un enseignement de médecine générale, Michael
Balint, psychanalyste d'origine hongroise, émigré en 1939 en
Angleterre, proposa une nouvelle méthode de formation aux
médecins généralistes. Celle-ci lui paraissait
nécessaire car on s'était aperçu que « les
réponses chirurgicales et médicales
s'avéraient inefficaces » dans les cas
où la demande des patients se situait dans un registre relationnel.
Deux solutions se proposent à lui: se positionner en
tant qu'enseignant en psychanalyse et psychiatrie selon un modèle
universitaire ou se positionner comme « leader d'une
équipe de recherche dans un séminaire de discussion avec les
médecins sur les problèmes psychologiques dans la pratique
médicale » selon ses propres dires (Chami, 2001)47.
Influencé par les études de cas (« case-work ») que
pratiquait sa deuxième épouse dans le champ du travail social, il
choisira la deuxième solution.
C'est ainsi qu'une méthode de formation très
innovante vit le jour ; le premier groupe Balint, appelé la «
vieille garde », réunissait douze médecins une fois par
semaine pendant deux heures, et ce durant plusieurs années. Il proposait
un « séminaire de discussion de groupe sur les problèmes
liés à l'exercice de la pratique médicale
». (Chami, 2001)
Les objectifs de la formation étaient de permettre aux
praticiens d'analyser les implications affectives et émotionnelles dans
le travail avec les patients et de rechercher de quelles ressources
personnelles ou professionnelles, ils disposaient pour s'en occuper.
47 Chami, Jean. 2001. Michaël Balint: un
travail sur " la relation primaire" à l'usage des formateurs et des
professionnels. [book auth.] Dominique (ouvrage coordonné)
Blanchard-Laville et Fablet. Sources théoriques et techniques de
l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan, 2001, p.
207. Coll. Savoir et Formation. p. 65-90.
3.3.2. Les influences théoriques
Nous pouvons retenir ici la double influence des « groupes
Balint » : d'une part la psychanalyse, d'autre part, l'influence
psychosociale à travers les études de cas.
M. Moreau-Ricaud, dans sa biographie de M. Balint
relève cette double approche : « Le groupe Balint est une
méthode hybride crée à partir de deux filiations,
l'une psychosociale [...],
l'autre analytique (...)
». (Fablet, 2001).48
Le champ psychosociologique se rappelle également
à nous par l'usage du terme « communauté » par M.
Balint lorsqu'il parle des participants à son dispositif. Ce mot nous
renvoie d'une part à un modèle basé sur le partage et
l'échange ainsi qu'à une notion de transformation de soi et des
autres membres.
Selon J. Chami, peut-être trouvons-nous là
« la genèse de la notion d'un groupe pouvant
s'approprier ses processus d'autonomie et de
développement par l'examen constant de son
fonctionnement. ». Cette idée
nous renvoie à la définition d'un « groupe
mature », à savoir un groupe « capable de
s'autoréguler
».49
L'outil d'analyse, de formation et de recherche sur les
pratiques créé par Balint, peut largement déborder de la
pratique médicale pour être utilisé dans des domaines
où des similitudes relationnelles s'observent ; on parle alors plus
généralement d'analyse des pratiques professionnelles.
Nous tenons à préciser qu'il nous a fallu du
temps pour repérer, dans les nombreuses publications, les divers types
d'analyse de pratiques professionnelles. En effet, il existe un
véritable engouement pour ces méthodes. Nous avons
distingué trois courants : une approche constructiviste (la pratique
réflexive développée par Schön et Argyris), une
approche psychanalytique ( le groupe Balint) et une approche psychosociologique
(inspirée des groupes Balint et développée par Lewin
à travers la recherche-action: l'intervention).
48 Fablet, Dominique. 2001. Les apports des
pratiques d'orientation psychosociologique. [book auth.] Claudine
Blanchard-Laville et Dominique Fablet. Sources théoriques et
pratiques de l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan,
2001, p. 207. Coll. Savoir et Formation. p.153.
49 Op. Cité. p.85.
C'est à l'approche psychosociologique de l'analyse des
pratiques professionnelles que nous nous intéresserons désormais
puisque notre volonté est l'amélioration des relations
interpersonnelles au sein de l'équipe pluridisciplinaire.
3.4. Approche psychosociologique de l'analyse des
pratiques professionnelles
3.4.1. Objectifs du groupe
La mise en place d'un dispositif d'analyse de pratiques
professionnelles nécessite de tenir compte de l'objectif du groupe. En
ce qui concerne notre propos, l'objectif principal est de permettre à
chaque membre du groupe de développer ses capacités de
communication et sa capacité à prendre en compte les enjeux et
contraintes de chacun. Pour reprendre les termes de D. Fablet, nous souhaitons
que les membres du groupe développent << des capacités
de compréhension et d'ajustement à autrui... ».
C'est pourquoi nous retenons l'approche psychosociale de
l'analyse des pratiques professionnelles ; elle permet l'analyse des
interactions, un éclairage sur le travail en groupe, et une ouverture
sur une perspective de changement à l'intérieur du groupe
lui-même.
3.4.2. Constitution du groupe
Un deuxième facteur est à prendre en compte :
quelle est la constitution du groupe ? Dans notre cas, il s'agit d'un groupe
dit << réel >>, c'est-à-dire constitué de
professionnels exerçant dans une même institution, un même
service.
Dans un tel contexte, l'analyse de pratiques professionnelles est
appelée << intervention >> ou << formation
intra-institutionnelle >> ; nous emploierons désormais ce
terme.
3.4.3. L'intervention
La notion est apparue en France au milieu des années
1950 : il s'agit d'activités qui se distinguent de la formation en
adoptant une démarche « « collaborative »
- intervention avec - plutôt que «
technocratique » - intervention sur » (Fablet,
2003)50.
L'intervention a une visée de changement dans
le groupe ; elle recherche la dynamique collective plus que l'évolution
des sujets. Les chercheurs en sciences sociale et humaine estiment que celle-ci
contribue au changement social au sein d'un collectif de travail, à
partir du collectif lui-même.
Il est à noter que le fait d'appartenir à un
même collectif de travail n'est pas sans conséquence pour les
membres du groupe. En effet, lorsque l'un d'entre eux prend la parole pour
exposer une situation vécue, il s'exprime à la fois sur les
représentations qu'il a de cette situation mais aussi sur les
problèmes rencontrés avec les membres de son collectif de
travail. De telles séquences remettent donc en question l'organisation
et les relations interpersonnelles ; la situation peut aller jusqu'au conflit.
Cependant, celui-ci, analysé et vécu de manière
constructive, permet l'évolution des représentations de
chacun.
P Supervision ou consultation ?
Le travail d'analyse peut s'avérer très
différent en fonction du collectif de travail : le type
d'activité, les missions du service et les caractéristiques des
usagers sont à prendre en compte. On distinguera supervision et
consultation.
La supervision consiste à se pencher sur le type
d'approche mis en oeuvre dans le rapport à l'usager dont les
professionnels s'occupent. Cette approche s'inscrit dans un registre
plutôt psychanalytique et consiste en l'analyse des transferts et
contre-transferts.
Dans le travail de consultation, on se concentre
essentiellement sur le projet de service, les rapports et interactions entre
professionnels, les modes de fonctionnement, les valeurs du
50 Fablet, Dominique. 2003. Un obstacle au
développement des pratiques d'intervention: l'absence de
procédures codifiées. Connexions. Cairn, 2003, n°79
" Procédures comme organisateurs institutionnels", p.144. pp. 81-97.
collectif....Il s'agit d'une approche psychosociologique.
Cette démarche concoure à la régulation institutionnelle
par un réaménagement des relations entre groupes et
catégories professionnelles d'un même collectif de travail.
Distinguer supervision et consultation est une
nécessité. Cependant, rares sont les démarches
d'intervention qui n'associent pas les deux. En fonction de la demande, l'une
prendra le pas sur l'autre ; si l'on se penche plus précisément
sur les dimensions collectives, alors la consultation sera
prépondérante. A l'inverse, si l'analyse porte essentiellement
sur la relation aux usagers, alors la supervision prendra le dessus.
Au vu des objectifs visés par une formation
intra-institutionnelle, nous pouvons nous rendre compte que les demandes
émises par les collectifs portent généralement sur les
deux versants de l'intervention. Ceux que nous retrouvons le plus
fréquemment sont les suivants :
? dégager les caractéristiques des modes de
fonctionnement et des modalités de travail développées par
les professionnels (consultation)
? repérer les dysfonctionnements et les contre-attitudes
dans les interventions de soins (supervision)
? « réfléchir au traitement
approprié pour surmonter les obstacles rencontrés
».51
Nous retiendrons donc que mener une démarche
d'intervention consiste à la fois en un travail de consultation et un
travail de supervision pour l'intervenant.
P Les étapes de la
démarche
Elle se déroule en trois phases (Fablet,
1998)52 : analyse de la demande, mise en oeuvre du dispositif
d'analyse des pratiques et séances d'évaluation.
51 Op. Cité. (Fablet, 2003) p. 105-117.
52 Fablet, Dominique. 1998. Les groupes
d'analyse des pratiques professionnells, un moyen de lutter contre l'usure
professionnelle. Les cahiers de l'actif. Mai-Juin 1998,
n°264-265, p. 123. p. 83.
· La demande : une étape essentielle pour le
cadre de sante.
La demande est essentielle en situation d'intervention. Elle
est une des principales différences avec une activité de
formation pour laquelle l'offre précède en général
la demande (plan de formation). Dans le cadre d'une situation d'intervention,
la demande précède l'offre.
Cette situation est cependant un véritable
problème au sein des établissements : l'intervention étant
construite sur la demande d'un collectif de travail, elle n'apparaît
jamais au plan de formation (et ce, malgré sa visée formative).
Le cadre de santé a donc un rôle à jouer dans cette phase.
Avant même de contacter l'intervenant, il doit s'assurer de convaincre
les décideurs de l'établissement que le projet est une
nécessité, qu'il permet d'améliorer l'efficacité de
l'équipe en offrant à chaque personnel participant la
possibilité de remettre en question ses propres pratiques.
Un argument complémentaire est l'amélioration de
la communication au sein de l'équipe, celle-ci permettant, comme vu
précédemment de retarder les départs
prématurés des corps professionnels paramédicaux : une
démarche d'intervention possède un véritable retour sur
investissement en ce sens où elle permet de fidéliser le
personnel en améliorant la qualité des échanges.
Le cadre de santé aura donc à
réaliser une demande détaillée53
précisant notamment la contribution attendue de la formation
(impact souhaité sur la performance du service), les objectifs
de compétence, les délais et périodes ainsi que la
population concernée. Suite à cette demande, le cadre de
santé devra travailler en collaboration avec le service formation de
l'établissement afin de rédiger un cahier des charges
spécifique à la démarche d'intervention.
Une fois cette étape réalisée, la demande
sera transmise à l'intervenant retenu, celui-ci devra procéder
à une phase d'analyse afin de répondre aux attentes de toutes les
parties en présence.
53 Delle Vergini, Nelly. 2007/2008,
Techniques de la GRH, la formation continue, licence AGES,
quatrième séquence. Marseille.
É La phase d'analyse
Elle ne doit pas s'éterniser : cela pourrait avoir pour
conséquence une lassitude de la part du collectif. Elle comprend une
série de rencontres entre les intervenants et les professionnels
auprès desquels l'intervention sera menée. Pour l'animateur, il
s'agit de définir les circonstances qui sont à l'origine de cet
appel extérieur, de mieux connaître le contexte : en
général, celui-ci procèdera d'abord à une
présentation générale du projet à l'ensemble des
professionnels concernés puis à la distribution de questionnaires
afin de connaître les attentes de chacun. Ces derniers permettent
également de s'assurer de la volonté de participation des membres
de l'équipe de travail. S'il n'existe pas un consensus suffisant, la
démarche ne pourra pas être poursuivie.
Si le projet est réellement un projet d'équipe,
alors la phase de mise en oeuvre du dispositif pourra démarrer.
É Les journées d'intervention
Une journée d'intervention se déroule en
plusieurs temps. L'animateur consacre d'abord un temps de travail avec les
responsables du service afin de connaître les derniers
évènements survenus. Le cadre de proximité joue ici un
rôle essentiel : il doit relever les faits qui ont marqué le
collectif et noter les améliorations (ou dégradations) dans
l'exercice de la pratique au quotidien.
Ensuite, l'intervenant organise des travaux de groupe avec les
professionnels. Il est à préciser que les responsables sont
également invités à participer. S'ils ne le souhaitent
pas, une séance de restitution sur les principaux points du travail
réalisé par les professionnels aura lieu en fin de
journée.
Ces groupes d'analyse des pratiques professionnelles sont
constitués d'environ une douzaine de professionnels. Les participants
sont invités à tour de rôle à s'exprimer sur des
situations concrètes rencontrées dans leur pratique et sur
lesquelles ils se questionnent. Les axes du travail d'analyse sont de plusieurs
ordres, nous ne retiendrons ici que celles qui touchent au collectif de travail
lui-même :
? Les procédures de travail mises en oeuvre ? Les
relations de travail en équipe
? La définition des rôles et activités de
chacun ? Les modalités de coopération dans l'équipe...
Chaque thème est abordé au cours d'une
journée, ainsi, pour faciliter et préparer la réflexion,
l'animateur peut donner des indications préalables d'une séance
sur l'autre : il peut introduire le thème par un bref exposé,
distribuer des questionnaires aux participants ou encore proposer la lecture
d'un texte.
Une séance d'intervention fonctionne comme une
réunion de service ou d'équipe. Elle est mise en place de
manière contractuelle et s'attache « aux processus groupaux en
rapport avec les valeurs et représentations collectives de
l'équipe ». Il s'agit
d'un « espace de parole à visée élaborative
» (Blondeau, 2000)54 qui contribue à donner du sens
aux actes et à la position de chaque membre de l'équipe.
É L'évaluation du dispositif
Il nous paraît important de préciser qu'un tel
dispositif n'est pas figé : il ne peut rester stable du début
à la fin. En effet, la transformation voulue du collectif peut conduire
à des remaniements nécessaires. Ce sont les séances
d'évaluation qui permettront de réajuster le dispositif en
fonction de la demande des participants.
Ce chapitre précédent, nous a permis de clarifier
ce que nous entendions par groupe d'analyse des pratiques professionnelles.
A ce stade de notre recherche, il nous paraît important de
présenter une synthèse de notre problématique. Celle-ci
devrait permettre au lecteur de resituer l'ensemble de notre propos.
54 Blondeau, Serge. 2000. Dispositifs
d'analyse clinique de la conduite professionnelle. [book auth.] Claudine
Blanchard6laville et Dominique Fablet. L'analyse des pratiques
professionnelles. Nouvelle édition revue et corrigée. Paris:
L'Harmattan, 2000, p. 286. Coll. Savoir et Formation.
4. SYNTHESE DE LA PROBLEMATIQUE
Selon C. Eymard, la caractéristique du chercheur
« relève de sa capacité à interpeller une
situation, une réalité, une
perception, une question »55 ; il ne
donne pas de solution, « ne clôture pas le problème
» (Eymard, et al., 2004)56.
Notre réalité, en tant qu'apprenti chercheur,
concerne le manque de communication intercatégorielle au sein des
établissements de santé. A l'heure de la nouvelle gouvernance,
où l'on demande aux personnels hospitaliers d'améliorer leur
efficacité et de prendre des décisions collectives, la question
nous est apparue essentielle.
En effet, de nombreuses études ont établi les
liens entre manque de communication et turnover du personnel soignant, entre
manque de communication et qualité des soins et entre manque de
communication et cohésion de l'équipe, celle-ci améliorant
l'efficacité d'un collectif de travail. In fine, la qualité des
relations au sein d'une équipe profite aux soignants, aux
médecins et aux patients.
Face à ce constat, nous nous sommes demandés
pourquoi les équipes rencontraient des difficultés en termes de
communication ? Quels étaient les éléments en jeu dans ce
phénomène ?
Une approche théorique de l'équipe nous a permis
de mettre en évidence le degré de maturité atteint par les
équipes pluridisciplinaires des services de soins, à savoir le
stade de « groupe conflictuel ». Au sein d'un tel collectif (qui en
théorie ne peut être nommé « équipe »),
l'efficacité est moindre car la qualité des échanges et la
division du travail ne permettent pas à chacun de trouver et de prendre
sa place. L'ensemble des chercheurs ayant travaillé sur le sujet
affirment que ces critères sont fondamentaux pour atteindre le
degré de maturité requis pour qu'un collectif fonctionne au mieux
: il devient alors un « groupe unitaire », une équipe au vrai
sens du terme.
55 Eymard, Chantal. 2003. Initiation
à la recherche en soins et santé. Paris: Lamarre, 2003.
p.19.
56 Eymard, Chantal, Thuilier, Odile et Vial, Michel.
2004. La recherche en soins et santé, le travail de fin
d'études. S'initier à la recherche en soins et santé.
Paris: Lamarre, 2004. in O. Thuilier, Méthodologie de la recherche:
méthode clinique et recherche en soins et santé. IFCS AP-HM.
Le cadre de santé, dans l'exercice de sa fonction, doit
aider ses collaborateurs à améliorer leur système de
communication et augmenter la connaissance interprofessionnelle. Peut-il les
conduire à passer du stade de groupe conflictuel à celui
d'équipe ? De quels moyens disposet-il pour accompagner le collectif
vers une meilleure efficacité ?
De nombreuses méthodes utilisées par les
psychosociologues permettent aux groupes de se transformer, de se
perfectionner. Notre attention s'est portée sur l'analyse des pratiques
professionnelles, et plus précisément sur l'intervention, car
nous défendons l'idée qu'elle permet au groupe d'atteindre le
stade de groupe unitaire. En permettant l'accès à un tel
dispositif, le cadre de santé peut-il accompagner le collectif à
changer de fonctionnement ?
Certains chercheurs ont déjà mis en
évidence des points positifs développés par les
équipes grâce à l'analyse des pratiques professionnelles
Selon D. Fablet57, les séances
d'intervention facilitent l'intégration des nouveaux arrivants et
permettent la « circulation de la parole et des affects,
sans crainte de sanctions ou de réprimandes éventuelles
». Elles offrent également un soutien à toutes les
catégories de professionnels en permettant l'expression des savoir-faire
de chacun.
Les conclusions de l'auteur nous renforcent dans l'idée
que de tels dispositifs seraient les bienvenus au sein des services de soins,
cependant elles ne précisent pas les propos de notre recherche.
La suite de notre étude, conduite sur le terrain, aura
pour objectif de mettre en évidence les transformations du collectif
ressenties et vécues par des professionnels participant à un
dispositif de supervision.
Un dispositif de supervision, mené par un
intervenant au sein d'une équipe pluridisciplinaire, peut-il aider le
collectif à devenir un « groupe unitaire ii ?
57 Op. Cité. (Fablet, 1998) p. 96.
5. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Le terme méthode est emprunté au grec
methodos, formé de méta « vers,
à la recherche de » et de hodos qui
signifie « route, voie »,
« direction qui mène au but ».58 La
méthode serait alors la direction à suivre pour atteindre le but
que l'on s'est donné.
5.1. La méthode clinique
Clinique est issu du grec Klinikê, «
médecine exercée au chevet du malade »59.
Cependant, la recherche clinique n'impose pas que le sujet soit un patient
alité. En revanche, c'est à travers « ses
symptômes60 » que le chercheur pourra comprendre le
phénomène auquel il s'intéresse.
En suivant cette voie, le chercheur (tel le médecin)
doit être à l'écoute, se questionner et questionner : seule
l'auscultation du récit singulier de la personne lui permettra de donner
du sens, de comprendre d'analyser et d'interpréter.
Comme le souligne C. Eymard, « le but de la
méthode clinique n'est pas de généraliser
mais de s'intéresser au discours singulier du sujet
»61 : elle vise la mise en évidence de
l'unicité de l'objet de recherche : ce qui le caractérise.
Selon Jean Sygneirole (Sygneirole, 2000)62, il
s'agit « d'instrumenter un rapport différent
à ce monde. L'effort du chercheur « est tendu par le fait
d'imaginer et de construire des perspectives inhabituelles
d'un monde qui lui est familier. Pour
cela, il doit compter sur l'autre,
il ne peut compter que sur l'autre,
car c'est le seul qui puisse le surprendre par sa
parole et ses perspectives radicalement étrangères.
L'autre est la surprise de son propre
horizon. »
58 Op. Cité. (Rey, 1998).
59 Op. Cité. (Rey, 1998)
60 Le terme est emprunté au grec sumptôma
qui signifie « coïncidence de signes ». Le nom
dérive du verbe sumpiptein « se rencontrer ». En ce
sens, il nous paraît approprier de l'employer. Op. Cité. (Rey,
1998)
61 Op. Cité. (Eymard, 2003). p.12.
62 Sygneirole, Jean. 2000. Les enjeux d'une
approche clinique, entre recherche et pratiques professionnelles.
L'année de la recherche en sciences de l'éducation.
AFIRSE. Matrice, 2000, p. 145.
