![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la1.png)
UNIVERSITE PARIS7- DENIS DIDEROT
LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
ANNEE 2004-2005
L'émigration malienne:
configuration,
modalités, et effets des migrations
des
ressortissants de la commune de
Diéoura,
cercle de Diéma.
|
Mémoire de maîtrise soutenu par Boulaye
KEITA
keitaboulaye@yahoo.fr
Sous la direction de Claire OLLIVIER
Septembre 2005
TABLEAU DE MATIERES
Remerciements 1
Introduction 2
Précision sur quelques termes utilisés
7
Chapitre I : conditions de travail et
méthodologie de recherche ...8
1-Conditions de travail
|
..8
|
a-Le terrain de recherche France
|
.8
|
-Recherche documentaire en France
|
8
|
-Les foyers d'immigrés en Il de France
|
8
|
b- La collecte d'information dans la commune de Diéoura au
Mali
|
.9
|
2- Les méthode utilisées
|
11
|
a-Les entretiens ouverts
|
..11
|
b- Enquêtes par questionnaires
|
...12
|
C- Enquêtes par observation participante
|
13
|
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE LA COMMUNE DE DIEOURA
ET DES DYNAMIQUES MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES 14
Chapitre II : présentation de la commune de Diéoura
15
1- Histoire des habitants de la commune de Diéoura 15
2- Les traits physiques 15
1-Situation géographique 15
-Le relief 18
3- Traits humains
|
19
|
4- Les activité économiques
|
.20
|
|
Agriculture
|
20
|
-L'élevage
|
20
|
-L'artisanat
|
21
|
Chapitre III : Les origines des migrations Soninké
|
20.
|
1- une migration très ancienne
|
.22
|
2- Une migration de plus en plus ancienne
|
22
|
|
Chapitre IV : Pourquoi la France reste une destination
privilégiée
depuis 1960
|
25
|
1- Des conditions favorables de part et d'autre
|
.25
|
2- la politique d'immigration française depuis 1974
|
26
|
3- Des réseaux de plus en plus clandestins
|
27
|
DEUXIEME PARTIE : MIGRATION ET DECENTRALISATION, QUEL
LIEN ? 29
Chapitre V : Quelques rappels historiques et contextuels
de la décentralisation
au Mali 30
|
|
1-Un bref aperçu sur la mise en place de la
décentralisation au Mali
|
30
|
2- L'implication des migrants soninké dans le
développement des lieux d'origine
|
...32
|
3- Quelles relations ont les migrants de la commune de
Diéoura et le conseil municipal
|
34
|
4- Relations entre les migrants et les partenaires au
développement
|
.35
|
a- Les pouvoirs publics
|
35
|
b- Les organisations non gouvernent ales
|
36
|
Chapitre VI : Les réalisations de la commune de
Diéoura 38
1- Les réalisations collectives ..38
a- La lutte des migrants de la commune de Diéoura pour
l'accès à l'eau 39
b- Le téléphone satellite, une innovation en milieu
soninké ..40
c- L'inégale répartition des infrastructures
constitue une entrave à la mobilisation des migrants dans l'espace
communal 40
2- Les activités individuelles 45
a- Les transferts des fonds en direction des villages 45
b- Les flux des marchandises vers les villages .....45
C- Des villages vers la France 47
d- Les échanges culturels 47
Chapitre VII : Etude de l'évolution du paysage
villageois sous l'action des migrants : l'exemple du village Diéoura
49
1- Une transformation rapide du paysage villageois 49
2- Comparaison entre le village de Diéoura et quelques
villages environnants 52
Chapitre VIII : Pourtant les villages des migrants ne
bénéficient plus totalement des fonds envoyés
55
1- Des déplacements importants vers les villes 55
2- Urbanisation sous l'action des migrants 57
3- Une augmentation considérable du prix du terrain 58
4- Difficultés d'aménagement pour les pouvoirs
publics 58
Chapitre IX : Les conséquences
sociodémographiques des migrations 67
1- Les effets démographiques 68
2- La baisse générale de la
fécondité 68
3- Les transformations sociales 69
4- D'importants espaces agricoles restent vacants 72
TROIXIEME PARTIE : PERSPECTIVES POUR UN DEVELOPPEMENT
REEL DE LA COMMUNE DE DIEOURA 72
Chapitre x : comment améliorer les conditions de
développement 73
Conclusion 75
Références bibliographiques 81
TABLEAU DES CARTES
Carte n° 1 : carte administrative du Mali
6
Carte n°2 : La commune de Diéoura
16
Carte n°3 : La région des trois
frontières entre la Mauritanie, le Mali et Sénégal : le
pays Soninké 24
Carte n°4 : Les communes de la
région de Kayes 39
Carte n° 5 : Infrastructures
relevées de la commune de Diéoura 45
- Croquis du village simplifié du village de
Diéoura 56
Tableau des tableaux
Tableau 1 : Les communes du cercle de
Diéma 17
Tableau 2 : Distances entre le village de
Diéoura et autres villages 18
Tableau 3 : Populations des
différents villages du cercle de Diéma 19
Tableau 4 : La taille du cheptel dans la
commune 20
Tableau 5 : Réalisations des
migrants dans quelques villages de la commune 46
Documents annexes 85
Annexe1 : 85
a- Présentation du questionnaire destiné
aux migrants en France 85
b- Questionnaire destiné aux chefs de famille au
Mali 87
Annexe 2 : Le découpage administratif au
Mali 88
Annexes 3 des photos :
Photo n°1 : La case ronde 88
Photo n°2 : La maison en tôle
89
Photo n°3 : Maison d'un migrant
à Diéoura 89
Photo n°4 : Les locaux de la mairie
de Diéoura 90
Photo n°5 : Maison d'un migrant
à Bamako 90
Photo n°6: Puits à grand
diamètre Founto 91
Photo n ° 7 : Paysage de savane
à Noumokolo 92
Photo n°8 : Paysage
désertique à Tassara
Remerciements
Si je suis l'auteur de ce mémoire, je suis aussi
contraint par ma conscience morale de remercier ceux et celles qui se sont
montrés disponibles pour la réussite de mes recherches.
Ces remerciements vont à l'endroit de :
- Ma directrice de mémoire, Claire Ollivier, qui
malgré son emploi de temps trop chargé, a suivi les travaux de ce
mémoire avec grand intérêt et une rigueur scientifique dont
je m'inspirerai.
- L'administration et les professeurs de l'Université
Denis Diderot, Paris7 et, particulièrement, les professeurs du
département de géographie qui n'ont ménagé aucun
effort pour me permettre d'acquérir de nouvelles connaissances et
compétences.
- Mes camarades de classe pour les échanges fructueux dans
une atmosphère cordiale.
- Monsieur Camara Sadio, représentant du chef du village
de Diéoura en France.
- Monsieur Magassouba Harouna Président de l'Association
pour le Développement de la Commune de Diéoura.
- Les familles KEITA, GASSAMA, CAMARA, GARY, WAGUE
résidant en France pour leur soutient
financier et moral constant.
- Tous les émigrés de la commune de Diéoura
en France.
- Tous les chefs de village de la commune de Diéoura.
- Mon oncle Mamadou Kanté et mon ami Daouda Coulibaly pour
leur apport intellectuel.
Bref, que tous ceux qui de loin ou de prés, ont
contribué à la réalisation de ce mémoire trouvent
ici l'expression de ma profonde gratitude.
Je ne peux clore ces remerciements sans rappeler l'estime que je
porte au plus profond de mon coeur aux Maliennes et Maliens qui font une
pression financière sur eux- mêmes pour améliorer le
quotidien des familles et villages au bercail.
A tous, j'exprime ma profonde gratitude et ma reconnaissance.
Boulaye Keita.
Introduction
L'Afrique est un vaste continent qui offre au géographe
plusieurs possibilités d'analyse pour mieux appréhender
l'organisation de l'espace. Une des questions fondamentales est celle de la
gestion des territoires. Parmi les éléments qui façonnent
ces territoires, nous avons les migrations. L'étude des migrations dans
ce mémoire est à mettre en rapport avec le processus de
décentralisation en au Mali.
Depuis 1992, le Mali s'est engagé dans une politique de
décentralisation conduite par la troisième République. Au
niveau territorial, la principale composante de cette réforme est la
réorganisation du découpage territorial sur l'ensemble de
l'espace national dont l'unité de base est la commune1.
Dans la commune de Diéoura, les dynamiques de
développement se sont en grande partie appuyées sur
l'extérieur car fondées sur la migration.
De nombreuses associations de développement ont
été créées au sein d'un réseau social
reliant les villages aux lieux d'émigration. L'action des migrants
s'inscrit aujourd'hui dans un conteste national, les effets à
l'échelle locale sont d'une grande importance pour comprendre
l'organisation socio-spatiale. Les migrants sont en effet les principaux
acteurs du développement dans la commune de Diéoura.
L'objectif à atteindre dans ce travail est
d'étudier les effets des migrations sur l'espace communal à
travers les relations que tissent les migrants avec leur lieu d'origine. Il
s'agit surtout de voir le rôle des migrants dans ce nouveau contexte de
la décentralisation au Mali.
Nous formulons l'hypothèse que la migration est facteur de
développement et un facteur de recomposition territoriale à
l'échelle locale,
Qu'il y a une corrélation entre migration et
pauvreté ?
Pourquoi la France reste t-elle une destination
privilégiée des ressortissants de la région Kayes ?
Comment se sont structurés les réseaux migratoires
dans le temps et dans l'espace dans la commune de Diéoura ?
La décentralisation peut-elle contribuer à un
véritable décollage économique de la commune
1 - Stéphanie Lima, 1999
de Diéoura grâce à la volonté
affichée des migrants à développer leurs lieux
d'origine?
Voilà les réflexions autour desquelles nous allons
tenter de faire une analyse des effets des migrations dans la commune de
Diéoura.
Pourquoi faire encore une étude des migrants maliens en
France dans la mesure où de nombreux travaux ont été
réalisés sur la question ?
Soninké, originaire de la région
émettrice de la majorité des migrants maliens en France (Kayes),
et étudiant en géographie, j'estime important de faire une
analyse des actions de développement de mes compatriotes à
l'échelle de ma commune d'origine.
Je suis également très impliqué dans les
mouvements associatifs au sein des migrants de la commune en France. Je suis
l'un des artisans de la création de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura (A. D. C. D),
première association de migrants créée à
l'échelle de la commune. J'ai joué un rôle de
médiateur entre les anciens et les jeunes avant la création de
l'association. C'est la raison principale pour laquelle mon premier poste a
été « Secrétaire chargé des conflits » au
sein de l'équipe qui dirige les actions de l'association puis «
Secrétaire administratif » et actuellement « Secrétaire
chargé des relations extérieures » afin d'établir les
contacts avec les partenaires du développement (O.N.G.,
départements, collectivités locales ). Actuellement je
travaille aussi sur un projet de développement pour la commune de
Diéoura.
L'une des raisons principales de ma motivation tient au fait
que les études réalisées jusque là sur les
migrations maliennes en France portent sur l'ensemble de la région de
Kayes ou d'autres cercles que de Diéma auquel appartient ma commune.
Cependant on trouve des disparités importantes à
l'intérieur de cette région. De plus, les effets de ces
migrations sont plus visibles à échelle des villages que dans les
grandes villes en sens qu'il est beaucoup plus facile de distinguer dans les
villages les réalisations des migrants dans la structuration de l'espace
contrairement aux villes où on une
hétérogénéité d'acteurs qui transforment
l'espace urbain.
Avec ce mémoire, je trouve un moyen d'apporter ma
modeste contribution au débat lié à l'immigration qui fait
couler beaucoup d'encre ici en France. La finalité de cette étude
est peutêtre un moyen de montrer aux partenaires du développement
qu'il existe dans la région de Kayes une commune qui a de nombreux
atouts et de les inciter à intervenir là-bas.
Nous précisons déjà que notre choix s'est
porté sur les habitants de la commune de Diéoura
émigrés en France car que la mobilisation des migrants en
matière de développement local y est
grand, en ce sens que les migrants de France ont plus de
moyens pour s'engager dans le développement de leur lieu d'origine que
d'autres comme ceux du Gabon ou de Côte d'Ivoire par exemple.
Il faut dire que la région de Kayes connaît une
forte émigration de ses habitants depuis des siècles.
L'ancienneté des pratiques migratoires dans la région de Kayes
est une vérité évidente. C'est l'une des régions
les plus enclavées du Mali.
Il y aurait aujourd'hui environ 120. 000 Maliens en France
dont 95 % sont Soninkés et originaires de la région de
Kayes2. Les 2/3 d'entre eux vivent dans la clandestinité.
Plus de 180 millions d'euros transitent annuellement de France
vers le pays d'origine des migrants. 75% des transferts sont consacrés
à la consommation familiale.
Selon les résultats de l'enquête menée par
l'Association pour le Développement de la Commune (A.D.C.D.), il y a 630
émigrés de la commune de Diéoura en France. Ce chiffre ne
prend pas en compte les enfants nés en France et les migrants de la
commune installés dans les grandes ville au Mali ou ailleurs.
Au Mali, depuis la décentralisation, les populations
sont chargées de gérer leurs propres affaires. On assiste ainsi
à un retrait de l'État dans la gestion locale à l'occasion
de la création des communes. Avec ce nouveau processus, beaucoup de
cadres pourront être utiles à leurs lieux d'origine.
Nous, intellectuels maliens et émigrés
aujourd'hui en France, sommes tous conscients que si les sommes
rapatriées par les Maliens de l'extérieur en
général et ceux de France en particulier, sont
gérées de façon concertée, elles peuvent constituer
les moyens d'un développement durable et épanouissant. Membre de
cette population et témoin de la réalité des situations,
au pays et en France, j'ai tenté de me rapprocher de ces immigrés
en France pour recueillir auprès d'eux toutes les informations utiles
dont l'analyse minutieuse pourra améliorer le futur.
Après avoir présenté la
méthodologie utilisée et les choix des méthodes pour la
réalisation de ce mémoire, je traite dans une première
partie, la dynamique des réseaux migratoires dans le temps et dans
l'espace construits par les Soninkés. Ici il s'agit de comprendre les
raisons de la forte migration des habitants de la zone appelée « le
bassin du fleuve Sénégal », de la région des trois
frontières entre la Mauritanie, le Mali et le Sénégal.
Dans une seconde partie, je m'intéresse à
l'étude des apports et des effets des migrations des
2 - Le monde 11 février 2003
ressortissants de la commune de Diéoura et leurs effets
à l'échelle de la commune. Il s'agit du rôle joué
par les migrants dans les villages d'origine collectivement et au niveau des
familles individuellement. C'est dans cette partie que je vais tenter de mettre
en lumière les réalisations des migrants de la commune de
Diéoura après avoir étudié la genèse des
associations Soninkés en France.
Enfin une troisième partie sera consacrée
à l'étude de l'action des migrants et le processus de
décentralisation, les limites et les perspectives pour un
véritable développement de la commune de Diéoura.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la2.png)
Précision sur quelques termes utilisés
:
Pour faciliter la compréhension de ce travail à
tous les lecteurs, il s'avère nécessaire de cerner certaines
expressions utilisées.
- Immigré:
Selon la définition de l'INSEE, la population
immigrée est composée des personnes nées
étrangères dans un pays étranger. Cette définition
de la population immigrée se référant à deux
caractéristiques invariables liées à la naissance des
personnes, un individu né à étranger continue d'appartenir
à la population immigrées même si sa nationalité
change.
Il ne doit pas être confondu alors avec le mot
étranger. Les deux notions ne se recouvrent que partiellement puisqu'on
peut être étranger sans avoir immigré. C'est le cas des
enfants nés en France de parent immigrés. Inversement, n peut
être immigré et français par voie de naturalisation. Ainsi,
le statut des Maliens venus faire fortune en France diffère-t-il de
celui de leurs enfants nés sur le territoire
français3.
- Les mots immigré et émigré sont
deux faciès de la même personne:
Les personnages de l'émigré et de
l'immigré occupent tour à tour une place centrale, selon que l'on
se place du point de vue des sociétés de départ ou celles
d'arrivée. Dans ce jeu de préfixes instituant le sens du
mouvement (la sortie ou l'entrée) l'émigré et
l'immigré sont moins définis en référence à
leur propre trajectoire que par rapport au conteste spatial et social qui a
servi de cadre à leur mouvement.4
Plus que par leur statut dans le pays où ils se
trouvent, forcément instables, ils s'individualisent par le rapport
qu'ils construisent et entretiennent avec les deux pays simultanément.
Ni immigrés, ni émigrés, ils sont des migrants.
Pour éviter la confusion entre immigré et
émigré, j'ai surtout utilisé dans ce travail le mot
migrant. L'utilisation des mots immigré ou émigré
dépendra de l'espace auquel on se réfère.
3 - P. Bouquier et al, 1999
4 - L. Faret, 2003
Conditions de travail et méthodologie de
recherche
Pour être efficace dans la réalisation de ce
mémoire, une recherche a été nécessaire, au cour de
laquelle j'ai effectué des enquêtes pour saisir certaines
réalités du processus migratoire dans le temps et dans
l'espace.
1 - conditions de travail
La collecte d'informations s'est déroulée dans
deux espaces indispensables pour cette étude: dans les foyers
d'immigrés en France et principalement en Ile de France et dans la
commune de Diéoura au Mali, le lieu d'origine des migrants auxquels nous
nous intéressons. En plus de ces deux lieux, j'ai mené une
recherche documentaire dans les bibliothèques universitaires, à
la Bibliothèque Nationale de France (BNF), au centre Georges Pompidou et
surtout au centre de documentation du C.N.R.S. (REMISIS) de Paris7, au site de
Montréal-Tolbiac.
a - Le terrain de la recherche en France :
- Recherche documentaire :
Cette recherche a surtout consisté en une lecture
approfondie des travaux déjà réalisés sur les
migrations internationales et plus particulièrement les ouvrages sur les
migrations Soninkés et maliennes en France et dans le monde. Il existe
déjà de nombreux travaux sur le même thème mais
cette lecture me permettait de replacer mon étude de cas dans un cadre
général et de faire apparaître ses particularités.
Il s'agissait aussi de voir la diversité des dynamiques migratoires dans
le temps et dans l'espace.
- Les foyers d'immigrés en Ile de France
:
La recherche d'informations dans les foyers s'est
effectuée auprès des personnes fortement impliquées dans
les mouvements associatifs pour le développement des lieux d'origine. Le
foyer est le lieu abritant les doyens des différents groupes sociaux,
les responsables d'associations ou de caisses de solidarité. Ils
constituent aussi les lieux des réunions au cours desquelles se
décident les projets de développement pour les villages, les
cérémonies de mariage, de décès ou de
baptême. Les foyers restent encore les lieux où habitent les
immigrés Soninkés dans leur grande majorité. En plus de
leur rôle de logements sociaux, les foyers sont aussi des maisons
d'associations parce que les sièges des associations s'y trouvent, ainsi
que à l'adresse de leurs
Présidents. Tenant compte de tous ces
éléments, j'ai donc accordé une attention
particulière aux foyers d'immigrés pour la réalisation de
mes enquêtes.
La difficulté principale dans les foyers tient au fait
que les gens ne sont pas toujours disponibles pour me recevoir et pour des
entretiens approfondis. Souvent j'ai été obligé de
reporter à d'autres dates mes entretiens du fait du programme trop
chargé de certains migrants. Néanmoins j'ai pu recueillir les
informations nécessaires à la réalisation de ce
mémoire.
J'ai aussi réalisé des enquêtes
auprès des immigrés de la commune de Diéoura qui vivent
avec leur famille (épouses et enfants) en France. Il faut dire là
que le contact a été plus difficile que dans les foyers. Par
exemple, dans les foyers je partais réaliser mes enquêtes pendant
les week-ends, souvent sans rendez. Par contre, les migrants qui vivent avec
leur famille, sont logés dans des appartements et n'étaient
toujours sur place pour des entretiens approfondis.
Les enquêtes ont été en
général réalisées pendant les week-ends, les jours
de repos des travailleurs migrants. En plus c'est pendant les week-ends qu'on a
la chance de rencontrer un nombre important de migrants dans les foyers.
b - La collecte d'informations dans la commune de
Diéoura au Mali :
La seconde phase, décisive, de ma recherche s'est
déroulée dans la commune de Diéoura, le lieu d'origine des
migrants. La recherche de terrain au Mali a débuté le 15 avril
2004 et s'est terminée le 30 juin 2004 qui correspond aussi à la
date de mon retour en France.
Ce séjour dans la commune de Diéoura a
coïncidé avec la saison sèche au Mali. Cela m'a permis de
trouver la plupart de mes interlocuteurs sur place. Majoritairement paysans,
les habitants de la commune de Dièoura se reposent pendant saison
sèche, surtout les mois qui suivent la fin des récoltes (mars,
avril mai). Cette période correspondait cette année avec
l'organisation des élections communales au Mali, ce qui m'a privé
des entretiens approfondis prévus avec l'ancien maire de la commune de
Diéoura.
La difficulté pour moi, est venue du fait que les
migrants jouaient un rôle dans ces élections. Donc souvent les
gens m'ont considéré comme un migrant et non comme un
étudiant chercheur. Cela a beaucoup influencé les réponses
des enquêtés. A cause de la campagne électorale, je n'ai
pas eu suffisamment de temps avec le Maire sortant pour connaître ses
relations avec les migrants de la commune en France. Heureusement, en octobre
2003, j'avais eu un entretien avec lui à Paris qui reflétait ses
véritables ambitions pour la commune et ses
relations avec les migrants.
