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MEMOIRE
Présenté en vue d'obtenir
Le MASTER 2 PROFESSIONNEL
EN INGENIERIE DES RISQUES SURETE -
SECURITE.
par
Christophe PACHOUD
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Déclinaison de la politique
sécurité d'un groupe anglo-saxon
dans une filiale française
Description, évaluation et pistes
d'amélioration
Soutenu le 22 septembre 2010
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Remerciements
Ce mémoire me donne l'occasion de remercier celles et
ceux qui m'ont guidé et soutenu tout au long de cette année
universitaire :
Madame Catherine PUGEAULT-CICCHELLI, Directrice du MASTER II
INGENIERIE DES RISQUES pour m'avoir dispensé ses conseils dans le cadre
de l'élaboration de mon mémoire mais également pour ses
encouragements.
Monsieur Hubert SEILLAN, pour ses cours de droit passionnants
et pour avoir accepter d'être le Directeur de mon mémoire.
Monsieur Michel TURPIN pour m'avoir fait voyager au pays de
mes racines professionnelles, « les
métallos ».
Monsieur Patrick SIGNORELLO, pour son aide à
l'organisation des études et la qualité de la coordination du
module sûreté.
Tous les intervenants du MASTER II INGENIERIE DES RISQUES
pour m'avoir transmis une partie de leur savoir et de leur
expérience.
Mesdames Valérie HAUET et Alice DEMBELE, pour
l'organisation du service de formation continue et leur
dévouement.
Monsieur Eddie BUKARICA, Responsable EHS France de la
société CROWN pour son soutien et son conseil dans le choix du
thème de mon mémoire.
Et enfin mon épouse, pour son soutien sans faille
qui m'a permis de réaliser ce projet.
Sommaire
Définitions..............................................................................................................5
Présentation de
l'entreprise..........................................................................7
Introduction.............................................................................................11
I Politique sécurité
CROWN... une politique « 0 »
accident.....................12
a) Une politique, une culture, un
objectif :
q Description de la politique sécurité du groupe
CROWN..................................12
q Des moyens techniques, humains et organisationnels pour
décliner la politique sécurité
CROWN....................................................................................13
q Objectif de la politique sécurité
CROWN......................................................14
b) Les meilleures méthodes de
déclinaison de la politique sécurité CROWN :
q Système de management certifié OHSAS
18001..........................................15
q Evaluation des
risques.............................................................................17
q Directives
CROWN.................................................................................18
q Programme d'observations préventives
« STOP » basé sur les comportements...19
II Politique sécurité CROWN...
contrôle et évaluation..............................22
a) Contrôles ... quand les résultats
conduisent l'action
q Mesure des performances sécurité par
contrôle réactif...................................23
q Mesure des performances sécurité par
contrôle proactif.................................25
q Mesure des performances sécurité par
contrôle d'amélioration........................30
b) Evaluation des performances de la politique
sécurité CROWN sur le site de CROWN BEVCAN
France :.........................................................................32
q Prise en compte de la notion de culture pour une approche
globale de la sécurité
q Evaluation de la culture sécurité chez CROWN
BEVCAN France.....................34
III D'une politique de
sécurité vers une culture de
sécurité.......................42
a) Conditions essentielles de déclinaison d'une
politique sécurité :
q Principes de responsabilité et de
management .............................................42
q Adhésion -
implication.............................................................................45
q La sécurité
intégrée.................................................................................46
b) Pistes d'amélioration, développer
l'autonomie en matière de prévention
q Un système de management libéré de la
norme............................................48
q Processus d'évaluation des risques adapté
à l'entreprise................................49
q Les Directives CROWN, de la liberté pour plus de
décisions............................49
q Analyse et reporting des accidents, à la recherche du
« O »............................50
q Mesures et contrôle des performances
globales............................................51
Conclusion...............................................................................................53
Bibliographie............................................................................................54
Annexes...................................................................................................55
Définitions
Sécurité : Plus
généralement, la sécurité se définit comme
un état de tranquillité et de confiance. Il s'agit du sentiment,
bien ou mal fondé, que l'on est à l'abri de tout danger ; il
combine calme, confiance, quiétude, bien-être,
tranquillité, assurance, sûreté.
L'obligation de sécurité :
Dans le monde du travail, il s'agit de l'obligation visant à la
mise en oeuvre de conditions, facteurs et mesures ayant pour but de garantir la
sécurité de toute personne étant appelée à
se trouver sur le lieu de travail.
Politique sécurité : Elle
établit les orientations générales et énonce les
principes d'action de l'organisme. Elle définit les objectifs en
matière de santé et sécurité au travail ainsi que
les responsabilités et les performances associées à tous
les niveaux de l'organisme. Elle démontre l'engagement formel de
l'organisme, notamment celui de la direction, pour un management efficace de la
santé et sécurité au travail.
Culture d'entreprise : La culture
d'entreprise peut être définie comme l'ensemble des
éléments particuliers qui expliquent les bases du fonctionnement
d'une entité spécifique. Elle est, dans un certain sens, un
sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de
valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la
majorité des salariés.
Culture de sécurité : Par
« culture de sécurité », il faut entendre la
présence, au sein de l'entreprise, de valeurs communes et de
repères communs. Elle permet de faire progresser la santé et la
sécurité dans l'entreprise. Elle se construit dans la
durée, grâce aux situations vécues ensemble au fil du
temps, aux évaluations et aux retours d'expérience qui permettent
d'en tirer collectivement des enseignements.
Système de management de la santé et de
la sécurité : partie d'un système de
management global qui facilite le management des risques associés aux
activités de l'organisme relatifs à la santé et à
la sécurité au travail. Ceci comprend l'organisation, les
activités de planification, les responsabilités,
les pratiques, les procédures, les processus et les moyens
nécessaires pour développer, mettre en oeuvre, réaliser,
revoir et tenir à jour la politique de l'organisme en matière de
santé et de sécurité au travail .
Risques : combinaison de la
probabilité de la manifestation d'un événement dangereux
et de la gravité de la lésion ou de l'atteinte à la
santé causée à des personnes par cet
événement.
Evaluation des risques professionnels :
étude qui consiste à identifier et classer les risques auxquels
sont soumis les salariés d'un établissement, en vue de mettre en
place des actions de prévention pertinentes.
Béhaviorisme ou
comportementalisme : une approche psychologique qui consiste à
se concentrer uniquement sur le comportement observable de
façon à caractériser comment il est
déterminé par l'environnement et l'histoire des interactions
de l'individu avec son milieu.
OHSAS 18001 : OHSAS
(pour Occupational Health
and Safety Assessment Series
), référentiel portant sur la gestion de la santé et
la sécurité au travail élaboré par des organismes
de normalisation nationaux et des organismes privés, mais sans statut de
norme internationale.
OHSAS 18002 : Guide du
référentiel OHSAS 18001
ISO 14001 : Norme utilisée pour
le management environnemental, réalisée par l'Organisation
Internationale de Normalisation, désignée internationalement sous
son sigle d'origine ISO (International Standard Organisation) qui est
systématiquement repris dans la dénomination des normes.
Certification : Procédure par
laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu'un produit, un
processus ou un service est conforme aux exigences spécifiées.
Présentation de l'entreprise
Crown Bevcan France
Crown Bevcan France SAS
Parc Eiffel Energie
BP18
203 boulevard de Finlande
54670 Custines
Tel : 03 83 49 40 00
Fax : 03 83 49 06 69
Le groupe CROWN est un des trois leaders mondiaux de
l'emballage métallique. Son emblème, la couronne,
représente d'ailleurs son invention de la capsule pour les bouteilles en
verre.
CROWN présente un chiffre d'affaires de 7 milliards
d'euros en 2008. Il est présent dans 42 pays avec 117 usines et compte
dans ses rangs plus de 21 700 personnes. Il est organisé en 3
divisions (Amérique, Europe& Moyen-Orient et Asie), elles
mêmes divisées en 5 secteurs (Food, Specpack, Bevcan, Closure et
Aerosol)
CROWN BEVCAN France, fait donc partie de la branche
européenne et appartient au secteur Bevcan (boite boisson) du groupe.
Elle est une des 12 usines Bevcan implantées en Europe&Moyen Orient,
comme le montrent les 2 cartes ci-dessous. Le groupe Crown n'a qu'un seul site
de production de boites boissons en France. Avec les usines de la concurrence,
la France compte 3 usines de boites boissons acier ou aluminium.
Implantation des sites CROWN BEVCAN de la branche
Europe&Moyen Orient
Crown Bevcan France : le site de Custines
Inaugurée en 1984 sur les ruines d'un des anciens
fleurons de la sidérurgie de Meurthe et Moselle, l'usine de Custines est
actuellement une Société par Actions Simplifiée (SAS), au
capital de 10 500 000 euros. Son chiffre d'affaires en 2008 est d'environ 100
millions d'euros et sa capacité de production s'élève
à prés de 1,2 milliard de boites par an grâce à ses
3 lignes de fabrication.
Son organisation :
CROWN BEVCAN France est une unité de production de 180
personnes, elle fonctionne 360 jours par an, 24 heures sur 24, Les
équipes de production sont composées de 26 personnes qui
travaillent en 5/8 feux continus.
Ses Clients :
Les principaux clients sont des multinationales (Lipton,
Heineken, Kronenbourg, ...). Environ deux cents types de décors sont
ainsi produits sur notre site.
En majorité, se sont des multinationales
réparties essentiellement sur 3 grands marchés dont, la France,
le Benelux et l'Espagne.
Ses certifications :
ISO 9001 version 2000 depuis
avril 2003
HACCP
depuis septembre 2003
SARBANES - OXLEY depuis
2004
ISO 14001
depuis février 2005
OHSAS 18001
depuis février 2005
BRC
depuis février 2005
Garant de son savoir-faire, ces différentes
certifications ont permis à l'entreprise de s'affirmer face au
marché et de se projeter dans l'avenir
La sécurité :
Cette démarche qui a contribué à une
diminution significative du nombre d'accidents avec arrêt depuis 2000
montre aujourd'hui ses limites.
La Priorité de l'entreprise est
de garantir l'intégrité physique et mentale de ses
employés. En 2000 Crown met en place la démarche
« STOP » (Sécurité au
Travail par l'Observation des
Personnes) créée par Dupont de Nemours1(*).
2008 : renforcement de
l'organisation sécurité dans la division européenne
Dans l'objectif d'éliminer les risques d'accident dans
la division Européenne, le groupe CROWN a décidé de
modifier l'organisation Hygiène et Sécurité en
créant notamment un poste de Vice Président Hygiène
Sécurité Europe.
La Société a demandé au nouveau Vice
Président d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme qui
transformera le Groupe en une organisation sans accident.
Introduction
La société a fait d'énormes
progrès par le passé mais, au cours des quelques dernières
années, il est constaté un ralentissement de
l'amélioration des résultats sécurité dans la
Division européenne.
Ce constat se trouve confirmé dans les résultats
sécurité de la filiale CROWN Bevcan France.
C'est la raison pour laquelle CROWN estime devoir accorder
une attention particulière aux comportements en matière de
sécurité dans l'ensemble de la Division européenne afin de
combler les lacunes qui existent et d'amener la Société à
zéro accident.
Pour illustrer cette volonté du zéro accident,
un logo a été créé pour toutes les usines
européennes, logo utilisé dans toutes les communications, et pas
seulement celles relatives à la sécurité :
La politique sécurité
CROWN :
- très présente,
- déclinée dans ses filiales françaises
à travers un système de management,
- organisée dans une démarche
d'amélioration continue,
- un objectif commun pour toutes les entités du groupe
: 0 accident.
Pourtant, cette politique sécurité si
présente dans toute l'organisation ne semble pas influer de
manière durable sur la culture de sécurité au
quotidien.
Quelles sont les conditions de réussite
d'une déclinaison de politique sécurité
« groupe » anglo-saxonne dans une filiale
française ?
C'est autour de cette question que j'ai choisi de construire
ce mémoire en m'attachant plus particulièrement à la
société CROWN BEVCAN France, filiale du groupe CROWN dans
laquelle j'exerce la fonction de Responsable Environnement, Hygiène et
Sécurité.
Après un travail d'analyse descriptive de la politique
sécurité du groupe CROWN, de ses moyens mis en oeuvre et de ses
méthodes pour la décliner dans ses filiales (I), nous
poursuivrons par une analyse critique pour évaluer sa pertinence
à travers ses audits de performance, ses résultats et son
appropriation sur le terrain dans l'usine de Custines (II).
Ensuite, à travers une analyse constructive, nous
aborderons les éléments essentiels pour réussir la
déclinaison d'une politique sécurité en les comparant avec
ceux de CROWN ( III ), afin de pouvoir dégager des axes
d'amélioration.
I Politique sécurité CROWN...
...une politique « 0 » accident
a) Une politique, une culture, un
objectif
La politique sécurité de CROWN est basée
sur sa culture « Total Safety Culture »2(*).