Toute méthode de recherche s'inscrit dans une
manière d'appréhender le monde: la méthode clinique
provient du paradigme de pensée biologiste qui privilégie la
subjectivation, l'écoute, la mesure qualitative, l'interaction et les
savoirs d'expérience.
Notre problématique de recherche prend en compte la nature
des relations, des interactions et de la communication au sein d'une
équipe ; elle s'intéresse aux rapports humains.
De plus, l'analyse des pratiques professionnelles est en
elle-même un moyen de développer les savoirs d'expérience,
l'écoute et les interactions : elle suit un chemin parallèle
à la méthode clinique.
Ainsi formulée, il nous semble pertinent de poursuivre
notre recherche dans cette direction : celle de la rencontre et de
l'acceptation de l'autre en tant qu'individu singulier et universel à la
fois63.
5.2. Le dispositif de recherche
5.2.1. L'entretien libre
Selon M. Grawitz, l'entretien « est un
procédé d'investigation scientifique utiisant un
processus de communication verbale, pour recueilir des
informations, en relation avec le but
fixé. »64 ; cette situation
implique un « contrat de communication »65.
Celui-ci doit être négocié entre le
chercheur et la personne interviewé dès la première prise
de contact. Aussi, nous rappellerons à la personne notre code
déontologique (anonymat des personnes interrogées) et nous lui
proposerons de nous rencontrer dans un lieu calme et neutre. Enfin, nous
demanderons l'autorisation d'enregistrer la totalité des
entretiens66 afin d'éviter toute prise de notes, celle-ci
pouvant laisser croire au sujet que le chercheur n'est pas centré sur
son discours.
63 Par singulier nous entendons dans sa singularité, et
par universalité, nous entendons dans son humanité.
64 Grawitz, M. 2001. Méthodes en
sciences sociales. 11° édition. s.l.: Dalloz, 2001. p. 586. in
O. Thuilier, Méthodologies de la recherch: méthode clinique et
recherche en soins et santé. IFCS AP-HM.
65 Blanchet, A. 1991. Dire et faire dire:
l'entretien. Paris: Armand Colin, 1991. p. 141. in O. Thuilier,
Méthodologies de la recherche: méthode clinique et recherche en
soins et santé. IFCS AP-HM.
66 Par la suite, une retranscription littérale sera
réalisée.
Comme le souligne C. Eymard, O. Thuilier et M. Vial,
l'entretien « est beaucoup plus qu'un outil,
c'est une rencontre avec l'autre
pour un recueil de sa parole »67 . Pour recueillir cette
parole, le chercheur aura à se positionner dans une attitude
d'écoute active : le sujet doit le sentir concerné par ce qu'il
dévoile.
Ecouter, c'est également « accueillir
favorablement »68, c'est-à-dire sans à
priori, jugement de valeurs ou prises de position. En ce sens, le chercheur
doit accepter et respecter la vérité de l'autre.
Cependant, tout en respectant l'autre et en intervenant le
moins possible dans son discours, il ne doit pas oublier de garder le cap de
l'entretien. Pour recentrer le discours de l'autre sur l'objet de recherche, il
aura donc à utiliser divers procédés de relance
(reformulation, complémentation, attitudes non verbales).
L'entretien sera donc introduit par une question inaugurale.
Celle-ci laisse une quasi totale liberté au sujet interviewé.
5.2.2. La question inaugurale
5.2.3. Choix du terrain et de la population
D'après vous, quels sont les apports du
dispositif d'intervention pour l'équipe?
Les entretiens de notre recherche seront effectués au
sein d'un établissement psychiatrique de la région Provence Alpes
Côte d'Azur. Nous ne pouvons pas réellement parlé de choix.
En effet, il nous a été très difficile de repérer
les services conduisant en leur sein un dispositif d'intervention.
67 Op. Cité. (Eymard, et al., 2004) 68Op.
Cité. (Eymard, 2003) p. 124.
Après avoir contacté par voie
électronique nombre de personnes intervenant en tant qu'animateur, il
nous est apparu évident que notre dispositif présenterai des
biais (auxquels nous nous attacherons plus tard).
Cependant, il était important pour nous d'inclure des
personnes participant à un groupe de supervision depuis plus de six
mois. Ce délai nous paraissant minimum pour pouvoir commencer à
observer des changements dans le fonctionnement de l'équipe.
Autre critère important, la nécessité de
pratiquer des entretiens auprès de professionnels de différentes
catégories professionnelles afin de pouvoir parler de groupes de
référence et d'émergence de normes communes entre ces
différents professionnels.
Nous avons donc cherché un service menant une
intervention à laquelle participent les médecins et les
paramédicaux : cette pratique ne semble que très peu
fréquente et n'est absolument pas pratiquée dans notre
région.
In fine, faute de temps et de moyens, notre dispositif de
recherche sera conduit auprès d'infirmiers, de psychomotriciens et
d'éducateurs spécialisés exerçant au sein d'une
même équipe.
5.2.4. Modalités d'accès au terrain
Nous avons rédigé une demande d'autorisation
écrite de conduite d'entretien au Directeur des Soins de
l'établissement concerné.
Suite à son accord, nous avons pris contact par
téléphone avec le cadre de santé de l'unité
concernée par notre recherche.
Nous avons précisé notre demande : initialement,
nous souhaitions rencontrer des aidessoignants et infirmiers. Il s'est
avéré que ce service ne comporte pas d'aides-soignants dans son
effectif. De fait, nous avons décidé d'inclure les autres
catégories professionnelles participant au dispositif d'intervention
appelé « supervision »69 dans le service.
69 Il sera donc important de préciser aux personnes
rencontrées en entretien que lorsque nous leur parlerons de «
dispositif d'intervention », il s'agira en fait de leur « dispositif
de supervision ».
Nous avons précisé au cadre de santé que les
entretiens seraient entièrement enregistrés et anonymisés
et que leur durée moyenne tournerait autour de 45 minutes.
Concernant le choix des participants, c'est le cadre de
santé contacté qui a cherché des volontaires et qui a
repris contact avec nous. C'est à ce moment que nous avons fixé
le lieu de rencontre (bureau du cadre) et les dates des rendez-vous en fonction
des disponibilités respectives.
Avant d'aller conduire les entretiens, nous avons pris
conscience qu'en tant qu'apprenti chercheur, nous ne nous sentions pas
suffisamment expérimentés pour réaliser ces entrevues sans
avoir construit au préalable une trame envisageant diverses questions de
relance. Celle-ci nous servira de repère : elle contient les grands
thèmes par lesquels nous tenons absolument à passer.
Les relances éventuelles sont précisées
dans le tableau en page suivante. Celui-ci contient également les
attendus présupposés des entretiens à la lumière de
la théorie apportée précédemment.
Celles-ci ne seront utilisées que dans le cas où la
personne resterait « sans voix » face à cette question.
5.2.5. Les attendus des entretiens et les relances
éventuelles
P Le tableau
THEMES
|
ATTENDUS AU VU DE
|
OBJECTIFS
|
RELANCES
|
L'ECLAIRAGE
|
|
THEORIQUE
|
|
|
|
Interactions
|
Un dispositif d'intervention améliore la
qualité des interactions d'une équipe
|
1' Identifier une évolution
de la qualité des relations dans
l'équipe depuis la création du dispositif.
|
1 6
|
Homogénéité des systèmes
de valeurs
|
Un dispositif d'intervention permet l'émergence de
normes communes à l'équipe grâce aux produits
des interactions
|
1' Identifier la construction
d'un système de valeurs commun à
l'ensemble des membres de l'équipe depuis la création
du dispositif
|
2
3 6
|
Division du travail
|
Un dispositif d'intervention permet à chacun de
définir son rôle et ses responsabilités
|
1' Déterminer l'impact du
dispositif en termes de
positionnement des
individus dans l'équipe
|
4 6
|
Stade de développement du
groupe (maturité)
|
Un dispositif d'intervention permet au groupe de
se transformer, d'évoluer
|
1' Identifier des
changements individuels et/ou collectifs depuis la
création du dispositif
|
5
6
|
1. Que pouvez-vous me dire à propos des relations dans
l'équipe depuis la création du dispositif? (ou depuis que vous y
participez ?)
9 Distribution de la parole ?
9 Sentiment d'être écouté pendant et en
dehors des séances ?
2. Avez-vous vu apparaître des règles de conduites
communes (normes) au sein de l'équipe ?
9 Comportements « punis » ? (rejet des personnes
déviantes) 9 Opinions qu'il convient d'avoir ?
4. Votre sentiment d'appartenance à l'équipe
a-t-il été modifié depuis la création du
dispositif? (ou depuis que vous y participez ?)
9 Plus ou moins important que le groupe de
référence de l'individu? (groupe Aide-soignant, Infirmier,
...)
5. D'après vous, l'intervention a-t-elle modifié
votre positionnement dans l'équipe ?
9 Rôle déterminé ?
9 Responsabilités connues de vous et des autres
?
9 Conflits concernant la réalisation de certaines
tâches ?
6. Avez-vous le sentiment d'avoir développer de nouvelles
connaissances,
capacités, compétences ou comportements ?
9 Et l'équipe ?
6. Avez-vous quelque chose à rajouter ?
go Les relances
5.3. Résultats et analyse des entretiens
Nous avons réalisé quatre entretiens, chacun
d'entre eux nous a permis de confirmer certains de nos ressentis au vu de notre
éclairage théorique. En revanche, cette ouverture
« au perspectives radicalement étrangères
»70 de « l'autre » nous a conduits
à élargir notre manière d'appréhender les
dispositifs d'intervention en services de soins. Les résultats seront
retranscrits sous forme de tableaux : chacun concerne un thème et un
sujet interviewé. L'intégralité de la retranscription des
entretiens se trouve en annexe (annexes 1, 2, 3 et 4) ; les lignes sont
numérotées, ainsi, nous pourrons les coder dans les tableaux
ci-dessous.
Exemple : Lignes 14 à 16 donne L14-16 Ligne 10 donne
L 10
70 Op. Cité (Sygneirole, 2000)
5.3.1 Conceptions de l'intervention
Cette première partie des résultats et de l'analyse
consiste à repérer la manière dont les professionnels
rencontrés conçoivent le dispositif d'intervention mené
dans leur service.
É Résultats
Sujet
Conceptions
|
Rose (Annexe 1)
Infirmière Psychiatrique (a passé son
équivalence Diplôme d'Etat)
|
|
(...) ça nous sert de régulation autour du
soin...hein, autour de la prise en charge des patients ici...L
19-20
|
|
(...) dans une équipe qui généralement
fonctionne [...] ça prend une autre dimension et ça prend la
dimension du soin (...) L 33-34
|
Centrée sur l'usager
|
Elle nous apporte...de nous aider à
réfléchir et à comprendre comment euh...comment avancer
dans le soin avec certains patients qui nous posent problème...
L 51-53
|
|
Donc, [...] ça aide à se poser des questions sur
la prise en charge des patients [...] ça développe des
compétences pour cerner comment aider le patient à tel moment
(...) L 138-142
|
|
(...) mais c'est vrai que ça permet de mettre à
plat à moment donné
|
|
[...] des dysfonctionnements [...] ou des difficultés
à
communiquer...L 14-16
|
|
Elle nous apporte [...] aussi comment avancer ensemble. L
51-53
|
|
(...) grâce à la supervision, l'équipe tenait
le coup, voilà, là pour le
|
Régulation
|
coup, en supervision, on faisait de la clinique et on faisait
aussi du
|
|
« replâtrage » d'équipe quoi, on essayait
de tenir entre nous grâce à
|
institutionnelle
|
cette supervision (...) L 97-100. Rose parle d'un autre
service
|
|
(...) c'était pas forcément une équipe
qui était harmonieuse et la supervision nous a aidé à
régler des choses et à continuer à fonctionner [...] elle
nous aidait surtout sur le plan du fonctionnement purement et simplement de
l'équipe [...] donc ça permettait de régler des conflits
[...] sans en passer par la rupture et l'incompréhension totale.
Voilà...régulateur de conflit, régulateur de parole,
régulateur de communication dans l'équipe
|
|
(...) L 121-129 Rose parle d'un autre service
|
|
(...) c'est un outil de travail avant tout. L
68-69
|
|
(...) c'est un moment qui nous permet d'être toutes
ensemble en même temps, c'est précieux (...) L
73
|
|
(...) ça m'apporte différentes choses selon les
lieux déjà où je l'ai utilisée (...) L
94-95
|
Autre(s)
|
Je le vois vraiment, la supervision, comme un outil de travail
multidirectionnel [...] à moment donné, il va me servir moi
personnellement à avancer euh...dans des doutes [...] c'est un soutien
personnel, une remise en question personnelle. Bon, à d'autres moments,
ça va être à travers euh...la discussion sur des patients
[...] et l'autre direction, c'est carrément travailler la clinique (...)
L 167-175
|
|
C'est un moment privilégié mais indispensable (...)
L 202
|
Sujet
Conceptions
|
Marguerite (Annexe 2) Infirmière
Diplômée d'Etat
|
|
(...) de pouvoir se questionner et de se retrouver en
équipe et de pouvoir se questionner ensemble avec un tiers
extérieur qui nous aide à réfléchir sur les
problèmes qu'on peut rencontrer [...] au niveau des patients ! L
3-6
|
Centrée sur l'usager
|
Ca nous aide à poser..., à poser les
problèmes, à poser les difficultés qu'on rencontre avec un
patient (...) L20-21
|
|
(...) ça permet de se recentrer sur l'important...et
oublier les petits détails et les petits détails on les
règle et après, on peut se concentrer sur le patient.
L152-154
|
|
(...) de pouvoir se questionner et de se retrouver en
équipe et de pouvoir se questionner ensemble avec un tiers
extérieur qui nous aide à réfléchir sur les
problèmes qu'on peut rencontrer au niveau
|
Régulation
|
de l'équipe (...) L 3-5
|
institutionnelle
|
Ca nous aide à poser [...] poser les différences
d'opinion (...)
|
|
L 20-21
|
|
Si elles avaient franchi le pas, ça aurait pu
réduire ces tensions...Je pense que ça aurait crevé
l'abcès et qu'après...peut-être que les
|
|
personnes [...] se seraient comportées
différemment mais en tous cas y aurait eu quelque chose de positif (...)
L 120-123 Marguerite parle d'un autre service
La supervision, c'est bien parce que c'est le groupe et que ici,
le
|
Régulation (suite)
|
groupe c'est très important ! Ca a des effets sur le
personnel et sur le collectif. L 134-135
|
|
Ca accentue la cohésion d'équipe en fait...[...] on
va plus se rapprocher, on va avoir une cohésion plus importante
(...)
|
|
L 147-150
|
|
(...) en intra par exemple on parlait plus des soucis dans
l'équipe
|
|
[...] mais moins des patients ! L 214-215 Marguerite
parle d'un autre service
|
|
Non ! Je m'en passerai plus (...) L 131
|
|
(...) La supervision on y met un peu ce qu'on veut quand
on veut...Quand on a besoin de quelque chose, qu'il nous manque quelque
chose, on va le chercher où on peut...Donc ben...on le
|
Autre(s)
|
cherche en supervision (...) L 198-201
|
|
C'est toujours différent en fait, on parle de ce dont on a
besoin de parler...L 215-216
|
|
(...) c'est pas remplaçable... L 233
|
Sujet
Conceptions
|
Violette (Annexe 3)
Psychomotricienne
|
|
Avoir des temps où on peut un peu se dire les choses
...bon, par
|
Centrée sur l'usager
|
rapport au patient, aux prises en charge et aux
difficultés qu'on peut rencontrer (...) L 26-28
|
|
J'pense que ça a un peu le côté original
ici, [...] on va pas aborder des difficultés mettons, qu'on aurait entre
nous euh...au niveau de l'équipe ou des choses comme ça.
L 30-33
|
Régulation
|
La supervision, ça apporte une richesse de
l'équipe
|
institutionnelle
|
pluridisciplinaire parce que bon en fonction [...] de la
formation de chacun, on va avoir un regard, peut- être un peu
différent, complémentaire [...] ça permet d'entendre les
spécificités de chacun, ça s'est sûr (...) L
106-112
|
Sujet
Conceptions
|
Lila (Annexe 4) Educatrice
spécialisée
|
Centrée sur l'usager
|
(...) la communication autour des patients, oui, ça
c'est sûr, autour euh...autour de la prise en charge et autour vraiment
du soin (...) L 122-123
|
Régulation institutionnelle
|
(...) je crois que c'est une confiance aussi qui se crée
dans un groupe quoi. L 24-25
(...) c'est une gestion de groupe à mon avis et
justement, la personne qui supervise, c'est une personne qui travaille au
niveau du groupe donc [...] qui essaie de faire émerger des choses
de...du groupe, de l'équipe quoi. (...] elle est formée à
travailler avec des groupes [...] elle nous pointe sur les
phénomènes qui ont pu se produire...[...] Donc elle essaie aussi
de nous faire prendre conscience de c'qui se passe dans notre « groupe
équipe ». L 42-58
|
Autre(s)
|
(...) il y a d'abord l'idée, la représentation
de ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une supervision et la
réalité très concrète sur terrain L
3-4
Je trouve que c'est important, que c'est même primordial
(...) L 11
Y a eu plusieurs temps, très différents les uns des
autres dans la supervision (...) L 20-21
(...) chaque fois c'est très adapté à le
situation... L 62
J'pense que c'est comme tout type d'analyse, ça demande
du travail, donc c'est un travail en permanence la supervision. L
82-83
(...) si on veut continuer à travailler, c'est dans la
supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est un des rares lieux qui nous soient
offerts pour continuer ce travail là (...) L 99-101 Lila parle
du travail d'analyse
C'est très différent à mon avis d'une
équipe à une autre, d'une supervision à une autre...
Voilà, moi je...je m'en passerai pas, surtout pas (...) L
238-239
Donc ça non, je m'en passerai pas [...] ça a
tellement une grande valeur [...] Ca serait vraiment un manque quoi...
L 245-252
|
É Analyse transversale
L'ensemble de l'équipe emploie le terme de <<
supervision >> pour parler du dispositif d'intervention. En
réalité, comme nous avons pu le voir dans notre partie
théorique sur l'analyse des pratiques professionnelles, la supervision
<< consiste à se pencher sur le type d'approche mis en oeuvre dans
le rapport à l'usager dont les professionnels s'occupent >>, en
l'occurrence le patient.
Le dispositif mis en place au sein de ce service est
effectivement principalement centré sur la prise en charge et le soin
autour du patient. Cependant, lorsque cette même équipe en ressent
le besoin, la supervision devient une consultation, c'est-à-dire une
<< régulation institutionnelle par un réaménagement
des relations entre groupes et catégories professionnelles d'un
même collectif de travail >>. Il semble que l'ensemble du personnel
(en dehors de Lila qui insiste plus sur le côté gestion du groupe)
ne soit que très peu conscient de cette partie << consultation
>> ; chacune a fortement insisté sur le fait qu'il s'agit avant
tout de parler des patients, cependant, au fil des entretiens, nous pouvons
nous rendre compte que le dispositif << accentue la cohésion
d'équipe >> (Marguerite) et donc, a des effets
caractéristiques de consultation.
Rose et Marguerite nous ont parlé d'autres services au
sein desquels elles avaient également participé à une
supervision : dans ces équipes moins << harmonieuses >>, le
dispositif avait essentiellement pour rôle d'être un <<
régulateur de conflit et de parole >>.
Il existe en fait un équilibre entre supervision et
consultation, la balance penche en fonction du vécu de l'équipe
<< à un moment donné >> (le terme est employé
5 fois par Rose). L'intervention a un caractère évolutif et
adaptatif, elle s'ajuste à la demande de l'instant. Certains passages
relevés dans la case << autre(s)>> viennent appuyer cette
idée :
Sujet Un caractère évolutif et
Adaptatif
Rose
|
(. .) ça m'apporte différentes choses
déjà selon les lieux où je l'ai
utilisée (. ..)
Utilise 5 fois les termes « à moment
donné »
|
Marguerite
|
(. .) La supervision on y met un peu ce qu'on veut
quand on veut. .Quand on a besoin de quelque chose, qu'il nous
manque quelque chose, on va le chercher où on peut. .Donc ben. .on
le
|
|
cherche en supervision (...)
C'est toujours différent en fait, on parle de ce
dont on a besoin de parler...
Lila
|
|
(...) il y a d'abord l'idée, la
représentation de ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une
supervision et la réalité très concrète sur
terrain
|
|
Y a eu plusieurs temps, très
différents les uns des autres dans la supervision (...)
|
|
(...) chaque fois c'est très adapté
à la situation...
C'est très différent à mon avis
d'une équipe à une autre, d'une supervision à une
autre... Voilà, moi je...je m'en passerai pas, surtout pas
(...)
|
Autre point important à nos yeux et que nous n'avons
pas mentionné dans notre approche conceptuelle, le dispositif
d'intervention est un véritable « outil de travail ». Il
permet la remise en question dans la pratique quotidienne. Voici ce que nous
avons pu relever à ce sujet. (Toujours dans la case « autres
»).
