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Le féminisme islamique: l'islam "au féminin"-dessous sociologiques et historiques d'un mouvement féministe pour une nouvelle lecture du Coran.

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par Nejwa El Kettab
Université de Picardie Jules Verne - Master 1 recherche sociologie 2012
  

Disponible en mode multipage

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PLAN DU MEMOIRE

Préface

Introduction

? Aspect méthodologique pour l'élaboration du Mémoire de recherche

A/-CONSTITUTION ET PRESENTATION DU FEMINISME ISLAMIQUE

1/ Le féminisme islamique: Un militantisme contre la domination masculine...

? A travers une réinterprétation des textes religieux: « L'ijtihad »

? Prolifération et renforcement de ce mouvement: Interprétation des textes religieux à la

lumière des valeurs républicaines: Revendication de l'égalité et de leur spécificité religieuse.

2/ Un féminisme musulman ou un féminisme en terre d'Islam?...

. Questionnement sur la dichotomie Orient/ Occident
? Analyse des critiques et des discours sur la religion, les femmes et les droits

? Féminisme laïque et féminisme islamique : deux courants différents mais une même motivation et faisant face à des critiques similaires.

B/-FIGURES DE FEMINISTES MUSULMANES:
1/-Itinéraire et parcours intellectuels de ces femmes engagées:

. Fatima Mernissi

Approche sociologique: La sexualité de la femme musulmane comme socle de l'ordre social

traditionnel en terre d'islam.

. Irshad Manji

Une lutte moderniste pour un renouveau islamique.

. Amina Wadud

Un islam au féminin vu par une convertie , une lutte pour une nouvelle lecture du coran

. Shahla Sherkat

Grande figure du féminisme islamique, quand ces revendications soutiennent une totale réforme

politiquo-religieuse.

2/- Des postures différentes adoptées par ces femmes:

? Quelle est l'attitude légitime à adopter?

Être féministe et musulmane: La question du regard et de l'opinion publique sur cette posture intellectuelle.

CONCLUSION:

Comment maintenir une spécificité culturelle en appliquant des concepts de droits humains universels?

Des droits dits occidentaux donc rejetés: Un prétexte pour perpétuer la domination masculine en terre d'islam?

SOMMAIRE

PLAN DU MEMOIRE

i

SOMMAIRE

iii

PREFACE

- 1 -

Méthodologie et Limites

- 2 -

Introduction

- 4 -

A/- Constitution et représentation du féminisme Islamique

- 8 -

1/-Le féminisme islamique : un militantisme contre la domination masculine...

- 8 -

2/-un féminisme musulman ou un féminisme en terre d'islam

- 15 -

B/-Figures de féministes musulmanes

- 23 -

Des postures différentes adoptées par ces femmes

- 47 -

Conclusion

- 52 -

Bibliographie

- 55 -

Remerciements

- 57 -

Résume

- 58 -

PREFACE

Le thème de recherche pour ce mémoire se penche sur un sujet qui alimente encore les débats aujourd'hui et est au centre des polémiques: L'islam et la situation des femmes. Le Mémoire de recherche interroge plus particulièrement les mouvements féministes islamiques reflétant cette fusion entre modernité et anciennes valeurs islamiques. Comment ces mouvements, aujourd'hui nés des transformations politiques et des bouleversements sociaux, dessinent un nouveau paysage pour ces femmes qui tentent de rallier religion et valeurs politique contemporaines.

L'islam étant une religion souvent associé à une force opprimante et assujettissant les femmes au pouvoir patriarcale, devient ici une arme luttant pour l'égalité des sexes et une source sacrée pour ces femmes afin de revendiquer leurs droits. C'est ainsi que se forme l'intérêt de cette étude brisant un a priori mais aussi une manière de voir les réels dessous sociologiques et culturels qui maintiennent le patriarcat concernant la situation des femmes musulmanes: Est ce une question politique? Historique ? Ou s'agit-il d'un pouvoir légitimé inconsciemment par les populations concernées?

Ce sont donc les remises en causes profondes des mouvements féministes islamiques qui nous permettrons de comprendre au mieux les mécanismes qui favorisent cette place particulière qu'occupent les femmes musulmanes dans les sociétés mais aussi dans les esprits.

METHODOLOGIE ET LIMITES

Lorsque j'ai choisi ce sujet de recherche à savoir le féminisme islamique, ce fut le fruit d'une réflexion au cours de laquelle s'est constitué ce choix. J'ai commencé par m'intéresser aux femmes et à la politique dans un pays arabe, plus précisément la Mauritanie dont je suis originaire.

Puis après quelques lectures sur la place de la femme en politique et en me focalisant sur des pays arabo-islamique, l'idée d'une lutte pour l'égalité de ces femmes m'a amené à réfléchir sur les mouvements féministes islamiques. Ainsi, mon objet de recherche s'est constitué au fur et à mesure de mes lectures et de mes recherches autour de la femme musulmane et de son engagement dans la sphère politique et publique. Le mouvement qui reflète selon moi la parfaite combinaison de cette posture est celui du féminisme musulman qui se développe justement depuis une vingtaine d'années mais qui prend ses racines à une époque plus lointaine et qui a été soutenu au départ par des motivations nationalistes.

Étudier les mouvements féministes en eux même dans un cadre d'une enquête sociologique implique d'entrer en contact avec des groupes et des personnes engagées dans de tels mouvements, or ces groupements sont situés au Maghreb et dans d'autres pays musulmans. J'aurais pu me pencher pour l'élaboration de ce Mémoire sur un pays et enquêter auprès de ces femmes engagées, mais étant donné que je suis en France et qu'il faut se rendre à un autre pays pour être sur le terrain, j'ai du abandonner cette idée pour des raisons de faisabilités. C'est ainsi que j'ai abordé ce sujet sous un angle d'approche ne nécessitant pas une présence sur le terrain mais qui demande des recherches bibliographiques et une analyse des discours des femmes concernées par ces mouvements. C'est ainsi que je me suis intéressé à l'élaboration d'un travail qui regroupe l'état actuel du féminisme islamique de manière général (son origine, son Histoire, ses différents discours ainsi que leur socle commun) ; puis dans un second temps tenter de retracer le parcours de quelques grandes figures de féministes musulmanes afin de comprendre leurs réelles motivations: leur parcours social et intellectuel révèleraient selon moi des réalités nous permettant de comprendre leur lutte.

C'est donc un Mémoire bibliographique rassemblant les données essentielles sur ce type de mouvements et de mobilisations qui a encore du mal à asseoir sa place.

Même si mon mémoire de recherche est un mémoire bibliographique, la place de l'observation, du regard porté sur la réalité sociale est central. On pourrait même parler d'observation participante dans la mesure où mon sujet de recherche est intimement lié à mes convictions personnelles. De plus ma posture d'enquêteur se confond parfois avec les idées annoncées par les figures féminines que j'analyse. En effet me considérant comme étant féministe et de confession musulmane, le féminisme musulman et ses portes parole entre en jeu avec ma propre perception des choses. D'une manière empirique je vis ce que c'est qu'être féministe et musulmane ; de part les multiples situations dans lesquels j'ai du défendre des idées féministes fondées sur les écrits religieux islamiques ou plus simplement en tant que musulmane.

C'est à partir de l'observation des réactions qu'ont pu suscitées mes propres idées mais aussi ceux auxquels ces femmes militantes ont été confrontées) qu'une réflexion sur l'image véhiculée par le féminisme islamique s'imposa à moi et me sembla nécessaire. Se pencher sur les portes paroles de ce courant et l'Histoire de ce mouvement est une manière de comprendre les mécanismes qui soutiennent les incessants débats et controverses concernant ce renouveau féministe.

Cette étude étant bibliographique, il n'y a pas de terrains d'observation précis à travers lesquelles j'aurais pu faire des entretiens mais comme nous l'avons précisé c'est un mémoire qui vise plus à construire un cadre théorique afin d'appuyer une réflexion plus profonde l'an prochain en Master 2 recherche reprenant cette thématique de recherche. En effet, l'aspect ethnologique (impliquant une observation directe et des entretiens) pour ce mémoire se limitera à l'analyse ( l'observation) globale de l'actualité et l'analyse de l'opinion publique. Mon expérience personnelle a servit également de point d'appuis dans la façon d'aborder cette étude.

INTRODUCTION

Femmes et Islam voila deux termes suffisant à eux seuls pour nous rappeler les innombrables débats dont ils furent l'objet, les idées reçues, mais aussi les luttes et les tournants historiques qui ont découlé de cette question du genre en Islam. L'intérêt sociologique ici serait pour nous de déconstruire les conceptions que les uns et les autres se font de la femme dans le monde musulman et de tenter de comprendre la réelle relation qu'entretiennent les femmes avec l'Islam. Analyser les mouvements féministes islamiques en passant par un travail d'historicisation de la question nous permettra de comprendre l'état actuel de la situation des femmes dans le monde arabo-musulman. Le féminisme islamique est le reflet parfait de cette confrontation entre le monde moderne laïque et une culture religieuse « archaïque ». La rencontre de ces deux mondes au sein de ces mouvements aujourd'hui nous permet d'entrevoir les dessous sociologiques, politiques et historiques qui régissent les motivations de ces femmes.

Nous savons que partout dans le monde, le patriarcat régit le fonctionnement des sociétés tant au niveau politique qu'économique, le pouvoir est entre les mains des hommes en occident oi l'Islam n'est pas la religion d'État. Ainsi, les mécanismes qui soutiennent la domination masculine ne sont pas imputés à une religion en particulier mais bien à un système qui perdure depuis des siècles. Et c'est dans cet état d'esprit que nous devons tenter de comprendre ce qui rend la femme musulmane aujourd'hui au coeur des débats féministes et des discours luttant contre la discrimination.

Le retour à une réalité bien plus complexe auprès de ces femmes nous permet de voir le rapport qui existe entre la religion et le Droit dans nos sociétés actuelles. Ce qui nous permettra également d'entrevoir oi est aujourd'hui la place de la religion dans les mobilisations sociales. La laïcisation des institutions politiques tend t-elle à homogénéiser les populations de manière à ne plus prendre en compte des revendications d'un groupe dit « religieux ? ».

En nous intéressant ici au cas des femmes musulmanes, cette étude nous invite à réfléchir sur un débat plus large qui porte sur la place des femmes et leur rôle dans la transformation des sociétés contemporaines, mais aussi sur la place des religions dans ces évolutions. Ceci dit, nous allons nous contenter d'étudier le féminisme islamique qui nous apportera sans doute des éléments de réponse à ces problématiques plus larges que nous venons de citer.

Le féminisme en tant que tel s'est développé plus ou moins à l'échelle mondial avec l'arrivée des notions universelles des droits de l'homme et du citoyen. Avec l'émergence de concepts défendant

les droits de l'Homme et aspirant à l'amélioration des conditions de vie humaine, le féminisme constitue ainsi un mouvement en continuité logique avec ces bouleversements sociaux-politiques qu'a connu le monde au cours de ces deux derniers siècles.

La particularité de ce courant de pensée c'est qu'il s'est développé dans des endroits différents à des époques différentes avec des logiques variant d'une région à une autre. En ce sens, il n'y a pas « un féminisme » mais des féminismes propres aux différentes nations dans lesquels ils émergent. Cette pluralité s'explique par des besoins, des demandes, une Histoire et une culture qui varie selon les sociétés. Ainsi, le féminisme religieux (islamique, judaïque, protestant,...) ne s'oppose pas aux principes républicains universels mais constitue un autre volet de cette vague prônant les valeurs démocratiques mais qui s'inscrit dans l'identité propre à ces différents groupes ethniques. Le féminisme laïque ou protestant ne se fonde pas sur la même idéologie pour défendre leurs intérêts mais ont comme point commun de revendiquer l'égalité et une amélioration de la condition féminine.

D'un point de vue historique, les premières révolutions politiques et intellectuelles tendant vers les droits humains ont émergé en Occident, d'où une association automatique entre tout mouvement social revendicatif avec l'ère culturelle occidentale.

Des révolutions qui se sont construites sur le modèle de la séparation entre le religieux et le politique: une laïcisation de la question politique. Ces principes n'ont vu le jour que suite à une lutte contre le despotisme religieux. Ce point vient appuyer cette dichotomie entre le religieux et les droits humains voir entre la démocratie et la religion : c'est ainsi que se maintient cette conception d'une impossible association de ces deux sphères.

En partant de ce constat, ceci nous amène à réfléchir sur la condition et le statut d'un mouvement tel que le féminisme islamique et dans un autre sens sur ce que être féministe et musulmane: qu'est ce que ce statut implique socialement dans un monde où la modernité rime avec laïcité.

Pour élucider cette idée d'identité rendue complexe par l'état d'esprit prédominant dans nos sociétés: il serait intéressant de se pencher sur ce qu'il en est aujourd'hui de ce mouvement s'étendant à peu prés à tous les continents ainsi que ses portes paroles. Analyser ces postures et les discours tenus par ces femmes nous révèlerait les différentes manières dont peuvent s'articuler le féminisme et l'Islam.

C'est que le propre de notre propos tourne autour de ce questionnement central: en quoi l'engagement de ces femmes illustre t'il une relation complexe entre le religieux et la modernité laïque? V a-t-il une posture légitime à adopter dans une lutte féministe et religieuse à la fois?

C'est ainsi qu'il serait intéressant de se pencher sur ces discours qui se situent entre ces deux volet, formant un pont reliant les valeurs démocratiques modernes ( avec tous les facteurs sociauxpolitiques qu'ils impliquent) aux prérogatives d'une religion.

Le mouvement du féminisme islamique tend à s'institutionnaliser aujourd'hui et prend de plus en plus de place dans les débats sur l'égalité hommes-femmes au sein des pays musulmans.

Le premier Congrès International sur le féminisme musulman à été organisé à Barcelone du 27 au 29 octobre 2005 par la Junta Islamica Catalan (avec le soutien du Centre de Catalogne de l'Unesco) à Barcelone. Des hommes et des femmes appartenant à la communauté musulmane sont venus du monde entier pour débattre d'un Islam libéral, égalitaire et émancipateur. Ceci compte tenu bien entendu des différences sociales et politiques que représente la pluralité des pays concernés.

Naissance du féminisme islamique:

Le terme de "féminisme musulman" a vu le jour au début des années 1990 principalement par des femmes iraniennes, laïques et féministes. Ces femmes expatriées ont participé à l'émergence d'un mouvement, depuis les années 1980, qui reformulaient les problématiques féministes à l'intérieur du paradigme islamique. Outre l'Iran, cette expression circulait oralement en Afrique du Sud ( Shamima Shaikh), en Égypte, en Turquie, et dans les pays occidentaux. C'est un nouveau discours qui fut formulé au début par ces militantes iraniennes à travers un journal intitulé « Zanan » (« Femmes »). Un débat s'est ouvert autour de plusieurs questions: l'Islam est il compatible avec le féminisme? Est-il possible de parler de féminisme dans le cadre d'un discours musulman? Le féminisme musulman est il une solution de rechange au fondamentalisme ou est-ce une menace pour les discours et les mouvements laïques?

