2)b. Images
traditionnelles
Ce retour à des images et un style graphique plus
traditionnel et surtout très spirituel a été
annoncé par petites touches dans les oeuvres précédentes.
Miyazaki a en effet toujours intégré des images spirituelles et
légendaires à ses films, lesquelles sont devenues de plus en plus
présentes.
Dans Mon Voisin Totoro, nous avons une image de Mei,
perdue dans la vallée, assise devant une rangée de statues
bouddhistes, déités protectrices des enfants. Dans Princesse
Mononoké, le Japon représenté est ancien,
traditionnel, et met en scène les légendes japonaises : les
esprits des forêts, la déesse montant à dos de loup, en
réalité une déité du fer au Japon, datant de cette
même époque (vers le 6e siècle) ; dans
le Voyage de Chihiro, la famille voit des autels et des offrandes aux
Dieux au début du film ; Chihiro passe dans un autre univers en
traversant un tunnel menant à un temple shintoïste.
Ainsi la spiritualité et les légendes du Japon
ancien sont des éléments présents dans toute la
filmographie de Miyazaki, devenant de plus en plus importants, jusqu'à
influencer le graphisme de Miyazaki, qui devient alors plus proche des
traditionnelles estampes, comme le prouve le graphisme de Ponyo sur la
falaise.
2)c. Mise en scène
La mise en scène de Miyazaki comporte certaines
caractéristiques. Tout d'abord, notons que l'on retrouve dans chaque
film des éléments du réel, témoins du souhait
d'exactitude du réalisateur, et de son attention aux
détails : ainsi par exemple les avions dans Porco Rosso
sont tous des reproductions d'originaux, de vrais avions de guerre :
même le personnage de l'acteur américain Donald Curtis est
inspiré du vrai Donald Curtis, acteur de cinéma des années
50 et 60.
Mais ce sont les scènes d'action qui font preuve de l'art
du réalisateur : rapides, fluides, prenantes. Cela réside
tout d'abord dans la fluidité de l'animation. En effet, pour rendre les
mouvements rapides et recréer une réelle impression de combat, le
réalisateur supprime le dessin des mouvements
intermédiaires : ainsi lorsqu'un personnage donne un coup
d'épée, on aperçoit surtout le scintillement de l'arme et
le mouvement est presque imperceptible, mais bien recréé.
D'autres éléments sont communs à chaque
film : Miyazaki a en effet intégré certains
éléments de la nature dans chacune de ses oeuvres, bien que
chacune soit différente dans ses thématiques et son style visuel.
Ainsi nous retrouvons à chaque fois l'eau, témoin une fois de
plus de l'importance de la spiritualité dans les films de Miyazaki. En
effet, selon les légendes japonaises, l'eau représente un passage
entre le monde des vivants et des morts ; nous pouvons penser que cette
thématique devient plus importante dans les derniers films de Miyazaki,
peut-être à cause des préoccupations plus accentuées
du réalisateur aujourd'hui, âgé de 70 ans. En effet,
Ponyo est une histoire qui se déroule presque exclusivement
dans la mer.
L'eau est présente sous toutes ses formes : dans
Nausicaä, il s'agit d'un lac acide ; dans Mon Voisin
Totoro, ce sont des lacs ; dans Kiki, la ville est
située en bord de mer ; Porco Rosso se déroule
près de la mer Méditerranée ; dans Princesse
Mononoké nous retrouvons des rivières et cours d'eau dans la
forêt ; enfin Le Voyage de Chihiro et Ponyo se
déroulent près de cours d'eau et dans les océans. Le vent
est aussi un élément omniprésent, que l'on retrouve dans
chacune des oeuvres : vent dans les cheveux des protagonistes, vent sur
les feuillages, vent sur les hautes herbes, etc.
Nous pouvons également constater qu'un point commun entre
chacune des oeuvres est que les histoires se situent dans des lieux
rêvés : futuristes, comme dans Nausicaä, dans
des mondes alternatifs, comme dans le Château dans le ciel ou
Kiki la petite sorcière, dans un passé nostalgique,
comme dans Mon voisin Totoro, ou alors dans une Europe telle que
Miyazaki la rêve, l'idéalise, comme dans Porco Rosso, ou
encore Le Château ambulant.