Sujet Un outil de travail
Rose
|
|
(...) c'est un outil de travail avant tout.
|
|
Je le vois vraiment, la supervision, comme un outil de
travail multidirectionnel [...] à moment donné, il va me
servir moi personnellement à avancer euh...dans des doutes [...] c'est
un soutien personnel, une remise en question personnelle. Bon, à
d'autres moments, ça va être à travers euh...la discussion
sur des patients [...] et l'autre direction, c'est carrément travailler
la clinique (...)
|
Lila
|
J'pense que c'est comme tout type d'analyse, ça demande du
travail, donc c'est un travail en permanence la
supervision.
|
|
si on veut continuer à travailler,
c'est dans la supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est un des rares lieux
qui nous soient offerts pour continuer ce travail là (...)
|
|
|
Il s'agit en effet d'un outil de travail, de travail d'analyse
de ses pratiques, de celles des autres, et enfin, des pratiques collectives. Au
sein de cette équipe, il semble que ce travail d'analyse, ce dispositif
soit devenu indispensable. Il apporte individuellement et collectivement et
chacun ne semble plus vouloir s'en passer.
Sujets Un outil devenu indispensable
Rose
|
|
C'est un moment privilégié mais
indispensable (...)
|
|
(...) c'est un moment qui nous permet d'être toutes
ensemble en même temps, c'est précieux (...)
|
Marguerite
Non ! Je m'en passerai plus (...) (...) c'est
pas remplaçable...
Lila
|
Je trouve que c'est important, que c'est même
primordial (...) Voilà, moi je...je m'en passerai pas,
surtout pas (...)
Donc ça non, je m'en passerai pas [...] ça a
tellement une grande valeur [...] Ca serait vraiment un manque
quoi...
|
|
L'intervention est un outil de travail devenu
indispensable au sein du service. L'équipe sait l'utiliser en fonction
de ses besoins du moment : régulation de conflit et lieu
d'échange peuvent alors être compatibles.
5.3.2 Maturité du collectif
Cette deuxième partie des résultats et de
l'analyse vise à mettre en évidence la capacité des
membres du collectif à améliorer leur système de
communication et leur appréhension de la division du travail à
travers le dispositif d'intervention.
É Résultats
Sujet
Maturité
du collectif
|
Rose
Infirmière Psychiatrique (a passé son
équivalence Diplôme d'Etat)
|
Interactions
|
(...) nous aider à...à parler de notre pratique,
de nos pratiques [...] de parler chacune de nos difficultés [...]
d'échanger avec les membres de notre équipe (...) L
3-8
La supervision nous permet d'améliorer les échanges
? ...Je pense que oui (...) L 12
(...) ça peut permettre à travers cette tierce
personne de se dire des choses qu'on a du mal à se dire... L
31-32
(...) on arrive pas à en débattre seules sans
l'aide de l'intervenante (...) L 47-48
(...) ça permet d'être écouté (...)
L 74
(...) régulateur de communication dans l'équipe
(...) L 129
(...) la capacité à s'écouter, à se
respecter, à...à utiliser ces temps là pour se dire des
choses (...) L 133-134
|
Homogénéité du système
de valeurs
|
(...) ça nous aide à nous poser des questions [...]
à développer quelque chose de commun dans nos décisions...
L 62-63
|
Homogénéité du système
de valeurs avec autres membres
|
(...) c'est pas du tout la place du médecin non...Alors,
avec le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui, [...] L
148-149
|
Division du travail Positionnement
|
Ca peut m'aider aussi à me positionner envers mes
collègues (...) L 104-105
(...) ça peut permettre l'air de rien que chacun a son
rôle à jouer (...) L 177-178
|
Sujet
Maturité
du collectif
|
Marguerite
Infirmière Diplômée
d'Etat
|
Interactions
|
Il (le superviseur) a un rôle de
distribution de la parole et de la réflexion [...] il aide à
faire circuler cette réflexion et cette parole L
23-27
(...) au sein de la supervision, on arrive à bien
parler de nos différents point de vue parce que des fois on est pas du
tout d'accord (...) L 46-47
(...) c'est plus facile de parler en supervision qu'en
équipe sans le tiers en fait. L 65-66
Ben... ça permet d'aller vers l'autre, voilà, aller
vers l'autre et que l'autre vienne vers nous aussi. L
107-108
(...) c'est parce que la parole elle circule...elle circule
déjà mais c'est un plus, donc elle circule encore mieux...
L 148-149
|
Homogénéité du système
de valeurs
|
Je pense que si on a pas les mêmes vision...bon, ben
quand on a fait une séance de supervision, on a d'autres points de vue
sur le patient [...] on a le point de vue de chacun L
136-139
(...) on a une trame commune au niveau clinique [...] on
comprend tout de suite, on a pas à demander à la personne «
Qu'est-ce-que tu entends par là ? » L 174-179
|
Homogénéité du système
de valeurs avec autres membres
|
Ce qui est dommage, c'est que les médecins viennent pas
[...] j'aurai préféré [...] je pense que ce serait
important de pouvoir tous y participer ensemble. [...] ça permettrait
d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point de vue médical [...]
ça aiderait à beaucoup mieux se connaitre, mieux communiquer
entre nous (...) L 49-59
|
Division du travail Positionnement
|
(...) ça me permettait de...de pouvoir m'exprimer plus
pendant les supervisions (...) L 33 -34
Enfin, moi ça m'aide parce que c'est vrai que je suis
... des fois j'ai du mal à... à exprimer mes opinions parce que
je suis dans une équipe où elles sont plus anciennes que moi, on
a pas forcément le même diplôme...euh...elles ont plus
d'expérience...souvent souvent je me mets plus en retrait tandis
qu'à la supervision...ben ça m'aide à être un peu
moins en retrait justement... L 66-70
(...) ça m'a aidé dans le quotidien à
prendre plus la pa...à prendre plus de place...enfin, plus la parole,
plus affirmer mes opinions...J'ai ma place... L 74-75
|
Division du travail Positionnement
(suite)
|
|
On respecte le travail de l'autre et ça nous aide la
supervision... L 81-82
En intra (Marguerite parle d'un autre service)
ça a été une manière de m'intégrer
plus facilement dans l'équipe (...) L 95
|
|
En intra (Marguerite parle d'un autre service)
on parlait plus [...] de la place de chacun (...) L
214-215
|
Sujet
Maturité
du collectif
|
Violette
Psychomotricienne
|
|
(...) ça apporte aussi euh...du temps ! qui est
réservé à l'échange et qui est
réservé à la... à la pensée et à
comprendre la pensée de l'autre, à élaborer soi-même
sa propre pensée et à écouter celle de l'autre. L
114-116
|
|
(...) c'est un temps de relation en fait la supervision. C'est
un temps vraiment qui est réservé à l'échange,
à la relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre
[...] c'est vrai, y a plus d'écoute pendant la supervision... L
121-125
|
|
(...) donc on est vraiment dans le vrai temps d'échange,
hein.
|
Interactions
|
L 135
|
|
(...) il (le temps d'échange) favorise le
dialogue, il permet de se comprendre mieux. L 137
|
|
(...) ça permet de dire des choses, de déposer des
choses [...] ça a pu être entendu. L 227-228
|
|
Oui, c'est important parce que c'est ce qui relie les gens...
|
|
L 289- 290
|
|
(...) ça m'a permis justement euh... ben encore une fois
un temps d'écoute. En fait, on peut dire les choses (...) L
311-313
|
Homogénéité du système
de valeurs
|
(...) il (le temps d'échange) favorise le
dialogue, il permet de se comprendre mieux. L 137
|
|
(...) là on est tombées sur des bases communes
(...) L 199-200
|
Homogénéité du système
de valeurs avec autres membres
|
Division du travail Positionnement
|
Mais la seule chose qui est embêtante c'est que
l'équipe elle est pas vraiment au complet. [...] y a des gens qui sont
pas là ou ... et puis il y a pas le cadre, il y a pas le médecin,
il y a pas la psychologue, il y a pas... enfin. Je trouve que ce serait
intéressant (...) L 271-273
(...) c'est justement ça, on a envie de partager des
choses, comme ça plus avec le médecin, le psychologue qui eux
aussi connaissent le patient [...] Donc pour moi, la boucle n'est pas
bouclée. L 301- 303 ; L 306-307
|
Et moi au début je me suis dit « bon,
psychomotricienne, j'vais préparer les repas, où est ma
spécificité ? » L 88-89
Ca permet d'entendre les spécificités de chacun,
ça c'est sûr, mais euh...c'est dans c'cadre là que
ça se fait. L 112-113
(...) quand je suis arrivée ici, il y avait des tracts
syndicaux contre l'embauche d'une psychomotricienne qui fera pas le travail
d'une infirmière [...] ça a pas été simple au
départ (...) L183-185
(...) et j'pense que ça, c'est quelque chose que les
infirmières on pu dire en supervision, hein, la difficulté que
ça représentait pour elle euh...ben d'intégrer quelqu'un
qui faisait pas le même métier (...) L 200-202
En fait, on est tombé là sur un terrain vraiment
d'entente (...) L 204
Et la supervision a aidé les infirmières
à imposer des choses que visiblement les autres n'avaient pas envie
d'entendre. Donc, moi j'ai pu aussi, c'était important que je l'entende
aussi et qu'elles me le disent (...) L 218-20
Donc le fait de jeter un peu les choses pendant la
supervision, ça permet de finalement accepter l'autre en tant que...en
tant que ce qu'il est (...) L 225-227
(...) faire découvrir un peu mon travail, d'ouvrir un
peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait
etc... Donc forcément, ça facilite l'intégration
(...) L 314-316
On perçoit mieux ce qu'on fait au quotidien... L
328-329
|
Sujet
Maturité
du collectif
|
Lila
Educatrice spécialisée
|
Interactions
|
(...) la parole elle a mieux circulé à un moment
donné (...) L 22
Le principe premier, c'est d'exposer à ses pairs ses
difficultés vraiment individuelles au travail quoi (...) L
26-27
(...) elle (l'intervenante) est formée
à travailler avec des groupes et avec tout ce qui se passe
d'interactions dans un groupe... L 49-50
Ca aide à communiquer parce que bien souvent y a des
décharges émotionnelles, y a des choses qui ressortent (...)
L 106-107
(...) ça fluidifie la communication, ça c'est
clair. L 124
(...) c'est aussi un moyen parfois de pouvoir se dire c'qui va
pas à l'extérieur (de la supervision), et d'essayer de faire un
peu un électrochoc quoi. Le fait qu'il y ait le superviseur, ça
peut canaliser, c'est le bon moment. [...] C'est le lieu hein de toutes
façons(...) L 233-237
|
Homogénéité du système
de valeurs
|
J'ai l'impression que...ouais, on sort on a... on a
l'impression d'être repulpés, redynamisés, on va pouvoir
faire plein de trucs on va être parties sur le même...sur la
même longueur d'ondes (...) L 124-126
(...) la plupart du temps autour de prises en charge, on arrive
à trouver...enfin, une vision commune (...) L
148-149
|
Homogénéité du système
de valeurs avec autres membres
|
(...) le fait que les médecins et le cadre ne
participent pas à la supervision, euh...ne permet pas une communication
finalement avec cette partie de l'équipe et euh...du coup
euh...voilà, moi j'ai demandé plusieurs fois à ce
qu'ils...j'ai formulé plusieurs fois cette demande pour qu'ils puissent
participer enfin à la supervision pour que ce soit un vrai travail en
profondeur de toute l'équipe [...] et j'aimerai bien oui (...) L
130-136
Donc la recherche d'une pensée commune elle est
difficile mais c'est un travail, un engagement individuel. Ca je le redis quoi,
et ça devrait passer par la supervision, on devrait tous y être,
au complet l'équipe. Ca serait un endroit où les distinctions ne
se feraient plus et on pourrait se dire enfin « on est tous dans la
même galère » [...] On va mutualiser tous ben...nos savoirs,
nos savoir-faire, nos
|
Homogénéité du
|
modes relationnels avec le patient pour l'aider au mieux [...]
Est-
|
système de valeurs avec autres
membres
|
ce-qu'on arrive à penser ensemble ou pas ? Et penser
ensemble, c'est la supervision bien sûr [...] Je pense que dans des
lieux comme la supervision, si tout le monde était présent, il
y aurait
|
(suite)
|
plus cet état d'esprit de ...ben d'élaborer en
commun quoi.
|
|
L 202-206 ; 208-210 ; 218-219 ; 225-227.
|
Division du travail
|
(...) j'crois qu'il y a des enjeux autres [...] des enjeux de
pouvoir interprofessionnel je sais pas...Dans l'équipe soignante aussi
des fois (...) L 144-146
|
Positionnement
|
(...) je partais plutôt sur l'idée d'une
complémentarité des
fonctions [...] on a tous des visions très
différentes et c'est toute cette complémentarité là
qui va faire qu'on va avoir une vision globale du patient pour l'aider au mieux
quoi. Et en fait [...] on est tous assez interchangeables, et ça me
gène un peu (...) L 180-186
|
É Analyse transversale
Au vu du discours des quatre personnes rencontrées, il
nous semble que nos intuitions concernant l'amélioration de la
qualité des interactions s'avèrent réelles. Dans chacune
des analyses longitudinales, la partie interaction est toujours la plus
conséquente ; chaque discours fait ressortir l'importance du dispositif
dans la qualité de la communication au sein de l'équipe. Dans les
tableaux ci-dessous, nous relevons les extraits de discours qui nous semblent
les plus pertinents à ce sujet.
Sujets Qualité des interactions
Rose
|
(...) régulateur de communication dans
l'équipe (...)
(...) la capacité à s'écouter,
à se respecter, à...à utiliser ces temps
là pour se dire des choses (...)
|
|
Marguerite
Ben... ça permet d'aller vers l'autre,
voilà, aller vers l'autre et que
l'autre vienne vers nous aussi.
(...) c'est parce que la parole elle
circule...elle circule déjà mais c'est un plus, donc
elle circule encore mieux...
Violette
|
|
(...) donc on est vraiment dans le vrai temps
d'échange, hein.
|
|
Oui, c'est important parce que c'est ce qui relie les
gens
|
|
|
Lila
|
(...) ça fluidifie la communication,
ça c'est clair.
|
|
|
Des systèmes de référence communs peuvent
alors émerger du produit des interactions des participants. Le dialogue
permet de mieux se comprendre (Violette) et les échanges permettent
d'être sur la << même longueur d'ondes » (Lila)
concernant la prise en charge des patients. Ce système de
référence commun ne concerne en effet que le but de
l'équipe : la réalisation de son travail, à savoir la
meilleure prise en charge pour les patients.
Sujets Système de référence
commun
Rose
|
(...) ça nous aide à nous poser des questions [...]
à développer quelque chose de commun dans nos
décisions...
|
|
Marguerite
|
(...) on a une trame commune au niveau
clinique [...] on comprend tout de suite, on a pas à demander
à la personne << Qu'est-ce-que tu entends par là ?
»
|
|
|
Violette
(...) là on est tombées sur des bases
communes (...)
Lila
(...) la plupart du temps autour de prises en charge, on arrive
à trouver...enfin, une vision commune (...)
Hormis Rose, qui hésite sur le fait que les
médecins ne soient pas présents par peur de ne plus pouvoir
s'exprimer aussi facilement, l'ensemble des participants souhaiteraient leur
présence. Cela permettrait de << beaucoup mieux se connaitre,
mieux communiquer entre nous » (Marguerite) et << d'élaborer
en commun » (Lila). Enfin, pour Violette << la boucle n'est pas
bouclée » si l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire n'est
pas présente aux séances.
Sujets Les médecins : une absence
remarquée
Rose
|
(...) c'est pas du tout la place du médecin non...Alors,
avec le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui,
[...]
|
|
Marguerite
|
Ce qui est dommage, c'est que les médecins viennent pas
[...] j'aurai préféré [...] je pense que ce serait
important de pouvoir tous y participer ensemble. [...] ça
permettrait d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point de vue
médical [...] ça aiderait à beaucoup mieux se
connaitre, mieux communiquer entre nous (...)
|
|
|
Violette
|
Mais la seule chose qui est embêtante c'est que
l'équipe elle est pas vraiment au complet. [...] y a
des gens qui sont pas là ou ... et puis il y
|
|
|
|
a pas le cadre, il y a pas le médecin, il y a pas la
psychologue, il y a pas... enfin. Je trouve que ce serait
intéressant (...)
Lila
(...) le fait que les médecins et le cadre ne
participent pas à la supervision, euh...ne permet pas une communication
finalement avec cette partie de l'équipe
(...)
Est-ce-qu'on arrive à penser ensemble ou pas ? Et
penser ensemble, c'est la supervision bien sûr [...] Je pense que dans
des lieux comme la supervision, si tout le monde était
présent, il y aurait plus cet état d'esprit de ...ben
d'élaborer en commun quoi.
La supervision a donc des effets positifs sur la qualité
des interactions et le développement d'une vision commune au sein d'une
équipe.
Rose
Sujets Positionnement, rôles et
responsabilités
(...) ça m'a aidé dans le quotidien à
prendre plus la pa...à prendre plus de place...enfin,
plus la parole, plus affirmer mes opinions...J'ai ma
place...
En intra (Marguerite parle d'un autre service)
ça a été une manière de
m'intégrer plus facilement dans l'équipe (...)
En intra (Marguerite parle d'un autre service)
on parlait plus [...] de la
62
Marguerite
(...) ça peut permettre l'air de rien que chacun a
son rôle à jouer (...)
Ca peut m'aider aussi à me positionner
envers mes collègues
Ce développement d'une vision commune n'empêche
pas à chacun de conserver ses spécificités en tant que
professionnel. Pour Violette, la supervision a facilité son
intégration ; elle lui a permis de faire << découvrir un
peu son travail >> et de se faire accepter dans ses différences
auprès des autres membres de l'équipe soignante. Lila, quant
à elle, semble moins convaincue de la reconnaissance de son rôle
en tant qu'éducatrice, elle a l'impression d'être <<
interchangeable >>, cependant, elle reste persuadée que c'est lors
des rencontres en supervision, que l'on peut développer une <<
complémentarité >> et << mutualiser les savoirs
>> de chaque catégorie professionnelle. Enfin, Marguerite et Rose
évoquent l'aide que peut apporter le dispositif pour << se
positionner >>, << parler de la place de chacun >> et
définir << les rôles de chacun >> ; dans un autre
service, il a facilité l'intégration de Marguerite et lui a
permis d'avoir << sa place >> au sein de celui-ci.
place de chacun (...)
Violette
|
|
(...) faire découvrir un peu mon travail, d'ouvrir un
peu la porte des séances sur ce qui s'y fait, comment ça se fait
etc... Donc forcément, ça facilite
l'intégration (...)
|
|
On perçoit mieux ce qu'on fait au
quotidien...
|
Le dispositif d'intervention semble accompagner le
collectif vers l'atteinte des caractéristiques d'un collectif de
quatrième et dernier stade de développement. Il permet d'une part
d'améliorer la qualité des échanges et de les multiplier
pour obtenir l'apparition d'un système de référence commun
dans la tâche à réaliser. D'autre part, il aide chacun
à trouver plus facilement sa place et à se positionner au sein du
collectif : la division du travail est mieux appréhendée par
l'ensemble des membres de l'équipe.
5.3.3 Les inattendus
Nous avons repérés deux inattendus
théoriques majeurs dans le discours de chacune des personnes
rencontrées : la question du sens et de la remise en question et
celle de l'engagement à travers le dispositif d'intervention.
Cette dernière partie des résultats et de l'analyse vise à
les mettre en évidence.
É Résultats
Sujet
Inattendus
|
Rose
Infirmière Psychiatrique (a passé son
équivalence Diplôme d'Etat)
|
|
Donc, c'est essentiellement autour de la prise en charge du
patient qu'on arrive mieux à se questionner (...) L
17-18
|
|
(...) ça nous aide à affiner notre euh...la
façon dont on parle du
|
Sens
|
patient, ça nous aide à approfondir, à poser
les questions vraiment
|
Remise en question
|
(...) L 58-59
|
|
(...) ça développe les compétences de se
poser des questions, de...d'une façon différente. Ca permet de
prendre du recul.
|
|
L 143-144
|
Sens Remise en question
|
(...) je pense que ça apporte [...] de la remise en
question, de soi aussi. L 191-192
(...) il permet de se questionner tout le temps sur notre
pratique infirmière (...) L 200-201
|
(suite)
|
(...) elle (l'intervenante) nous aide
réellement à affiner nos questionnements et à affiner
des attitudes qu'on peut avoir.
|
|
L 204-206
|
|
(...) on nous demande de nous engager pour ce travail de
supervision [...] Il faut s'approprier ce temps là. L
165-166
|
|
(...) mais je crois que ça permet aussi de s'engager,
ça permet de s'engager, oui ! L 178-179
|
Engagement
|
|
|
Un outil de travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait
les aider à s'engager dans leur boulot de manière
différente (...) L 187-188
|
|
Rose parle d'un autre service
|
|
(...) je pense que ça apporte aussi de l'engagement
L 191
|
Sujet
Inattendus
|
Marguerite
Infirmière Diplômée
d'Etat
|
Sens Remise en question
|
(...) nous faire cheminer dans nos réflexions... L
7-8
(...) y a besoin de toujours se remettre en question, de
savoir où on va, d'éviter de faire euh...d'aller dans la mauvaise
direction, donc toujours se requestionner (...) L 10-12
|
Engagement
|
|
Sujet
Inattendus
|
Violette
Psychomotricienne
|
|
(...) la supervision euh...moi ça m'a aidé
à plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs reprises
par rapport à des fois oüj'comprenais pas [...] Et la
supervision m'a toujours aidée [...] en apportant...une analyse autre !