Cette culture écrite est centrée sur
l'amélioration des comportements et des attitudes, CROWN estimant que
les programmes de sécurité basés sur les comportements
« behavioral safety » peuvent fournir des résultats
efficaces pour la réduction des accidents et inculquer la
sécurité comme une « valeur ».
q Description de la politique sécurité
du groupe CROWN
La politique EHS CROWN ainsi que celle de ses filiales3(*) a pour ambition de
démontrer l'engagement du groupe à son plus haut niveau
hiérarchique, de protéger l'environnement et d'assurer la
sécurité des salariés.
Sa mise en oeuvre est présentée comme un
objectif prioritaire de la Direction qui repose sur des
« principes-clefs » relevant de la responsabilité de
chacun.
Parmi ces principes, nous trouvons notamment :
- la réaffirmation de sa culture
sécurité par le développement de la prise
de conscience et des connaissances des salariés à tous
les niveaux hiérarchiques
- l'engagement de tous les salariés à assumer
leurs responsabilités
- l'évaluation régulière des
résultats du groupe et de ses filiales, notamment dans le
domaine de la sécurité
- l'effort d'amélioration continue pour atteindre les
objectifs « zéro accident » et
« zéro impact ».
Pour mener à bien cette politique, le groupe et ses
filiales se sont engagés à travers la haute Direction à
employer les meilleures méthodes.
La politique sécurité CROWN pourrait se
résumer par la prise de conscience et la connaissance (sous entendu des
risques) de tous les salariés, et par leurs responsabilités quant
à la mise en oeuvre de ces principes-clefs.
La politique de la filiale CROWN BEVCAN France4(*) se veut conforme à celle
du groupe, notamment en mettant l'accent sur la nécessité de
l'accroissement de la sensibilisation en matière d'hygiène et de
sécurité et de la connaissance du personnel des exigences
requises dans le but d'encourager la pratique de méthodes de travail
plus saines.
q Des moyens techniques, humains et organisationnels
pour décliner la politique sécurité CROWN
La déclinaison de la politique sécurité
dans toutes les usines étant un objectif prioritaire, CROWN entend
donner les moyens nécessaires pour sa mise en oeuvre effective au sein
de chaque entité.
Chaque usine doit être attentive aux évolutions
technologiques en matière de sécurité et leur directeur
doit fournir le financement suffisant pour mener à bien les programmes
Environnement, Hygiène et Sécurité. L'usine de CROWN
BEVCAN France5(*) utilise un
système de demande d'investissement lié à une
évaluation des risques.
Des formations techniques et réglementaires en
matière d'environnement et de sécurité sont
organisées à l'intention du personnel de l'usine de Custines.
Pour ce seul domaine, près de 2000 heures de formations sont
organisées chaque année pour un effectif global de 180
personnes.6(*)
Des moyens humains et organisationnels sont aussi mis à
disposition des usines.
Chaque site doit nommer un Coordinateur ou Responsable
Environnement, Hygiène et Sécurité7(*). Pour la gestion et la
maîtrise opérationnelle du système de management de la
santé et de la sécurité, l'usine de Custines est pourvue
d'un responsable Environnement, Hygiène et Sécurité
directement rattaché au directeur d'usine, et assisté d'une
coordinatrice sécurité sous contrat à temps partiel.
Parallèlement à l'organisation interne des
usines, CROWN a mis en place un département Environnement,
Hygiène et Sécurité qui a pour mission d'aider le
personnel des sites à mettre en pratique la politique et les lignes
directrices de Crown.
En juin 2009, la division Européenne a
décidé de renforcer son organisation Santé et
Sécurité. Sept managers Hygiène &
Sécurité Régionaux travailleront directement avec les
usines et seront responsables de la publication et du suivi des directives
CROWN Europe et devront notamment s'assurer que celles-ci sont correctement
appliquées.
Tous ces moyens mis en oeuvre et cette nouvelle organisation
ont pour ambition d'aider les usines à atteindre les objectifs de CROWN
Europe en matière de santé et de sécurité et plus
particulièrement l'objectif de sa politique.
q Objectif de la politique sécurité
CROWN
La directive CEE n° 89-391 du 12 juin1989 relative
à l'amélioration de la sécurité et de la
santé au travail définit largement l'obligation de
sécurité pesant sur l'employeur et le salarié : «
Dans le cadre de ses responsabilités, l'employeur prend les mesures
nécessaires pour la protection de la sécurité et de la
santé des travailleurs, y compris les activités de
prévention des risques professionnels, d'information et de formation
ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens
nécessaires.
L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures
pour tenir compte du changement
des circonstances et tendre à l'amélioration des
situations existantes ».
Cette directive a été transposée et a
introduit dans le Code du travail l'obligation de sécurité
à la charge des chefs d'établissement (modification du texte
initial qui précisait « l'employeur ») par la loi
n° 91-1414 du 31 décembre 1991 relative à la
prévention des accidents du travail.
Cette prescription doit être respectée en ce
qu'elle prévoit entre autres, une politique de prévention. Cette
politique de prévention trouve son fondement dans les dispositions de
l'article L 4121-1 du Nouveau Code du Travail.
En résumé, cette législation pourrait
s'interpréter par une obligation de sécurité de moyens du
chef d'établissement dans un objectif de protection de la
sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation
de sécurité pesant sur le chef d'établissement a
évolué et s'est précisée notamment ces
dernières années avec le drame de l'amiante.
Les nombreuses prescriptions réglementaires et
légales font peser sur le chef d'établissement non seulement une
obligation de sécurité de moyens, mais aussi une obligation de
sécurité de résultat.8(*)
A l'instar de la législation et de la jurisprudence
française, la politique sécurité de CROWN fait reposer
l'exclusivité de la responsabilité d'obligation de
sécurité sur les sites de production en la personne du directeur
de chaque usine (notion de chef d'établissement plutôt que
d'employeur). De même, l'objectif de la politique sécurité
affiché, communiqué et rappelé périodiquement est
un objectif de résultat plutôt que de moyen : 0
accident.
Le Vice-Président Hygiène &
Sécurité de la Division européenne envoi des lettres
trimestrielles rappelant notamment l'importance « d'atteindre cette
cible très importante de 0 accident »9(*) et a rencontré
personnellement les employés de l'usine de CROWN BEVCAN France pour
confirmer que l'objectif de CROWN est « 0 accident, seul
résultat admissible, aucun échec, aucune excuse ».
Face à cette exigence qui touche l'excellence, il
convient à présent d'analyser et d'évaluer les
méthodes dites « les meilleures »10(*) qui sont mises en oeuvre pour
que les usines atteignent l'objectif de la politique sécurité de
la compagnie.
b) Les meilleures méthodes de
déclinaison de la politique sécurité CROWN
Les meilleures méthodes retenues par CROWN pour
décliner sa politique sécurité sont un modèle de
système de management conforme au référentiel OHSAS 18001
avec un processus d'évaluation des risques professionnels standard pour
toutes les usines, et la création de Directives groupe dépassant
parfois les exigences réglementaires et le résultat de
l'évaluation des risques au niveau local.
Parallèlement au système de management, CROWN a
développé une démarche visant à améliorer
les comportements sécurité de son personnel et de toute personne
intervenant dans la société.
q Système de management certifié OHSAS
18001
Un système de management de la santé et de la
sécurité au travail est une partie du système de
management global de l'entreprise. La mise en oeuvre d'un tel système
est l'expression d'une approche globale et gestionnaire de la prévention
des risques professionnels. Elle se base sur un référentiel et
suit une démarche d'amélioration qui doit être
animée et soutenue.
Le groupe CROWN exige que toutes les usines de la Division
Européenne mettent en oeuvre un Système de Management de la
Santé et la Sécurité conforme à la
spécification OHSAS 18001 afin d'améliorer la maîtrise de
la Santé et la Sécurité et de réduire au minimum
les risques liés à toutes ses activités.11(*)
L'efficacité du système de management de la
sécurité doit être confirmée dans chaque usine par
la certification OHSAS 18001.
Le référentiel OHSAS 18001 est un guide au
service de la politique sécurité de l'entreprise.
Ce document est fait pour aider l'entreprise à prendre
les dispositions d'organisation et de gestion nécessaires au respect de
la santé et de la sécurité au travail et à la
recherche d'une amélioration permanente des performances dans ce
domaine. Il a été élaboré par des organismes de
normalisation nationaux et des organismes privés, mais sans statut de
norme internationale.
Sa structure est proche de celle proposée pour les
systèmes qualité ou environnement 12(*):
« Le succès des démarches de
management S&ST ne tient pas au référentiel choisi mais
davantage aux usages qui en sont faits, en particulier à la façon
de mettre en oeuvre la politique sécurité »
Dossier INRS Systèmes de Management
Santé & Sécurité au travail
En 2010, plus de 90 % des usines de la division sont
certifiées OHSAS 18001.
Des usines françaises, le site de Custines a
été pionnier en la matière en obtenant la double
certification OHSAS 18001 pour la santé et la sécurité et
ISO 14001 pour l'environnement en février 2004.
La mise en oeuvre du Système de Management de la
Santé et la Sécurité à CROWN BEVCAN France s'est
réalisée et a été confirmée par une
certification OHSAS 18001 en moins de 6 mois.
Etant le pilote de ce projet, je peux dire que la raison de
cette réactivité n'était pas tant l'amélioration du
système de management de la sécurité que l'image
favorable que l'entreprise voulait transmettre au Groupe.
q Système d'évaluation des
risques
L'évaluation des risques professionnels est au coeur
de la recherche d'amélioration continue du système de management
de la santé et de la sécurité.
Elle constitue un moyen essentiel de préserver la
santé et la sécurité des travailleurs sous la forme d'un
diagnostic en amont des facteurs de risques auxquels ils sont
exposés.
La directive du Conseil des Communautés
européennes du 12 juin 1989, dite "directive - cadre",
définit les principes fondamentaux de la protection des travailleurs.
Elle a placé l'évaluation des risques professionnels au sommet de
la hiérarchie des principes généraux de prévention,
dès lors que les risques n'ont pas pu être évités
à la source.
Depuis 1991, tout chef d'entreprise est tenu de
procéder à une évaluation des risques pour la santé
et la sécurité des travailleurs.
Depuis le décret du 05 Novembre 2001, chaque chef
d'établissement doit désormais transcrire et mettre à jour
dans un document unique les résultats de cette évaluation des
risques. Le Ministère du Travail considère13(*) que cette contrainte
réglementaire doit être transformée en un
élément de maîtrise des risques, par la présentation
d'un plan de prévention garantissant un meilleur niveau de protection de
la sécurité et de la santé des travailleurs. Il pose
également comme principe que cette évaluation doit :
· associer les salariés et les
représentants du personnel concernés,
· analyser le
travail réel,
· prendre en compte les aspects techniques,
organisationnels et humains.
Pour remplir cette obligation et s'assurer que les risques
professionnels sont identifiés, évalués et font l'objet de
mesures visant à les supprimer ou les réduire, CROWN Europe a
défini un processus d'évaluation des risques pour toutes les
usines de la compagnie. Chaque entité doit utiliser la méthode
d'évaluation des risques définie par CROWN14(*) et enregistrer ses
résultats dans une base de données sur intranet dite
« Europortal ».
CROWN BEVCAN France n'a pas attendu que la Division
Européenne crée une procédure et une méthode pour
évaluer les risques professionnels de son usine.
L'usine de Custines a mis en place une organisation pour
évaluer les risques professionnels en formant son personnel à
l'étude des postes de travail et à l'utilisation d'une
méthode d'évaluation des risques propre à ses
activités.
En effet, au sein des équipes et des services,
certaines personnes ont un rôle particulier à jouer en
matière de sécurité : les tuteurs
sécurité.
Les tuteurs sécurité sont des acteurs de
terrain. Ils interviennent sur les postes de travail et auprès des
personnes. Ils sont compétents pour évaluer les risques
professionnels pour établir des fiches de sécurité au
poste de travail et transmettre la formation sécurité au poste de
travail à leurs nouveaux collaborateurs. Près d'une trentaine de
personnes volontaires ont été formées à
l'étude des postes de travail et à l'évaluation des
risques.
Pour se conformer à l'obligation d'évaluer les
risques professionnels selon la méthode standard de CROWN, ces personnes
ont suivi une formation supplémentaire et doivent à
présent évaluer les risques en collaboration avec le service
sécurité via un support informatique. La procédure
d'évaluation des risques de CROWN BEVCAN France15(*) a donc été
modifiée pour appliquer ces nouvelles règles.
D'autres règles sont édictées par la
Division Européenne, dites « Directives CROWN ».
Elles doivent faire l'objet d'une application sur le site de Custines et
peuvent modifier les pratiques internes.
q Directives CROWN
Les Directives de CROWN sont des règles qui sont
applicables et obligatoires à tous les sites de la division
européenne. Ces directives ne remplacent pas l'exigence
générale de se conformer avec la législation nationale et
locale mais peuvent prescrire que certaines règles soient
dépassées. Parmi ces directives citons notamment :
- Directive n°1 relative au travail en hauteur,
- Directive n°3 relative au travail avec des
équipements de production pouvant occasionner des blessures par contact
avec des éléments en mouvement,
- Directive n°5 relative à la protection des
mains contre les risques chimiques, mécaniques thermiques et
biologiques.
