1-2 POSITION DU
PROBLEME
Selon les chiffres les plus récents de l'Organisation
Mondiale de la Santé, 529 000 femmes meurent chaque année de
causes liées à la maternité et environ 50
millions de femmes sont victimes de complications liées à la
grossesse et à l'accouchement [50].
C'est donc des milliers de femmes à travers le monde
qui vivent la naissance d'un enfant non pas comme l'évènement
heureux qu'il devrait être mais comme une épreuve qui peut
même leur coûter la vie. Dans les pays en développement en
particulier, la morbidité et la mortalité constituent une immense
tragédie qui a été longtemps ignorée par les
décideurs. Le continent africain est le plus touché où le
risque est parfois 100 fois plus élevé que dans les pays
industrialisés. Le taux de mortalité maternelle va de 830 pour
100 000 naissances vivantes dans les pays d'Afrique à 24 pour 100 000
naissances vivantes dans les pays d'Europe [38].
Face à ces chiffres alarmants, plusieurs
conférences internationales ont eu lieu dans ces deux dernières
décennies pour conjurer ce fléau qui frappe durement nos pays.
C'est ainsi que l'Initiative pour la Maternité Sans
Risque a été lancée en 1987 à Nairobi, dans le
but de réduire la mortalité maternelle et néonatale trop
élevées. Elle a attiré l'attention sur les rapports
élevés de mortalité maternelle dans les pays en
développement par rapport à ceux des pays riches. Cette
initiative était renforcée en 1990 au Sommet Mondial pour
l'Enfance.
Elle a été également
réorientée à la Conférence Internationale pour la
Population et le Développement (CIPD) en 1994 au Caire, puis
renforcée en 1999 à la CIPD +5 à Beijing.
Lors du Sommet pour le Millénaire tenu en 2000, les
Etats Membres des Nations Unies ont renouvelé leur ferme engagement
à promouvoir la réduction de la mortalité maternelle. En
effet, l'un des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) est la réduction aux 2/3 de la mortalité maternelle d'ici
2015. La maternité à moindre risque a ainsi été
érigée au rang de priorité. De plus, la mortalité
maternelle est devenue un des principaux indicateurs du programme de
réduction de la pauvreté pour la communauté
internationale, et les gouvernements du monde entier ont signé des
conventions visant à réduire de manière importante les
risques de mortalité maternelle. De nombreuses approches ont
été développées pour la réduction de
l'impact de la mortalité maternelle.
L'approche majoritairement représentée
était celle étiologique, qui consiste à identifier les
décès liés à la grossesse et à analyser la
répartition de ces décès selon leurs causes. C'est ainsi
dans sa thèse « Détermination par
l'autopsie verbale des causes de la mortalité maternelle chez les femmes
en âge de procréer à Niakhar », Dr Diallo
J.P a souligné l'importance de connaître les taux de
mortalité maternelle. Selon lui, pour être efficaces, les
programmes doivent s'appuyer sur des données fiables c'est-à-dire
une bonne connaissance des niveaux de mortalité maternelle afin de
pouvoir mettre en place des programmes pour les réduire [15]. Cette
approche appliquée depuis des décennies a fini de montrer ses
limites car il ne suffit pas de connaître les niveaux de mortalité
maternelle, mais nous avons besoins d'informations sur les causes et les
facteurs profonds qui ont conduit à ces décès
évitables. C'est la nouvelle approche développée par l'OMS
qui estime dans « Au-delà des nombres »
qu'il est plus important de répondre aux questions pourquoi les femmes
meurent-elles et que peut -on faire pour les éviter ? Que de
connaître le niveau exact de la mortalité maternelle [49].
La mortalité maternelle s'est aussi enrichie d'une
dimension sociologique qui considère les grands écarts entre les
taux de mortalité maternelle des pays développés et ceux
des pays en développement comme un indicateur de la
différence et de l'inégalité entre homme et femme et son
importance un révélateur de la place des femmes dans la
société [9]. Selon les tenants de cette approche, les femmes
continueront de mourir tant que la discrimination et le manque de
considération dont elles sont victimes ne s'arrêtent pas.
L'UNFPA a opté pour une approche de la mortalité
maternelle qui est axée sur les droits de la personne humaine, qu'il
s'agisse de la priorité qu'il assigne à cette question ou de la
conception et de l'application des politiques et programmes dans ce domaine.
Comme pratiquement tous les cas de mortalité maternelle peuvent
être évités, on peut invoquer les principes relatifs aux
droits de la personne humaine pour dénoncer la persistance
de la mortalité maternelle et préconiser qu'il
soit mis fin à cette injustice par le biais de l'accès universel
à des soins qualifiés durant la grossesse et
l'accouchement...[62].