L 51-57
|
Sens
|
(...) ça va nous permettre de prendre un peu de
distance.
|
Remise en question
|
L 129-130
|
|
(...) ça m'apporte au niveau de l'élaboration,
c'est-à-dire de la compréhension des choses et de pouvoir aller
plus loin dans mes interprétations [...] d'aller plus loin dans mes
pensées [...] ça va aller poser encore d'autres questions que moi
j'ai pas (...)
|
|
L 253-257
|
Engagement
|
|
Sujet
Inattendus
|
Lila
Educatrice spécialisée
|
|
(...) elle (l'intervenante) essaie de nous
amener des réponses, des éléments de réponse
pour nous aider à dépasser cette situation [...] pour nous
faire prendre conscience de certains de nos mécanismes.
|
|
L 60-63
|
Sens
|
|
|
(...) ce qu'elle essaie d'impulser chez nous, c'est d'avoir
une
|
Remise en question
|
capacité de... ben déjà de prendre
conscience de c'qui se passe, d'élaborer (...) L
66-68
|
|
(...) quand individuellement ou collectivement [...] on se
requestionne sur ce qui a été amené en
supervision [...] l'élaboration elle continue (...) L
71-73
|
Engagement
|
(...) à l'ouverture on nous avait demandé un
engagement, un engagement `fin bon...personnel [...] j'parle d'engagement
personnel à y être parce que je pense que quand on s'inscrit dans
une équipe, qu'on est au travail avec les patients, on a un engagement
personnel (...) L 93-98
|
É Analyse transversale
Le dispositif d'intervention demande un engagement et une
implication de la part des participants. A travers les discours de Rose et
Lila, il semble que celui-ci se prolonge dans l'exercice quotidien. Comme dans
le paragraphe précédent, nous reprenons ici sous forme de
tableaux les éléments du discours qui concourent à nos
conclusions.
Sujets Le dispositif : un moyen de s'engager
Rose
|
|
(...) mais je crois que ça permet aussi de s'engager,
ça permet de s'engager, oui !
|
|
|
Un outil de travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait
les aider à s'engager dans leur boulot de manière
différente (...)
|
|
Rose
|
|
(...) il permet de se questionner tout le temps sur notre
pratique infirmière (...)
|
|
|
|
|
(...) elle (l'intervenante) nous aide
réellement à affiner nos
|
|
Lila
|
(...) à l'ouverture on nous avait demandé un
engagement, un engagement `fin bon...personnel [...] j'parle d'engagement
personnel à y être parce que je pense que quand on
s'inscrit dans une équipe, qu'on est au travail avec les patients, on a
un engagement personnel (...)
|
|
|
Cet engagement provient-il d'une remise en question
quotidienne induite par l'intervention? D'une nouvelle manière
d'appréhender le soin en lui donnant de sens, en ouvrant la voie vers
d'autres possibles ? Il semble que la supervision accompagne l'équipe
dans ses choix et dans ses décisions à travers une remise en
question de tous les jours.
Sujets Le dispositif : un passeur de sens ?
questionnements et à affiner des
attitudes qu'on peut avoir.
Marguerite
|
(...) y a besoin de toujours se remettre en question, de
savoir où on va, d'éviter de
faire euh...d'aller dans la mauvaise direction, donc toujours se
requestionner (...)
|
|
|
Violette
|
(...) ça m'apporte au niveau de l'élaboration,
c'est-à-dire de la compréhension des choses et de pouvoir
aller plus loin dans mes interprétations [...] d'aller plus loin dans
mes pensées [...] ça va aller poser encore d'autres questions que
moi j'ai pas (...)
Lila
(...) quand individuellement ou collectivement [...] on
se requestionne
sur ce qui a été amené en supervision [...]
l'élaboration elle continue (...)
Il apparaît que le dispositif impulse chez chacune des
participantes la capacité à se questionner différemment.
Ce qui nous semble essentiel, c'est que cette remise en question continue en
dehors des séances. Le dispositif est un « outil de travail »,
il accompagne un cheminement vers des pratiques plus fines, plus
élaborées, peut-être plus « réfléchies
» ?
In fine, nous pensons que l'intervention permet
à chacun de s'impliquer dans son travail en lui donnant du sens, en
indiquant la direction à suivre par une remise en question quasi
permanente.
5.3.4 Synthèse des résultats
Cet « outil de travail » peut devenir
indispensable pour une équipe. Il lui permet
d'améliorer la qualité de ses interactions en
proposant un espace de dialogue privilégié pour les membres qui
l'investissent. Or comme vu précédemment dans notre cadre
théorique, le produit des interactions favorise l'émergence d'un
système de référence commun : ainsi, nous sommes de l'avis
des personnes qui pensent que la présence de l'équipe au complet
serait souhaitable. En effet, cela permettrait de développer une
réelle vision commune de la prise en charge des patients.
Autre avantage d'un tel dispositif, il permet à chacun
de prendre sa place au sein du collectif, de se positionner et
de mieux appréhender les rôles et spécificités de
chacun. Ainsi, chaque membre se sent connu et reconnu par les autres : il
s'implique alors dans l'équipe et son
fonctionnement.
Les questionnements induits par l'intervenant permettent
à chacun de se remettre en question personnellement, de remettre
en questions ses pratiques ainsi que celles de ses collaborateurs. La
participation au dispositif permet de réajuster des attitudes, de les
affiner en leur donnant du sens et en indiquant le chemin à emprunter.
En ce sens, nous pensons que le dispositif permet une
auto-évaluation. Bien que ce ne soit pas sa fonction
première à nos yeux, cet aspect ne nous semble pas à
négliger.
Enfin, il nous semble important de retenir le
caractère adaptatif d'un tel dispositif. Cette
souplesse permet au collectif de trouver ce qu'il cherche au moment où
il le cherche. Ainsi, l'intervention oscille entre supervision et
consultation pour répondre aux besoins de l'équipe. Si
celle-ci doit se concentrer sur le rapport à l'usager, le dispositif
aura plutôt un caractère analytique et sera de la supervision. En
revanche, si elle doit se concentrer sur son propre fonctionnement, il prendra
une tournure psychosociologique et sera de la consultation.
Nous avons conscience qu'il ne s'agit certainement que
d'un moyen parmi tant d'autres, mais c'est celui que nous
avons choisi d'étudier. Nous pensons au vu de notre enquête de
terrain que l'intervention peut permettre à une équipe
d'atteindre le degré de maturité suffisante pour améliorer
son efficacité, à savoir améliorer la prise en
charge des patients dont elle a la responsabilité.
Conduire une équipe vers toujours plus de qualité
envers les patients...Ne serait-ce pas notre finalité en tant que cadre
de santé ?
5.4. Limites de la recherche
Le progrès en art ne consiste pas à
étendre ses limites, mais à les mieux
connaître.
Georges Braque. Extrait de Le Jour et la
nuit
Pour nous, l'art est une recherche et la recherche est un art.
L'artiste, tout comme le chercheur, passe leur vie à
repenser le monde. Ainsi, nous retiendrons cette citation en remplaçant
le terme « art » par celui de « recherche » :
Le progrès en « recherche » ne consiste pas
à étendre ses limites, mais à les mieux
connaître.
Désireux de progresser et de toujours nous remettre en
question, nous proposons de nous inscrire dans une démarche de
connaissance de nos limites.
Les prochains paragraphes seront donc consacrés à
une critique de notre recherche.
5.4.1. Un seul service
Faute de temps, nous n'avons pu conduire nos entretiens qu'au
sein d'un seul service, et donc d'une seule équipe. Nous pensons que
deux services nous aurait permis de rendre notre recherche un peu plus «
généralisable ». En effet, nous avons conscience que les
résultats présentés dans ce travail ne peuvent pas
être étendus à l'ensemble des services, ils ne sont que la
vérité d'une équipe à un moment « t ».
5.4.2. Une petite équipe
Nous l'avons vu dans notre approche théorique, plus le
nombre des membres est important au sein d'un collectif, plus celui-ci
rencontre de difficultés en terme de communication.
L'équipe du service au sein duquel nous avons conduit
nos entretiens est constituée de huit personnels paramédicaux. A
ce chiffre, il est nécessaire d'ajouter la psychologue, les
médecins et le cadre de santé. Cependant, comparé à
nombre de services hospitaliers, cet effectif est relativement réduit.
Ce fait a d'ailleurs été précisé dans deux des
entretiens que nous avons réalisés.
Sujets Une petite équipe
Marguerite
|
|
(...) on est une petite équipe, et du coup on parle
assez régulièrement dans la journée, mais c'est vrai que
dans d'autres services où on était une plus grosse équipe
[...] ça me permettait de pouvoir m'exprimer plus pendant les
séances de supervision ; justement parce qu'on a chacun le superviseur
qui nous donne la parole... L 31-35
|
|
(...) en plus, on est une petite équipe, donc on est
obligés d'être soudés (...) L 186
|
Violette
On est une petite équipe et on est sur le même temps
de travail [...] ça favorise certainement la cohésion (...)
L 45-47
Des entretiens menés au sein d'une équipe plus
importante en nombre nous auraient semblés plus adaptés à
notre recherche. Rose et Marguerite nous ont parlé de dispositif
d'intervention en « intra >>, peut-être serait-il
intéressant d'y conduire d'autres entretiens ?
5.4.3. L'absence de médecin au sein du
dispositif
Notre approche théorique s'est essentiellement
concentrée sur une approche de la distinction entre médicaux et
paramédicaux, ne sachant pas que nous ne trouverions pas de terrain
d'enquête réellement adapté à notre recherche. Bien
que la volonté des personnels paramédicaux soit bien
réelle, la participation des médecins aux dispositifs
d'intervention ne semble pas encore être entrée dans les moeurs
des services.
C'est pourquoi nous avons choisi de conduire nos entretiens
auprès de différentes catégories de professionnels
paramédicaux entre lesquelles il existe également des
distinctions. Si nous devions poursuivre cette recherche, il serait
intéressant d'approfondir notre approche théorique des groupes de
référence de ces différents corps professionnels.
5.4.4. L'outil
L'entretien clinique nous a permis de « voir le monde
>> à travers le discours des personnes rencontrées. Si nous
avions bénéficiés de plus de temps pour réaliser ce
travail, une observation participante aurait pu nous permettre de
modéliser les pratiques du collectif à travers nos propres
yeux.
Concernant nos entretiens, il nous a parfois été
difficile de ne pas influencer la personne par du non-verbal et de trouver
la relance la plus pertinente. Bien qu'ayant construit une trame au
préalable, nous avons tenu le plus possible à ne
pas nous en servir. Ainsi, faute de ne pas avoir recentré sur l'objet de
recherche, certains passages des discours ne sont que très peu
exploitables,
Nous avons conscience que la maîtrise d'un tel outil
demande de la pratique. Cette année nous aura permis de découvrir
cette technique ; les suivantes nous permettrons peut-être de nous
l'approprier ?
CONCLUSION
Qu'importe l'issue du
chemin quand seul compte le chemin parcouru.
David Le Breton
Ce n'est qu'en « cours de route >> que nous avons
pris conscience du véritable intérêt de cette recherche. Il
ne s'agit pas de donner des réponses ; il s'agit de remettre en question
sa pensée, de se remettre en question pour in fine « atteindre une
certaine maturité >> et pouvoir nous positionner en tant que cadre
de santé.
Nous avons en effet cheminé dans nos réflexions
tout au long de cette recherche. Partis du constat d'un manque de communication
au sein des services de soins, nous nous sommes questionnés quant
à savoir d'où pouvait provenir les difficultés que
rencontraient les équipes et comment le cadre de santé pouvait
agir sur ces mêmes difficultés.
Notre attention a été retenue par l'analyse des
pratiques professionnelles en tant que moyen possible ; nous avons donc
consacré cette étude à comprendre les
intérêts d'un tel dispositif pour une équipe.
Une enquête sur le terrain nous a permis de faire
émerger du vécu de professionnels les bénéfices
qu'ils retiraient à participer à un groupe de supervision. D'une
part, l'équipe échange « mieux >> et chacun peut y
trouver sa place. D'autre part, phénomène que nous n'avions pas
vraiment envisagé, l'analyse des pratiques professionnelles permet
à chacun de s'auto-évaluer en favorisant la remise en question et
en permettant de donner du sens aux dires mais aussi aux « faire
>>.
En tant que futur cadre de santé, cette approche nous
semble pertinente pour accompagner nos collaborateurs dans la meilleure prise
en charge possible des patients. Cependant, conscient qu'il ne s'agit que d'un
moyen parmi d'autres, nous restons ouverts à toutes autres
possibilités permettant d'obtenir les mêmes avantages.
En tant qu'apprenti chercheur, nous avons fait le choix de
conduire cette recherche en suivant le chemin indiqué par la
méthode clinique. Celle-ci nous a conduits à la rencontre de
l'autre et nous ne le regrettons pas. Cependant, dans la perspective de
poursuivre ce travail, nous
pensons qu'une analyse par la méthode systémique
permettrait de modéliser le changement au sein du groupe d'analyse des
pratiques professionnelles.
Cette piste devrait encore nous valoir quelques insomnies...
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
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2.
http://www.sante.gouv.fr/drees/serieetudes/
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5. http://www.cairn.info/
6.
http://www.actif-online.com/fichiers/publications/
7.
http://www.evene.fr/citations/
SOMMAIRE DES ANNEXES
Annexe 1
Entretien de Rose p. I
Annexe 2
Entretien de Marguerite p. IX
Annexe 3
Entretien de Violette p. XVIII
Annexe 4
Entretien de Lila p. XXX
Annexe I
Entretien de Rose
En gras : questions et relances de
l'entreteneur
En clair : réponses de Rose.
Entretien de Rose. IDE.
Durée : 37 minutes
1 D'après vous, quels sont les apports du
dispositif d'intervention pour
2 l'équipe ?
3 Alors, donc...Alors, l'intervention d'un
psychothérapeute qui vient nous aider à ...à
4 parler de notre pratique, de nos pratiques hein et à en
parler en équipe soignante
5 uniquement. Ca nous permet alors déjà sur un plan
individuel de parler chacune de
6 nos difficultés et de nos questionnements autour de
problèmes que peuvent poser
7 certains patients et en même temps ça permet
d'échanger avec les membres de
8 notre équipe sur des... sur tous les domaines concernant
la prise en charge des
9 patients dans le service...voilà, sur tous les
domaines...(silence)
10 Vous dites «ça nous permet de parler
» et « d'échanger », c'est plus difficile en
11 dehors ?
12 Alors, est-ce-que la supervision nous permet
d'améliorer les échanges ?...Je pense
13 que oui même si c'est quand même au départ
une équipe qui fonctionne beaucoup
14 dans l'échange...mais c'est vrai que ça permet
de mettre à plat à moment donné
15 des...peut-être des dysfonctionnements ou des...ou des
difficultés à
16 communiquer...mais enfin, bon, je dois reconnaître
qu'on est une équipe qui en a
17 pas vraiment des difficultés...Donc c'est
essentiellement autour de la prise en charge
18 du patient qu'on arrive mieux à se questionner...hein,
ça nous sert pas trop de
19 régulation d'équipe, ça nous sert de
régulation autour du soin...hein, autour de la
20 prise en charge des patients ici...
21 Est-ce-que vous avez l'impression que ça vous
aide à travailler en commun ?
22 Euh...globalement non, mais au cas par cas oui.
C'est-à-dire en général on parle
23 d'un patient qui nous pose problème donc euh...c'est
pas une démarche pour arriver
24 à fonctionner ensemble dont on a besoin, c'est une
démarche pour arriver à prendre
25 en charge un patient à un moment donné...vous
voyez...je comprends ce que vous
26 voulez dire...hein, bon, j'ai eu de la supervision dans des
équipes de l'intra-
27 hospitalier qui sont des équipes plus difficiles
à s'articuler, à fonctionner de par
28 l'emploi du temps déjà hein... et là, je
vous rejoins, je suis d'accord, la supervision
29 (ou plutôt la régulation) avait aussi pour
fonction de nous aider à fonctionner
30 justement et...c'est pas vraiment le cas là ici...mais
enfin, ça peut l'être à un moment
31 donné, ça peut l'être, ça peut
permettre à travers cette tierce personne de se dire
32 des choses qu'on a du mal à se dire...Il se trouve que
là on a la chance de travailler
33 dans une équipe qui généralement
fonctionne donc du coup, ça prend une autre
34 dimension et ça prend la dimension du soin,
voilà, on est dans la dimension du soin,
35 là, ici, en l'occurrence...Alors ça a pas
toujours été ça...l'intervenant a changé et
36 malheureusement les conditions aussi parce que on est
passé de une heure par
37 semaine à une heure par mois...et maintenant, on passe
à une heure tous les deux
38 mois, voilà donc c'est un outil de travail qui se perd
et qui c'est ... c'est fort dommage
39 pour nous, pour le soin, pour les patients...c'est
regrettable...ouais... c'est
40 regrettable et c'est pour des questions financières
bien évidemment hein...Depuis le
41 début, en 1993, ça en fait des heures en moins
pour nous...et c'était dans le projet
42 de service à l'ouverture, qui est cette
régulation, ça faisait partie du projet. Et c'est
43 terrible aujourd'hui, parce que j'en ressens le besoin,
absolument oui, j'en ressens le
44 besoin...D'ailleurs vous savez, on a beaucoup discuté
du fait que ça allait passer à
45 tous les deux mois parce que ça va nous obliger quand
on a des questions qu'on
46 arrive pas à...à...comment dire ?Quand y a des
patients qui nous posent problème,
47 ça va nous obliger à stocker des questions, des
questionnements et voilà...on arrive
48 pas à en débattre seuls sans l'aide de
l'intervenante qui a un regard très important
49 sur le travail qu'on fait...(silence)
50 En quoi consiste ce regard ?
51 Elle nous apporte...de nous aider à
réfléchir et à comprendre comment
52 euh...comment avancer dans le soin avec certains patients qui
nous posent
53 problème et aussi comment avancer
ensemble..Déjà, c'est un temps qui est que
54 pour ça, hein, quand on est habitué à
courir partout...non, on arrive nous à prendre
55 du temps quand même pour parler entre nous mais
là on sait que c'est que pour ça
56 et ça nous aide à avoir un regard...bon, c'est
quand même...un spécialiste, un
57 psychothérapeute qui ne nous, qui ne connait pas le
patient, qui le connait que par
58 ce qu'on en dit et ça nous aide à affiner notre
euh...la façon dont on parle du patient,
59 ça nous aide à approfondir, à poser les
questions, vraiment, à...plus finement hein,
60 pour qu'elle voit de qui on parle, quelle est la pathologie
dont on parle...Voilà, donc,
61 ça nous aide à nous poser des questions
euh...au-delà de celles qu'on peut se poser
62 initialement, voilà, et à..à trouver des
réponses ensemble...à développer quelque
63 chose de commun dans nos décisions...Ca
fédère l'équipe, ça c'est clair, c'est sûr
!
64 Alors, on décide à l'avance de ce dont on a
envie de discuter (ça aussi ça nous fait
65 parler) mais tout est possible au moment de la supervision je
veux dire, si j'ai moi un
66 questionnement, si j'avais éventuellement un
problème de fonctionnement avec les
67 autres, je pourrai...oui, je pourrai, mais c'est quand
même pour nous, ici, un outil de
68 travail avant tout. C'est pas forcément un
régulateur d'équipe, ça peut, mais c'est un
69 outil de travail avant tout. C'est assez spontané
d'ailleurs pendant les séances, on
70 s'adresse comme on veut, soit à elle, soit entre nous
mais elle, elle est là pour nous
71 aider à avoir... nous ramener à la clinique,
hein, elle a un regard de clinicienne et elle
72 nous ramène à la clinique à travers ce
que nous on en dit, donc, c'est vrai que... en
73 même temps c'est un moment qui nous permet d'être
toutes ensemble en même
74 temps...c'est précieux, voilà...et puis... ce
qu'il y a, c'est que ça permet d'être
75 écouté, et ça, entre nous, c'est
fréquent, mais au dessus...au dessus, c'est plus
76 difficile hein...Au niveau du service, c'est plus difficile
d'y arriver parce que les
77 réunions institutionnelles sont plus rares, voir
zappée, voir... non, donc pour faire
78 vraiment du travail clinique, c'est...la supervision nous
manquerait si on nous la
79 supprimait hein....ça c'est sûr. Oui, parce qu'on
a une réunion par semaine pour
80 normalement parler des patients, faire de la clinique avec le
médecin chef et...la
81 psychologue du service... et c'est le médecin chef qui
s'occupe de l'animation...et
82 c'est différent de l'intervenant dans la supervision
parce que elle c'est une oreille
83 spécialisée, d'accord ? Donc le médecin
chef, oui, c'est elle, c'est elle qui prend cette
84 place là, enfin, quand elle est là, si elle est
as appelée ailleurs... Ce qu'il y a, c'est
85 qu'avec ce médecin chef là, c'est facile de
s'exprimer...le problème, c'est qu'elle est
86 pas souvent là, elle a beaucoup beaucoup de
tâches qui l'appellent ailleurs et euh...il
87 nous manque la régularité...sinon, oui, c'est
quelqu'un avec qui on arrive à
88 s'exprimer quand même et...voilà. (grand
silence...)