En effet, mon entretien avec l'ancien Maire l de la commune de
Diéoura, a été un véritable échec au moment
de mes enquêtes au Mali, dans la mesure où il ne voyait pas mon
rôle d'étudiant mais de migrant. Excepté l'ancien Maire,
j'ai eu des entretiens intéressants avec les autres personnes que j'ai
ciblées dans cette recherche dans la commune de Diéoura.
J'ai tenu compte du rôle social ou politique que jouent
les personnes interrogées dans les lieux d'origine. Il s'agit des chefs
de village et de leurs conseillers, du maire, des chefs de famille, de femmes,
de jeunes non migrants et d'anciens migrants.
Il faut aussi préciser que pendant cette recherche,
dans la commune de Diéoura je suis passé au moins deux fois dans
chaque village de la commune. La première visite était une prise
de contact avec mes enquêtés. C'était une manière
pour moi de me familiariser avec eux et de les informer de l'objet de mon
étude. La deuxième visite a consisté à
réaliser les enquêtes et à visiter le village avec un
responsable local pour voir les réalisations des migrants et les projets
en cours. Je suis passé à plusieurs reprises dans le village de
Diéoura, chef-lieu de la commune à dix huit kilomètres de
mon village (Founto), car c'est là que se décident les projets de
la commune. C'est donc dans le village de Diéoura que j'ai tenté
d'étudier les transformations du paysage villageois sous l'action des
migrants.
Hormis les réalisations collectives, j'ai
étudié les pratiques individuelles des migrants et notamment en
matière de construction immobilière dans le village de
Diéoura.
J'ai également consacré en complément une
dizaine de jours à Bamako (20 -30 juin 2004). Ce séjour de Bamako
était important dans la mesure où la plupart des migrants
investissent dans cette ville, privant de plus en plus les villages d'origine
des transferts de fonds des migrants. Pendant ce séjour à Bamako,
j'ai discuté avec quelques candidats au départ pour la France
afin de savoir leurs réelles motivations. J'ai aussi cherché
à rencontrer des hommes d'affaires impliqués dans l'organisation
des réseaux clandestins. J'ai cherché à comprendre les
multiples difficultés liées à l'obtention de visas pour
atterrir sur le sol français et l'évolution spectaculaire des
tarifs du voyage.
La collecte de données au Mali a été un
atout indispensable pour la réalisation de mémoire. Le travail de
recherche au Mali m'a permis de dépasser le cadre théorique de
l'étude des effets des migrations et de comprendre la
réalité des choses.
2 -Les méthodes utilisées :
Il est également important de préciser que j'ai
tenu un langage de vérité à toutes les personnes que j'ai
rencontrées. J'ai expliqué aux gens mon statut de simple
étudiant pour ne pas influencer leurs réponses.
Pendant les travaux de terrain, j'ai utilisé plusieurs
méthodes d'enquêtes, car pour mieux cerner les dynamiques
migratoires, une seule technique ne pouvait me fournir toutes les informations
fiables.
.a - Les entretiens ouverts :
Pour avoir beaucoup d'informations, des entretiens ouverts ont
été réalisés avec quelques personnes fortement
impliquées dans les affaires de la commune ici en France comme au
Mali.
J'ai eu plusieurs entretiens avec Mr Camara Sadio, le
représentant du chef de village de Diéoura en France. Mais j'ai
remarqué que les entretiens ouverts poussaient certaines personnes
à aller souvent loin du sujet. Par exemple dans la recherche de
l'information liée à la mise en place des premiers réseaux
migratoires, certains vieux nous amenaient sur le champs des conflits de
générations, entre les vieux et les jeunes. L'entretien ouvert a
permis aussi de cerner les thèmes sensibles susceptibles de créer
des tensions dans la commune. L'entretien ouvert permet de déclencher le
dialogue et de laisser s'exprimer librement les personnes interrogées.
L'entretien ouvert a été beaucoup utilisé dans cette
étude pour comprendre à fond la réalité de
certaines choses.
b - Les interviews enregistrés:
Au départ, je n'avais pas envisagé de faire des
interviews enregistrées pour éviter que le magnétophone ne
dérange les personnes interrogées et ne les déconcentrer.
Mais je l'ai utilisé avec l'ancien Maire de la commune de Diéoura
et Mr Magassouba Harouna, le Président de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura (ADCD). L'interview me
permettait de connaître les différents points de vue et opinions
par rapport aux tensions dans la commune. Souvent dans les interviews, je n'ai
pas hésité à poser des questions liées à des
problèmes très sensibles de la commune car j'ai compris que la
prise en compte des tensions sociales me permettait de bien comprendre les
agissements des migrants, par exemple en ce qui concerne la création de
la caisse de solidarité et de l'Association pour le Développement
de la
Commune de Diéoura, de même que les conflits
liés au processus de décentralisation au Mali.
La caisse de solidarité est une caisse des migrants en
France et gérée par les anciens, généralement
notables du village. Les gestionnaires de cette caisse rendent très
rarement compte de leurs actions aux migrants. Le paiement des cotisations est
obligatoire
Par contre en ce qui concerne l'association pour le
développement communal, on a une équipe composée de jeunes
de toutes les catégories de personnes (nobles, et castes). Les projets
de l'association sont débattus en public de façon
démocratique, en présence de la majorité des migrants, sur
proposition des membres de l'association. J'ai aussi cherché à
comprendre, grâce l'interview, les axes prioritaires de
développement selon les migrants et les non migrants.
c - Enquête par questionnaire :
J'ai utilisé le questionnaire auprès de toutes
les catégories des migrants en France et un certain nombre de chefs de
famille à Diéoura (Mali). L'objectif du questionnaire fait
surtout de connaître les caractéristiques
sociodémographiques des migrants (âge, sexe, ethnie, profession,
...). Avec le questionnaire j'ai aussi cherché à comprendre la
vie des migrants en France, les conditions d'entrée en France, le projet
des migrants, les relations avec le lieu d'origine.
J'ai interrogé 50 personnes en France dont 15 femmes,
et 30 personnes au Mali dont 9 femmes. C'est encore une migration
essentiellement masculine. Le nombre de femmes émigrées de la
commune n'atteint pas 50. Toutes ces femmes vivent avec leur mari. Même
si les immigrés se déclarent mariés, ils vivent en France
en célibataires dans leur grande majorité.
Le questionnaire permet de dégager des tendances qui, par
manque d'exhaustivité et qui ne reflètent pas une
réalité absolue.
d - Enquêtes par observation participante
:
Compte tenu de mon implication dans les mouvements associatifs
des migrants de la commune de Diéoura en France, l'observation
participative a été au coeur de cette recherche. Rien ne me
différencie des migrants car nous vivons les mêmes
réalités en France. Dans ce travail de recherche, la
difficulté pour moi était de ne pas pouvoir faire souvent la
différence entre mon rôle d'étudiant et de migrant
engagé
Cette méthode a été surtout utilisée
pour comprendre les comportements locaux des migrants
dans les foyers mais aussi au retour dans le lieu d'origine.
L'observation m'a permis de connaître certains aspects de la vie
quotidienne des migrants. À partir de l'observation, j'ai cherché
à connaître la différenciation entre les familles, les
villages, et les ethnies fortement au moins impliquées par les
migrations. Par exemple la différenciation dans l'habitat des lieux
d'origine et la présence de certains équipements dans la maison
(moto).
J'ai voulu, pendant cette phase de terrain, rencontrer un
responsable des ONG, KARED (Agence du Kaarta pour l'action
Développement) ou PGRN (Programme de Gestion des Ressources Naturelles),
qui travaillent dans la commune afin de connaître les relations entre ces
différents partenaires et les ressortissants de la commune de
Diéoura en France. Mais cela n'a été possible ni en France
ni au Mali.
En France comme au Mali, la difficulté majeure a
été le contact avec les femmes, pour des raisons sociales. Pour
avoir le contact avec les femmes, j'ai été obligé de
demander l'autorisation aux chefs de famille et les interroger en leur
présence, ce que j'ai regretté car ce biais pesait
énormément sur les réponses des enquêtées.
Globalement, la recherche d'information a été
plus difficile que prévu. J'ai réalisé des enquêtes
dans la mesure où je ne disposais pas de l'ensemble des informations sur
ma commune dans les ouvrages que j'ai consultés sur ce thème.
Aucune étude n'a été jusqu'à là
réalisée sur la commune de Diéoura d'où la
nécessité de mener une recherche efficace de terrain.
PREMIERE PARTIE :
LES DYNAMIQUES MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES
Chapitre I - La genèse des migrations
Soninkés.
Faire une étude des migrations Soninkés
nécessite de recourir à leur histoire. Déjà, il
faut préciser que les Soninkés sont majoritairement
répartis à cheval sur le Mali, le Sénégal et la
Mauritanie dans ce qu'o n appelle << la zone des trois frontières
» ou << le bassin du fleuve Sénégal ». Cette
région est caractérisée par une
homogénéité ethnique et culturelle, ce qui est très
rare en Afrique au Sud du Sahara. On rencontre trois ethnies principales : les
Soninkés, les Peuhls et les Mandingues. Mais ce sont les Soninkés
qui sont les plus nombreux. C'est l'une des régions les plus pauvres du
monde et les habitants vivent principalement grâce à l'agriculture
mais surtout des revenus des émigrés.
Compte tenu des conditions climatiques difficiles, les
populations ont vu la migration comme une stratégie de défense.
Le processus migratoire chez les Soninkés a concerné au cours du
temps plusieurs espaces.
Ce chapitre sera en effet consacré à
l'étude de ces migrations dans les différents espaces
concernés et les raisons fondamentales qui ont favorisé ces
migrations et qui continuent de le faire.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la3.png)
1 - Une migration très ancienne :
La migration est une pratique installée chez les
Soninkés depuis des siècles Cette tradition remonte à
l'Empire du Ghana (VIIIe - XIe siècle avant J.c). Depuis cette
époque, les Soninkés qui bénéficiaient des faveurs
du roi Kaya Magham Cissé (lui même Soninké) étaient
des commerçants et des voyageurs. Au départ, les voyages avaient
pour but des échanges commerciaux. Au fil du temps, les villes
découvertes lors des voyages servirent de demeures saisonnières
aux commerçants. A l'époque, les chefs de famille
libéraient les jeunes hommes pendant la saison sèche après
les récoltes, les encourageaient à aller chercher un peu d'argent
avant les pluies suivantes, date de retour au champ familial. Dans la mesure
où les migrations saisonnières permettaient aux jeunes d'avoir un
revenu, l'émigration devint un véritable moyen de lutte contre la
pauvreté. Cette migration a commencé à prendre de
l'ampleur au XXe siècle.
2 - Une migration de plus en plus lointaine, en Afrique
:
On remarqu' au début du XXe siècle,
que les migrants Soninkés, et en particulier ceux de la région de
Kayes, commençaient à traverser les frontières du Mali en
direction des pays frontaliers en particulier vers le Sénégal.
Entre 1930 et 1960, la culture de l'arachide au
Sénégal (développée par le colonisateur), a
attiré des migrants maliens. Cette migration en direction du
Sénégal a été favorisée par de la
construction du chemin de fer Dakar- Niamey en 1924. L'implantation d'usines
dans les capitales des pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest et Centrale a
fait d'elles de nouveaux pôles d'attraction de migrants Soninkés.
Le Congo Brazzaville et la République Démocratique du Congo
(R.D.C.) sont les pays qui ont accueilli les premiers migrants Soninkés
ce fut ensuite le Gabon, la Zambie, le Rwanda, le Burundi, etc.
La proximité géographique et la circulation des
populations de part et d'autre de la frontière sont des facteurs
stimulants de la migration internationale. L'émigration transnationale
peut-être instable quand la proximité géographique est
synonyme de distance politique. Des événements politiques ont
remis en cause la présence des migrants dans les pays voisins. Par
exemple, la dissolution de la fédération du Mali en 1960 s'est
accompagnée de retour des Maliens résidant au
Sénégal et des Sénégalais résidant au Mali.
L'émigration dans certains pays comme la Côte d'Ivoire devient un
véritable enjeu électoral, donne souvent lieu à des
affrontements meurtriers et
une instabilité politique permanente
L'émigration des ressortissants de la région de
Kayes, en particulier ceux de Diéoura en direction des pays africains, a
tendance à baisser car la majorité de ces pays connaissent des
troubles politiques et une dégradation de leur situation
économique. Cet état de fait ne favorise pas l'intégration
du migrant dans le tissu économique.
Après l'indépendance en 1960, La France est devenue
une destination majeure pour les migrants soninkés de la région
de Kayes.
Nous précisons que l'intérêt de ce travail
n'est pas de faire une histoire des migrations Soninké, véritable
métier d'historien. Mais c'est surtout de montrer la diversité du
processus migratoire dans le temps et dans l'espace.
3- Une migration de plus en plus tournée vers la
France
a- Dans un premier des conditions favorables de part et
d'autre
Les Soninkés ont été mobilisés
dans l'armée française lors de la seconde guerre mondiale. Il
s'agissait des fameux « Tirailleurs Sénégalais ». A la
fin des hostilités, quelques uns sont restés en France et ont
favorisé progressivement l'établissement des premiers
réseaux migratoires.
Après la seconde guerre, la France qui était en
quête de main d'oeuvre, a fait appel aux jeunes africains. Les
Soninkés restaient écrasants dans le contingent malien. La
politique d'immigration française à cette époque
était favorable à l'ouverture des frontières. On
remarquait que les migrants en France retournaient au pays, quelques
années plus tard, avec des économies sans
précédent. Les jeunes garçons de leur entourage ont
commencé à être intéressés quand ils ont
remarqué que ces migrants envoyaient plus d'argent aux chefs de famille.
Hier comme aujourd'hui, l'ouvrier parti en France a un grand privilège,
dans la mesure où il est considéré comme quelqu'un qui a
beaucoup d'argent et qui a la capacité de soutenir de nombreuses
familles dans les moments difficiles.
A partir de 1970, l'aggravation des conditions
économiques notamment avec le durcissement des conditions climatiques,
la croissance démographique et la faible intervention de l'État
pour la réalisation d'équipements d'intérêt public
ont, renforcé la dépendance des communautés
émettrices vis-à-vis des transferts de fonds des
immigrés en France5.
Les dirigeants des pays émetteurs de migrants, dans les
années 1960-1970, considéraient l'émigration comme un fait
nuisible au développement des régions d'origine. Mais plus tard,
ils ont compris que les émigrés pouvaient potentiellement se
révéler comme des acteurs capables de mobiliser des fonds
nécessaires au profit des régions de départ.
Un autre facteur important de la mobilité des habitants
du bassin du fleuve Sénégal tient au fait qu'ils sont dans une
zone presque abandonnée par les États jusqu'à
présent et particulièrement les soninkés du fait de la
minorité des Soninkés dans les pays où ils vivent t «
Au Mali, les Soninkés sont peu nombreux par rapport aux Bambaras, en
Mauritanie par rapport aux Maures, et au Sénégal par rapport aux
Wolofs »6. Ce sentiment d'abandon va jouer un rôle
décisif dans l'engagement des Soninkés à aller chercher
ailleurs les moyens à développer leurs lieux d'origine.
Dans la région de Kayes au Mali, l'agriculture n'est pas
rentable et elle offre peu d'emplois. L'enclavement constitue un frein au
développement de la première région administrative du
Mali. Ce sont les migrants qui apportent la plus grande quantité
d'argent à la région.
Pour répondre à la question, y a-t-il une
corrélation entre migration et pauvreté ?
C'est absolument oui. Les réponses des enquêtes
en France comme au Mali, présentent la migration comme un moyen de
subvenir aux besoins de la famille, du village et aujourd'hui de la commune.
En effet, il faut dire que la raison économique reste
la raison fondamentale dans l'étude des migrations qui font l'objet de
ce mémoire, même si le l'aspect culturel est aussi à
prendre en compte.
b- Depuis 1974, une politique de plus restrictive en
France
Au départ, il n'y a pas eu d'installation
définitive car les conditions d'entrée en France étaient
simples. Les migrants partaient au pays dès qu'ils avaient
travaillé quelques années (deux ou trois ans au maximum) et
pouvaient revenir en France au moment souhaité.
« A partir de 1974 l'immigration économique est
arrêtée et un contrôle rigoureux s'impose
5 Q. Catherine, 1991.
6 Mahamed Timera,1996
désormais aux candidats à l'immigration
»7. A partir de cette date, ceux qui viennent en France restent
jusqu'à l'obtention d'un titre de séjour facilitant les allers et
les retours jusqu'à la retraite. Avant, le jeune garçon devait
chercher une partie des frais de son transport dans un autre pays en demandant
le complément à son frère, cousin, oncle, ami, beau
frère ou neveu vivant déjà en France.
D'après nos enquêtes, 30 des 50 personnes
interrogées en France déclarent avoir obtenu un visa et
être s'envolées directement de Bamako-Senou vers Paris
après 1990, et 20 ont déclaré transiter par d'autres pays.
Par contre, toutes les femmes interrogées en France déclarent
avoir obtenu leur visa à Bamako et sont venues directement à
Paris sans séjourner dans un autre pays, dans les conditions
légales.
A partir de 1990, l'instabilité politique et
économique dans les pays d'accueil (particulièrement en Afrique
centrale) a donné lieu à une autre orientation du voyage. Les
jeunes candidats au départ qui avaient des répondants en France,
ne transitaient pas vers d'autres pays mais remplissaient les formalités
du voyage à Bamako. L'ensemble des frais de transport a
été financé depuis Bamako pour Paris.
Nous avons constaté que les personnes qui transitaient
dans d'autres pays étaient des vieux qui sont arrivés par les
bateaux avant la fermeture des frontières et celles qui étaient
jeunes et arrivées après 1990, sont des personnes qui n'avaient
pas de répondants en France.
La féminisation de la migration internationale est une
réalité favorisée par le regroupement familial du fait de
gel de l'immigration. Mais la majorité des ressortissants de la commune
de Diéoura vivent en France sans leurs femmes. C'est encore une
migration essentiellement masculine. Lorsque nous avons cherché à
connaître les raisons pour lesquelles les migrants vivent sans leur
famille (épouses et enfant) en France, les personnes interrogées
ont avancé deux raisons principales : leur inquiétude quant
à l'avenir de leurs enfants en ce qui concerne leur intégration
en France aussi bien qu'au Mali et de la multiplication des charges familiales
(frais de louer, scolarité ses enfants ) est un autre facteur à
prendre en compte dans cette analyse.
La migration des ressortissants de Diéoura reste
principalement orientée vers la France, mais depuis deux ans, l'Espagne
devient un véritable pôle d'attraction.
7 D.Christophe, 1993;
c - les filières d'immigration clandestines
:
Le processus de fermeture des frontières va de
l'arrêt de la migration officielle en 1974 à l'instauration du
visa d'entrée pour le plus part des pays africains à partir de
19858.
Aujourd'hui, les départs empruntent essentiellement des
filières illégales. Ainsi, politiciens, marabouts,
commerçants, responsables de l'administration, artistes, profitent de
toutes les opportunités pour dénicher un visa aux candidats
près à payer le prix fort. Selon nos enquêtes,
réalisées auprès de quelques candidats au départ,
les frais du voyage de Bamako à Paris serait de l'ordre de 3050 €
ou plus aujourd'hui contre 1000€ en 1990. On assiste donc en une
augmentation considérable des frais du voyage.
L'inégalité est un concept récurrent dans
l'analyse de ces migrations. Les candidats au départ disposent
généralement de titres de voyage et de visa nécessaires
à l'entrée dans le pays d'accueil, et ont fait appel à des
réseaux officieux. La plus grande partie des émigrés
établis après 1974 reste au-delà de la durée que
leur confère le visa de tourisme ou de transit en attendant une
régularisation de leur statut de résidence. On assiste à
une fin des migrations de main d'oeuvre et des migrations tournantes vers la
France depuis l'instauration de la carte de séjour et du visa
d'entrée. On passe d'une émigration de travail à une
émigration d'installation avec tous les problèmes d'insertion
professionnelle et d'intégration.
Si dans les années 1960 - 1970, les migrants
arrivés en France ne connaissaient pas le chômage, il en est plus
le même aujourd'hui. Les jeunes qui quittent le village et viennent
directement en France souffrent beaucoup du chômage. Beaucoup d'entre eux
travaillent au noir9.
Les migrations soninkés ont évolué dans le
temps avec une capacité d'adaptation dans les lieux d'accueil. La crise
d'une destination donne lieu à la découverte d'autres
destinations.
En effets les différents contextes
socio-économiques jouent énormément sur l'orientation et
l'action des migrants.
8 -Voisont D. et al, 1992. 9- Julien C. et Syr D, 1996
Chapitre II - Présentation de la commune rurale
de Diéoura.
1- Présentation d'ensemble :
La commune rurale de Diéoura est située dans la
partie Nord de la première région administrative du Mali : Kayes,
dans le cercle de Diéma entre le 9°20 et le 9°30' de longitude
Ouest et le 14°47' de latitude Nord et couvre une superficie de 390
Km2. Elle est limitée par la commune rurale de
Lakamané au Nord-Ouest, par la commune rurale de Sansakidi à
l'Ouest, par la commune de Sefeto dans le cercle de Kita, au Sud - Ouest par la
commune de Diallan, à l'Est par la commune de Lambidou et au Sud-est par
la commune de Diagouté Camara.