Il est évident que l'articulation du féminisme et de l'Islam peut engendrer de tels questionnements et suscite des débats afin de trouver un terrain où ces deux volets peuvent fusionner de façon à promouvoir des valeurs démocratiques et libérales.

C'est ainsi que c'est en Iran que les premiers débats et controverses ont vu le jour autour de la
question du féminisme musulman: pour de nombreux laïques iraniens, ces deux termes de
« féminisme » et « musulman » sont contradictoires étant donné que le féminisme s'inscrit dans la

tradition des Lumières qui remet en cause les vérités religieuses; c'est donc un discours moderniste et rationaliste ne pouvant s'accorder avec la spiritualité, ici la religion.

Pour de nombreux musulmans l'Islam apporte toutes les réponses concernant le comportement humain et la vie en collectivité donc le féminisme est vu comme « un phénomène déviant et une idéologie occidentale étrangère » (P.44 Existe t-il un féminisme musulman?) qui ne peut venir « compléter » une religion finit dont le message est clair.

Cette conception manichéenne crée une dichotomie qui orientalise et éxotise l'Islam. Le plus délicat est de dépasser cette séparation simpliste mais répandue et de comprendre l'aspect réformateur du discours féministe qui contredit les forces fondamentalistes en terre d'Islam.

Ce mouvement converge en Iran autour de la revue Zanan , fondée par Shahla Sherkat1, qui soulève le débat des relations de genre à l'intérieur de l'Islam, et de la compatibilité entre Islam et féminisme. La revue Zanan a ouvert la voie au dialogue entre les féministes laïques et les religieuses afin de favoriser la participation des femmes aux doctrines et aux pratiques religieuses. Ce magazine avança l'idée de cette lecture patriarcale du Coran qui doit être révisée et remise en cause par les concernés à savoir: les femmes musulmanes ; pour se faire un discours structuré doit être mis en place de manière a remettre en cause la différenciation naturel, « divine » des genres à travers une approche historique et sociologique des écrits sacrés afin de dénoncer la misogynie avec laquelle les hommes ont interpréter le droit musulman. Le droit divin ne pouvant être source de ségrégation et d'exclusion d'un genre, une réinterprétation de ces textes s'impose.

C'est ainsi que l'ijtihad2 fut la première prérogative de ces féministes, c'est-à-dire le droit des femmes à réinterpréter les textes religieux ( le fiqh) et la jurisprudence islamique.

1 Voir analyse du parcours De Shehla Sherkat Partie 2

2 Réinterprétation des textes religieux à la lumière des valeurs démocratiques

A/- CONSTITUTION ET REPRESENTATION DU FEMINISME ISLAMIQUE

1/-LE FEMINISME ISLAMIQUE : UN MILITANTISME CONTRE LA DOMINATION MASCULINE...

L'Ijtihad :

Il est important de se pencher sur le concept de l'Ijtihad car il est au coeur de la logique du féminisme musulman, en effet c'est un concept qui va au delà de la simple optique de réinterpréter le Coran en vue d'améliorer la condition féminine mais il désigne une lecture appliquée et savante des écrits religieux.

En arabe ce terme signifie « l'effort de réflexion » c'est-à-dire ici s'évertuer à lire et interpréter le Coran et tous les textes relatifs à la religion musulmane. C'est le propre des savants et des érudits musulmans pour interpréter les textes fondateurs de l'Islam et en déduire un droit musulman régissant les actions des individus (distinguer ce qui est interdit de l'autorisé).

Ce terme fut d'abord attribué aux premiers savants et philosophes musulmans qui s'efforçaient de donner un sens juste et rationnel du droit divin. L'Ijtihad est permis à tout savant musulman ayant atteint un haut degré de savoir approuver par les maitres l'ayant précédé3.

C'est dans cet état d'esprit que les femmes militant pour les droits des femmes en terre d'Islam s'appuient sur une ancienne tradition intellectuelle musulmane qui accepte une lecture éclairée des écrits sacrés. L'engagement féministe musulman illustre un renouveau islamique uniquement par le biais d'un intérêt tout particulier pour la condition féminine.

Le féminisme musulman entre donc dans ce qu'on appelle la réforme musulmane. De nombreux intellectuels musulmans4 se sont engagés dans des débats et des dialogues, notamment sur le Coran et sur des questions telles que l'Islam et la démocratie, l'Islam et les droits humains et Islam science et philosophie. C'est donc un mouvement de réforme plus large au sein de l'Islam aujourd'hui mais qui n'est pas accepté par toutes les communautés.

3 On peut prendre l'exemple du célèbre sociologue et philosophe musulman Ibn Khaldoun ( 1332-1406), auteur de la « Muqaddima » , essai qui fonde l'Histoire comme discipline positive.

4 Abdulkarim Soroush, Mohsen Kadivar, Hassan Yousefi- Eshkevari, ...

Le droit musulman établi et approuvé aujourd'hui étant le fruit de l'Ijtihad , il est donc légitime d'appliquer cette lecture savante dans l'optique d'atteindre une égalité des sexes et une amélioration du statut et de la place de la femme musulmane.

Les initiatrices de ce qui allait s'appeler « féminisme islamique » menaient donc un nouveau tafsir5 et « cherchaient dans les écritures des réponses aux questions de genre, ainsi qu'aux questions d'égalité et de justice »6.

Ainsi, ces femmes établissent une distinction entre ce qui relève du culturel et ce qui relève du religieux. De tout temps l'instrumentalisation de la religion par les groupes dominant a servi à perpétrer une domination quelconque sur une population donnée, c'est un état de fait universel. À partir de ce constat, la lutte pour la libération des femmes et leur émancipation devient une prérogative contre toute forme d'oppression quelque soit le milieu ethnique ou social. Le féminisme islamique accompagne donc cette vague de réformes en symbiose avec le contexte mondial de la promotion des droits de l'Homme ; mais avec comme spécificité ici de respecter l'identité religieuse.

5 Explication, interprétation

6 Page 53 par Margot Badran dans « Existe t-il un féminisme musulman? » l'Harmattan.

Prolifération et renforcement de ce mouvement:

La question de l'émergence du féminisme islamique a suscité de nombreuses recherches sociologiques mettant en évidence l'idée que ce sont les premières discours féministes à base théologique qui ont rencontré un tel écho et ayant attiré des femmes de milieux sociaux aussi divers7.

Suite à un entretien avec Julien Beaugé8 à l'Université de Picardie Jules Vernes j'ai pu accéder à un certains nombres d'articles traitant de la question du féminisme islamique, en particulier dans sa constitution tout au long de l'Histoire et l'enjeu mondial que représente ce mouvement dans sa diversité. Un des articles les plus riches en informations dont Julien Beaugé a fait l'analyse pour la revue La Découverte9 , est celui de Stephanie Latte Abdallah s'intitulant « Le féminisme islamique» publié dans la revue critique internationale.

Stephanie Latte Abdallah est chercheure a l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM-CNRS) à Aix-en-Provence Historienne et politologue, elle s'est d'abord spécialisée sur la question des réfugiés palestiniens, du genre, de l'engagement et des féminismes au Proche-Orient, et travaille également sur le lien entre images et politique sur le conflit palestinien.

L'intérêt de cet article et des travaux de Stephanie Latte Abdallah se traduit par l'analyse historiquosociologique que fait l'auteure de ces mouvements féministes nous permettant ainsi de comprendre que au delà de ces revendications féministes ces femmes tentent d'imposer leur place dans divers sphères de l'espace publique.

Si on se penche sur l'article « Le féminisme islamique », l'auteure aborde cette étude à travers une première partie s'intitulant « Engagements féminins et ordre traditionnel ~ en se référant a l'étude de Shaikha Saida et Maggy Grabundzija au Yémen, l'auteur nous rappelle qu'au niveau de la répartition du pouvoir entre hommes et femmes peut se traduire par le concept d'honneur. En effet, les femmes peuvent user d'un pouvoir limiter a un pouvoir de « conciliatrices » dans certaines sociétés lorsque celles-ci bénéficient d'une certaine respectabilité dans leur milieu social, un respect qu'on leur voue uniquement si elles respectent les règles de conduites et les valeurs auxquelles elles

7 « Ou en est le féminisme islamique? » par Margot Badran

8 Julien Beaugé est ATER au CURAPP (Centre Universitaire de Recherches sur l'Action Publique et le Politique, Epistémologie et Sciences Sociales) de l'Université Picardie Jules Verne à Amiens.

9 Des engagements féminins au Moyen-Orient (xxe-xxie siècles)

Un dossier de la revue 'Le mouvement social' (La Découverte, n°231, avril-juin 2010) par Julien Beaugé

doivent répondre. Bien que limité, ce pouvoir leur permet d'agir indirectement dans des situations de conflits sociaux (tel que divorce etc.) ; elles ne peuvent être juge mais on leur reconnait un certain « sens de la justice ».

Cependant s'agissant du cas de la Palestine ( étant un terrain de recherche majeur dans les travaux de notre auteure), ce concept de l'honneur va même plus loin, en effet dans le contexte de l'occupation israélienne, les femmes incarcérées sont en majorités soupçonnées d'avoir été violées par les soldats israéliens ou l'étaient effectivement : d'abord soumises a une déconsidération par leur « déshonneur sexuel » , ces femmes sont devenues ensuite le symbole du « martyre » dans un contexte de lutte national pour la libération de leur terre, elles usent ainsi de ce rôle pour légitimer leur combat ( a l'intérieur même des prisons) nationaliste pour la cause palestinienne.

Ensuite l'auteur se penche sur le charisme religieux dont bénéficient certaines femmes (en Iran, en Egypte,...). Un charisme au sens wébérien qui leur permet de légitimer leur pouvoir, leur influence au sein des groupes religieux mais aussi sociaux. Nous avons l'exemple du « leadership religieux féminin » à Damas au sein du cercle Qubaysiyya issu d'une confrérie Soufie (confrérie musulmane répandue dans cette région).

S'agissant du charisme religieux l'auteure cite l'exemple du personnage d'Umm Irini érigée en sainte martyre, dont la biographie témoigne d'un véritable pouvoir religieux qu'elle a su imposer dans le monachisme féminin copte10. Cette question du charisme religieux se pose de manière plus accentué dans le milieu des da'iyat11 en Egypte, ce sont des groupements féminins dans les mosquées en perpétuelles activités et qui regroupe de plus en plus de femmes ayant un capital culturel assez imposant (études théologiques ou universitaires). Des groupements qui tendent à s'institutionnaliser et faisant de plus en plus l'objet de contrôle de l'État Égyptien. On voit bien ici que ces femmes s'appuient sur un charisme religieux pour légitimer leurs discours et donner une valeur religieuse sacrée à leur engagement afin de se faire entendre.

D'un point de vue plus général concernant la région des pays arabes de l'Afrique de l'Ouest et d'une partie de l'Asie orientale: On a assisté à des bouleversements sociaux qui ont affectés les femmes depuis une trentaine d'années expliquant l'émergence de ces mouvements revendicatifs et cette volonté organisée d'agir : la scolarisation de masse, l'accès a l'emploi, l'élévation de l'âge au mariage, etc.

10 Communauté chrétienne en Egypte

11 Savantes et religieuses musulmanes d'Égypte issues principalement de la classe moyenne de plus en plus imposante au Caire.

C'est cette capacité de tenir un discours religieux savant, crédible se référant a une exemplarité religieuse qui donne une valeur à leurs revendications. Ces femmes usent de leur savoir mais aussi d'une voix sacrée dans ces milieux sociaux qu'elles arrivent a atteindre certaines masses et légitimer leurs actions. C'est le recours a la religion de manière plus savante qui assoie leur place et leurs discours. Ainsi au delà de leur lutte pour l'égalité ces femmes prouvent continuellement leur capacité d'agir dans l'espace publique et d'entretenir une image charismatique.

L'auteure se réfère a l'étude de S.Nehoua expliquant la « salafisation > de la classe moyenne égyptienne ou par le « puritanisme > constaté par C.Mayeur Jaouen de la société égyptienne. On remarque ici un retour à des valeurs religieuses comme un moyen « incontestable > de défendre ses intérêts.

Dans une autre partie s'intitulant « Les espaces des engagements féminins ~, l'auteure (en se référant également aux travaux de Leyla Dakhli12) met en avant l'approche sociologique utilisée pour l'étude des mondes musulmans (dans ces pratiques, ses symboles, etc.) et ainsi rompre avec l'ethnocentrisme qui a tendance a offrir une image jonchée d'aprioris s'agissant de cet objet d'étude.

On comprend que le socle commun de ces engagements féministes c'est le fait qu'ils font tous face à une même problématique : En effet, qu'elles soient musulmanes, juives ou orthodoxes, elles revendiquent toutes l'accès a l'espace publique, avoir main mise sur des décisions publiques : Un espace traditionnellement monopolisé par les hommes. Pour résumer leur attentes, on peut se référer à l'analyse de Julien Beaugé dans laquelle il cite une juive orthodoxe qui déclare : « Parler en public, prendre des responsabilités, c'est féministe (...) Nous les femmes religieuses ne souhaitons pas annuler toutes les obligations mais en déplacer les limites. >.

Ainsi, on comprend que ces femmes ne se détachent pas des limites que leur impose la religion mais elles considèrent que l'émancipation ne va pas a l'encontre de leur religion respective. Cependant, Stephanie Latte Abdallah nous apprend que l'étiquette « féministe > est rejetée, réfutée par certaines femmes engagées( notamment par les daiyat égyptiennes) ce qui rend la question de leur engagement quelque peu ambigüe. C'est en ce sens qu'il serait plus judicieux de parler d'engagement féminin au lieu de « féministe > si on veut englober la totalité de ces mouvements, mais ce qui rend cette « solution > sujette à caution est le fait que certaines femmes se revendiquent comme étant féministes.

12 Leyla Dakhli est agrégée et docteure en histoire, spécialiste du Moyen Orient contemporain. Elle a

soutenu en 2003 une thèse sur les intellectuels syro-libanais dans la première moitié du vingtième siècle.

En ce sens, si on continue notre analyse de l'espace « arabe »13 il serait important de noter ici que ces mouvements féminins sont nés de mobilisations nationalistes contre les forces coloniales.

Il s'agit donc d'une mobilisation historique et politique. Des femmes religieuses ou non, engagées politiquement et se positionnant sur différents terrains revendicatifs constitue la raison pour laquelle le terme « féministe » serais assez réducteur. Leur engagement est multiple : qu'ils s'agissent d'une lutte nationale (mouvements de libération nationale palestinienne par exemple), d'une prise de positions publiques, de revendications féministes, etc.... Ces femmes se placent dans un cadre beaucoup plus large. D'oi le terme judicieusement choisi par Stephanie Latte Abdallah et Leyla Dakhli qui est celui « des espaces ~ d'engagements et non « de l'espace » au singulier. Ceci rend la question de l'engagement féminin au Moyen Orient une thématique qui dépasse l'enjeu féministe pour l'égalité mais devient un engagement multidimensionnel.