89 Vous avez l'impression de développer des
connaissances, capacités ou
90 compétences à travers la supervision
?
91 Moi je pense que...ça m'a aidé euh...pour
l'avoir pratiquée dans divers endroits
92 euh ...effectivement, soit fonctionner en équipe,
soit...euh...quelquefois juste à vider
93 mon sac quelquefois à...à moi me...mieux
réfléchir sur la façon dont j'appréhendais
94 les soins avec un patient, euh...ça...ça
m'apporte différentes choses selon les lieux
95 déjà où je l'ai utilisée, j'ai
travaillé en CATTP où on était complètement
abandonnés
96 par les instances du service quoi...il fallait qu'on se
débrouille parce que c'était la
97 dernière roue du carrosse du service et grâce
à la supervision, l'équipe tenait le coup
98 sinon, voilà, là pour le coup, en supervision
,on faisait de la clinique et on faisait
99 aussi du « replâtrage » d'équipe quoi,
on essayait de tenir entre nous grâce à, grâce
100 à cette supervision qui était hebdomadaire,
hein, donc c'était, c'était bien (sourire).
101 Là, c'est encore autre chose ici, ça m'aide
à euh.., ça m'aide à parler de patients
102 quand je comprends pas complètement euh...quelle est
la... en fonction des
103 questions que je me pose ou des réponses que j'ai
pues avoir envers lui...voilà, ça
104 m'aide à rectifier mon attitude euh...sur, vers
certains patients. Ca peut m'aider aussi
105 à me positionner envers mes collègues aussi
hein, oui, oui. J'entends par là, ben, on
106 est pas toujours d'accord sur les façons de
fonctionner donc ça peut aider à se dire
107 des choses oui, voilà hein à ce dire des choses
à moment donné même si c'est vrai
108 que dans cette équipe on arrive à s'en
dire...c'est vrai qu'il y a aussi des non-dits, il y
109 a aussi...et ça peut être aussi le moment
de...de mettre à plat des choses voilà quoi,
110 qui ont pas été dites entièrement
quoi...(grand silence...)
111 Est-ce-que ça vous ennuie si on revient sur le
CATTP deux minutes ?
112 Non, non !
113 Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par
« replâtrage » ?
114 Euh...Il se trouve que les CATTP sont des lieux de soins un
peu en souffrance dans
115 les institutions hospitalières parce que...parce
qu'il y a une telle pénurie de
116 personnel, une telle pénurie de moyens que...petit
à petit les équipes ont été
117 réduites hein. Donc sur le CATTP, on s'est
retrouvé plus que trois, il y avait presque
118 plus de temps de réunions
euh...médicales...euh, donc le CATTP tournait grâce à
119 cette petite équipe d'infirmiers et bon, ben
là, il fallait vachement se débrouiller,
120 même le cadre était éclaté parce
que bon elle avait des fonctions éparpillées donc il
121 fallait se débrouiller et là, c'était
pas forcément une équipe qui était harmonieuse, et
122 la supervision nous a aidé à régler des
choses et à continuer à fonctionner voilà,
123 hein, alors elle nous aidait sur le plan clinique mais elle
nous aidait surtout sur le plan
124 du fonctionnement purement et simplement de l'équipe.
Ca permettait devant le
125 superviseur de euh...se dire ce qu'on avait essayé de
se dire dans la semaine mais
126 qui avait été « crac » barré
et donc ca permettait de régler des conflits, de passer à
127 autre chose, de continuer à travailler ensemble,
voilà...sans en passer par la rupture,
128 et l'incompréhension totale.
Voilà...régulateur de conflits, régulateur de parole,
129 régulateur de communication dans l'équipe,
hein, à ce moment là, ca peut, ca peut
130 avoir ca, bien que sa fonction première c'est euh...ca
peut être ca aussi...
131 On parlait de vos compétences...avez-vous
l'impression que votre équipe (au
132 complet) en développe aussi ?
133 Oui, oui ! Oui je pense oui...eh ben déjà, la
capacité à...à...s'écouter, à se
respecter,
134 à...à utiliser ces temps là pour se dire
des choses euh...vraiment, de l'ordre du
135 travail et...alors pas forcément de l'ordre personnel,
c'est pas le lieu hein, voilà, c'est
136 autour du travail mais...autour du travail pouvoir se dire
à ce moment là hein « ben tu
137 vois quand tu t'es comporté comme ca avec tes
patients, hein, ca m'a gênée
138 euh... », ya peut-être qu'à ce moment
là qu'on peut se le dire ca, voilà. Donc ca voilà
139 hein, y a ca et aussi ca aide à...à se poser
des questions sur la prise en charge,
140 c'est pas facile la prise en charge des patients, y en a qui
nous, qui nous posent
141 problème, ca aide aussi et en même temps que ca
nous aide, ca développe des
142 compétences pour cerner comment aider tel patient
à tel moment, comment
143 comprendre vers quoi il faut aller, ca développe les
compétences de se poser des
144 questions, de...d'une facon différente. Ca permet de
prendre du recul...(silence)
145 Est-ce-que vous aimeriez que les médecins
participent ?
146 Non, non pas du tout ! Vraiment pas, parce que je pense que
selon le médecin, c'est
147 toujours pareil, c'est...selon la personne hein qui serait
là, ah il y aurait un
148 verrouillage de la parole infirmière...Non, non, non,
c'est pas du tout la place du
149 médecin, non... (réfléchis) Alors, avec
le médecin avec lequel je travaille, je dirai oui,
150 hein, parce que c'est quelqu'un qui est, qui est
bienveillante, qui...qui nous respecte
151 donc avec elle, oui, le problème c'est qu'elle aurait
pas le temps, donc voilà, c'est
152 clair, oui, donc avec le médecin avec lequel je
travaille oui, avec le médecin chef
153 actuel oui, avec d'autres médecins, je me serai
absolument pas vue pouvoir faire ce
154 travail là...
155 Les médecins,
non. la
psychomotricienne et les éducs spé ?
156 Ah ben eux c'est différent, elles sont dans
l'équipe ! Elles sont dans l'équipe
157 soignante ! Donc la question se pose pas, elle font partie de
l'équipe et de toutes
158 facons, ca fait partie de quand on postule pour
l'hôpital de jour, on sait qu'il y a la
159 supervision qui est incontournable, ca fait partie de notre
travail, c'est pas t'y a envie
160 d'y aller ou t'as pas envie d'y aller, c'est tu y vas, ca
fait partie du travail !
161 C'est imposé ?
162 Oui, on peut le voir comme ca, ca fait partie de ce qu'on
demande à une infirmière
163 qui veut travailler en hôpital de jour ou au CATTP de,
oui, on vient là aussi pour aussi
164 utiliser tous les outils qu'on donne, qu'on nous donne. De
même qu'on peut pas se
165 soustraire aux réunions de service, ben.. on nous
demande de nous engager pour ce
166 travail de supervision sinon, c'est pas la peine de
venir...Il faut s'approprier ce temps
167 là. Je le vois vraiment, la supervision comme un outil
de travail, un outil de travail
168 multidirectionnel hein ? A moment donné il va me
servir moi personnellement à
169 avancer heu...dans des doutes , dans des...où je me
suis sentie pas à l'aise avec tel
170 patient, j'ai fait telle réponse, ca me permet d'en
reparler à moment donné hein, c'est
171 un soutien personnel, une remise en question personnelle.
Bon, à d'autres moments,
172 ca va être à travers heu...la discussion sur des
patients ca va permettre à ce dire
173 des choses entre nous même si c'est pas le but premier
mais ca va quand même
174 permettre ca l'air de rien, de se dire des choses, bon et
l'autre direction ,c'est
175 carrément travailler sur la clinique, moi ca m'apporte
tout ca !
176 On a parlé de positionnement tout à
l'heure, vous entendez quoi par là ?
177 Ben peut-être à moment donné ca peut
permettre l'air de rien que euh...que chacun
178 a son rôle à jouer...aussi...mais je crois que
ca permet aussi de s'engager, ca
179 permet de s'engager, oui ! Alors, ici c'est clair, c'est un
engagement obligatoire, dans
180 l'intra, moi je me souviens c'était pas obligatoire.
Je sais pas où ca en est
181 actuellement mais dans le service où j'étais,
puisque chaque service fonctionne
182 différemment, c'était pas obligatoire. On
était un petit noyau à trouver ça intéressant
183 et y en avait toute une partie pour qui c'était du
travail en plus, voilà, et c'était
184 dommage parce que alors ça clivait l'équipe
déjà, elles avaient l'impression qu'on
185 faisait du zèle en y allant, hein, euh...qu'on faisait
plaisir à l'infirmière euh...à la
186 cadre supérieure, enfin etc, alors que y voyaient pas
que c'était un outil ! Un outil de
187 travail qui pouvait leur apporter et qui pouvait les aider
à, à s'engager dans leur
188 boulot d'une façon différente quoi,
plutôt que de râler « on a pas les moyens, on a
189 pas ceci, on nous respecte pas..., bon enfin blablabla. Va
plutôt te poser les
190 questions sur ton boulot, ce que tu peux en faire, ce que tu
peux en dire et voilà, non,
191 je pense que ça apporte de l'engagement (ton
insistant)Ouais...De la remise en
192 question, de soi aussi.
193 Vous disiez que ça avait scindé
l'équipe...
194 Ouais...A cette époque là, ça avait
scindé l'équipe : y avait ceux qui y allaient et ceux
195 qui y allaient pas et ça se ressentait dans le
quotidien...
196 Quelque chose à rajouter avant de nous quitter
?
197 Sur la supervision...Je pense que ça peut faire peur
à des gens qui croient qu'y faut
198 avoir une compétence de plus pour y aller ? Or, y a
pas besoin de compétences
199 particulières, je pense que ça a à voir
avec les...comment dire ? Avec l'envie qu'on
200 peut avoir d'avoir un regard sur ce qu'on fait, voilà.
C'est...ce regard là, il permet de
201 se questionner tout le temps sur notre pratique
infirmière, sur...mais c'est...c'est en
202 lien direct avec le soin, voilà. C'est un moment
privilégié mais indispensable, moi je
203 crois vraiment que c'est indispensable d'avoir ce temps de
réflexion, de
204 questionnement et donc de retour, hein, parce que c'est pas
qu'un mur, elle nous
205 aide réellement à affiner nos questionnement et
à affiner des attitudes qu'on peut
206 avoir.
207 Merci beaucoup !
Annexe II
Entretien de Marguerite
En gras : questions et relances de
l'entreteneur
En clair : réponses de Marguerite.
EN MAJUSCULE : élément perturbateur malgré
le fait que l'entretien se déroule dans un bureau porte
fermée.
Entretien de Marguerite, IDE.
Durée : 38 minutes
1 D'après vous, quels sont les apports du
dispositif d'intervention pour
2 l'équipe ?
3 Euh...Donc déjà de pouvoir se questionner et de
se retrouver en équipe et de
4 pouvoir se questionner ensemble avec un tiers extérieur
qui nous aide à réfléchir sur
5 les problèmes qu'on peut rencontrer au niveau de
l'équipe ou au niveau des
6 patients !, Donc ça c'est bien d'avoir un tiers parce
que on le fait entre nous déjà
7 mais c'est bien d'avoir une personne neutre qui puisse nous
aiguiller, nous faire
8 cheminer dans nos réflexions...surtout ça et
euh... et en fait j'ai toujours travaillé
9 avec une supervision depuis l'école d'infirmière
donc j'imagine pas travailler
10 sans...Je pense que dans tous les services, y a besoin de
toujours se remettre en
11 question, de savoir où on va, d'éviter de faire
euh d'aller dans la mauvaise direction,
12 donc toujours se requestionner et de ne pas s'enfoncer dans
les problèmes et les
13 non-dits entre nous ou avec les patients ou de pas être
d'accord sur les prises en
14 charge, je pense que c'est de toutes manières
obligatoire pour nous. Enfin pour moi
15 personnellement, je pourrai pas travailler sans.
16 J'ai connu la supervision quand j'ai travaillé en
intra, je l'ai connue aux urgences
17 psychiatriques quand j'ai travaillé aux urgences et
ici et pendant l'école d'infirmière,
18 pendant les trois ans : on avait une supervision après
chaque mois de stage.
19 Vous pourriez revenir sur l'équipe et les
non-dits ?
20 Ca nous aide à poser ..., à poser les
problèmes, à poser les...les difficultés qu'on
21 rencontre avec un patient...euh...poser les
différences d'opinions aussi, même si on
22 arrive ici à le faire euh...en équipe, y a eu
d'autres services où je suis passée avant
23 où c'était plus difficile et du coup le tiers
ça aidait plus à faire verbaliser chacun. Il a
24 un rôle de distribution de la parole et de
réflexion et euh ... il nous donne des pistes
25 pour élaborer un p'tit peu..., pour pas rester à
un niveau...enfin, comment dire ?
26 enfin, rester sur ses positions en fait, ne pas essayer de
voir les positions de chacun
27 donc il aide à faire circuler cette réflexion et
cette parole. (silence)
28 Vous voulez dire qu'il aide à être mieux
écouter ? que c'est plus facile qu'en
29 dehors des séances ?
30 Ici, non, on est autant écouté pendant les
séances qu'en dehors, peut-être parce
31 qu'on est une petite équipe et que du coup on parle
assez régulièrement dans la
32 journée mais c'est vrai que dans d'autres services
où on était une plus grosse
33 équipe, et puis j'avais moins d'années de
diplôme aussi, peut-être que ça me
34 permettait de...de pouvoir m'exprimer plus pendant les
supervisions ; justement
35 parce qu'on a chacun le superviseur qui nous donne la
parole...tandis que dans les
36 grosses équipes, ben des fois il y en a qui la prenne
plus, d'autres qui la prenne
37 moins. Par contre ici, non pas du tout...enfin ici ça
circule bien donc euh...sûrement
38 à cause du nombre...aussi la personnalité des
gens, moi je pense que c'est un tout.
39 Le nombre il joue mais là où j'ai
rencontré le plus de difficultés, c'était en intra,
alors
40 qu'aux urgences il y avait moins de difficultés mais on
était quand même beaucoup,
41 simplement y a aussi les personnes...
42 Vous dites beaucoup « ici », vous y
êtes bien ?
43 Oui ! on est pas tous pareil, heureusement mais on a des
valeurs communes. Mais
44 par contre, on est pas tous pareil. On a chacun un
vécu, nos personnalités donc bon,
45 heureusement, on est toutes différentes pour pouvoir
travailler avec les différents
46 points de vue. Non, par contre, au sein de la supervision, on
arrive à bien parler de
47 nos différents points de vue parce que des fois on est
pas du tout d'accord euh...sur
48 un patient ou sur une question du quotidien voilà. On
est pas toutes pareilles.
49 (silence) Ce qui est dommage, c'est que les médecins
viennent pas, ça m'aurait
50 jamais dérangé, j'aurai
préféré même qu'ils y participent mais je sais pas
pourquoi ça
51 se fait pas en fait. Peut-être que c'est pas parler,
peut-être qu'ils veulent pas, peut-
52 être que y a des réticences aussi de notre
côté mais je pense que ce serait important
53 de pouvoir tous y participer ensemble. Enfin ça me
dérangerait pas du tout, ça
54 permettrait d'avoir d'autres points de vue, d'avoir un point
de vue médical, de pouvoir
55 parler de..de patients de manière plus approfondie
parce que ils font de moins en
56 moins de réunions cliniques. Il faut pas que ça
devienne une réunion clinique mais
57 peut-être partager plus de choses et ici c'est vrai que
les médecins on les voit très
58 rarement donc euh...peut-être que ça aiderait
à beaucoup mieux se connaître, mieux
59 communiquer entre nous euh...et puis pour le patient y aurait
une meilleure prise en
60 charge...Après y faut que tout le monde soit
d'accord...
61 Mais bon, ils respectent que ce soit un temps pour les
équipes et puis je pense qu'ils
62 se sont jamais posé la question... (grand silence)
63 La supervision, elle influe sur votre positionnement
ou celui de vos collègues ?
64 Y a peut-être des gens qui arrivent mieux à
parler que d'autres mais bon ça...ça
65 simplifie en fait, c'est plus facile de parler en supervision
qu'en équipe sans le tiers
66 en fait. Enfin, moi ça m'aide parce que c'est vrai que
je suis...des fois j'ai du mal
67 à...à exprimer mes opinions parce que je suis
dans une équipe où elles sont plus
68 anciennes que moi, on a pas forcément le même
diplôme...euh...elles ont plus
69 d'expérience...enfin souvent je me mets plus en retrait
tandis qu'à la
70 supervision...ben ça m'aide un peu à être
moins en retrait justement...même si au
71 quotidien elles m'écoutent mais c'est plus moi qui
m'efface en fait...
72 Donc il y a une différence entre les
séances de supervision et le quotidien ?
73 Ben maintenant moins. Au départ oui mais depuis qu'il y
a la supervision ici...ben du
74 coup ça m'a aidé dans le quotidien à
prendre plus la pa.., à prendre plus de
75 place...enfin, plus la parole, plus affirmer mes
opinions...J'ai ma place...(silence)
76 Votre place...vos rôles ?
77 Ben ici on travaille au niveau de référence,
donc on est deux référentes d'un patient.
78 Donc c'est vrai qu'on s'occupe de tous les patients mais
principalement les patients
79 qu'on a en référence, donc ça on le
respecte de toutes manières...Même si en
80 supervision on parle d'un patient même si on est pas
référent on a le droit de donner
81 notre avis...de...etc...heureusement ! Mais on respecte le
travail de l'autre et ça
82 nous aide la supervision...même si avant la supervision
y avait hein ! Ca a peut-être
83 augmenté mais ça y était...En tous cas,
tout le monde y va volontiers...
84 Ces années de supervision, vous avez
l'impression qu'elles vous ont permis
85 de développer des connaissances, des
capacités ou des compétences
86 nouvelles ?
87 Déjà ça aide à travailler aussi
sur soi parce que je pense que quand on...on est tout
88 seul face à la maladie (et notamment mentale)...on a
aussi besoin d'en parler et
89 même si on en parle en équipe ben...ça
aide comme je vous disais tout à l'heure
90 d'avoir un tiers...ça m'a apporté des
compétences plus cliniques parce que en
91 supervision on parle...clinique et que ben.. en
réunion avec les médecins...ça y en a
92 de moins en moins...on parle des problèmes du
quotidien et la clinique bon on la
93 passe un peu à l'as donc c'est vrai que ça a
aidé sur ce plan là...et euh...ben
94 pendant les études d'infirmières ça a
aidé à...à appréhender les difficultés
après en
95 intra ben...ça a été une manière
là, de m'intégrer plus facilement dans l'équipe,
96 après ben quand j'étais aux urgences ben on
vivait tellement des situations difficiles
97 que de toutes manières on avait besoin d'en parler
entre nous et avec un tiers qui
98 nous renvoyait des choses positives ou négatives mais..
;des choses aussi à
99 travailler personnellement...enfin il nous renvoyait bon ben
personnellement il
100 faudrait travailler sur ça mais là on peut pas
le faire en supervision et...telle situation
101 t'a renvoyé tel truc donc peut-être travailler
sur ça donc ça aide aussi au niveau
102 personnel, au niveau de l'équipe et au niveau aussi
de l'encadrement des élèves
103 parce que, parce qu'on comprend mieux les choses et euh...et
on arrive mieux à
104 s'apercevoir des difficultés qu'ils peuvent avoir
aussi. Plutôt que d'être dans sa bulle
105 et de faire son travail et ben... et de pas aller plus
loin...(silence)
106 Qu'est-ce-que vous voulez dire par « être
dans sa bulle » ?
107 Ben...ça permet d'aller vers l'autre, voilà,
aller vers l'autre et que l'autre vienne vers
108 nous aussi. Moi j'ai connu des collègues qui
voulaient absolument pas aller en
109 supervision parce que elles voulaient pas livrer leurs
sentiments et elles avaient pas
110 envie d'écouter non plus ceux des autres...