Et enfin, la directive n°6 relative à la
protection des yeux imposant le port systématique de lunettes de
protection dans toutes les usines de production (procédure en cours
d'application sur le site de Custines).
Cette directive émane d'une décision au niveau
de la Division Européenne considérant qu'il y a encore trop de
comportements dangereux (notamment dans une usine anglaise), liés au non
port des équipements de protections individuelles au niveau des yeux et
du visage. Des incidents similaires ayant été constatés
dans d'autre usines, la Division Européenne a donc décidé
d'aller au delà des évaluations des risques locales en rendant
obligatoire le port systématique de lunettes de protection pour toute
personne (employés, visiteurs, sous-traitants, fournisseurs)
pénétrant dans les zones de production, de maintenance et de
stockage.
Cette obligation supplémentaire sollicitera un
investissement humain et financier non négligeable pour l'entreprise
notamment dans l'organisation d'essais (l'usine de Custines fonctionne en 5
équipes feux continus) de nouveaux équipements plus confortables
pour les utilisateurs (leur contrainte étant de porter en permanence des
lunettes de sécurité) et adaptés pour les personnes
portant des lunettes de vue.
L'application effective de la directive n° 6 est
planifiée pour la fin de l'année 2010.
q Programme d'observations préventives
« STOP » basé sur les comportements
Le programme de sécurité dit
« STOP » basé sur le comportement des personnes au
travail est le fer de lance du groupe CROWN, considéré comme l'un
des éléments essentiel de la déclinaison de sa politique
sécurité. Il se compose des éléments
suivants :
- Un engagement fort de la direction pour la
sécurité
- Une culture où tous les employés sont
responsables de leur sécurité
- Un intérêt porté sur l'employé
et sa participation dans le processus
- Le soutien de
la hiérarchie et de ses pairs
CROWN a déployé ce programme de
« sécurité comportementale »16(*) dans toutes ses usines au
niveau mondial. Cette démarche développée initialement par
DuPont de Nemours est sensée fournir aux directeurs, cadres et agents de
maîtrise un processus d'amélioration des comportements
sécurité de leurs collaborateurs.
Ce programme trouve sa source dans la théorie du
béhaviorisme17(*)
qui a pour prétention de contrôler l'activité humaine par
des stimuli (ex : encouragement, récompense ou mise en garde,
punition) et qui, à force de répétition pourraient changer
les comportements des individus.
STOP est le sigle de Dupont, repris par CROWN
pour la Sécurité au Travail par
l'Observation Préventive. Cette
démarche a pour objectif de former les managers, les cadres et les
agents de maîtrise, à supprimer les incidents et les accidents en
distinguant les comportements dangereux des comportements
sécurité sur les lieux de travail.
CROWN BEVCAN France a étendu cette démarche
à l'ensemble de son personnel.
Selon DuPont, la clé du succès réside
dans la modification des comportements du personnel au moyen de l'observation
et du dialogue, en encourageant les bonnes pratiques sécurité et
en éliminant les comportements dangereux.
STOP s'appuie sur une philosophie de la sécurité
de DuPont qui englobe les principes suivants :
1. Toutes les blessures peuvent être
évitées
2. La hiérarchie est responsable de la
sécurité
3. Les zones à risques doivent être
protégées
4. Les employés doivent recevoir une formation
sécurité et santé
5. Les audits de la direction sont nécessaires
6. Travailler en sécurité est une condition
d'emploi
7. La sécurité est bénéfique
8. Les déficiences doivent être rapidement
corrigées
9. La sécurité « off the job » est
aussi importante que la sécurité « on the job »
10. Les employés sont la clé du succès
En pratique, le programme STOP est un programme
d'évaluation continue du comportement sécurité basé
sur des techniques d'observation de l'homme au travail. Cette démarche
se focalise sur l'observation instantanée du comportement, à
risque ou non, des personnes au poste de travail ainsi que le relevé des
situations en interaction avec la santé (physique et/ou morale) des
personnes dans l'environnement de travail. L'observation est pratiquée
depuis l'endroit où l'observateur se trouve, dans un rayon aussi grand
que porte son regard, le résultat de l'observation étant
consigné sur une fiche support.
Chez CROWN BEVCAN France, tous les employés sont
formés à l'observation préventive et sont habilités
à auditer toute personne au travail en encourageant les bonnes pratiques
sécurité et en apportant des mesures correctives lorsqu'un
comportement dangereux est observé. Cette pratique a sans nul doute
été un élément essentiel de la politique
sécurité de CROWN qui a concouru à la réduction des
accidents. En fin d'année 1999 CROWN BEVCAN France a lancé le
programme STOP et un an plus tard le nombre d'accidents du travail a
été divisé par 4.
Pourtant, depuis les années 2000, les résultats
semblent stagner, contrairement aux exigences (0 impact, 0 accident).
Si ces exigences sont connues et comprises, les
méthodes et moyens bien que nombreux semblent faire défaut.
Quels sont les obstacles à une
amélioration continue des résultats sécurité de
CROWN BEVCAN France ?
Pour tenter de répondre à cette question, nous
allons passer à un second chapitre qui traitera de l'analyse des
résultats de la politique sécurité de CROWN et de
l'évaluation de son efficacité dans sa filiale
française.
II Politique sécurité CROWN...
contrôle et évaluation
Le but de ce présent chapitre sera d'évaluer
l'efficacité des moyens de contrôles du groupe CROWN pour
évaluer l'application et les performances des dispositions
décrites dans le chapitre précédent. Par
« moyens de contrôles », il faut comprendre le
processus de suivi et d'évaluation du management de la politique
sécurité dans les filiales du groupe visant à prendre des
mesures correctives ou d'amélioration pour aider chaque entité
à atteindre l'objectif.
D'après l'OHSAS 18001, pour surveiller et mesurer la
performance des dispositions mises en oeuvre en matière de Santé
& Sécurité au travail, chaque organisme doit
prévoir :
- des mesures qualitatives et quantitatives
appropriées à ses besoins,
- des mesures proactives des performances pour surveiller la
conformité au programme (ou plan d'action) de management de la
santé et la sécurité de l'entreprise,
- des mesures de performances réactives pour
surveiller tout événement indésirable en matière de
santé et de sécurité,
- la surveillance du niveau de réalisation des
objectifs santé et sécurité.
Ainsi, chaque entité doit identifier des indicateurs
clés pour mesurer ses performances en matière de santé et
sécurité. Ces indicateurs doivent permettre de mesurer si la
politique sécurité et ses objectifs sont atteints, si les mesures
de maîtrise des risques sont mises en oeuvre et efficaces et si des
retours d'expérience suite à un évènement
indésirable sont organisés.
a) Contrôles réactif, proactif et
d'amélioration : quand les résultats conduisent
l'action
Pour assurer la mise en oeuvre de sa politique
sécurité dans ses filiales, CROWN a établi un
système de contrôle de 3 types : réactif, proactif et
d'amélioration.
Le contrôle réactif est utilisé pour le
suivi et l'analyse des accidents et des incidents, le contrôle proactif
sert à vérifier que les actions définies pour
réduire ou éliminer les risques d'accident sont bien
menées et le contrôle d'amélioration concerne l'audit du
système de management de la politique sécurité.
A l'instar des autres usines du groupe, CROWN BEVCAN France
est soumise à un « reporting18(*) » accru en terme d'indicateurs
d'activité et de performance dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail.
Ce reporting périodique (mensuel, trimestriel, ...) ou
ponctuel (suite à un évènement) englobe près d'une
vingtaine d'indicateurs19(*), dit « KPI » (indicateurs points
clés) à suivre et à reporter obligatoirement au
contrôleur sécurité de la division européenne,
chargé de recueillir et d'analyser les données de chaque usine
pour ensuite établir un tableau de comparaison et de classement des
usines de la division20(*).
q Mesure des performances
sécurité par contrôle réactif
L'indicateur principal du groupe CROWN, le taux de
fréquence21(*), est
un indicateur de résultat directement lié à l'objectif
zéro accident avec arrêt de travail.
L'évènement est considéré comme un
élément majeur pour CROWN ; ainsi, lorsqu'un accident du
travail survient dans une de ses entités telle que CROWN BEVCAN France,
un processus de communication et de reporting doit être mis en oeuvre.
Lorsqu'un accident du travail a pour conséquence un
arrêt de travail, un aménagement de poste de travail ou un soin
extérieur à l'entreprise, l'événement doit
être communiqué dans les plus brefs délais au niveau de la
Division Européenne vers la direction des opérations
industrielles et bien entendu à la direction du département
santé & sécurité.
De tels événements doivent faire l'objet de
reporting dans les 24 heures via intranet avec rapport, analyse et actions
correctives.
Pour les accidents bénins n'ayant pas eu recours
à des soins extérieurs et les presqu'accidents, le reporting est
réalisé dans le mois de la survenance de
l'évènement.
CROWN BEVCAN France attache tout autant d'importance au taux
de fréquence des accidents. D'ailleurs, un critère
d'intéressement des salariés est directement lié au
résultat du nombre d'accidents avec arrêt de travail sur
l'année concernée.
Toutefois, l'objectif de l'usine est différent de celui
du groupe puisqu'il est basé sur une démarche
d'amélioration par rapport aux résultats du site de
l'année précédente.
Ainsi, l'objectif de la politique santé et
sécurité interne à l'usine de Custines est de diminuer par
2 le nombre d'accidents avec arrêt de travail, soit 2 pour l'année
2010.
L'objectif est exprimé en nombre d'accidents
plutôt qu'en taux de fréquence pour le rendre compréhensif
de tous les salariés, un objectif différent pour le rendre plus
proche de la réalité.
Cette différence, voir contradiction peut avoir des
répercussions négatives dans le sens que l'objectif de
l'entité est oublié au profit de celui du groupe et lorsqu'un
évènement dommageable se produit (arrêt de travail), sa
survenance inhibe tout effort d'amélioration réalisé.
« Le but de la gestion de la sécurité
est un but, certes idéal, mais, dès le moment où le risque
industriel nul n'existe pas, un but inaccessible. »22(*)
Gérer la sécurité, sous-entend qu'il faut
réduire à un niveau acceptable (objectif) le risque lié
à une situation de travail exposant à un danger potentiel.
Aussi, un objectif doit être cohérent avec un tel
but et ne doit pas être irréaliste du type zéro
accident.
Chez CROWN, l'indicateur de résultat de performance
sécurité lié à l'objectif zéro accident peut
être considéré plus comme un acte de management qu'un outil
de suivi d'objectif.
Le risque d'un tel management est qu'il devienne un
management de la crainte.
Le management par les résultats ou par les objectifs
est un management sous tension qui peut être coupé de la
réalité et par excès de pression empêcher le
résultat escompté.
W-E Deming, auteur de théories sur le management, qui
ont été reprises dans les systèmes ISO & OHSAS,
s'adressait aux dirigeants d'entreprise :
« Faites disparaître la crainte pour que
chacun puisse contribuer au succès de l'entreprise...Supprimez les
exhortations, les slogans et les objectifs qui demandent aux employés
d'atteindre le zéro défaut »23(*).
Toutefois, fixer des objectifs et vérifier leurs
atteintes dans le temps est essentiel pour un système de management
engagé dans une véritable démarche d'amélioration
continue. Pour cela, il est nécessaire de se doter d'indicateurs
pertinents pour que l`entreprise puisse maîtriser le suivi de sa
politique sécurité et le déploiement efficace de ses
objectifs.
Des indicateurs de résultat, taux de fréquence
et nombre d'accident sont utiles pour un groupe tel que CROWN car il dispose de
données statistiques suffisantes.
Par contre, étant des indicateurs
« réactifs », ils peuvent entraîner des
stratégies de prévention à court terme, voir des
dérives telles que la sous déclaration des accidents et
incidents.
D'autre part, les objectifs et leurs indicateurs de suivi
doivent être adaptés à l'entité, partagés et
connus de tous pour que chacun dans l'entreprise, quel que soit son niveau de
responsabilité, puisse prendre des décisions et comprendre celles
qui sont prises.
« Les indicateurs Santé &
Sécurité au Travail n'ont de sens et d'intérêt que
dans le cadre d'une recherche de consensus dans les domaines
justifiant la mise en place d'outils de suivi et d'actions adaptées
à chaque contexte particulier d'entreprise (taille, ressources, secteur
d'activité, nature des risques) »24(*).
Et enfin, si les indicateurs de résultats sont
nécessaires pour pointer nos actions vers l'objectif à atteindre
et permettre de donner une indication pour mesurer une situation,
évaluer un progrès, les indicateurs de moyens (contrôle
proactif) sont utiles pour vérifier que le programme d'action
santé et sécurité est mené dans de bonnes
conditions.
q Mesure des performances
sécurité par contrôle proactif
Ø Le premier reporting proactif est celui directement
lié au contrôle réactif, c'est-à-dire
l'évènement non souhaité, l'accident.