On est là dans le domaine sahélien, en climat
tropical sec à deux saisons. Les précipitations annuelles
connaissent un régime très irrégulier, oscillant d'une
année sur l'autre de 500 à
1000 mm, tombant entre juin et octobre. Les récoltes
sont donc incertaines et les revenus de l'agriculture précaires. L'eau
manque. La commune ne possède que de petits oueds temporaires dans les
parties nord et sud.
Le relief est peu accidenté est constitué de
collines au Nord et d'une succession de glacis sur le reste du territoire
communal
La commune a été créée en 1999
à la suite de réforme décentralisation engagée par
les autorités politiques maliennes. Elle est composée de cinq
villages principaux et de six hameaux dont trois habitant toutes
l'année. Ces villages sont Niankan, Tassara, Foulanguédou, Madina
- Bambara et Diéoura, le chef lieu de la commune. Les hameaux sont
Diakali, Bobougou, Karagné Noumokolo, Founto et Bakama. Tous les hameaux
sont administrativement rattachés au village de Diéoura. Par
leurs affinités, ces différents villages et hameaux se sont
réunis pour créer la commune de Diéoura (voir tableau
2).
Les premiers habitants de Diéoura seraient venus de
Kaïnera, Fatao et Lambidou. Le village de Diéoura aurait connu une
seule guerre meurtrière à fin XVIIe siècle. Il s'agit de
la guerre qui
a opposé les habitants de Diéoura à ceux de
Lambidou.
Tous les autres villages, au départ, étaient des
hameaux de cultures où les paysans partaient cultiver pendant la saison
pluvieuse. Après les récoltes ils revenaient passer la saison
sèche à Diéoura. Mais peu à peu les paysans qui
partaient pour les cultures ont décidé de rester après les
récoltes du fait de la richesse des pâturages pour les animaux et
de la richesse des terres. Il faut reconnaître que les grandes
sécheresses ont contribué à un retour des populations des
hameaux de cultures vers Diéoura.
Quelle que soit la dispersion des habitants dans l'espace, le
village de Diéoura demeure le plus gros village et abrite tous les
équipements d'intérêt commun.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la4.png)
31
Tableau 1: les Communes du cercle de
Diéma.
Nom de la commune
|
Nombre de villages
|
Populations de plus de 10000 hbts
|
Populations de 5000 à
10000
|
Populations de moins de 5000htbs
|
Diéma (Diéma)
|
15
|
15609
|
|
|
Dianguirdé
|
15
|
|
8834
|
|
Madiga Sacko
|
25
|
|
8302
|
|
Béma
|
4
|
20156
|
|
|
Groumera
|
8
|
|
6217
|
|
Géudibiné
|
9
|
|
6974
|
|
Lambidou
|
5
|
|
8004
|
|
Fatao
|
1
|
|
|
3072
|
Dgt Camara
|
13
|
14250
|
|
|
Dioumara
|
17
|
|
9816
|
|
Gomitradoug ou
|
8
|
|
|
3661
|
Lakamané
|
16
|
10169
|
|
|
Diéoura
|
5
|
|
8993
|
|
Sansankidé
|
6
|
|
|
3294
|
Source: Stéphanie Lima, 1999, D.E.A
de géographie, Recomposition territoriale et
décentralisation au Mali, le cas de la région de Kayes,
p.3.
.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la5.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la6.png)
Tableau 2 : Les distances entre le village de
Diéoura et les autres villages de la commune
Villages
|
Distance au chef lieu de la commune
|
Diéoura
|
Chef lieu de commune
|
Tassara
|
30 Km
|
Niankan
|
8 Km
|
Foulanguédou
|
20 Km
|
Madiria- Bambara
|
15 Km
|
Keita, 2004.
2- Les caractéristiques socio-économiques
de la commune
La commune rurale de Diéoura compte environ 9000
habitants selon les recensements de 1999. La population est majoritairement
jeune comme partout en Afrique. Plus de 50% de la population sont
occupés par l'agriculture. Le taux d'émigration serait plus de
30% pour l'ensemble de la commune. Mais précisions que la migration
concerne essentiellement la population masculine. Les migrations
saisonnières, bien affaiblies, sont encore pratiquées par les
jeunes hommes vers les villes comme Kayes, Kita, Bamako, Nioro,
Yelimané, etc. Une partie de la population active migre en direction de
la Côte d'Ivoire, du Gabon, Congo Brazzaville, de la République
Démocratique du Congo, la Libye.
En Europe, la destination privilégiée est la
France, mais de plus en plus l'Espagne qui attire, elle aussi, depuis peu, les
migrants de la commune de Diéoura.
Tableau 3: population des différents
villages de la commune.
villages
|
population
|
Nombre de migrants
|
Nombre de migrant en France
|
Ethnie majoritaire
|
Diéoura
|
5230
|
800
|
315
|
Soninké
|
Tassara
|
1015
|
462
|
95
|
Soninké
|
Niankan
|
1050
|
520
|
91
|
Peuhl
|
Madina
|
473
|
69
|
35
|
Bambara
|
Noumokolo
|
420
|
89
|
29
|
Soninké
|
Founto
|
375
|
106
|
37
|
Soninké
|
Source : Mairie de la commune de
Diéoura.
Ce tableau ne prend pas en compte les migrants qui ne
participent pas aux cotisations de la commune. Il s'agit des enfants nés
en France et les émigrés de la commune installés
définitivement dans les grandes villes au ou ailleurs, ainsi que les
femmes.
Plus de 80% des migrants sont en situation
irrégulière et habitent dans le département de la Seine
Saint - Denis.
Il faut cependant prendre ces chiffres avec beaucoup de
prudence dans la mesure où ils sont pas en jour et les recensements ne
prennent pas souvent en compte toutes les caractéristiques des
populations. Ces derniers sont majoritairement occupés par
l'agriculture. Mais on trouve à la fois des personnes qui pratiquent
l'agriculture, l'élevage et le commerce.
Quoi qu'il en soit, l'agriculture est l'activité
dominante dans la commune de Diéoura et repose principalement sur la
culture de mil, de sorgho, de l'arachide, et du maïs. On cultive aussi le
riz aux abords des cours d'eau de façon très marginale à
cause de la rareté des cours d'eau et de pluies.
L'élevage est mieux approprié aux conditions
physiques locales, mais souffre du manque de pâturages, de l'insuffisance
des points d'eau et de la faible couverture sanitaire.
Tableau4: la taille du cheptel
Villages
|
Bovins
|
Ovins- Caprins
|
Équins
|
Diéoura
|
3000
|
2500
|
180
|
Tassara
|
2000
|
1630
|
88
|
Niankan
|
800
|
720
|
20
|
Foulanguédou
|
350
|
280
|
16
|
Madina- Bambara
|
270
|
150
|
11
|
Source : données de la mairie de
Diéoura 2004
Ces chiffres sont très loin de la réalité,
dans la mesure où les gens ne déclarent pas le nombre total de
leurs animaux afin d'échapper à l'imposition.
La commune de Diéoura constitue un couloir important pour
les Peuhls transhumants. Il existe depuis 1997 un important conflit entre les
éleveurs et agriculteurs dans cette zone et qui a conduit à
l'abandon de la zone par les éleveurs peuhls.
L'artisanat est peu développé dans la commune de
Diéoura et est pratiqué par les hommes de castes (forgerons,
potiers, cordonniers).
L'exploitation forestière se résume à la
coupe bois de cuisine et de bois d'oeuvre pour la construction des
habitations.
La faiblesse des ressources naturelles, les conditions
climatiques difficiles, l'analphabétisme et le manque d'infrastructures
adéquates entravent dangereusement le développement de la commune
de Diéoura. Le seul atout de la commune est le rôle
déterminant que jouent les émigrés. L'émigration
est en effet la source principale des revenus de la commune. Les populations
vivent au rythme de l'émigration.
DEUXIEME PARTIE :
APPORTS ET EFFETS DES MIGRATIONS DES HABITANTS DE LA
COMMUNE DE DIEOURA
|
Chapitre I: Les réalisations des migrants de la
commune de Diéoura
1- Les réalisations collectives :
Les migrants de la commune de Diéoura, étaient
déjà organisés avant la création de la commune.
L'ensemble des villages qui composent actuellement la commune avait une grande
caisse solidarité exceptés les village de Tassara et de
Foulangoudou. Cette caisse avait un succès particulier au début
des années 1990. Tous les migrants à l'époque avaient une
seule ambition : développer les villages d'origine à tout prix.
Monsieur Camara Sadio nous a affirmé qu'en ce moment tous les migrants
répondaient sans exception à son appel.
Toutes les décisions qu'il prenait en direction du village
de Diéoura étaient
systématiquement appliquées. Les cotisations
étaient régulières. Tous les projets proposés par
les chefs de village aux migrants étaient appliqués au niveau de
la France.
Mais avec la grande caisse de solidarité le
problème principal est que tous les migrants payaient les cotisations
mais les projets étaient dirigés vers le village de
Diéoura seulement. Au niveau de chaque il y a une caisse de
solidarité pour la réalisations des projets l'échelle
villageoise. Toutes les réalisations qui seront évoqués
ici sont celles réalisées par les caisses de solidarité.
L'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura n'a
fait pour le moment aucune action de développement car elle a
été créée seulement en 2003.
La première grande réalisation des migrants de
la commune de Diéoura a été la construction de la grande
mosquée de Diéoura en 1990. La construction de la grande
mosquée a été financée par les migrants de la
commune en France et au Gabon. Les migrants de tous les autres villages ont
participé à au financement de cette mosquée. Monsieur
Camara nous a fait savoir que tous les migrants en France en cette
époque avaient payé les cotisations. Il faut préciser
qu'en ce moment ils étaient très peu nombreux en France. Mais
quelques années plus tard, les migrants se sont désengagés
petit à petit des cotisations. Surtout les jeunes qui venaient d'arriver
dans un environnement difficile à intégrer. Les jeunes
évoquent comme raison principale le chômage. Si en 1960 on avait
facilement accès à un emploi dans les usines, il en est
différemment aujourd'hui.
a- La lutte des migrants pour l'accès à
l'eau dans la commune de Diéoura.
Le problème primordial à résoudre dans le
Sahel est sans doute celui de l'eau. C'est la raison principale pour laquelle,
depuis plus de dix ans les migrants se sont engagés pour un meilleur
accès à l'eau dans les villages d'origine. Mais il faut
reconnaître que tous les villages de la commune de Diéoura ne
présentent les mêmes besoins en la matière.
- Dans le village de Diéoura, le problème d'eau
potable se pose moins que dans les autres villages de la commune. Six pompes
à eau ont été installées en 1992 par le projet de
lutte contre le vers de guinée décidé à
l'époque par l'actuel chef de l'État malien Amadou Toumani
Touré. Plusieurs forages existent également dans ce même
village. La quantité d'eau disponible est suffisante pour les
populations et les animaux.
Mais dans les autres villages de la commune, l'eau est le
souci prioritaire des migrants. Les priorités établies par les
migrants du village de Diéoura concernent aujourd'hui :
l'amélioration des conditions de travail dans le Centre de Santé,
la construction d'une pharmacie, la construction de plusieurs salles de classes
au sein de l'école.
- Le village de Founto est celui qui connaît le plus
grand problème d'eau. Souvent le manque d'eau oblige à
déplacer le bétail vers d'autres villages (15 à 20 Km).
Les ressortissants du village se sont engagés au début des
années 1980 et ont financé l'installation de deux pompes à
eau en 1984, d'un premier puits à grand diamètre en 1999, d'un
autre en 2000 et d'un dernier en 2002. Tout récemment, en mai 2005 les
migrants de ce village ont financé l'installation de deux pompes
à eau. Toutes ces infrastructures ont été financées
à 100% par les migrants du village de Founto. Toutefois, la question de
l'eau reste fondamentale pour les migrants du village de Founto. La caisse de
solidarité du village de Founto est bien alimentée aujourd'hui et
les ressortissants sont toujours à la recherche d'une entreprise pour la
mise en place d'un château d'eau. Compte tenu du problème d'eau de
ce village, on s'organise même au niveau des familles pour creuser des
puits. Le représentant du chef de village de Founto en France nous a
affirmé que la question de l'eau reste toujours sa préoccupation
majeure.
Dans les autres villages de la commune le problème d'eau
se pose moins qu'à Founto. Le manque d'eau relève essentiellement
du fait que nous sommes dans une zone sahélienne.
La pluviométrie annuelle oscille entre 500mm et 1000 mm
par an. Le régime des pluies est très irrégulier.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la7.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la8.png)
b- Les initiatives récentes:
La question alimentaire est fondamentale pour les migrants, de
ce fait ils ont ouvert des coopératives céréalières
dans chaque village. Les coopératives céréalières
permettent de dépanner les villageois au moment des soudures ou pendant
les années de sécheresse. Dans chaque village existe au moins une
coopérative céréalière. La première
coopérative a été créée en 1987. Ces
coopératives connaissent des problèmes de
gestion qui compromettent leur bon fonctionnement à long terme.
Généralement les fonds sont gérés par des personnes
qui rendent rarement compte aux associés. De plus, pour ces
coopératives on ne prévoit pas une réorientation des fonds
pour d'autres projets. A cause de la mauvaise gestion la première
coopérative a même fermé ses portes.
Dans le domaine de la santé, les migrants de la commune
de Diéoura n'ont jusqu'à là construit que deux centres de
santé : il s'agit du centre de santé de Diéoura et celui
de Tassara. C'est leur deuxième grande réalisation. Le Centre de
Santé de Diéoura a été construit en 1995,
celui de Tassara est en cours de construction.
La construction de ces deux centres a été
financée à 100% par les migrants de la commune. Les
difficultés rencontrées dans ces deux centres de santé
concernent entre autre le manque de personnel sanitaire qualifié, et
celui des matériels nécessaires.
Les locaux de la mairie de Diéoura ont été
construits en 2001 et actuellement de la construction de trois salles de
classes à Diéoura.
L'équipement le plus répandu dans la commune de
Diéoura aujourd'hui est l'installation des téléphones
satellites. Le premier téléphone a été
installé en fin 2001 par un groupe de jeunes migrants de la commune en
France. Ainsi, en l'espace de quatre ans on a assisté à la mise
en place des téléphones dans tous villages de la commune et
même dans les hameaux.
Dans ces villages on reçoit des appels de France et
d'ailleurs, alors qu'on ne dispose ni d'eau ni d'électricité, ni
de centre de santé dignes de ce nom.
En effet, dans tous les villages Soninkés, le
téléphone est un équipement à la mode aujourd'hui.
L'installation des téléphones et des coopératives
céréalières crée quelques emplois pour les non
migrants.
c- L'inégale répartition des
infrastructures constitue une entrave à la mobilisation des migrants sur
l'espace communal.
Il existe une distribution très inégale des
infrastructures dans la commune. Toutes les infrastructures de grande valeur
sont localisées principalement dans le village de Diéoura,
chef-lieu de la commune, qui pourtant ont toutes été
financées par l'ensemble des migrants de la commune. Cette
inégalité conduit souvent les migrants des autres villages
à refuser les financements des projets pour le village de
Diéoura.
Dans chaque village, il existe une caisse de solidarité
pour la réalisation des projets
villageois : des pompes à eau, puits à grand
diamètre, coopératives céréalières. Mais ce
sont des projets réalisés uniquement par les ressortissants de
ces villages, sans la moindre participation des migrants originaires du village
de Diéoura. De ce fait, on remarque que, de plus en plus, les migrants
s'intéressent davantage à leur propre village qu'à
l'ensemble de la commune ce conduit à entraver le bon fonctionnement de
l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura.
Actuellement les axes prioritaires de développement pour
l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura
privilégient : l'autosuffisance alimentaire, la santé,
l'accès à l'eau potable dans tous les villages de la commune, et
l'éducation. Nous remarquons que la mobilisation est plus forte dans les
autres villages qu'au chef lieu même. Ce qui conduit à un
désengagement des migrants pour la réalisation d'infrastructures
à l'échelle communal.
Il est indispensable, aujourd'hui, d'étudier les
problèmes village par village et de proposer des solutions d'ensemble,
pour que tous les migrants se sentent concernés sans exception. Les
migrants, au cours des enquêtes, nous ont affirmé que les villages
ne connaissent pas tous les mêmes problèmes.
Toutes les réalisations évoquées dans ce
passage, exceptés les locaux de la mairie de Diéoura et les 3
salles de classes dont la construction est en cours ont été
réalisés bien avec la création de la commune et de
l'Association pour le Développement de la commune de Diéoura .
Précisions également que L'association pour le
développement de la commune de Diéoura (ADCD) n'a aucun lien avec
les caisses villageoises.
En effet, aujourd'hui comme hier, le développement des
communes et plus particulièrement des communes Soninkés ne peut
être une réalité sans une forte implication des migrants
des différents villages. Les migrants de la commune de Diéoura
sont plus que jamais convaincus que le développement de la commune passe
avant tout par eux.
Globalement dans la commune de Diéoura, le village de
Tassara paraît comme le plus « avancé » sous l'action
des migrants. Toutes les réalisations dans ce village sont des actions
d'envergure et réalisés à 100% par les ressortissants du
village Tassara.
Ensuite vient le village de Founto pour la lutte menée
par ses migrants pour l'accès à l'eau potable.
Cette première phase de la décentralisation ne
peut en aucune manière nous permettre de constater qu'elle est
génératrice de développement. Le développement ne
peut se faire sans l'action conjuguée de tous.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la9.png)
Tableau 5: Réalisations des migrants dans
quelques villages de la commune de Diéoura Tableau 5a:
village de Diéoura
Type de réalisation
|
Nombre
|
Montant
|
Année
|
Mosquée
|
1
|
300.000FF
|
1990
|
Centre de Santé
|
1
|
500.000FF
|
1995
|
École, Medersas
|
2
|
60.000FF
|
1994, 2004
|
Coopératives
|
5
|
250.000FF
|
1988, 2002
|
Pompes à eau
|
6
|
|
1993
|
Puits à grand Diamètre
|
5
|
|
1990
|
Téléphones
|
10
|
100.000FF
|
2001,2003
|
Les colonnes vides correspondent aux réalisations de
l'État malien.
Tableau 5b: village de Tassara
Type de réalisation
|
Nombre
|
Montant
|
Année
|
Mosquée
|
1
|
40.000FF
|
1986
|
Centre de Santé
|
1
|
400.000FF
|
2004
|
École, Medersa
|
2
|
50.000FF
|
2002
|
Pompe à eau
|
2
|
6000FF
|
1995
|
Coopératives Céréalières
|
2
|
150.000FF
|
1992
|
Puits à grand Diamètre
|
3
|
30.000FF
|
1996
|
Téléphone
|
2
|
40.000FF
|
2002
|
Tableau 5c: Village de Founto
Type de réalisation
|
Nombre
|
Montant
|
Année
|
Pompe à eau
|
2
|
35000FF
|
1983
|
Puits à grand diamètre
|
3
|
40000FF
|
1993, 1999, 2003
|
Coopérative céréalière
|
1
|
30000FF
|
2003
|
Source : élaboration personnelle issue
des enquêtes (mai, 2004)
2- les actions individuelles menées par les
migrants
a - Les transferts de fonds :
Ils constituent la principale source de revenus de la commune
de Diéoura. Les retombées financières de la migration sont
l'un des moyens pour pallier à la crise alimentaire en milieu
soninké. Ces transfèrent deviennent ainsi l'élément
essentiel de réduction de la pauvreté.
Mais reconnaissons qu'il est difficile d'évaluer dans
un temps donné le montant des transferts financiers des migrants vers la
commune de Diéoura. Les conditions de transfert sont informelles donc
l'évaluation apparaît impossible. Par exemple les transferts
familiaux sont essentiellement opérés de la main à main
et, là encore, l'organisation en village bis en France facilite la
circulation monétaire entre le village et le foyer. Il n'est donc pas
rare, pour qui fréquente le foyer de migrants, d'assister à la
réunion du village au cours de laquelle chacun remet au partant son
épargne pour la famille. Les revenus provenant des migrants sont en
effet à mettre en rapport avec la taille de la famille, le nombre de
personnes à charge comme le nombre de personnes travaillant en
France.
Plusieurs travaux sur les migrants maliens en France montrent
que chaque migrant envoie en moyenne 150 €uros par mois à la
famille restée au village. Cependant nos propres enquêtes et
observations nous ont fourni un autre constat : les migrants qui envoient 150
€uros tous les mois sont généralement ceux dont les familles
sont installées à Bamako ou dans d'autres grandes villes du Mali.
Ce montant peut-être même doublé, selon les besoins de la
famille. Cela, du fait que les dépenses plus élevées dans
les grandes villes qu'au village. Il s'agit notamment des frais
de santé, d'éducation des enfants, des
dépenses en eau et en électricité et surtout de la
nourriture en ville qui exige des conditions alimentaires
améliorées relativement au village. Les dépenses sont
multiples, surtout si la famille doit payer un loyer.
En revanche, ceux dont les familles sont restées au
village nous ont affirmé que s'ils envoient 150 €uros, c'est
à des occasions précises. Par exemple pour l'achat de la
nourriture, les impôts, les fêtes, le baptême, le
décès et plus de 150 €uros s'il s'agit de financer le
mariage d'un frère. L'envoie d'argent en direction du village n'est pas
régulier.
Dans le milieu urbain, l'activité des hommes est
surtout consacrée au commerce souvent informel dont les revenus ne sont
pas en général pris en compte pour les besoins de la famille sauf
par nécessité. En ce sens qu'il n'y a personne à
l'étranger pour envoyer de l'argent.