Miyazaki utilise énormément de plans d'ensemble,
permettant d'avoir une vue globale de l'environnement de ses histoires :
plans d'ensemble sur les villes, ou plus souvent, plans d'ensemble sur des
forêts, des paysages naturels. Miyazaki n'hésite pas à
utiliser des effets de zooms avant et zoom arrière, insistant sur la
présence d'un élément particulier au sein de cet ensemble.
Les zoom avant sont souvent employés dans ses films lors de
scènes d'action, où il prendra aussi le point de vue d'un des
combattants avec l'emploi de gros plans sur la personne opposée,
créant ainsi des effets de surprise pour l'audience et une
véritable mise en situation du spectateur. C'est par exemple le cas dans
Princesse Mononoké, où les scènes d'action
fluides, dynamiques, et mises en scène avec efficacité,
permettent au spectateur de suivre chaque instant du combat avec
intérêt : la caméra n'est jamais fixe lors de ces
scènes. Lors du premier combat entre San et Dame Eboshi en particulier,
Miyazaki a su utiliser divers éléments de mise en scène
afin de ne jamais essouffler l'action : lorsque San apparaît, c'est
avec les yeux d'e l'un des gardes que nous l'apercevons ; la caméra
la suit lors de sa course ; puis elle réapparaît avec des
gros plans et des très gros plans, alternant San et Dame Eboshi lors du
duel.
Miyazaki utilise aussi beaucoup d'inserts, focalisant sur
certains éléments particuliers, et les très gros plans,
pour mettre en valeur des échanges de regard.
Enfin, pour terminer cet aperçu du style de Miyazaki, nous
pouvons évoquer l'importance de la musique utilisée dans les
films, qui tient un rôle important quant à la mise en place d'une
ambiance particulière aux films.
2)d. La musique
La musique est très importante dans l'oeuvre de
Miyazaki : mêlant musique d'action de style occidental, très
« années 80 », typique des anime de l'époque-
ce que nous trouvons dans Nausicaä- et musiques inspirées
des musiques traditionnelles japonaises, la bande son des films apporte
beaucoup à l'atmosphère générale. La musique est
composée par Joe Hisaichi, compositeur au Studio Ghibli depuis les
débuts.
Souvent le thème principal des films est une musique
d'orchestre à cordes, pour recréer l'intensité des
émotions ; c'est un style de musique que l'on trouve surtout
à partir de Princesse Mononoké, dans lequel le
réalisateur et le compositeur ont cherché à provoquer
beaucoup d'émotions dans le public. Dans les premiers films, datant des
années 1980, la musique est assez « enfantine »,
excepté dans le Château dans le ciel, pour lequel le
compositeur s'est inspiré des compositeurs Hermann et Korngold, afin
d'obtenir un résultat plus dramatique.
Les musiques traditionnelles ont aussi une part importante :
dans Mon Voisin Totoro, Joe Hisaichi s'est inspiré de comptines
pour enfants et de chorales, recréant des chansons enfantines,
correspondant parfaitement au style de l'histoire.
Dans Princesse Mononoké, la musique
traditionnelle est également présente, à travers certains
styles de musiques typiquement japonaises, issues du théâtre
Kabuki ; ou encore, dans Le Voyage de Chihiro, des scènes
où l'on trouve des chansons chantées par les protagonistes dans
un style traditionnel.
Il est également intéressant de noter que l'usage
du silence est aussi important, lors des scènes où la simple
observation suffit, sans nul besoin de rajouter de l'émotion
musicale.
Nous allons à présent analyser les
différentes thématiques qu'Hayao Miyazaki exploite dans ses films
relatant divers sujets : son regard sur les avancées technologiques
et les questions de l'environnement, sujet de préoccupations dans la
société contemporaine ; les rapports sociaux ; la
famille ; la violence ; la quête identitaire, concernant tous
les âges et tous les sexes.
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