111 Et qu'est-ce-que vous en pensez ?
112 Je respecte aussi parce que bon on est tous différents
donc euh...je peux
113 comprendre qu'y ait des gens qui aient plus de mal
à...à verbaliser leurs émotions,
114 leurs affects, ce qu'ils ressentent...Voilà
peut-être par peur d'être jugé...ou...faut
115 aussi qu'y ait une confiance énorme dans
l'équipe pour pouvoir avoir une supervision
116 parce que...voilà...moi les fois où j'ai
rencontré ça c'est...c'est ben, des collègues
117 qui bon peut-être en voyaient pas la
nécessité, qui aussi avaient des difficultés avec
118 d'autres collègues donc ça a créé
des tensions dans l'équipe et euh...voilà, c'était
119 pas parlé et la supervision n'était pas faite
pour ça donc euh...Mais je pense que si
120 elles avaient franchi le pas ça aurait pu
réduire ces tensions...Je pense que ça aurait
121 crevé l'abcès et
qu'après...peut-être que les personnes auraient changé de
services
122 ou se seraient comportées différemment mais en
tous cas y aurait eu quelque chose
123 de positif parce que...ça peut se sentir...Les
patients ils le sentent hein quand y a
124 des personnes qui sont pas sur la même longueur d'ondes
et bon...ils en jouent pas
125 mal les patients ça aussi...Mais bon je pense que
ça aurait été positif mais
126 après...chaque personne choisi d'y aller ou pas. Ici
par contre, on se bat pour qu'on
127 l'ait toujours surtout parce que y en a moins que avant que
j'arrive déjà. Moi quand
128 j'ai postulé ici, c'est moi qui ai demandé
quand j'ai postulé, j'ai demandé à mes futurs
129 collègues « est-ce-qu'il y a une supervision ou
pas ? » mais sinon...
130 Vous ne vous en passeriez plus ?
131 Non ! je m'en passerai plus non, sinon je verrai quelqu'un
à l'extérieur une fois par
132 semaine pour pouvoir travailler mais c'est vrai que c'est pas
la même chose bon ! On
133 travaille plus sur soi et ses réactions mais on peut
pas travailler avec et sur celles
134 des autres. La supervision, c'est bien parce que c'est le
groupe et que ici le groupe
135 c'est très important ! 9a a des effets sur le
personnel et sur le collectif. Le collectif en
136 tant que soignant mais sur le collectif des patients aussi je
crois. Je pense que si on
137 a pas les mêmes visions...bon ben quand on a fait une
séance de supervision on a
138 d'autres points de vue sur le patient...on pense d'autres
choses...C'est bien aussi
139 pour le patient, c'est positif...on a le point de vue de
chacun, on....c'est mieux quoi...
140 On a parlé de vous... de vos
compétences. Est-ce-que vous pourriez me dire ce
141 qu'il en est au niveau de l'équipe
?
142 Ben déjà, on se connait mieux ! on se connait
mieux les unes les autres don
143 euh...chacune apporte des compétences aux autres et on
en crée de nouvelles
144 justement en discutant sur les cas des patients, sur nos
problèmes
145 respectifs...etc...Voilà, donc c'est que du
positif...Enfin, je pense que c'est que du
146 positif de mieux se connaître, personnellement de mieux
connaître l'autre, de mieux
147 connaître ses réactions...Du coup, c'est que
positif pour les patients...Ca...ça
148 accentue la cohésion d'équipe en fait....En
fait, c'est parce que la parole elle
149 circule...elle circule déjà mais c'est un plus,
donc elle circule encore mieux...Du
150 coup, on...on va plus se rapprocher, on va avoir une
cohésion plus importante et du
151 coup, du coup le patient il est vraiment au centre de
ça et les autres petits problèmes
152 on oublie. Du coup, c'est vraiment le patient qui va passer
en premier...ça permet de
153 se recentrer sur l'important...et oublier les petits
détails et les petits détails on les
154 règle et après on peut se concentrer sur le
patient.
155 QUELQU'UN FRAPPE A LA PORTE. L'ENTRETIEN EST SUSPENDU
QUELQUES
156 SECONDES...
157 On parlait donc de cohésion...
158 Ah, oui ! Ben donc, il y en avait déjà mais
ça a aidé à...à encore plus de cohésion
159 mais à part ça je me rappelle plus ce que je
disais !
160 Est-ce-que vous pouvez me parler de votre mode de
fonctionnement dans
161 l'équipe ?
162 Ben...déjà on a pas les mêmes
diplômes...les infirmières elles ont tels trucs, la
163 psychomotricienne elle a tel truc et les éducs
spé, ils ont tels trucs...après on a des
164 trucs en commun psychomot, infirmières et
éducatrices mais euh...tout est
165 déterminé à la base...on se marche pas
trop dessus parce que c'est bien organisé
166 donc on se marche pas dessus...chacun sait ce qu'il a
à faire donc euh.. .non,non,
167 on se marche pas dessus. Puis au niveau
référence par exemple, c'est que les
168 infirmières qui sont référentes d'un
patient, pas la psychomotricienne ni les éducs
169 spé, par contre au niveau des ateliers...y a des
ateliers qu'on peut...ou c'est la
170 psychomotricienne ou que les éducs qui les font et
nous on les fait pas du tout...y a
171 des ateliers où c'est que infirmier et y a des
ateliers où ça peut être ou la psychomot
172 ou nous...
173 « Nous », c'est les infirmières,
vous vous comprenez toujours ?
174 Ben... on parle « clinique », enfin, j'en reviens
sur le fait qu'on parle plus clinique, on
175 a une trame commune au niveau clinique mais sinon
après euh...(silence)
176 « Une trame commune au niveau clinique... ?
»
177 Je sais pas enfin quand on prend des signes cliniques ou une
pathologie, on
178 comprend tout de suite on a pas à demander à la
personne « qu'est-ce-que tu
179 entends par là ? » ou « qu'est-ce-que tu
entends par ci ? » ? On se comprend quoi
180 voilà, on a les mêmes definitions, à peu
près...Après si c'est pas exactement on en
181 discute ensemble...quand on dit tel patient il est comme
ça, voilà, en general on a
182 toutes compris...(grand silence...)
183 Si ça ne vous ennuie pas, je voudrais bien
revenir un peu sur votre supervision
184 en intra...
185 Ben... la difference fondamentale, c'est que ici tout le
monde est ok pour avoir une
186 supervision et qu'en plus on est une petite equipe, donc on
est oblige d'être soudee,
187 sinon ça se ressent encore plus et euh...en intra
où y a une enorme equipe, y a des
188 gens qui sont pas d'accord pour la supervision...qui croient
que ça va être repete à
189 l'exterieur...y a des gens qui sont d'accord...on se voit pas
tout le temps, y a un turn-
190 over assez important dans les equipes, y a des gens qu'on
voit jamais tandis
191 qu'ici...on se voit tout le temps hein...5 jours sur 5
quasiment hein vu que on doit
192 être toujours cinq et que on est huit...ça
laisse pas beaucoup de marge de
193 manoeuvre donc on a interêt à s'entendre avec
nos differences parce que sinon ça
194 se ressentira encore plus...
195 Dernier point, je voudrais revenir sur les
réunions cliniques et sur la différence
196 que vous y mettez avec la supervision...
197 Ben justement, vu que on a pas vraiment de reunions
cliniques, la supervision des
198 fois elle devient clinique parce qu'on en a besoin mais en
même temps la supervision
199 on y met un petit peu ce qu'on veut quand on veut...Quand on
a besoin de quelque
200 chose, qu'il nous manque quelque chose, on va le chercher
où on peut...Donc
201 ben...on le cherche plus en supervision..pour nous faire
euh...pour nous faire
202 progresser sur les cas des patients, pour nous faire evoluer
tandis que comme
203 normalement on a une reunion clinique tous les jeudis et que
c'est tout sauf clinique
204 il faut bien aller la chercher quelque part donc euh...Oui...
c'est tout sauf
205 clinique...c'est euh...on va parler d'autres problèmes
de l'intra...on va passer très
206 vite sur les patients bon « il a tel traitement donc
c'est bien, ça marche ! » mais après
207 ben la clinique, on l'oublie un petit peu...Donc on essaye de
le travailler avec notre
208 psychologue mais on aimerait bien des fois le travailler avec
le médecin parce que
209 ça pourrait nous aider mais comme elle est toujours
overbookée, ben...on travaille
210 avec la psychologue et avec la dame qui nous fait la
supervision...voilà. Et comme y
211 a pas de problèmes de fond dans l'équipe, on a
pas besoin de parler des
212 discordances qu'on pourrait avoir entre nous, ou très
peu de temps en temps...alors
213 on passe à autre chose, on passe à des
problèmes plus cliniques. Je pense que si
214 on avait des soucis entre nous...peut-être que... en
intra par exemple on parlait plus
215 des soucis dans l'équipe...de la place de
chacun...mais moins des patients ! C'est
216 toujours différent en fait, on parle de ce dont on a
besoin de parler... En intra c'était
217 pas pareil, à l'école aussi et
voilà...c'est un outil qu'on s'approprie donc
218 euh...(silence)
219 Vous avez quelque chose à rajouter
?
220 Si on pouvait en avoir plus, ce serait bien ! (rires) 1 par
semaine ! Non, j'en demande
221 trop là...Mais bon, là on va avoir une heure
tous les deux mois donc ça fait un peu
222 chaud là...Alors qu'on avait une heure par mois... et
avant que je sois là, c'était plus
223 encore ! C'est dommage...c'est pas remplaçable...il la
faut cette personne qui fasse
224 pas partie de l'équipe, qui fasse pas partie de
M...(l'établissement), qui soit
225 neutre...ouais....elle apporte un peu de renouveau, elle est
pas dans les problèmes
226 de l'hôpital, elle s'en fout, elle passe outre, elle se
centre vraiment sur nous, sur les
227 patients et quand on fait des réunions avec d'autres
personnes mais qui font partie
228 de l'hôpital, y a toujours les problèmes de
l'hôpital, des services.. qui viennent
229 parasiter tandis que là t a pas. Y a pas parce que
justement elle est hors de
230 l'institution, donc elle est hors tous ces
problèmes...Elle est là pour nous et après
231 pour les patients, mais l'institution elle s'en fout quoi
(rires)...tant qu'elle est payée
232 (rires).
233 Merci beaucoup !!!
Annexe III
Entretien de Violette
En gras : questions et relances de
l'entreteneur
En clair : réponses de Violette.
Entretien Violette. Psychomotricienne
Durée : 43 minutes
1 D'après vous, quels sont les apports du
dispositif d'intervention pour
2 l'équipe ?
3 Alors d'abord il faut savoir que j'ai été
intégrée dans une équipe infirmière et
4 éducateurs, ce qui est un peu original pour une
psychomotricienne qui
5 habituellement viennent un peu pour des groupes, pour des
prises en charge
6 individuelles. Là je suis vraiment
intégrée à l'équipe. Euh...donc la supervision
moi
7 j'en avais jamais eue dans le cadre des...de l'endroit ...de
tous les différents endroits
8 où j'ai travaillé. Maintenant ça fait 25
ans que je travaille en psychiatrie :
9 pédopsychiatrie et psychiatrie adulte et euh...donc
j'avais jamais bénéficié de ce
10 qu'on appelle ici la supervision euh...donc euh...je savais
pas trop, je connaissais
11 des collègues qui elles faisaient de la supervision en
dehors de leur travail sur
12 euh...enfin en fait par des psychanalystes qui eux faisaient
de la supervision à
13 l'extérieur donc, et elles payaient pour ça et
euh...au niveau de la ; de tout ce qui
14 était vraiment service hospitalier, y avait pas de
groupe de supervision. Euh...donc
15 le...j'savais pas trop en fait à quoi ça
correspondait, moi en fait individuellement,
16 j'avais jamais eu, ressenti le besoin d'aller voir dans ces
groupes de supervision
17 extérieurs qui regroupaient par contre que des
psychomotriciens et qui étaient faits
18 par des psychomotriciens qui étaient psychologues
analystes et euh...voilà donc
19 quand je suis arrivée ici les infirmières m'ont
dit ben écoutes, tu fais partie de
20 l'équipe, tu viens avec nous ! (rire) Donc
voilà, donc j'ai un peu découvert c'qu'était la
21 supervision ici, hein, euh...donc je trouve ça
très intéressant donc, ca qui est sûr,
22 c'est qu'ici, ça manque de temps de travail clinique,
c'est-à-dire qu'il y a un gros
23 travail clinique qui se fait mais, on a assez peu de temps
pour pouvoir en...reprendre
24 ça avec la psychologue, le psychiatre...essentiellement
donc on reprend ça entre
25 nous, mais c'est pas la même chose...voilà. Donc
c'est vrai qu'il y a une grosse
26 demande de la part de l'équipe d'avoir des temps
où on peut un peu se dire les
27 choses...bon, par rapport au patient, aux prises en charge et
aux difficultés qu'on
28 peut rencontrer, voilà. Donc euh...donc au début
c'était un autre psychanalyste qui
29 intervenait, c'était un homme, j'sais plus comment y
s'appelait euh...Alors, moi c'que
30 j'trouve...enfin j'pense que ça a un peu le
côté original ici , c'est qu'on fait pas mal de
31 clinique au sein de la supervision et par exemple, on va pas
aborder des difficultés
32 mettons qu'on aurait entre nous euh...au niveau de
l'équipe ou des choses comme
33 ça. Ca peut se faire mais à partir de
difficultés qu'on a dans la perception d'un patient
34 ou on dit ben « tiens, toi tu le perçois comme
ça mais moi je le perçois comme ça »
35 ou « mais toi...c'est parce que dans ton
métier...t'as ta façon de faire avec lui, tu vas
36 plutôt être comme ça, moi j'suis
plutôt comme ça » enfin, vous voyez, c'est plutôt
37 dans ca style là de...au niveau du travail euh...autour
d'un patient en particulier mai
38 c'est vrai que euh... les difficultés qu'on peut
rencontrer éventuellement entre nous,
39 c'est pas à la supervision qu'on en parle. On en parle
entre nous en fait. Et j'pense
40 aussi peut-être voilà, y a des gens qui sont
très différents des autres, donc très
41 complémentaires donc de ce fait là...mais par
contre on se respecte complètement
42 quoi ! Donc, j'pense que c'est intéressant parce que de
ce fait là on se dit les choses
43 tout de suite quoi. Quand y a des trucs qui vont pas on s'dit
« mais attends ! pourquoi
44 ça j'comprends pas ! » mais bon, après
allez hop on s'explique. Donc c'qui fait qu'il y
45 a pas de... Peut-être aussi parce qu'on est une
équipe 9h 17h peut-être hein. On est
46 une petite équipe et on est sur le même temps de
travail, on est pas certaines du
47 matin, d'autres d'après-midi etc...donc ça,
ça favorise certainement la cohésion
48 mais aussi les gens eux-mêmes disons qu'il y a pas
d'éléments ni pervers ni
49 euh...j'sais pas quoi qui...L'équipe, c'est tous des
gens assez francs, donc des fois
50 ça pète...des fois on est pas d'accord, on se le
dit mais c'est pas grave, on travaille
51 bien ensemble quoi (rires) Voilà, donc la supervision
euh...moi ça m'a aidé à
52 plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs
reprises par rapport à des fois où
53 j'comprenais pas...j'me disais ben, bon là y s'passe
telle chose avec tel patient et je
54 ne comprends pas euh...euh...j'arrivais pas à
comprendre pourquoi quoi ! Et la
55 supervision m'a toujours aidée...
56 Pourriez-vous me dire comment ?
57 Ca m'a aidé euh...en apportant...une analyse autre !
C'est-à-dire un regard peut-être
58 ben auquel je m'attendais pas, une chose à laquelle
j'avais pas pensée et la
59 psychanalyste elle me disait « mais, mais peut-être
ça,ça... » et j'disais « ah ben oui,
60 ça j'y avais pas pensé ». Effectivement,
ben euh...fin bon en amenant comme ça des
61 éléments euh...et j'pense que effectivement, du
fait qu'elle est psychanalyste, elle a
62 une...une écoute et un regard différent. Par
exemple, je sais plus, y avait un patient
63 qui jouait du violoncelle et euh...j'disais «
voilà, ce patient il fait beaucoup de
64 musique etc... » et puis...et puis je disais qu'en
faisant l'évaluation de la
65 psychomotricité, j'avais vraiment un sentiment que ce
monsieur avait été blessé au
66 fond de lui-même quoi, qu'il avait été
même peut-être euh...abusé ou enfin, il avait
67 une attitude par rapport au corps...de méfiance, de
repli, de, enfin on sent que c'était
68 quelqu'un qui...bon avait été frappé ou
voir violé et euh... ou en tous cas abusé, fin,
69 parce que j'ai pas mal travaillé dans une consultation
avec des gens comme ça et
70 euh...j'trouvais qu'il y avait des similitudes. Et euh...donc
elle, elle nous a demandé
71 de reprendre un peu son histoire... et en fait, ce monsieur il
a fait une première
72 décompensation lorsqu'il a fait un concours de
violoncelle où il est arrivé deuxième et
73 il voulait arriver premier. Il a complètement
décompensé, il s'est mis à délirer etc...Et
74 elle, par exemple, elle a dit, oui, « viol-oncelle »
enfin, elle a amené un élément
75 auquel moi j'avais pas du tout pensé par rapport au
violoncelle, hein. Et
76 effectivement, là elle a fait un lien qui m'a
interrogé ! hein. Parce que c'est un patient
77 qui ne veut plus jamais jouer de violoncelle...et qui,
très souvent dans les groupes,
78 différents groupe soit de lecture, soit de, aborde des
histoires de viol, parle beaucoup
79 de...justement des abus, de viol etc... Et elle bon l'histoire
du violoncelle, c'est vrai
80 que...Elle disait « bon, ben, y a le mot viol dans
violoncelle » . Enfin...vous voyez, ce
81 genre de choses...
82 Vous avez insisté sur le fait que vous
êtes psychomotricienne, vous pourriez
83 m'en dire un peu plus ?
84 Oui. Ben...moi...je le sais, on est pas pareilles, ça
c'est sûr...j'pense que euh...les
85 infirmières le ressentent aussi puisqu'on en a
déjà parlé mais euh...oui, c'est sûr ! j'ai
86 pas le même regard. Par exemple...ici, on fait le repas,
on met la table avec
87 euh...donc on a des petits groupes comme ça et puis
tour à tour chacune on est
88 responsable des repas. Et, moi au début je me suis dit,
« bon psychomotricienne,
89 j'vais préparer le repas, où est ma
spécificité ? ». Fin, parce que quand on est
intégré
90 dans une équipe, j'suis pas intégrée
pour être infirmière alors que je le suis pas. Je
91 suis psychomotricienne, voilà, donc,
forcément...voilà, mon travail, moi, comment je
92 me situe par rapport à ça. Et en fait,
ça a été très clair tout de suite en fait c'est
les
93 patients surtout qui...qui vont chercher là nos
compétences à chacun et donc y a un
94 patient, il mettait la table un peu, ben voilà,
n'importe comment, il mettait une main là,
95 le verre là-bas et puis euh...les infirmiers elles
disaient < Mais non, X, non, ça c'est
96 là bas, l'assiette là, les couverts et
tout». Mais bon, en fait, moi j'ai dit
97 < mais...comment...quelle est la forme de la table ?
». Donc j'ai fait une référence à
98 la notion de perception de l'espace et en fait, ce monsieur,
il percevait pas qu'il y
99 avait un rectangle, il percevait pas qu'y avait un cercle.
Fin, voyez, il avait de grandes
100 difficultés en fait à percevoir la notion de
l'espace. Donc j'ai fait un travail avec lui,
101 voilà bon...repérer les deux grands
côtés, les deux petits côtés...etc...et quand on
102 s'assoit, on est en face de quelque chose et puis se
repérer, en fait, il avait des
103 grosses difficultés de repérage dans
l'espace...Bon, voilà un exemple...
104 Chacun sa place dans l'équipe...
105 Oui. Les autres sont très demandeuses et très
à l'écoute de ça, donc j'ai pas besoin
106 de...enfin, au sein de la supervision, ça apporte une
richesse de l'équipe
107 pluridisciplinaire parce que bon effectivement en fonction,
bon ici on a pas d'aide-
108 soignante, en fonction de la formation de chacun, on va avoir
un regard, peut-être
109 un peu différents et complémentaires. Donc
ça, ben c'est intéressant mais c'est vrai
110 que c'est pas..ben, disons que la supervision ne me permet
pas particulièrement
111 de...Quoi que si j'avais eu des difficultés
d'intégration dans l'équipe, oui. Sûrement.
112 Parce que quand même, ça permet d'entendre les
spécificités de chacun, ça c'est
113 sûr, mais euh...c'est que dans c'cadre là que
ça se fait. Enfin...ça apporte aussi
114 euh...du temps ! qui est réservé à
l'échange et qui est réservé à la...à la
pensée et à
115 comprendre la pensée de l'autre, à
élaborer soi-même sa propre pensée et à, à
116 écouter celle de l'autre. C'est-à-dire que y a
des fois, on va dire... < ben tiens, y a
117 ça, y a ça », parce qu'on est dans le
bureau et que bon y a pas de souci, on va
118 l'aborder, mais on va pas prendre le temps, on aura pas assez
de temps pour
119 pouvoir se dire les choses, de dire < bon,
euh...pourquoi, toi, tu perçois les choses
120 comme ça et moi autrement? » et < pourquoi
à ce moment là, ce patient là il a eu
121 telle réaction comme ça? » et...fin, donc
les relations, elles sont euh...ben c'est un
122 temps de relation en fait (rires) la supervision. C`est un
temps vraiment qui est
123 réservé à l'échange, à la
relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre. C'est pas
124 uniquement un temps d'expression. Mais bon, c'est vrai, y a
plus d'écoute pendant la
125 supervision...Ca c'est sûr, c'est pas de notre
volonté, hein. Les gens demandent que
126 ça d'écouter, mais euh...on a pas assez de
temps pour ça ! Donc c'est vrai que
127 euh...la supervision, c'est aussi...puis euh...une personne
qui est extérieure, hein,
128 donc qui va pas être impliquée directement dans
le travail thérapeutique et
129 qui...justement va nous donner un regard un p'tit peu
différent, on va mieux...ça va
130 nous permettre de prendre un peu de distance. Ca va... Et
puis de nous mettre en
131 lien, ça va... des fois on voit les choses
différemment et puis la psychanalyste, elle
132 dit << ben, c'est normal, parce que ce patient
là il est comme ci il est comme ça, et
133 puis avec vous il est comme ça, avec vous il va
être comme ça et c'est bien comme
134 ça ! » (rires). Il y a aussi cet aspect
là, hein. C'est...c'est pas la pensée unique hein,
135 donc on est vraiment dans le...justement, le vrai temps
d'échange, hein.