Les femmes soninkés ne travaillent presque pas en
milieu urbain. Certaines font le petit commerce à la porte des
concessions mais très rarement dans les marché comme font les
femmes bambara ou bozos (ethnie des pêcheurs). L'activité agricole
n'est pas pratiquée par les soninkés quand ils résident
dans les villes.
En résumé, la dépendance des familles
vis-à-vis des sommes envoyées est grande mais beaucoup plus
accentuée si la famille réside en zone urbaine.
b- Les flux des marchandises en direction de la commune
:
Les flux de marchandises en direction de la commune, de France
vers les villages sont importants. Certains migrants apportent des objets pour
faire du commerce. Par exemple des pièces détachées, des
pneus, des portes etc. Rapporter des matériels venus de la France, est
une manière de démontrer que l'acte migratoire a
été réussi. Il s'agit des matériels qu'il est
impossible d'acquérir en travaillant aux pays d'origine.
Dans les années 1980 et 1990 les migrants achetaient
surtout des motos en France et les envoyaient. La moto a eu beaucoup de
succès surtout avec les jeunes. C'est encore un moyen d'affirmer sa
réussite. Les migrants achètent aussi des équipements pour
le foyer tels que les réfrigérateurs d'occasion. Certains
envoient ces objets pour mettre en place de petites entreprises qui seront
gérées soit par les parents soit par des amis restés au
village ou à Bamako. Les migrants à leur retour au village
apportent des habits provenant surtout des entreprises dans lesquelles ils
travaillent (Képi, Blouson, chaussures ...).
En 2001, les migrants de la commune de Diéoura ont
commencé à acheter de véhicules
transport. C'est un secteur qui n'intéresse pas beaucoup
de gens, car l'achat d'un véhicule demande beaucoup de fonds en France
et au Mali.
c - Du village vers la France :
Il faut dire que ce transfert est peu développé.
Il donne lieu à un commerce qui se développe essentiellement dans
les foyers d'immigrés en France. Les migrants estiment qu'en revenant du
pays, ils ne disposent pas d'assez d'argent pour apporter des marchandises en
quantités importantes. Les migrants peuvent apporter des habits qui
coûtent moins cher au Mali qu'en France: des habits à vocation
culturelle comme le « Bogolan », des grands boubous, quelques kilos
d'arachide, du couscous... Ces derniers produits peuvent être
envoyés par les parents des migrants ou apportés par les migrants
eux-mêmes pour faire des cadeaux aux autres migrants.
d - Les échanges culturels :
Chaque déplacement de personne, chaque communication
occasionne des flux d'informations qui jouent un rôle important dans
l'organisation des réseaux migratoires. La communication avec ceux qui
résident à l'étranger s'est fortement
développée au cours de ces dernières années,
notamment avec l'installation des téléphones satellites dans tous
les villages de la commune. La communication entre les migrants et leur
communauté d'origine, qu'elle soit individuelle ou collective, il y a
lieu de souligner une dimension importante de ces échanges. Dans le
contexte d'un courant migratoire entre deux sociétés
différentes, l'échange d'informations ne peut pas venir seul.
Puisque l'expérience à l'étranger est loin d'être
comparable à celle du village. Les migrants viennent d'une
société purement rurale qui tentent d'intégrer un autre
monde.
Il est facile de reconnaître un migrant qui vient de
France ou d'un autre pays au village. Les migrants qui viennent de France se
font remarquer par leur mode habillement et le français qu'ils parlent.
Il faut dire qu'il n'y a pas de véritable transition entre le village et
Paris, dans la mesure où on a deux sociétés totalement
différentes. En plus de transferts de fonds, ces différents
transferts matériels, immatériels, culturels sont d'une grande
importance pour comprendre la relation entre les migrants et leur lieu
d'origine.10 Il ne peut y avoir de sens à l'étude des
migrations internationales sans prendre en compte l'ensemble de ces
paramètres.
10 - Faret L., 2003, les territoires de la mobilité,
migration et communauté transnationales entre le Mexique et les
États -Unis, Paris, CNRS, 231p.
Un autre aspect plus important de ces échanges culturels
est la diversification de
l'alimentation locale à base de mil. Si dans les
années 1980- 1990 on consommait le riz une fois par semaine,
généralement les vendredis (jour saint pour les musulmans) ou les
lundis (jour de repos des paysans), aujourd'hui le riz au poisson venu du
fleuve est consommé quatre jours sur sept dans « les familles
aisées ». Il en est de même pour la consommation de la
viande.
Tous ces éléments font de l'émigration un
véritable fait de société en milieu soninké.
Chapitre II - Evolution de l'espace villageois sous
l'action des migrants : l'exemple du village de Diéoura
|
1-Les transformations du paysage villageois :
Elles concernent l'étendue du village, son organisation
interne et les modifications de l'habitat. Le village de Diéoura a
retenu notre attention du fait qu'il est le chef-lieu de la commune .Il
connaît une extension importante depuis le début des années
1990.
Nous avons pris cette année comme
référence pour apprécier ces évolutions parce que
c'est à partir de cette date que le nombre d'émigrés du
village de Diéoura à destination de la France s'accroît.
Ces dernières quinze années ont été
décisives dans la transformation de l'espace.
Le village de Diéoura s'étend aujourd'hui sur un
peu plus de deux kilomètres alors qu'en 1990, cette distance ne
dépassait un kilomètre. Nous avons cherché à
comprendre le pourquoi d'une extension aussi rapide. On ne constate pas
d'arrivées importantes dans ce village qui pourraient l'expliquer.
L'ancien maire nous a tout simplement dit que son extension est essentiellement
due à l'action des migrants. Cette information a été
confirmée par nos propres enquêtes de terrain.
a- L'action collective des migrants favorise l'extension
:
Le village est organisé en deux quartiers principaux
(cf. figure1), celui des imams et celui des notables. Le nombre d'habitants
serait de l'ordre de cinq mille deux cents personnes, appartenant toutes
à l'ethnie soninké.
Son extension s'explique d'abord par l'action collective qui
s'est manifestée par la
construction de l'école primaire, le centre
santé et les locaux de la mairie de la commune. Ces infrastructures
collectives sont localisées tout au nord ouest, en bordure du village.
Elles confèrent à ces lieux la physionomie d'un véritable
quartier administratif. En 1989, il était situé à 1
kilomètre des dernières concessions du village et n'était
entouré que par les habitations des enseignants et des agents de
santé. Aujourd'hui, il se trouve à l'intérieur du village,
entouré par de nombreuses concessions des familles qui ont quitté
le centre. En outre, depuis la mise en place de la mairie en 1999, on
s'intéresse de plus en plus à la propreté de ces lieux
publics (place
publique, mairie, école, routes principales), et d'une
manière générale à l'ensemble du village.
Ces investissements sont onéreux et n'étaient pas
à la portée des habitants restés au village sans l'action
des émigrés du village.
b- L'extension de l'espace due aux investissements
immobiliers privés des migrants :
Si, dans les débuts de la migration, les migrants
achetaient des troupeaux de boeufs, aujourd'hui ils sont surtout attirés
par la construction dans le village de Diéoura. Certaines familles qui
en ont les moyens, quittent le centre pour s'installer dans la
périphérie, modifiant l'organisation interne du village. Dans la
majorité des cas, ce sont les migrants qui sont à la base de
cette évolution. On a tendance à avoir une organisation sur
modèle de Chicago. Dans la périphérie, on trouve des
populations << riches » par rapport au centre. Le centre reste
occupé par les familles qui n'ont pas généralement assez
de migrants en France. A Diéoura on a l'impression d'avoir une
organisation plus urbaine que villageoise.
A la question posée : << pourquoi n'avez vous pas
aménagé les anciennes concessions ? », un chef de famille
nous a répondu ceci : << si, aujourd'hui, moi j'ai
décidé de sortir du centre du village, c'est pour la simple
raison que la famille s'agrandit. Plusieurs de nos enfants vont bientôt
se marier et l'ancienne concession est vraiment petite pour nous tous. C'est
également un moyen pour moi de montrer la réussite de nos enfants
qui sont en France et d'encourager d'autres jeunes à faire comme eux.
C'est aussi un souci pour nous, vieux et chefs de familles, de montrer le
prestige de notre village par rapport à d'autres villages environnants
et de démontrer que le développement d'un lieu passe d'abord par
la volonté affichée des ses propres fils. Personne ne peut
contribuer seul au développement d'une localité sans l'action
conjuguée de tout le monde ». Ces propos nous ont beaucoup
impressionné dans la recherche. Dans un milieu complètement
abandonné par l'État, les migrants assument leur rôle dans
les localités d'origine.
L'extension du village n'a pas occasionné de
déplacement du centre politique du village de Diéoura, c'est
à dire du lieu où se tient généralement le conseil
du village, sous la conduite du chef du village. Il ne fait aucun doute
aujourd'hui que le village s'est considérablement étendu de tous
les côtés surtout le Nord - Est vers la route de Noumokolo ( voir
figure1) .
On remarque aussi que la configuration des quartiers
n'obéit plus aux relations sociales traditionnelles entre les
différentes classes (nobles, castes) composant le village. Avant 1990,
on pouvait remarquer deux quartiers principaux et un quarter secondaire qui est
celui des hommes de castes. Ce quartier était situé au centre du
village entre les quartiers des notables et celui des imams.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la10.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la11.png)
c- Les modifications de l'habitat :
La première forme de l'habitat en milieu soninké
est la case ronde avec une toiture en paille. Elle n'exige pas de moyens
financiers. Mais elle est de plus en plus aujourd'hui abandonnée pour
deux raisons principales ; les grandes herbes pour le chaume, sont devenues
rares à cause de la sécheresse et la deuxième raison est
le fait de l'émigration. Ces genres de travaux sont confiés aux
jeunes. Ce sont surtout ces derniers en effet qui vont assurer l'entretien des
maisons en cas de nécessité, car ils sont disponibles pour ces
travaux qui se passent généralement en saison sèche. Ils
préfèrent actuellement construire avec des matériaux
industriels dont l'entretien nécessite moins de travail mais plus chers
à l'achat. Nous touchons là à l'oppression classique des
cadets par les aînés qui s'est accentuée avec les
sécheresses mais qui s'est surtout modifiée dans sa forme depuis
la migration. Compte tenu de toutes ces transformations, on assiste à la
disparition de la case ronde. Si l'on y trouve encore la case ronde à
Diéoura, c'est soit pour la cuisine soit comme lieu de repos du chef de
famille, soit un lieu où se tient le conseil de famille. Elle n'est plus
destinée à la chambre à coucher. La case ronde aujourd'hui
est abandonnée par les migrants.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la12.png)
On s'est orienté vers la construction en terre battue
avec de la paille et une toiture en tôles de forme rectangulaire. C'est
un mode de construction très cher et seuls les migrants peuvent se
permettre. Mais il faut préciser que les premiers exemples de cette
construction ont été mis en place par les migrants qui venaient
de l'Afrique centrale particulièrement ceux de venus de Brazzaville et
de Kinshasa.
Les murs en banco supportent parfois une toiture en
tôle. Certains n'ont cependant pas choisi ou n'ont pas eu les moyens
d'investir en dur. Si ces méthodes de construction ont été
adoptées depuis le début des années 1970, c'est
grâce au supplément de pouvoir d'achat de la migration.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la13.png)
Aujourd'hui, les migrants construisent en ciment comme dans
les grandes villes de Kayes ou de Bamako, avec de bonnes conditions
d'habitation. On trouve aujourd'hui à Diéoura, des
bâtiments de deux étages. Un visiteur, qui arrive à
Diéoura pour la première fois est frappé par les
constructions en ciment, des maisons en tôle, et surtout par la
flamboyante mosquée visible à plusieurs kilomètres. C'est
la modification totale dans l'architecture de l'habitat. Tous ces changements
survenus sont le fait des migrants et peuvent être constatés dans
tous les villages soninkés.
En effet, il semble que ces transformations dans le mode de la
construction obéissent à des raisons sociales : d'une part le
prestige de l'émigré est en jeu, et l'enquête auprès
des anciens migrants indique fréquemment que la maison en dur a
été l'une des premières réalisations de
l'épargne accumulée en France. D'autre part, l'argument
invoqué en faveur des constructions en dur est celui de
l'économie de travail : l'entretien en banco et surtout des toits en
chaume est très prenant.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la14.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la15.png)
2-Comparaison du village de Diéoura avec d'autres
chefs lieux de communes.
Le village de Diéoura est plus «
développé » que le village de Lakamané qui est
pourtant le chef-lieu de l'arrondissement et de Séfeto. La
différence fondamentale entre le village de Diéoura et ces deux
autres villages s'explique par un nombre de migrants supérieur à
Diéoura que dans ces deux villages dont les populations n'ont pas, de ce
fait, de revenus suffisants pour changer l'image de leur village. Le village de
Diéoura est composé essentiellement de Soninkés, une
ethnie dont la caractéristique essentielle est l'émigration. Dans
les cas des autres villages on a des Bambaras (Sefeto), et des Kansonkés
(Lakamané).
Si l'on compare le village de Diéoura à celui de
Lambidou, un autre constat s'impose: Lambidou est un village composé
uniquement par l'ethnie soninké, d'une taille presque comparable
à celle de Diéoura. On y retrouve les mêmes
caractéristiques ethniques et culturelle. (voir tableau n°1). Les
deux villages connaissent une émigration importante vers la France.
Pourtant la physionomie du paysage villageois est bien
différente à Lambidou de celle du village de Diéoura. La
différence entre les migrants du village de Lambidou et de
Diéoura vient du fait que les migrants de Lambidou privilégient
leur village plutôt que Bamako ou une autre ville du Mali. La
majorité des migrants de Lambidou construit d'abord une maison au
village natal ensuite dans la capitale à Bamako ou à Kita. Dans
le village de Diéoura, on assiste au phénomène inverse.
Le mode de construction le plus fréquent depuis longtemps
à Lambidou est la construction en ciment alors qu'est apparue à
Diéoura il y a quelques années seulement ( à partir de
1995). Globalement, on peut retenir que la physionomie du village de
Diéoura a évolué de façon considérable, mais
que ces transformations restent modestes comparativement à certains
villages soninkés. En fait, le village de Diéoura n'est plus le
lieu privilégié des investissements de nombreux migrants.
Chapitre III: Pourtant les villages des ne
bénéficient plus totalement des apports des migrants
Le choix des migrants de l'investissement immobilier dans les
grandes villes est lié à des enjeux divers. Parmi ces derniers on
peut citer le rôle symbolique d'être propriétaire d'une
maison, de se loger avec sa famille, la possibilité d'une
rentabilisation locative et la facilité de gestion des investissements
immobiliers en sens que le montant du loyer et fixe et connu d'avance.
Les investissements immobiliers des migrants de la commune de
Diéoura ont des effets à la fois sur les villages d'origine et
sur les grandes villes.
1-L'argent des migrants favorise l'exode rural et
l'installation des familles en ville:
Dans l'étude de ces migrations, l'un des
phénomènes remarquables tient au fait qu'elles donnent lieu
à d'autres migrations. Dans le cas de la commune de Diéoura,
beaucoup de migrants ont acheté de des terrains dans les grandes villes
principalement à Bamako, Kati et Kita. L'achat de ces terrains s'est
soldé par le déplacement de nombreuses familles vers ces
différentes grandes villes. Il s'agit en effet de femmes, enfants et
parents des émigrés en France ou ailleurs.
Depuis le début des années 1990, de nombreux
émigrés en France construisent des maisons dans les grandes
villes. Ce sont les migrants installés en Afrique qui ont initié
le mouvement. Si, dans un premiers temps, la plupart des maisons construites
étaient destinées à la location, elles accueillent
aujourd'hui les membres de la famille restés au village.
Lorsqu'un migrant installe sa famille à Bamako, il
devient le soutien privilégié de nombreuses personnes. Dans
certains cas, la première maison construite par un migrant du village
dans la capitale reçoit tous les originaires de son village qui ont
besoin de s'y rendre. Il s'agit généralement, de malades qui
viennent se soigner, de candidats à l'émigration qui attendent
l'obtention de leur visa, d'élèves et d'étudiants, de
personnes qui viennent pour prendre contact avec les autres membres de la
famille à l'extérieur du pays, afin d'envoyer de l'argent pour la
résolution d'un problème familial urgent (mariage, impôt,
achat de nourriture, ...), enfin des
personnes qui viennent rendre visite à la famille
installée dans la ville.
C'est pendant la saison sèche que le nombre de
villageois présents dans les grandes villes est le plus grand. Ainsi il
n'est pas rare de voir des familles de 40 à 50 personnes ou plus dans
une maison urbaine.
L'installation dans les grandes villes se traduit par un
accroissement des charges pesant sur les émigrés. Dans ce cas,
l'émigré dont la famille réside à Bamako, ne compte
plus destiner son argent à son village d'origine ; tous ses efforts sont
désormais orientés vers la grande ville. Il en est de même
pour les émigrés vivant en France avec leur famille et qui vont
d'ailleurs privilégier cette dernière sur place.
À la question posée : << pourquoi un
abandon total du village ? », un migrant a répondu : << La
ville est le lieu où l'on peut se soigner facilement, où nos
enfants peuvent aller normalement à l'école et où les
rivalités locales sont rares. Dans la grande ville, on échappe
à la forte pression sociale du village, on a d'avantage de chances
d'intégrer le monde des affaires qu'à la campagne. Il y a
beaucoup d'autres éléments qui entrent en ligne de compte ».
C'est un discours que tiennent de nombreux migrants, surtout des jeunes.
Nous avons remarqué, pendant nos enquêtes,
qu'à chaque retour de migrants vers le Mali, les sommes envoyées
à Bamako par les migrants de France sont supérieures de 3 ou 4 ou
voire même de 5 fois à celles envoyées dans les
différents villages de la commune. Par exemple, lors de notre voyage au
Mali en avril 2004, nous avions emporté 16000 € : 13000 €
étaient destinés aux familles résidant maintenant à
Bamako et à Kati, et 3000€ pour l'ensemble des villages de la
commune. Ce n'est pas le seul exemple ; à chaque départ on
assiste à la même situation. La plupart des jeunes migrants
comptent aujourd'hui construire une maison à Bamako ou à Kati
où ils comptent s'installer plus tard avec leur famille.
En conséquence, les parents restés au village
ont souvent le sentiment d'être rejetés par les migrants. Si on
envoie au moins 150 € par mois à sa famille dans la grande ville,
le chef de famille au village ne reçoit plus de l'argent que deux fois
par an. Il s'agit de contributions à l'achat de la nourriture de base et
au paiement de l'impôt. Certains chefs de famille nous ont même dit
que les migrants dont les familles sont installées dans les grandes
villes contribuent au sous-développement du village d'origine.
Les migrants de la commune de Diéoura sont aujourd'hui
plus engagés dans la construction de maison à Bamako qu'au
village. On a trouvé des maisons bien construites par des migrants
à
Bamako alors que dans leur village, qu'ils n'avaient rien fait
comme investissement majeur en matière de construction.
Dans la commune de Diéoura il existe une importante
variété de situations entre les villages. Dans le village de
Tassara (1015 habitants) de nombreuses familles de migrants se sont
établies en ville, surtout à Kati. Le chef du village de Tassara
nous a affirmé qu'au moins 40 à 50 familles ont quitté son
village pour Kati ces vingt dernières années.
Le petit village de Founto est aussi très marqué
par le déplacement des familles des migrants vers les grandes villes, en
particulier vers Bamako et vers Kita.
Dans le village de Diéoura, c'est un
phénomène récent par rapport aux deux autres. On peut
expliquer cette situation particulière du village de Diéoura par
le fait qu'on a les infrastructures nécessaires. Il s'agit du centre de
santé et de l'école. Les migrants du village de Diéoura
ont longtemps davantage investi dans l'élevage que dans la construction
immobilière dans les grandes villes. Mais l'investissement en ville
prend de plus en plus d'importance également dans ces dernières
années.
Le village de Noumokolo n'est pas trop concerné par ces
déplacements.
L'exception apparaît dans le cas du petit village de
Bambara Madina. Ce village est habité uniquement par l'ethnie Bambara
Madina. Les Bambara ici ont été influencés par les
Soninkés et ils ont émigré. Mais la majorité des
migrants, même ceux qui ont construit à Bamako et à Kati,
sont restés au village pour le moment. Quelques familles seulement sont
installées à Bamako ou à Kati (deux ou trois
familles.).
Dans les villages, les populations sont occupées par
les petits travaux qui leur permettent d'avoir un peu d'argent pour
régler certaines questions. Même si les revenus agricoles sont
insuffisants, ils permettent aux populations villageoises de subvenir à
un certain nombre de besoins sans compter sur la contribution des
émigrés. De plus on remarque que les années où les
récoltes sont bonnes, la demande des villageois devient moins
importante. Dans ce cas les migrants envoient moins d'argent au village.
Par contre dans la grande ville, les gens sont rarement
occupés et comptent sur l'argent qu'envoient les migrants. Leur
dépendance vis-à-vis des revenus des migrants ne fait que
croître. Dans les villes, qu'il pleuve ou pas, il faut à chaque
fin de mois, envoyer de l'argent pour les besoins alimentaires, de
santé, les frais de scolarité pour les enfants.
Ces migrations détournent l'action des migrants à
destinations des villages d'origine et
compromettent dangereusement l'avenir de ces derniers.