Comme dit précédemment, chaque accident doit
être reporté et analysé pour devenir ensuite un indicateur
de performance (ou de non performance) pour les usines du groupe.
Chez CROWN BEVCAN France, tous les accidents, incidents et
presqu'accidents sont analysés dans le but de recueillir des actions
correctives, voir préventives.
Pour ce faire, l'entreprise utilise un document
spécifique25(*) sur
lequel sont renseignés les circonstances détaillées de
l'évènement, l'analyse des faits, leurs classements par la
méthode Hishikawa et les actions correctives ou préventives
techniques ou humaines pour éviter qu'un événement
similaire ne se reproduise.
Ce document est renseigné suite à une
réunion d'analyse où sont présents la victime (lorsque
cela est possible), un témoin, le manager de proximité de la
victime, le responsable de production, le responsable maintenance, le
responsable du service EHS et le directeur d'usine pour tous les accidents avec
ou sans arrêt de travail et les accidents bénins, dit
« incidents » qui n'ont pas eu besoin de recours à
des soins extérieurs. Ce document est ensuite utilisé pour le
reporting final qui doit être fait au groupe dans les 24 heures
(accidents avec arrêt ou les accidents ayant requis des soins externes)
et donnera lieu à une alerte au niveau de toutes les usines de la
division.
Sur papier, nous pourrions dire que le processus de retour
d'expérience qui concerne les accidents du travail est mené dans
de bonnes conditions...
Prenons exemple d'un accident du travail récent
significatif qui a eu lieu en juin 2010 à Custines :
Une femme était occupée à la surveillance
d'une ligne de production de boites boissons dans le secteur de palettisation.
A un moment donné, le rack supportant les intercalaires servant à
ranger les boites par couche dans les palettes s'arrêta. L'installation
s'est arrêtée car un élément métallique
(plaque de supports intercalaires) se coinça. Pour décoincer la
pièce (lourde et encombrante) et relancer la machine,
l'opératrice a saisi la plaque pour essayer de la bouger et permettre
qu'elle se repositionne correctement dans son rack. L'intervention a
réussi mais lorsque la plaque est descendue pour se repositionner dans
son rack, l'opératrice n'a pas eu le temps de retirer sa main que la
pièce métallique lui a sectionné un doigt en retombant.
Lors de l'enquête d'accident, plusieurs
défaillances « officielles et officieuses » ont
été relevées, c'est-à-dire que certaines causes
potentielles ont été retenues, d'autres connues mais non
communiquées.
- Cause technique : la plaque métallique qui se
coince dans son rack
Action : modification du système à
l'étude
- Cause humaine : l'action d'utiliser les mains pour
intervenir sur ce genre d'équipement
Action : communication et affichage du danger et de la
bonne pratique à adopter
- Causes organisationnelles : la personne venait de
changer de poste récemment et était insuffisamment
intégrée dans ce nouveau secteur. Le problème technique
lié à la plaque métallique existait depuis des mois et
malgré, à priori, une communication sur le sujet, mais aucune
intervention n'avaient été sollicitée.
La cause technique sera traitée et communiquée
en interne et au groupe.
La cause humaine, sera traitée mais communiquée
partiellement en interne et au groupe (la mauvaise pratique de prendre un tel
équipement à la main sera tue)
La cause organisationnelle sera traitée partiellement
en interne (seulement pour la partie communication et traitement d'une
défaillance technique) mais aucune communication ne sera faite en
interne comme au groupe.
Un tel traitement de retour d'expérience ne peut en
aucun cas nous assurer qu'un évènement similaire ne pourra pas se
reproduire du fait que la partie humaine est peu prise en compte et que la
partie organisationnelle semble « tabou ».
Si la défaillance d'analyse au niveau humain semble
trouver une explication dans le management par la crainte, la
défaillance de l'analyse organisationnelle trouve sa source dans la
philosophie même du management de la sécurité de CROWN
copié à Dupont de Nemours.
Rappelons 2 principes considérés comme des
postulats chez CROWN :
- Toutes les blessures peuvent être
évitées
- Plus de 90 % des accidents sont liés à des
comportements dangereux
Cette approche est tellement forte dans le groupe CROWN
qu'elle influence même l'analyse et le traitement des
évènements dans sa filiale CROWN BEVCAN France.
Tous les accidents peuvent être évités...
la plupart certainement a posteriori car il est toujours plus facile de voir
lorsque l'évènement s'est produit, mais a priori, c'est un
idéal inatteignable.
Une organisation et ses dirigeants doivent être
conscients que le risque zéro n'existe pas et que l'accident est avant
tout un évènement imprévu ! Ceci ne doit pas conduire
à une vision fataliste de la gestion de la santé et de la
sécurité mais à une vision consciente qui évite le
management par la crainte avec son cortège de dangers.
Les accidents du travail sont liés soit à des
conditions dangereuses (technique) ou à des actes dangereux (pour la
majorité)...
W-E Deming, estimait que 99% des problèmes de
qualité des produits étaient dus à des problèmes
d'organisation et le reste à la négligence des
employés.
Or, CROWN pense le contraire, y compris bien entendu dans le
domaine de la sécurité. On retrouve souvent cette attribution
causale interne par laquelle les accidents sont imputables à la
principale cause des opérateurs.
« Le comportement est souvent un bouc
émissaire des divers dysfonctionnements que connaissent les
organisations. Pourtant, ce raccourci intellectuel nous fait oublier que, si la
plupart des organisations ne fonctionnent pas trop mal, c'est aussi grâce
aux comportements.26(*) »
Dans l'accident de juin, si la défaillance technique de
la plaque de support des intercalaires est l'une des causes directes de
l'évènement, la défaillance organisationnelle
(décision de changement d'organisation interne à l'équipe
de production, manque d'intégration au nouveau poste de travail, ...)
est une cause profonde, voir la cause profonde qui a provoqué le
comportement dangereux de manipuler un tel équipement avec les mains.
L'erreur humaine est un facteur souvent invoqué comme
cause, ou parmi les causes d'un accident. Or souvent, les erreurs sont les
conséquences de caractéristiques de la situation, qui n'ont pas
permis aux opérateurs et aux collectifs de mobiliser leurs
compétences de façon pertinente, alors que dans l'ensemble, la
contribution humaine à la sécurité est d'abord
positive.
Le processus de traitement des accidents du travail du groupe
CROWN et de sa filiale ne permet pas d'avoir une approche globale (Technique -
Organisationnel - Humain) dans l'analyse de l'évènement.
Ceci se trouve corroboré par le document d'analyse
interne à CROWN BEVCAN France qui limite l'action de prévention
ou de correction à des mesures techniques ou humaines et par le
système d'alerte des accidents27(*) à une cause soit de condition ou de
comportements dangereux.
Lorsque l'accident cité précédemment a
dû être reporté au groupe pour faire l'objet d'une alerte
à toutes les usines d'Europe, le contrôleur sécurité
de la division m'a téléphoné pour finaliser le
document :
« ...J'ai besoin de connaître la cause
principale de cet accident (pour cocher la case correspondante)...Est-ce
lié à une condition dangereuse ou à un comportement
dangereux ? »
« - En fait, il m'est difficile de te
répondre catégoriquement car au regard de l'enquête et de
l'analyse, je dirai les 2, voir les 3 puisqu'il faudrait aussi prendre en
compte l'aspect organisationnel... »
« - Je comprends, mais ce n'est pas possible car il
n'y a pas de case prévue pour les aspects organisationnels et il faut
choisir l'une ou l'autre des conditions... »
Un tel rétrécissement du raisonnement dans
l'analyse des causes d'un évènement dommageable ne peut produire
que des failles dans le processus de gestion des accidents du travail
où pourront facilement se glisser des risques non identifiés.
Une démarche d'analyse pour être efficace doit
tenir compte des aspects à la fois Techniques (équipements,
technologies, ...), Humains (individus, compétences, ...) et
Organisationnels (procédures, positions, liens, ...).
Faute de quoi, l'entreprise après plusieurs
années d'amélioration, constatera qu'il est difficile de
continuer à améliorer encore les résultats
sécurité.
Ø Le second reporting proactif, dit
« benchmark table »28(*) concerne les indicateurs liés à
la fois aux résultats sécurité et aux
moyens mis en oeuvre pour les améliorer.
Tout comme la « League Table », la
« benchmark table » a pour finalité d'établir
un tableau de comparaison et de classement des performances
sécurité des usines de la division.
Ce reporting trimestriel comprend des indicateurs pour les
thèmes suivants :
- Blessures et presqu'accidents
Des points sont attribués en fonction du nombre de
blessures reporté dans le trimestre (objectif = 0) et le nombre
d'analyse de presqu'accidents effectué (nb déterminé en
fonction de l'établissement).
- Evaluation des risques et « veille
active »
Des points sont attribués en fonction du reporting de
l'évaluation des risques sur le logiciel intranet du groupe et lorsque
des bonnes pratiques ont été créées et
enregistrées dans le système dit « best
practice » de la Division Européenne.
- Management comportemental
Des points sont attribués en fonction du nombre
d'observations STOP effectuées chaque mois par les managers de service
et de proximité
- Engagement des employés
Des points sont attribués en fonction du nombre d'
idées recueillies et enregistrées en interne dans le domaine de
la sécurité, et si aucun acte dangereux considéré
comme intolérable (non port d'un équipement de protection
individuelle, armoire électrique ouverte, travail machine en marche non
autorisé,...) n'a été observé.
- Ajustements
Des points sont ôtés si le reporting de tous ces
éléments ne s'est pas fait en temps et en heure et si un accident
significatif (fracture, sectionnement, ...) s'est produit.
Tous ces points additionnés donnent un score, qui donne
une couleur, qui donne un classement des performances sécurité de
chaque usine.
Autant dire que le nombre d'indicateurs de résultats et
de moyens ne manque pas pour évaluer les performances
sécurité d'une usine et notamment celle de Custines qui se trouve
classée en juin 2010, 33em sur les 75 sites de la Division
Européenne.
Si le système de mesurage des performances
santé et sécurité au travail d'une entreprise doit
intégrer à la fois des indicateurs proactifs et réactifs,
ceux-ci doivent correspondre aux objectifs définis par l'entreprise. Un
indicateur inadapté peut produire un risque de dérive par rapport
à l'objectif visé initialement.
Les données produites par les indicateurs
sécurité de la benchmark table peuvent avoir des
conséquences sur les personnes (par exemple en matière de respect
de consignes pour un opérateur ou d'exemplarité pour un
cadre).
Une dérive possible sera alors d'agir sur l'indicateur
plutôt que sur la réalité de la situation examinée,
objet de la mesure. L'indicateur devient alors l'objectif.
Exemple :
Objectif : organiser des réunions «
sécurité ».
Indicateurs : nombre de réunions «
sécurité » organisées.
Dérive possible : organisation de réunions
dépourvues de tout contenu.
Prenons maintenant un exemple concret :
Objectif : impliquer l'encadrement à observer les
comportements au travail de leurs collaborateurs afin d'encourager les bonnes
pratiques et d'apporter un action corrective sur les actes dangereux
Indicateur : nombre de fiches d'observations remplies par
mois
Dérive possible : observation dépourvue de
contenu ou d'échange avec la ou les personnes
Et nous pourrions prendre d'autres exemples comme la
création des « best practices », analyse des
presqu'accidents, ... les exemples de dérives marcheront aussi !
En fait, la pertinence d'un indicateur n'est pas tant le choix
de celui-ci que la manière avec laquelle il a été
choisi.
La politique sécurité définit les grands
axes d'amélioration de l'entreprise. Elle est portée par la
direction générale et peut se décliner en terme de
priorités, elles-mêmes déclinables en objectifs. Ces
objectifs stratégiques doivent être déclinés en
objectifs opérationnels qui doivent être SMART29(*) (Simple, Mesurable,
Atteignable, Réaliste, Temporel). Et cette déclinaison doit
être menée de façon collective et participative.
En ce qui concerne CROWN BEVCAN France et les autres filiales
du groupe, ces nombreux objectifs opérationnels sont imposés sans
discussion, voir sans grande explication, ce qui peut générer des
incompréhensions et un temps assez long pour leur appropriation. L'autre
dérive liée à un nombre important d'objectifs de moyens
déterminés par la Division Européenne est qu'ils se
substituent au programme interne de l'entreprise en guidant ses actions et ses
priorités, non en fonction de la réalité mais en fonction
du classement de la benchmark table.
Lorsque l'action d'une filiale est conduite par le
résultat, que ce résultat est déterminé par les
objectifs fixés par le groupe ou par une direction
générale éloignée, les mesures de performances
sécurité effectuées par les contrôles
réactifs et proactifs s'éloignent de la réalité du
terrain.