136 Ce « vrai temps d'échange », il vous
permet quoi ?
137 Ben...il permet...il favorise le dialogue, il permet de se
comprendre mieux. Mais bon,
138 encore une fois, c'est vrai qu'on attend pas forcément
après la supervision pour ça.
139 Mais c'est plus facile... Mais bon on fait, par exemple, on
essaie de faire un travail
140 sur le projet du service etc...Bon, euh...mais en même
temps, avoir des idées...fin,
141 partager des choses communes oui, au niveau du but...du
travail qui est toujours
142 thérapeutique mais maintenant euh...y a des fois , y a
des choses, moi j'me dis
143 << ouh là...pffff ». J'vois une
infirmière qui fait un truc, j'fais <<ouh là ! » et
puis parce
144 que moi j'aurai pas fait comme ça puis après
je...donc j'interviens pas, j'laisse faire,
145 puis après j'vais me rendre compte que c'est vrai
j'serai pas intervenue comme ça,
146 n'empêche qu'elle, elle est intervenue comme ça
et que ça a fonctionné. Donc
147 euh...c'est des choses...vous voyez, c'est au niveau d'un
langage commun, j'pense
148 qu'on a pas forcément un langage commun dans les
personnes qui travaillent ici et
149 pourtant, j'pense que c'qui est important, c'est ce respect
du travail de l'autre quoi.
150 Hein, et...les différences ont de l'importance, par
exemple , moi j'ai eu beaucoup de
151 mal une fois y avait un patient qui voulait pas aller en
sortie, c'est moi qui faisait la
152 sortie etc...et il voulait pas y aller, et je le sentais
très angoissé, il me disait << non,
153 non, j'veux pas y aller, j'veux pas y aller !!! » et
donc moi j'étais prête à ne pas
154 l'emmener, parce que j'ai dit moi j'veux pas lui faire
violence et y a une infirmière qui
155 est arrivée et qui a dit « Allez ! Hop ! C'est
l'heure ! Allez, Hop ! Vous allez à la
156 douche ». Et alors moi j'étais...j'me suis dit
« oh la honte ! ». Bon, et finalement, il est
157 venu à la sortie et ça s'est très bien
passé. Donc moi j'aurai jamais été capable de le
158 faire parce que je ressentais ça comme une virulence
parce qu'il était angoissé et
159 l'infirmière, elle, elle savait ce qu'elle faisait
quoi ! Donc elle a été jusqu'au bout du
160 truc et le patient il est venu et ça s'est bien
passé. Donc, ça c'est des choses
161 qu'on...enfin, moi j'pense que j'apprends en travaillant avec
des gens qui ont pas la
162 même formation que moi et...et c'est vrai que j'pense
qu'une psychomotricienne ne
163 ferait jamais ça. Quelle qu'elle soit mais,
voilà, une infirmière y a une autre...peut-
164 être une autre formation, ça veut pas dire que
toutes les infirmières feraient ça, hein,
165 mais en tous cas, là, voilà. Donc, là on
était pas sur un truc commun là, avec elle,
166 maintenant n'empêche que je suis pas intervenue, j'ai
laissé faire, je lui ai fait
167 confiance en fait, hein. Et puis ça s'est bien
passé. Voilà, donc des fois c'est des
168 choses comme ça qu'on reprend en supervision pour
être sûr que les choses ont
169 bien été euh...comprise ...
170 Ca vous a à aidé à vous
intégrer cette supervision ?
171 Euh... Oui, oui parce que en fait, au début, moi,
quand je suis arrivée ici, il y avait 5
172 temps infirmiers et les trois éducatrices et euh donc
en fait la direction et la direction
173 du service avait décidé qu'il y avait une
infirmière qui partait, qu'il n'y airait plus
174 quatre temps infirmiers puisqu'ils avaient des
difficultés à recruter en intra-hospitalier,
175 donc, ils voulaient laisser quatre infirmières. Et
puis bon, ben il s'est trouvé que moi
176 j'faisais une mutation professionnelle. Et bon, j'ai...un
certain bagage on va dire en
177 psychiatrie adulte et ça les a
intéressé. Et du coup, ils ont, ils m'ont proposé de
venir
178 sur ce temps infirmier. Donc c'était pas simple parce
que, ni pour les infirmières ni
179 pour moi, bon euh...ça leur a été
imposé en fait, ça je le savais pas (rires) C'est-à-
180 dire que l'équipe n'a pas été
préparée, hein, du jour au lendemain, on leur a dit
181 « bon, écoutez, soit vous restez à quatre,
soit vous serez quatre plus une
182 psychomotricienne. ». Boum ! Donc euh...Ouf !
c'était pas évident mais bon, quand
183 je suis arrivée ici, il y avait des tracts syndicaux
contre l'embauche d'une
184 psychomotricienne qui fera pas le travail d'une
infirmière, et effectivement, c'est vrai
185 (rires). Donc euh, voilà, hein, ça a pas
été simple au départ parce que l'équipe
était
186 en grande souffrance et les infirmières, elles
étaient vraiment en souffrance, elles
187 avaient vraiment le sentiment qu'on leur avait fait un enfant
dans le dos quoi,
188 que...mais bon, c'qui était super, c'est que tout de
suite elles m'ont dit tout de suite
189 on a absolument rien contre toi en tant que personne ni
contre l'embauche d'une
190 psychomotricienne bien au contraire, mais par contre qu'on
nous mette une
191 psychomotricienne sur un temps infirmier, ça
euh...voilà, hein ! Moi, j'avais l'esprit
192 tranquille parce que je savais que de toute façon, ils
mettaient pas d'infirmière à ma
193 place si j'y étais pas donc j'avais pas le sentiment
de prendre la place de quelqu'un
194 etc..quoi hein. Donc c'était, pour moi c'était
clair dans ma tête sauf que pour elles,
195 elles le voyaient pas bien sûr de cet angle. A l'issue
finalement, ce qui a été
196 intéressant c'est que s'est posée la question
dès l'arrivée de la référence des
197 patients. Moi j'ai dit « non hein, ça c'est pas
mon travail ça, je sais pas faire d'abord».
198 Une psychomotricienne référente, non, enfin,
moi la connaissance que j'ai du métier
199 d'infirmier, c'est pas ça, surtout en psychiatrie,
enfin bon, du coup, là on est tombées
200 sur des bases communes et j'pense que ça c'est quelque
chose que les infirmières
201 ont pu dire en supervision hein, la difficulté que
ça représentait pour elles euh...de
202 ben d'intégrer quelqu'un qui faisait pas le même
métier, qui avait pas le même
203 regard, de pas avoir été consultées par
les instances supérieures, qu'on leur ait pas
204 demandé leur avis enfin bon voilà. En fait on
est tombé là sur un terrain vraiment
205 d'entente quoi parce qu'elles ont vu que moi justement je
voulais absolument pas
206 prendre la place d'une infirmière (rires) que
c'était pas du tout ça, voilà, moi je suis
207 psychomotricienne et je le reste et je crois que justement
ça a permis parce qu'à ce
208 moment là, y s'trouvait que moi je coordonnais un
numéro parce que je suis au
209 comité de rédaction d'une revue de
psychomotricité qui s'appelait « le corps
210 psychiatrique » et je voulais faire un numéro sur
l'intérêt de la cohésion et de la
211 coopération dans l'équipe pluridisciplinaire et
donc je leur ai sit « et ben si vous
212 voulez, on écrit un article ensemble sur
l'intégration d'une psychomotricienne dans
213 une équipe infirmière et justement
l'infirmière référente etc...Et donc rn fait, de là
est
214 parti tout un travail. Y a eu toute une journée sur la
référence infirmière etc...Enfin,
215 elles avaient déjà écrit des trucs sur
la référence, elles m'ont pas attendu mais c'que
216 j'veux dire c'est que du coup tout ça ça a
été repris en supervision mais aussi sur
217 d'autres temps et on a écrit, voilà on a
écrit sur notre travail en commun etc...Donc
218 euh...Et la supervision a aidé les infirmières
à imposer des choses que visiblement
219 les autres n'avaient pas envie d'entendre. Donc moi j'ai pu
aussi, c'était important
220 que je l'entende aussi et qu'elles me le disent et c'est
c'qui fait je pense d'ailleurs que
221 le fait qu'elles aient pu déposer un peu tout ca.
Parce que quand je suis arrivée ici, il
222 y avait deux maladies, il y en avait une en congés,
enfin c'était la « bérézina »,
223 l'équipe était complètement
explosée et et ils étaient sous le coup de massue là,
et
224 puis la psychomotricienne au milieu, « qu'est-ce-qu'on
va en faire ? » enfin, c'était un
225 peu la panique, la crise identitaire par rapport au
métier etc...Donc le fait de jeter un
226 peu les choses pendant la supervision , ca permet de
finalement accepter l'autre en
227 tant que...en tant que ce qu'il est, parce que ca permet de
dire des choses, de
228 déposer des choses, de dire qu'elles en avaient marre
de pas être consultée, qu'on
229 les mette devant le fait accompli que... et ca, ca a pu
être entendu. De toutes facons,
230 sous l'attention bienveillante de la personne qui faisait la
supervision. Les autres, la
231 cadre sup etc...ne pouvaient pas entendre ca. Moi ca m'a
été dit « vous verrez,
232 l'équipe ca va être difficile, ca va être
difficile parce que elles ont peur du
233 changement etc »...en fait c'était pas ca, elles
avaient pas été préparée au
234 changement. Et c'est justement parce que c`est une
équipe très professionnelle,
235 qu'elles voulaient pas que les choses se passent comme ca
quoi. Moi ca me parait
236 tout à fait normal. Donc en fait, finalement, au bout
du compte on s'est soutenu
237 mutuellement c'est-à-dire moi j'ai soutenu
l'idée qu'effectivement j'voulais pas
238 remplacer une infirmière et que ce qu'elles
disaient... elles disaient que ca leur avait
239 été dit comme ca : « la psychomotricienne
elle pourra tout faire comme vous sauf
240 les médicaments ! » donc j'comprends qu'elles
aient eu un peu peur donc là après
241 quand on a travaillé ensemble ben elles ont vu que
c'était pas ca quoi.
242 En fait, vous avez appris en travailler en commun
?
243 Moi oui, ben oui, il faut dire ca développe des
compétences quand même. Bon à
244 chaque fois on apprend des choses donc euh...moi je suis
toujours intéressée
245 pour...enfin, je pense que la remise en question, j'dirai que
dans notre métier voilà
246 hein...quand on fait nos études etc...on fait beaucoup
par exemple de pratique
247 corporelle et là, justement on est confronté
à notre propre agressivité, à nos propres
248 angoisses, on nous met en situation pratique physique et
mentale de, hein, donc on
249 a dans notre formation, on est habitué dans notre
fonctionnement thérapeutique à
250 toujours se remettre en question , à mettre à
distance ou a s'dire ben tiens ce patient
251 là il a l'âge de mon fils ou de ma fille, enfin
c'est un recul que j'dirai de par ma
252 formation , je sens que je l'ai plus que les
infirmières, je vois bien, tout de suite ça
253 c'est sûr mais donc ça, c'est pas ça que
ça m'apporte, ça m'apporte au niveau de
254 l'élaboration, c'est-à-dire de la
compréhension et des choses et de pouvoir aller plus
255 loin dans mes interprétations, dans mes comment dire ?
d'aller plus loin dans mes
256 pensées en fait, voilà. Parce qu'à la
supervision, ça va aller poser encore d'autres
257 questions que moi j'ai pas, on va jamais assez loin nous
hein, on est que des
258 individus en fait. Donc ce regard extérieur va aller
pousser l'autre dans ses
259 retranchements et moi, franchement ça m'a aidé,
oui, oui oui. Y a plusieurs fois, au
260 moins deux ou trois fois, j'étais vraiment...j'me
disais : « mais qu'est-ce-qui se passe
261 là ? Pourquoi ci pourquoi ça ? et en fait,
vraiment après la supervision je me suis dit
262 « mais oui, bien sûr ! » Du coup ça
m'a facilité mon travail...parce que quand y a un
263 mal-être, notamment lié au travail ou à
l'équipe, c'est-à-dire que... mettons, si... si
264 mon intégration s'était mal passée,
s'était pas bien passée, que j'ai eu une hostilité
265 de la part des autres etc... J'pense que c'est des choses que
j'aurais pu aborder en
266 supervision. Maintenant, si c'est un mal-être qui est
lié complètement à autre chose,
267 des choses personnelles, un deuil ou je sais pas quoi, des
problèmes de couple
268 etc... là non, c'est pas l'endroit. Par contre, dans
l'équipe oui. Mais la seule chose
269 qui est embêtante c'est que l'équipe elle est
pas vraiment au complet.
270 Vous pourriez m'en parler un peu plus longuement
?
271 Elle est pas vraiment au complet parce que des fois y a des
gens qui sont pas là
272 ou... et puis il y a pas la cadre, il y a pas le
médecin, il y a pas le psychologue, il y a
273 pas, fin. Je trouve que ce serait intéressant,
j'trouve que c'est...oui, oui,oui. Alors des
274 fois aussi, c'qui pose question, c'est aussi la
présence des élèves. La première
275 année où j'étais là, y avait une
élève psychologue qui était là et euh...enfin des
fois,
276 c'est un peu...J'trouve la supervision c'est un moment
d'intimité. Donc, oui,
277 personnellement, je serai assez d'avis que les
étudiants ne participent pas à la
278 supervision, j'sais pas ce qu'ils en font, enfin,
voilà. J'vois pas ce que ça leur apporte
279 vraiment, si ce n'est de voir et d'écouter mais...
parce que comme on en a une tous
280 les deux mois, les élèves qui restent un mois,
quatre semaines, etc, enfin,bon, moi je
281 sais que j'avais une élève psychomotricienne
qui est restée quinze jours en
282 stage...bon, comme les autres élèves venaient,
les infirmières m'ont dit « allez, tu la
283 fais venir à la supervision », bon, elle est
venue à la supervision, elle a posé des
284 questions intéressantes etc...fin
c'était...j'trouve que...voilà. Ca pour moi, c'est pas
285 évident. Mais bon, c'est pas la même chose,
j'trouve que c'est bien. Les gens qui ont
286 un travail thérapeutique ensemble...par exemple, la
cadre sup' j'vois pas c'qu'elle
287 viendrait y faire, les gens qui sont au chevet du malade, si
j'puis dire, je... si on avait
288 un ergothérapeute, ça serait important qu'il
soit à la supervision, si on avait un kiné,
289 si on avait enfin je sais pas ... Oui, c'est important, parce
que c'est ce qui relie les
290 gens...surtout quand on travaille avec des psychotiques,
enfin, c'qu'y est très
291 important, on passe notre temps à faire du lien. Donc
euh...Il faut faire du lien autour
292 du patient, c'est-à-dire enfin moi c'est toujours ce
que je dis aux étudiants : »vous
293 pouvez être une super psychomotricienne, si vous
n'êtes pas capables d'entrer en
294 communication avec les gens avec qui vous travaillez, de dire
ce que vous faites,
295 pourquoi vous le faites, comment vous le faites,
qu'est-ce-qui s'y passe, les
296 échanges, les difficultés etc...C'est nul,
ça marche pas, parce qu'on rentre dans un
297 clivage, euh...où il va y avoir, enfin j'pense un,
faut pas trop qu'il y ait de...
298 de...comment dire ? Faut que ce soit un partage. Pour moi
c'est un partage,
299 j'envisage pas de pouvoir faire des séances sans en
parler aux infirmièreset aux
300 éducatrices , ça a aucun intérêt
quoi. (rires) Dans ce cas là, on prend un cabinet en
301 libéral, on travaille en ville mais
l'intérêt de l'équipe c'est justement ça, on a envie
de
302 partager des choses, comme ça plus avec le
médecin, le psychologue qui eux aussi
303 connaissent le patient. Ils le voient dans un cadre
différent et comment ça se passe
304 et comment ça se dit, qu'est-ce-qu'on en comprend et
puis, etc... Donc c'est vrai que
305 nous on est sur le terrain 8 heures par jour, eux ils sont
pas là toute la journée. Mais
306 c'est pas grave, ils connaissent le patient, ils s'en
occupent quoi ! Donc pour moi, la
307 boucle n'est pas bouclée (rires). C'est, c'est
très intéressant notamment au niveau
308 de l'équipe elle-même déjà, mais
bon, ce serait important qu'il y ait d'autres gens,
309 d'autres membres de l'équipe mais vraiment les gens
qui sont dans une relation
310 transférentielle avec le patient. C'est pour ça
que j'dis que les étudiants, pour moi, ils
311 y ont pas trop leur place. Il faudrait appartenir à
l'équipe pour y aller...parce que ça
312 m'a permis justement euh... ben encore une fois un temps
d'écoute. En fait, on peut
313 dire les choses, par exemple, j'ai pu dire « Ah ben
tiens, tu as vu l'évaluation, on a
314 fait comme ci, on a fait comme ça, donc
forcément de faire découvrir un peu mon
315 travail ,d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce
qui s'y fait, comment ça se fait
316 etc... Donc forcément, ça facilite
l'intégration , parce que du coup les infirmières, elle
317 parle du travail : « pourquoi je suis là ? A quoi
je sers ? etc...Cest que souvent, j'me
318 souviens y a un psychiatre qui m'avait dit : « j'aimerai
bien être une petite mouche
319 dans une salle de psychomotricité pour voir ce qui s'y
fait ». Et j'avais beaucoup
320 réfléchis à ça parce que je
m'étais dit « mais c'est vrai que Bon, la
psychomotricité,
321 en plus, c'est le travail du corps et le corps, par rapport
à l'histoire de la psychiatrie,
322 c'est quand même quelque chose de... de très
tabou, de très, voilà hein. Alors,
323 c'qu'on a comme point commun, avec les infirmières,
c'est que justement, elles
324 travaillent aussi sur le corps, au niveau du corps, c'est les
infirmières et euh...à un
325 autre niveau, c'est vrai, mais là, il y a plein de
points communs. Donc euh... on parle
326 même langage hein. Mais par exempla avec une
psychologue, ça va être différent ,
327 mais son regard va quand même être
intéressant hein. Sur le corps des patients,
328 c'qu'elles vont pouvoir en dire...enfin etc... On
perçoit mieux ce qu'on fait au
329 quotidien... (silence)
330 Quelque chose à rajouter ?
331 Non, non, non... (elle est pressée)
332 Merci beaucoup alors...
Annexe IV
Entretien de Lila
En gras : questions et relances de
l'entreteneur
En clair : réponses de Lila.
Entretien Lila.
Educatrice spécialisée
Durée : 40 minutes
D'après vous, quels sont les apports du dispositif
de supervision pour l'équipe ?
Moi je démarrerai par deux choses très
distinctes c'est qu'il y a d'abord l'idée, la représentation de
ce qu'on se fait, chacun, de ce qu'est une supervision et la
réalité très concrète sur le terrain.
C'est-à-dire que bon bien sûr dans nos formations on entend parler
de supervision de c'que c'est, de c'que ça peut apporter, de tous les
éléments de bienfait, ben pour l'équipe, pour chacun
individuellement et puis euh.. ; après, pour les patients quoi. Et en
fait, on se rend compte que entre les représentations et la
réalité, y a un grand, bon... un grand écart
c'est-à-dire que moi, à l'heure actuelle, mes questionnements sur
la supervision ils sont toujours un peu les mêmes, c'est-à-dire
que je trouve que c'est important, que c'est même primordial cela dit je
suis pas sûre que même si le dispositif est mis en place ça
devient intéressant parce que bon voilà, on a les moyens, c'est
prévu, c'est très formalisé au niveau de la str...enfin,
au niveau du calendrier...Les gens de l'équipe pour la plupart, ils sont
présents, mais je suis pas sûre qu'il y ait un investissement
réellement euh... j'vais dire personnel quoi . C'est très... au
niveau de l'individu, j'pense qu'on a du mal malgré tout à...
à vraiment aborder les questions qui nous touchent au plus profond quoi.