2- L'argent des migrants contribue à l'extension
d'agglomérations urbaines à Bamako et Kati
A Bamako, les migrants de la commune de Diéoura
s'installent dans les quartiers de Djikoroni Para, de Sebenikoro, de Kalancoro
et de Kalanbancoura. Les quartiers de Djikoroni Para et de Sebenikoro sont les
plus concernés. Plus de 40 maisons ont été construites par
les ressortissants de la commune de Diéoura dans le quartier de
Sebenikoro et plus de 15 maisons dans le quartier de Djikoroni Para. Les
premiers migrants ont construit à Djikoroni Para, ce qui conduit
d'autres à acheter des terrains à Djikoroni et à
Sebenikoro. Précisons que ces deux quartiers sont contiguës. Les
parcelles de 25 m X 15 m sont moins chères dans ces quartiers que dans
les quartiers centraux de Bamako.
Selon un responsable de la mairie de Sebenikoro, les
ressortissants de la commune de Diéoura sont parmi les populations qui
achètent le plus de terrains dans leur commune depuis 1990.
D'après lui, les maisons construites dans son quartier appartiennent en
général à des Soninkés et plus
particulièrement à ceux qui sont en France. Le quartier de
Sebenikoro connaît une extension très rapide aujourd'hui par
rapport aux autres quartiers limitrophes comme Djikoroni Para à l'est et
Kalambabougou à l'ouest, situé un peu plus loin par rapport au
centreville de Bamako.
Dans la ville de Kati, le même phénomène
d'extension rapide est observé. Mais précisons là qu'il
concerne surtout les ressortissants du village de Tassara.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la16.png)
a- Une augmentation considérable du prix du
terrain:
L'achat de terrains dans les villes de Kati et de Bamako par
les Soninkés en général et en particulier par les
émigrés, s'est soldé par une augmentation spectaculaire du
prix du foncier .En plus de l'action des soninkés, précisons que
le secteur immobilier constitue aujourd'hui le premier secteur d'investissement
des personnes « aisées » au Mali.
Si en 1989, on achetait un terrain de 25m X 15m à moins
de 1400 € à Sebenikoro, il faut dire aujourd'hui que le prix moyen
est de 6100 € soit 3.000 000 F CFA. Les vendeurs de terrains savent faire
la différence entre un migrant qu'on suppose avoir beaucoup d'argent, et
une
personne installée à Bamako depuis un certain
temps. Dès que l'on remarque que l'acheteur est Soninké et vient
de France, on lui vend plus cher qu'à celui qui connaît les lois
du marché.
En résumé, retenons qu'il n'y a pas de prix fixe
pour les terrains. Le prix dépendra surtout de la capacité de
marchander de chacun et, en général, les migrants ne sont pas en
l'aise dans ces types de négociations.
b- Difficultés d'aménagement pour les
pouvoirs publics:
Ces nouveaux quartiers périphériques doivent
être aménagés. Les pouvoirs publics n'ont pas souvent les
moyens de satisfaire la demande de la population dans ce domaine. Il s'agit par
exemple d'installer ici une borne- fontaine dans les lieux où les
maisons n'ont pas accès à l'eau potable ; il en est de même
pour l'électrification de ces lieux, la construction des centres de
santé et d'écoles, le creusement des canaux d'évacuation
d'eau.
En effet, on peut dire sans risque de nous tromper qu'à
la longue, beaucoup des migrants abandonneront les lieux d'origine pour les
grandes villes. Ce phénomène d'abandon n'est pas une
spécificité à la commue de Diéoura mais à
toutes les localités à fort taux d'émigration.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la17.png)
Tableau 6 : taux d'émigration
estimé dans la commune de Diéoura
Villages
|
Taux d'émigration
|
Diéoura
|
30%
|
Tassara
|
40%
|
Niankan
|
25%
|
Founto
|
50%
|
Noumokolo
|
10%
|
Madina- Bambara
|
6%
|
Foulanguédou
|
7%
|
B. Keita
Chapitre IV : Une migration qui finance des conflits
locaux :
La communauté Soninké est l'une des
communautés les plus structurées du Mali. Cette communauté
est caractérisée par une organisation sociale très rigide,
un régime de gérontocratie, c'est-à-dire le pouvoir des
anciens. Toute idée opposée à celle des personnes
âgées est considérée comme un délit. Ainsi
dans le village, le chef du village a un pouvoir absolu. Il est aidé
dans l'exercice de ses fonctions par ses conseillers qui sont les notables du
village.
Il faut reconnaître que tous les villages Soninkés
connaissent des conflits locaux au sein desquels les migrants ont leur part.
1- Organisation sociale en milieu soninké
:
Dans le village, l'organisation sociale est composée de
trois classes essentielles:
- Le chef de village et ses conseillers (les
notables):
Cette classe constitue le sommet de la hiérarchie en
milieu soninké. Pour devenir le chef de village, il faut être
membre d'une famille fondatrice du village. Toutes les terres appartiennent
au
chef du village et à son clan.
- Les hommes libres :
Il s'agit là d'une classe composée de gens qui
sont venus après l'installation des premiers habitants. On les
considère comme des « étrangers » dans le village
même s'ils sont là depuis des siècles. Mais parmi les
hommes libres, certains sont plus importants que d'autres. Par exemple, les
familles Boumé et Diaby qui sont les imams. Ces familles dirigent les
activités religieuses dans la commune de Diéoura mais ne
deviennent pas chefs de village. D'autres n'ont presque aucun rôle
à jouer dans vie sociale.
- les hommes de castes :
Il s'agit là des forgerons, des griots, des cordonniers
et des esclaves. Ils sont chargés de l'organisation des activités
dans le village (les cérémonies de mariage, de baptême, les
cérémonies funèbres et les manifestations artistiques
pendant les fêtes). Dans cette classe, le griot joue le rôle le
plus important, dans la mesure où c'est celui qui détient
l'histoire du peuple et des familles sans laquelle on ne peut donner une
véritable orientation à l'avenir. Car l'histoire du peuple permet
de savoir le passé, de comprendre le présent et de
préparer l'avenir et de maintenir la hierachie sociale.
Nous avons jugé nécessaire de rappeler
l'organisation sociale pour permettre aux lecteurs de savoir comment ces
acteurs agissent sur l'espace, notre domaine privilégié en
géographie. Sinon c'est un véritable métier de sociologue
ou d'anthropologue.
Dans la société chacun doit remplir son rôle
pour la stabilité locale.
2- Comment est intervenu le conflit à
Diéoura et l'implication des migrants :
La fin des années 1980 constitue le début de
l'organisation des migrants pour la réalisation d'infrastructures
collectives. Ce fut donc un moment décisif dans le mouvement associatif
des migrants en France.
Nous avons rappelé plus haut que ce sont les migrants
de la commune de Diéoura en France et au Gabon qui ont financé la
construction de la grande mosquée à hauteur de 300.000 FF en
1988. La mosquée a ouvert ses portes en 1990.
La question la plus sensible dans la commune de Diéoura
est le conflit qui oppose le chef du village et ses conseillers à
quelques personnes se déclarant « Sunnites » depuis 1990
bien
avant la création de la commune. Ce conflit a connu des
moments durs pour les deux camps avec l'implication de l'administration dans la
gestion de cette crise locale. Le maire, élu contre la volonté
des anciens en 1999 a tenté de résoudre cette crise par un coup
de force à moins de deux mois des élections communales de 2004 le
maire est apparu comme un véritable protecteur des « Sunnites
» : Cette attitude lui coûta sa défaite aux élections
sans parvenir à une solution de la crise. Les migrants en France se sont
tous mobilisés pour un changement du maire.
Deux ans après l'inauguration, un petit nombre de
personnes demande à construire une nouvelle mosquée. Ces quelques
personnes se déclarent « Sunnites ». Le chef du village de
l'époque et ses conseillers acceptèrent la construction de cette
mosquée. Ces personnes qui se déclarent « Sunnites »
sont toutes des migrants émigrées en France. Elles ont
financé la construction de leur mosquée. Les chefs du village
à Diéoura et en France ont donné leur accord pour sa
construction à une seule condition : que le vendredi, qui est un jour
Saint de l'Islam, tous les habitants du village « Sunnites » et
« traditionalistes » se retrouvent dans la grande mosquée pour
faire la prière. Les deux parties avaient conclu cet accord.
Après la fin des travaux, la mosquée « Sunnites »
nouvellement inaugurée, commence à attirer d'avantage les gens
que la grande mosquée. De plus, dès le premier vendredi de
l'ouverture, les « Sunnites » et leurs partisans font leur
prière du vendredi dans leur mosquée. Le chef du village et ses
conseillers, ont vite avisé le sous-préfet de Lakamané
pour prendre des dispositions afin d'éviter des affrontements entre les
deux parties. Le sous-préfet à l'époque a ainsi interdit
aux « Sunnites » de prier dans leur mosquée jusqu'à
nouvel ordre.
L'attitude des « Sunnites » a été
considérée comme une grande atteinte à l'autorité
du chef du village de Diéoura. Malgré la décision du
sous-préfet de fermer à titre provisoire la nouvelle
mosquée, les « Sunnites » ont continué à y prier
et le vendredi suivant devint une journée décisive dans
l'évolution de la crise locale.
Un seul des « sunnites » avait pris la
décision de faire la prière du vendredi dans sa mosquée
quelles qu'en fussent les conséquences, ce qui a conduit le chef du
village à convoquer un conseil extraordinaire avec les notables du
village pour étudier la suite qu'il fallait donner à cette
action. La décision fut d'évacuer la seule personne de la
mosquée et de procéder à sa destruction totale
immédiatement. Ainsi prise, la décision a été
appliquée dans les minutes qui ont suivi. Sans attendre l'arrivée
des forces de sécurité, on arrêta toutes les personnes se
déclarant « Sunnites » et on les attacha chez le chef du
village.
Ces événements se déroulèrent en
avril 1992.
Depuis ce jour, le village de Diéoura se trouve dans
une crise très profonde. Les « Sunnites » ont
été bannis du village et leurs familles ont été
interdites de fréquentation des boutiques, des puits, bref de tous les
services sociaux du village.
On s'engagea dans un processus juridique qui ne prit fin qu'en
juillet 2004.Les migrants se sont mobilisés depuis la France pour
prendre des avocats afin d'assurer la défense du chef du village et des
notables. De l'autre côté, on a assisté au même
phénomène.
Malgré le changement survenu au Mali le 26 mars 1991
qui a vu la chute du pouvoir dictatorial et corrompu de Moussa Traoré,
signalons que la justice malienne reste toujours corrompue. Le dossier a
épuisé plusieurs juges et jamais la justice définitive n'a
été dite.
Pendant ces dix dernières années, les migrants de
la commune de Diéoura se sont surtout engagés dans ce conflit
plutôt que de s'intéresser à des actions de
développement.
Tous les migrants payaient la cotisation obligatoirement ou
ils étaient interdits d'aller au village de Diéoura. Pour la
construction de la grande mosquée, chaque migrant avait payé 305
€, puis 530€ pour la construction du centre de santé.
Cependant pour ce conflit, chaque migrant en 1994 a payé plus de
1300€.
Au moment où les autres villages se mobilisaient pour
favoriser le développement de leur lieu d'origine, les migrants de la
commune de Diéoura s'épuisaient dans ce conflit qui a
freiné les actions de développement.
Si dans le cercle de Yelimané, on a des
réalisations d'un coût supérieur à milliard de
francs Cfa, dans la commune de Diéoura aucune réalisation des n'a
atteint à présent 70 millions de francs Cfa. Monsieur Camara nous
a affirmé, lors de nos entretiens que c'était le chantier
principal des ressortissants de son village. En tant que représentant
légal du chef du village en France, il a reconnu que ce conflit est
l'élément qui a le plus entravé le développement de
la commune de Diéoura. Le chef du village de Diéoura et
l'ex-maire de la commune tiennent le même discours. De façon
beaucoup plus générale, l'ensemble des migrants reconnaissent que
ce conflit a été un élément dangereux pour la
mobilisation des uns et des autres pour le développement des lieux
d'origine.
Pourtant, dans ce conflit, certaines personnes ont
adopté une position centriste. Ils ne participaient ni aux cotisations
du village ni à celles des « Sunnites ». Il s'agissait des
gens dont la famille était installée dans les grandes villes
notamment Kita, Kati ou Bamako, donc des gens
qui avaient d'autres cibles au Mali que le village de
Diéoura.
Le conflit a pris un caractère politique en 2004, lors
des élections municipales comme nous l'avons évoqué plus
haut. L'ex-maire s'est porté comme étant le «
défenseur des plus faibles » selon ses propres propos, c'est dire
les « Sunnites » du village. Il a tenté de résoudre le
conflit en faisant intervenir les forces de l'ordre pour arrêter tous les
notables du village qui étaient opposés au retour des «
Sunnites » dans le village. Ces notables ont été
emprisonnés pendant près de deux mois (mars, avril, 2004) sans
procès, et le mois qui suivait leur sortie de prison a été
consacré à l'organisation des élections. Ce conflit a
été le thème principal des discussions pendant la campagne
électorale. L'arrestation des notables du village par l'ex-maire a
provoqué l'indignation totale au sein de la population de la commune de
Diéoura.
Depuis la France, des migrants ont envoyé de l'argent
pour financer la campagne d'un nouveau candidat. C'est-à-dire celui des
notables. La position adoptée par l'ex-maire dans la résolution
de la crise s'est soldée par sa défaite aux élections.
Globalement, les cinq ans passés (1999- 2004) à
la tête de la commune de Diéoura ont été
caractérisés par une opposition farouche entre le maire et les
notables du village. Aucune action de développement n'a
été réalisée. Cette position du maire a
entraîné une fois de plus la méfiance des migrants
vis-à-vis des dirigeants locaux.
Si l'on sait que désormais le territoire doit
être géré par le maire et les notables à la fois, il
faut donc que les relations entre ces acteurs soient des relations de
complémentarité et non de rivalité.
Le pouvoir des notables dans tous les villages est un
élément important à prendre en compte. C'est un
système que même les hautes autorités politiques du Mali
ont en tout cas pris en compte dans l'exercice de leurs fonctions.
Juridiquement, toutes les terres appartiennent à
l'État. Mais il faut dire là que c'est un discours
théorique. Le village appartient aux familles fondatrices dans les
faits. C'est un point de vue qu'a surtout encouragé l'ancien
Président du Mali Alpha Omar Konaré (1992 - 2002). Ce n'est pas
par hasard qu'il a nommé Monsieur Karamoko Niaré comme gouverneur
du district de Bamako en 1994. Les Niaré sont ceux qui ont fondé
la ville de Bamako avec les Touré.
En effet, les fondateurs du village ont plus de
privilèges que les autres habitants. En 2001, par exemple l'État
malien y a installé des antennes téléphoniques dans
beaucoup de localités. Le téléphone a été
installé chez le chef du village de Diéoura. Pourtant le maire
était investi depuis
1999 et la mairie de Diéoura n'a pas toujours de
téléphone. Tous ces éléments pour montrer le poids
des notables dans la gestion du territoire.
L'objectif à atteindre ici n'est pas de narrer ce
conflit, mais surtout de voir comment ces différents acteurs agissent
pour gérer le territoire. Dans la gestion du territoire, les migrants
ont un rôle capital à jouer dans la mesure où ils sont les
principaux acteurs économiques du développement grâce
à leurs apports.
En l'occurrence, le conflit entre le chef du village et les
« Sunnites » a mobilisé les fonds de tous les migrants de la
commune de Diéoura. Comme nous l'avons dit, excepté Tassara, tous
les autres villages étaient rattachés dans les faits au village
de Diéoura, avant même le processus de décentralisation.
Des relations existaient déjà donc entre eux. Il s'agit
maintenant d'améliorer pour assurer le décollage
économique de la commune.
Ce conflit a été en effet l'événement
majeur qui a caractérisé le village ou la commune de
Diéoura depuis plus de dix ans.
Le conflit aujourd'hui est en cours de règlement;
craignant de voir une situation semblable s'installer dans la commune de
Yéréré (cercle de Nioro du Sahel), les autorités
maliennes se sont engagées tout récemment pour qu'il ait une paix
sociale et durable dans la commune. AYéréré, dans le
cercle de Nioro du Sahel un conflit de même nature a donné lieu
à des affrontements meurtriers en septembre 2003. Il y aurait eu au
total dix morts dont neuf étaient « Sunnites » et un
représentant du chef du village.
En tout cas à Diéoura, aujourd'hui on parle
d'une réconciliation, même si elle est fragile. Le chef du village
et ses conseillers ont accepté le retour des « Sunnites » au
village de Diéoura et la construction de leur mosquée
après l'intervention de Monsieur Mamadou dit Madibarou Diaby, ( un homme
politique au Mali. Son parti est la 2e force politique dans la
commune de Diéoura et aussi Soninké) et de Sadio Gassama actuel
Ministre de l'intérieur du Mali, (Soninké lui aussi et originaire
de la région).Ces deux hommes se sont adressés au chefs du
village de Diéoura, non du haut de leurs fonctions politiques mais
plutôt comme parents aux deux côtés.
Depuis le déclenchement de la crise, il n'y a jamais eu
une telle médiation qui peut être considérée comme
la vraie solution : l'établissement de la paix sociale dans le village
de Diéoura. Toutes les démarches et négociations au Mali
ont été suivies avec un grand intérêt en France par
la majorité des migrants de la commune.
On peut donc probablement s'attendre maintenant une
rémobilisation des migrants pour l
réalisation de nombreux projets dans la commune de
Diéoura.
Chapitre V : Les effets sociodémographiques des
migrations dans la commune de Diéoura
1- La commune de Diéoura: un véritable
pôle d'attraction pour les ouvriers agricoles :
L'un des phénomènes majeurs dus aux fonds des
émigrés est la forte attraction de la commune à
l'égard des ouvriers agricoles. Mais c'est le village de Diéoura
qui attire le plus grand nombre d'ouvriers. Le village de Diéoura a le
plus grand nombre de migrants par rapport aux autres villages de la commune et
c'est aussi que la plus forte (plus grand nombre de populations).
Pendant notre phase de terrain, nous avons remarqué
à Diéoura que dans plusieurs familles, il y avait des ouvriers
agricoles. Dans plusieurs cas, ce sont les émigrés de la famille
qui envoient les salaires de ces ouvriers à la fin des récoltes.
Ces ouvriers aident les chefs de famille à cultiver les champs de mil et
les champs d'arachide des femmes. Avec le départ des jeunes, ces
ouvriers sont considérés comme leurs remplaçants. Dans
certaines familles, on trouve seulement les personnes âgées, les
enfants, les femmes et les ouvriers.
Parmi ces ouvriers on a des saisonniers et certains finissent
par s'installer définitivement dans le village .Nous avons
remarqué que ceux qui viennent sont jeunes et ne sont pas
Soninkés. Ce sont en général des jeunes des communes comme
Sefeto, des cercles Kita, Bafoulabé et parfois de Koulikoro, mais en
majorité ils viennent de l'intérieur de la région de
Kayes. Ils viennent de zones qui ne connaissent pas la forte migration vers
l'extérieur du pays. C'est le cercle de Kita qui envoie plus de
travailleurs agricoles dans la commune de Diéoura. Le facteur
déterminant ici est la distance qui relie la commune Diéoura et
le cercle de Kita.
Les habitants de Diéoura ont davantage de relations
avec le cercle de Kita qu'avec ceux de Bafoulabé. Ces flux
dépendent surtout de la distance géographique c`est à dire
la proximité entre le cercle de Kita et la commune de Diéoura.
Les flux des travailleurs agricoles ont des conséquences souvent
dangereuses pour les populations. On assiste de plus en plus à la
montée
de la criminalité notamment des vols et des viols.
Dans une zone complètement vidée de ses bras
valides, ce sont les ouvriers agricoles (originaires d'autres communes) qui
font la loi.
Ces migrations vers la commune de Diéoura donnent aussi
lieu à des changements culturels importants. De nombreux jeunes de
Diéoura nous ont affirmé qu'ils ont maîtrisé
aujourd'hui le bambara grâce aux travailleurs agricoles. Les ethnies qui
viennent travailler dans la commune de Diéoura sont en majorité
des Malinkés ou Kansonkés. Une autre ethnie était
présente depuis longtemps, il s'agit des Peuhls. Mais le conflit entre
les éleveurs (Peuhls) et les agriculteurs (Soninkés et Bambara)
en 1998 a contribué à un abandon de la commune de Diéoura
par les Peuhls. Les Peuhls étaient chargés de conduire les
troupeaux pendant la saison des pluies. Donc tous ceux qui possédaient
de nombreux animaux recrutaient des Peuhls pour la surveillance de leurs
animaux. Là encore, on a remarqué que les troupeaux de boeufs
appartenaient à des migrants, mais beaucoup plus anciens car
actuellement les jeunes investissent surtout dans l'immobilier à
Bamako.
La commune de Diéoura, depuis fort longtemps attire les
Maures qui viennent de la frontière entre le Mali et la Mauritanie avec
leurs troupeaux pendant la saison sèche. Mais, disons là que les
flux des Maures n'ont pas de lien direct avec les migrants ; la raison
avancée ici est la richesse des pâturages de la commune de
Diéoura que dans la zone frontalière. Les Maures et les Peuhls
amènent avec eux dans la commune des épidémies qui peuvent
conduire à la mort de plusieurs animaux. Les flux en direction de la
commune de Diéoura sont en effet essentiellement nationaux sauf en ce
qui concernent les Maures qui peuvent venir de Mauritanie.
Si la migration procure aux populations un certain «
développement » il faut dire qu'elle a aussi des
inconvénients dramatiques pour les lieux de départ. Plus loin, on
développera les inconvénients liés à cette
migration.
