2.2.2.3 Utilisation d'une
autopsie dans le cas d'un décès maternel
Depuis plus de 20 ans des études sur les
décès maternels sont réalisées au sein des
communautés sur la base d'autopsies verbales et leur définition a
évolué au fil du temps. Au départ, une autopsie verbale
était strictement utilisée pour déterminer les causes
médicales et l'ampleur de décès maternels, à partir
d'entretien avec la famille ou proches de la victime [49]
A présent une autopsie verbale dans le cas d'un
décès maternel est une méthode permettant de
déterminer les causes médicales du décès et de
rechercher les facteurs personnels autres que médicaux. Cet
élargissement aux causes et facteurs non médicaux contraste avec
celui des études sur la mortalité infantile, où les
autopsies verbales ont en principe pour seul objectif de déterminer la
cause médicale d'un décès [1].
v Qu'est une autopsie verbale dans le cas d'un
décès maternel
Une autopsie verbale dans le cas d'un décès
maternel est une méthode permettant de déterminer les causes
médicales du décès et de rechercher les facteurs
personnels, familiaux ou dépendants de la communauté qui ont pu
contribuer aux décès maternel. Elle consiste à interroger
les personnes qui possèdent des renseignements relatifs aux
événements qui ont conduit au décès (par exemple,
les membres de la famille, les voisins, les accoucheuses traditionnelles, les
ASC, les sages femmes etc..).
Cette méthode a l'avantage de donner un tableau plus
complet des déterminants de la mortalité maternelle, d'inclure
l'avis de la famille et de la communauté concernant l'accès aux
services de santé et la qualité de ces derniers.
L'objectif principal est de tirer des renseignements afin de
sauver des vies et de réduire le poids de la morbi-mortalité
maternelle et néonatale.La représentativité n'est pas la
principale préoccupation car cette méthode ne vise pas à
faire le compte du nombre de décès, ni à calculer le taux
de mortalité maternelle, bien que cela puisse en être la
conséquence utile car même l'étude d'un cas peut être
très instructif.
v
Différentes étapes de l'autopsie verbale en cas de
décès maternel
Selon le manuel de l'OMS [49] l'autopsie verbale comporte
plusieurs étapes résumées en 9 :
. Fixer le déroulement de l'autopsie
verbale : Il faut un certain nombre de conditions
préalables pour réaliser une autopsie verbale à
savoir : informer les autorités sanitaires compétentes et
les autorités communautaires et leur faire une brève description
de ce que l'on veut faire.
. Recenser les cas de décès
maternels : C'est l'étape la plus difficile car elle
conditionne la validité statistique de toute la méthode [22]. On
peut avoir recours à plusieurs sources notamment les statistiques de
l'Etat civil, celles des systèmes de surveillance démographique,
des recensements, etc. Pour les décès survenus sur dans la
communauté, des renseignements peuvent être obtenus à
partir des informateurs clés (agents de santé publique ou
communautaire, les leaders communautaires, les accoucheuses traditionnelles,
sage femmes).
. Déterminer les sources
d'information :
Ici il s'agit de retrouver les personnes qui ont
été témoins des évènements qui ont conduit
au décès de la femme. Cela est le plus souvent difficile à
cause de l'imprécision des adresses ou la mobilité des familles.
En Gambie par exemple, seuls deux des 14 femmes ayant
été en contact avec le système de santé ont
été retrouvées [22].
. Elaborer le questionnaire utilisé pour
l'autopsie verbale :
Le questionnaire d'autopsie verbale peut avoir un certain
nombre de formats :
-Ouvert avec une liste de symptômes,
-Une liste avec des questions filtres,
-La combinaison des deux.
-Un format ouvert d'autopsie verbale requiert
beaucoup plus d'expériences et probablement une connaissance
médicale des enquêteurs et augmenterait la variabilité
(différence entre enquêteurs).