Cette analyse nous amène à réfléchir sur la notion même de « féminisme islamique », serait t'il plus judicieux de parler « d'engagements féminins »? De plus si on prend en compte le contexte idéologique d'aujourd'hui on remarque que l'association de ces deux termes : « Féminisme » et « Islamique » peut être considéré comme une aberration, le premier étant considéré comme purement occidental et opposé à la culture islamique et le deuxième viendrait soutenir ce « paradoxe ». Ceci dit il existe un réel militantisme contre la domination masculine qui commence par une réinterprétation des textes religieux s'agissant du coran ou des hadiths (les paroles du prophète Mahomet); et c'est une lutte qui s'est institutionnalisée et à donner naissance à des groupements de femmes se disant « féministes musulmanes ».

Revendication de l'égalité et de leur spécificité religieuse:

Contre le discours euro-centrique homogénéisant, le féminisme comme tout autre mouvement social se forme en prenant en compte les différences ethniques, nationales, religieuses, de classe, propre à chaque culture. Ainsi le féminisme ici est transposé dans un contexte différent de celui de l'Occident a savoir au monde musulman avec d'autres attentes, d'autres préoccupations et soutenue par une Histoire et un passé différent. C'est ainsi qu'il serait inapproprié de comparer le féminisme européen laïque au féminisme islamique.

13 Palestine, Egypte, Algérie, Maroc...

Paula el Khoury expose les principales revendications des féministes musulmanes dans un article s'intitulant « Le féminisme islamique aujourd'hui » 14, en effet parmi les plus importantes revendications des féministes musulmanes, on apprend qu'elles revendiquent un retour a la Shura désignant une assemblée communale fonctionnant autour d'un pouvoir délibératif ; elles dénoncent également la polygamie, le droit a l'héritage, la valeur du témoignage féminin en justice, etc.

Elles revendiquent même le droit de décréter des fatwa (édits religieux). L'auteure cite ici Amélie Le renard (ayant fait sa thèse sur les femmes citadines de la ville de Riyad en Arabie saoudite) qui nous dit que les féministes en Arabie » saoudite opposent « l'islam émancipant aux coutumes sociales retardataires ~. L'auteure se réfère aussi au code de la famille mis en place au Maroc en 2004 fondé sur la Shar'ia (lois islamique) visant a promouvoir les droits de la femme et répondre aux attentes des groupes féministes au Maroc.

Amira Sonbol, professeur de l'Histoire de l'Islam a l'Université de Georgetown a démontré l'influence du modèle étatique rationnel européen sur l'oppression des femmes, ainsi ce modèle a participé a l'accentuation de la discrimination subit par les femmes dans les pays musulmans. En effet la déstructuration du cadre traditionnel de vie dans les pays anciennement colonisés a participé à la dégradation de la situation des femmes dans ces régions concernées. C'est en ce sens qu'un certains nombres d'intellectuelles engagés pour la cause féministe revendiquent une spécificité ethnique et religieuse comme étant le fondement de l'égalité et de la justice sociale entre les sexes.

14 « Le féminisme islamique aujourd'hui », Critique Internationale, n° 46, 2010.

2/-UN FEMINISME MUSULMAN OU UN FEMINISME EN TERRE D'ISLAM

DICHOTOMIE ORIENT /OCCIDENT
« L'orientalisme »

Comme nous l'avons au préalable illustré, il existe un antagonisme dans les esprits entre un occident démocratique, moderne et un orient « traditionnel » et archaïque. Pourtant au XIVème, XVème et XVIème siècle la civilisation arabo-musulmane était considérée comme une civilisation libertine aux moeurs légères par l'Europe du Moyen-âge; ces discours relatifs à « l'Orient » ont évolué dans la mesure où ces deux blocs ont construit leur identité par opposition l'un à l'autre.

Cet état de fait est mis en évidence par l'auteur Edward W. Said dans son ouvrage « L'orientalisme »15 dans lequel il est question de cette dichotomie et son impact sur l'évolution historique de ces deux cultures formant deux entités opposées. Comme le sous titre de cet ouvrage l'indique « L'Orient créé par l'Occident » , l'auteur nous expose la manière dont l'impérialisme occidental dès le 19ème siècle à modeler une image d'un Orient formé comme un tout homogène dont la culture « arriérée » a longtemps légitimité les vagues d'occupations et de colonisations de cette région par les pays du Nord. Un rapport de force qui s'instaure entre eux et qui continue même durant notre période postcoloniale ( on peut parler du néo-colonialisme).

Edward W Said expose sa réflexion en partant de ses convictions humanistes, c'est-à-dire une considération du monde comme un ensemble vivant et variant d'un contexte à un autre et surtout d'un groupe d'individus à un autre. C'est ainsi qu'il déconstruit les discours des uns et des autres pour expliquer la manière dont l'Orient est issu d'un imaginaire occidental servant entre autre à définir leur propre identité en l'opposant à cet ensemble : « L'Orient ».

Le féminisme islamique est confrontée à cette principale critique qui est de considérer tout mouvement féministe comme étant un apport de la culture occidentale en total opposition avec le monde islamique, c'est cette relation antagoniste entre ces deux blocs qui nourrit les débats remettant en cause ces mouvements pourtant légitime pour l'amélioration des conditions de vie féminine. La réflexion de cet auteur et penseur humaniste nous permet de comprendre les blocages intellectuels et idéologiques qui se créent lorsqu'il est question du féminisme musulman.

15 L'Orientalisme- L'Orient créé par l'Occident- Edward W Said - Editions du Seuil 1980

L'auteur retrace une histoire des discours, des discours qui ont participé à la construction des identités. Il nous expose le résultat de l'Histoire des productions intellectuelles faites par l'Occident sur l'Orient. Dans sa préface il nous décrit sa méthodologie analytique, ce qui nous permet de comprendre les enjeux et les mécanismes qui ont soutenue la construction de tels discours.

C'est cette altérité maintenue dans les esprits qui nous permet de comprendre pourquoi un mouvement aussi complexe que celui du féminisme islamique est soumis à des critiques remettant en cause sa crédibilité.

« La notion de discours définit par Michel Foucault dans L'Archéologie du Savoir et dans Surveiller et Punir m'a servit à caractériser l'orientalisme »16 .On remarque que l'auteur ne définit pas l'Orient d'un point de vue géographique ni par une uniformité culturelle mais il aborde la notion d'Orient en déconstruisant les discours politiques et idéologiques nourrissant la domination de l'Occident sur cette partie du monde. L'auteur explique que l'Occident a attribué à l'Orient une histoire, une tradition, un mode de pensé, une réalité propre à lui justifiant ainsi la « supériorité » de la civilisation des pays du Nord. Il s'agit donc d'enjeux politiques et économiques concernant les représentations que l'on a pu se faire sur ce qu'on appelle l'Orient.

Il nous rappelle également que nous vivions dans un monde de l'électronique postmoderne renforçant ainsi les stéréotypes qui décrivent ce « bloc lointain » (télévision, médias, films, etc.). Une des principales conséquences de cette tradition intellectuelle dominante est l'identification des arabes à l'Islam, de l'Islam à l'archaïsme, et donc de l'archaïsme à l'Orient. C'est en ce sens que l'association de concepts tels que les droits de l'homme, de la justice, et de démocratie sont confrontées à une remise en cause perpétuelle lorsqu'il s'agit des terres d'Islam. La vision humaniste et critique de l'auteur lui permet de considérer les réalités sociales comme le reflet d'une prolifération des discours prononcés par les Hommes tout au long de l'Histoire.

« La géographie imaginaire et ses représentations: Orientaliser l'Oriental »17, l'intérêt de ce chapitre c'est la manière dont l'auteur retrace l'Histoire de l'orientalisme devenu une discipline universitaire à part entière18. On assiste donc à une spécialisation scientifique révélatrice des amalgames et des flous intellectuels relatifs à tout ce qui n'est pas l'Occident. C'est cette spécialisation qui rend légitime toutes les idées que l'on a pu attribuer à l'orient.

16 Ibid P.15

17 Ibid Chapitre 2

18 Ibid en 1312 prise de décision par le concile de Vienne de créer « une série de chaires de langues Arabe, Grecque, Hébraique et Syriaque » à Paris, Bologne,...

L'originalité de l'analyse de Edward W.Said c'est qu'il explique d'un point de vue historique et procède à une déconstruction des discours pour comprendre l'état actuel de la civilisation islamique aujourd'hui ( c'est ce qui nous intéresse ici concernant le renouveau islamique). Aujourd'hui le monde musulman à tendance à construire son identité uniquement par opposition à l'Occident ( un Occident qui lui a donné une identité qui n'est pas la sienne; d'où la disparition progressive dans la tradition islamique de la pensée critique. L'auteur parle « d'un désastre culturel majeur de notre époque » dans la mesure où l'Ijtihad et l'interprétation personnelle ont disparues de la pensée musulmane. L'Ijtihad représente désormais une pensée critique mal accueillis par cette communauté religieuse car considérée comme étant un apport néfaste du mode de pensée Occidental.

C'est dans cet état d'esprit que nous devons comprendre la difficile assise du projet du féminisme Islamique dans notre contexte actuel. Avec cet antagonisme perpétuel entre ces deux cultures attribuant des caractéristiques propres à chacun, les changements ont du mal à être accepté et intérioriser par les individus.

Analyse des critiques et des discours sur la religion, les femmes et les droits :

« Aux yeux des féministes européennes très eurocentrées et qui se sentent porteuses de valeurs universelles , le féminisme est par essence laïque et donc fondamentalement incompatible avec l'islam »19.

Ceci nous amène à réfléchir sur cette trinité « religion, femmes et droits » , le phénomène de la laicité a accentuer l'idée selon laquelle spiritualité et égalité sont incompatible et en particulier concernant l'Islam. Le droit des femmes a toujours été confronté à des critiques virulentes, que l'on se situe d'un point de vue politique ou religieux les controverses sont la source de la perpétuation de la domination masculine. S'agissant du féminisme religieux ces critiques peuvent donc être considérés comme un prétexte de plus visant a freiner l'émancipation féminine.

19 Laure Rodriguez Quiroga, présidente de l'Union des femmes musulmanes d'Espagne

En effet, si on se penche sur la situation des discours féministes de manière général, on constate qu'ils font tous à des remises en causes profondes, des remises en question internes et externes. C'est une mobilisation complexe et qui englobe des diversités culturelles et historiques faisant de chaque revendication l'objet d'un débat ou d'une controverses remettant en question la crédibilité de cette contestation.

Féminisme laïque et féminisme islamique : deux courants différents mais une même motivation et
faisant face à des critiques similaires.

L'ouvrage de Joan W. Scott20 questionne le mouvement féministe laïque en France en retraçant l'Histoire de celui ci pour en desceller les failles et les raisons pour lesquelles il fait l'objet de certaines critiques. L'intérêt de cet ouvrage est que l'auteure aborde le sujet du féminisme en déconstruisant son discours tout au long de l'Histoire, c'est une réflexion critique qui peut être considérée plus au service de ce mouvement qu'à son encontre. Il serait intéressant d'exposer la réflexion principale de notre auteure sur le féminisme laïque.

« Comment, sans mettre en avant le problème de la différence des sexes, lutter contre la discrimination quand celle-ci attribue, en fonction de leur sexe, des caractéristiques de groupe biologiquement féminin? »

C'est dans cet état d'esprit que Joan W.Scott questionne les mouvements féministes dans leur discours dès la Révolution, des discours qui se sont multipliés et qui ne cessent de faire l'objet de débats et de controverses jusqu'à nos jours.

Cette historienne américaine, est connue en France pour ses travaux d'histoire ouvrière française et pour la réflexion qu'elle a développée depuis les années 1980 sur l'écriture de l'histoire des femmes et du genre. S'inspirant d'auteurs français (tels que Foucault, Derrida, ou Lacan), elle mène une approche dé-constructive et élabore un champ d'analyse en perpétuel relation avec le contexte et les multiples significations des discours des catégories étudiées.

C'est à la lumière de cette technique analytique que l'auteure nous offre une lecture nouvelle de l'Histoire du féminisme.

20 Joan W. Scott, La citoyenne paradoxale : les féministes françaises et les droits de l'homme, Paris, Albin Michel, 1998

Elle commence dans un chapitre introductif par nous présenter des personnages féminins clés de la Révolution française de 1789. Des personnages ayant marqués l'Histoire du féminisme en France par leur position forte dans la lutte féministe et leur discours républicain. Il s'agit entre autre de la révolutionnaire Olympe de Gouges, guillotinée en 1793 ; la saint-simonienne Jeanne Deroin (1805- 1894), qui se présente aux élections législatives de la Seconde République et s'exile en Angleterre après avoir connu la prison ; Hubertine Auclert (1848-1914), suffragette française accusée d'hystérie et comparée à la Méduse ; Madeleine Pelletier, première femme médecin des asiles, féministe radicale qui finit sa vie à l'hôpital psychiatrique.

Toutes ces figures témoignent, de part leur parcours et leurs idées, de la lutte idéologique et théorique qui s'est développée dès la fin du 18ème siècle. L'auteure nous expose le parcours et le discours de ces femmes pour nous révéler les paradoxes qui sous tendent leurs revendications.

Elle commence par nous expliquer que la différence biologique entre hommes et femmes a longtemps justifié la marginalisation des femmes de la scène politique et publique. C'est cette différenciation sexuelle que l'on retrouve dans les discours féministes, d'où nous dit l'auteure le paradoxe centrale de ces revendications.

L'auteur cite Jeanne Deroin, ( Jeanne Deroin et la révolution de 1848 ):« Le fait que les femmes soient aussi des ouvrières , et que les décrets promettant le droit au travail les reconnaissant comme telles, créait un problème. Car si le travail conférait l'individualité et si les femmes travaillaient, comment pouvait-on leur refuser la citoyenneté? » . Ici l'auteure nous montre que les valeurs républicaines se sont retrouvées confrontés à leurs propres contradictions. Les valeurs prônées par la République ne sont pas respectées.

De plus l'auteure nous rappelle que ces mouvements ont longtemps justifié leur droit à la citoyenneté par leur devoir social accompli (celui de « mère », « épouse »,...). Elles sont inconsciemment (ou non) soumises à ce schéma traditionnel: page 103: « Elles fondèrent alors leur revendications de la citoyenneté sur cette figure exemplaire du devoir et du dévouement *...+ : la mère ».

On voit bien ici le lien qui se tisse entre le statut politique des femmes et leur rôle social attendu. Ce qui renforce cette conception de l'importance de ce rôle social lié à la maternité, l'auteure nous rappelle que c'est une fonction sacrée constituant un travail social de grande valeur et la référence à la vierge Marie reflète parfaitement la capacité féminine à produire en toute autonomie, sans l'intervention de l'homme. Cette référence religieuse a été longuement utilisée par quelques groupes féministes, c'est une instrumentalisation du religieux pour justifier leurs revendications. C'est une manière, bien que discutable, de révéler l'autonomie des femmes. La maternité devient un support à la singularité de leur identité.