L'envoi des fonds issus de la migration des ressortissants
reste en tout cas le facteur déterminant pour expliquer les flux des
ouvriers agricoles vers la commune de Diéoura. La présence des
ouvriers agricoles dans les lieux qui envoient beaucoup de migrants en France
n'est pas une spécificité de la commune de Diéoura. Dans
la commune de Lambidou (Soninké) et de Fatao, c'est le même
phénomène mais là dans le cercle (département) de
Diéma, c'est la commune de Lambidou qui attire le plus grand nombre
d'ouvriers. Cela est dû à sa position de carrefour, par rapport
à d'autres communes du cercle de Diéma, et aussi au fait que les
migrants
sont beaucoup actifs dans le village de Lambidou que nulle part
ailleurs au Mali contrairement aux migrants de la commune de Diéoura.
2- Les conséquences démographiques
:
Dans les études des migrations des Soninkés, on
a beaucoup sous-estimé les effets négatifs. Pourtant ils sont
nombreux et contribuent à la structuration de l'espace. Parmi les
conséquences négatives, il faut distinguer en tout premier les
effets démographiques. Le départ des bras valides constitue un
danger majeur pour les lieux de départ. On a remarqué que dans
tous les lieux étudiés, on rencontre surtout des petits-enfants,
des vieilles personnes et les femmes. Tous les jeunes entre 15 et 35 ans sont
partis dans d'autres lieux. Dans nos entretiens avec les chefs de familles,
c'est le problème numéro un qu'ils ont évoqué.
L'attraction de la commune exercée sur ruraux d'autres communes a des
effets négatifs très dangereux pour les populations. Il s'agit de
la montée de la criminalité en particulier.
Comme nous l'avons évoqué
précédemment, dans la commune de Diéoura, l'arrivée
des ruraux est considérée comme une solution pour palier le
manque de bras valides. Il faut en effet dire que les ruraux ne peuvent pas
combler le vide laissé par les migrants.
- La baisse générale de la
fécondité :
Un autre phénomène observé par les
migrations est celui de la baisse la fécondité. Dans la religion
musulmane, avoir beaucoup d'enfants est un signe de bénédiction.
Compte tenu de nombreux problèmes des migrants en France dus notamment
à leur situation administrative (vivre sans papiers), les migrants ne
peuvent se permettre d'aller régulièrement au pays et d'y vivre
avec leurs épouses. Dans le contexte de la politique française
actuelle en matière d'immigration, un migrant « sans-papiers »
peut être obligé de rester cinq ou six ans sans sortir du
territoire français car il sait qu'en sortant, il ne lui sera pas facile
de revenir sans titre de séjour. Pour être
régularisé actuellement en France, il faut au moins dix ans de
présence sur le territoire français. Ces nombreuses années
d'absence ont sans doute des conséquences sur le taux de natalité
des lieux de départ. De nombreux migrants et des femmes nous ont fait
part de leur souci à ce sujet. Les migrants en situation
régulière, la durée moyenne du séjour en France est
de deux ans. Ce sont eux, qui vont en général tous les deux ans
et pour une période de deux à trois mois au pays, d'après
les résultats de nos enquêtes auprès des migrants en
France.
Dans certains cas, des migrants regrettent d'avoir
passé toute leur vie en France et avoir été
séparés de leurs épouses. Les migrants Soninkés en
général ont plus d'une femme (deux, ou trois ou même plus).
On remarque que les non migrants qui vivent avec leurs femmes ont un nombre
d'enfants plus important que les migrants. Ces longues années d'absence
peuvent souvent amener certaines femmes à vivre clandestinement avec
d'autres hommes. On assiste alors à la naissance d'enfants << non
désirés ». La naissance de ces enfants << non
désirés » donne lieu, dans la plupart des cas, à des
divorces. Il a été difficile pour nous de poser cette question
aux migrants qui ont divorcé sur la raison principale de leur
séparation.
3- Effets sur l'éducation des enfants
:
Le développement de tout le pays dépend de la
qualité de son système éducatif. La commune de
Diéoura est l'une des communes qui connaissent les taux de
scolarité les plus faibles du cercle de Diéma. La volonté
affichée par les autorités maliennes depuis 1992, dans le domaine
de la formation des enfants, n'est pas encore une réalité dans
cette commune. L'école fondamentale (primaire) de Diéoura a
été créée en 1977 et l'on compte aujourd'hui moins
de dix diplômés originaires de la commune. La migration est le
principal facteur qui conduit les jeunes à abandonner très
tôt l'école. Nous avons cherché à comprendre
auprès des migrants et des chefs de famille pourquoi ils
n'encourageaient pas les jeunes à poursuivre les études. Nos
interlocuteurs
nous ont déclaré que les études au Mali
n'avaient pas de valeur significative dans la mesure oüon sait
qu'un ouvrier en France gagne 4 à 5 fois le salaire d'un cadre malien.
La majorité des
jeunes abandonne l'école avant la cinquième
année (CM1).
Précisons également que l'école fondamentale
de Diéoura était la seule école de la commune jusqu'en
octobre 2002, date à laquelle le village de Tassara a ouvert la
sienne.
Le taux fréquentation de ces écoles aujourd'hui
serait de 40 % selon l'ex-maire de la commune, au même niveau avec les
medersas ou les écoles coraniques.
De plus en plus, les migrants encouragent leurs enfants
à poursuivre des études plus longues car la maîtrise du
français est un atout important pour un candidat à
l'émigration en France. Les migrants ont également compris que la
meilleure façon de s'intégrer en France est la maîtrise du
français.
S'il est aujourd'hui clair qu'il y a de nombreux
étudiants maliens en France, il faut cependant préciser qu'il y a
moins d'étudiants Soninkés parmi eux. L'ethnie Soninké est
en effet la moins
alphabétisée du Mali.
La pratique de la migration vers la France a conduit les
autres ethnies maliennes à dire que si l'on va en France, il faut
maîtriser deux langues : le Soninké, et le français. Les
Soninkés sont attirés par la France plus que par toute autre
destination.
4 - Les transformations sociales:
Les rapports familiaux se sont transformés, en ce sens
que celui qui vit et travaille en France est plus valorisé que les
autres. On lui accordera volontiers la main d'une jeune fille qu'un pauvre
paysan resté au village.
Désormais, la coopérative
céréalière est devenue le grenier de chaque maison, et ce
sont les migrants qui remplissent les greniers, plus que les récoltes
des grands champs de la famille cultivés jadis sous l'autorité du
chef de famille. Ce pouvoir qu'a le cadet émigré de passer la
commande à la coopérative à partir de Paris,
accélère les mutations dans les rapports cadets -
aînés. On peut même affirmer que la migration contribue
à la transformation des bases culturelles de la société
Soninké.
Dans la famille, le pouvoir de l'émigré peut
être compris en observant ses épouses et à ses enfants de
celles ou ceux des non migrants. Retenons également que l'on assiste
à l'éclatement de la grande famille Soninké et au
développement de comportements de plus en plus individuels chez les
migrants.
Un autre aspect beaucoup plus fréquent aujourd'hui chez
les migrants Soninkés : le changement des rapports entre le maître
et son esclave. L'esclavage a été officiellement aboli au Mali
après l'indépendance (1960), mais dans les sociétés
Soninkés, c'est une pratique qui existe encore. Le maître comme
son esclave sont devenus des ouvriers en France. Il arrive même que
l'esclave coiffe son maître dans l'entreprise. Ils ne tissent donc plus
les mêmes relations qu'au village. Cet état de fait conduit
à des tensions souvent très vives dans la société.
Les esclaves
affranchis ou non par leurs maîtres considèrent
désormais qu'ils ont le même statut social et politique d'onc
qu'ils doivent jouer les mêmes rôles au niveau social, aussi bien
en France que dans le village.
Les conflits locaux, par exemple de nature religieuse, comme
que nous avons largement évoqué par le cas de la commune de
Diéoura, ne sont alimentés que par les fonds des migrants en
France.
Ces différentes transformations contribuent de plus en
plus à l'éclatement de la société
Soninké.
5 - D'importants espaces agricoles sont
délaissés :
Une analyse des espaces agricoles montre une régression
des surfaces cultivées dans les villages d'origine des migrants.
L'argent des migrants intervient surtout pour le paiement des ouvriers
agricoles et ne favorise pas la modernisation de l'agriculture.
Les migrants en général retournent au pays
pendant la saison sèche après les récoltes, surtout en
janvier, février mars, mai. Ces paysans devenus ouvriers en France n'ont
plus besoin de se fatiguer dans les travaux champêtres. Les migrants nous
ont surtout affirmé qu'un mois de salaire en France vaut mieux que
l'ensemble de la récolte de tous les membres de la famille. Avec un mois
de salaire on peut nourrir toute la famille pendant toute une année
entière. La baisse de production agricole et artisanale a conduit
à réduire le prestige lié au statut de bon paysan.
L'émigration crée de la dépendance des lieux
d'origine vis-à-vis des revenus des émigrés. Cette
dépendance aux revenus de la migration accélère la
désaffection pour l'agriculture.
On remarque chez les non migrants une sorte de paresse, un
manque d'initiative qui les conduisent à ne plus s'impliquer dans les
travaux du milieu rural notamment les travaux champêtres. Les migrations
contribuent à réduire considérablement le volume de la
production agricole en milieu soninké.
En plus de cette dégradation de l'agriculture, on
assiste à un accroissement de la consommation des produits vivriers
importés ; l'économie se fonde de moins en moins sur la
production locale pour devenir dépendante de l'extérieur. La
production agricole devient de plus en plus marginale.
Les difficiles conditions climatiques ont été
toujours considérées comme l'élément majeur dans la
baisse de la production agricole dans le Sahel. Mais aujourd'hui, en milieu
Soninké, c'est surtout l'émigration qui conduit à la
baisse de la production agricole.
Les migrants interviennent beaucoup plus dans le commerce que
dans l'agriculture. Ils n'achètent des charrues que pour la culture de
quelques hectares par famille. Cette baisse de la production a pour
conséquence l'augmentation des prix des produits alimentaires,
multipliant ainsi les charges de l'émigré.
Globalement la production agricole baisse, même si les
conditions climatiques sont bonnes du fait des migrations et l'agriculture se
trouve dans une véritable l'impasse.
TROISIEME PARTIE :
LES MIGRANTS ET LE PROCESSUS DE
DECENTRALISATION : LIMITES ET PERSPECTIVES
|
Chapitre I : Quelques rappels historiques et
contextuels de la décentralisation au Mali:
1-Un bref aperçu sur la mise en place de la
décentralisation au Mali :
La décentralisation vient au Mali avec le changement de
régime politique survenu en mars 1991 suite en une insurrection
populaire qui met ainsi fin à 23 ans de régime dictatorial et
corrompu du Général Moussa Traoré.
En 1992, après une période de transition durant
laquelle le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré (A.T.T.), a
dirigé le pays à la tête du Comité de Transition
pour le Salut du peuple (C.T.S.P.), les premières élections
pluralistes ont été organisées. C'est le candidat de
l'Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA), Alpha Omar Konaré
qui a remporté ces élections.
La décentralisation est devenue le premier et le plus
grand chantier du nouveau gouvernement De nombreux outils ont été
crées par l'État pour lancer le processus de la
décentralisation. Nous avons par exemple la mission de
décentralisation, des émissions sur les radios rurales et la
radio nationale, des équipes locales de la mission de
décentralisation ont également vu le jour et même un
Ministère de la Décentralisation et Collectivités
Territoriale a été créé pour l'occasion.
Plusieurs textes de loi définissent les fonctions des
communes aujourd'hui en activité. On peut citer notamment :
- La loi n°93 - 008 qui détermine « les
conditions de l'administration des collectivités territoriales en
République du Mali ».
Le découpage communal a été effectif en
1997. Celui-ci a abouti au regroupement de plusieurs villages en communes,
selon des critères de viabilité économique, d'entente
sociale et de démographie proposés par l'État. Le
territoire national a été découpé en 703
communes.
Les premières élections municipales ont eu lieu en
1999.
Les communes se retrouvent aujourd'hui responsables du
développement de leur territoire.
La loi de décentralisation doit permettre aux
collectivités locales de s'impliquer pleinement dans les secteurs qui
concernent directement les populations locales, à savoir
l'éducation, l'alphabétisation, la santé, la gestion des
infrastructures, d'intérêt local (dont les adductions d'eau,
l'environnement.....) en étant tantôt initiatrices, tantôt
décisionnaires, les communes se trouvent au coeur des rapports entre les
acteurs qui oeuvrent pour le développement. Mais les
collectivités locales restent encore démunies en moyens humains,
matériels, et financiers. De ce fait, elles ne peuvent pas honorer leurs
responsabilités sans associer pleinement les partenaires qui oeuvrent
sur leurs propres territoires.Tous les acteurs y compris les associations des
migrants, doivent, si possible, travailler ensemble dans un même objectif
afin d'économiser les ressources disponibles et créer des
synergies.
Donc l'action des migrants soninkés s'exerce
aujourd'hui à la fois à l'échelle de leur famille, des
villages d'origine et de la commune depuis la reforme de la
décentralisation. La décentralisation était
revendiquée depuis plusieurs années par les ressortissants et la
voir aujourd'hui à l'oeuvre est pour eux, la preuve que l'État ne
veut ou ne peut pas planifier et conduire au développement. En ce sens
que les populations des zones rurales sont abandonnées par les
autorités politiques. Si l'Etat intervient c'est pour la
récupération des impôts. La construction des écoles,
des centres de santé, et l'accès à l'eau potable sont les
domaines prioritaires relevant des compétences de l'Etat.
Généralement en Afrique les autorités politiques
s'occupent surtout des zones urbaines, car les contestations politiques
viennent d'elles.
De nouvelles formes de communication et de collaboration
doivent émerger entre associations villageoises des migrants, d'une part
et les acteurs locaux, dont notamment les communes d'autre part.
Les migrants ne cherchent pas à se positionner
ouvertement comme concurrents aux collectivités locales. L'Etat malien a
exprimé sa volonté d'associer les migrants au processus de
décentralisation. Des mesures régulières d'informations
étés menées auprès des ressortissants pour faire
connaître les fondements de la politique de
décentralisation.11
A propos de la décentralisation l'ancien, Président
du Mali, Alpha Omar Konaré disait:
« Il ne saurait y avoir de meilleur avocat que les
populations elles mêmes pour déterminer les
11 -Stéphanie .Lima, 1998.
priorités et gérer leur cause
>>.12
Il s'agit en effet de définir des nouvelles
entités territoriales, de tenir compte des besoins, des ressources et le
savoir faire des populations, à leur échelle d'action.
. L'enjeu était alors de redonner aux populations la
possibilité et la légitimité pour agir par
ellesmêmes et prendre en main le développement de leur propre
communauté et territoire. Cela a été doublé par un
centrage du travail de l'État sur les conditions garantissant
l'équipe et l'intérêt général.
2 - L'implication des migrants dans le
développement des lieux d'origine :
La décentralisation vient ainsi à point
nommé pour aider les associations des migrants dans leurs actions de
développement en particulier.
Depuis le début des années 1980, les migrants
Soninkés en France s'engagent de plus en plus dans leurs lieux d'origine
pour la réalisation d'infrastructures d'intérêt commun
à travers des caisses de solidarités.
Une caisse de solidarité est en général
un regroupement de migrants d'un village au sein d'une caisse, à
caractère informel qui ne reconnu que par ses ressortissants. Toutes les
ressources de la caisse viennent des ressortissants.
Par contre une association de développement est un
regroupement de migrants d'un village ou une commune. L'association de
développement à un caractère formel et publié au
journal officiel, donc reconnu par les autorités. Contrairement à
la caisse de solidarité, l'association de développement peut
demander des aides, des subventions et peut trouver des partenaires beaucoup
plus facilement.
Dans cette partie, nous allons chercher à comprendre
l'engagement des migrants dans le cadre associatif, et dans les contextes de la
décentralisation au Mali et la particularité de la commune de
Dieoura.
Pour atteindre nos objectifs, nous allons porter un regard dans
le passé et rappeler l'historique des associations de
développement et le contexte de la décentralisation.
12 - Le monde Économie numéro spécial «
l'Afrique Noire revendique sa renaissance >>,26 juin 2001.- voir aussi sa
déclaration à la 3e conférence de Nations Unis
sur les pays moins avancés, le 14 mai 2001.
D'après les sources documentaires et les enquêtes
réalisées, on remarque que la dynamique associative des
immigrés sahéliens apparaît au début des
années 1980 avec que leur regroupement dans des associations de
développement de migrants, dans le cadre de la loi 1901. Depuis lors,
elle a connu une évolution quantitative et qualitative remarquable.
En effet à partir de 1985, le phénomène
s'est rapidement répandu à l'ensemble de la communauté des
immigrés originaires du bassin du fleuve Sénégal. On
assiste alors à un véritable phénomène
d'entraînement. Selon D. Christophe, en 1993, 70% des migrants du bassin
du fleuve Sénégal sont regroupés dans un peu plus de 400
associations essentiellement tournées vers le développement des
villages d'origine par le truchement des chefs de villages et leurs
conseillers. Une analyse géographique des zones d'implication de ces
organisations montre que l'ensemble des lieux de départ est couvert.
Il existe plusieurs types d'associations de
développement créées par les migrants essentiellement sur
une base villageoise inter- villageoise. Dans certains cas, ce sont les
anciennes caisses de solidarité qui ont été
transformées en association de développement et dans d'autres cas
les deux existent parallèlement. La commune de Diéoura
relève de dernier cas.
- Une caisse d'entraide à l'échelle familiale
gérée par le migrant le plus âgé de la famille.
- Une caisse de solidarité à l'échelle de
chaque village, gérée aussi par le représentent du chef de
village en France.
Une association de développement à
l'échelle de la commune est apparue avec le processus de
décentralisation. L'association de développement a regroupe
toutes les catégories de personne et les représentant de chaque
village.
Au niveau du Mali, l'association pour le Développement
du Cercle de Yelimané est la plus active car c'est la seule qui a pu,
jusqu'à présent, réaliser des projets de grande envergure.
C'est la première grande association de développement qui est
connue presque de tous les partenaires du développement.
En ce qui concerne, l'Association pour le Développement
de la Commune de Diéoura (ADCD), il faut tout simplement dire qu'elle
n'a été créée qu'en octobre 2003. Depuis fort
longtemps, les jeunes de la commune souhaitaient la création d'une
association de développement mais étaient chaque fois
confronté à l'opposition des tenants de la caisse de
solidarité. Pour les responsables de la caisse de solidarité, la
mise en place d'une quelconque association symbolise pratiquement la fin de
leur pouvoir sur l'ensemble des migrants de la
commune. Les tenants de la caisse de solidarité pensent
qu'avec l'association ils auront du mal à convaincre les migrants pour
le paiement des cotisations parce qu'ils n'ont pas de projet, donc pas
d'arguments efficaces. On assiste alors à un conflit de
génération entre les aînés et les jeunes. Au bout
d'une année et demi d'existence de l'association les problèmes ne
cessent de se multiplier entre les deux camps. Les cotisations de l'association
ont du mal à rentrer.
Pourtant, ces deux acteurs ont le même objectif : le
développement des lieux d'origine.
Dans ces conditions, on ne peut en aucune manière
parler d'un véritable effet de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura dans l'organisation de
l'espace à l'échelle communale.
3 - Quelles relations les migrants de la commune de
Dieoura ont-ils avec le conseil municipal ?
Un élément important à prendre en compte,
pour tout chercheur qui entreprend une étude sur l'Afrique au Sud du
Sahara et plus particulièrement en milieu Soninké est le pouvoir
des aînés. L'élection des maires en 1999 a engendré
une de rivalité dans la gestion des affaires des villages voir de la
commune. Le nouveau pouvoir établi ne bénéficie d'aucune
popularité auprès des populations. C'est toujours le conseil des
aînés qui a le plus de poids. Ces relations tendues entre les
responsables locaux ont des conséquences négatives en ce qui
l'implication des migrants dans le développement de la commune de
Diéoura.
Pendant les enquêtes de terrain, nous nous sommes rendu
compte de la réalité de ce fait. Par exemple, nous avons
remarqué que c'était le chef du village qui était
chargé de l'organisation du scrutin municipal de 2004 et non le conseil
municipal. Les projets des migrants sont toujours élaborés sous
la haute responsabilité du chef du village. Le chef du village de
Diéoura possède ses représentants depuis la France pour
l'application de ses souhaits pour le village. Pendant nos enquêtes en
France les représentants du chef du village nous ont affirmé
qu'ils font plus confiance au chef du village qu'au Maire.
A l'heure actuelle, c'est un véritable dialogue de
sourds, entre les trois acteurs : le chef du village, Maire, les migrants. Les
tensions entre ces acteurs se sont beaucoup compliquées depuis quelques
mois. Il faut dire qu'aux élections de 1999, ce sont les candidats des
jeunes et des femmes qui ont remporté la victoire contre les candidats
des anciens. Ce fait a été le premier élément qui a
nourri les tensions entre le nouveau maire et les anciens. Cette victoire a
été
considérée comme une offensive à
l'autorité des notables des villages. Les notables des villages
considèrent les nouveaux élus comme un pouvoir
déstabilisateur de leur autorité. Avant la mise de la
décentralisation, des liens existaient entre tous les villages. Donc si
les élus locaux n'ont pas de crédibilité dans le chef lieu
de la commune, il faut dire que dans tous les autres petits villages c'est le
même traitement.
Avant tout aujourd'hui, la commune doit être
perçue comme un espace de cohésion entre les différentes
communautés qui la composent. Si le Maire parvient à s'entendre
avec les conseils des anciens, il lui sera possible ensuite de demander aux
migrants leur soutien ou leurs financements aux actions qu'il propose, sous
réserve que cela se fasse, village par village.
