1.1.2. La typologie des systèmes de protection
sociale
Dans son ouvrage intitulé, Les trois mondes de
l'État-providence - Essai sur le capitalisme moderne,
Gösta Esping-Andersen réalise une classification des
États-providence sous la forme d'idéaux-types (Esping-Andersen,
1990). Il montre qu'il n'existe pas un État-providence, réponse
fonctionnelle à la montée des besoins sociaux
générés par la société industrielle, mais
des États-providence qui diffèrent par leur histoire, le mode de
relation entre la société et la protection sociale, la place
accordée à l'État par rapport au marché et plus
généralement par le paradigme qui sous-tend l'action en
matière de protection sociale.
Trois critères rendent compte des principes
fondamentaux qui sous-tendent les systèmes de protection sociale. La
première est la « démarchandisation » des
besoins des individus par le système de protection sociale. Ce
critère permet de mesurer le niveau de générosité
de la protection sociale et la mesure dans laquelle il permet aux individus et
aux familles de préserver un niveau de vie socialement acceptable,
indépendamment de leur participation au marché. Idéalement
la démarchandisation supposerait que les citoyens puissent opter
librement pour le non-travail, lorsqu'ils considèrent cette solution
comme nécessaire, sans perte potentielle d'emploi, de revenu ou de
bien-être général. Le deuxième critère est la
« stratification sociale », c'est-à-dire la
façon dont le système de protection sociale participe à
l'organisation et au maintien de l'organisation sociale. Le troisième
critère est l'agencement opéré par chaque régime
entre les trois principales sources de bien-être, souvent
désignées comme les trois piliers de la protection sociale que
constituent l'État, le marché et la famille.
Gösta Esping-Andersen différencie ainsi
trois mondes de l'État-providence ou régimes de protection
sociale : le régime libéral limite son intervention sociale
aux plus faibles qui sont protégés, mais aussi
stigmatisés ; le régime social-démocrate se
caractérise par un niveau élevé de protection sociale pour
tous les citoyens, une offre importante de services sociaux, et une
volonté de redistribution par l'impôt. Le troisième
régime, qui rassemble les pays de l'Europe continentale est dit
« conservateur-corporatiste », dans la mesure où la
protection sociale est adossée au travail salarié, visant moins
une transformation de la société dans un objectif
d'équité sociale, que le maintien des statuts sociaux et
professionnels.
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