L'auteure continue son analyse du discours de Jeanne Deroin: en effet, celle-ci dénonce l'attribution du nom du père à la famille, elle propose comme Olympe de Gouge de donner le nom de la mère. Ainsi la question de la maternité revient. L'auteure nous expose la position du philosophe et économiste anarchiste Pierre Joseph Proudhon qui s'oppose à ces vagues de contestations féministes en émettant l'idée selon laquelle l'égalité politique des sexes constitue « un de ces sophismes que repousse non seulement la logique mais encore la conscience humaine et la nature des choses ». Ce discours d'une misogynie classique et répandue en cette période de naissance de la république illustre ceux contre quoi ces femmes (Olympes de Gouges, Jeanne Deroin, ...) luttent au travers d'un discours tentant de démontrer les qualités propres aux femmes faisant d'elles des individus en mesure d'être des citoyennes à part entière. Cependant la pensée de Jeanne Deroin met en évidence la difficulté de formuler l'égalité des femmes dans les termes de leurs différences. On revient à l'idée centrale de l'auteure: comment penser l'égalité donc la revendiquer en termes de différences : différences de genres, de rôles, de statut,...On voit bien ici que J.W Scott décrit la sérieuse difficulté à laquelle ont toujours été confrontés les mouvements féministes : c'est ce paradoxe dans leurs discours qui alimente les critiques des mouvements qui s'y oppose. D'où une autre critique formulée par Proudhon : « L'homme, à mesure que sa raison se développe, peut voir la femme comme son égale, mais il ne la considérera jamais comme semblable à lui ».

Si on revient sur le concept de la maternité selon Jeanne Deroin, celle-ci oublie la part de l'homme dans la conception de l'enfant, elle revendique une autonomie féminine dans la production des enfants qui est en réalité est inexistante puisque l'apport de l'homme est indispensable à cela.

Ce sont ces arguments suscitant une controverse quasi-automatique qui décrédibilisent ses propos. Les critiques faites par l'auteure et que l'on peut faire nous même des idées de Jeanne Deroin continues s'agissant de sa conception de la femme en politique : « En politique, l'opinion des femmes quelque soient leurs tendances républicaines ou aristocratiques peut encore se résumer en une pensée d'amour et paix »; alors que les hommes sont: « [...] égoïstes, cruels, et faisaient preuve d'un penchant pour la destruction... ». On voit ici que le discours de Jeanne Deroin n'est pas fondé sur une approche rationnelle ou scientifique lui permettant d'avancer de telles affirmations. Attribuer des traits spécifiques à un sexe et à un autre va à l'encontre du principe d'égalité revendiqué par le féminisme. Ce sont là des contradictions qui vont à l'encontre de l'intérêt des mouvements féministes.

En retraçant l'histoire du féminisme français et en analysant les positions de ces figures féministes françaises, J .W Scott nous amène à réfléchir sur la réelle fonction des mouvements féministes et ce qui découle de leurs discours. Cette étude critique de l'auteure nous amène a se demander s'il faut revendiquer l'égalité au nom de l'individu (abstrait) ou faire une différenciation sexuelle dans l'expression politique?

Rappelons que à la différence du féminisme laïque, le féminisme musulman revendique l'égalité mais en affirmant une différence de droits et de devoirs, une différence qui doit tendre à l'équilibre et à la justice. Ainsi, ce courant ne fait pas face à un paradoxe dans son discours dans la mesure où il prend en compte une différence de genre mais revendique une égalité entre les deux sexes. Ceci dit; ceci ne protège pas le féminisme musulman de critiques virulentes mais qui eux sont d'ordres idéologiques, politiques et religieux rendant ce mouvement soumis à une pression encore plus forte de la part de l'opinion publique.

L'étude de J.W Scott on constate comme son titre l'indique que la difficulté majeur à laquelle est confronté ce mouvement c'est le paradoxe et les contradictions que le féminisme à longuement connu. Ainsi, l'intérêt serait ici de voir la manière dont est perçu un tel courant de pensée qui s'étend sur à peu près tous les continents. Perçu néanmoins de manières différentes selon les sociétés, ce courant revendicatif reste confronté à des critiques souvent violentes même dans le contexte politique actuel où les valeurs républicaines y sont souvent prônées.

Il est évident que l'opinion politique aujourd'hui est souvent assez violente vis-à-vis du féminisme. Un mouvement ayant pris une connotation quelque peu péjorative, souvent sujet de moqueries ou de critiques le décrédibilisant. Les féministes sont souvent étiquetées ou catégorisées.

Pourquoi un mouvement pourtant issu de l'aboutissement de nombreuses luttes pour une véritable démocratie et en faveur des droits de l'homme a connu tout au long de son histoire des difficultés et des obstacles pour asseoir sa place sans être sans cesse perçu comme étant « déplacé »?

Ceci dit le point commun de ces deux types de mouvements féministes peut se résumer ainsi : tout comme le féminisme français, le féminisme islamique se retrouve face à des critiques remettant en cause le fondement même de ces revendications. Pour certains intégristes et réactionnaires musulmans, l'Islam (l'Islam patriarcal tel qu'ils l'interprètent) en lui même devient un outil qui décrédibilise et fausse les théories féministes islamiques même si ces femmes s'appuient sur des interprétations religieuses pour défendre leurs droits.

Tout comme les femmes en France ont utilisé les valeurs républicaines pour revendiquer leur droit à la citoyenneté, les féministes musulmanes utilisent les écrits religieux (et s'inspirent de la vie du prophète) pour avancer l'idée selon laquelle c'est une religion qui offre autant de droits à l'homme qu'à la femme.

Ces deux courants s'appuient sur un discours qui dans les faits les opprime mais qu'elles remettent en cause pour mettre en valeur une interprétation à leur avantage.

On comprend alors que ces deux aires culturelles21 ayant chacun une Histoire, une idéologie dominante et un système social diffèrent présentes des similitudes dans leur manière de traiter le féminisme: deux mondes renfermant des inégalités certes différentes mais qui entretiennent une relation souvent conflictuelle avec le féminisme.

Cette analyse nous permet d'avoir un autre regard sur la manière dont se construit un discours revendicatif afin de comprendre les maux et les difficultés de celui-ci à s'affirmer dans la réalité des mouvements sociaux. Ceci nous permet d'avoir une méthode analytique sociologique pour la compréhension et l'explication de la place qu'occupe un mouvement social: selon un cadre théorique, un contexte historique, politique et social, le discours d'un mouvement revendicatif quel qu'il soit ne peut être détaché des critiques auxquelles il fait face afin de comprendre son statut et sa place dans la société.

21 l'Occident et les sociétés arabes et/ou musulmanes

B/-FIGURES DE FEMINISTES MUSULMANES

L'émergence d'une nouvelle conscience féministe à travers les sociétés musulmanes et
occidentales:

Mon sujet de recherche se concentre sur l'analyse des discours féministes islamiques dans les pays arabo-musulman mais aussi ceux prononcés par des femmes musulmanes dans le contexte occidentale pour faire valoir leurs droits en tant que citoyennes avant tout. Le socle commun à toutes ces femmes c'est qu'elles revendiquent l'égalité en légitimant leur lutte en s'appuyant sur le coran et un droit religieux. Pour se faire écouter ces femmes ont adopté différentes postures à travers lesquelles elles peuvent vues, reconnues et légitimes. C'est ainsi que j'ai prêté une attention particulière à l'observation de ces femmes qui présentent leur discours et leurs idées dans les médias, sur la scène publique

Nous allons nous pencher sur le parcours de trois femmes musulmanes militant pour le droit des femmes et qui restent attaché aux valeurs islamiques mais en faisant une lecture démunie nouvelle, démunie selon elles d'un patriarcat à l'origine des inégalités des sexes.

L'intérêt pour nous est de se pencher sur trois parcours qui présentent des similitudes mais aussi des différences illustrant ainsi la diversité des voix d'émancipation et de revendication.

En guise d'introduction nous allons analyser l'ouvrage de Fatima Mernissi22, une sociologue marocaine engagée activement dans les mouvements féministes arabo-musulman, c'est un ouvrage central dans la réflexion sur la situation actuelle des femmes en terre d'islam dans la mesure où elle aborde cette thématique d'un point de vue sociologique et historique. Une réflexion sur la sexualité en islam et la sexualité féminine avec toutes les représentations et les idéologies qu'elles impliquent permet à l'auteure de décrypter la situation des femmes dans l'ordre social et moral islamique. C'est une sociologie féministe, engagée et prenant ses racines dans la culture arabo-islamique.

22 « Sexe ideologie islam » Editions Maghrébines 1985

Puis nous nous pencherons sur trois femmes d'origine différentes et s'étant approprié l'islam de manière différente l'une de l'autre: Amina Wadud est une noire américaine convertie à l'islam, Shehla Sherkat : une des fondatrices de la revue iranienne féministe « Zanan »; et enfin Irshad Manji une militante canadienne non voilée qui revendique son homosexualité et lutte pour un renouveau islamique. Nous verrons que leur discours n'ont pas la même portée et ne sont pas accueilli de la même manière. Ceci nous permettra de cerner la relation dialectique qui s'instaure entre le statut de ces femmes dans leur posture et leur popularité, l'image qu'elles véhiculent.

Analyser leurs discours, leurs actions et le poids de leur autorité nous révèle comment elles entreprennent une présence active dans l'espace public. Quelle posture adoptent-elles? Quelle est la posture légitime à leur sens? Voilées? Non voilées? Que signifierais le port du voile si elles revendiquent l'émancipation et l'égalité? Le non port du voile serait t-il la posture légitime pour parler au nom d'une religion qui le prescrit?

Tous ces questionnements et bien d'autres viennent soutenir une réflexion sur l'attitude que peuvent adopter ces femmes afin d'être écoutées et prises en considération. C'est dans cette optique que mon mémoire de recherche se penche sur le parcours de quelques figures féministes musulmanes: leurs discours, leur posture, la place de leur engagement dans l'opinion publique et la manière dont elles sont perçues.

De gauche à droite: Amina Wadud, Shala Sherkat , Fatima mernissi et Irshad Manji

Présentation et analyse de l'ouvrage de Fatima Mernissi:

Sociologue et écrivaine marocaine mondialement reconnue. Elle s'est notamment fait connaître dans la défense des femmes au Maroc et dans le monde arabe. Née en 1940 à Fès, Fatima Mernissi est professeur à l'institut universitaire de recherche scientifique de l'Université Mohammed-V de Rabat. Elle est également membre du Conseil d'Université des Nations Unis.

En 1981, Fatima Mernissi fut à l'origine de la création du collectif « Femmes Familles, enfants » ainsi qu'au lancement de la collection « Approche » aux éditions le Fennec afin de promouvoir les écrits traitant de la question des femmes et des enfants au Maghreb.

Elle a publié une multitude d'ouvrages traitant de la question des femmes en terre d'islam sous diverses angles ( politique, sociale, moral, culturel,...). Al Jins Ka Handasa Ijtima'iya23, Éditions Le Fennec, Casablanca 1987; Le monde n'est pas un harem, Albin Michel, 1991; Sultanes oubliées : femmes chefs d'État en Islam, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1990; Le harem politique : le Prophète et les femmes, Albin Michel, 1987; La Peur-Modernité : conflit islam démocratie, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1992 ; Sexe , idéologie , islam Éditions Maghrébines, 1985 Le Fennec et bien d'autres revisitant l'Histoire et le système idéologique arabo-musulman encadrant la vie des femmes dans ces pays.

Notre analyse se portera sur son ouvrage s'intitulant « Sexe, idéologie, Islam » publié en 1985, un de ses ouvrages les plus lue et qui reprend à travers une analyse sociologique et historique des cadres moraux, politiques et religieux régissant la condition féminine au Maroc. L'auteur part d'un aperçu historique du temps du prophète Mahomet, ses relations avec les femmes, les règles islamiques promulguées et établies à cette époque. C'est une approche qui nous permet de comprendre les origines sacrées des normes et des valeurs islamiques légitimant la situation d'une large part des femmes aujourd'hui dans les pays arabo-musulmans.

23 Le genre en tant qu'industrie sociale

L'intérêt de se pencher sur cet ouvrage s'explique par l'approche de la situation des femmes en terre d'islam autour de la thématique de la sexualité qui en réalité encadre les rapports de force et de genres entre les hommes et les femmes. L'auteure part d'un aperçut historique sur la sexualité et l'institution matrimoniale dès l'apparition de l'islam et donc comment ces règles de vie conjugales ont été instituées.

Ceci nous amène à comprendre les fondements de la mise en place de ces normes et ces valeurs ainsi que la manière dont ces valeurs prônées par l'Islam ont pu être interprétées.

Dès le premier chapitre s'intitulant « Le concept musulman d'une sexualité active des femmes », l'auteure commence par nous présenter comment l'Islam définit l'instinct humain. Contrairement à la dichotomie de l'instinct de chair et de la raison, séparant ainsi le bien du mal dans l'idéologie chrétienne; l'islam quant à lui est fondé sur une théorie des instincts plus élaboré, proche du concept freudien de la libido. En effet, l'instinct en lui même constitue l'énergie, une énergie à l'état brut pouvant être utilisé sous diverses formes. L'utilisation et la canalisation de cette énergie doit être soumise a des normes et des règles. La question du bien et du mal dans l'utilisation de l'énergie ne se pose qu'à l'intérieur de l'ordre social établi par les prérogatives religieuses: Comment utilisons- nous cette énergie naturelle propre à tout être humain? C'est ainsi que l'auteure nous explique que par conséquent « dans l'ordre musulman, l'individu n'est pas tenu de supprimer ses instincts ou de les contrôler pour le principe, il lui est demandé seulement de les utiliser conformément aux exigences de la loi religieuse; »24 .

Par la suite l'auteure analyse la manière dont est perçu le désir sexuel, un désir émanant de deux anatomies différentes (sexe féminin et masculin) mais complémentaires, une complémentarité constituant l'essence même de la création divine, une création ayant pour but de satisfaire les désirs charnels et de perpétuer l'existence humaine sur terre. De plus, l'auteure nous explique que le fait d'éprouver une volupté, satisfaire un désir charnel amène l'individu à aspirer à la volupté parfaite et éternelle promise au paradis, ainsi il accomplira les devoirs religieux au cours de sa vie sur terre afin d'être récompensé comme promis dans les écrits coraniques. C'est une stratégie divine permettant donc de réguler les instincts naturels présents chez l'Homme.

Ensuite l'auteure se penche plus particulièrement sur la question de la sexualité féminine: « active » ou « passive »? Elle commence par nous présenter une distinction faite par Georges Murdock25 :

24 « Sexe, ideologie, Islam » Page 5- chapitre 1

25 Anthropologue américain

Régulation des instincts sexuels:

Société Occidentale

Société islamique ( « traditionnelle »)

« Forte intériorisation des interdits sexuels au cours du processus de socialisation primaire » pour maintenir le respect des règles sexuelles.

« [...] barrières de précautions extérieures

telles que les règles de conduites ségrégationnistes » pour maintenir le respect des règles sexuelles.