-une liste sans filtre ne nécessite
pas d'enquêteurs médicalement formés et réduit les
biais de l'enquêteur parce que ce dernier est forcé de
considérer tous les symptômes quand ils font leur propre
diagnostic pendant l'enquête. Ce format ne tient pas compte de tous les
détails des symptômes faussement rapportés comme ayant
été présents.
-une liste avec filtre ne nécessite
pas d'enquêteurs médicalement formés et peut être
plus efficace pour la collette de données et réduirait le biais
des enquêteurs.
Il a été décrit le rôle important
dans la recherche qualitative des termes dans les concepts locaux de maladie et
de terminologie, pour faciliter la procédure de traduction et de
transcription des questionnaires.
La présence de plusieurs langages ou dialectes dans les
petites populations pose des problèmes pour le choix de la langue du
questionnaire d'autopsie verbale. Dans ces situations on peut adopter un
questionnaire d'autopsie verbale dans toutes les langues locales de la
population étudiée ou dans une langue majeure avec une liste de
symptômes d'accompagnements dans les autres langues locales.
. Choisir et former les
enquêteurs :
En général, on préfère des
enquêteurs non formés médicalement à ceux qui ont
une qualification médicale dans la mesure où ces derniers
risquent d'être trop direct en posant les questions. La mobilité,
l'acceptabilité et la disponibilité sont entre autres les
facteurs qui peuvent influencer sur le choix des enquêteurs.
. Choisir les répondants
Un répondant est une personne qui possède des
renseignements relatifs aux évènements qui ont conduit au
décès. Il peut s'agir des membres de la famille (mari,
mère, belle-mère, soeur), d'un voisin, de l'accoucheuse
traditionnelle ou de la sage femme...
. Mettre au point un mécanisme de
classification des causes médicales:
Deux approches peuvent être utilisées pour
développer et attribuer des diagnostiques à partir de l'autopsie
verbale :
-D'abord, une classification de la mortalité est
produite et l'outil d'autopsie verbale (comportant des procédures pour
attribuer une cause) va classer les décès dans ces
catégories préétablies. L'auteur appellera cela
"l'approche restrictive".
-Dans l'approche dite « ouverte » la
classification du décès est faite post-hoc sur la base des
diagnostics attribués à partir de l'autopsie verbale. La
caractéristique voulue dans la classification élargie de la
mortalité ou approche dite « ouverte » est qu'elle
peut être utilisée par d'autres études avec des
modifications mineures. Dans l'idéal on devait avoir une partie centrale
qui pourrait être appliquée dans toutes les études et qui
pourrait aussi s'accommoder de changements reflétant les causes de
décès spécifiques au site. Une classification
élargie de la mortalité devait inclure toutes les causes de
décès qui constituent des problèmes importants de
santé publique et les autres reconnues comme répondant à
des stratégies d'interventions et ces catégories de maladies
devraient autant que possible avoir des symptômes cliniques qui soient
complexes ; distincts et facilement reconnaissables.
La connaissance de la structure des causes de
décès de la population dans laquelle l'autopsie verbale va
être appliquée, pourrait faciliter une classification
élargie de la mortalité selon ces critères [10].
. Mettre au point un mécanisme de
classification des facteurs associés :
Il n'y a pas actuellement de méthode standard pour la
classification des facteurs qui contribuent aux décès maternels.
Le cadre des déterminants de la mortalité maternelle
proposé par McCarthy et Maine constitue une référence
utile pour analyser les facteurs évitables. Beaucoup d'auteurs ont
cependant utilisé le modèle des trois retards de Thaddeus et
Maine pour classer les facteurs qui contribuent aux décès
maternels [49]. C'est ce dernier modèle que nous avions choisi pour la
classification des facteurs dans cette étude.
. Utiliser les résultats pour prendre des
mesures concrètes :
Les résultats doivent montrer quels sont les domaines
où les améliorations sont nécessaires : programmes
d'éducation à la santé, besoins en moyens de transport,
renforcement des systèmes d'orientation- recours, modernisation des
soins, etc.
Cette méthode d'autopsie verbale compte des avantages
mais aussi des limites qu'il est bon de savoir.
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