La qualité des relations entre les acteurs locaux et
migrants dépend désormais de la volonté des élus
locaux.
Dans la plupart des communes rurales au Mali, pour les cinq
dernières années (1999-2004) comme pour la commune de
Diéoura on a un bilan mitigé des Maires. Cet état de fait
n'encourage pas les migrants, rien n'est possible sans une bonne
cohésion sociale très forte entre les différents acteurs
locaux.
Ce sont les relations entre ces acteurs qui déterminent
la prise en compte ou non de la commune par ses ressortissants résidant
à l'extérieur. Quand les relations sont mauvaises les migrants se
désintéressent de la réalisation des projets à
l'échelle communale pour se cantonner à leur propre.
.
4 - Relations entre les migrants et les partenaires du
développement en
France
Les migrants sont considérés aujourd'hui comme
les acteurs principaux acteurs de la coopération internationale. C'est
dans ce sens que de nombreuses associations de migrants travaillent avec les
partenaires du développement pour la réalisation de projets dans
les lieux d'origine. Cette coopération montre la capacité
d'intégration des migrants aussi bien en France qu'au Mali.
Trois acteurs principaux sont à prendre en compte:
a- Les pouvoirs publics :
Les pouvoirs publics français, privilégient
aujourd'hui le « co-développement » c'est-à-dire
le développement des régions émettrices
d'immigrés. Ce discours est tenu par les autorités
françaises depuis 1998 mais n'inspire pas les ressortissants de la
région de Kayes. A l'occasion de sa visite en février 2003 au
Mali, le Ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait
proposé une somme de 7000 € à chaque migrant qui souhaite
rentrer au pays avec un projet capable de créer des emplois. Ce projet
n'intéresse pas les migrants. Ils ont payé cher leur voyage en
France (plus de 3000 €) et ils gagnent pour la plupart au moins le
SMIC.
En octobre 2003, le chef de l'État français
avait proposé l'amélioration de ce montant (7000€) lors de
sa visite au Mali mais depuis lors rien n'a été fait dans ce
sens.
La politique française tente actuellement de confondre
aide au développement et politique de retour. Mais les candidats au
retour sont peu nombreux et souvent, sauf exception remarquable, des gens en
situation d'échec et non pas des promoteurs. Pour l'ensemble des
migrants de Diéoura en France sur plus de 600 personnes en dix ans,
seules 2 personnes ont accepté l'aide au retour. Et ils ont beaucoup
regretté. L'un des deux est même revenu en France et travaille
dans la clandestinité maintenant. Les migrants n'ont pas en
général la capacité de gestion au pays. De ce fait, il est
très rare que leurs projets reçussent à long terme.
L'aide au retour et le développement des
localités émettrices ne sont pas des solutions pour la
maîtrise des flux migratoires maliens. Il faut donc d'autres politiques
plus efficaces. Un accompagnent beaucoup plus adapté pour les migrants
porteurs de projets au pays serait un atout.
b - Les organisations non gouvernementales (ONG)
:
Les organisations de solidarité internationale qui
interviennent en lien direct avec les associations des migrants sont peu
nombreuses. La principale difficulté réside dans la
nécessité d'articuler montage de projet, formation et recherche
de financement à cheval sur ce double espace qui est celui des
immigrés : actifs en France comme au Mali.
Dans la commune de Diéoura, deux ONG interviennent. Il
s'agit du GRDR (Groupe de Recherche et de Réalisations pour le
développement rural dans le Tiers Monde), et l'Agence KARED (Agence du
Kaarta pour la recherche et le Développement). Le GRDR oeuvre dans la
région de Kayes depuis plus de dix ans. Mais dans la commune de
Diéoura, c'est le KARED qui intervient depuis trois ans seulement.
L'Agence KARED est une O.N.G malienne créée en 1998 par les
membres maliens de la cellule d'appui du GRDR. L'agence KARED
bénéficie depuis 1998 d'un accord cadre de coopération
avec le gouvernement malien. Son siège est à
Nioro du Sahel avec une antenne à Diéma et un
bureau de liaison à Bamako. L'agence KARED travaille avec les
émigrés pour la réalisation d'équipements
d'intérêt commun. L'Agence KARED a réalisé dans la
commune de Diéoura quatre puits à grand diamètre dont un
à Diéoura, un à Niankan, un Noumokolo et un à
Madina. Actuellement un projet de projet de construction de barrage à
retenue d'eau est en cour pour le village de Niankan. Le financement pour la
construction du barrage est obtenu et les travaux démarreront en octobre
prochain. L'Agence KARED participe au financement de ces réalisations
à hauteur de 70%, les ressortissants de 15% et les villageois de 15%. La
participation des villageois est la fourniture de la main d'oeuvre pendant les
travaux de construction.
Les O.N.G cherchent des financements auprès du
ministère de la coopération ou auprès de la commission
européenne. Les fonds des associations de migrants viennent en
général des cotisations des ressortissants.
Au Mali, les ONG qui interviennent dans la région de
Kayes sont rares. Il faut mentionner notamment l'AMADE (Association Malienne
pour le Développement) proposant des prestations en particulier dans le
domaine de l'eau, et le Secours Catholique auprès des associations
d'émigrés. Ces deux ONG ne sont pas connues dans la commune de
Diéoura.
En définitive, disons que dans le cercle Diéma,
la commune de Diéoura est très en retard en matière de
coopération avec les organisations non gouvernementales comparativement
à d'autres communes.
c- Les collectivités territoriales :
Si on compte environ 100 collectivités
françaises en relation de partenariat avec des collectivités
maliennes (jumelages formalisés où actions des
coopérations décentralisées), on ne dénombre qu'une
dizaine des villes françaises qui sont jumelées dans le
région de Kayes et en liaison avec les associations des immigrés.
Ces jumelages concernent essentiellement les cercles (départements) de
Yelimané, de Diéma et de Nioro du Sahel, située dans la
partie Nord-Est de la région, la plus éloignée du fleuve
Sénégal. Ces jumelages sont très inégalement
répartis dans les cercles. Ce sont seulement les villes comme
Diéma qui bénéficient le plus de ces
coopérations.
Par ailleurs, Conseils Régionaux (Région
Île de France et Nord - Pas de Callais) (département des Hauts de
Seine) ont engagé des programmes de coopération ou des actions
ponctuelles, ou sont en passe de le faire en direction de la région de
Kayes.
En effet le point important est de savoir que ces jumelages
ont été mis en route grâce aux relations entre certains
responsables d'associations de migrants et des élus locaux ou des
militants tiers-mondistes. L'association joue donc un rôle de mise en
relation entre les deux espaces, elle est constituée en médiateur
privilégié par le comité de jumelage naissant. A propos de
ces relations D. Christophe affirme : « Les partenariats mis en oeuvre
apparaissent complexes puisqu'ils associent des villes, des ONG, des
immigrés, des villageois, et bien souvent l'administration locale.
L'association de migrants se retrouve parfois en difficulté car peu
armée pour comprendre les stratégies de chacun de ces acteurs et
pour définir la sienne >>13.
En effet, retenons que la mobilisation des immigrés
autour d'actions de coopération internationale démontre
également une dynamique d'intégration. En créant leur
association de développement en France, les immigrés se
débarrassent des préjugés négatifs qu'ils avaient
sur leurs origines. Et après avoir réalisé un ou deux
projets dans leur village, les immigrés acquièrent une certaine
assurance. Fiers de leur solidarité et de leurs origines, ils deviennent
des interlocuteurs viables auprès d'autres acteurs du
développement public et privé. Il y a là un
véritable facteur d'intégration et la pratique d'une double
citoyenneté : ici et là-bas.14 Dans ces relations
Nord-sud, il faut dire que les migrants sont considérés comme des
coopérants ou ambassadeurs des zones de départ.
Retenons tout simplement que les relations entre les migrants
de la commune de Diéoura et les partenaires du développement en
France sont modestes à cause du manque d'interlocuteurs de
privilègés de part et d'autre. Cependant on peut garder l'espoir
pour un avenir meilleur car depuis la création de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura, certaines relations avec
les partenaires sont engagées.
13 - D. Christophe, 1995, « les migrants partenaires de la
coopération internationale: le cas des Maliens de France >>.
14 - J. Condé, P. S. Diagne, 1996.
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la18.png)
Chapitre II : limites et perspectives de l'action des
migrants des la communes de Diéoura
1- Limites
a-Le déficit organisationnel du mouvement
associatif :
Selon l'Écho du Mali de novembre-décembre 2002,
il existerait davantage d'associations maliennes que le Haut Conseil des
Maliens de France et le Consulat Général du Mali à Paris
en ont leurs listes. Cet état de fait n'est pas une particularité
des ressortissants de la commune de Diéoura. Pour que ces associations
soient connues et puissent vraiment jouer leur rôle, le Haut Conseil des
Maliens de France et les autorités consulaires doivent travailler main
dans la main et faire circuler l'information auprès des Maliens de
France, partout où ils se trouvent. Celle-ci est capitale pour que les
responsables d'associations connaissent les procédures au niveau des
préfectures et des partenaires.
L'action des migrants est limitée par la co-existence
de plusieurs associations. Dans la commune de Diéoura, les associations
de villages doivent s'unir pour que vive véritablement l'Association de
Développement pour la Commune de Diéoura (ADCD) et que cette
dernière puisse travailler effectivement à l'échelle
communale. Les autorités communales doivent étudier les
priorités village par village afin de mobiliser l'ensemble des
migrants.
L'implication des femmes et des jeunes dans le
développement de la commune serait un atout important car bon nombre
d'associations du Nord ont des programmes en leur direction.
b- Des investissements concentrés sur quelques
secteurs et très peu générateurs d'emplois
Les projets individuels réalisés par les
migrants dans le pays d'origine sont concentrés surtout sur
l'acquisition de cheptel, l'achat de parcelles en ville et la construction de
maisons dans les villages d'origines. Ces activités, bien
qu'étant utiles et nécessaires pour les migrants et leur famille,
sont très peu génératrices d'emplois. La création
de petites et moyennes entreprises est très rare et le plus souvent il
s'agit d'entreprises de transport.
En définitive, nous retenons que la valorisation du
capital est généralement improductive. Ainsi, pour que leur
participation soit plus bénéfique à la
société et à l'économie locale, les
migrants doivent davantage investir dans les secteurs
productifs et porteurs d'emplois. Outre l'urgence d'une réorientation
des investissements vers des activités productives, il demeure
impératif de mettre un terme aux affrontements que suscitent souvent les
projets collectifs.
c-Les projets collectifs, sources de conflits
Les migrants et leurs associations n'oeuvrent pas tout seuls,
mais en relation avec les villageois, pour définir à la fois les
besoins urgents et les modalités de leur satisfaction. Ce rapport de
proximité facilite l'adhésion et la participation de tous aux
différents projets à réaliser. Cependant, il va de soi que
le dialogue permanent avec les villageois peut buter parfois sur des
obstacles.
S. Bredeloup, (1994) a montré que les associations de
migrants sahéliens constituent autant des « lieux de confrontations
et de conflits de pouvoir que des espaces d'initiatives et d'innovations
». Ces conflits opposent généralement les cadets et les
aînés, les partisans et les opposants à la primauté
de la hiérarchie sociale traditionnelle et par conséquent entre
ceux qui acceptent et ceux qui réfutent une gestion paternaliste de
l'association et de ses ressources financières.
Au-delà de ces affrontements internes, les projets
collectifs ont souvent engendré deux types de conflits. Le premier type
oppose les migrants et leur village à l'Etat. En effet, il existe
souvent un problème d'adéquation entre les besoins des villageois
et la politique de l'Etat, notamment dans le domaine de l'éducation et
de la santé. Disposer d'infrastructures éducatives ou sanitaires
n'est pas synonyme de leur utilisation effective par les
bénéficiaires. Ainsi, par exemple, les villageois peuvent
attendre parfois deux ans ou plus sans avoir un infirmier pour leur dispensaire
ou un enseignant pour l'école.
Le second type de conflit peut être qualifié de
politique car il s'agit d'une revendication implicite de contrôle des
actions de développement. Les migrants ont acquis, à travers leur
pouvoir de contribution financière au développement, une
légitimité auprès des villageois et un droit de regard et
de décision sur tout ce qui se fait ou va se faire au village, ce qui
les place en concurrence plus ou moins directe avec les autorités
publiques locales et les chefs de village. La lutte pour le contrôle des
actions du développement risque de compromettre le dynamisme de
développement local déjà bien enclenché.
Les concurrences entre villages, les rivalités pour le
leadership entre les responsables
d'associations de migrants rendent la coordination des actions
difficile au sein de la commune.
En effet, tous ces conflits sont révélateurs du
déficit voire de l'absence de sérieuses concertations entre les
responsables d'associations, la municipalité, l'Etat et les
Organisations de Solidarité Internationales. Cette carence de dialogue
conduit souvent à des investissements économiquement inefficaces
car ne s'inscrivant dans aucune approche globale de développement local.
L'action des associations de migrants apparaît alors limitée dans
de nombreux domaines alors que certaines des difficultés qu'elles
rencontrent relèvent essentiellement d'une décision politique, en
France et au Mali, qui implique les autorités politiques.
2- Perspectives
Pour un réel développement des nouvelles
communes, on doit surtout s'attacher à la consolidation de la
démocratie nouvellement instaurée par un véritable
dialogue entre tous les acteurs concernés
Le processus de décentralisation en cours au Mali, doit
permettre la participation des populations aux décisions concernant leur
commune.
On remarque que la mobilisation des migrants dépend
avant tout d'une certaine stabilité politique et sociale d'où la
nécessité de mettre un terme aux conflits inutiles. Au cours de
nos enquêtes, de nombreux migrants nous ont fait savoir qu'ils ne peuvent
plus continuer à financer des conflits inutiles.
Des campagnes de sensibilisation et d'information doivent
être fréquentes au niveau des populations locales et des
associations des migrants en France.
Les migrants doivent davantage s'investir dans des projets de
développement économique, capables de créer des emplois
dans les lieux d'origine. Mais il faut dire que les infrastructures
adéquates pour l'épanouissement de ces projets manquent. Par
exemple, les terres sont suffisamment fertiles pour développer la
culture des légumes et des fruits dans la commune de Diéoura,
mais celle-ci est totalement enclavée. Et les investissements doivent
prendre en compte les problème d'approvisionnement, de transport et de
commercialisation.
Cependant, l'espoir renaît si l'on sait que depuis le
début de l'année 2003, la nouvelle route nationale reliant Bamako
à Kayes passe par l'un des gros villages de la commune : Tassara. Nous
espérons que le programme actuel du gouvernement malien donnant la
priorité au
désenclavement et à la sécurité
alimentaire donnera espoir aux ressortissants de la commune de Diéoura
qui hésitent à investir dans l'agriculture.
La construction des routes doit cependant s'accompagner de la
promotion d'entreprises génératrices d'emplois et de revenus.
Pour réussir de telles actions, il faudra surtout impliquer les cadres
issus des localités concernées.
Les migrants et leurs réalisations n'ont pas eu
suffisamment de reconnaissance de la part des autorités publiques, les
autorités communales issues de la décentralisation doivent
renforcer et légitimer ce qui est déjà entrepris en
accompagnant pleinement les migrants pour asseoir les conditions d'un
développement durable15 .
L'avancée du désert va, de plus en plus,
accroître l'instabilité des ruraux, donc ce sujet doit être
au centre du codéveloppement et de la lutte contre la
désertification.
L'éducation des enfants dans les zones
d'émigration doit être une priorité des autorités
locales car le développement de tout pays dépend de son
système d'éducation. Pour la réussite des actions des
migrants, un élément capital est à souligner, celui de
leur intégration en France. L'intégration passe d'abord par la
maîtrise de la langue française, et on voit donc là une
nécessité pour la majorité des migrants de prendre des
cours d'alphabétisation.
En ce qui les relations entre les acteurs qui interviennent dans
les lieux d'origine et les migrants, Boucquier les analyses comme suit :
L'ensemble des partenaires au Nord qui sont sollicités
par les collectivités locales et les associations des migrants, ont des
ambitions et des postures institutionnelles variées. Ils ne cherchent
pas forcément à satisfaire les mêmes objectifs. Une
synergie ou un rapprochement entre les deux est à promouvoir :
- Ils ne s'impliquent pas toujours dans le même secteur
d'activité, leurs centres d'intérêt ou les domaines des
compétences qu'ils veulent mettre à profit pour leurs partenaires
du Sud n'étant pas les mêmes .
- Parfois, ils ne privilégient pas les mêmes axes
de développement que ceux pourtant identifiés comme prioritaires
par les acteurs locaux. Certains secteurs sont choisis par les partenaires au
nord en fonction de leur caractère << démonstratif
>>, surtout lorsque ces acteurs doivent rendre compte auprès d'un
public spécifique, des démarches de coopération qu'ils ont
entreprises.
(C'est le cas des O.N.G. françaises par rapport à
leurs << admissions >> pour ce qui est de la
15 - Bocquier et al, 1999.
coopération décentralisée).
- Ils ont souvent une perception différente du
processus du développement local. Celui-ci suppose que les acteurs du
Nord acceptent de financer des « fonds de développements locaux
» dont le principe est justement de ne pas savoir à quels projets
leurs contributions seront affectées (ce principe n'est pas toujours
accepté).
En effet, ces divergences d'intérêts expliquent
en partie pourquoi les collaborations entre les associations de migrants et
collectivités locales en France sont loin d'être
systématiques. Ces collaborations seraient pourtant porteuses et
aideraient certainement les associations villageoises de migrants à
trouver une raison supplémentaire de s'impliquer dans le champ du
développement communal.
Au niveau des Etats, au Mali en l'occurrence, la
décentralisation en cours peut ouvrir un cadre d'action dynamisant et
donner sens à l'action des migrants des associations de
développement.
En ce qui concerne la France, la prise en compte des associations
devrait certainement se traduire par une plus grande légitimité
donnée à leurs actions.
Donc il revient aux Etats concernés de prendre les
mesures appropriées pour appuyer les associations des ressortissants
pour permettre aux zones d'émigration de décoller sur le plan
socio-économique. Les dynamiques qui seraient introduites auraient des
répercussions sur le reste du Mali et même de la sous
région.
A notre avis, l'application de ces propositions apportera un
appui utile aux efforts déjà entrepris dans le domaine du
développement par les associations de migrants dans les régions
d'origine.
Conclusion :
Au sorti de cette étude, il se confirme que le
mouvement migratoire reste le phénomène majeur dans la vie des
populations de la commune de Diéoura, au point que les activités
agricoles peuvent être considérées comme secondaires, voire
négligées.
Bien qu'il détourne un grand nombre de jeunes actifs, ce
mouvement garantit la survie et même l'amélioration des conditions
d'existence des familles concernées.
Malgré les mesures de fermetures en France depuis 1974,
les flux migratoires des ressortissants de la commune de Diéoura n'ont
jamais cessé de prendre de l'ampleur en direction de ce pays même
si aujourd'hui l'Espagne apparaît de plus en plus attractive. Vu l'action
engagée des migrants pour le développement de lieux d'origine,
rien ne laisse prévoir pour le moment de leur part , une baisse ou un
arrêt de ces flux migratoires.
Les migrants profondément engagés dans le
développement de leurs villages d'origine, comptent plus que jamais sur
le renforcement et l'extension de ces migrations.
L'organisation en association communale, chez les
soninkés de la région de Kayes, parallèlement aux caisses
villageoises dont ils ne pouvaient contrôler la gestion, a permis de
dépasser quelques peu les préoccupations premières de
satisfaction et attentes des familles.
Cette organisation beaucoup plus vigilante ici et là
bas dans la région de Kayes a permis de réunir les fonds et
compétences nécessaires à la création
d'équipements collectifs, ce qui constitue une retombée positive
pour l'ensemble de la communauté d'origine.
Dans la commune de Diéoura, l'association à
l'échelle communale est créée en 2003, à la
restriction presque les initiatives des migrants ont jusque là
privilégié le chef lieu de la commune, c'est dire le village de
Diéoura. L'inégale répartition des infrastructures dans la
commune de Diéoura entrave la mobilisation des migrants. La plupart de
ces infrastructures collectives ont étés réalisés
bien avant le processus de la décentralisation.
Ce travail de maîtrise a fait apparaître des
effets particuliers des migrations à la commune de Diéoura dont
certains apportent des éclairages nouveaux à cette
thématique de recherche déjà très
étudiée :
Cette particulière de la commune de la commune de
Diéoura est avant tout liée à l'exode
rural contrairement à d'autres communes limitrophes. Il est
intéressant de préciser que tous les villages
de Diéoura ne connaissent pas l'exode rural au
même rythme, des disparités importantes sont à signaler.
Les villages de Tassara et de Founto sont les plus touchés par ce
phénomène d'exode rural (plus du 1/3 de chacun de ces villages
réside aujourd'hui en ville). Mais cela se développe aussi
très vite dans les autres villages de la commune notamment dans les
villages
de Diéoura et de Niakan. Seulement deux villages font
exception dans ce sens : il s'agit des villages de Noumokolo et de Bambara -
Madina.
Ces migrations en direction des villes ont des
conséquences importantes sur ces lieux. On assiste ainsi à la
redynamisation de l'urbanisation qui va s'accroître de façon
incontrôlée avec tous les problèmes d'aménagement
des quartiers pour les pouvoirs publics.