Un autre contrôle dit d'amélioration est
effectué pour mesurer la performance du système de management de
la sécurité, l'audit. L'audit est un contrôle qui a la
particularité d'être effectué sur le site par des
intervenants externes et internes à l'entreprise.
q Mesure des performances
sécurité par contrôle
d'amélioration
Organiser des audits doit permettre de contrôler si le
système de management de la sécurité est conforme aux
exigences du groupe et aux spécifications du référentiel
choisi (OHSAS 18001 pour CROWN), s'il est correctement mis en oeuvre, mis
à jour et s'il contribue à réaliser la politique et le(s)
objectif(s) du groupe de manière efficace.
L'audit du système de management de la santé et
de la sécurité est donc un processus au moyen duquel l'entreprise
peut revoir et évaluer l'efficacité de son système de
management.
Non seulement ces audits doivent prendre en compte la
politique sécurité de l'organisme audité, mais aussi les
conditions et les pratiques réelles sur le lieu de travail.30(*)
En pratique, chez CROWN BEVCAN France, 3 types d'audits sont
réalisés :
- des audits internes effectués par des employés
volontaires de l'usine et dûment formés à cette pratique
- des audits internes effectués par des responsables
régionaux du groupe mandatés à cet effet par la division
européenne
- des audits externes effectués par un organisme
habilité à délivrer la certification OHSAS 18001
L'entreprise de Custines est certifiée OHSAS 18001
depuis 2004 et a subi depuis cette date, 6 audits externes de l'organisme
certificateur et au moins autant d'audits internes.
Les audits sont basés sur la réalisation
d'entretiens, d'observations de l'activité et de revues des
documentations et des enregistrements. Ils peuvent donner lieu à des
constats de non-conformités majeures ou mineures par rapport aux
exigences internes et externes (réglementaires, directives groupe,
référentiel OHSAS 18001) qui doivent être suivis d'actions
correctives.
Au-delà de ce contrôle de conformité
à l'OHSAS et aux autres exigences, l'audit permet de recueillir des
remarques ou observations visant à améliorer le système de
management de la sécurité et donc par déduction les
performances de l'entreprise en la matière.
Depuis 6 années de certification, d'audits internes et
externes, CROWN BEVCAN France a pu apporter près d'une vingtaine
d'actions correctives à son système de management de la
sécurité et plus d'une cinquantaine d'actions
d'amélioration.
En dépit des efforts pour maintenir et améliorer
le système de management de la sécurité reconnu comme
performant et adapté par les auditeurs, les résultats
sécurité n'ont pas évolués à la hauteur des
moyens mis en oeuvre, voir se sont quelque peu dégradés.
En 2004, l'usine comptait 2 accidents avec arrêt de
travail sur l'année, fin 2009 elle en comptait 4 et à juin 2010
l'entreprise déplore déjà 2 accidents avec arrêt
dont 1 significatif.
De plus, ces résultats sont en cohérence avec
les autres usines du groupe.
Lorsque le Vice Président Hygiène &
Sécurité de la Division Européenne est venu faire une
présentation à Custines un effort avait été fait
pour certifier presque toutes les entités du groupe sans que pour autant
les résultats se soient améliorés, voir mêmes
dégradés31(*).
Ainsi, la certification et les audits liés à son
référentiel ont leurs limites :
- C'est parfois une démarche
« commerciale » (et pas seulement vis-à-vis de
l'extérieur)
- Ce n'est pas une garantie anti-accident
- Audits documentaires plutôt que terrain et parfois
éloignés des besoins réels
Malgré tous ces efforts pour certifier et maintenir les
certifications des usines par des audits, le VP Hygiène
Sécurité concluait : « La culture
sécurité ne fait pas partie du mode de vie de
CROWN !»
Et pour conclure sur le sujet, je reprendrai l'intervention de
Michel Turpin : « On ne développe pas une culture
de sécurité avec des documents papier ...qui ne sont pas toujours
assimilés et peuvent déresponsabiliser... »32(*)
b) Evaluation des performances de la politique
sécurité CROWN sur le site de CROWN BEVCAN
France :
La performance d'une entreprise ne se mesure pas uniquement en
fonction du nombre de lésions professionnelles et de la qualité
de ses procédures et règlements.
Il est aussi possible de mesurer la santé et la
sécurité au travail en évaluant la culture de
sécurité qui est partagée, ou non, par les gestionnaires
et les employés.
D'après le BIT (Bureau International du Travail), en
matière de sécurité, « la culture de
l'organisation est la clef du succès ».
Ainsi, les résultats sécurité seraient
déterminés bien plus par la culture qui imprègne
l'organisation que par les éléments qui constituent la
déclinaison d'une politique de sécurité.
La notion de culture de sécurité
correspondrait33(*)
à un ensemble de valeurs, de connaissances et de pratiques
partagées par les membres d'un groupe ou d'une organisation qui
influencent les décisions, les actes, l'engagement, la participation et
l'implication des employés.
Evaluer les performances sécurité en tenant
compte de cette notion de culture sécurité impliquerait donc une
démarche globale intégrant d'autres aspects que ceux
abordés jusqu ici.
q Prise en compte de la notion de culture pour une
approche globale de la sécurité
Le Health and Safety Executive34(*) propose un modèle de culture de
sécurité intéressant qui prend en compte 3 aspects :
psychologique, comportemental et organisationnel.
Modèle de culture de sécurité du
Health and Safety Executive35(*) :
« Le résultat des valeurs individuelles et
collectives, des perceptions, des compétences et des modèles
comportementaux qui déterminent l'engagement, le style et
l'efficacité du système de management de la santé et de la
sécurité d'une organisation »
Une définition qui renvoie donc
à :
- des aspects psychologiques : « ce que les
gens ressentent »
- des aspects comportementaux : « ce que les
gens font »
- des aspects organisationnels : « ce que
l'organisation possède »
Les contrôles (réactif, proactif et
d'amélioration) mis en oeuvre par CROWN et sa filiale BEVCAN France pour
mesurer ses performances sécurité, privilégient les
aspects
organisationnels en s'appuyant sur ce que l'entreprise
possède : une politique, des procédures, des directives, des
structures et un système de management.
En effet, les méthodes de reporting, de contrôles
et d'audits pratiquées ne semblent pas efficaces pour évaluer les
aspects comportementaux (actions et comportements à propos de la
sécurité) et font l'impasse sur les aspects psychologiques
(valeurs individuelles et collectives, attitudes et perceptions). Pourtant,
« si une bonne organisation est une condition première pour
une démarche managériale globale de sécurité, son
efficacité dépend fortement de la culture de
l'entreprise. »36(*)
Pour évaluer la déclinaison de la politique
sécurité dans l'usine de Custines, il m'a donc semblé
opportun d'avoir une approche qui tienne compte des aspects psychologiques et
comportementaux qui jusqu'alors n'ont été que peu traités
en rapport avec la réalité.
q Evaluation de la culture sécurité
chez CROWN BEVCAN France
Ø Climat de sécurité dans l'entreprise
La notion de culture de sécurité est parfois
confondue avec la notion de climat de sécurité. Le climat est un
élément de la culture de sécurité, c'est l'ensemble
des perceptions et des ressentis des salariés sur différents
aspects de l'entreprise37(*), dont bien sûr la sécurité. C'est
ce que les employés pensent.
Pour le mesurer, je me suis appuyé sur le
modèle de Westrum développé par Hudson38(*) qui définit 5 niveaux
de Culture de sécurité :
1) Culture pathologique
La sécurité est considérée comme
un problème causé par les travailleurs. C'est la
rentabilité qui prime.
2) Culture réactive
L'organisation commence à s'intéresser
sérieusement aux questions de sécurité. Mais elle n'agit
qu'en cas d'accident.
3) Culture bureaucratique
Il existe un système de management de la
sécurité. De nombreuses données et informations sur la
sécurité sont récoltées. Des analyses sont
effectuées mais l'organisation n'en tire pas d'enseignement.
4) Culture proactive
L'encadrement s'implique dans la sécurité et
essaie de favoriser l'initiative ; la sécurité n'est plus
uniquement descendante ».
5) Culture générative
La sécurité est intégrée à
tous les niveaux de l'organisation. La participation des travailleurs et des
cadres à la sécurité est réelle. La
sécurité est intégrée à la performance.
Ce modèle a été développé
dans les hôpitaux et cliniques très concernés par la
sécurité des soins39(*).
Je me le suis approprié en reformulant les questions
pour le rendre compatible avec l'activité de l'entreprise :
1) La sécurité peut être perte de temps
pour atteindre les objectifs de l'entreprise
2) Nous prenons la sécurité au sérieux et
nous agissons face à un accident
3) Nous avons un système de management en place pour
gérer la sécurité
4) Nous sommes toujours en alerte, nous avons à
l'esprit les problèmes de sécurité qui pourraient
survenir
5) Le management de la sécurité fait partie
intégrante de tout ce que nous faisons
Sur la base de ces propositions (dans le désordre et
sans notion de niveau), j'ai demandé à 25 employés
représentatifs du personnel (ouvriers, techniciens, managers /
administratifs, industriels) de choisir la phrase qui correspondrait le mieux
à la perception qu'il a de l'entreprise par rapport à la
sécurité.
Ce questionnaire s'est déroulé par entretien
individuel.
Sans avoir une valeur scientifique avec la prétention
d'évaluer le climat de sécurité dans l'usine de CROWN
BEVCAN France, ce questionnaire peut cependant apporter un éclairage,
voir un réajustement de ce que nous pensions être de la perception
des salariés sur le management de la sécurité à
Custines.
Résultats de l'enquête sur une population de
25 employés pour un effectif à ce jour d'environ 170
personnes :
I : Personnel industriel
I : Personnel administratif
1. Pathologique
|
2. Réactif
|
3. Bureaucratique
|
4. Proactif
|
5. Génératif
|
IIIIIII
|
IIIIII
|
III
|
IIIIII
|
III
|
Le résultat du questionnaire, soulève 2
remarques :
- La perception de la gestion de la sécurité
n'est pas homogène dans l'entreprise
- Le personnel industriel (confronté aux risques
industriels) semble avoir une perception plus négative que celle du
personnel administratif
Pour qu'une enquête de ce type ait une validité
scientifique, l'échantillon des personnes interrogées aurait
dû être plus large afin d'analyser notamment les écarts non
seulement entre le groupe 1 (personnel industriel) et le groupe 2 (personnel
administratif), mais aussi les différences de perception des
sous-groupes (ex : maintenance, production,...) dans un même
groupe.
Toutefois, ce premier résultat nous permet de diriger
l'analyse vers le groupe industriel pour notamment vérifier, non plus
dans la perception mais dans les comportements, si cette perception
négative se confirme dans les actes.
Ø Actions et comportements
La notion de culture de sécurité n'est pas
seulement la perception de la sécurité mais surtout la
concrétisation par les actes sur le terrain. C'est ce que les gens font,
leurs comportements étant révélateur du fonctionnement de
l'organisation.
Pour le mesurer, je me suis appuyé sur des
réunions d'équipes, dites ¼ heures sécurité,
que nous avions organisés initialement pour sensibiliser le personnel
aux actes dangereux jugés inacceptables chez CROWN BEVCAN France.
Ces « ¼ heures
sécurité » étaient prévus initialement en
communication descendante mais sont devenus des réunions à
« bâtons rompus », avec une communication remontante
qui nous a permis un partage sur les pratiques non dites mais pourtant bien
réelles. Le déroulement de ces entretiens s'est fait par petits
groupes de 2 à 4 personnes pour ne pas perturber la production et
pendant plusieurs semaines afin de toucher les 5 équipes de production
travaillant en feux continus. Au total, plus d'une cinquantaine de personnes de
production et de maintenance sur un effectif de 120 personnes ont
été vues et entendues.
Le résultat de ces entretiens n'aboutit pas à
des données quantitatives comme dans le questionnaire
précèdent, mais des données qualitatives permettant de
mettre en corrélation « ce que l'on pense » avec
« ce que l'on fait ».
Beaucoup de points positifs ont été
échangés pendant ces entretiens, notamment dans la perception du
risque et dans l'application des bonnes pratiques de sécurité
pour certains.
Toutefois, je me suis attaché à
répertorier les informations susceptibles d'être mises en
corrélation avec les données du questionnaire
précédent et à mettre l'accent sur les
éléments, qui en partie, pourraient éclairer la question
concernant les difficultés de déclinaison de la politique
sécurité.
Afin de garder une certaine confidentialité des propos
échangés pendant ces ¼ heures sécurité, les
données seront transcrites sous forme de synthèse avec des
extraits d'intervention.
- La communication
Le lien de communication entre les personnes, les
équipes et les services fait parfois défaut avec un risque de
répercussion négative sur la sécurité.