Donc là euh...si je suis un peu le parcours de, parce que moi je suis
ici depuis le début de l`ouverture du service , et on a pas toujours eu
le même superviseur. Y a eu plusieurs temps, très
différents les uns des autres quoi, dans la supervision mais euh...
toujours on se confronte aux mêmes problèmes, c'est que...la
parole elle a mieux circulé à un moment donné y a eu ce,
ce...temps où les débuts c'est toujours un peu pareil...chacun se
jauge un peu, on essaie de voir qu'est-ce-qui s'y passe parce que moi je crois
que c'est une confiance aussi qui
se crée dans un groupe quoi. Et donc euh...si cette
confiance n'est pas là, forcément on peut pas euh... se laisser
aller parce que le principe premier, c'est d'arriver à exposer au regard
de ses pairs ces difficultés vraiment individuelles au travail
quoi...face à un patient, face à un comportement, enfin, à
un regard, à de la violence, enfin, ça peut être dans tout
ce qui touche à la relation quoi. Donc euh... ya eu plusieurs moments
j'disais donc euh... on a atteint un certain niveau degré de confiance
et par contre, à chaque fois qu'il y a eu une nouvelle personne, ou
alors un stagiaire quel qu'il soit, quand ça bouge dans l'équipe
quoi, à chaque fois qu'il y avait une nouvelle personne ou chaque fois
qu'il...y a du mouvement, moi j'trouvais que...qu'il y avait à nouveau
à réexpliquer ca qu'on y faisait dans ce temps de supervision, y
avait à nouveau ce temps de confiance à remettre en route quoi.
Et donc c'est compliqué et puis après j'pense que la supervision,
y a tout les effets à l'intérieur qu'y a dans un groupe hein,
c'est-à-dire avec des gens qui prennent plus facilement la parole... et
des gens qui mènent plus facilement des sujets... et donc enfin, y a des
rapports euh...j'dis pas de force parc'que c'est quand même assez serein
ici, c'est tranquille, on communique bien, mais y a quand même ceux qui
prennent beaucoup de place et ceux qui arrivent pas trop à imposer la
leur quoi. Donc euh... c'est compliqué, c'est euh... c'est une gestion
de groupe à mon avis et justement la personne qui supervise, c'est une
personne qui travaille au niveau du groupe donc euh... qui travaille beaucoup
en psychanalyse et qui essaie de faire émerger des choses de ...du
groupe, de l'équipe quoi. Elle a une formation psychanalytique mais elle
a une formation de travail aussi sur le groupe, sur la notion de groupe, de
collectif donc tout ce qui se passe dans un groupe euh... le leader, le bouc
émissaire, enfin tous ces trucs là... Bon après, c'est
elle qui en a une analyse plus fine que moi mais disons que... elle elle est
formée à travailler avec des groupes et avec tout ce qui se passe
d'interactions dans un groupe... Alors... elle nous en fait un rendu... pas
final après telle ou telle supervision, c'est pas comme ça que
ça se passe, c'est pas très formalisé, mais bon... au
moment de certains questionnements, quand ça apparait, quand ça
réapparait, elle nous pointe beaucoup sur euh...sur les
phénomènes qui ont pu se produire... A tel moment, on parlait
beaucoup beaucoup de ça... y avait beaucoup de
problèmatiques...j'sais pas moi, que ce soit envers les médecins
ou envers telle ou telle personne ou tel ou tel patient...Donc elle essaie
aussi de nous faire prendre conscience de c'qui se passe dans notre «
groupe équipe » quoi. Donc, c'est très complexe son travail
hein, parce que j'pense qu'en
même temps elle essaie de faire une analyse des
situations qu'on peut amener, en même temps elle essaie de nous amener
des réponses, des éléments de réponse pour nous
aider à dépasser cette situation ou dépasser ou
dédramatiser...enfin, chaque fois ça peut être très
adapté à la situation... et pour nous faire prendre effectivement
conscience de certains de nos mécanismes. Donc euh... parc'qu'y a des
choses...parc'que le plus compliqué, en psy en général,
c'est quand même de rester coincé sur une situation, de rester
bloqué, de pas pouvoir élaborer autour de ça. Donc, elle
c'qu'elle essaie d'impulser chez nous, c'est d'avoir une capacité
de...ben déjà de prendre conscience de c'qui se passe,
d'élaborer, de passer un peu à autre chose...Et puis, j'pense que
ça marche, j'pense que oui... ça nous sert dans le quotidien mais
c'est toujours une reprise après d'équipe... Enfin, on reparle
pas de ce qui a été dit en supervision...ça c'est le grand
critère du secret, ça reste en supervision, hein. Mais, bon,
parfois quand individuellement ou collectivement ou à deux comme
ça on se requestionne sur ce qui a été amené en
supervision, j'pense c'est assez euh...l'élaboration elle continue quoi
; ça s'arrête pas qu'à ce temps là de supervision
mais à mon avis, ça doit être d'abord une démarche
très individuelle quoi. Si chacun n'est pas impliqué dans cette
élaboration là, parce qu'y a une question de remise en question,
si on st pas capable de se remettre en question par rapport à certaines
choses qu'elle a pu renvoyer parfois un peu rudes ou...bon, c'est pas son genre
parce qu'elle est très bienveillante, mais quand même elle peut
renvoyer des choses un peu rudes, pas forcément facile à
entendre... Si il y a pas ce temps un peu de cheminement entre les deux
où on digère un peu les choses, on reprend ça dans sa
tête et on élabore pas autour de ça, j'pense pas que
ça puisse nous servir, j'pense que c'est comme tout type d'analyse,
ça demande du travail, donc c'est un travail en permanence la
supervision. La supervision, elle scande les mois, mais c'est pas qui fait
c'qui est au travail , c'qui fait ce qui est au travail, c'est en soi, c'est et
euh...Et c'est parce que on a pu percevoir qu'il pointait telle ou telle chose
quoi ! Enfin, moi il me semble...c'est mon avis hein. Donc ça
peut...ça peut nous apporter mais j'pense qu'après nous...c'est
peut-être pas quelqu'un d'assez percutant pour nous, j'pense que...il
faut aussi...enfin, elle est très bienveillante, très
gentille...et je pense que à des moments dans les équipes, il
faut savoir euh... faire bouger les choses plus...de manière plus
dynamique quoi. Cela dit, comme je disais, avec les gens qui partent, les
nouveaux, c'est très difficile aussi pour la personne qui vient de
l'extérieur et qui gère entre guillemet notre groupe...Il faut
savoir, qu'à
l'ouverture on nous avait demandé un engagement, un
engagement fin bon... personnel quoi à y participer et tout le monde
était bien d'accord...Mais des fois, on se rend compte que la
supervision, elle est pas toujours investie comme elle devrait l'être...
Donc euh...là aussi, moi j'parle d'engagement personnel à y
être parce que je pense que quand on est inscrit dans une équipe,
qu'on est au travail avec les patients, on a un engagement personnel. Il est
professionnel mais il est aussi personnel et euh...et si on veut continuer
à travailler, c'est dans la supervision qu'on va pouvoir le faire. C'est
un des rares lieus qui nous soient offerts pour continuer ce travail là,
ben là aussi c'est un engagement personnel quoi. (rires) Donc
après à chacun de pouvoir l'investir, bon, je me rends compte que
même en m'y investissant, y a des choses que j'arrive pas à
aborder...(silence)
C'est plus facile de dire les choses pendant les
séances ?
Moi j'trouve oui, j'trouve que ça aide quand
même...Ca aide à communiquer parce que bien souvent y a des
décharges émotionnelles, y a des choses qui ressortent et on
revient, ben c'est là que je parle de la remise en question, on revient
un peu sur soi, sur ce qu'on avait pu penser ou dire, ou...projeter de la
réaction par exemple de cette personne qui s'est livrée et de se
dire « bon, ben effectivement, j'avais pas vu les choses sous cet angle
là », donc ça débloque un peu certaines choses mais
par contre, ça en confirme d'autres...C'est-à-dire que pour des
dysfonctionnements d'équipe, où on voit qu'il ya du mal à
communiquer sur certains points un peu...un peu chaud entre guillemets, comme
le planning des choses comme ça, on se rend compte que certains blocages
y restent et que des fois, pour certains sujets, un peu hors des patients, des
sujets d'organisation ou d'institution, on s'rend compte que... enfin, moi j'ai
l'impression que bon... des fois, on se rend compte que les gens, sur ce genre
de problèmes, elle bougera pas d'un yota quoi...elle est restée
coincée làdessus...mais bon, en même temps, c'est pas
tellement le lieu pour résoudre des problèmes de planning
(rires). Donc on se dit que ce processus qui est engagé, qui est pas
d'une personne en particulier, qui est d'un fonctionnement aussi...Donc
après, la communication autour des patients, oui, ça c'est
sûr, autour euh...autour de la prise en charge et autour vraiment du
soin, ouais, c'est intéressant et c'est euh...ça fluidifie la
communication, ça c'est clair. J'ai l'impression que...ouais, on sort on
a...on a l'impression d'être repulpés, redynamisés (rires),
on va pouvoir faire plein de trucs, on va être parties sur le
même...la même longueur d'ondes on va dire et en
fait, très vite on se rend compte que
ça...pfffff, ça retombe un p'tit peu mais j'pense que c'est
spécifique aussi au fonctionnement du service où euh...où
on est quand même tenu, malgré le fait qu'on soit en psychiatrie,
on est quand même tenu aux décisions médicales et que le
fait que les médecins et le cadre ne participent pas à la
supervision, euh...ne permet pas une communication finalement avec cette partie
là de l'équipe et euh...du coup, euh...voilà, moi j'ai
demandé plusieurs fois à ce qu'ils...j'ai formulé cette
demande pour qu'ils puissent participer enfin à la supervision pour que
ce soit un vrai travail en profondeur de toute l'équipe et pour
l'instant, ben... y a des refus...y a des résistances, je ne sais quoi,
en tout cas, ça se fait pas quoi... et j'aimerai bien oui,
c'est-à-dire que là il y a eu plusieurs périodes, y a une
période où j'aurai pas du tout aimé parce que je me
sentais pas du tout en confiance et que je me disais que pour parler ça
allait être beaucoup plus difficile, ça allait induire des choses
beaucoup plus difficiles et puis au fil du temps, et notamment avec le
médecin actuel, j'me dit que si on en passe pas par là, on risque
effectivement d'être bloqués sur des incompréhensions...sur
ce qu'on vit parfois comme des décisions arbitraires ou je ne sais quoi
parce que euh... parce que parfois on a le sentiment de pas être vraiment
écoutées quoi, sur c'qu'on peut dire des prises en charge des
patients...Bon après euh.. ;j'crois qu'il ya des enjeux autres quoi,
c'est peut-être des enjeux de pouvoir interprofessionnel je sais
pas...Dans l'équipe soignante aussi des fois...mais disons que
euh...comment expliquer ça ? c'est c'que j'disais tout à l'heure,
ça peut arriver sur des enjeux plus organisationnels mais que...j'dis
pas tout le temps, mais la plupart du temps autour des prises en charge, on
arrive quand même à trouver...enfin, une vision commune, quoi on
partage à peu près tous les mêmes valeurs communes autour
de ce qu'est le soin, ce qu'est la psychiatrie, c'que c'est d'être
à l'écoute d'un patient, d'être à l'écoute de
sa famille...Donc, ça c'est des grandes valeurs qu'on partage et
euh...et c'est vrai qu'au niveau médical parfois, mais ne serait-ce que
pour donner un exemple sur une durée de réinsertion, on peut ne
pas être d'accord... Se dire...enfin, pour nous au quotidien, on
perçoit que ce patient, il nécessité peut-être plus
de venir aussi souvent parce que on pense que c'est à l'extérieur
qu'il y a des choses qui peuvent se jouer. Alors, c'est très fin, c'est
très subtil hein, ça peut être sur tel ou tel plan, et
c'est vrai que sur des décisions comme ça, on sent qu'on a pas le
poids quoi. Même si on le dit, même si on en parle, on sent
que...très vite la question qu'on évoque elle est balayée
donc euh...du coup, ça pousse chacun dans des retranchements,
j'trouve...C'est compliqué en même temps, parce
que j'veux dire, on peut pas se substituer aux décisions
médicales hein, c'est pas ça le but. Et il y a quand même,
ça je parle d'un truc qui dysfonctionne mais y a aussi beaucoup de
choses qui fonctionnent bien où la communication elle passe bien, ou les
prises en charge on se met d'accord et ça va...mais euh...notre souci,
nous, c'est qu'on a pas le projet individualisé qui est
formalisé, donc c'est très compliqué de faire une prise en
charge euh...sans projet...Enfin, ça je sais pas si dans d'autres
structures c'est le cas...C'est vrai, c'est ...ben c'est la loi un peu qui nous
y oblige... Qu'est-ce-qu'on projette avec le patient pour cette hospitalisation
quoi. Puisque nous ici, on demande aux patients d'avoir une adhésion,
donc qui di adhésion dit aussi élaborer le projet en commun quoi.
Et comme il est pas formalisé, il se fait au coup par coup...Il pourrait
l'être hein, il existe...Il existe mais il est pas écrit donc
ça crée beaucoup de distancions, justement, entre la vision
individuelle, la vision professionnelle, parce qu'aussi, selon nos formations,
on a des visions très différentes de telle ou telle
problématique et puis...euh...après la vision plus
médicale où...
Vous pouvez m'en dire un peu plus sur ces
différentes visions, formations ?
Ben. Moi là aussi, j'partais plus...Moi, quand j'ai
suivi ma formation, et quand j'ai commencé à venir
travaillé ici, c'est mon premier poste donc, je partais plutôt sur
l'idée d'une complémentarité des fonctions, donc
euh...j'étais vraiment dans le tric euh...voilà, on a tous des
visions très différentes et c'est toute cette
complémentarité là qui va faire qu'on va avoir une vision
globale du patient pour l'aider au mieux quoi. Et en fait, au fil du temps,
effectivement je me rends compte que euh...y a des choses qui sont trop
catégorisées... « non, l'assistante sociale doit faire
ça, ça et ça », mais par contre pour ce qui est
infirmier, éduc, et psychomot, on est tous assez interchangeables, et
ça, ça me gêne un peu quoi. C'est-à-dire que de la
vision que j'avais moi et du projet que j'avais au départ, j'pensais que
la complémentarité elle avait été pensée et
bon, en fait, pas du tout quoi...on est tous interchangeables (la psychomot,
c'est un peu différent d'ailleurs) si ce n'est que les infirmiers
euh...donnent les traitements et nous non. Mais après, au niveau des
fonctions au quotidien, on est tous interchangeables...on a des fonctions
très communes, enfin, c'est un peu la même chose...sauf que, ce
qui voient la différence, ce sont les patients eux-mêmes qui
arrivent très bien à percevoir... Bon peut-être
aussi un peu parfois parce qu'ils connaissent les
éducateurs aussi à l'extérieur dans d'autres structures
mais c'est eux qui souvent pointent les différences, qui savent
très bien... Voilà, mais après, au niveau de l'assistante
sociale, c'est compliqué son travail ici, parce que en fait elle est
à cheval entre guillemets sur plusieurs structures donc euh...là,
son impression, si je peux me faire son porte-parole, c'était un peu de
venir, un peu euh...pas sur commande mais un peu quand on a besoin d'elle pour
un patient alors qu'en fait moi au départ je pensais que
c'était...on allait tous se lier, lier nos connaissances, ensemble, pour
aider au mieux le patient, et puis en fait j'ai l'impression que tout est
très...différencié comme ça... Donc la recherche
d'une pensée commune elle est difficile mais c'est un travail, un
engagement individuel. Ca je le redis quoi, et ça devrait passer par la
supervision, on devrait tous y être, au complet, l'équipe. Ca
serait un endroit où les distinctions ne se feraient plus et on pourrait
se dire enfin « on est tous là dans la même galère
» entre guillemets hein, c'est-à-dire face à un patient en
grandes difficultés avec une pathologie ou des troubles très
envahissants et « qu'est-ce-qu'on fait pour lui quoi ? ». On va
mutualiser tous ben...nos savoirs, nos savoir-faire, nos compétences,
nos modes relationnels avec ce patient pour l'aider au mieux, parce que bon moi
je pars de l'idée, ben c'est très idéaliste encore hein,
mais j'pars de l'idée que si j'ai choisi ce métier c'est pour
aider les patients quoi, c'est pas pour euh...c'est pas pour me targuer d'avoir
telle ou telle formation ou tel ou tel savoir, et c'que j'trouve difficile
parfois dans l'équipe c'est ça quoi. Donc, c'est que parfois
certains peuvent se targuer « oui, moi je sais, moi j'ai la psychanalyse,
moi j'suis Lacanien, moi j'suis ceci moi j'suis cela ». D'accord,
peutêtre qu'on a tous des théories dans la tête mais
concrètement, au quotidien, on est là auprès d'un patient
qui va mal donc bon, « Qu'est-ce-qu'on fait ? ». Est-ce-qu'on arrive
à penser ensemble ou pas ? Et penser ensemble, c'est la supervision bien
sûr, c'est les réunions aussi, c'est les relèves hein. Y a
beaucoup de choses qui se disent et ici on a beaucoup travaillé autour
de thèmes...Y a des réunions, mais tout le monde est pas toujours
là, le médecin, notamment. En ce moment, on travaille encore sur
la notion de référence, et y a beaucoup de choses qui se disent
dans l'équipe et...ça fait du bien, parce qu'on voit que on est
tous dans des difficultés. Les médecins eux-mêmes
parviennent à le dire quand ils sont là quoi. Je pense que dans
des lieux comme la supervision, si tout le monde était présent,
il y aurait déjà plus cet état d'esprit de...ben
d'élaborer en commun quoi. Donc euh...C'est en ça que la
supervision y a la supervision un peu idéale et puis après y a la
réalité, donc
peut-être que...la question va à nouveau se
reposer, je sais pas moi et que on optera pour y être enfin. Et euh...on
verra, ça c'est une discussion à avoir tous...Ca permettrait
peut-être une autre approche clinique qui fera que on travaille
différemment, mais c'est...pas forcément gagné.(rires)
Vous avez quelque chose à rajouter ?
Ben...J'réfléchis...Ouais, j'sais pas, c'est
aussi un moyen parfois de pouvoir dire c'qui va pas à l'extérieur
(de la supervision), et d'essayer de faire un peu un électrochoc quoi.
Le fait qu'il ya ait le superviseur, ça peut canaliser, c'est le bon
moment...On peut dire « bon, il faudrait arrêter les conneries parce
que... ». C'est le lieu hein de toutes façons, maintenant c'est
c'que j'disais au début, on parvient à l'investir cette place
là. C'est très très différent à mon avis
d`une équipe à une autre, d'une supervision à une autre...
Voilà...moi je.... je m'en passerai pas, surtout pas et même
j'dirai que ouais, je souhaiterai quelqu'un qui nous fasse d'avantage
travailler quoi. C'est-à-dire quelqu'un qui...j'adore hein la personne
qui le fait, c'est quelqu'un que j'admire beaucoup, que j'aime beaucoup parce
qu'elle est très très gentille mais euh...mais je me dis que pour
être vraiment au boulot, il faudrait quelqu'un qui nous bouscule
d'avantage et qui nous aide vraiment à nous remettre en question au
niveau de l'équipe quoi...Donc ça non, je m'en passerai pas,
d'ailleurs dernièrement il y a eu des discussions autour de ça,
parc'qu'on nous réduit le nombre de séances bientôt, pour
savoir si les budgets étaient toujours débloqués et
j'commençais à flipper un peu parce que j'me suis dit s'il y a
plus du tout les budgets euh...on risque de nous l'enlever, et ça, non
quoi, parce que j'pense ce serait un...Y a beaucoup de structures qui ne l'ont
pas et ça a tellement une grande valeur.. ;Il faudrait pas ne plus
l'avoir parce que il vaut mieux passer du côté on l'avait pas et
puis on l'a, que l'inverse à mon avis (rires) Ca serait vraiment un
grand manque quoi...Voilà...
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INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE
SANTE
FICHE ABSTRACT
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RESUME DU MEMOIRE DE FIN D'ETUDE
APHM - Hôpitaux de Marseille
Institut de Formation des Cadres de
Santé
IRFSS - 416, chemin de la Madrague Ville 13314 Marseille
Cedex 15
Titre :
L'ANALYSE DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES Un moyen de
« faire équipe » ?
Auteur : STELLA-LYONNET Emilie Promotion 2007 -
2008 Section Infirmier
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RESUME
Le manque de communication interprofessionnelle au sein des
services de soins est un véritable fléau ; il affecte le moral
des équipes, contribue au turn-over des personnels et porte souvent
préjudice aux patients.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les
équipes en termes de communication ? De quels moyens dispose le cadre de
santé pour aider ses collaborateurs à améliorer la
qualité de leurs échanges ?
Notre attention a été retenue par l'analyse des
pratiques professionnelles et plus précisément l'intervention.
En suivant le chemin indiqué par la méthode
clinique, nous sommes allés à la rencontre de « l'autre
» pour identifier les apports d'un tel dispositif sur le terrain.
Les bénéfices nous semblent multiples pour
l'équipe : elle augmente son degré de cohésion par
l'amélioration de la qualité des interactions, le
développement d'une culture commune et d'une remise en question
permanente.
Cette recherche ne prétend pas apporter de réponse
; elle propose un éclairage sur le sujet en vue de susciter le
questionnement.
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Mots clefs :
Equipe - Communication - Interaction - Analyse des
pratiques professionnelles - Intervention - Cohésion
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