La conséquence majeure pour les zones de départ
se traduira par le désengagement des migrants à l'égard
ces zones compromettant ainsi leur avenir. L'exode rural donnera beaucoup plus
d'avantage au dépeuplement des villages d'origine. On peut s'interroger
alors sur le devenir des régions de départ avec l'afflux des
ruraux vers les grandes villes.
La migration conduite à une certaine
désaffection pour l'agriculture, un certain manque de
considération pour les activités économiques sur place.
Les sols sont fertiles dans une grande majorité de la commune de
Diéoura mais restés non exploités à cause du manque
d'initiative. De ce fait, les familles dépendent vis- vis des revenus
des migrants.
La décentralisation est processus récent, mais
pourrait à long terme servir une porte d'entrée pour tous les
acteurs oeuvrant pour le bien être des lieux de départ notamment
dans le cadre de la coopération décentralisée.
Un phénomène intéressant est entrain de
faire son chemin dans la commune de Diéoura et qui est directement
lié au processus de décentralisation : c'est l'implication et la
motivation des jeunes notamment instruits de la commune. La première
réponse à cette implication est la création de
l'Association pour le Développement de Commune de Diéoura
(A.D.C.D.). En se regroupant en association de développement
déclarée, les migrants de la commune de Diéoura peuvent
désormais passer des contrats avec des partenaires de tous ordres.
Précisons que cette implication s'est manifestée
aussi bien chez les jeunes à l'échelle de la commune, au niveau
des étudiants de la commune à Bamako qui ont également
crée une association des ressortissants de la commune et en France
surtout. C'est en effet, une motivation générale des jeunes de la
commune à s'engager dans la politique nationale pour investir
pleinement certes à l'échelle de la commune (ce
qui n'est pas vraiment entré dans les habitudes.) Chez les jeunes
instruits émigrés de la commune de Diéoura se
développe une conscience de s'investir politiquement à
l'échelle locale et nationale. Cet engagement exprime en effet un grand
projet politique très fort pour pouvoir représenter les
intérêts locaux voir même régionaux dans le
dispositif de la politique nationale.
La diaspora malienne étant estimée à plus
quatre millions de personnes, n'est-il pas nécessaire de poursuivre
l'analyse des migrations maliennes à l'échelle du continent
africain ? Dans le même sens, il est aussi important de faire une
étude de ces migrations dans les différents pays de transit entre
le Mali et l'Europe.
Comme toute oeuvre humaine, ce travail est loin d'être
exhaustif, et nous espérons qu'il donnera lieu à d'autres
réflexions sur le thème migration et le développement.
BIBLIOGRAPHIE
1- Les ouvrages généraux sur l'Afrique et
le MaliADAMS, A., 1985, la terre et les gens du
fleuve, Paris l'Harmattan, 243p.
BAROU, J., 1990, « Des chiffres et des hommes »,
Hommes et Migrations, n° 1131, avril, pp 5- 18.
BOUCQUIER. P., et DIARRAH T., 1999 (sous la direction de),
Populations et Sociétés du Mali, Paris, l'Harmattan,
204p.
COR Q., 1993, Le nouveau désordre économique
mondial, Aux racines des échecs du développement,
Paris, éditions la Découverte, 168p.
DIARRAH, C. O., 1996, Le défi démocratique au
Mali, Paris, l'Harmattan, 313p.
DUBRESSON A., MARCHAL J.Y. RAISON J.P., (Sous la direction de),
1994, Les Afriques au Sud du Sahara, Belin - Reclus, Géographie
Universelle, 480p.
GAUDIA A., Le Mali, deuxième édition,
Paris, Karthata, 307p.
GALLAIS J., 1967, Le delta Intérieur du Niger,
Dakar, Étude de géographie régionale (Tommes I et II),
IFAN, 633p.
KONARE, K. (Sous la direction de), 2001, Le talents du
Mali, le guide touristique et culturel du Mali, Paris, Couris,
217P.
LACOSTE Y., (Sous la direction de) Atlas 2000, la France et
le monde, Nathan, Paris, 160p. NIANE TANSIR D., 1992, Soundanais ou
l'épopée mandingue, Paris Karthala, 232p.
POLLET E., et WINTER G., 1971, La Société
Soninké (Dyahunu Mali), éditions de l'université de
Bruxelles, 566p.
SAUTTER G., Parcours d'un géographe, des paysages aux
ethnies, de la brousse à la ville, De l'Afrique au monde,
Paris, Arguments, 2 tomes, 708p.
2- Travaux sur les migrations
ADAMS A., 1977, Le long voyage des gens du fleuve,
Paris, Maspero, 226p.
ASSOGBA, Y., 2002, << ET si les africains de la diaspora
étaient des acteurs du développement de l'Afrique ?
» Université du Québec à Hull, CRDC, série
n°25, pp. 35-46.
ANTOINE E., 1995, Jeunes de l'Immigration, la fracture
juridique, Paris, Karthala, 217p.
BA C.O., 1993, << Un exemple d'essoufflement de
l'immigration sénégalaise: les Sénégalais du
Cameroun », dans Monde et Développement, tome 23,
n°1, PP.316-44.
BACLIE B., 1999, << Flux migratoires et relations
transnationales », in Études Internationales, vol. 24
n°1, PP.99-110.
BALIQUE H., et MARIE P., 1983, Place des travailleurs
migrants dans le processus de développement de la région
de Kayes, Études générales, Bamako, /Paris ,
République du Mali, Ministère de la Santé et des Affaires
Sociales, / Ministère des Relation Extérieures
(France) 174p.
BERTRAND M., 1999, << Les émigrés maliens
face aux marchés fonciers », dans la Revue Européenne
des Migrations Internationales, Vol. 15 n° 3, .p.40-46
BODIN C. DIAKITE A. et KOUYATE D., 1998, l'Habitat des
familles sahéliennes en Ile de France, une catastrophe
annoncée, Paris, Partenaire Services, 229p.
BOUCUCQUIER P. et TRAORE H., 2000, Urbanisation et dynamique
migratoire en Afrique de l'Ouest, la croissance urbaine en panne, Paris,
l'Harmattan, 148p.
CONDANMINE Ch., 1997, << Les émigrés atout du
développement », le Monde diplomatique, n°477, P
20-29.
CONDE J., et DIAGNE S., (sous la direction de), 1986, Les
migrations internationales
Sud Nord : une étude de cas des migrants maliens,
mauritaniens et sénégalais de la vallée du fleuve
Sénégal, Paris, OCDE, 154p.
DAUM C., 1988, La fonction émigrée dans les
stratégies de développement, E.N.S. de Fontenay, 45p.
DAUM C., 1993, Quand les immigrés construisent leur
pays, Paris l'Harmattan, 208p.
DAUM C., 1994, « Ici et là bas, immigration et
développement », vol. 6, n° 32 mars- avril,
PP.99-110.
DAUM C., 1998, Les associations maliennes en France,
Migration, Développement et Citoyenneté, Paris, Karthala,
253p.
DAUM C., 1999, « Les Migrants partenaires de la
coopération internationale, le cas des Maliens de France »,
Rapport du ministère de la coopération, document
technique, n°107, 40P.
FARET L., 2003, Les territoires de la mobilité,
migrations et communautés transnationales entre le Mexique et
les États -Unis, Paris C.N.S.R., 351p.
GOBIN. P., 1997, D'entre deux territoires, circulation
migratoire, et développement entre le bassin du, fleuve
Sénégal, Lille, Université des Sciences et des
Technologies de l'Ille, UFR de géographie, et d'aménagement, sous
les la direction de J.P Renard, HDR, 385p.
KANTE, N., 1985, Contrition à la connaissance de la
migration soninké en France, thèse de 3éme cycle de
sociologie, Sains Denis, Université Paris VIII, 325p.
KANE Y. 1987, Formation permanente et l'immigration
africaine, Thèse de Doctorat, 284P.
DELAUNAY D. 1975, Migrations, et pénétrations,
de l'économie marchande, les Wolofs (Région du fleuve
Sénégal), Dakar, OSTOM, 47p.
De VILLANOVA R., BEKKAR S., (avec la collaboration de), 1994,
Immigration et Espaces habités, Paris,
l'Harmattan, 212P.
DEWITTE PH., 1995, « Les Migrants, coopérants de
demain », Profit, n°241, 41p.
DIARRA H. et NEU D., 1994, Le comportement des Migrants vis
à vis de l'épargne, du crédit et des transferts
de fonds vers leurs pays d'origine, Aubervilliers, D.R.D.R. 67p.
DIARRA B., 2001, « L'apport des Maliens de
l'extérieur dans le développement de l'économie nationale
et la politique de retour », Présidence de la République
du Mali, 20p.
LIBERCIER M. H., 1996, Les migrants partenaires pour le
développement, Paris, OCDE, 231P.
LAVIGNE P., 1991, La rizière et la valise, irrigation,
migration et stratégie paysanne dans la vallée du fleuve
Sénégal, Paris, Syros, 231p.
LIMA S., 1997, La coopération
décentralisée, Maîtrise de géographie,
Université des Sciences et Technologies de Lille, 86P.
LIMA S., 1998, Mobilité et recomposition
territoriale, l'exemple de la région de Kayes au Mali,
D.E.A de géographie, Université Paul Valery
Montpellier, 100p.
MUNG M.M, 1975, La diaspora chinoise, géographie d'une
migration, Paris, OPHRYS, 452p.
N'DIAYE M. L., 1994, La fonction des émigrés
dans les stratégies de développement rural: voie pour le
développement ? , exemple de Tambacounba
(Sénégal), Doctorat de géographie, Université
Paris1 Panthéon Sorbonne, 442p.
PAPAZIAN V., AGHASSIAN H., 1983, Aperçu sur les
mouvements migratoires dans les pays sahéliens de
l'Afrique, Réflexion sur leurs effets sur les systèmes de
production rurale, Rome, F.A.O., 48p.
Plan du développement de la mairie de Diéoura,
(P.D.C), 2002-2003, Marie la commune de Diéoura, 11p.
PORQUET J.L., 1997, Les clandestins, enquêtes en
France, en Chine et au Mali, Paris, Flammarion, 403p.
QUIMINAL C., 1991, Gens d'ici et d'ailleurs, Migrations
Soninkés et transformations villageoises, Paris, éditeur
Christian Bourgeois 224p.
QUIMINAL C., 1994, Le rôle des immigrés dans les
projets de développement et les formes de coopération
possibles dans la vallée du fleuve Sénégal: un nouveau
pour la coopération Paris, OCDE, p. 329- 336.
SCHNAPPER, D., 1992, L'Europe des immigrés,
Paris, F. Borin éditeur, pp.80- 125.
SGIG, 1992, L'immigration en France des ressortissants des
pays de l'Afrique noire, Paris, ministère des Affaires Sociales et
de l'Intégration, 152p.
SIMON G., 1990, Les effets des migrations sur les pays
d'origine, Paris, Sedes, 222p. SIMON G., 1995, Géopolitiques
des migrations internationales, Paris, P.U.F., 429p.
ROBIN N., 1995, Les espaces de transit dans les migrations
internationales ouest- africaines, « Le territoire, lien ou
frontière», Paris, 2-4 octobre, 17p.
TIMERA M., 1996, Les Soninkés en France, d'une
histoire à l'autre, Paris, Karthala, 244p.
TRAORE S. et BOCQUIER PH., 1995, Migrations et Urbanisation
en Afrique de l'Ouest, Résultats de l'enquête REMUAO Cerpod,
Bamako, 32p.
WEIL, P., La France et ses étrangers, Paris,
Calman - Lévy, 212p.
Annexes Annexes 1 : Les personnes ressources
Monsieur Camara Sadio, chef de famille du
village de Diéoura en France, responsable de la caisse de
solidarité.
Monsieur Magassouba Harouna, Président de l'Association
pour le Développement de la Commune de Diéoura (A.D.C.D.).
Monsieur Wagué Mady Secrétaire
Général de l'A.D.C.D. Gary Yaya, Chef du village de
Diéoura (Mali).
Monsieur Konaté Douga, Maire de la commune de
Diéoura. Monsieur Kébé Boubou, Adjoint du Maire de la
commune de Diéoura. Monsieur Wagué Mammadou, ex- Maire de la
commune de Diéoura. Gary Kolly, Chef de village de Founto en France.
Bouné Moussa, notable du village de Noumokolo en
France.
Annexe 2 : Présentation du questionnaire
a) Questionnaire destiné aux les migrants en
France
1) Caractéristiques de la personne
enquêtée :
Sexe: M F
Age: <18 ans Entre 18 et 40 ans > 40 ans
Ethnie:
Profession:
2) Vie en France:
-Commune de résidence:
-Situation familiale: célibataire marié
divorcé
-Si marié, épouse (s) en France Mali
-Habitat: foyer d'immigrés hors foyer
Oui Non
- Combien de membres votre famille vivent en France ? Hors du
Mali ?
- Date d'entrée en France :
-Conditions d'entrée : régulière
irrégulière
- Régularisé(e): Oui Non
-En quelle année ?
-Que faites- vous comme travail ?
-Avez- vous un contrat de travail ?
- Salaire mensuel:
-Niveau en français :
- Oral: T.bon bon moyen faible pas du tout
-Écrit: T.bon bon moyen faible pas du tout -Êtes-
vous membre d'une association des ressortissants en France ?
Oui Non
3) Des origines à la France :
-Village:
- Conditions de départ: volontaire involontaire
- Age de départ:
- Dans quels pays avez vous résidé avant d'arriver
en France ?
- Apport mensuel moyen à la famille au Mali: - Où
réside votre famille au Mali?
au village dans une autre ville
4) Retour au pays:
-Prenez vous des vacances chaque année?
-Tous les deux ans
-Tous les trois ans
- Plus
- Pour combien de temps vous restez au pays?
- Qu'est- ce que vous faites pendants ce temps?
- Comptez vous retournez définitivement avant la
retraite?
Oui Non
5) Investissement au pays: -Quels types
d'investissements avez vous réalisés?
-Avez vous un projet économique au pays?
Oui Non
- Un projet individuel ?
Oui Non
-Si oui lequel ?
Un projet collectif ?
Conclusion :
- Quelles sont vos difficultés ici en France et au
Mali?
Êtes vous satisfait de votre aventure en France ?
Quel est votre dernier mot ?
b) Questionnaire destiné aux chefs de famille au
Mali
Age:
Ethnie:
Profession:
Village :
Avez vous une expérience migratoire?
Oui Non
-Si oui en Afrique en France
- Selon vous quelles sont les motivations principales de
l'émigration ?
- La France est elle pour vos émigrés le premier
pays de destination ?
- les migrants de votre famille envoient ils de
régulièrement de l'argent ? - Quel est le nombre
d'émigrés dans votre famille?
En france En Afrique
- Quels sont les motifs pour lesquels vos migrants envoient de
l'argent ?
-Les fonds envoyés par les revenus constituent- ils les
seules ressources de la famille? - L'exode rural constitue t-il un handicap
pour le développement du village
Quel est votre avis par rapport à l'action des migrants
?
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la19.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la20.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la21.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la22.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la23.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la24.png)
![](Lemigration-malienne-configuration-modalites-et-effets-des-migrations-des-ressortissants-de-la25.png)
SOMMAIRE
Remerciements 1
Introduction 2
Précision sur quelques termes utilisés
7
Conditions de travail et méthodologie de recherche
8
1-Conditions de travail ..9
a-Le terrain de recherche France 9
- Recherche documentaire en France
.................................... ......... ...............
............9
-Les foyers d'immigrés en Il de France
........................... ........................ ... 9
b- La collecte d'information dans la commune de
Diéoura au Mali 10
2- Les méthodes utilisées 12
a- Les entretiens ouverts 12
b- Les interviews enregistrées 12
c- Enquêtes par questionnaires 13
d- Enquêtes par observation participante 13
PREMIERE PARTIE :
LES DYNAMIQUE MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES
.15
Chapitre I : genèse des migrations soninkés
16
1- Une migration très ancienne 18
2 - Une migration de plus en plus lointaine, en Afrique
18
3- Une migration de plus en plus tournée vers la
France 19
a- Dans un premier des conditions favorables de part et d'autre
19
b- Depuis 1974, une politique de plus restrictive en France
20
c - les filières d'immigration clandestines 22
Chapitre II - Présentation de la commune de
Diéoura 23
1- Présentation d'ensemble 23
2- Les caractéristiques socio-économiques
de la commune 29
DEUXIEME PARTIE :
APPORTS ET EFFETS DES MIGRATIONS DES HABITANTS DE LA
COMMUNE DE DIEOURA 32
Chapitre I: Les réalisations des migrants de la
commune de
|
|
Diéoura
|
33
|
1- Les réalisations collectives
|
.33
|
a- La lutte des migrants pour l'accès à
l'eau dans la commune de Diéoura
|
34
|
b- Les initiatives récentes
|
36
|
|
c- L'inégale répartition des
infrastructures constitue une entrave à la mobilisation des migrants sur
l'espace communal . 37
2- les actions individuelles menées par les
migrants 41
a - Les transferts de fonds 41
b- Les flux des marchandises en direction de la commune
42
c - Du village vers la France 43 d -
Les échanges culturels 43
Chapitre II - Evolution de l'espace villageois sous
l'action des migrants : l'exemple du village de Diéoura
.44
1-Les transformations du paysage villageois
.44
a- L'action collective des migrants favorise l'extension
.44
b-L'extension de l'espace due aux investissements
immobiliers privés des
migrants .45c-
Les modifications de l'habitat ;; .48
2-Comparaison du village de Diéoura avec d'autres
chefs lieux de communes ..52
Chapitre III: Pourtant les villages des ne
bénéficient plus totalement des apports des migrants
53
1-L'argent des migrants favorise l'exode rural et
l'installation des familles en villes . 53
2- L'argent des migrants contribue à l'extension
d'agglomérations urbaines à
Bamako et Kati ..56
a- Une augmentation considérable du prix du
terrain 57
b- Difficultés d'aménagement pour les
pouvoirs publics ...58
Chapitre IV : Une migration qui finance des conflits
locaux 59
1- Organisation sociale en milieu soninké
....59
- Le chef de village et ses conseillers (les notables)
....59
- Les hommes libres 60
- les hommes de castes 60
2- Comment est intervenu le conflit à
Diéoura et l'implication des
migrants 60
Chapitre V : Les effets sociodémographiques des migrations
dans la commune de Diéoura 65
1- La commune de Diéoura: un véritable
pôle d'attraction pour les
ouvriers agricoles .65
2- Les conséquences démographiques
67
- La baisse générale de la
fécondité 67
3- Effets sur l'éducation des enfants......
68
4 - Les transformations sociales 69
5 - D'importants espaces agricoles sont
délaissés 70
TROISIEME PARTIE : LES MIGRANTS ET LE PROCESSUS
DE
DECENTRALISATION : LIMITES PERSPECTIVES...71
Chapitre I : Quelques rappels historiques et
contextuels sur
la décentralisation au Mali ...72
1-Un bref aperçu sur la mise en place de la
décentralisation au Mali 72
2-L'implication des migrants dans le développement
des lieux d'origine 74
3 - Quelles relations les migrants de la commune de
Dieoura ont-ils avec le conseil municipal ? 76
4 - Relations entre les migrants et les partenaires du
développement en
France 77
a- Les pouvoirs publics 77
b - Les organisations non gouvernementales (ONG) 78
c- Les collectivités territoriales 79
Chapitre II : limites et perspectives de l'action des
migrants des la communes de Diéoura 82
1 Limites 82
a -Le déficit organisationnel du mouvement
associatif .82
b- Des investissements concentrés sur quelques
secteurs et très peu générateurs
d'emplois 82
c-Les projets collectifs, sources de conflits
83
2- Perspectives 84
Conclusion .87
Références bibliographiques 90
Table des cartes
Carte n° 1 : carte administrative du Mali
6
Carte n°2 : La région des trois
frontières entre la Mauritanie, le Mali et Sénégal :
« le pays Soninké » 17
Carte n°3 : La commune de Diéoura
25
Carte n° 4 : Infrastructures
relevées de la commune de Diéoura 39
Figure n°1 : Croquis du village
simplifié du village Diéoura 47
Figure n°2 : Plan de la ville de Bamako
57
Carte n°5 : Les communes de la
région de Kayes 82
Table des tableaux
Tableau 1 : Les communes du cercle de
Diéma 26
Tableau 2 : Distances entre le village de
Diéoura et autres villages 29
Tableau 3 : Populations des différents
villages de la commune de Diéoura 30
Tableau 4 : La taille du cheptel dans la commune
31
Tableau 5 : Réalisations des migrants
dans quelques villages de la commune 40
Tableau 6 : Taux d'émigration dans la
commune de Diéoura 59
Table des photos
Photo n°1 : paysage de savane à
Noumokolo 27
Photo n°2 : paysage désertique
à Tasseras 28
Photo n° 3 : Puits à grand
diamètre à Founto 35
Photo n° 4 : Les locaux de la mairie de
Diéoura 36
Photo n°5 : Case ronde 48
Photo n°6 : Maison en tôle 49
Photo n° 7 : Maison d'un migrant à
Diéoura 50
Photo n°8 : Troupeau d'un migrant à
Founto 51
Photo n ° 9 : Maison d'un migrant en
chantier à Bamako 58
Annexes 94
Annexe1 : Les personnes ressources 94
Annexe 2 : présentation du questionnaire
94
a- Présentation du questionnaire destiné aux
migrants en France 94
b- Questionnaire destiné aux chefs de famille au Mali
97
Annexe 3 : Le découpage administratif au Mali
98
Annexe 4 : La répartition des revenus d'un
migrants soninkés 99
|