Il semble évident que s'agissant des sociétés où le voile islamique est de rigueur, elles se situent dans la catégorie des sociétés islamiques. C'est en ce sens que nous comprenons que cette catégorie préserve la chasteté des filles avant le mariage par une barrière non seulement morale mais aussi physique dans la mesure où ces sociétés mettent en place un mode vestimentaire adapté (le voile), une haute surveillance, un chaperon constant (joug patriarcal), ...afin de garantir cette chasteté. Contrairement aux sociétés occidentales où les règles relatives à la préservation de la chasteté et l'évitement de l'adultère sont intériorisées au cours de la socialisation de ces individus; la socialisation suffit à elle seule pour la garantie de cet ordre moral. Dans ces sociétés on accorde donc une plus grande liberté individuelle aux femmes sachant que les principes moraux intériorisés suffisent. L'auteure poursuit cette analyse en se référant à une réflexion faite par le féministe égyptien Amin Kacem26 : dans une société où il existe une ségrégation spatiale et où l'isolement et la séparation de la femme prédominent, cela témoigne de la capacité chez la femme de contrôler ses instincts contrairement aux hommes qui doivent garder éloigné le corps de la femme. Le concept de la sexualité de la femme est donc implicitement actif dans la mesure où c'est l'incapacité chez l'homme à se contrôler qui l'oblige à rester éloigné et isolé de lui (par le port du voile, la ségrégation spatiale,...). C'est donc un moyen de protéger les hommes et non les femmes. Amin Kacem part du constat d'une crainte de la « fitna »27 en Islam, c'est-à-dire de la crainte du chaos, du désordre pouvant être généré par l'absence d'un contrôle moral et sexuel dans la société. « Fitna » signifiant également « une belle femme » on peut penser que la crainte est liée à la beauté dévastatrice du corps de la femme que l'on doit maintenir caché étant donné ( si l'on suit sa logique) que l'homme est faible et ne peut se contrôler.

C'est ainsi que l'auteure consacre une partie sur la « peur de la sexualité de la femme » ; elle y rappelle la théorie de la sexualité passive de la femme de Freud car selon celui ci « l'agression chez la femme est tournée vers l'intérieur en accord avec sa passivité sexuelle » (P.24); conformément au règles sociales et aux normes dominantes la femme se doit d'intérioriser ses pulsions et sa sexualité

26 Féministe musulman à l'origine de la création du code du statut personnel de la femme dans la législation tunisienne

27 Chaos, désordre social

expliquant cette tendance masochiste chez les femmes. L'absence d'une sexualité active rend la femme « masochiste et passive. ». C'est en suivant cette logique analytique que l'auteure explique que la sexualité de la femme musulmane est considérée comme étant active puisque tournée vers l'extérieur elle est dotée d'une séduction fatale qu'il faut cacher. C'est une attraction qui réduit l'homme à un être passif qui subit cette attraction.

Cette attraction est vue comme une fatalité entrainant le chaos, la « fitna » qu'il faut donc éviter et qui caractérise l'agressivité sexuelle de la femme musulmane. Ensuite l'auteure analyse la pensée populaire marocaine qui a une forte tendance à diaboliser le sexe féminin comme étant source de désordre et de destruction.

La femme est donc une force destructrice de l'ordre social est ceci est valable dans la majorité des sociétés musulmanes.

L'interprétation de la sexualité a pris deux directions selon qu'on se situe dans la société occidentale ou la société arabo-musulmane. En effet , selon l'analyse Freudienne , l'Occident chrétien attaque la sexualité en elle-même comme étant la partie incarnant le mal dans chaque individu , une partie ( la chair) qu'il faut surpasser pour atteindre la raison qui représente le bien et la noblesse de l'esprit humain. L'individu serait divisé entre ces deux parties qui s'opposent. Alors que la vision de l'Imam Ghazali28 stipule que le mal est incarné en la femme elle même, elle est « fitna » donc représente un danger et détient un « potentiel destructeur démesuré »29.

On comprend ici que dans la pensée islamique la sexualité en soi n'est pas perçue comme étant négative au contraire elle à des fonctions positives sur l'ordre social; ceci dit le danger de celle ci s'exprime uniquement à travers la femme qui peut être source de trouble.

Ensuite l'auteure nous expose le parcours du prophète Mahomet dans ses relations avec les femmes, ses mariages et la manière dont il percevait les liens matrimoniaux.

28.Célèbre penseur musulman perse dont l'influence philosophique est considérable dans la civilisation musulmane

29 Ibid. Page 9.

La première femme du prophète fut Khadija ( riche et puissante commerçante âgée de 40 ans lorsqu'elle demanda au prophète de l'épouser séduite par son honnêteté); ensuite à la mort de Khadija il épousa aicha, puis d'autres femmes dont Maria30 et deux juives31, cependant mise à part Aicha les autres femmes étaient des concubines avant l'établissement divin de la règle limitant à 4 le nombre de femmes à épouser et sous des conditions bien établies.

On en retient que le prophète exprimait une grande vulnérabilité face aux femmes, une vulnérabilité qu'il associait souvent à l'amour et à la tendresse (en particulier vis-à-vis de la femme qu'il a le plus aimé : Aicha). C'est à partir de la vie du prophète, de ses faiblesses, de son expérience personnelle le rapprochant du commun des mortels qu'un certain nombre de codes et des valeurs relatif a la vie conjugale et matrimoniale ont été mis en place.

L'ordre social crée par le Prophète est un État patrilinéaire où l'institution de la famille est une composante centrale dans l'équilibre de la « Umma »32.

Cependant aujourd'hui le processus de modernisation a influé dans les structures sociales islamiques par l'entrée des pays musulmans dans le marché mondial. C'est ce changement que connaissent petit à petit les sociétés musulmanes actuellement qui s'articule autour des luttes contre l'apport symbolique et idéologique occidental.

L'analyse de cet ouvrage central de Fatima Mernissi nous offre une explication sociologique et historique qui vient appuyer les discours féministes musulmans, car on comprend que le statut de la femme en terre d'islam est intimement lié à cette vision de la sexualité ainsi que la construction historique de la culture musulmane.

L'engagement de cette sociologue consiste en la remise en cause de certains hadith33 islamiques de la vie du prophète afin de dénoncer les interprétations abusives ainsi qu'une construction d'un édifice social fondé sur une misogynie remontant à une période pré-islamique dont l'héritage se ressent dans l'interprétation de certains écrits. Elle se penche sur le cas du Maroc à la fin de son ouvrage afin de mettre la lumière sur les répercussions de telles constructions historiques sur la vie quotidienne des femmes marocaines34.

30 Une chrétienne copte

31 Safiya Bint Huyay et Rayhana Bint Zayd

32 Désigne l'ensemble de la communauté musulmane

33 Récits de la vie du prophéte

34 Mariages précoces, mariages forcées, dévalorisation de l'éducation féminine ( et ce surtout en milieu rural)

Cette sociologue marocaine fait un travail de déconstruction des discours religieux et une analyse sociologique fine du quotidien d'un ensemble de femmes au Maroc35 afin de mettre en évidence l'impact d'un « islam masculin » faisant de la femme un être dangereux dont le confinement dans l'espace domestique est la seule garantie du maintient d'un ordre social et moral.

L'approche de cette féministe est une approche qui dénonce et dresse un bilan accablant des conséquences de l'instrumentalisation de la religion pour légitimer la domination masculine.

35 Entretiens et statistiques

Amina Wadud:

« La volonté de Dieu est la totalité de la réalité cosmique et Dieu donna aux êtres humains dotés du libre arbitre la faculté de préserver ou de détruire cette harmonie qui se reflète partout dans l'univers connu »36. C'est dans cet état d'esprit que Amina Wadud aborde et vie l'islam en avançant l'idée d'une tolérance et d'émancipation à travers cette religion.

Amina Wadud est une noire américaine voilée convertie à l'islam depuis 1973, c'est une universitaire et une importante figure du féminisme islamique. Professeure d'études islamiques à l'Université du Commonwealth en Virgine, cette militante veut bouleverser les convictions et révolutionner les pratiques religieuses et la morale dominante en Islam. Elle part d'une lecture critique du Coran par l'ijtihad et en s'intéressant à la manière dont l'islam traite la femme pour en desceller les traces patriarcales. C'est en 2005 que cette révolutionnaire défraie la chronique en dirigeant la prière du vendredi dans une mosquée, une prérogative traditionnellement dévolue aux hommes. C'est au cours de la même année qu'elle contribue activement au lancement du premier congrès international des féministes islamiques à Barcelone par la Junta Islamica Catalan37. Parmi ses revendications bousculant les conventions : elle se prononce en faveur du mariage homosexuel.

C'est ainsi que ses positions sont rejetés par la communauté musulmane en Europe et au Canada; ceci dit sa défense du voile est reprise par les intellectuels musulmans plaidant pour une libération de la femme dans et par l'islam38 dans ces pays.

Amina Wadud se situe dans cette voie d'émancipation se rapprochant de celle de d'Irshad Manji à l'exception de sa défense du voile islamique.

36 Amina Wadud« Foi et féminisme: pour un djihad des genres », dans Existe-t-il un féminisme musulman?,

livre issu d'un colloque à Paris, septembre 2006, organisé par la Commission Islam et laïcité L'Harmattan-Page 75

37 Une association de musulmans espagnols.

38 « Frere Tariq » Caroline Fourest

Analyse d'un extrait de l'interview d'Amina Wadud
Motivations d'une conversion et d'une lutte

Son parcours intellectuel et social nous explique d'une certaine façon la construction de ses idéaux, son expérience de l'Islam a influé dans sa manière de se l'approprier. C'est à travers une interview du 1 février 201139 que Amina explique sa réappropriation de l'islam (et du coran) et comment elle perçoit la lecture critique dont il faut en faire. Elle souligne avoir grandi dans la foi, son père étant pasteur, la spiritualité l'accompagna depuis son enfance. Elle grandit donc dans un questionnement sur l'humanité et la spiritualité. Dans cette interview elle y invoque également les motivations de son travail et les processus de ses pratiques.

Lors de sa lecture du Coran elle était Bouddhiste , elle y trouva des réponses à des questions dans sa quête spirituelle, elle se convertit, porta le foulard , appris les fondements des pratiques religieuse islamique mais partait du principe qu'elle pouvait quitter cette religion si elle ne lui convenait pas.

Elle a donc entamé des études dans les années 1970 sur l'Islam, et c'est en en mars 1973: « qu'une voisine me donna une copie du Coran et c'est à ce moment que je suis véritablement rentré dans l'islam Elhamdoulillah40, c'est avec l'amour de l'Islam que j'ai voulu changer et comprendre les choses »41.

39 Interview à la « Baraka Institut » par Shaykh Fadhlalla Haeri

40 En arabe « Dieu Merci »

41 Ibid- Interview à la « Baraka Institut »

C'est ainsi que Amina Wadud appris l'arabe et appris à intérioriser ce que ressentent les musulmans dit t'elle. « J'ai vu une divergence entre ce que j'ai appris, intériorisé et ce que vivaient les musulmans. Mon idéologie du divin était personnelle *...+ pour moi la vie était parfaite car j'avais une nouvelle compréhension, et je ne voulais que personne me dicte ce que j'entendais par la... »42 . Amina explique qu'il n'existe pas de lecture féminine du Coran et cette voix absente de la femme explique pour beaucoup l'état actuel de la condition féminine dans les sociétés musulmanes. La question du genre et du Coran est devenue alors une thématique centrale pour cette militante, de plus elle a compris que l'interprétation du coran et des préceptes islamiques varie d'une région à une autre et cela l'amena à réfléchir sur l'influence culturelle dans les lectures du Coran.

Pour elle, sa foie s'exprime à travers ses études, et ce qui la surprend c'est que les musulmans « ne lisent pas assez le coran »43 car elle estime que toutes les réponses y sont. Elle part du principe sous forme de questionnement:« Si Dieu est juste pourquoi ya t'il des injustices dans l'expérience humaine? ».

Ensuite cette auteure se penche sur la façon dont est perçut « une bonne musulmane », elle dénonce l'idée d'une piète féminine se définissant par la patience, l'endurance des peines, le fait de consacrer son existence à être une « bonne mère» ou une « bonne épouse ». En effet, on peut comprendre que la dimension de la relation individuelle à Dieu et à la pratique de la foi est effacé derrière ces prérogatives machistes, le rôle a jouer en tant que croyante se mêle à un rôle social rendant cette conception de la piété féminine peu crédible.

Amina Wadud se demande en pourquoi la définition d'une bonne musulmane affecte la question des genres? Cette idée révèle une force patriarcale qui soumet la femme à la volonté masculine et cantonne son rôle à l'espace privé (l'espace domestique). Elle invite alors les femmes à se référer elles même au Coran. C'est l'une des raisons pour lesquelles elle explique le rejet de l'islam par un certain nombre de femmes, à cause d'un message divin à l'origine juste et libérateur transformé par un monopole patriarcal tout au long de l'Histoire.

Elle insiste également beaucoup sur la contextualisation de certains textes sacrés et l'utilisation qui en est faite, s'agissant des femmes elle introduit l'idée d'une religion qui dès son apparition bouleversa la société profondément patriarcal pré-islamique par ses principes libérateurs concernant les femmes: Pourquoi aujourd'hui les lectures qui en sont faites tendent à opprimer la femme? Elle déclare que cette révolution apportée par l'Islam fut assez vite étouffée par la misogynie régnante.

42 Ibid

43 Ibid

Engagement de cette militante: Une (re)découverte de l'Islam:

« The goal of islamic law is justice ,>44: L'objectif des lois islamiques est la justice. Amina Wadud affirme qu'il y a une implication sociale dans la théorisation de l'Islam et que le rôle des femmes et de remettre en question cette lecture patriarcale en s'appropriant elles même le Coran ainsi que sa compréhension. C'est dans ses deux ouvrages Inside the gender Jihad et Qur'an and Woman qu'elle revisite la question des genres et met en avant la suprématie de l'âme en islam, le genre n'étant que l'expression d'une complémentarité humaine pour la vie sur terre.

Elle fait une analyse fine du vocabulaire arabe (utilisé dans le Coran) qui selon elle admet des termes pour désigner les êtres humains sans spécificité de genre45 pour désigner les croyants et d'autres termes qui soulignent leur complémentarité46 (n'impliquant donc aucuns rapports de force).

Lorsqu'Amina Wadud était étudiante a l'Université de Pennsylvanie elle fréquentait une petite association d'étudiants musulmans, période au cours de laquelle elle a connue le mouvement des Black-Power aux États Unis ainsi que la vague féministe des années 1970 qui a connu un essor considérable. C'est ainsi que l'islam fut pour elle dans ce contexte un « échappatoire au phénomène accablant de la double oppression en tant que femme afro-américaine ,>47. Cette féministe se lance au nom de l'Islam dans ce qu'elle appelle le « gender jihad ,>48 , une lutte qu'elle considère comme faisant partie intégrante de sa foie et de la pratique religieuse pour représenter au mieux le message Divin sur terre. Cette mission s'est concrétiser à travers ses écrits questionnant ces thématiques, un engagement actif au sein de l'association Sister in Islam en Malaisie et en participant au lancement du premier congrès internationale en 2005 à Barcelone des féministes islamiques. Amina Wadud est professeure aujourd'hui en études islamiques à la Virginia Commonwealth University afin de transmettre un savoir islamique « au féminin ,>.