Au niveau de la communication descendante, lorsque des travaux
de sécurité sont prévus, que ceux-ci ne semblent pas
avancer, « Il était prévu d'asservir
électriquement la porte d'accès d'un équipement...cela
fait 6 mois que çà dure...et on nous parle de
sécurité ! » la perception du management de la
sécurité se détériore. En fait, le problème
n'est pas dans le manque de réactivité mais le défaut de
communication. Le mécanisme de sécurité n'est pas encore
installé car des difficultés techniques imposent un arrêt
de ligne assez long qui ne peut se faire que pendant l'arrêt annuel.
D'autre part, des actions de prévention et de protection ont
été mises en place en attendant la réalisation du projet.
Encore fallait-il que les personnes concernées par cet équipement
soient correctement informées.
Au niveau de la communication remontante, lorsqu'une action
sur le terrain est mise en oeuvre pour améliorer la
sécurité, « ...une modification qui n'aura pas
duré longtemps... », si elle n'est pas couverte par une
information suffisante, aura toutes les chances d'être ôtée
pour revenir à la situation antérieure.
Au niveau du retour d'information (la boucle), lorsque des
remarques et des idées sont transmises, un défaut de retour
d'information peut casser une dynamique de motivation d'amélioration
continue, «... je l'ai dit à mon manager, mais
çà n'avance pas...je ne suis pas sûr que l'information soit
transmise... » et une confiance dans le management.
- L'exemplarité
Le succès de la déclinaison d'une politique de
sécurité est lié à la façon dont les
managers vont s'approprier et soutenir la démarche. Si le comportement
du manager ne démontre pas son engagement à travers un
comportement exemplaire, « ...ils prennent des risques
sécurité pour eux-mêmes... » la culture
sécurité a peu de chance de progresser dans l'équipe.
- Perception du risque différente entre
équipes et services
Une différence de perception du risque entre services,
« ...aussitôt, j'ai averti le service concerné par le
problème de démarrage intempestif d'un équipement...mais
d'après eux, ce n'est pas grave, c'est un problème technique et
non de sécurité car il existe une procédure
d'intervention... » dénote une différence de culture de
sécurité dans une même entreprise.
Ces différences de perception ou d'appréciation,
« pour certains il n'y a pas eu de problème pendant
l'arrêt de maintenance, ce n'est pas la perception des ouvriers qui
étaient encore dans la machine lorsque celle-ci a failli être
redémarrée... » peuvent conduire à un sentiment
de non respect de l'intégrité physique des personnes.
- Pratiques différentes, pratiques sous
silence
Dans les équipes de production, pour les mêmes
tâches, les mêmes interventions avec les mêmes consignes, les
pratiques peuvent être différentes, « les
procédures sont écrites, mais elles ne sont pas appliquées
de manière uniforme ». Une plage de liberté dans les
tâches à réaliser n'est pas dangereux en soit, ce qui est
dangereux ce sont plutôt les pratiques conduites par une perception
différente du risque.
Dernièrement, il y a eu quelques changements de postes
entre les équipes de fabrication. Pour certaines personnes, ces
changements d'équipe sont appréhendés car elles savent
qu'il faudra plusieurs semaines d'adaptation selon les différences de
pratiques.
Si les pratiques sont différentes entre équipes,
elles peuvent être aussi non avouées ou non officielles. C'est le
cas lorsque des risques sont pris au sein des équipes
(généralement de nuit ou le week-end), « on
accède en hauteur sans moyen de protection...c'est très
risqué mais si on ne le fait pas on arrête l'usine... »
afin de ne pas faire arrêter la ligne de production.
Pendant ces ¼ heure sécurité, non seulement
le problème de dualité (production/sécurité) a
souvent été soulevé, mais aussi une différence de
valeurs dans les équipes selon la prépondérance qu'elles
donnaient à la production, la qualité ou la
sécurité.
- La sanction
Lorsque la formation et l'information en matière de
consignes de sécurité sont suffisantes et adaptée, le chef
d'entreprise est tenu de s'assurer qu'elles sont comprises et
respectées. Faire respecter les consignes de sécurité
demande parfois pour des cas « récalcitrants » une
politique disciplinaire qui démontre l'engagement de l'entreprise en
matière de santé et de sécurité. Un manque de
clarté dans ce domaine, « ...il faudrait
parfois recourir aux sanctions... y'en à marre du non
respect des consignes... on parle de sanction mais on voit pas ou on ne sait
pas ce qu'il est fait... » pourrait avoir un impact négatif
non seulement sur le management dans son rôle de faire appliquer les
consignes « nous avons des exigences de sécurité mais
nous ne sommes pas sûr que nous serons suivis si nous donnons un
avertissement » mais aussi des employés qui, lorsqu'on leur
présente les comportements non acceptables pour la
sécurité, reconnaissent pour certains ne pas les avoir
appliqué sans pour autant avoir été inquiété
par la hiérarchie.
Par contre, la peur de la sanction peut freiner une dynamique
d'amélioration dans la recherche des défaillances, « il
faudrait analyser plus de presqu'accidents, mais si dans l'analyse on
relève une mauvaise pratique lié à un comportement
inacceptable, on n'a peur du retour de sanction...on préfère
alors ne rien dire... » ou des réactions étonnantes
« ...lors du dernier accident, un doigt sectionné...
réflexe de dire qu'il a été récupéré
dans un gant (alors que ce n'est pas le cas) pour faire passer le message que
la victime portait ses équipements de protection (alors que cela
n'aurait rien changé)... » pour se protéger de la
sanction.
- L'objectif 0 accident
L'objectif en matière de sécurité doit
être compris, partagé et moteur pour emmener l'équipe ou
l'organisation dans une démarche de progrès. Lorsque cet objectif
est mal compris et a fortiori non partagé, il peut devenir une source de
non-dits.
« Les non-dits ce sont les incidents que nous
n'inscrivons pas sur le registre de déclaration d'accidents
bénins, les accidents que nous ne déclarons pas parce qu'il faut
le moins d'accident possible. »
Alors, la question posée est :
« Pourquoi un tel comportement face à un accident a priori
sans gravité mais qui pourrait vite devenir un accident avec arrêt
de travail ? »
Et la réponse de ce manager : « Parce
qu'il y a la prime liée à l'intéressement des
salariés avec un critère sécurité basé sur
le nombre d'accident et parce que l'objectif que l'on nous demande, c'est 0
accident ! »
Lorsque l'objectif de la politique sécurité de
l'entreprise n'est pas bien compris faute d'une communication claire et sans
équivoque et, est utilisé comme indicateur de résultat, il
y a risque de dérive (Cf. II,a).
Le message doit être clair et sans équivoque,
entre « n'ayez pas d'accidents », ou « ne vous mettez pas
dans une situation où vous pourriez avoir un accident », c'est la
deuxième formulation qui doit être comprise et
utilisée !
Au cours de ce second chapitre, nous avons pu analyser et
mesurer l'efficacité des moyens de contrôles mis en oeuvre dans le
groupe CROWN et plus particulièrement dans sa filiale BEVCAN France,
pour évaluer l'application et la pertinence des méthodes de
déclinaison de sa politique sécurité.
Mais un modèle de déclinaison principalement
basé sur les aspects organisationnels (ce que l'organisation
possède) ne suffit pas pour garantir une application efficace de la
politique sécurité.
La notion de culture de sécurité semble
répondre à ces manquements en intégrant, en plus des
aspects organisationnels, des aspects psychologiques et comportementaux dans
une démarche globale de management de la santé et de la
sécurité au travail.
Mais une culture de sécurité ne se
décrète pas, elle se construit au sein même de la culture
de l'entreprise qui se construit elle-même à travers son histoire,
sa nationalité, son appartenance professionnelle, etc...
On ne peut pas faire un « copier » /
« coller » d'une culture de sécurité d'une
entreprise à une autre surtout lorsque celles-ci ne se situent pas dans
le même pays.
Philippe D'Iribarne40(*) déclare que la gestion de l'activité
d'une entreprise est différente
suivant les pays du fait des moeurs qui sont propres à
chaque civilisation.
Il n'existe pas de règles universelles de gestion, donc
de modèle de déclinaison unique de politique de
sécurité.
Il faut unir raison et tradition 41(*)« Les traditions seraient
impuissantes si elles ne se matérialisaient pas par des structures et
des procédures, comme les structures et les procédures seraient
impuissantes sans traditions capables de les faire respecter »
Et, pour faire évoluer les comportements d'un
salarié, il faut connaître sa perception des choses, ses freins
objectifs et subjectifs.
Ainsi, la personne est une valeur essentielle de
l'entreprise42(*). Cela
signifie que le chef d'entreprise, l'encadrement et les salariés sont
impliqués dans la démarche visant à préserver la
santé, la sécurité et améliorer les conditions de
travail. Et cela signifie aussi que les méthodes de management
utilisées sont compatibles avec une éthique du changement
respectant la personne.
Après cette analyse critique, nous aborderons la
dernière phase de notre étude de manière plus constructive
pour évoquer des principes et méthodes de déclinaison
d'une politique de sécurité et proposer quelques pistes
d'amélioration pour le Groupe CROWN et sa filiale BEVCAN France.
III D'une politique de sécurité vers une
culture de sécurité
Nous avons vu en première partie de ce dossier que la
politique sécurité de CROWN est basée sur l'affirmation
d'une culture de sécurité intégrant l'engagement de tous
les salariés à assumer leurs responsabilités.
D'après l'AIEA43(*), « la culture de sécurité
commence par l'engagement des responsables de la politique de
sécurité puis des dirigeants chargés de la mettre en
oeuvre. Les attitudes et comportements individuels ne sont que la
résultante du niveau de culture des directions. »
a) Conditions essentielles de déclinaison d'une
politique sécurité
Il me semble donc de bon ton d'introduire les principes
essentiels de déclinaison d'une politique de sécurité par
le principe de responsabilité
q Principes de responsabilité et de
management44(*)
La raison (capacité de raisonner), fonde la
responsabilité, c'est-à-dire la conscience, la capacité de
comprendre, d'analyser, de choisir, de décider.
Du point de vue juridique, la responsabilité est la
capacité que l'on a de comprendre ce que l'on doit appliquer et de
dépasser ces obligations par des décisions.
Si je n'ai pas ces 2 capacités (appliquer &
décider), ma responsabilité est défaillante, et chaque
organisation doit avoir la capacité de démontrer qu'elle est
responsable.
Tous les dispositifs législatifs en rapport avec la
prévention exigent la responsabilité et lorsque celle-ci est mise
en cause, le détenteur de cette responsabilité devra
répondre à ces 2 questions : « Qu'as tu fais que
tu ne devais pas faire ? » et « Que n'as-tu pas fais
que tu devais faire ? »
La responsabilité implique de répondre de ce que
l'on devait sur le plan civil (tout fait quelconque d'un homme qui cause
dommage à autrui est tenu de le réparer...45(*)),
pénal (toute atteinte à
l'intégrité physique par maladresse, imprudence,... sera
punie...46(*)) et
contractuel (obligations de sécurité du chef
d'établissement & principes généraux de
prévention47(*)).
Face à ce principe de responsabilité, des
repères doivent être mis en place pour :
- éclairer les dirigeants et les personnels sur leurs
responsabilités
- rappeler qu'ils vont devoir prévoir, anticiper des
embûches, des obstacles et des dangers,
- les aider à décider des mesures utiles pour
prévenir les incidents, accidents et limiter leurs conséquences,
leurs impacts dommageables.
L'objet d'un système de management est d'aider à
organiser et coordonner les actions nécessaires pour satisfaire au
principe de responsabilité qui pourrait se résumer ainsi :
«La responsabilité demande que l'on ait conscience que l'on doit
avoir conscience de ce que l'on doit et que l'on doit en rendre
compte. »48(*)
Le principe de responsabilité est le premier
repère d'un système de management de la sécurité.
La force de l'ensemble de la démarche se trouve dans la volonté
et la capacité des dirigeants à :
- dégager clairement la finalité du
management,
- la faire partager par le personnel,
- en imposer toutes les exigences,
- mettre en oeuvre l'organisation nécessaire.
Le second principe est la prévision qui suppose de voir
avant les changements. Le dirigeant doit avoir non seulement une vision
photographique (du présent) mais aussi une vision cinétique car
s'il est responsable, il doit comprendre que tout est en changement. Il faut
analyser aujourd'hui la portée des changements de demain.
L'évaluation des risques a priori sous entend une
analyse des données du passé, du présent et du futur et un
raisonnement déductif et prospectif.
Dés lors que les analyses prévisionnelles ont
permis d'éclairer les conditions futures et les risques qui peuvent en
résulter, le troisième principe de management de la
sécurité doit s'engager : la décision.
Les décisions inscrites dans le mouvement ont pour
objet de modifier ou de maintenir les données sources ou causes
(décisions de prévention) et les données
conséquences ou impacts (décisions de protection).
La planification, tournée vers le futur pour prendre en
compte le demain, est le processus du système de management qui prend en
compte les 2 grands principes de prévision et de décision.
L'organisation est la structure qui va permettre la mise en
oeuvre de la planification.
Organiser sous entend des fonctions (maintenance, production,
qualité, ...) comportant des moyens et des missions pour atteindre les
objectifs.
