4.3 Les AMP à Madagascar, un choix politique
dicté par l'extérieur
Disposant d'un réseau d'AP relativement conséquent,
le pays a pu mettre sous protection plusieurs sites marins et littoraux. Une
des premières réserves sous marines du pays a été
crée à Nosy Tanikely en 1968, il s'en est suivi deux parcs marins
(Masoala en 1997 et Nosy Atafana en 1989) ainsi que deux autres réserves
établies en 1997 (Tampolo et Tanjona).
On constate cependant que depuis 2005 le gouvernement s'est
engagé dans une politique très active de création
d'AMP.
Type d'AP
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effectif
|
Dénomination et date de
création
|
Parc Marin
|
5
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Mananara (1989), Masoala (1997), Nosy Ve, (1999), Sahalamanza
(2007)
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Réserve Marine
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3
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Nosy Tanikely (1968), Tampolo, Tanjona (1997)
|
Aire protégée marine et côtière
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1
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Velondriake (2005)
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Réserve de biosphère
|
1
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Grand Récif de Toliara (2003)
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En cours de création
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5
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Baie d'Ambaro, Baie d'Ambodivahibé, Baie d'Antongil, Nosy
Tanikely, Nosy Ve-Toliara
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Sites prioritaires pour la création d'AMP (retenues en
2005)
|
10
|
Sahamalaza, Grand Récif de Toliara, Nosy Hara, Nosy Be,
Archipel des Mitsio, Andavadoaka - Baie des Assassins, Baie d'Ambaro, Baie
d'Antongil, Morondava, Lokaro, Sainte-Luce.
|
Figure 10 : Les AMP à Madagascar, état de
lieux en 2009 (D'après la commission Environnement et
Pêche du SAGE, 2008)
Cette mobilisation arrive un peu tardivement par rapport
à l'avancée du phénomène au niveau mondial. Les
engagements pris à Durban en 2003 (triplement de la superficie des aires
protégées) par le président malgache en vue de satisfaire
les bailleurs de fonds sont à prendre en compte à ce sujet. Vu le
nombre de sites potentiels ainsi que la superficie des espaces
concernés, la contribution des AMP à la réalisation des
objectifs fixés s'est rapidement présentée comme
indispensable pour l'Etat malgache. La reconnaissance croissante des enjeux de
la conservation marine au niveau international a aussi joué un
rôle important. Selon les mécanismes d'influences
évoqués précédemment, elle est à l'origine
de pression supplémentaires de la part des instances internationales et
des ONG de la conservation pour que le pays mette enfin en place des actions
concrètes.
On assiste donc depuis 2005 à une dynamique rapide de
création d'AMP appuyée par la vision Durban et concernant
l'ensemble du territoire national (cf : cartographie des sites potentiels en
annexes). Elle implique sur le terrain différents organismes malgaches
(MNP, SAGE) mais surtout les ONG de la conservation qui comme le montre
l'implication du WWF à Nosy Hara ou encore celle de CI à
Ambodivahibé tiennent un place centrale dans les projets de
création. Des sites potentiels ont été dans un premier
temps identifiés, puis parmi une sélection de 10 sites reprenant
parfois des AP existantes les projets de future AMP ont été
initiés. Le programme national de création d'AMP est
planifié à court terme et vise avant tout à attribuer un
statut légal à un nombre suffisant de sites pour répondre
au calendrier politique et financier.
Le contexte environnemental malgache ainsi que les
spécificités du concept d'AMP en font en réalité
des projets qui s'annoncent difficiles et particulièrement longs (Amelot
et al, 2009).
Année
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Etat d'avancement
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2005
|
Identification de 29 sites potentiels
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2006
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Sélection de 10 sites prioritaires
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2007
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3 premières AMP obtiennent un statut de protection
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2008
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5 AMP en cours de création
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2009
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Finalisation de la création pour les 5 AMP restantes
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Figure 11 : La mise en place des nouvelles AMP depuis
la vision Durban (D'après la commission Environnement et
Pêche du SAGE. 2008)
4.4 Une gestion conflictuelle et souvent
difficile
En dépit de l'importance du dispositif mis en place, la
gestion de l'environnement à Madagascar s'est toujours posée
comme difficile et potentiellement conflictuelle. Même s'il est loin
d'être figé et imperméable à la modernité, le
contexte local reste marqué par la ruralité, la
prépondérance des activités agricoles et la persistance
des modes d'organisation sociétale traditionnelle. La dépendance
des populations aux ressources naturelles y est donc très importante.
Les conflits ouverts ou larvés entre administrations/ONG/ populations
à propos de l'occupation des nombreuses aires protégées en
sont une bonne illustration (Weber, 1995). La dichotomie importante entre le
droit environnemental moderne et le droit coutumier (Muttenzer, 2006) traduit
bien le manque de relations entre les échelles nationales et locales
(Karpe, 2006). Les problèmes liés à la législation
et son application sont de plus en plus prégnants.
La baie d'Ambodivahibé fait partie des AMP en cours de
création. La procédure est lancée depuis Mars 2007 et
devait initialement aboutir au bout d'un an. Le projet a rencontré comme
beaucoup d'autres à Madagascar des difficultés récurrentes
d'intégration et de réalisation dans un climat de tensions entre
les acteurs (Méral et Raharinnirina-Douget, 2006). La création
définitive a été reportée à plusieurs
reprises et la situation au début de l'année 2009 était
loin d'être évidente. Comment expliquer les blocages que rencontre
la création de cette AMP ? Le manque d'implication et de participation
des acteurs locaux en est peut-être à l'origine. Il est
envisageable que les méthodes de travail des opérateurs ainsi que
le modèle conceptuel de la conservation à l'origine du projet
soient également en cause. Il semble bien qu'à ce sujet des
mesures de conservation directement inspirées des conventions
internationales rentrent en interaction directe avec le fonctionnement
traditionnel ou local du territoire concerné.
Partie 2 : Analyse du processus de création de
l'AMP de la baie d'Ambodivahibe
Cette étude de cas entend analyser la mise en oeuvre
concrète des concepts abordés dans la première partie du
mémoire. L'analyse du contexte et des agissements des différents
acteurs est au coeur de ce travail. Elle permettra d'affiner les enjeux et les
blocages propres à la gestion de l'environnement à Madagascar.
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