44 Amina Wadud « Qur'an and Woman »

45 Insan,...

46 Zewj,...

47 Amina Wadud« Foi et féminisme: pour un djihad des genres », dans Existe-t-il un féminisme musulman?,

livre issu d'un colloque à Paris, septembre 2006, organisé par la Commission Islam et laïcité L'Harmattan-Page 77

48 Le djihad des sexes

L'analyse de ce parcours féministe et religieux est à la fois nous montre qu'il s'agit pour elle non seulement d'une lutte contre les discriminations faites aux femmes mais son discours invite les femmes se reconnaître en tant que sujet de leur histoire aux cotés d'autre femmes. Les femmes ayant intériorisé ces normes comme étant authentiques et suivant le dogme religieux elles ne sont pas en mesure de porter un regard critique sur la question ; une domination masculine légitimé par une interprétation patriarcale dénoncé par cette militante. Elle revendique donc une réappropriation de la religion par les femmes et pour les femmes.

Shahla Sherkat

Shahla Sherkat est la fondatrice de la revue féministe iranienne « Zanan » en 1992, interdite de publication aujourd'hui. Née en 1956 en Iran, elle est à la tête d'un des premiers mouvements féministes fort en Iran. Son engagement actif durant la Révolution iranienne de 1979, cette militante a su éveiller les consciences iranienne sur divers problématiques concernant la condition féminine en Iran mais aussi d'un point de vu politique pour de nouvelles réformes.

Libre et audacieuse, Shahla Sherkat a su continuer son combat malgré plusieurs interpellations en Iran et une arrestation de quatre mois en 2001 suite à son intervention dans une conférence à Berlin dans laquelle elle a prononcé un discours sur les maux sociaux et l'avenir politique en Iran. L'édition de sa revue Zanan fait d'elle une des pionnières du mouvement de libération iranienne.

Elle a entrepris des études de psychologie à l'Université de Téhéran et a obtenue un certificat en journalisme de l'Institut Keyhan (Téhéran). Depuis 2002, elle étudie afin d'obtenir sa maîtrise en études féminines à l'université Allameh Tabatabai. En 2005, elle a également obtenue deux prix pour son engagement avant gardiste:« Louis Lyons Award, The Nieman Foundation for Journalism » ainsi que « The Courage in Journalism Award » à l'université d 'Harvard.

Le militantisme féminin en Iran a connue un essor considérable au cours des révolutions politiques durant lesquels ces mouvements ont joué un rôle important dans l'amélioration des conditions féminines.

Pour comprendre l'enjeu et la portée de l'engagement de cette féministe iranienne, il serait judicieux de faire un bref rappel historique de l'évolution de la condition féminine en Iran:

De 1931 a 1979: Acquisition des droits politiques et civiques des femmes:

C'est sous le régne des Pahlavi49 que la condition féminine en Iran a connu les améliorations les plus considérables. Fondé sur la Charia50 , l'institution juridique avait mis en place un ensemble de lois visant a promouvoir les droits de la femme et lui garantir une certaine autonomie.

· Age légal du mariage des femmes fixé à 18 ans en 1973 ( au lieu de 9 ans)

· Droit au vote et de l'éligibilité accordé en 1963.

· Une loi de la protection de la famille renfermant des règles relatives au divorce, à la polygamie, au droit à l'héritage,... afin de garantir une justice au sein de l'institution familiale.

· Fondation de l'OFI (Organisation des femmes iraniennes) en 1964 par la princesse Ashraf Pahvali51. Cette organisation réunit divers organismes qui s'occupent de confort familial, de protection des enfants, de formation professionnelle, de planning familial et de conseil juridique.

· D'autres lois suivent ensuite, visant à faciliter l'accès des femmes aux fonctions jusque là réservées aux hommes (notamment dans le domaine juridique).

Dans ce contexte où le port du foulard était interdit, les femmes constituaient 30% des étudiants de l'Université de Téhéran et elles entrèrent activement dans la sphère publique et politique. Cependant ces avancées ne concernent que les femmes urbaines, les femmes rurales étant peu éduquées ont même vu leur situation se dégrader du fait de la montée de la modernisation et donc de l'appauvrissement des zones rurales. La situation des femmes et leurs engagements étaient intimement liés à la politique de l'Iran, elle y joue un rôle déterminant dans la mise en oeuvre de ces avancées. Ainsi la condition féminine iranienne est le reflet du type de pouvoir en place dans cette nation qui a connue beaucoup de bouleversements politiques.

49 La dynastie Pahlavi est la dernière dynastie iranienne avant l'avènement de la république islamique.

50 Droit islamique

51 Née le 26 Octobre 1919 à Téhéran, c'est la soeur jumelle de Mohammad Reza Pahvali, le dernier Shah

de la dynastie Pahvali d'Iran.

Révolution iranienne et instauration de la république islamique:

Avec la révolution iranienne de 1979, l'arrivée de Khomeini diminue considérablement le droit des femmes à cause du conservatisme religieux. Cette république islamique privilégie la restriction de la place des femmes à l'espace privé. Une des premières modifications du droit des femmes s'illustre par l'abrogation de la loi sur la protection de la famille, favorable aux femmes, votée a l'époque du Shah. Le port du hijab devient obligatoire, les femmes sont désormais soumises à la Charia, elles sont écartées de toutes les hautes fonctions publiques, l'âge du mariage est reculé à celui de 9 ans et ce gouvernement met en place une ségrégation spatiale52; on assiste ainsi à l'annulation de tous les acquis sociaux pour les droits des femmes sous la dynastie des Pahlavi.

Mort de Khomeini et reprise du militantisme féminin:

Les revendications de la société civile recommencent a s'exprimer de manière assez notable, particulièrement celles des femmes a qui l'État peut difficilement refuser de reconnaître la participation a la révolution, a la guerre, et l'implication dans la bonne marche du pays alors que la majorité des hommes étaient au front (à la guerre opposant l'Iran à l'Irak). Ceci dit les dirigeants qui ont suivit Khomeini reste religieux dans leur discours et privilégient toujours la limitation du rôle des femmes dans le cadre privé. C'est ce qui entraina l'émergence de groupement de femmes instruites qui critique cette position qu'elles ont longtemps combattues. Il existe à l'heure actuelle 3 types de militantisme féminin en Iran : Les musulmanes traditionalistes (issues de la classe moyenne traditionnelle ou des familles cléricales ) elles prônent un retour à la vie active mais dans les limites imposées par la charia et dans la séparation avec les hommes; les musulmanes modernistes (originaires de la classe moyenne traditionnelle mais instruites et actives) elles veulent l'amélioration de la condition des femmes et leur insertion dans la sphère publique et politique, une émancipation de la femme fondé sur une réinterprétation des textes religieux. Ce courant tire sa force du journal Zanan de Shahla Sherkat. Shahla fait donc partie de ce mouvement moderniste et religieux à la fois. Puis il y a les modernistes laïgues (issues pour la plupart de la classe moyenne moderne, très instruites suite aux changements amenés par les Pahlavi). Elles revendiquent une séparation du religieux et de l'État et ne prennent pas en compte la charia dans leur militantisme.

52 Par exemple:ségrégation dans les bus (femmes à l'arrière et hommes à l'avant)

Si nous revenons sur le parcours de Shehla Sherkat on remarque donc qu'elle s'inscrit dans une tradition de militantisme propre à l'Iran et son discours est un appel qui vise à reformer l'esprit citoyen de son peuple pour la justice et la démocratie. Après l'interdiction de publication de son journal, accusée de peindre une image négative de la situation de la femme en Iran elle continu à militer à travers des sites internet, des conférences et encourage l'action politique féminine en Iran et dans les pays musulmans.

«A l'instar du feu sous la cendre, ces mêmes femmes simples, ordinaires, qui étaient négligées par les intellectuels à l'époque du Chah, ce sont elles qui, aujourd'hui, incarnent le mouvement. Étant sorties de quatre murs de leur maison à la faveur de la révolution, elles ont commencé à se rencontrer et à se raconter dans les files de ravitaillement et ont enfin compris qu'elles ont une histoire, qu'elles sont l'histoire. »53; c'est dans cet état d'esprit que Shahla considère les mouvements féministes en Iran , dont elle rappelle le rôle essentiel qu'ils ont joué dans la révolution et durant la guerre opposant l'Iran à l'Irak, comme le reflet d'un renouveau islamique juste et authentique. Au delà de la lutte féministe pour l'émancipation de la femme, c'est un militantisme nationaliste pour des meilleures perspectives d'avenir en terme politique et civique en Iran. La spécificité des mouvements féministes islamiques ainsi que les militantes musulmanes s'exprime par la multiplicité des terrains de revendications dans la mesure où ce sont des luttes qui touchent plusieurs sphères de la vie politique et sociale. C'est en ce sens que l'on peut affirmer que ce ne sont pas seulement des luttes féministes mais aussi d'ordre nationalistes, politiques et idéologiques.

On peut penser que l'aspect multidimensionnel de ce type d'engagement est lié au fait qu'il est fondé sur une nouvelle lecture de l'islam, en effet l'islam étant une religion qui régit l'ensemble du fonctionnement social et politique de la communauté, il est donc logique que ces discours réformistes visent plusieurs domaines de la vie politique et sociale.

Dans un entretien paru dans le Figaro publié en Juin 2009, Shahla Sherkat déclare : « Zanan a jeté les fondements d'un féminisme iranien, non calqué sur l'Occident. Nous avons interviewé des ayatollahs progressistes, qui prônent une relecture moderne de l'Islam et l'égalité entre les hommes et les femmes. » ; Shahla déclare lutter contre des traditions archaïques instaurées par le régime de Khomeini qui voit en la femme uniquement une « mère ou une épouse ». Malgré les forces rétrogrades en Iran et leur haute surveillance de ces groupes féministes, ces femmes ont arraché malgré tout des victoires54.

53 <<Zanan: le journal de l'autre Iran » Shahla Sherkat , Editions CNRS- 2009

54 << le recul des députés conservateurs qui souhaitaient rétablir la polygamie et une réforme de la loi sur

l'héritage, qui permet désormais aux veuves d'hériter des terres de leur mari » Être féministe en Iran- Le figaro

Malgré son arrestation et la fermeture de son journal, Shahla reste confiante :« Quand le magazine a fermé, toute mon équipe pleurait. Pas moi. Je les consolais. Je suis une optimiste farouche »55; elle soutient activement le candidat réformiste Mohammad Khatami en espérant relancer un autre magazine à travers lequel les femmes iraniennes pourront s'exprimer.

Cette militante dont le parcours fut périlleux et semé d'embuches voit en sa lutte un combat légitime et sacré, car ses motivations consistent à transformer ce qu'on a fait passer comme étant « l'Islam » en le replaçant sur la voie d'un message coranique portant sur l'égalité des sexes et la justice social.

Ce parcours nous illustre les difficultés auxquels est confronté ce type de positions en terre d'Islam; les consciences politiques et collectives rejettent une association entre féminisme et Islam. De plus la dichotomie entre Orient et Occident qui sont des catégories construites, constitue un frein à l'émancipation de ces femmes dont la posture est vue comme une « trahison » aux valeurs islamiques puisque « occidentalisées»; ceci malgré une légitimité qu'elles revendiquent par leur attachement aux écrits religieux.

55 Ibid.

Irshad Manji

Le parcours intellectuel et la posture de cette militante canadienne nous permet de voir un positionnement féministe fondé sur une lecture de l'islam différente des principes du féminisme islamique que l'on connait. En effet, son discours met en évidence la diversité des discours féministe et musulman. Elle rejoint dans un certain sens la majorité des mouvements féministes musulmans dans la mesure où elle prône « l'ijtihad ».Ceci dit l'aspect très libéral et innovant de ses idées pour un renouveau islamique témoigne de l'émergence d'une nouvelle facettes de féministes musulmanes dans les pays anglo-saxons qui remettent en cause les principes les plus ancrées en Islam.

L'intérêt pour nous est d'analyser cette posture militante différente de celle des autres femmes afin de voir l'impact d'une telle attitude sur la portée de son discours.

Parcours social et intellectuel:

Irshad Manji est une journaliste et militante féministe canadienne. Elle se définit comme étant musulmane et lesbienne et critique de manière virulente l'interprétation étroite et extrémiste du Coran en prônant un « ijtihad », elle revendique une ré-interprétation du coran à la lumière des valeurs modernes. Elle soutient les courants de libre pensée et défend l'idée d'un islam libéral où la condition féminine serait améliorée. Considéré par le New York Times comme étant « le pire cauchemar d'Oussama Ben Laden ». Elle rejoint le mouvement du féminisme islamique dans sa volonté de favoriser « lijtihad » pour une nouvelle lecture du coran.

Son ouvrage qui a connu un considérable succés « Musulmane mais libre » (The Trouble with Islam Today) , traduit en plusieurs langues; elle publie également des articles traitant de cette question de l'islam et de la femme. Étant très médiatisé aux États Unis par les plus prestigieuses chaines de télévision et les journaux les plus lus, l'opinion publique américaine semble accueillir positivement ses idéaux et son engagements.

Née dans une famille musulmane en 1968 en Ouganda, elle avait quatre ans lorsque sa famille immigra au Canada. Elle est originaire d'une famille sud asiatique , ayant vécue un enfance difficile elle l'évoque dans son premier ouvrage pour expliquer sa volonté d'émancipation et de donner un renouveau à l'islam.

Elle suit des études en Histoires à l'Université de la Colombie Britannique ( au Canada), poursuit en journalisme et travailla également au sein du parlement canadien ainsi en tant que porte parole d'Audrey McLaughin ( leader d'un parti politique canadien). Elle anima plusieurs émissions (QFiles sur City TV, Public Interest sur Vision TV,...). Elle est actuellement présidente d'une chaine de télévision canadienne consacrée à la jeunesse dans des débats portants sur divers thèmes de la vie citoyenne.

Son engagement et son audace dans ses discours lui conféra plusieurs prix dont le prix du courage Simon Wiesenthal ainsi que le premier prix Chutzpah Award d'Oprah Winfrey. Elle a fait plusieurs apparitions sur la scène internationale dont la Women's Forum Leadership Conference.

Conviction politique et religieuse:

Irshad Manji est homosexuelle et condamne avec virulence la condamnation de l'homosexualité par les États islamiques; une condamnation qu'elle juge allant à l'encontre des principes même islamiques étant donné l'image d'Allah véhiculé par le coran: « Allah a rendu excellent tout ce qu'il a créé ». Si ont suit cette logique, aucune créature ne doit être condamné ou attaqué.

