La Coopération Multilatérale et la Question de l'Eau au Bassin du Nil( Télécharger le fichier original )par Christine A. ISKANDAR BOCTOR Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP) - DEA (Master) en Relations internationales 2002 |
b) L'aspect transnational167(*) de l'eauL'eau est considérée comme une ressource multifonctionnelle. Cette complexité est considérée dans le développement des politiques et des plans d'action dans le domaine de l'eau. Cette reconnaissance mène inévitablement à la recherche d'un équilibre entre les multiples fonctions et les usages de l'eau et constitue une condition de base du développement durable des ressources en eau. La reconnaissance de l'eau, comme ressource multifonctionnelle, constitue la base d'une intégration de sa gestion puisqu'elle permet de gérer en commun l'ensemble des usages, y compris ceux des écosystèmes. L'unité de base de cette gestion intégrée se situe au niveau du bassin versant, y compris dans les bassins multinationaux. a. Les Initiatives Internationales La communauté internationale a lancé plusieurs initiatives pour résoudre les problèmes de l'eau depuis vingt ans. Cette activité multilatérale s'est accélérée et approfondie au cours des années 1990, permettant à la communauté internationale d'énoncer une série d'objectifs et de principes qui doivent assurer la cohésion des interventions dans le domaine de l'eau. (1) La décennie de l'eau potable et de l'assainissement (1980-1990) La première Conférence des Nations unies sur l'eau s'est tenue en 1977 à Mar Del Plata, en Argentine. Cette conférence a contribué à renforcer la coopération internationale et à activer les activités internationales dans le domaine de l'eau. Les travaux de la conférence ont permis d'établir un consensus sur le principe suivant : « Tous les peuples, quels que soient leurs niveaux de développement et leurs conditions socioéconomiques, ont le droit d'avoir accès à de l'eau potable dans des quantités et d'une qualité rencontrant leurs besoins essentiels ». Dans ce cas, l'Assemblée générale des Nations unies lançait, en 1980, la décennie de l'eau potable et de l'assainissement. Durant cette décennie, 100 milliards de dollars sont investis dans des projets destinés à l'eau potable et à l'assainissement, permettant de servir 1.3 milliards de personnes en eau potable et de fournir des services d'assainissement à 750 millions de personnes. En 1990, le constat du fait que 1.3 milliards d'êtres humains n'avaient toujours pas accès à une eau potable et que 2.6 milliards de personnes ne bénéficiaient toujours pas de services d'assainissement adéquats ont mené à la tenue d'une Consultation mondiale sur l'eau potable et l'assainissement dans les années 1990. La consultation, qui s'est tenue à New Delhi, en Inde, a souligné la nécessité de fournir, de manière durable, un approvisionnement suffisant en eau potable et des services d'assainissement convenables à tous et a mis l'accent sur l'approche consistant à assurer « un minimum pour tous, plutôt qu'un maximum pour quelques-uns ». (2) La Conférence de Dublin La Conférence de Dublin sur l'eau et l'environnement a réuni, en janvier 1992, plus de 500 participants comprenant les représentants d'une centaine de pays et de 80 organisations internationales. La conférence a produit la Déclaration de Dublin sur l'eau dans la perspective d'un développement durable, qui constitue une étape importante dans l'orientation des initiatives internationales. La déclaration de Dublin contenait quatre168(*) principes directeurs. Le premier principe favorise une gestion intégrée de l'eau à l'échelle du bassin versant en tenant compte de l'ensemble de ses usages et des milieux naturels qui la composent. Le second principe soutient la participation active et démocratique des communautés à la définition et à la mise en oeuvre des solutions liées aux problèmes de l'eau. Le troisième principe souligne le rôle central que jouent les femmes dans la gestion et la préservation des ressources en eau. Il vise à s'assurer qu'elles sont parties prenantes des décisions et qu'elles se voient allouer les ressources pour mettre en oeuvre des pratiques durables. Finalement, le quatrième principe de la déclaration de