La cooperation commerciale entre la Chine populaire et le Tchad: enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Deli laika Kalchekbe Innocent Université de Yaoundé II - DESS en politique et négociations commerciales multilaterales 2010 |
OBJECTIF DE LA RECHERCHEL'objectif de cette recherche est d'analyser les enjeux et perspectives de la coopération commerciale sino-tchadienne. De manière plus spécifique elle vise à présenter : - le mode d'insertion traditionnel du Tchad dans l'économie internationale ; - évaluer l'impact de la coopération renouvelée avec la chine sur le développement économique du Tchad. REVUE DE LA LITTERATURENotre étude arrive à la suite de plusieurs recherches menées par des spécialistes, chercheurs et universitaires africains et occidentaux sur les problèmes de coopération commerciale Sino-africaine. Pour le juriste français POTIER (1932)3(*), la coopération est « la situation dans laquelle deux ou plusieurs nations dialoguent, échangent et construisent une oeuvre commune qui leur profite» Plus généralement, les médiocres performances globales de l'Afrique peuvent être attribuées en grande partie à des facteurs bien connus (baisse du prix des matières premières, problèmes macro-économiques, etc.) GROS J-B (et al 2002), ceci n'explique pas pourquoi certains pays arrivent à accroître leurs exportations et d'autres non (le Tchad). Les sources potentielles de croissance du Tchad en dehors du secteur pétrolier sont le coton et le bétail. Après avoir été le pays africain exportateur de coton jusqu' au milieu des années 70, le pays aurait la capacité de produire le coton en plus grande quantité et de meilleure qualité si les conditions locales de production s'amélioraient4(*). Bien que l'intégration du Tchad dans les marchés régionaux et mondiaux souffre principalement des contraintes pesant sur l'augmentation de la production des biens et services, beaucoup reste à faire pour soutenir le commerce extérieur à travers la diversification des exportations. L'Afrique, la Chine ont une longue tradition de commerce vieille de plusieurs décennies. L'échelle et le rythme de développement des flux d'échange et d'investissement entre le géant asiatique et l'Afrique se sont nettement améliorés. Ainsi certaines études récentes telles que celle de Harry Broadman (2006) ont analysé les flux d'échanges commerciaux entre ces deux partenaires indiquant que les exportations de l'Afrique vers l'Asie ont triplé ces cinq dernières années, faisant de celle-ci le troisième partenaire commercial des pays africains (avec une part de 27 %) derrière l'Union européenne (32 %) et les États-Unis (29 %). Les apports d'investissement direct étranger de l'Inde et de la Chine ont également progressé : ceux en provenance de Chine s'élevaient ainsi à 1,18 milliard de dollars au milieu de 2006, indique l'étude. Une autre étude récente de Sanjev Gupta et Yang Yongzheng (2005) a montré que la part des exportations africaines aux pays en développement a plus que doublé depuis 1990. A mesure que l'Asie s'industrialise, sa demande de ressources naturelles augmente et l'Afrique a saisi cette occasion. L'Asie reçoit aujourd'hui 25% des exportations africaines. La Chine et l'Inde qui procèdent à d'importants investissements sur le continent africain, absorbent à elles deux 10% des importations et exportations des pays subsahariens, soit 25% de plus que la part de ces deux pays dans les échanges mondiaux. La progression des échanges entre les géants asiatiques et l'Afrique s'accompagne d'une offensive diplomatique. Les visites ministérielles se multiplient : le Président chinois a été accueilli au Nigéria en avril 2006 et les chefs d'Etat africains ont participé à un sommet à Pékin au cours de la même année (Chaponnière, 2006). Au début de l'année 2006, le gouvernement Chinois a publié un document sur sa politique africaine qui met l'accent sur l'égalité, la souveraineté et la non-ingérence. Le « consensus de Pékin » (Ramo, 2004) propose une alternative au « consensus de Washington » : car si les priorités chinoises (stabilité, développement et réforme) sont les mêmes, elles se conjuguent selon un ordre différent, Pékin donnant la priorité à la stabilité et Washington aux réformes. C'est dans ce contexte que les entreprises chinoises opèrent en Afrique. Les plus grandes entretiennent directement ou indirectement des liens avec l'Etat, elles s'engagent dans des pays à risque où elles poursuivent des stratégies à long terme. Ces leaders asiatiques, et plus particulièrement la Chine, en modifiant leur comportement vis-à-vis du continent Africain auront un impact croissant sur la façon d'agir des grandes institutions internationales. En effet, alors que la Banque Mondiale assortit ses prêts de conditions de bonne gouvernance (mise en place de lutte contre la corruption, réglementations...), la Chine n'impose aucune contrainte aux pays qu'elle aide : on parle de « dumping démocratique ». En plus, la Chine est le second partenaire commercial de l'Afrique. En 2002/2003, le commerce entre la Chine et l'Afrique a augmenté de 50%. En 2004, l'augmentation était de 60%. Concernant le Tchad, les exportations vers la Chine sont passées de 0 % en 2000 à 21 % en 2004 et les importations de 0 % en 2000 et 1 % en 2004 (J R Chaponnière, 2006). L'intensification des relations commerciales entre la Chine et l'Afrique sub-saharienne a coïncidé avec une accélération de la croissance africaine. En contribuant au redressement des cours des matières premières, l'appétit chinois a été plus efficace que les projets de stabilisation. L'analyse d'Eichengreen (2005) sur les conséquences de la croissance chinoise montre que les pays spécialisés dans la production et l'exportation de composants, de biens d'équipement et de matières premières