Il ne faut pas confondre le but et l'objectif (en anglais,
target et objective). On tend vers l'un et on doit atteindre l'autre dans
lequel il y a des indicateurs.
La fonction a donc des moyens avec des indicateurs pour
atteindre l'objectif. C'est principalement ce qui différencie la
mission de la tâche, cette dernière étant dépourvue
d'objectif, donc de liberté, donc de responsabilité. Ainsi,
mission et objectif sont liés (sinon c'est une tâche) et si
certaines tâches doivent être précisées dans une
définition de fonction, elle doivent être intégrées
dans une démarche de mission car la liberté responsabilise.
Si un dirigeant ou un manager a des objectifs, il doit avoir
la liberté de moyens (ce qui ne signifie pas des moyens
illimités) quant à l'utilisation de la stratégie, de la
tactique qui en découle.
Si les objectifs sont dépendants des moyens qui sont
définis par une entité supérieure (tel qu'un groupe) pour
les atteindre, le raisonnement se fera en terme de tâche.
Une démarche organisationnelle par mission est une
démarche de liberté, tandis qu'une démarche
organisationnelle par tâche est une démarche de contrainte. La
liberté de moyens est une liberté du processus pour atteindre les
objectifs.
Les moyens sont immatériels (pouvoir de commander) et
opérationnels (technique, humain, organisationnel). Ils sont la
capacité du dirigeant à mettre en oeuvre le processus de
décision, une exigence de la responsabilité.
Le management sous l'angle du principe de
responsabilité démontre donc la capacité d'une politique
(objectif, responsabilités), d'une planification (prévision,
décision) et d'une organisation (fonctions et missions).
Enfin, une entreprise responsable se doit de surveiller
l'application de la planification qu'elle a mise en oeuvre et d'en
évaluer la maîtrise.
En effet, une démarche de conformité initiale
est toujours provisoire, aussi le dirigeant doit toujours s'assurer que la
règle est toujours respectée, mais aussi que la maîtrise
des processus et des bonnes pratiques est toujours efficace.
Ces grands principes de management sous l'angle de la
responsabilité (Politique -Planification - Organisation -
Contrôle) sont repris dans les systèmes de management tels que
l'OHSAS 18001 ou lSO 14001. Ces référentiels ont
été créés pour aider l'entreprise et toute
organisation à améliorer leur management, lorsque ces
référentiels tendent à être utilisés comme
des normes obligatoires, cela devient en complète contradiction avec
l'esprit initial de la démarche.
Pour qu'une démarche de management global de la
santé et de la sécurité soit réellement efficace,
il est primordial qu'elle soit partagée par le plus grand nombre des
personnels.
q Adhésion - implication49(*)
L'adhésion du personnel est reconnue comme une
condition clé dans la mise en place d'un système de management,
quel qu'il soit, et a fortiori dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail.
Cette adhésion repose sur la confiance dans
l'équipe de management, confiance elle-même conditionnée
par la transparence dans la conduite des actions.
La transparence implique pour le chef d'entreprise et
l'encadrement :
- la clarté de l'objectif visé
La mise en place d'une politique de maîtrise des risques
doit se faire avec comme objectif principal et clairement affiché
l'amélioration de la santé, de la sécurité et des
conditions de travail des salariés de l'entreprise.
- l'engagement et l'exemplarité
Agir au quotidien conformément à ses engagements
est la façon la plus efficace de faire connaître les valeurs de
l'entreprise et faire partager une culture orientée vers la santé
et la sécurité des salariés.
- la prise en compte de la réalité des
situations de travail
Une véritable politique de maîtrise de la
santé et de la sécurité au travail repose sur la prise en
compte des activités de travail réelles et de leurs
conséquences.
- la communication sur la santé et
sécurité du travail
La sécurité est l'affaire de tous. Cela signifie
qu chacun doit être informé de la politique et des objectifs
retenus par l'entreprise, du rôle qu'il joue dans le dispositif et des
progrès réalisés. Chacun doit percevoir l'implication de
la direction et de l'encadrement au travers d'une politique de communication
active et pérenne.
Enfin, pour recueillir l'adhésion du personnel, son
implication dans la démarche est primordiale.
Aucun système de management de la santé et de la
sécurité au travail ne peut valablement et durablement
fonctionner si les salariés ne s'impliquent pas dans la mise en oeuvre
concrète des actions de prévention. Cela signifie qu'il faut
créer les conditions de leur participation : les associer à la
détection des risques liés à leur activité,
être à l'écoute de leurs propositions d'amélioration
des situations de travail, les associer aux choix des solutions retenues,
mettre en oeuvre d'une façon effective les projets auxquels ils ont
été associés...
Le champ de la santé et de la sécurité
constitue un lieu privilégié de dialogue social. La mise en place
d'une politique de sécurité peut ainsi être pour
l'entreprise l'occasion de renforcer ou renouveler le dialogue avec son
personnel.
Comme le souligne Lefèvre50(*), « gouverner un
territoire ne signifie pas seulement produire et délivrer des services
et coordonner des politiques ; il s'agit aussi de construire et maintenir un
lien social ».
q La sécurité
intégrée
La culture de sécurité intégrée
constitue le modèle achevé d'organisation en amélioration
continue.
Une politique de sécurité pertinente doit se
traduire par une réelle intégration des exigences en santé
et sécurité dans toutes les fonctions de l'entreprise (achats,
études, production...).
La participation des personnels et des cadres est
réelle et la sécurité est intégrée à
la performance générale de l'entreprise.
Pour ce faire, la sécurité ne doit plus
être considérée comme un processus ou un
sous-système du management global de l'entreprise mais comme une valeur
tissée à tous les processus du système.
« Inculquer la sécurité comme une
valeur » est justement la base de la culture de
sécurité CROWN (Total Safety Culture ).
Une valeur est un principe qui oriente l'action d'un individu,
d'un groupe ou d'une organisation, tandis qu'une priorité est
l'importance accordée à un problème ou à une
activité par rapport aux autres. Une valeur ne change pas, mais une
priorité peut changer.
Ainsi, lorsqu'on affirme que la prévention est une
priorité, celle-ci peut laisser sa place à d'autres
priorités selon les impératifs du moment.
Par contre, lorsque l'on érige la
sécurité comme une valeur, celle-ci se reflétera dans
toutes les décisions et les activités, peu importe les
circonstances.
Les valeurs assurent une cohérence et une constance et
procurent un guide à la prise de décisions face à des
situations imprévues, complexes ou non couvertes par des programmes ou
des procédures.
Ainsi, il faudrait considérer la santé et la
sécurité comme une valeur et non comme une
priorité !
b) Pistes d'amélioration, développer
l'autonomie en matière de prévention
L'ensemble des éléments analysés dans ce
mémoire nous permet de mieux comprendre quels sont les obstacles d'une
déclinaison de politique sécurité. Le principe de
responsabilité et de management, la notion d'adhésion et
d'implication du personnel et enfin le concept de la sécurité
intégrée nous apportent quelques éclairages pour
améliorer la déclinaison de la politique sécurité
de CROWN Holding dans sa filiale CROWN BEVCAN France.
Je consacrerai donc le dernier sous chapitre à proposer
quelques pistes d'amélioration pour tenter de répondre à
la question initiale : quelles sont les conditions de
réussite d'une déclinaison de politique sécurité
« groupe » anglo-saxonne dans une filiale
française ?
q Un système de management libéré
de la norme
Le référentiel utilisé dans un
système de management de la santé et de la sécurité
au travail, en l'occurrence l'OHSAS 18001 chez CROWN BEVCAN France, est un
guide qui doit être au service de la politique sécurité de
l'entreprise. Ce référentiel a été imposé
par le groupe et mis en place dans les conditions expliquées au I-b.
Sa certification initiée et maintenue est devenu comme
une fin en soi avec un certain formalisme et une certaine rigidité
risquant de conduire à la mise en oeuvre de dispositifs non
adaptés aux objectifs de l'entreprise. D'ailleurs, le rapprochement des
performances sécurité avec la mise en oeuvre de la certification
ne démontre pas véritablement de valeur ajoutée à
la gestion de la santé et la sécurité dans l'entreprise de
Custines.
L'entreprise aurait tout intérêt à
établir son propre référentiel, en fonction de ses
objectifs en S&ST, en en s'aidant des référentiels existants
tel que l'OHSAS 18001, mais aussi l'ILO/OHS 2001 (élaboré par
l'Organisation internationale du travail) ou le BS 8800 (norme britannique)....
Ce choix est fonction de critères propres à l'entreprise : sa
région, sa taille, sa culture, l'existence de systèmes
semblables, ...
Une démarche dans ce sens peu sembler être une
révolution plus qu'une évolution, mais un système
adapté aux besoins, à la nationalité et l'histoire de
l'entreprise a plus de chance d'être approprié qu'un
système imposé sous forme de norme à appliquer.
Rappelons que le principe de responsabilité impose un
principe qui va au-delà de l'application : la décision.
Concrètement, la division européenne pourrait
élaborer un système de management global de la santé et la
sécurité qui s'appuierait sur les principes de
responsabilité et de management détaillés dans le
sous-chapitre précédent. Ensuite, sa filiale pourrait le
décliner en l'adaptant à ses besoins et en s'aidant des
caractéristiques de différents référentiels les
plus appropriés.
Le succès des démarches de management S&ST
ne tient pas au référentiel choisi mais davantage aux usages qui
en sont faits, en particulier à la façon de mettre en oeuvre la
politique de sécurité.
Aussi, pour que la démarche réussisse, il sera
primordial d'adopter non seulement le fond du système (principes de
responsabilité) mais aussi la forme (adhésion, implication du
personnel).
q Processus d'évaluation des risques
adapté à l'entreprise
L'évaluation des risques professionnels est au coeur du
principe de prévision dans une recherche d'amélioration continue
de la santé et de la sécurité. Le succès de la
démarche dépend pour une large part de la pertinence de l'analyse
des situations de travail réelles et de l'appropriation de la
méthode d'évaluation.
La méthode d'évaluation des risques CROWN
considérée comme un standard applicable à toutes les
usines du groupe impose une bureaucratie qui pose de sérieux
problèmes d'appropriation de l'outil et un ralentissement dans la
dynamique de recherche d'amélioration continue. Le système
informatisé a apporté de la lourdeur dans la démarche et
n'est pas adapté aux situations particulières des entreprises,
d'autant plus que les législations en la matière sont
différentes dans les pays (ex : révision annuelle pour
certains pays, tri-annuelle pour d'autres).
Au même titre que les systèmes de management, le
succès d'un processus d'évaluation des risques ne tient pas
à la méthode choisie mais davantage aux usages qui en sont faits,
en particulier à la façon de la mettre en oeuvre.
Une bonne pratique pour améliorer le principe de
prévision dans les usines du groupe et notamment chez CROWN BEVCAN
France, serait de développer l'autonomie en matière de
prévention.
L'entreprise pourrait ainsi développer sa propre
méthode d'évaluation tout en se conformant au principe de
prévision édicté par le système de management de la
Division Européenne.
q Les Directives CROWN, de la liberté pour plus
de décisions
Comme expliqué au I-b, l'une des méthodes
employée par CROWN pour décliner sa politique
sécurité est d'élaborer des directives applicables
à tous les sites quelque soit la situation de la maîtrise des
risques professionnels locaux. Ces directives s'ajoutent aux exigences
réglementaires déjà bien fournies, notamment en France.
Des directives CROWN en général très
précises vont parfois jusqu'à donner l'objectif en imposant les
moyens pour y parvenir.
Cette méthode tend à restreindre la
liberté des sites et de leurs dirigeants en terme de décision et
risque de limiter le management de la sécurité dans
l'application.
Or, l'augmentation des règles diminue la
liberté, donc la prise de décision, donc la
responsabilité.
« La qualité des décisions sera alors
en cause. Le piège serait en effet que les « décideurs
» raisonnent en termes de pouvoir réglementaire,
c'est-à-dire par voie générale et abstraite. Il convient
au contraire qu'ils puisent dans l'analyse des situations réelles et
dans l'évaluation des risques qu'elles comportent les prévisions
qui leur permettront d'engager des plans d'action de prévention et de
limitation efficaces. »51(*)
Ainsi, les Directives CROWN pourraient exprimer des principes
et des objectifs mais aussi susciter leur prolongement par des décisions
de ceux qui sont sur le terrain pour favoriser la prise de décisions au
niveau local.
q Analyse et reporting des accidents, à la
recherche du « O »
CROWN et sa filiale BEVCAN France attachent une importance
particulière au traitement des accidents que ce soit en terme de
rapport, d'analyse, de reporting et bien entendu de résultat.
Par contre, inspiré par sa démarche de
Sécurité à Travers l'Observation Préventive, le
contenu des analyses d'accidents chez CROWN BEVCAN France et des alertes
transmises par le Groupe, a tendance à mettre en second plan l'aspect
technique et oublier l'aspect organisationnel.