Ses idées ainsi que son amitié et son soutient pour Salman Rushdi56 lui ont valu des menaces de mort, elle vie donc sous une haute surveillance. Elle participa à la rédaction du manifeste « Ensemble contre le totalitarisme, le Manifeste des Douze » (co-écri notamment par Salman Rushdi, Ayaan Hirsi Ali* et Taslima Nasreen) en réponse aux menaces suscitées

56 Auteur de « Les versets sataniques »

par la caricature danoise du Prophète musulman Mahomet. Elle défend l'idée d'une liberté d'expression et de pensée et cette signature avec ces auteurs « condamnés » illustre cette prise de position en faveur d'une liberté qu'elle souhaite « inculquer » à la culture islamique et plus particulièrement arabo-islamique. En effet, elle souligna dans divers intervention le poids de la culture arabe dans l'interprétation extrémiste et masculine du Coran, elle est considérée par les critiques comme étant anti-arabe et sa connaissance du monde arabe est souvent remise en cause.

Les critiques à son égard ciblent son style de vie et ses convictions, une posture qui selon eux ne donne aucune validité à ses propos. Elle est perçut comme un outil médiatique et politique occidental pour contredire les États arabes et musulmans. Ils affirment que sa célébrité vient du fait qu'elle dit ce que les médias occidentaux veulent entendre au sujet de l'islam.

Son prochain ouvrage qui sera publié prochainement (en juin 2011) :« Allah liberty and love » met en avant un message de paix et d'amour universel inspiré d'une croyance islamique à laquelle elle affirme son appartenance. Elle veut revisiter ce que l'on entend par l'Islam et le message qu'il véhicule.

Irshad Manji donne vie à sa pensée à travers un site web dans lequel elle invite le public musulman ou non a débattre de sujets divers et variés et fait appel au sens critique en exposant des analyses de la vie en communauté, de la citoyenneté, de la place des femmes, de l'Islam et d'autres thématiques sociologiques et politiques pour un renouveau spirituel et intellectuel musulman.

Analyse de son engagement:

Si l'on se situe du point de vue des critiques auxquels elle a fait face, il s'agirait de remettre en cause son opposition à la culture arabe et islamique dont elle fait une association assez stéréotypée. On lui reproche sa méconnaissance du monde arabo-islamique dans la mesure où elle rejoint Ayaan Hirsi Ali en catégorisant l'islam comme une religion appropriée et imprégnée par la culture arabe d'où « le mal et l'archaïsme » dans lequel ces populations vivent.

Irshad Manji ne porte pas le voile et a témoigné de sa position contre la burqa voire contre tout voile islamique. L'engagement de Irshad Manji n'est pas seulement féministe mais elle mobilise ses discours sur plusieurs terrain, cependant sa vision de l'islam nourrit la plupart de ses interventions.

En effet, le message principal qu'elle tente de transmettre à travers ses écrits c'est que l'Islam est une religion de tolérance et de justice mais que l'Histoire et l'interprétation abusive du Coran est la source des maux des sociétés musulmanes. Elle expose sa vision de cette religion comme celle de l'acceptation de l'autre et celle du débats et de la réflexion opposée à un obscurantisme rigide qui a longtemps été associé à l'Islam par certain. C'est en ce sens qu'elle invite les musulmans, les savants et toutes les instances islamiques a accepter les critiques et les nouvelles interprétations des textes religieux afin de lui donner plus de crédibilité dans notre monde moderne: « Islam deserve better from us " *interview sur aljazeera english - Mars 2008; ce qui veut dire que l'islam mérite mieux de notre part, c'est donc une invitation a modifier le socle spirituel rigide d'après elle qui entoure l'islam. Elle part de l'idée suivante: étant donné que l'islam prône la tolérance, elle se doit en tant que musulmane mettre en oeuvre ce message central qui est celui de donner la réelle image de cette religion, une image démocratique fondée sur la liberté de pensée, de culte. C'est un code qui régit la vie en collectivité et la manière dont on doit traiter « les autres " à savoir que ce soient les musulmans ou les non musulmans.

Cette militante ne se situe pas par rapport à un mouvement féministe islamique, mais sa position en tant que femme musulmane et sa position pour une émancipation de la femme en valorisant l'égalité des sexes, la justice et une relecture du Coran et des préceptes islamiques nous amène à dire qu'elle présente des singularités avec les figures féministes musulmanes qui émergent de plus en plus sur la scène internationale. Il faut souligner cependant que son style de vie et ses discours constituent une véritable révolution souvent mal accueillis (et rejetés) par l'opinion publique des pays musulmans car en effet au delà de ses idées novatrices, son homosexualité et son engagement en faveur des mariages homosexuels ont suscité de virulentes critiques et controverses. Des controverses remettant en cause son statut de musulmane et donc mettent en péril ses discours et son opinion sur l'Islam.

On constate qu'il s'agit, pour cette écrivaine et journaliste canadienne, de redéfinir ce qui est véhiculé par cette religion si nous souhaitons aspirer à l'égalité des sexes et à la justice en terre d'Islam. Son engagement politique, sa prise de position (par exemple: celle de soutenir Salman Rushdi, auteur de « Les versets sataniques », son style de vie et son oeuvre dessine un autre visage à la lutte féministe islamique.

Il est important de rappeler que le public qui accueille positivement sa position est principalement le public occidental (canadien et américain en particulier), sa voix n'est pas valorisée dans les médias arabo-islamiques et les critiques à son égard dans les pays musulmans prennent parfois aussi forme de menaces de mort.

On peut dire que son attitude et sa position idéologique libérale ont eu un impact sur son discours et la manière dont il est reçu. En fonction des espaces géographiques son engagement n'est pas perçut de la même façon. Cette réticence aussi violente à son égard peut s'expliquer par le fait qu'Irshad Manji remet en cause des dogmes religieux profondément ancrés dans l'idéologie musulmane et elle s'adresse à toute la communauté en pointant du doigt l'aspect néfaste de la culture arabe sur cette religion.

Elle se situe sur plusieurs terrains de revendications et sa volonté de changer une « globalité » rend sa lutte difficile dans la mesure où elle s'adresse à un ensemble qu'on a du mal à définir: les nations arabes? Les musulmans et les non musulmans? Les citoyens canadiens? ; c'est ce qui la différencie également des mouvements féministes que nous avons au préalable cités car ces groupes s'adressent à un ensemble bien défini, c'est-à-dire à l'ensemble de la communauté musulmane au nom d'une population donnée.

De plus Irshad Manji vit dans un pays où l'Islam n'est pas la religion d'État ce qui nous amène à se demander au nom de quelle population elle revendique un changement ? Est ce la raison pour laquelle elle est violemment critiquée par les nations directement concernées (les pays musulmans).

C'est ce flou autour de sa posture remettant en cause sa pratique de l'Islam qui constitue un frein à son acceptation par la communauté musulmane en tant que féministe musulmane.

DES POSTURES DIFFERENTES ADOPTEES PAR CES FEMMES

Quelle est l'attitude légitime à adopter?

Ces postures sont différentes mais communes à la fois dans la mesure où elles se situent sur un terrain de revendication tirant une légitimé des textes religieux. On constate que ce statut a une implication sociale considérable faisant de ces femmes les ambassadrices d'un mode de pensée naissant en contradiction avec les valeurs communes, à savoir des valeurs démocratiques se greffant à la spiritualité.

La dichotomie Orient / Occident participe à l'étiquetage de ces femmes comme étant « occidentalisées » ou trahissant les valeurs des sociétés musulmanes. Cette mise à l'écart des féministes musulmanes se traduit par les critiques et les controverses qu'elles suscitent dans leurs postures et leur discours révolutionnaires. La particularité de leurs discours se trouve dans sa portée révolutionnaire car ces femmes revendiquent une réforme totale et globale du fonctionnement politico-juridique islamique.

C'est une remise en cause profonde de l'institution islamique aujourd'hui au travers d'une réinterprétation des textes religieux. C'est une réforme visant à bouleverser le champ social et culturel de ces sociétés par le biais de ce qui régissait cet ordre social : la religion musulmane. Une autre instrumentalisation de la religion mais cette fois-ci au service de l'égalité et de la justice. Utiliser la source de leur oppression pour leur libération met à mal leur posture de militante, d'où leur difficulté à se faire entendre. De plus il s'agit d'une lutte englobant toutes les sphères de la vie en collectivité ce qui nous amène à dire que le féminisme islamique peut constituer un phénomène révolutionnaire à part entière.

Ces différentes façon de militer (écrire, fonder des associations, diriger une prière, participer à une révolution politique,...) sont autant de manières visant à prouver à l'opinion publique, au reste de la société que le pouvoir féminin peut servir la cause civique, politique et intellectuelle. Les prix décernés à ces femmes et leur médiatisation symbolisent le début d'une acceptation de leur revendication dans un contexte où l'Islam est une religion de plus en plus politisée.

Si on se penche sur le discours et les écrits de ces féministes on comprend qu'elles se distinguent des féministes laïques dans leur manière d'aborder l'émancipation féminine. En effet, les féministes musulmanes réfléchissent en terme de complémentarité: Les genres sont différents, complémentaires et se complètent soumis ainsi à une logique divine où « l'âme » est jugée de façon égale mais dont « l'enveloppe » sur terre peut revêtir la forme du genre masculin ou féminin; deux genres ayant des droits et des devoirs différents tendant à une justice sociale. S'agissant des féministes laïques, il est question d'une égalité niant les différences de manière à créer un équilibre parfait entre les sexes.


· Être féministe et musulmane: La question du regard et de l'opinion publique sur cette

posture intellectuelle:

Pour comprendre l'importance et l'impact de la notion du regard s'agissant de notre objet d'étude il semblerait judicieux de se pencher sur l'image et la manière dont est perçue la femme musulmane en général et dans le contexte moderne. Ceci nous permettra de comprendre un des aspects expliquant la place qu'occupent les féministes musulmanes au sein de l'opinion publique.

Dans la tradition judéo-chrétienne (et dans une certaine mesure la tradition islamique et préislamique dans les sociétés patriarcales arabes), le corps de la femme a souvent été associé au péché de chaire, à la tentation et donc à tout ce qui attrait au diable, au mal. Le corps de la femme alimentait les fantasmes les plus refoulées d'où l'oppression que subissaient les femmes avant la Révolution. C'est ainsi que petit à petit en réponse à cela les femmes ont libéré leur corps du joug patriarcale et misogyne, une libération qui est passée par le développement d'un mode vestimentaire propre à elles. Ces femmes ont ainsi contré les anciennes règles rigides qui encadraient la façon de s'habiller, se tenir et de se montrer en public. On comprend que cette révolution qui s'est mise en place en parallèle n'est pas seulement le résultat d'une longue lutte mais reflète un fort symbole d'affranchissement: Être libre de se montrer tel qu'on le souhaite est un droit valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Ne plus être perçu a travers un oeil réprobateur mais comme une citoyenne jouissant des pleins droits accordés par les valeurs républicaines. La lutte pour l'égalité n'est pas seulement d'ordre politique mais on comprend ici qu'il s'agit également d'une modification (plus ou moins inconsciente) de la perception qu'on a des femmes. C'est ce changement du paysage politique et historique qui transforme également notre regard.

« Regarder » n'est pas seulement une activité physique propre à chacun, et au delà des sensibilités individuelles, il y a le contexte socioculturel de chaque société à un moment donné de l'Histoire qui façonne notre perception. Le regard porté sur une femme aujourd'hui dans l'espace publique n'est pas le même que celui datant d'il y a environ deux cents ans... On ne peut détacher l'étude de la place du regard dans nos sociétés sans prendre en compte le contexte.

Les femmes ont toujours été au coeur des débats impliquant le regard posé sur elle: s'agissant de motivations politiques ou religieuses, femmes objets ou femmes opprimées, la question du regard est la principale source de ces controverses.

Saba Mahmood souligne dans son ouvrage57 que la caractéristique principale de la femme musulmane dans sa manière « de se présenter au monde et à la société » est la modestie. La modestie devient un critère de la femme musulmane et ceci doit s'exprimer à travers plusieurs paramètres: l'aspect vestimentaire, l'attitude, les paroles, etc...L'auteure insiste sur cet aspect (la modestie) pour définir la femme musulmane, de plus la « modestie58 » est prônée par les féministes (les dayate59) égyptiennes issues de la classe moyenne (population étudiée par l'auteure dans cet ouvrage). Ce sont ces femmes prenant la parole dans les mosquées et les conférences islamiques qui rappellent l'importance de la pudeur et de la modestie s'agissant des femmes.

On remarque bien que la vision de la femme telle qu'elle doit être varie selon ces femmes engagées: Certaines comme nous l'avons vu au préalable revendiquent une présence affirmée et forte de la femme dans l'espace public alors que d'autres (comme les féministes égyptiennes du Caire étudiées par Saba Mahmood) prônent plutôt la modestie et la discrétion qui selon elles valorise ( et caractérise) la femme.

57 Politique de la Piété, Le féminisme à l'épreuve du renouveau islamique - La Découverte 2009

58 Porter le voile islamique, servir son foyer: mise en valeur de la sphere privée comme au coeur de la vie sociale.

59 Savante musulmane prêchant la parole divine.

S'agissant d'une valeur comme celle de la modestie (s'illustrant principalement par le port du voile et l'occupation de la sphère privée) on peut s'interroger sur la place de l'action publique de ces femmes: Être engagée mais « modeste » à la fois semble relever de l'ordre de l'impossible; comment peut on se mobiliser, vouloir changer et améliorer l'ordre social établie en adoptant une posture effacée et discrète? C'est cette attitude pourtant que défendent un grand nombre de féministes musulmanes en Egypte et en Arabie Saoudite.

Servir le privé pour améliorer le publique est une manière de garder les femmes au sein de la sphère domestique, c'est une position discutable. Pourquoi ce courant d'idées établie un lien direct entre la « modestie » féminine et la stabilité sociale (une stabilité qui tend vers une justice sociale); un lien quelque peu paradoxal mais qui entre dans le schéma normatif dans la mesure où les femmes sont maintenue dans un champs d'action réduit ( sphère privée).

Cette volonté de ne pas sortir du cadre normatif illustre cet état d'esprit répandu dans certains pays musulmans à savoir la discrétion des femmes dans le paysage de l'espace publique (incluant également le paysage médiatique). C'est cette tendance contre laquelle luttent les féministes dont nous avons analysé les parcours. Cette nouvelle vague de féministes musulmanes qui revendiquent une totale implication dans le champ politique et social s'oppose à la tradition qui enferme les femmes dans l'espace domestique; ceci s'explique notamment par l'engagement nationaliste de ces groupes féministes60.

Ceci dit on pourrait si nous nous plaçons d'un autre point de vue, on retrouve une autre interprétation de la notion de modestie qu'implique le voile :

« Les filles voilées parlent » ouvrage co-écrit par Ismahane Clauder, Malika Lateche et Pierre Tevanion. Ce livre donne la parole aux femmes musulmanes voilées, ce sont des entretiens qui se succèdent à travers lesquels on peut comprendre la manière dont elles perçoivent et ressentent le regard des « autres » sur elles.

Il est aisé de constaté que pour la plupart de ces femmes le voile est une source de protection et fait partie entière de leur identité individuelle.

L'islam est pour ces femmes plus une source de protection et non d'oppression. Elles disent que la notion de liberté en Islam ne se limite pas à l'aspect vestimentaire de l'individu, ce n'est pas en se voilant qu'elles restreignent leur liberté.