en bénéficient alors que ceux qui sont engagés dans la production de biens de consommation subissent les effets de la concurrence chinoise. Ces conclusions rejoignent celles de Laal (2004, 2005) qui a analysé l'impact des exportations chinoises sur l'Asie et l'Amérique latine. Ces résultats suggèrent que les pays africains bénéficient de l'émergence chinoise. Selon les statistiques du FMI (DOTS), une dizaine dégage un surplus dans leurs échanges avec la Chine (l'Angola et le Soudan étant les principaux bénéficiaires) alors que pour les 20 autres pays, ces échanges sont déficitaires. L'impact est important pour les pays miniers mais beaucoup moins pour les pays exportateurs de produits agricoles. Les conséquences de l'émergence de la Chine sur l'Afrique peuvent être appréciées du côté de la demande et du côté de l'offre (J R Chaponnière, 2006). La forte demande de matière première peut pousser les prix à la hausse, alors que l'accroissement des exportations peut faire baisser 5(*) les prix. La forte demande d'énergie et de minerais par la Chine et l'Inde a poussé à la hausse les prix internationaux des matières premières, ainsi que le volume et la valeur des exportations africaines (Andrea Goldstein, Nicolas Pinaud et Helmut Reisen, 2006). La Chine notamment est devenue le partenaire principal de plusieurs pays africains: elle leur fournit des produits manufacturés bon marché et réduit leur dépendance à l'égard de leurs partenaires commerciaux traditionnels. En devenant des importateurs importants des produits primaires, la Chine et l'Inde ont permis d'améliorer les termes de l'échange profitable aux pays d'Afrique sub-saharienne grands exportateurs de matières premières. Par contre, l'exploitation abusive des ressources naturelles de l'Afrique peut à la longue aboutir aux « syndrome hollandais ». En effet, si l'exploitation abusive des ressources naturelles peut permettre d'accroître le revenu national des pays, à l'opposé, elle entraine moins de création d'emploi. Aussi, toute stratégie de développement fondé sur ce principe peut avoir à la longue des effets négatifs sur les économies des pays en développement. L'intervention chinoise réduit à la baisse le coût de l'investissement (transport, agriculture, travaux publics). L'inconvénient est que l'investissement est souvent réalisé avec la main d'oeuvre chinoise. Ce qui annule l'impact de l'investissement sur la création d'emploi. Dans beaucoup de pays africains, la présence chinoise occasionne une concurrence rude qui entraîne la disparition d'entreprises locales (Chaponnière, 2006). On peut relever d'autres effets négatifs de l'émergence de la Chine et de l'Inde. Selon, Gumisai Mutume (2006), la libéralisation de la filière textile après 30 ans de protection au profit des pays africains pauvres a occasionné des pertes d'emploi estimée à 250 000 avec l'avènement de l'entrée de la Chine à l'OMC. Selon la Fédération internationale des travailleurs des industries du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC), la plupart des emplois ont été supprimés au Lesotho, en Afrique du Sud, au Swaziland, au Nigéria, au Ghana, à Maurice, en Zambie, à Madagascar, en Tanzanie, au Malawi, en Namibie, au Kenya et au Tchad. L'ancien régime des quotas, connu sous le nom d'Arrangement multifibres (AMF), limitait les exportations de textiles et de vêtements vers les plus grands marchés du monde Etats-Unis, Canada et Union européenne (UE) dans le but de protéger les producteurs des pays industrialisés de leurs concurrents plus performants d'Asie. Ce faisant, ce régime a involontairement avantagé les petits exportateurs de textiles des pays en développement, moins gênés par les restrictions ou bénéficiant d'accès préférentiels aux marchés de l'UE ou des Etats-Unis. Leurs exportations vers les principaux pays industriels ont prospéré. L'abandon des quotas risque de chasser des grands marchés ces fabricants, incapables de rivaliser avec la concurrence effrénée de pays comme la Chine ou l'Inde. Ensuite, bien que favorisant à court terme l'accroissement des revenus de gouvernements africains, le renforcement de la présence chinoise en Afrique pourrait contribuer à perpétuer des gouvernances politique et économique ayant constitué un frein majeur à la croissance durable de ce continent (OCDE, 2006). De même, s'il est communément admis que la croissance de la Chine et de l'Inde constitue un défi et une source d'opportunités pour les pays développés, son impact sur les pays en développement et les politiques appropriées qui peuvent être mises en place pour y faire face demeurent beaucoup plus incertains car les conséquences pour les économies africaines de l'intégration des géants asiatiques au sein de l'économie mondiale ont en particulier été très peu explorées. Enfin, selon Broadman (op cit), même si la progression des flux d'échanges et d'investissements de l'Asie incite à l'optimisme, il existe des asymétries majeures au niveau des relations économiques entre les deux régions. Les droits comparativement élevés que la Chine et l'Inde appliquent aux produits d'exportation de pointe de l'Afrique, ceux d'une valeur maximum, empêchent les pays africains d'exploiter totalement leurs marchés. C'est ainsi que les exportations de l'Afrique ne représentent que 1,6 % de celles que l'Asie reçoit du reste du monde. * 3POTIER R., in ESPRIT, Revue mensuelle fondée en 1932 par E. MOUNIER * 4 Gobind T. Nankani et al : Rapport de l'Etude diagnostique sur l'intégration commerciale du Tchad, DRAFT, 18 Octobre 2006 * 5 Comme le constate Lennon (2005), il est plus prudent d'être fournisseur de minerais que la Chine ne produit pas plutôt que d'être engagé dans le traitement de minerais que la Chine produit pour partie |
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