Si l'analyse ne prend pas en compte le caractère
multi-causal d'un évènement, les mesures misent en oeuvre
pourraient être inefficaces pour assurer une prévention
durable.
La solution pour CROWN BEVCAN France serait de simplifier
« l'arête de poisson » (Hishikawa) du document
servant d'analyse en la divisant en 3 branches (Technique- Humain-
Organisationnel) et d'ajouter une ligne destinée à traiter le
« O ».
Au niveau Groupe, il faudrait ajouter une case
« organisation » et ne pas limiter le choix causal à
un seul aspect.
Une information (et formation selon les besoins locaux)
devrait bien entendu accompagné le modification et permettre de rappeler
les principes incontournables du « T-H-O » dans
l'analyse.
q Mesures et contrôle des performances
globales
Tout chef d'entreprise soucieux de disposer d'un
système d'évaluation efficace pour vérifier
l'efficacité des décisions et prendre des mesures correctives ou
d'amélioration qui s'avèreraient nécessaires suite
à cette évaluation, doit être conscient que la mise en
place d'outils de mesure des performances de la santé et la
sécurité au travail est à la base même d'un bon
management dans le domaine.
Dans une approche globale du contrôle de
l'évaluation de la déclinaison de la politique
sécurité, le champ couvert devrait inclure les 3 aspects du
modèle de culture de sécurité abordé au II-c, (ce
que l'organisation possède, ce que les personnes font, ce qu'elles
ressentent). Cette approche pourrait apporter un certain équilibre dans
les mesures de contrôle, qui chez CROWN, privilégient les
contrôles réactifs et proactifs.
La conception des objectifs dédiés au pilotage
du management de la santé et de la sécurité doit
être bien pensée tant dans son fond que dans sa forme.
Tout comme les points abordés
précédemment, le choix de l'indicateur (objectif) et les moyens
de contrôle (audit, reporting, ...) ont leur importance, tout comme la
méthode avec laquelle ils ont été
déterminés.
Une méthode conçue dans un esprit de
participation de chacun aux objectifs d'amélioration du niveau de
prévention de l'entreprise pourra contribuer utilement au management de
la santé et de la sécurité.
Il ne faut pas confondre but (vers où on va) et
objectifs (à atteindre).
C'est au groupe, à son plus haut niveau que doit
être déterminé le but de la politique de
sécurité, par contre, sa filiale devrait pouvoir en
décliner des objectifs adaptés à sa situation.
Cette approche permet de ne pas négliger la
connaissance des situations réelles de travail et responsabilise ceux
qui ont la mission (et non la tâche) de décliner la politique
sécurité dans leur établissement.
Ces quelques pistes d'amélioration proposées ne
sont ni figées (car tout est en mouvement et ce qui est valable
aujourd'hui peut ne plus l'être autant demain) ni exhaustives. Elles
permettent tout au plus de prendre du recul sur les méthodes
employées par CROWN pour décliner sa politique de
sécurité dans ses filiales et de s'arrêter, ne serait-ce le
temps de lire ce mémoire, pour en évaluer leurs pertinences.
En prenant à mon tour du recul sur ce mémoire,
je constate que ce dernier chapitre consacré à proposer des
pistes d'améliorations justifiées par l'analyse des chapitres
précédents, pourrait se résumer par
« l'évolution de la configuration organisationnelle de
l'entreprise ».
La configuration de l'entreprise CROWN BEVCAN France est du
type « en cascade », initiée par le Groupe.
Pensée par une direction pour une application
générale, la démarche "en cascade" impulse une gestion de
la sécurité globale, relayée en local par la
hiérarchie.
Cette démarche, si elle n'est pas suffisamment
ajustée localement, produit des mesures standard autour des risques les
plus communs. Elle est reçue comme une prescription, imposée et
la mise en oeuvre du système de management, assez formelle peut
être inadaptée à la situation réelle de
l'entité locale.
D'après les études faites dans ce domaine par
l'INRS52(*) dans 165
entreprises, cette configuration ne produit guère de progrès
significatifs pour la santé et la sécurité des
travailleurs.
L'objet de mon étude tend à proposer une
évolution organisationnelle, dite en « cascade »,
vers une démarche de management dite
« innovante ».
La configuration "innovante" est celle d'entreprises ayant une
volonté d'organisation en matière de S&ST, dont le dirigeant
et l'encadrement vont s'emparer pour reprendre de façon originale le
dispositif de gestion. Le modèle "innovant" tire parti de l'existant
tout en suscitant un travail poussé de remise à plat de
l'organisation d'un point de vue de la sécurité.
Cette démarche peut produire des résultats qui
vont au-delà d'un maintien des performances de sécurité
mais demande une volonté, un investissement et un soutien sans faille de
la direction.
CROWN démontre déjà par les moyens
qu'elle met en oeuvre pour décliner sa politique de
sécurité sa volonté réelle d'améliorer les
conditions de sécurité de ses employés.
Aussi, ces changements proposés sont plus une
évolution qu'une révolution, avec une organisation
intégrant une politique adaptée aux risques locaux, une
prescription demeurant forte mais préservant l'autonomie, donc la
responsabilité.
CONCLUSION
Développer une culture de sécurité forte
et la maintenir à un haut niveau semble une voie intéressante
pour améliorer la déclinaison d'une politique de
sécurité.
La politique de sécurité, c'est ce que nous
voulons. La culture de sécurité, c'est ce que nous pensons et
faisons. Et lorsque politique et culture sont en harmonie, alors le management
de la santé et de la sécurité constitue un modèle
accompli.
La culture de sécurité, résultante de la
culture d'entreprise est en construction chez CROWN BEVCAN France.
Comme précisé dans la présentation de
l'entreprise, l'usine a été construite en 1984 sur les ruines
d'un des anciens fleurons de la sidérurgie de Meurthe et Moselle. Le
personnel qui fut embauché pour démarrer cette aventure
était en majorité issu de l'industrie de la métallurgie.
Un forte culture de métier, une culture de
« métallos » qui au fil des années c'est
affaiblie, surtout ces années dernières suite à la loi
Fillon sur les retraites qui a vu beaucoup de départs d'anciens
salariés de la sidérurgie53(*).
Un renouvellement important de salariés venant de
métiers différents, d'origines et de cultures différentes
qui peu à peu a estompé l'identité initiale de
l'entreprise de Custines. L'entreprise est en pleine évolution
d'identité culturelle, c'est certainement un des éléments
qui explique la vision et donc les comportements
hétérogènes entre les différents services et
équipes.
Revoir les méthodes de déclinaison de la
politique sécurité dans sa filiale CROWN BEVCAN France sur la
base de ces quelques réflexions exposées dans ce mémoire,
peut être une opportunité pour unifier le personnel autour de
valeurs telles que la sécurité.
Le management de la sécurité pourrait non
seulement produire des résultats positifs dans son domaine, mais aussi
devenir vecteur d'amélioration des performances globales de
l'entreprise.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Comportements et sécurité, Laurent Samson,
Liaisons, 2008
Management de la sécurité -Direction et
contrôle, Jean Morvan, Préventique, 2005
La logique de l'honneur, Philippe d' Iribarne, Seuil, 1989
Le béhaviorisme, Watson.J , CEPL, 1924,
Paris, 1972
Culture d'entreprise, M. Thevenet, Que sais-je ?, Paris
2003
Notes et rapports
INRS
« La mise en place des systèmes de management
de la santé-sécurité : une question de gestion de
projet » ND 2225, 2005
« Management de la sécurité. L'usage
des référentiels. Résultats d'une étude
nationale ». Marseille, juin 2005
« Politique de maîtrise des risques
professionnels. Valeurs essentielles et bonnes pratiques de
prévention ». ED 902, 2003
« Management de la santé et de la
sécurité au travail. Construire vos indicateurs pour atteindre
vos objectifs », ED 6013, 2007
« Les systèmes de management
santé-sécurité en entreprise : caractéristiques et
conditions de mise en oeuvre ». Note scientifique et technique. NS
205, 2008
PREVENTIQUE
- Revue Préventique n°62, mars 2002
- Revue Préventique n° 81, juin 2005
ICSI
Cahiers de la sécurité industrielle :
- La concertation
- Facteurs humains et organisationnels de la
sécurité
ANNEXES
1. Culture sécurité CROWN
2. Politique EHS CROWN
3. Politique EHS CROWN BEVCAN France
4. Risk Assesment PAR (demande d'investissement
sécurité)
5. Lettre du Vice Président H&S de la
Division
6. Procédure d'évaluation des risques
CROWN
7. Procédure d'évaluation des risques
CROWN BEVCAN France
8. KPI's 2010 (Indicateurs sécurité
2010)
9. League Table (tableau de classement des
usines)
10. Document de rapport et d'analyse d'accident (DQCR
020)
11. Alerte sécurité CROWN
(accidents)
12. Benchmark Table (tableau des performances
sécurité des usines)
* 1 Société
fondée en 1802 près de Wilmington, Delaware (États-Unis),
par le Français Éleuthère Irénée du Pont de
Nemours qui a commencé par fabriquer de la poudre noire.
* 2 Cf. Annexe 1 Culture
sécurité CROWN
* 3 Cf. Annexe 2 Politique EHS
CROWN Europe
* 4 Cf. Annexe 3 Politique EHS
CROWN BEVCAN France
* 5 Cf. Annexe 4 Exemple de
demande d'investissement
* 6 Extrait du bilan de
formation EHS
* 7 Selon le Code de
Déontologie de Crown
* 8 Cass. Soc. 28 févr.
2002, Bull. Civ. V n°81: D. 2002, Interview P. Langlois,
p. 1009.
* 9 Cf. Annexe 5 Lettre du
Vice-Président Hygiène & Sécurité de la
Division européenne
* 10 Terme utilisé dans
la politique sécurité de groupe CROWN
* 11 Extrait du manuel
santé et sécurité de CROWN Europe
* 12 Extrait de l'OHSAS
18002
* 13
Circulaire DRT
n°6 du 18 avril 2002
* 14 Cf. Annexe 6
Procédure d'évaluation des risques CROWN Europe
* 15 Cf. Annexe 7
Procédure d'évaluation des risques CROWN BEVCAN France
* 16 Behavioral Safety
* 17 Watson.J Le
béhaviorisme, 1924, Editions CEPL, Paris, 1972
* 18 Terme employé pour
définir l'ensemble des informations devant être transmises
à CROWN par ses filiales
* 19 Cf. Annexe 8 KPI's 2010
* 20 Cf. Annexe 9 League
Table
* 21 (Nombre d'accidents de
travail avec arrêt/Nombre d'heures travaillées)*1.000.000
* 22 Citation de Jean Morvan
« Management de la sécurité- Direction et
contrôle »
* 23 Extrait du site de
l'AFED
* 24 Extrait du document INRS
ED 6014 « Management de la santé et de la
sécurité au travail »
* 25 Annexe 10 Document DQCR
020
* 26 Citation Laurent
Samson Comportements & Sécurité
* 27 Cf. Annexe 11 Exemple
d'alerte CROWN
* 28 Cf. Annexe 12
« benchmark table »
* 29 Document ED6014 de
l'INRS Gestion par des objectifs et des indicateurs pertinents
* 30 Extrait du guide OHSAS
18002
* 31 Présentation 2008
du VP Health & Safety
* 32 Intervention de M Turpin
en novembre 2004 ARH Aquitaine sur les principes de management des risques
* 33 Synthèse regroupant
plusieurs définitions sur la notion de culture de
sécurité
* 34 Ministère
britannique chargé de la santé sécurité au travail,
A review of safety culture, Research Report 367
* 35 Modèle repris en
français par L. Samson Comportements & Sécurité
* 36 Revue Préventique n° 81 Vers une
culture de maîtrise des risques au sein d'Aéroports de Paris
* 37 M. Thevenet Culture
d'entreprise, Paris 2003
* 38 Hudson. P Applying the
lessons of high risk industries to health care, 2003
* 39 Manchester patient safety
framework
* 40Philippe D'Iribarne, ancien
ingénieur général du corps des mines et directeur de
recherche au CNRS
* 41 P. D'Iribarne, La logique
de l'honneur, Seuil, 1989
* 42 INRS Valeurs essentielles
et bonnes pratiques de prévention
* 43 Agence Internationale de
l'énergie atomique, INSAG 4
* 44 D'après les cours
de H. Seillan professeur de droit du danger à l'Université Partis
Descartes et Management global, une démarche finalisée et
guidée par des principes, revue Préventique N 81
* 45 Extrait du code civil
* 46 Extrait code
pénal
* 47 Extrait code du travail
* 48 Citation H. Seillan,
professeur de droit du danger
* 49 INRS document ED 902,
Valeurs essentielles et bonnes pratiques de prévention
* 50 Citation de
Lefèvre, Vers une gouvernance des risques, 1998
* 51 H. Seillan, Editorial
préventique n° 62
* 52 INRS, Dossier Les systèmes de management
de la santé et de la sécurité au travail, 2009
* 53 Loi du 21 août 2003
portant sur la réforme des retraites
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