Dublin appelle à la reconnaissance de l'eau comme bien économique. Ce principe s'oppose à une conception de l'eau en tant que bien public, comme l'air par exemple. L'eau est une ressource finie, caractérisée par une rareté grandissante. La reconnaissance de sa valeur économique est un des fondements de son exploitation durable dans le respect de l'ensemble de ses usages. Le débat engendré par ce principe provient du fait qu'il confond, d'une part, la reconnaissance de l'eau comme bien économique, c'est-à-dire un bien caractérisé par la rareté dont il faut assurer une gestion efficace avec, d'autre part, la tarification et la privatisation de l'eau qui sont deux questions distinctes. (3) Le Sommet de Rio et Action « Agenda » 21 La seconde Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio en juin 1992, a repris plusieurs des principes et recommandations de la conférence de Dublin dans le domaine des ressources en eau. Le chapitre XVIII169(*) d'Action 21, le plan d'action adopté lors du sommet, traite spécifiquement des ressources en eau douce de la planète. Ce chapitre est un ambitieux programme d'actions comportant sept domaines d'activités complémentaires, pour lesquels sont définis des principes orienteurs et des mesures concrètes : mise en valeur et gestion intégrée des ressources en eau ; bilan des ressources hydriques ; protection des ressources en eau, de la qualité de l'eau et des écosystèmes aquatiques ; approvisionnement en eau de boisson et assainissement ; l'eau et l'urbanisation durable ; l'eau et la production vivrière et le développement rural durables ; l'impact des changements climatiques sur les ressources en eau. Le chapitre XVIII d'Action 21 favorise une gestion intégrée de l'eau à l'échelle des bassins versants. Cette gestion intégrée doit tenir compte du caractère multifonctionnel de la ressource et intégrer les eaux souterraines aux eaux de surface. L'eau y est présentée comme une ressource naturelle, un bien social et un bien économique, tout en étant un milieu naturel vivant dont il faut assurer la protection. Les projets définis dans ce cadre doivent donc établir un équilibre entre ces fonctions de la ressource, c'est-à-dire être économiquement rentables, socialement adaptés et durables au plan environnemental. Sur les plans politique et légal, la fragmentation des responsabilités et des lois est considérée comme un obstacle à une gestion intégrée et durable. Nous soulignons dans le chapitre XVIII d'Action 21 le développement de mécanismes de coordination et d'application efficaces à l'intérieur des pays et pour les bassins internationaux. Reconnaissant les défis posés par l'urbanisation croissante de la planète, Action 21 proclame une approche durable au développement urbain. La pression du développement urbain sur les ressources en eau y est jugée particulièrement problématique. La répartition efficace et équitable des ressources en eau y est jugée primordiale. Le chapitre XVIII d'Action 21 souligne que la durabilité de la production alimentaire passera nécessairement par un recours à des pratiques rationnelles et efficaces en matière de conservation et d'utilisation de l'eau. Ceci est particulièrement pertinent dans le cas des techniques d'irrigation, de l'utilisation des sols et des retraits en eau dans le cadre d'une intensification de l'agriculture. La préservation des espèces de pêche commerciale constitue aussi un enjeu fondamental dans la sécurité alimentaire de plusieurs régions. Le Programme d'Action 21 précise au paragraphe 18(8) que l'eau est une ressource naturelle, un bien social et un bien économique. Les paragraphes 18(15), 18(17) et 18(68) font référence à l'eau comme bien social et économique. Au contraire, dans les rapports officiels préparés pour le Second Forum mondial de l'eau170(*), La Haye mars 2000, l'eau apparaît beaucoup plus comme un bien économique que comme un bien social. La déclaration ministérielle du Second Forum se réfère explicitement aux valeurs économiques, sociales, environnementales et culturelles de l'eau et insiste sur la protection des pauvres chaque fois qu'il est fait référence à la récupération des coûts. * 167 * 168 * 169 * 170 |
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