En 2002, cependant, l'Assemblée générale
des Nations Unies a reconnu que « malgré les progrès de
certains pays, les taux de mortalité et de morbidité maternelles
demeurent beaucoup trop élevés dans la plupart des pays en
développement » [63]. Cette situation est particulièrement
tragique en Afrique sub-saharienne, où une femme sur 13 meurt pour des
raisons liées à la grossesse, contre une femme sur 4 085 dans les
pays industrialisés. Certaines études en avaient donné la
preuve patente. Au Sénégal l'utilisation de la méthode
des soeurs a donné un taux moyen de 510 décès maternels
pour 100 000 naissances vivantes en 1992. Par la même
méthode, le taux dans quatre pays africains a donné : Niger,
652 (1979-1992) ; Soudan, 456(1976-1989) ; Maroc, 348
(1979-1992) ; Namibie, 225 (1983-1992) [19].
Au niveau national, la mortalité liée à
la grossesse et à l'accouchement constitue la première cause de
décès chez les femmes en âge de procréer. Le ratio
de mortalité maternelle qui est passé de 510 en 1992 (EDS II)
à 401 en 2005 (EDS IV) pour 100 000 naissances vivantes reste encore
préoccupant surtout dans les régions périphériques
comme Kolda et Tambacounda très étendues, dont les structures
sanitaires sont éloignées et / ou inaccessibles. Pour faire face
à cette situation et honorer ses engagements vis-à-vis de la
communauté internationale d'atteindre les Objectifs 4 et 5 du
Millénaire pour le Développement, le gouvernement du
Sénégal a élaboré une feuille de route
multisectorielle. Son but est d'accélérer la réduction
de la mortalité et de la morbidité maternelles et
néonatales. Les objectifs généraux au nombre de deux
visent d'ici 2015 à réduire de 510 à 200 pour 100 000
naissances vivantes le ratio de mortalité maternelle et de 34,9 à
16 pour 1000 la mortalité néonatale. Ainsi le ministère
de la Santé et de la Prévention médicale a fait des
efforts pour améliorer l'accessibilité des soins de
qualité par des investissements massifs dans les infrastructures et dans
les ressources humaines et des modifications organisationnelles et
institutionnelles qui vont dans le sens d'une meilleure accessibilité
des soins pour tous. Aujourd'hui, Il a été institué une
gratuité des accouchements dans les cinq régions (Kolda, Matam,
Ziguinchor, Fatick et Tambacounda) et celle des césariennes dans toutes
les régions sauf Dakar. Les évacuations sanitaires du centre de
santé vers le niveau de référence sont, par ailleurs,
gratuites dans tout le territoire national. Au total, le ministère de la
Santé et de la Prévention médicale a élaboré
un plan d'accélération de la réduction de la
mortalité maternelle et néonatale.
La région de Tambacounda dont appartient notre site
d'étude, est après celle de Kolda la partie du
Sénégal où le plus grand nombre de femmes meurent des
suites de la grossesse et de l'accouchement. Le taux dans cette région
est de 740 décès pour 100000 naissances vivantes selon les
données hospitalières. Dans le district de Goudiry, le taux de
mortalité maternité est de 810 pour 100 000 naissances
vivantes [13]. Selon Dr GUEYE Babacar, le département de Bakel avait
en 2000 un taux de mortalité maternelle atteignant 1734 pour
100 000 N V au niveau des structures sanitaires [16]. Pourquoi un taux
aussi élevé alors que le département de Bakel dispose
actuellement d'hôpitaux où l'on effectue des césariennes,
des routes bitumées pour le relier soit à Tamba soit à
Ourossogui qui disposent de SOUC et que grâce aux immigrés la
situation économie s'est améliorée?
Il y a donc un problème qui ne serait pas dû
seulement à un manque de services sanitaires mais à une
combinaison de facteurs socioculturels et économiques à
identifier pour redonner espoir aux femmes en âge de procréer de
cette zone.
C'est dans ce sens que nous avons opté pour une
étude communautaire par la méthode de l'autopsie verbale qui
permet de déterminer les causes et de rechercher les facteurs
personnels, familiaux ou dépendant de la communauté qui ont pu
contribuer aux décès maternels. Il ne suffit pas de
connaître les chiffres accablants de la mortalité maternelle mais
nous avons besoin d'études, d'informations pour comprendre les facteurs
profonds qui font que malgré les progrès scientifiques,
techniques et technologiques, malgré les nombreux programmes de
santé de la reproduction, pourquoi les femmes
continuent de mourir en donnant la vie. Pour cela, nous avons opté pour
le concept basé sur le modèle des trois retards qui tient compte
des facteurs socioculturels, environnementaux, économiques et
psychologiques influençant la mortalité maternelle dans ce
département. Cette approche permet un meilleur ciblage des interventions
pour répondre aux trois retards :
1. retard pour décider à recourir aux soins
d'urgence.
2. retard pour atteindre un établissement de soins.
3. retard pour recevoir des soins de qualité dans
l'établissement.
La réalisation de ce travail soulève un
certain nombre de questions.
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