60 Féministes Iranienne (ayant participer à la révolution politique), palestiniennes( lutte pour la libération des terres occupées) ,marocaines et algériennes ( ayant participer à la décolonisation).

S'agissant de la manière dont elles sont perçues, elles évoquent toutes le fait d'être lassées par un regard de « compassion » les catégorisant comme étant opprimées ou soumises. C'est ce regard qui les opprime diront certaines. Leur principale revendication c'est d'être perçues, vues comme les autres femmes, elles revendiquent un regard « neutre » sans aprioris.

Un regard différent porté sur elles pourrait-il changer le cours des événements? Donnerait-il un autre sens à la posture à adopter par les femmes musulmanes et par les féministes musulmanes?

Nous sommes tentés ici de répondre « oui »... En tout cas, toutes proportions gardées car d'autres variables peuvent venir expliquer ce phénomène. Ceci étant nous pouvons entrevoir l'impact du regard sur le destin social d'un groupe donné. Un regard ici qui reflète clairement une divergence idéologique entre ceux qui « regardent » et ceux qui sont « vues ».

La question du voile, du non port du voile (vu comme une trahison des valeurs islamiques par certains), de la Burqa etc. témoigne de l'importance de la place du regard concernant les femmes musulmanes et le monde moderne dans lesquels elles vivent aujourd'hui. Ceci nous rend compte de de l'impact d'une notion telle que celle de la perception dans les rapports entre les genres mais aussi dans la logique de l'espace publique.

Cette réflexion et ces controverses aujourd'hui autour de ces thématiques nous permettent d'affirmer que le regard sur la femme est toujours imprégné des valeurs et des normes de la société concernée à un moment donné de l'Histoire lui assignant ainsi une place ou une catégorie souvent difficile pour elle de s'en défaire.

CONCLUSION

« Il semble impossible de débattre d'une pleine égalité des musulmanes sans une transformation complète à l'intérieur de l'islam »61 c'est ainsi qu'il faut percevoir le féminisme islamique aujourd'hui dans son expression sur le terrain et dans les discours.

En effet la remise en cause du patriarcat implique en elle même une réforme des valeurs et des normes qui entoure cette religion. Il s'agit donc de débarrasser l'islam de la domination masculine à travers une lecture objective et juste des écrits religieux. Ceci demande une totale et profonde réforme au sein même de la religion telle qu'elle est perçue actuellement par la majorité (ou du moins par les hommes qui dirigent cette communauté).

Stéphanie Latte Abdallah montre dans ses études sur les femmes en Palestine62 que la spécificité des pays arabo-islamiques s'illustre par le rapport étroit qui existe entre la morale et la politique. En effet , l'influence de l'ordre moral et les injonctions normatives régissent l'activité politique. C'est ce phénomène qui participe au maintient des femmes à l'écart de la scène publique. L'ordre traditionnel étant intimement lié à la religion une réforme de celle ci proposée par les féministes musulmanes rend cette initiative une remise en cause profonde de l'organisation du pouvoir.

C'est en ce sens que l'analyse de cet objet d'étude nous permet de cerner la particularité d'un tel mouvement dans la mesure où comme nous l'avons vu ce sont des revendications féministes mais qui rentrent dans une logique multidimensionnelle et peuvent revêtir plusieurs formes selon les mouvements63 . Le pouvoir est mondialement détenue par les hommes et ce malgré toutes les révolutions féminines qu'a connu le monde. C'est ainsi que se forme de nouvelles voix féministes à travers le monde pour réaffirmer le droit à l'égalité entre les sexes, et la montées des féministes musulmanes symbolise un renouveau idéologique mettant le doigt sur ce qui à longtemps été considéré comme uniquement « occidental ».

C'est en ce sens que se dresse un réel premier combat pour ces femmes qui est celui de dépasser
cette dichotomie Orient/ Occident présente dans les esprits pour légitimer leur lutte. Briser cet a
aprioris pour rendre leurs discours crédibles est la principale difficulté que rencontre le féminisme

61 Amina Wadud, Inside the Gender Jihad p. 188.

62 Femmes réfugiés palestiniennes , PUF -2006

63 Les féministes iraniennes, les dayat égyptiennes, ou les féministes musulmanes provenant des pays anglosaxons, etc...

islamique dans un monde où les catégories constitues un paysage intellectuel et politique normé dont on a du mal à en sortir. Le propre du féminisme islamique est d'agir au nom des droits de l'Homme universels en maintenant une spécificité religieuse; et c'est ce que « la paresse intellectuelle »64 définit comme étant un paradoxe.

Quand le féminisme musulman surmontera cette barrière intellectuelle crée par l'imaginaire collectif , les revendications seront sans doute mieux reçues et donc entendues et légitimées. C'est ainsi que le féminisme islamique rencontre une double difficulté: Dépasser l'association à l'occident du terme « féminisme » et faire face au patriarcat fortement ancré dans la société.

L'étude de ces différentes trajectoires féminines et l'analyse de la place actuelle de cette posture dans les débats nous amène à dire que ce féminisme regroupe toutes les caractéristiques pouvant alimenter de virulentes controverses étant donné le contexte normatif actuel.

De plus la question de la différence des sexes et du droits des femmes ont tellement été politisées que cela a provoqué de violentes réactions quand ces dernières sont pensées en terme religieux.

Ceci dit le féminisme marocain qui a donné lieu à une révision de la Charia donna naissance à la loi Mudawana en 2004 en faveur des droits juridiques des femmes a constitué une réelle avancée en terme d'émancipation féminine et a octroyé de considérables droits aux femmes victimes d'injustices; le féminisme iranien a également su asseoir sa place grâce à sa participation active à la révolution politique du pays... Tous ces éléments mettent la lumière sur les changements concrets apportés par ces revendications mais ceci reste limité si on considère le chemin restant à faire...

Le plus rassurant c'est que le féminisme islamique parle au nom de la modernité, dans l'optique de sortir de l'obscurantisme et de l'archaïsme qu'aucun esprit rationnel et construit ne peut accepter aujourd'hui...

Pourtant tout au long de l'Histoire réinterpréter des textes religieux, se référer aux droits de l'Homme, se baser sur les valeurs républicaines,... ont constitués autant d'éléments qui ont servit à dénoncer la discrimination faite aux femmes mais force est de constater que les réalités sociales et culturelles ont élevé des barrières ( les normes, les traditions, l'imaginaire collectif, les a prioris etc...) entre ce qui doit être et ce qui est ; faisant du féminisme une voix non écoutées ou peu prise en

64 Terme judicieusement choisi par Julien Beaugé pour définir les aprioris et les idées concernant cette thématique.

considération. C'est la raison pour laquelle toutes les voix féministes doivent s'élever et se démarquer pour dépasser les tabous et les normes qui perpétuent la domination masculine.

Pour voir les femmes naturellement dans la politique et dans une égalité de droit avec les hommes il est nécessaire de briser cette invisibilité des femmes tout en légitimant cette rébellion: C'est pourquoi le cas du féminisme islamique nous rend compte de l'enjeu crucial des moyens mis en oeuvre pour cette révolution féminine. En effet , réinterpréter les textes religieux pour ces militantes musulmanes est une manière de contrer ce qui a longtemps servi à légitimer leur oppression.

Ainsi, pour libérer les esprits il faut commencer par les atteindre et pour se faire il est nécessaire de passer par une voix prise en compte: En terre d'islam c'est celle du Coran. Pour légitimer des revendications dans des sociétés où la spiritualité est de rigueur il faut rendre cette dernière l'origine de la liberté. Si l'ordre divin est un ordre d'égalité, de tolérance et de justice , les croyants suivront ce modèle avec conviction. Cette « occidentalisation » du féminisme peut être considérée comme un prétexte parmi d'autres pour rejeter ces voix d'émancipations en terre d'islam.

Comme le souligne Pierre Bourdieu dans son ouvrage La domination masculine , les femmes ont intériorisé la domination des hommes de manière à consentir inconsciemment à celle ci . Les femmes ont intériorisé tout au long de leur socialisation leur statut inférieur à celui des hommes et donc elles participent à la perpétuation de la domination masculine. Il en va de même pour les sociétés musulmanes, c'est un phénomène sociologique qui touche tous les univers sociaux, et c'est en ce sens qu'une remise en cause profonde des codes régissant et soutenant le patriarcat que l'on peut défaire cette discrimination.

On peut appliquer ceci à l'ensemble des sociétés. Ce qui nous amène à dire que la femme musulmane comme toutes les autres femmes doit intérioriser l'idée d'égalité des sexes comme allant de soit pour que le phénomène de l'émancipation de la femme ne soit pas considérée comme étant une spécificité propre à une partie du monde mais à l'ensemble des sociétés incompris le monde musulman.

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie ouvrages:

? La Citoyenne paradoxale : Les Féministes françaises et les droits de l'Homme - Joan Wallach Scott -

Paris, Albin Michel- 1998

· Insoumise de Ayaan Hirsi Ali- Robert Laffont- 2005
. Existe-t-il un féminisme musulman? Par La Commission Islam & Laïcité- L'Harmattan -2007

. Politique de la piété: Le Féminisme à l'épreuve du Renouveau islamique par Saba Mahmood- Edition

La decouverte 2009

. L'Orientalisme- L'Orient créé par l'Occident par Edward W.Said- Éditions du Seuil- 2005

· Sexe Idéologie Islam- Fatima Mernissi Editions Tierce 1983

· . Inside the Gender Jihad: Women's Reform in Islam- Oxford- Amina Wadud. 2006

? Qur'an and Woman: Rereading the Sacred Text from a Woman's Perspective - Oxford Amina Wadud.

1999.

· Les filles voilées parlent- Ismahane Chouder , Malika Latreche, Pierre Tevanian- La fabrique éditions2008

? Nulle part dans la maison de mon père- Assia Djebar -Fayard 2007

? Assia Djebar, Une femme, une oeuvre, des langues- Bio-bibliographie (1936-2009)- Boussad Berrichi-

Seguier 2010

· La Femme sans sépulture de Assia Djebar- Albin Michel- 2007

Références articles:

· Des engagements féminins au Moyen-Orient (xxe-xxie siècles)

Un dossier de la revue "Le mouvement social" (La Découverte, n°231, avril-juin 2010) par
Julien Beaugé

· Le féminisme islamique aujourd'hui

Un numéro de la revue Critique Internationale (n°46, janvier-mars 2010) par Paula El
Khoury : Chercheuse/membre de (CADIS-EHESS)

· Femmes musulmanes entre « l'état sauvage » et les « cultures civilisées » par Ahmed Moatassime. 1984 Revue Tiers-Monde, numéro 97.

· Le féminisme islamique vingt après: économie d'un débat et nouveau chantier de recherche- Critique internationale n°46 Janvier-mars 2010 par Stephanie Latte Abdallah

· Où en est le féminisme islamique? Critique internationale n° 46 - janvier-mars 2010 Par Margot Badran

· Maroc: « Vers un féminisme islamique d' État » -Critique internationale n° 46 - janvier-mars 2010 par Souad Eddouada et Reneta Pepicelli

REMERCIEMENTS

Ma réflexion pour l'élaboration de ce Mémoire de recherche s'est faite tout au long de l'année universitaire avec l'aide et le soutient de l'équipe pédagogique des masters 1 sociologie de l'Université de Picardie Jules Vernes.

Je tiens d'abord à remercier la précieuse aide de mon directeur de Mémoire Mr Didier Eribon dont les judicieux conseils m'ont guidé pour mener à bien cette recherche et construire un objet d'étude à la hauteur de mes espérances. Travailler avec lui fut un plaisir et un réel enseignement en soit.

J'exprime également ma reconnaissance à Mr Julien Beaugé grâce à qui j'ai pu accéder à des références d'articles intéressants constituant une aide considérable dans la manière d'aborder ce thème de recherche, ce fut un entretien enrichissant.

Je remercie également toute la promotion de Master 1 sociologie 2010-2011 pour cette atmosphère d'entre-aide et de soutient que nous avons su créer et qui a été un réel encouragement pour nos travaux.

RESUME

Résumé du Mémoire de recherche:

Mon objet de recherche se penche sur l'Histoire et l'analyse des mouvements féministes islamiques. Un courant d'idée qui s'est développé dès les années 1930 en Égypte, donc récent et qui connait encore aujourd'hui des difficultés à se faire entendre et dont les principales figures symbolisent une lutte naissante mais qui se fonde sur une religion datant du 13ème siècle.

L'intérêt sociologique est de déconstruire ces discours afin de voir comment ces femmes parlent d'égalité en terme religieux et la manière dont leur posture est perçue au sein de l'opinion publique.

Le féminisme islamique est un mouvement revendicatif propre aux pays musulmans et qui prend une place de plus en plus importante sur la scène politique des pays arabo-islamiques dans l'optique de consolider les valeurs démocratiques modernes d'aujourd'hui.

Ce Mémoire étant un mémoire bibliographique, l'intérêt est de se pencher sur les ouvrages, les articles, les discours traitant de ce sujet et dont les auteur(e)s sont pour la plupart des féministes musulmanes. C'est en ce sens que ce mémoire s'intéressera dans un deuxième temps à la posture adoptée par ces femmes, des postures similaires ou différentes d'une femme à l'autre, ce qui nous amènera à réfléchir sur l'attitude légitime à adopter: Voilée, non voilée, médiatisée ou non, sur quel espace concentrent t'elles leur discours?... Tous ces questionnements viennent soutenir une réflexion sur l'enjeu autour de l'image que ces femmes doivent entretenir et son impact sur la crédibilité apportée à leur propos. Cette constatation sera soutenue par l'analyse du parcours de plusieurs femmes ayant des attitudes différentes et un mode de pensée propre à chacune d'elle.

Toutes ces constantes et ces variantes dans les discours et les attitudes des féministes musulmanes nous rendent compte de la pluralité et de la complexité de ce courant d'idées de plus en plus diffus.

Il s'agit ici de retracer l'Histoire de ce mouvement et comment ces discours ont émergé car ils ont la particularité d'être nés de mouvements de luttes nationalistes (pour la décolonisation) au cours du siècle dernier au Maghreb et dans d'autres régions du monde. La lutte de ces femmes a plusieurs visages mais aussi plusieurs figures le représentant, mais ont comme socle commun un discours fondé sur une réinterprétation des textes religieux à la lumière des valeurs démocratiques.

C'est cette controverse alimentée par les aprioris sur ce type de position qui nous permettra de comprendre en quoi la volonté de ces femmes d'aspirer à l'égalité devient un combat particulièrement difficile. C'est une forme de symbiose entre la modernité et des valeurs archaïques datant de l'avènement de l'islam, un mélange qui suscite des débats et des critiques auxquels ce mouvement est confronté. Au delà de l'intérêt porté à ce courant spécifiquement, ce mémoire met la lumière sur un phénomène sociologique diffus et fréquent à savoir les dessous historique, politique et culturel régissant les logiques et l'évolution de tout mouvement social revendicatif.






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo