SOMMAIRE
INTRODUCTION
GENERALE.......................................................................1
PREMIERE PARTIE : LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA
PROTECTION SOCIALE AU
CAMEROUN.........................................................................9
CHAPITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT D'UN MODELE DE
PROTECTION
SOCIALE.................................................................................................11
1.1. Les fondements théoriques des systèmes de
protection sociale...............................11
1.2. Les limites des systèmes de protection
sociale..................................................26
CHAPITRE 2 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION
SOCIALE AU
CAMEROUN.............................................................................................31
2.1. L'organisation de la protection sociale
camerounaise..........................................31
2.2. Les éléments d'un fonctionnement
défectueux..................................................37
DEUXIEME PARTIE : LES VOIES DE REFORME DE LA
PROTECTION SOCIALE AU
CAMEROUN.......................................................................................49
CHAPITRE 3 : L'ANALYSE THEORIQUE DES REFORMES DES
SYSTEMES DE PROTECTION
SOCIALE............................................................................51
3.1. Les caractéristiques des modèles
d'assurance sociale..........................................52
3.2. Le débat sur les réformes : les
arguments théoriques en présence............................59
CHAPITRE 4 : LA REFORME DU SYSTEME DE PROTECTION
SOCIALE
CAMEROUNAIS.......................................................................................69
4.1. Le modèle de protection sociale à
venir..........................................................69
4.2. Des implications et adaptations multiformes pour le
Cameroun..............................73
CONCLUSION
GENERALE........................................................................78
I
AVERTISSEMENT
« L'université de Yaoundé II n'entend
donner aucune approbation ou improbation aux opinions contenues dans ce
mémoire ; celles-ci doivent être considérées
comme étant propre à l'auteur. »
DEDICACES
A mes parents et à mes frères et soeurs
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce mémoire a pu être
possible grâce à la collaboration de plusieurs personnes qui ont
apportés leur soutien au cours de cette grande aventure. Ainsi, je
remercie tous ceux ou celles qui ont apporté leur précieuse
contribution à ce travail.
Tout d'abord, mes remerciements s'adressent au
Professeur Georges KOBOU qui malgré ses multiples
occupations m'a accompagné à chacune des étapes de la
réalisation de ce travail d'initiative à la recherche. Son
soutien et ses conseils m'ont guidé sur la bonne voie pendant les
moments d'incertitude.
Ensuite, je tiens à remercier le Professeur
Désiré AVOM pour l'important appui qu'il a su m'apporter
pendant la formation du programme NPTCI.
Enfin, je remercie aussi ma famille, mes camarades de la
première promotion du NPTCI et également tous ceux qui de
près ou de loin m'ont soutenu dans la rédaction de ce
mémoire.
Je ne saurais terminer sans rendre hommage aux
initiateurs du Nouveau Programme de Troisième Cycle Interuniversitaire
(NPTCI), aux enseignants et à l'ensemble de tous ceux qui participent
à la formation du capital humain des jeunes africains.
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
BIT: Bureau International du Travail
BM: Banque Mondiale
CEMAC : Communauté Economique et monétaire
de l'Afrique Centrale
CIPRES : Conférence Interafricain de la
Prévoyance Sociale
CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
DSRP : Document de Stratégie de Réduction
de la Pauvreté
F CFA : Franc de la Communauté Financière
Africaine
FMI : Fond monétaire International
INS : Institut National des Statistiques
LFSS : Loi de Financement de la Sécurité
Sociale
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economique
OIT : Organisation Internationale du Travail
PIB : Produit Intérieur Brut
RD : Ratio de Dépendance
SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti
WDI : Word Development Indicators
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 2.1 : Evolution du taux de croissance annuelle
moyen de l'inflation...................40
Tableau 2.2 : Evolution du taux de croissance annuelle
moyen des salaires réels...............40
Tableau 2.3 : Evolution du ratio de
dépendance.....................................................42
Tableau 2.4 : Evolution du taux de
chômage.........................................................42
LISTE DES GRAPHIQUES
Figure 2.1 : Structure de la couverture sociale en
2005.............................................35
Figure 2.2 : Evolution du taux de croissance annuelle
moyen des recettes de cotisations sociales et des dépenses de
prestations sociales......................................................36
Figure 2.3 : Evolution du taux de croissance annuelle
moyen du PIB............................38
RESUME
Cette étude a pour objet d'analyser le fonctionnement
du système de protection sociale au Cameroun. A l'aide des
données statistiques et de leur analyse descriptive rigoureuse nous
montrons que, depuis le milieu des années 1980 le système de
protection sociale camerounais rencontre des dysfonctionnements liés
à une triple crise : une crise financière, une crise
d'efficacité et une crise de légitimité.
Au regard de ces dysfonctionnements nous militons
pour une réforme du système de protection sociale camerounais
dont l'analyse se focalise sur la réhabilitation de la
sécurité sociale et l'institutionnalisation d'un système
de solidarité sociale.
Mots clés : Protection sociale,
réforme.
ABSTRACT
This study has the aim of analyzing the operation
of the social protection system in Cameroon. Using the statistical data and of
their rigorous descriptive analysis we show that, since the middle of the years
1980 the Cameroonian social protection system meets dysfunctions related to
triple crisis: a financial crisis, a crisis of effectiveness and a crisis of
legitimacy.
Taking into consideration these dysfunctions we
militate for a reform of the Cameroonian social protection system whose
analysis is focused on the rehabilitation of the social security and the
institutionalization of a system of social solidarity.
Key words: Social protection, reform.
INTRODUCTION GENERALE
« Les institutions publiques devraient
développer des capacités d'intervention efficaces d'un point de
vue social. »
Cette proposition de Joseph Stiglitz (1997) prix Nobel
d'économie 2001, résume à elle seule une fonction que
veut remplir de manière générale les organismes
chargés de mettre en oeuvre un ensemble de règles établies
en vue de la satisfaction d'intérêts collectifs et plus
particulièrement ceux chargés de la protection sociale,
c'est-à-dire une protection universelle par la collectivité
nationale des conséquences économiques néfastes pour
l'individu des risques de l'existence (chômage, vieillesse, maladie,
etc.).
La protection sociale désigne tous les
mécanismes de prévoyance collective permettant aux individus de
faire face aux conséquences financières des risques sociaux
c'est-à-dire des situations susceptibles de compromettre la
sécurité économique d'un individu ou de sa famille en
provoquant une baisse de ses ressources ou une hausse de ses dépenses.
Elle a donc à la fois des objectifs matériels (permettre aux
individus de survivre quand ils sont malades, ou âgés, ou
chargés de familles nombreuses par exemple) et des objectifs sociaux
(réduire l'inégalité devant les risques de la vie et
assurer aux individus un minimum de revenus leur permettant d'être
intégrés dans la société). Pour atteindre ces
objectifs, elle peut fonctionner selon trois logiques :
· une logique d'assurance sociale, dont l'objectif est de
prémunir contre un risque de perte de revenu (chômage, maladie,
accident du travail). Le plus souvent, les prestations sociales sont
financées par des cotisations sur les salaires ; elles sont donc
réservées à ceux qui cotisent ;
· une logique d'assistance sociale, qui a pour objectif
d'instaurer une solidarité entre les individus pour lutter contre les
formes de pauvreté. Elle consiste à assurer un revenu minimum
versé sous condition de ressources, mais sans cotisations
préalables (revenu minimum d'insertion, allocation adulte
handicapée) ;
· une logique de protection universelle, qui a pour but
de couvrir certaines catégories de dépenses pour tous les
individus. Les prestations sont les mêmes pour tous et accordées
sans conditions de cotisations ou de ressources (prestations familiales par
exemple).
La protection sociale est assurée par les institutions
telles que : la sécurité sociale (protection contre la
maladie, la vieillesse, etc.), l'État lui-même (bourses scolaires,
indemnisations des chômeurs en fin de droits par exemple), les
collectivités territoriales (les communes peuvent prendre en charge
certaines dépenses des retraités ayant peu de ressources, comme
les dépenses de transport) et les administrations privées (les
organisations caritatives, comme le secours catholique ou le secours
populaire). La plupart des dépenses de la protection sociale sont
financées par les prélèvements obligatoires. Les
impôts permettent de payer les dépenses inscrites aux budgets de
l'État ou les collectivités territoriales. Les cotisations
sociales patronales et salariales permettent de financer les dépenses de
la sécurité sociale. Les administrations privées sont
financées par les dons des particuliers et les subventions
éventuellement reçues de l'État, des collectivités
territoriales ou même des organismes supranationaux.
Depuis la fin du XIXe siècle, et
surtout après 1945, tous les pays occidentaux ont mis en place un
système de protection sociale afin « de répondre
à un commun défi, celui de l'industrialisation et des facteurs de
dissociation sociale qu'elle entraînait » (Fournier,
Questiaux, Delarue, 1988). Cependant, chaque nation a suivi une voie
particulière pour élaborer ses propres institutions et à
des rythmes différents, en mobilisant ses traditions nationales et en
tenant compte des différentes forces en présence dans chaque
contexte. Ainsi, les grandes familles de protection sociale en Europe
recouvrent en partie la distinction Bismarck/Beveridge et se
différencient nettement du modèle libéral américain
de protection sociale.
Aux États-Unis, le système de protection
sociale développé relève du « modèle
résiduel » où le marché est censé fournir
aux individus des emplois et des revenus suffisants en fonction de leurs
mérites. Si l'individu ne peut se procurer des moyens de subsistance,
les solidarités familiales ou celles des réseaux privés
doivent y pourvoir. L'État n'intervient qu'en dernier instance. La
protection sociale américaine sépare clairement le domaine de la
Social Security (créée par la Fédéral Security Act
du 14 août 1935 : loi s'intégrant dans la politique du New
Deal menée par Roosevelt) qui répond à une logique
d'assurance sociale contre les risques chômage et vieillesse
(l'assurance-maladie n'en fait pas partie), et celui du Welfare
(« bien-être ») qui répond à une
logique d'assistance et de lutte contre la misère.
En Allemagne, le système de protection sociale,
est marqué par les lois de 1883 (assurance maladie), 1884 (assurance
accident) et 1889 (assurance invalidité vieillesse), annoncées
dans le discours programme prononcé par Bismarck (1815-1895) au
Reichstag le 17 novembre 1881, dont la phrase résume parfaitement la
stratégie : « Messieurs les démocrates
joueront vainement la flûte lorsque le peuple percevra que les princes se
préoccupent de son bien-être ». Le modèle
allemand est fondé sur la technique d'assurance, sur le travail,
obligatoire pour les seuls salariés et géré par les
employeurs et les salariés eux-mêmes.
En Grande-Bretagne, le système de protection
sociale est conforme au plan de Beveridge (1879-1963) qui centralise et associe
étroitement les politiques d'indemnisation de l'insuffisance de revenu
(organisée par le ministère de Sécurité sociale),
de lutte contre la maladie (National Health Service géré par le
ministère de la santé) et de l'emploi (ministère de
l'éducation et de l'emploie). Ce système est
généralisé à toute la population quel que soit son
statut d'emploi ou son revenu, unifié, simple et versant des prestations
uniformes quel que soit le gain des intéressés.
En France, le système de protection sociale
initié par le juriste Pierre Laroque (1907-1997) s'est constitué
sur un compromis entre une logique assurantielle correspondant au modèle
historique bismarckien, et une logique d'assistance héritée du
modèle beveridgien (Palier, 2002). Comme le modèle anglais, il
adopte le principe de l'universalité de la couverture sociale mais son
mode de financement et d'organisation relève plutôt du
modèle allemand. Dans chacun de ces États-providence, un
équilibre économique et politique a été
trouvé autour de la conception commune d'« une bonne
société ».
Ces constructions ont cependant été
remises en question au milieu des années 1970 par la transformation de
l'environnement économique, démographique et sociétal. La
crise économique a généré « une crise
technique » des systèmes de protection sociale, qui s'est
progressivement orientée vers une « crise de
légitimité » (Habermas, 1978). Ce
phénomène a été accru par la mondialisation de
l'économie et la concurrence internationale. Devant ces nouveaux
défis, les États-providence ont été sommés
de « s'adapter » (Esping-Andersen, 1996).
Parallèlement à ce mouvement de remise en cause des
systèmes de protection sociale et des propositions de réformes,
les réflexions intellectuelles se sont développées,
cherchant à étudier ce processus de
« crises », qui selon Hannah Arendt, est à la fois
synonyme d'éclatement et de construction, passage créateur vers
de nouvelles conceptions (Arendt, 1972).
Les travaux se sont ainsi développés sur
la « crise de l'État-providence » (OCDE, 1981 ;
Rosanvallon, 1981) et nombreuses sont les analyses qui accompagnent le
développement du ou des États-providence contemporains (Daniel et
Pallier, 2001 ; Rosanvallon, 1995 ; Leibfried, 2001 ; Castel,
1995 ; Esping-Andersen, 1990).
Les premières recherches sur les systèmes
de protection sociale ont été lancées en Europe dans les
années 1960-19701(*),
en réponse au rôle nouveau et croissant joué par les
États d'après guerre dans la satisfaction des besoins. Celles-ci
ont porté sur la comparaison des différents systèmes de
protection sociale en Europe. Elles reposent alors presque totalement sur la
comparaison des montants des dépenses publiques. Le niveau des
dépenses sociales est en effet considéré comme le meilleur
indicateur de l'effort des États en faveur du bien-être social, et
les pays sont classés sur une échelle de bien-être
« faisant ressortir le lien entre le niveau de développement
économique et le niveau de développement social ». Ce
type d'analyse développementaliste a aujourd'hui été
remplacé par l'analyse typologique qui, regroupant les régimes
en catégories idéales-typiques, permet de mettre en
évidence des modèles de welfare, de mener une réflexion
sur les convergences et les divergences et de procéder à la
recherche de causes.
Les recherches du sociologue suédois Gösta
Esping-Andersen (1990) ont joué un rôle majeur dans cette nouvelle
orientation des travaux comparatifs. S'inspirant de la typologie de Richard
Titmuss (1958), centrant l'analyse autour du concept de
« démarchandisation2(*) » emprunté à Karl Polanyi
(1944), Esping a ainsi identifié trois régimes de protection
sociale sans nul doute explicables par les choix sociétaux typiques des
pays entrants dans telle ou telle catégorie à savoir : le
modèle libéral ou résiduel, le modèle
corporatiste-conservateur et le modèle social-démocrate3(*).
Tout comme dans les pays développés,
l'organisation du système de protection sociale est plus que jamais au
coeur des préoccupations des pays africains et plus
particulièrement le Cameroun. L'actualité économique,
sociale et politique de ces derniers temps en apporte une illustration
édifiante. Ainsi, par arrêté n°159/PM du 04 novembre
2008, le gouvernement camerounais à travers son Premier Ministre a mis
sur pied un comité de réflexion en vue de la modernisation de son
système de protection sociale. Au Cameroun, le système
développé s'est constitué sur une logique assurantielle
correspondant au modèle historique bismarckien4(*), dans lequel les droits sociaux
individuels sont obligatoirement liés à l'exercice d'une
activité professionnelle. Depuis le milieu des années 1980, les
contraintes institutionnelles, ainsi que celles liées au contexte
socioéconomique du Cameroun tendent à fragiliser et à
faire évoluer le fonctionnement du système de protection sociale,
incidence qui est en elle - même source du niveau actuel de la couverture
sociale. En effet, une bonne partie de la population active camerounaise
(travailleurs indépendants et ceux de l'économie informelle) ne
bénéficie pas de la couverture sociale, soit 82,5%. Seule une
minorité de cette population (les actifs salariés) en
bénéficie, soit 17,5%5(*).
En matière de sécurité sociale au
Cameroun, seule la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS)6(*) assure dans le cadre de la
politique de protection sociale du gouvernement, le service des prestations aux
travailleurs assurés et à leurs ayants droits. Il convient de
relever que la CNPS est un établissement public doté de la
personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière.
Elle est placée sous la tutelle du ministère du travail et de la
sécurité sociale et est administrée par un Conseil
d'Administration composé de représentants des travailleurs, de
représentants des employeurs et des représentants des pouvoirs
publics.
A ce titre, elle gère différentes branches de
prestations réparties ainsi qu'il suit :
· les prestations familiales : allocations
familiales, prise en charge du congé de maternité, frais
médicaux liés à la grossesse, allocations
prénatales, indemnité journalière ;
· les prestations de vieillesse (vieillesse normale et
vieillesse anticipée), d'invalidité et décès :
pension ou allocation vieillesse, pension ou allocation de survivant, frais
funéraires, majoration pour tierce personne ;
· les prestations d'accident de travail et de maladies
professionnelles : prise en charge des frais médicaux, des frais de
prothèse et des frais funéraires, rente de survivants et
d'incapacité partielle, annuité de rente, rachats
d'annuités, allocation d'incapacité, majoration pour tierce
personne, indemnité journalière ;
Dans ces différentes branches seulement six
des neuf prestations reconnues par l'OIT sont prises en charges par la
CNPS7(*), qui ne dispose ni
de branche assurance maladie, ni de branche assurance chômage. Le
système de sécurité sociale camerounais est un
système par répartition, dans lequel les prestations sont
financées par des prélèvements qui leur sont
contemporains. Néanmoins jusqu'à ce jour, la part de
l'impôt et des transferts publics dans le financement de la
sécurité sociale est nulle dans certains régimes (Caisse
nationale de prévoyance sociale) et appréciable dans d'autres
(Ministère des Finances). Seules les cotisations sociales assurent le
financement des différentes branches dans le régime CNPS.
Pour ce qui est de l'assistance sociale aux plus
défavorisées, elle est assurée par le ministère en
charge des affaires sociales qui s'occupe des populations cibles telles
que : les enfants, les handicapés, les personnes
âgées, les indigènes et les populations vulnérables.
Les chômeurs n'en font pas partie. Il faut cependant reconnaître
que jusqu'à ce jour, le Cameroun ne dispose pas d'une véritable
politique d'assistance sociale par défaut de financement.
Il existe néanmoins plusieurs mécanismes
fondamentaux de protection sociale à savoir : la protection faite
par l'administration publique, celle faite par les assurances, celle faite par
la famille sous forme d'assistance, celle faite par la caisse nationale de
prévoyance sociale (CNPS) et celle faite par les systèmes
d'assurance communautaire évoluant encore dans l'informel.
Ces différents mécanismes
s'insèrent dans un système sociodémographique,
économique et politique qui n'est pas du tout meilleur. Ainsi, les
problèmes socioéconomiques à l'instar de la crise
économique, de l'évolution du taux d'informalité
économique et du chômage que rencontre le Cameroun laissent
craindre d'importantes difficultés pour le régime de
sécurité sociale. En effet, la CNPS connaît depuis la
récession de l'économie camerounaise survenue au milieu des
années 1980 de déficits financiers importants dans ses
différentes branches. Cet état de chose a suscité
auprès des pouvoirs publics et des institutions de Bretton Woods (FMI et
BM) l'idée de scinder cet organisme en plusieurs entités ;
d'où la transmission de ce dossier, à la commission nationale de
réhabilitation des entreprises publiques après publication du
décret N° 99/24 du 29 octobre 1999 modifiant et complétant
certaines dispositions du décret N° 95/056 du 29 mars 1995 portant
réorganisation des entreprises du secteur public et parapublic en vue de
trouver une solution opportune à ce problème.
Que retracent ces problèmes
socioéconomiques ? Les estimations de l'INS en 2004 montrent que le
Cameroun comprend près de 17 millions d'habitants. Son taux de
progression annuel avoisine 3%. Cette population est composée de 64% de
jeunes âgés de 0 à 14 ans et de 3% d'individus
âgés de 60 ans et plus : soit un total d'inactifs de 67%, les
33% autres personnes appartiennent à la tranche d'âge 15 ans-59
ans et représentent les actifs qui constituent la main d'oeuvre du pays.
Cependant, 9,6% seulement de cette main d'oeuvre est employé dans
l'économie formelle et le taux d'informalité des emplois est
fixé à 90,4 % (INS, 2005).
Les difficultés éventuelles que peut
rencontrer le système de sécurité sociale dépendent
toutefois de la conjoncture dans laquelle il évolue, du taux
d'activité dans l'économie formelle et de la gestion des fonds
qui alimentent le régime. Si l'on prévoit une hausse des
activités dans l'économie informelle chez les individus
appartenant à la classe d'âge des actifs, alors cela ne peut que
susciter la dégradation du ratio de dépendance du système.
Selon les données obtenues au niveau de la CNPS le ratio est
resté stable de l'année 2001 à 2003 ; soit
1/8 ; ce qui signifie que 8 bénéficiaires des
pensions retraites sont à la charge d'un travailleur actif.
Ces différents facteurs apportent des
éléments susceptibles d'expliquer les dysfonctionnements de la
protection sociale au Cameroun, remettant ainsi en cause l'organisation du
système de protection sociale.
Dans ces conditions, une interrogation émerge.
Au regard des modèles de protection sociale
développés dans les pays occidentaux, ne sommes-nous donc pas en
droit de penser que le système de protection sociale camerounais
fonctionne mal ?
A travers ce questionnement, l'objectif de ce
travail est de montrer que le système de protection sociale au Cameroun
fonctionne mal. Plus spécifiquement, il s'agit d'identifier les facteurs
à la base des fonctionnements défectueux dans le système
de protection sociale camerounais.
Plusieurs facteurs de dysfonctionnements ont souvent
été identifiés par certains auteurs dans le système
camerounais de protection sociale. Pour Ntsama E. (2003), ces facteurs sont
d'abord démographiques et macroéconomiques. Il ya
l'arrivée à l'âge de la retraite de populations importantes
de salariés pris en charge à l'époque de la croissance et
bénéficiaires de pensions au moment où le nombre de
cotisants à baisser considérablement. A ces facteurs structurels
et financiers de la CNPS, s'ajoutent également les évolutions
négatives de la gestion interne (gestion financière et gestion
administrative).
Face à ces dysfonctionnements, la situation
de la CNPS appelle donc des réformes en profondeur. Un effort a
été entrepris, au niveau des pays de la Zone Franc, pour aider au
redressement de la rationalisation de la gestion des institutions de
prévoyance sociale avec la création de la CIPRES. Par ailleurs,
un projet de loi instituant la sécurité sociale, a
été présentée en juin 1996 à
l'assemblée nationale. Son adoption a été
différée. Il convient, de façon globale, d'observer que
ces initiatives tendent à une réduction du niveau des prestations
servies et ne se sont pas encore traduites par des recouvrements substantiels
des arriérés, ni même des cotisations courantes.
De plus, le système de protection sociale n'a
pas constitué une grande préoccupation dans les politiques
d'ajustement structurel, même celles dites de deuxième
génération pourtant centrées sur la lutte contre la
pauvreté. L'ensemble des disparités relevées est la preuve
d'un manque d'études d'impact des réformes qui tendent à
corriger certaines erreurs caractéristiques du système de
sécurité sociale en place. Si ce système continue à
fonctionner ainsi, sa viabilité sera dans un terme proche mise à
mal. Il apparaît donc judicieux d'entreprendre la réforme du
système camerounais de protection sociale.
La mise en place d'un nouveau modèle de
protection sociale va permettre de contribuer à l'extension et à
l'amélioration du fonctionnement du système de protection
sociale camerounais.
Pour ce faire, nous posons l'hypothèse principale
selon laquelle le système de protection sociale camerounais fonctionne
mal. De manière spécifique, deux hypothèses sont
énoncées :
- Les contraintes institutionnelles, ainsi que celles
liées au contexte socioéconomique du Cameroun expliquent les
dysfonctionnements de la protection sociale camerounaise.
- La viabilité du système de protection sociale
camerounais passe par la réhabilitation de la sécurité
sociale et l'institutionnalisation d'un système de solidarité
sociale.
Pour parvenir à la vérification de ces
hypothèses, nous nous proposons dans un premier temps de faire une
analyse descriptive des dysfonctionnements de la protection sociale au Cameroun
et dans un second temps, il sera question de mener une analyse des
réformes du modèle de protection sociale camerounais.
Suivant l'analyse descriptive des dysfonctionnements
de la protection sociale au Cameroun, il s'agit de montrer que le
système de protection sociale camerounais fait face à une triple
crise : une crise financière, une crise d'efficacité et une
crise de légitimité.
Suivant l'analyse des réformes du modèle
de protection sociale camerounais, il s'agit de mener une analyse sur la
réhabilitation de la sécurité sociale et une autre sur
l'institutionnalisation d'un système de solidarité sociale.
Les données nécessaires à notre
étude sont tirées des cahiers de charges de la CNPS et de
l'annuaire statistique de l'économie camerounaise. Par ailleurs les
données relatives aux taux de croissance du PIB, à l'inflation,
au salaire réel, au taux de mortalité, au taux de
fécondité, à l'espérance de vie et à la
population ont été fournies par les tables statistiques de la
Banque Mondiale.
En considérant tout ce qui
précède, nous subdivisons notre étude en deux parties.
Dans une première partie, on se propose de présenter les
dysfonctionnements de la protection sociale au Cameroun, et dans une
deuxième partie d'analyser les voies de réformes de la protection
sociale au Cameroun.
PREMIERE PARTIE : LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA
PROTECTION SOCIALE AU CAMEROUN
INTRODUCTION A LA PREMIERE PARTIE
Le fonctionnement de la protection sociale dans le monde s'est
fait par étapes successives, évoluant en même temps
qu'émergent d'autres risques sociaux qui sont pris en compte par la
société. Le système de protection sociale constitue
aujourd'hui un corps assez délicat dans leur mise en oeuvre. Les
évolutions économiques et sociodémographiques en plus
d'autres problèmes que l'on observe aujourd'hui dans chaque pays
conduisent de plus en plus à créer un doute quant à la
capacité des régimes de protection sociale à assurer la
couverture sociale et ce, de manière pérenne à tous les
citoyens.
Les différentes formes d'essoufflements
auxquels font face les systèmes de protection sociale dans nombre de
pays ont des causes dont les origines sont diverses. Dans les pays
développés par exemple, l'on parle du vieillissement de la
population. Phénomène qu'on n'observe pas dans les pays pauvres
à l'instar de ceux de l'Afrique subsaharienne et notamment le Cameroun.
Tout au contraire, deux types de problèmes justifient la crise des
systèmes de protection sociale dans ces pays d'une part les
problèmes institutionnels et de gestion et d'autre part les
problèmes liés à l'évolution de l'environnement
économique et des contextes sociodémographiques. Il s'agit
là d'une révélation du débat sur l'incidence plus
ou moins favorable des variables économiques relativement aux variables
sociodémographiques sur les régimes de protection sociale en plus
d'autres problèmes que connaissent ces régimes.
Dans le cas du système de protection sociale
camerounais, et notamment le système de sécurité sociale,
les contraintes de l'extension de la couverture sociale témoignent des
difficultés qu'endure ce système, ce qui du même coup nous
amène à nous poser des questions quant à
l'adéquation du modèle de protection sociale adopté dans
ledit système avec l'environnement économique et ses contextes
sociodémographiques.
Cette partie a pour principal objet de faire une
étude approfondie sur la santé du système de protection
sociale en matière d'organisation sociale et de déterminer
éventuellement les causes de son asphyxie. Elle se subdivise en deux
chapitres. Le premier présente le fonctionnement d'un modèle de
protection sociale. Le deuxième quant à lui porte sur le
fonctionnement de la protection sociale au Cameroun.
CHAPITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT D'UN MODELE DE
PROTECTION SOCIALE
Le fonctionnement d'un modèle
général de protection sociale est relativement récent. Il
voit le jour après la seconde guerre mondiale.
Mais il est également le fruit d'une longue
évolution. Les étapes de passage à une protection
généralisée et universelle s'expliquent par les
bouleversements socioéconomiques provoqués par l'avènement
de la société industrielle. L'évasion des
sociétés anciennes (villageoises ou familiales) au XIXe
siècle rendit impératif l'élaboration des
systèmes de protection sociale garantissant une certaine
sécurité face aux risques qui frappent les personnes
démunies. C'est dans ce sens que les institutions de protection sociale
voient le jour partout dans le monde entier et cela pour protéger les
membres de la société grâce à une série de
mesures publiques contre les divers risques et charges susceptibles de
diminuer leur niveau de vie et de menacer leur sécurité
économique. Malheureusement, le début des années 1980
marque la fin du règne du mode de fonctionnement de ces systèmes
de protection sociale. Ceux-ci seront remis en cause.
Le présent chapitre aborde dans un premier temps
les fondements théoriques des systèmes de protection sociale pour
s'appesantir dans un second temps sur les limites desdits systèmes.
1.1. Les fondements théoriques des systèmes
de protection sociale
Dans le monde, le fonctionnement des systèmes de
protection sociale a évolué. Il remonte à la renaissance
au XIVe siècle ; époque où l'on observe
une irruption de l'humanisme, qui place l'homme au centre de ses
préoccupations et bouleverse toute la pensée occidentale. Cette
renaissance intellectuelle est suivie de profonds changements politiques et
sociaux. Parallèlement à la révolution industrielle, un
vaste système de protection sociale se constitue au XIXe
siècle allant de l'assistance sociale à la protection
universelle, en passant par l'assurance sociale.
1.1.1. Naissance et développement des
systèmes de protection sociale
Avant de présenter la genèse de l'organisation
sociale et son développement, une analyse théorique de celle-ci
est d'abord nécessaire.
1.1.1.1. L'analyse théorique de l'organisation
sociale
Il s'agit ici de mener une analyse microéconomique et
macroéconomique de l'organisation sociale.
· L'analyse microéconomique de
l'organisation sociale
Du point de vue microéconomique, le besoin de
protection sociale est né des insuffisances de la prévoyance
libre (individuelle et collective) et de celles de l'altruisme et du don libre
envers les non-travailleurs (les « non-agents
économiques » car trop vieux, trop malades, trop jeunes, trop
inemployable...) et la faiblesse de certains revenus du travail (ceux des
woorking poors).
La prévoyance libre est assurée par le
marché selon la règle « à chacun selon ses
besoins ». Elle fonctionne à travers deux techniques : le
report et l'assurance.
La technique du report repose sur la redistribution du
revenu sur le cycle de vie. Elle peut s'effectuer du présent vers
l'avenir (épargner) mais aussi de l'avenir vers le présent
(emprunter). Cette planification intertemporelle peut être de courte
durée ou être étendue sur une longue durée.
Cette technique a été mise en évidence
par Modigliani et Brumberg (1954), puis par Ando et Modigliani (1963). Ceux-ci
soulignent ainsi que, en général les revenus du travail sont
repartis irrégulièrement sur toute la durée de vie de
l'agent économique. Le revenu salarial suivrait « une courbe
en cloche » avec l'âge (dont le « sommet »
se situe vers la fin de la quarantaine), du fait d'une productivité du
travail faible en début de carrière (temps d'apprentissage) et en
fin de vie professionnelle (capacité physique déclinante ou
formation obsolète). Cette analyse du cycle de vie fait face
néanmoins à des insuffisances à savoir les contraintes de
liquidité, la pluralité des intérêts et les
incertitudes sur le long terme. Ce sont ces insuffisances qui justifient la
mise en place d'un dispositif d'assurances sociales qui s'occupe des retraites
publiques, de l'éducation nationale, ainsi que de la garantie et des
subsides publics à l'épargne et à l'emprunt.
Pour ce qui est de l'assurance, elle repose sur la
technique de la mutualisation des risques, c'est-à-dire de
l'étalement sur tous les membres d'un groupe (les assurés) de la
charge d'un préjudice correspondant à un évènement
frappant l'un d'eux. L'assurance est un jeu contre la nature qui permet de
réduire l'incertitude (Bichot.J, 1997), même si le danger
intrinsèque (mort, accident, maladie) demeure inchangé.
L'activité d'assurance n'est pas une simple opération de
transferts de charges, mais est source de valeur ajoutée en utilisant le
principe de calcul actuariel. Cette technique n'échappe pas à des
insuffisances à savoir le problème d'antiselection (Akerlof,
1970) et celui de risque moral. Des insuffisances ayant pour
conséquences les inégalités, les discriminations et les
inefficacités économiques. D'où la mise en place d'un
dispositif d'assurances sociales permettant l'information publique, une double
obligation d'assurance, un prix indépendant du risque individuel et de
l'âge, une économie d'échelle, ainsi qu'une couverture
uniforme et complète.
La solidarité au sein d'un groupe quant à
elle s'exprime par une redistribution de revenus, de biens ou de services vers
les personnes économiquement faibles. Elle peut être conçue
comme une interaction réciprocitaire (mutuellisme), une action purement
altruiste et spontanée (le don charitable) ou comme le fruit d'un calcul
stratégique à court, moyen ou long terme (ostentations ou
intérêt personnelle bien compris), sans d'ailleurs que ces trois
conceptions soient mutuellement exclusives.
Le mutuellisme familial contribue à faire de la
famille un espace de protection et d'entraide. Le mutuellisme communautaire et
professionnel pour sa part s'organise autour d'une base communautaire sous la
forme de confréries et de corporations. Ces deux formes de mutuellismes
n'échappent pas à des insuffisances telles que : la mauvaise
diversification des risques et l'inégalité d'appartenance.
La solidarité est aussi liée aux dons
à travers un donateur qui veut se faire valoir (en cela la
dépense est ostentatoire), à travers également la
générosité des donateurs. A cela, il faut ajouter la
charité privée qui peut être directe ou
intermédiée, ainsi que l'altruisme lié à
« l'égoïste prudence » (J.M.Buchanan et
G.Tullock, 1986) et au « voile d'ignorance » (John Rawls,
1971). Des insuffisances guettent néanmoins ces différentes
formes de solidarités à savoir : le don proportionnel
à la proximité au risque des donateurs et non aux besoins des
défavorisés, la réciprocité non garantie du don,
les intérêts acquis, le sous-investissement en capital humain et
le comportement de passager clandestin.
Ces contraintes justifient les attributions de la
protection sociale à travers: le devoir de contribution, le choix
collectif, un mutuellisme obligatoire dont les bases seront le droit à
l'aide sociale, ainsi qu'un mutuellisme social plus large et plus
égalitaire.
A l'issue de cette analyse microéconomique de
l'organisation sociale, le caractère étroitement imbriqué
des assurances sociales et de l'aide sociale amène à douter de la
pertinence de la dichotomie entre prévoyance-assurance et
solidarité-assistance et de la nécessité de séparer
dans les divers régimes, ce qui relèverait d'une logique
d'assurance de ce qui dépend de la solidarité. Ainsi pour
D.Blanchet (1996) : « le système de protection sociale
évolue en s'appuyant sur deux jambes : le sentiment que quelque
chose d'inconditionnel doit être fait pour les moins chanceux, et le
sentiment que ce quelque chose joue aussi un rôle d'assurance qui est
à l'avantage de tous. Faut-il continuer à prendre appui sur ces
deux jambes ou (...) continuer à cloche pied ? ». Nous
allons maintenant voir qu'au plan macroéconomique, la protection sociale
est aussi une et indivisible.
· L'analyse macroéconomique de
l'organisation sociale
L'individualisme méthodologique développé
précédemment se fonde sur l'étude des besoins individuels
de protection et se caractérise par deux traits : 1) la protection
sociale est contingente et subsidiaire des possibilités du
marché ; 2) la protection sociale s'organise autour de deux
pôles majeurs, l'assurance sociale et l'aide sociale.
A l'inverse, la démarche holiste choisit une
approche globale dès l'origine, en considérant la protection
sociale directement au sein de la société et du système
productif dans leur ensemble, en interaction avec les agrégats
économiques globaux et les groupes sociaux pour les keynésiens,
en relation avec les classes sociales et les institutions pour les marxistes.
Ces deux traits communs aux analyses keynésienne et marxiste facilitent
également la construction par l'école de la régulation
d'une explication « mixte » de la protection sociale, en
tant qu'élément du fordisme, et débouchent sur une
interprétation économique globale de l'État Providence.
L'approche keynésienne de la protection
sociale
« Les deux vices marquant du monde économique
où nous vivons sont le premier que le plein-emploi n'y est pas
assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y
est arbitraire et manque d'équité (...) Les contrôles
centraux nécessaires à assurer le plein emploi impliquent une
extension des fonctions traditionnelles de l'État. (...) Cet
élargissement nous apparaît comme le seul moyen d'éviter
une complète destruction des institutions économiques actuelles
et comme la condition d'un heureux exercice de l'initiative
individuelle. ». ce programme de réforme sociale du
capitalisme qu'esquisse J.M.Keynes dans le dernier chapitre de La
Théorie générale intitulé « Notes
sur la philosophie sociale à laquelle la théorie
générale peut conduire » constitue la base
théorique de la construction de l'État Providence : la
taxation des revenus et des successions, le développement des
dépenses publiques et la redistribution massive qu'implique la
protection sociale sont mis en place non pas tellement dans le but de justice
sociale, mais dans un but de sauvetage économique du capitalisme
nécessaire à sa survie sociale et politique.
Pour Keynes, le risque systémique du
capitalisme est essentiellement dû à l'insuffisance de la demande
globale. C'est en cela que l'approche keynésienne considère la
protection sociale comme un instrument de politique économique.
Autrement dit, la politique sociale devient à l'égal de la
politique budgétaire et de la politique monétaire un outil au
service du « carré magique » de Nicolas Kaldor :
croissance, plein-emploi, équilibre extérieur, stabilité
des prix.
L'approche marxiste de la protection
sociale
Selon X.Greffe (1975) : « L'approche
matérialiste lève la présomption de bienfaisance
officiellement attachée aux politiques sociales pour montrer que
l'amélioration économique de la situation d'une classe peut
être simultanément récupérée du point de vue
social. ». Autrement dit la protection sociale, et plus largement
l'État Providence sont certes bénéfique aux
salariés en termes de progrès social mais sont aussi une
providence pour les capitalistes ! C'est le second aspect de la
dialectique de la protection sociale que les marxistes s'attachent à
expliciter, à savoir comment la protection sociale permet de surmonter
certaines contradictions du mode de production capitaliste.
Marx définit un mode de production comme
« l'ensemble des conditions matérielles et sociales de la
production à un certain stade de l'histoire. ». Cet ensemble
s'organise à travers les forces productives et de la force de travail,
le rôle de l'entreprise étant d'organiser la
« coopération » efficace des forces productives. Il
s'organise également à travers les rapports de production (les
rapports des hommes entre eux dans le processus de production) et des rapports
sociaux (rapports entre hommes en dehors de la production). Les rapports
sociaux s'exprimant par une super structure juridique et politique, et par une
forme déterminée de conscience véhiculée par des
appareils idéologiques (éducation, sport, presse,
publicité) qui sont aux mains de la classe dominante.
Lorsque Marx énonce « ce que la grande
industrie développe, ce sont ses propres fossoyeurs », il fait
référence aux effets de le concurrence entre les capitalistes qui
font rentrer en contradiction les intérêts individuels des
capitalistes (faire toujours plus de profit en conquérant les parts de
marché) et leur intérêt collectif (la baisse tendancielle
du taux de profit résultant de la hausse de la composition organique du
capital).
Afin de lutter contre cette baisse tendancielle qui est
avant tout une crise de rentabilité, les capitalistes cherchent à
accroître le taux de plus-value (appelé aussi taux
d'exploitation), ce qui en l'absence de système de protection sociale va
déboucher sur une crise de la reproduction du mode de la production
capitaliste à quatre facettes : l'exploitation du
prolétaire, la paupérisation de la classe ouvrière,
l'absolue répétition et la décomposition extrême des
tâches dans la grande industrie (doublées des règlements du
travail draconiens et quasi militaires) et la prolétarisation de la
société.
Pour Marx, le capitalisme est donc destiné
à « s'effondrer de lui-même sous le poids de ses propres
contradictions », au bénéfice des prolétaires.
Mais pour les libéraux du XIXe siècle, si l'analyse
des symptômes est assez proche, il s'agit au contraire de sauvegarder le
capitalisme, en apportant une réponse à cette
« question sociale » de la misère des familles
ouvrières.
Ce projet libéral, que P.Rosanvallon qualifie de
« capitalisme utopique » fut un échec, d'où
la nécessité de mettre en place un système de protection
sociale facteur de reproduction du mode de production capitaliste à
travers la reproduction de la force de travail, des rapports sociaux et des
rapports de production.
L'approche régulationniste de la
protection sociale
L'école de la régulation repose sur une analyse
keynésiano- marxiste menée dans une perspective historique et
institutionnaliste. Dans La théorie de la régulation : une
analyse critique (1986), Robert Boyer définit la
régulation comme étant « la conjonction de
mécanisme concourant à la reproduction d'ensemble compte tenue
des structures économiques et des formes sociales en
vigueur ».
Dans cette approche, le risque systémique du
capitalisme résulte de l'absence d'autoéquilibre qui
nécessite la médiation d'institutions. Le rôle de la
protection sociale est basé sur un triple compromis
institutionnalisé : l'organisation du travail, le partage des
revenus et les interventions sociales de l'État. Les interactions avec
les autres politiques publiques sont historiquement et nationalement
situées. Il s'agit de la réglementation du travail, de la
politique d'emploi et d'une politique industrielle.
1.1.1.2. La genèse de l'organisation des
systèmes de protection sociale
Le problème de protection sociale prend naissance au
XIXe siècle avec les conséquences sociales de
l'industrialisation. Période à laquelle apparaissent les premiers
systèmes de protection sociale. Jusqu'à cette époque, il
est admis que la pauvreté est la sanction de l'oisiveté et du
vice. En effet, selon la conception libérale, dans un système
économique fondé sur le marché autorégulateur,
chaque individu reçoit un revenu en fonction de sa contribution
productive. Il doit donc se prémunir contre les risques sociaux par
l'épargne. S'il se trouve néanmoins de
« vrais » pauvres, la charité privée doit
pourvoir à leurs besoins.
Ce discours va peu à peu être remis en
cause et les idées d'assistance, de solidarité, d'assurance
sociale, vont progressivement s'imposer au sein des pays
industrialisés.
· Jusqu'au XVIIIe siècle :
pauvreté et assistance
Avant l'industrialisation, les risques tels que l'interruption
d'activité pour maladie ou accident et vieillesse, sont pris en charge
par la famille étendue (solidarité intra-familiale) et par les
organismes professionnels (par exemple les corporations).
L'église et l'État royal, de leur
côté, mettent en place les premiers dispositifs d'assistance aux
pauvres. Les paroisses et les ordres religieux tissent, dans toute la
chrétienté, un réseau de léproserie,
aumônerie, hospices et hôpitaux. L'État crée des
hôpitaux, des dépôts de mendicité, des asiles
d'aliénés. Mais l'intervention de l'État n'est pas
systématique et reste de faible ampleur.
L'Angleterre élisabéthaine fournit une
première réponse, massive et cohérente, au problème
de la pauvreté avec l'instauration des lois sur les pauvres (Poor Laws).
En France, le traitement de la pauvreté contient, dès le
XVIIIe siècle, une dimension économique avec le
recours aux travaux de secours (travaux publics). Les travaux de secours
commencent à être appréhendés comme un droit et
conduisent à la création des « fonds de travaux de
charité » dans de nombreuses régions françaises
au cours des années 1770. Par la suite sont créés les
« ateliers de charité » et l'idée resurgit
naturellement pendant la révolution de 1789.
Dès le départ, les dispositifs mis en
place obéissent à deux logiques : une logique d'assistance
et une logique de surveillance et de contrôle social des indigènes
et des vagabonds.
· La naissance des assurances
sociales
L'industrialisation du XIXe siècle conduit
à la prise de conscience de la disparition des solidarités
traditionnelles. Comme l'a montré K.Polanyi (1887-1967), l'instauration
du marché autorégulateur, en particulier dans le domaine du
travail, suppose la suppression des formes anciennes de solidarité,
souvent liées à des formes de sociabilités familiale,
professionnelle, religieuse, etc. De même il faut supprimer les normes
traditionnelles qui régissaient l'usage de la force du travail. En
France en 1791, la loi Le Chapelier supprime les corporations et en
Grande-Bretagne, l'acte de Speenhamland (1795) est lui aussi abrogé en
1834. La disparition des formes antérieures de solidarité
s'accompagne d'un exode rural et de la montée de nouveaux risques.
« L'insécurité
sociale » qui en résulte va conduire progressivement à
l'instauration d'un système dans lequel les garanties sociales sont
associées à un système d'assurances obligatoires couvrant
les principaux risques de l'existence (maladie, chômage, retraite,
invalidité, etc.). Une première expérimentation des
assurances sociales se met en place entre 1880-1914 en Europe. Les accidents du
travail sont couverts les premiers et marquent ainsi la reconnaissance à
la société du risque inhérent à l'activité
industrielle (même si la responsabilité de l'employeur n'est pas
directement engagée). Puis, viennent l'assurance vieillesse, l'aide
à la famille et, enfin, l'assurance-maladie. Le chômage n'est pas
encore pris en compte. Seuls les travailleurs et leurs familles accèdent
à l'assurance sociale. Bien souvent leur affiliation reste volontaire.
La logique de l'assurance ou la solidarité professionnelle l'emporte sur
la solidarité nationale.
L'Allemagne de Bismarck joue un rôle
précurseur : l'assurance-maladie est mise en place en 1883,
l'assurance contre les accidents du travail en 1884, l'assurance
invalidité vieillesse en1889.
Pour Bismarck, ces réformes ont explicitement
pour but de détourner les ouvriers de la propagande socialiste.
Selon M.T.Join-Lambert (1998), quatre principes
fondamentaux définissent le système bismarckien :
- une protection exclusivement fondée sur le travail
et, de fait, limitée ;
- une protection obligatoire pour les seuls salariés
dont le salaire est inférieur à un certain montant, donc pour
ceux qui ne peuvent recourir à la prévoyance
individuelle ;
- une protection sociale fondée sur la technique de
l'assurance, qui instaure une proportionnalité des cotisations par
rapport aux salaires et une proportionnalité des prestations par rapport
aux cotisations ;
- une protection gérée par les employeurs et les
salariés eux-mêmes.
En Grande-Bretagne, il faut attendre 1911 pour que soit
mis en place par l'État un système d'assurance obligatoire contre
la maladie et le chômage. En France, ce n'est qu'au début du
XXe siècle que commence à se mettre en place un
système d'assurance (1910, loi sur les retraites ouvrières et
paysannes).
La période 1920-1940 apparaît comme une
période où le système des assurances sociales se
consolide. Les avantages obtenus par une minorité des travailleurs
s'étendent aux classes moyennes, parfois à toute la population.
Le processus devient irréversible : les incertitudes et les
débats du XXe siècle s'estompent. En France, la loi
sur les assurances sociales voit le jour le 30 avril 1930 et couvre les risques
de maladie, maternité, vieillesse, invalidité et
décès. Elle est complétée par la loi du 11 mars
1932 sur les allocations familiales.
Aux États-Unis, jusqu'en 1930, le gouvernement
fédéral, par fidélité aux principes du
libéralisme, refuse toute intervention sociale
systématique : l'aide aux nécessiteux est laissée
à l'appréciation des États fédérés,
des municipalités ou des organismes charitables. L'économie de
marché est censée fournir aux individus des revenus
élevés et des emplois nombreux (conception résiduelle de
la protection sociale).
Avec la crise économique de 1929, le
chômage apparaît désormais comme un risque majeur. Par
ailleurs, la théorie keynésienne justifie l'intervention de
l'État et la redistribution. Aux États-Unis, le traumatisme de la
crise conduit au vote du Social Security Act (1935), qui complète la
politique économique du New Deal. Il s'agit d'une loi combinant
l'assurance et l'assistance, et d'une protection sociale
générale. La loi introduit une assurance-vieillesse
coordonnée par le gouvernement fédéral (Federal Old Age
Assistance), financée par des cotisations d'employeurs et de
salariés, ainsi qu'une assurance-chômage (Unemployment
Compensation), enfin une aide aux familles indigènes, aux aveugles et
aux vieillards nécessiteux (confiés aux États
fédérés). Ces mesures restent timides pour
l'époque.
Les conditions de la mise en place de
L'État-providence vont être réunies au lendemain de la
seconde guerre mondiale.
· Des assurances sociales à la protection
sociale
En Europe, à travers la crise et la guerre, un nouveau
compromis social s'institutionnalise. Les rapports Beveridge en Grande-Bretagne
(1942 et 1944), les travaux du Conseil national de la Résistance en
France, visent à instaurer un système protégeant
l'ensemble de la population contre les risques de maladie, maternité,
accidents du travail, vieillesse, chômage et famille.
Ø Le rapport Beveridge en Grande-
Bretagne
Le rapport Beveridge de novembre 1942 (Social Insurance and
Allied service) marque l'avènement du « Welfare
State ». Selon W.Beveridge, une société industrielle
vivant en paix ne devrait pas souffrir du besoin ni « des cinq
génies malfaisants de l'histoire » : la maladie,
l'ignorance, la dépendance, la déchéance et le taudis.
Pour lui la liberté individuelle n'est pas séparable de la
sécurité sociale qui doit « affranchir du
besoin ». Il rejette le système d'assurances sociales
réservées aux seuls travailleurs ainsi que le principe d'une
assistance limitée aux plus démunis et introduit l'idée
d'une protection universelle de tous les citoyens financée par
l'impôt.
Le régime de sécurité sociale
conçu par W.Beveridge est en rupture avec la conception des
« assurances sociales ». Il repose sur une nouvelle
conception du risque social et du rôle de l'État. La
sécurité sociale a pour but de libérer l'homme du besoin
et du risque en garantissant une sécurité du revenu. Est
considéré comme risque social tout ce qui menace le revenu
régulier des individus : maladie, accidents du travail,
décès, vieillesse, maternité, chômage. Face au
caractère partiel des politiques existantes, W.Beveridge propose la mise
en oeuvre d'un système global et cohérent.
Il préconise un système
caractérisé par :
- le principe d'universalité : un système
généralisé, qui couvre l'ensemble de la population quelque
soit son statut d'emploi ou son revenu ;
- le principe d'unité : un système
unifié et simple (une seule cotisation couvre l'ensemble des risques,
donc un seul régime) ;
- la centralisation du système (service public
unique).
Pour Beveridge, cette nouvelle protection sociale n'a de
sens que si elle est liée à une politique de plein-emploi8(*). Il publie en 1944 un second
rapport Full Employment in a Free Society (Du travail pour tous dans une
société libre). « Ce doit être une fonction de
l'État que de protéger les citoyens contre le chômage de
masse, aussi définitivement que c'est maintenant la fonction de
l'État que de défendre les citoyens contre les attaques du dehors
et contre les vols et les violences du dedans. »
L'État-Providence qui se met en place en
Grande-Bretagne entre 1945 et 1948 (loi de 1945 sur les allocations familiales,
loi de 1946 sur le National Health Service, National Assistance Act en 1948
pour lutter contre l'indigence) va peu évoluer jusqu' aux années
1960. Il constitue une référence historique de
l'État-Providence, financé par l'impôt,
contrôlé par le parlement et géré par le service
public. Ce système sera adopté par les pays scandinaves
après 1945 (Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Irlande),
par le Canada en 1970 et par les pays méditerranéens
(Grèce, Italie, Espagne, Portugal) autour de 1980.
Ø Le modèle français de
protection sociale
Le modèle français, initié par le juriste
Pierre Laroque en 1945, est « un
modèle hybride », intermédiaire entre les
modèles bismarckien et béveridgien. Comme le modèle
anglais, il adopte le principe de l'universalité de la couverture
sociale mais son mode de financement et d'organisation relève
plutôt du modèle allemand.
Les ordonnances du 22 février et des 4 et 19
octobre 1945 fondent la sécurité sociale. Le système
trouve sa source dans les travaux du Conseil national de la Résistance
et le rapport demandé à Pierre Laroque. L'intention de
départ était de créer un régime obligatoire unique
couvrant l'ensemble de la population pour les quatre risques pris en compte
(maladie, accidents du travail, invalidité, vieillesse et
maternité), en application des principes énoncés par
W.Beveridge. En même temps, on voulait mettre en place une gestion
paritaire du système. Ce fut un échec, de nombreux groupes
professionnels (professions indépendantes, cadres...) ont refusé
de s'intégrer dans le régime général et, pour
certains, ont conservé un régime spécial (marins, mineurs,
cheminots, etc.). C'est ce qui explique la complexité administrative du
système français.
La protection sociale est organisée selon quatre
niveaux :
o La sécurité sociale fournit la couverture de
base des risques maladie, maternité, invalidité,
décès, accidents du travail et maladies professionnelles,
vieillesse et famille qui correspondent chacun à une
« branche ». Elle est composée de différents
régimes regroupant les assurés sociaux selon leur activité
professionnelle dont les principaux sont :
- le régime général qui concerne la
plupart des salariés, les étudiants ;
- les régimes spéciaux qui couvrent les
salariés qui ne sont pas dans le régime général
(fonctionnaires, et autres agents) ;
- les régimes des non salariés non agricoles qui
couvrent séparément les artisans, les commerçants ou
industriels et les professions libérales pour l'assurance vieillesse, le
risque maladie faisant l'objet d'une gestion commune ;
- le régime agricole pour les exploitants et des
salariés agricoles.
o Les régimes dits complémentaires peuvent
fournir une couverture supplémentaire aux risques pris en charge par la
sécurité sociale. Certains sont obligatoires (régimes
complémentaires de retraite des salariés du secteur privé)
et d'autres facultatifs (mutuelles de santé, institutions de
prévoyance).
o L'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le
commerce gère le régime d'assurance-chômage.
o L'aide sociale relève de l'État et des
départements, qui apportent un soutien aux plus démunis.
Ø Le modèle américain de
protection sociale
Le système américain relève du
« modèle résiduel » où le
marché est censé fournir aux individus des emplois et des revenus
suffisants en fonction de leurs mérites. Si l'individu ne peut se
procurer des moyens de subsistance, les solidarités familiales ou celles
des réseaux privés doivent y pourvoir. L'État n'intervient
qu'en dernière instance.
La protection sociale américaine sépare
clairement le domaine de la Social Security et celui du Welfare
(« bien-être ») :
o le domaine des assurances sociales est très
limité : il comprend un programme d'assurance vieillesse et
chômage, l'assurance-maladie n'en fait pas partie ;
o le domaine du Welfare fait référence aux
mesures de l'État en direction des pauvres. Les plus importantes sont
Medicaid, assistance médicale au plus démunis, aide aux familles
avec des enfants dépendants (souvent des familles monoparentales) et le
revenu minimum complémentaire pour les personnes âgées, les
invalides et les aveugles. Chaque État a une grande liberté pour
fixer le niveau des allocations et les conditions d'attributions de ces aides.
Au-delà de l'opposition entre système
bismarckien et système béveridgien, plusieurs auteurs comme le
politologue danois Gösta Esping-Andersen ont tenté de dresser une
typologie des systèmes de protection sociale.
1.1.2. La typologie des systèmes de protection
sociale
Dans son ouvrage intitulé, Les trois mondes de
l'État-providence - Essai sur le capitalisme moderne,
Gösta Esping-Andersen réalise une classification des
États-providence sous la forme d'idéaux-types (Esping-Andersen,
1990). Il montre qu'il n'existe pas un État-providence, réponse
fonctionnelle à la montée des besoins sociaux
générés par la société industrielle, mais
des États-providence qui diffèrent par leur histoire, le mode de
relation entre la société et la protection sociale, la place
accordée à l'État par rapport au marché et plus
généralement par le paradigme qui sous-tend l'action en
matière de protection sociale.
Trois critères rendent compte des principes
fondamentaux qui sous-tendent les systèmes de protection sociale. La
première est la « démarchandisation » des
besoins des individus par le système de protection sociale. Ce
critère permet de mesurer le niveau de générosité
de la protection sociale et la mesure dans laquelle il permet aux individus et
aux familles de préserver un niveau de vie socialement acceptable,
indépendamment de leur participation au marché. Idéalement
la démarchandisation supposerait que les citoyens puissent opter
librement pour le non-travail, lorsqu'ils considèrent cette solution
comme nécessaire, sans perte potentielle d'emploi, de revenu ou de
bien-être général. Le deuxième critère est la
« stratification sociale », c'est-à-dire la
façon dont le système de protection sociale participe à
l'organisation et au maintien de l'organisation sociale. Le troisième
critère est l'agencement opéré par chaque régime
entre les trois principales sources de bien-être, souvent
désignées comme les trois piliers de la protection sociale que
constituent l'État, le marché et la famille.
Gösta Esping-Andersen différencie ainsi
trois mondes de l'État-providence ou régimes de protection
sociale : le régime libéral limite son intervention sociale
aux plus faibles qui sont protégés, mais aussi
stigmatisés ; le régime social-démocrate se
caractérise par un niveau élevé de protection sociale pour
tous les citoyens, une offre importante de services sociaux, et une
volonté de redistribution par l'impôt. Le troisième
régime, qui rassemble les pays de l'Europe continentale est dit
« conservateur-corporatiste », dans la mesure où la
protection sociale est adossée au travail salarié, visant moins
une transformation de la société dans un objectif
d'équité sociale, que le maintien des statuts sociaux et
professionnels.
1.1.2.1. Le régime «
libéral »
Dans ce premier modèle, le degré de
démarchandisation est faible. Le principe de l'assistance est
prédominant, et les droits sont au moins attachés au travail
qu'à un besoin démontrable. Dans les nations où ce
modèle a été mis en place (principalement dans les pays
anglo-saxons), la « marchandisation » ou régulation
par le marché est un principe prééminent.
Cet idéal-type s'inscrit dans la continuité de l'éthique
libérale, selon laquelle l'individu est considéré comme
responsable de son propre bien-être, accessible par le travail. Par
conséquent, le système de protection sociale intervient peu, avec
la volonté de ne pas se substituer aux règles du marché,
et se limite à offrir un filet de sécurité.
Financées par l'impôt, les prestations sociales sont modestes et
principalement attribuées à ceux qui ont les plus bas revenus.
Les règles de droit social sont strictes et souvent associées
à des stigmates.
En matière d'organisation du système de
protection sociale, les pays anglo-saxons n'ont pas suivi toutes les
recommandations de Beveridge. Par exemple, au Royaume-Uni, si l'action de la
protection sociale est possible pour tous les résidents, seul le
système de santé (National Health Service) est
véritablement universel. Les prestations en espèce
(indemnités maladie, allocations chômage, retraites) servies par
le système public (National Insurance) sont forfaitaires et peu
élevées, ce qui implique un rôle important des assurances
privées et les régimes d'entreprises. Ceux qui n'ont pas
suffisamment cotisé à l'assurance nationale perçoivent des
prestations sous condition de ressources (Income Support). Le système
public, très unifié, est géré par l'appareil
administratif de l'État central, et majoritairement financé par
l'impôt.
L'État encourage le fonctionnement du
marché, qui régule les mécanismes d'allocations des
richesses, en garantissant qu'un minimum social et en subventionnant le
développement des projets privés de prévoyance. Ce type de
régime érige un ordre de stratification sociale, qui
délimite un dualisme politique de classes, entre les plus riches qui
recourent peu au système public de protection sociale et s'assurent par
l'intermédiaire des dispositifs privés, et les groupes les plus
pauvres, généralement les classes ouvrières, qui
relèvent de l'assistance public financée par l'impôt. La
classe moyenne est partagée entre ces deux groupes majeurs, et oscille
entre la difficulté de financer une assurance sociale dans le secteur
privé, et le risque de bénéficier des prestations
universelles publiques, ce qui induit socialement de tomber dans la
catégorie des plus pauvres.
Dans la mesure où les indemnités sont
prises en charge par l'État et financées par l'impôt, les
citoyens sont peu attachés au système de protection sociale et
celui-ci semble de ce fait plus facile à réformer9(*). Les Etats-Unis, le Canada et
l'Australie apparaissent comme les archétypes de ce modèle de
protection sociale. Au niveau européen, le régime de protection
sociale libéral est représenté par la Grande-Bretagne.
1.1.2.2. Le régime « conservateur-
corporatiste10(*)»
Le second modèle est celui de l'assurance sociale
obligatoire adossée au travail, qui permet l'obtention de droits
sociaux d'un niveau élevé, mais n'apparaît pas, selon
Esping-Andersen comme réellement «
démarchandisant ». En effet, le degré de
démarchandisation dépend de la structure
d'éligibilité et des règles d'indemnisation. Or, dans ce
modèle, les indemnités dépendent des contributions, et par
conséquent de l'accès au travail et au marché. En ce sens,
même si le droit social est présent, les règles
d'indemnisation dictent le point jusqu'auquel les programmes sociaux offrent de
véritables alternatives à la dépendance au marché.
Cependant, ce régime de protection sociale est
moins régulé par le principe du marché que par celui du
maintien de l'organisation sociale. La protection sociale s'inscrit dans
l'héritage des assurances sociales bismarckiennes. L'ouverture des
droits est conditionnée par le versement de cotisations et l'attribution
des prestations sociales est directement liée à la position dans
l'emploi. Les prestations en espèces sont contributives et
proportionnelles au revenu. Les cotisations sociales sont versées par
les employeurs et les employés constituent l'essentiel des sources de
financement du système. Ces systèmes, souvent très
fragmentés, sont organisés de façon plus ou moins autonome
de l'État, et sont gérés par les représentants des
employeurs et des employés. Ceux qui ne sont pas ou plus couverts par
les assurances sociales peuvent recourir à un filet de
sécurité constitué de prestations minimales, sous
condition de ressources, financées par des recettes fiscales.
Le système corporatiste est subordonné
à un édifice étatique, qui est près à se
substituer au marché en tant que pourvoyeur de bien-être. En ce
sens, l'État participe à l'organisation et au maintien des
strates sociales, et son impact de répartition est faible. Les valeurs
catholiques sont également présentes et conduisent à
préserver les structures familiales traditionnelles. Dans ce contexte,
les assurances sociales sont le plus souvent décernées au
travailleur et à sa famille, les femmes n'accédant pas à
l'emploi salarié et se dédiant aux soins familiaux. De ce fait,
si le niveau des allocations familiales est le plus souvent
élevé, les services familiaux (garderies, crèches...) sont
sous-développés. Cet idéal-type de la protection sociale
est commun aux pays de l'Europe continentale, c'est-à-dire l'Autriche,
la France, l'Allemagne ou l'Italie...
1.1.2.3. Le régime «
social-démocrate »
Le troisième modèle apparaît comme le plus
démarchandisant dans la mesure où il offre une indemnité
de base égale à tous, indépendamment des gains
antérieurs ou des cotisations. La protection sociale incarne la logique
universaliste et constitue un droit pour tous les citoyens, la plupart des
prestations sont forfaitaires et d'un montant élevé,
versées automatiquement en cas d'apparition du besoin social. Ces
systèmes sont essentiellement financés par des recettes fiscales.
Ils sont totalement publics, placés sous l'autorité direct des
pouvoirs publics centraux et locaux. Les salariés reçoivent aussi
des prestations complémentaires au travers de régimes
professionnels obligatoires, financés essentiellement par les
employeurs. Seule l'assurance chômage n'est pas intégrée au
système public de protection sociale.
Plutôt que de tolérer un dualisme entre
l'État et le marché, entre classe ouvrière et classe
moyenne, les sociaux-démocrates ont choisi d'instaurer un
État-providence qui encourage une égalité à partir
des plus hauts standards et non des besoins minimaux. Toutes les classes sont
incorporées dans un système universel d'assurance sociale, bien
que les indemnités soient relatives aux revenus habituels. Ce
modèle neutralise le marché et par conséquent
établit une solidarité globale en faveur de
l'État-providence.
La politique d'émancipation du régime
social-démocrate concerne aussi la famille traditionnelle. Contrairement
au modèle corporatiste, le principe n'est pas d'accompagner (voire de
renforcer) l'interdépendance familiale mais de rendre possible une
interdépendance individuelle. En ce sens, le modèle est une
fusion particulière de libéralisme et de socialisme. Il en
résulte un État-providence qui octroi des subsides directement
aux individus et qui prend la responsabilité directe des soins aux
enfants, aux personnes âgées ou aux personnes sans ressources. Par
conséquent, il est soumis à une lourde charge de service social,
qui tend à s'équilibrer par un accès facilité
à l'emploi pour les femmes.
La spécificité du régime
social-démocrate est d'après Esping-Andersen sa fusion entre
bien-être et travail : il vise à fournir une garantie de
plein emploi et est indépendant de la réalisation de cet
objectif. D'une part, le droit au travail a le même statut que le droit
à la garantie de revenu. De ce fait, l'État-providence intervient
sous la forme de politiques actives pour l'emploi (formation, reclassement,
création d'emplois publics). D'autre part les coûts de maintien du
système nécessitent de préserver un quasi plein emploi, et
la valeur du travail est prééminente. Cet idéal-type
rassemble les pays nordiques, c'est-à-dire la Suède, la Finlande,
le Danemark...
1.2. Les limites des systèmes de protection
sociale
Pendant les Trente Glorieuses, le niveau de la protection
sociale ne va pas cesser de s'améliorer, y compris aux États-Unis
où, en dépit des traditions individualistes très fortes,
les présidents J.F.Kennedy et L.B.Johnson mettent en place des
politiques de lutte contre la pauvreté et de couverture du risque
maladie. Dans tous les pays, les revenus de transferts occupent une place
croissante dans le revenu disponible des ménages et en France le budget
social de la nation (qui recense l'ensemble des dépenses de protection
sociale et d'aide sociale) devient supérieur au budget de l'État.
Le ralentissement du rythme de croissance des pays
industrialisés à partir de 1974 marque la fin de l'âge d'or
des politiques sociales. Les limites des systèmes de protection sociale
relèvent des critiques libérales et des transformations de
l'environnement socioéconomique et politique.
1.2.1. Les critiques libérales
La légitimité de la protection sociale est
aujourd'hui contestée par certains auteurs libéraux qui mettent
en avant les effets économiques négatifs de la redistribution.
· Pour ces auteurs, le développement des
politiques sociales produit des effets pervers : loin de réduire la
pauvreté elle l'institutionnalise. Il faut donc réduire la
protection sociale obligatoire, faire appel à la responsabilité
des individus qui peuvent s'assurer contre les risques de l'existence dans un
cadre concurrentiel. Il faut par ailleurs laisser toute leur place aux
activités caritatives volontaires des individus altruistes.
· Plus récemment, certains économistes ont
mis en avant l'accroissement de l'aléa moral, phénomène
bien connu en économie de l'assurance. Plus la protection contre les
risques est complète et étendue, moins les individus sont
incités à éviter les risques auxquels ils sont
exposés. Il s'agit d'une version à peine
dépoussiérée de la condamnation de l'aide aux pauvres.
· Les prestations sociales et plus
particulièrement les minima sociaux sont accusés de créer
des trappes à la pauvreté : le versement des prestations
sociales incite ceux qui les perçoivent à ne pas faire d'effort
pour améliorer leur situation.
· La protection sociale génère d'autres
effets économiques négatifs. En effet, les
prélèvements sociaux freinent :
- la croissance (courbe de Laffer) ;
- l'emploi et la compétitivité des
entreprises ;
- l'épargne, comme le dénonçait dans les
années 1970 M.Felstein, expert des problèmes de santé et
de retraite et conseiller économique de R.Reagan. Pour lui, le
financement des retraites par répartition était une des causes de
l'insuffisance chronique de l'épargne des ménages aux
États-Unis.
1.2.2. Les transformations de l'environnement
socioéconomique et politique
Les limites de la protection sociale relèvent
aussi de facteurs économiques (équilibres financiers), de
facteurs démographiques et de facteurs sociaux et politiques.
1.2.2.1. Les facteurs socioéconomiques
Les difficultés de la protection sociale sont
d'abord financières : le ralentissement de la croissance et la
montée du chômage réduisent les ressources des
régimes sociaux alors que les dépenses continuent à
s'accroître rapidement. Cet accroissement résulte d'un double
phénomène.
D'une part, certaines dépenses poursuivent leur
tendance antérieure. C'est le cas des dépenses de santé
dont la croissance est plus rapide que la croissance du revenu (à la
fois en raison de la demande des ménages et des caractéristiques
de l'offre de soins). Dans la mesure où ces dépenses sont
largement socialisées, les régimes d'assurance-maladie voient
leurs charges s'accroître.
D'autre part, certaines dépenses comme les
dépenses d'indemnisation, de prise en charge des retraites
anticipées etc., augmentent avec la montée du chômage.
Ces difficultés financières conduisent les
pouvoirs publics à rechercher une réduction des coûts.
La protection sociale se heurte aussi aux
conséquences des évolutions démographiques.
L'accroissement de la charge des deux compartiments les plus lourds des
dépenses (vieillesse et santé), est principalement
déterminé par des facteurs structurels qui relèvent de
l'évolution du mode de vie et de facteurs démographiques,
notamment le vieillissement de la population, et de facteurs techniques
(progrès technique médical).
Sous l'effet de ces facteurs, en France les prestations
sociales ont progressé sur l'ensemble de la période plus vite que
la production nationale. Leur poids dans le PIB est ainsi passé de 25%
en 1981 à 29,15% en 2004.
Quelques tendances peuvent être
observées :
- la progression des prestations
« vieillesse-survie » (12,7% du PIB en 2004), sous l'effet
du vieillissement démographique, du développement des
régimes complémentaires et la montée en puissance des
systèmes de retraite. Cette hausse devrait s'accélérer
avec l'arrivée à l'âge de la retraite des
générations du baby-boom ;
- une reprise à la hausse des prestations liées
à la maladie (8,5% du PIB en 2004), alors que leur part dans le PIB
tendait à se stabiliser depuis 1995. Les dépenses de
médicaments et la montée en puissance de la couverture maladie
universelle (CMU) contribuent à expliquer cette nouvelle
augmentation ;
- une progression des prestations
« pauvreté-exclusion », avec la création du
revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988 ;
- la poursuite de la baisse des prestations
« famille-maternité » (9,4% des prestations sociales
et 2,7% du PIB en 2004), malgré la progression des aides de
logement ;
- une augmentation des prestations
« emploi » avec l'apparition d'un « chômage
de masse ». leur évolution reste fortement liée
à celle de la conjoncture économique (très forte hausse de
1981 à 1986, baisse importante après 1997, reprise depuis
2002).
1.2.2.1. Les facteurs politiques et culturels
Certains contestent le système de protection sociale
tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Ses effets sur la réduction des
inégalités de revenus sont assez faibles. La redistribution
horizontale l'emporte sur la redistribution verticale. Par ailleurs, de larges
poches de pauvreté subsistent et les exclus sont de plus en plus
nombreux à passer à travers les mailles du filet de la protection
sociale.
Plus fondamentalement, P.Rosanvallon (1981)
considère que la crise de la protection sociale a une dimension
culturelle et politique. Pour lui, l'État moderne est fondamentalement
un État protecteur. La protection sociale permet de substituer à
l'incertitude de la providence religieuse la certitude de la providence
étatique. L'État-providence est donc un produit de la culture
démocratique et égalitaire moderne.
Historiquement, l'État-providence progresse par
bonds, notamment à l'occasion des crises ou des guerres, car
« ces périodes constituent des temps d'épreuve à
la faveur desquels il y a reformulation plus ou moins explicite du contrat
social ». Or, dans la période actuelle, aucun mouvement social
significatif ne s'est produit pour légitimer une avancée de
l'État-providence (à la différence de
l'après-guerre). Le doute sur l'État-providence est ainsi
lié à une « panne de l'imagination sociale ».
De plus, la dynamique égalitaire des
sociétés modernes semble bloquée. Selon Rosanvallon, la
demande d'égalité est en perte de vitesse au profit d'une demande
de sécurité, on assiste à une montée de
l'individualisme, à une tendance à la corporatisation, à
un développement de réactions catégorielles
étroites en matière d'impôts et de cotisations sociales,
etc.
Selon P.Rosanvallon, ces évolutions doivent
être analysées en termes sociologiques. Le système de
redistribution, et donc d'organisation de la solidarité, se substitue au
face à face des individus et des groupes. De fait, il se présente
pour ces derniers comme une donnée, un système autonome et
indépendant d'eux, alors qu'il résulte de l'interaction des
prestations et des prélèvements affectant chaque individu.
L'organisation de la solidarité est ainsi coupée des rapports
sociaux réels et devient plus abstraite. Dans ces conditions, les
revendications d'individus et de groupes pour réduire ou limiter les
contributions financières peuvent être totalement disjointes du
sens social de leurs effets.
Le constat d'une crise de l'État-providence doit
être nuancé. En effet, si les limites rencontrées depuis
une vingtaine d'années par les différents systèmes
d'État-providence démontrent la nécessité d'engager
des réformes profondes, l'État et ses systèmes de
régulation collective demeurent aujourd'hui les meilleurs garants de la
cohésion sociale. L'État-providence doit certes adapter son
intervention aux évolutions de son environnement économique
(concurrence sociale dans une économie mondialisée,
vieillissement démographique, nouveaux comportements économiques
et sociaux) et répondre de manière adéquate à
l'émergence de nouveaux besoins sociaux (exclusion, dépendance),
mais il demeure le socle d'un véritable « modèle social
européen ».
CONCLUSION
A travers l'évolution du fonctionnement du
modèle de protection sociale, on perçoit comment les
systèmes de protection sociale ont progressivement acquis leurs
principales caractéristiques actuelles. Certaines étaient en
germe à la fin du XIXe siècle, d'autres se sont
affirmés dans les années quarante/cinquante ou soixante-dix
correspondant à l'âge d'or des systèmes de protection
sociale. Néanmoins, le début des années soixante-dix
marques également la phase de la stagnation ou de la crise desdits
systèmes. Ceux-ci sont confrontés à la crise
économique, source de difficultés financières, en
même temps qu'à des transformations de « la
structure des risques et des besoins sociaux » (Esping-Andersen,
2001).
Au Cameroun tout comme dans la plupart des pays
africains, l'impulsion initiale du fonctionnement d'un modèle de
protection sociale est d'origine coloniale. Contrairement en Occident où
l'État et les forces sociales ont eu à jouer un grand rôle
dans la mise en oeuvre des systèmes de protection sociale. Dès
lors, le fonctionnement de la protection sociale au Cameroun, ainsi que le
caractère défectueux de celui-ci fera l'objet du deuxième
chapitre.
CHAPITRE 2 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION
SOCIALE AU CAMEROUN
Le fonctionnement de la protection sociale au Cameroun
comme dans la plupart des pays africains est un héritage colonial. Il
constitue un legs de la part du colonisateur la France, qui par les ordonnances
de 1945 met en oeuvre les idées issues du Conseil national de la
Résistance en matière de sécurité sociale
(Ntsama.E, 2003). Mais depuis le milieu des années 1980, le
système de protection sociale camerounais connaît un essoufflement
qui remet en cause son fonctionnement. Cet essoufflement est fortement
lié d'une part aux contraintes socioéconomiques, et d'autre part
aux contraintes institutionnelles.
Ainsi, ce chapitre est structuré de la
façon suivante : tout d'abord, l'organisation de la protection
sociale au Cameroun sera présentée, ensuite les
éléments d'un fonctionnement défectueux du système
de protection sociale camerounais seront analysés.
2.1. L'organisation de la protection sociale
camerounaise
Le mode de fonctionnement de la protection sociale au Cameroun
relève du legs colonial. Celui-ci a évolué après
avoir vu le jour en 1945 à travers les ordonnancements du pays
colonisateur la France. La présente section s'attèle à
présenter en première lieu la particularité du
système camerounais de protection sociale, puis en second lieu le
régime camerounais de protection sociale.
2.1.1. La particularité du système
camerounais : un héritage colonial
Le système camerounais de protection sociale a connu
deux phases d'évolution : celle de l'avant indépendance et
celle de l'après indépendance.
2.1.1.1. La protection sociale avant l'indépendance
La substance du système social camerounais se
décline de manière précise par l'ordonnancement du 06
décembre 1945 mise en place par la France, créant une caisse de
compensation des prestations familiales dont le siège est à
Douala. A cette époque la législation sociale est encore à
une double vitesse. On comprend que la caisse ne prend en charge que les
travailleurs français et assimilés par la revendication des
travailleurs indigènes et l'action des organisations internationales,
à l'exclusion des camerounais.
Il importe toutefois de souligner qu'avant cet
ordonnancement, quelques textes coloniaux posaient déjà les
jalons d'un embryon de sécurité sociale au Cameroun ; pour
l'illustrer, il y a lieu de citer le décret du 17 novembre 1937 qui,
pour la première fois, posait le principe de l'indemnisation directe,
par les employeurs, des accidents du travail survenus à leurs
travailleurs ; on citera aussi le décret du 7 janvier 1944 portant
réglementation du travail indigène au Cameroun, notamment dans
son titre VI qui instituait un système de réparation des
accidents de travail et des maladies professionnelles. Ce système
était non seulement discriminatoire car ne s'appliquant qu'aux
travailleurs indigènes, mais aussi les réparations étaient
dérisoires.
Le code du travail des pays d'outre-mer
promulgué le 15 décembre 1952 viendra mettre un certain ordre
dans les nombreuses initiatives des divers textes de l'administration coloniale
tendant à mettre en place au Cameroun quelques germes des assurances
sociales. Le bénéfice de la caisse de compensation est
étendu à tous les travailleurs (article 237 du code). Un
décret du 1er juillet 1956 traduit dans les faits l'extension
du champ de compétence personnel de la caisse de compensation des
prestations familiales.
A la veille des indépendances, la loi
n°59/25 du 11 avril 1959 abroge le décret de 1956 et
réorganise la caisse. Les prestations familiales comprennent :
- les allocations familiales distribuées au titre des
enfants mineurs à charge ;
- les allocations prénatales versées pendant la
grossesse ;
- le salaire unique ou l'allocation de foyer
(complément de salaire pour le travailleur dont le conjoint n'a pas
d'emploi salarié) ;
- des prestations en nature.
Le code du travail de 1952 prévoit
également l'extension à tous les travailleurs de la couverture
des risques professionnels (maladie et accident). Le décret du 24
février 1957 organise la formule. Celle-ci est basée sur
l'idée de la responsabilité de l'employeur pour les maladies
professionnelles et accidents de travail. Mais les prestations sont servies par
un organisme assureur à qui les employeurs versent des cotisations.
Finalement, si l'idée de la responsabilité est retenue, elle est
diluée puisque les cotisations sont dues sans égard à la
réalisation effective d'un dommage. Le système fonctionne avec
plusieurs organismes assureurs qui sont des compagnies privées
d'assurance. Mais les cotisations et les prestations sont fixées par
l'autorité. Les premières varient en fonction du risque couru,
les secondes en fonction de la gravité de l'atteinte.
Le code de travail de 1952 permet enfin l'extension aux
camerounais de la couverture du risque vieillesse. Le système
adopté est dans la ligne du système français prévu
par l'Ordonnance de 1945. Il s'agit du système de répartition
consistant pour les actifs à cotiser pour le service des prestations aux
retraités.
2.1.1.2. La protection sociale après
l'indépendance
Avec l'indépendance et la réunification, le
Cameroun, membre de l'organisation du travail depuis 1960, est amené
à adapter sa législation aux normes internationales. Cet
ajustement du cadre juridique de la protection sociale s'est fait à
travers :
- la loi n°67/LF/07 du 12 juin 1967 instituant un code
des Prestations Familiales (allocations prénatales, allocations
familiales, allocations maternité, indemnités journalières
de congé de maternité) ;
- la loi n°67/LF/08 du 12 juin 1967 qui crée la
Caisse Nationale de Prévoyance Sociale en tant qu'organisme autonome en
charge de la gestion du régime des prestations familiales ;
- la loi 69/LF/18 du 10 novembre 1969 instituant un
régime d'assurance pensions de vieillesse, d'invalidité et de
décès. Dans ce régime, le financement est assuré
à travers les cotisations sociales recouvrées tant auprès
des employeurs que des travailleurs ;
- l'ordonnance n°73/17 du 22 mai 1973 portant
organisation de la prévoyance sociale qui confie à la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale dans le cadre de la politique
générale du Gouvernement, le service des diverses prestations
prévues par la législation de la protection sociale ;
- la loi n°77/11 du 13 juillet 1977 portant
réparation et prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles, qui confie à la Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale, la couverture et la gestion des risques professionnelles, abrogeant
ainsi une législation antérieure issue de l'Ordonnance 59/100 du
31 décembre 1959 qui avait confié la gestion de ces risques aux
compagnies privées d'assurance.
2.1.2. Le régime camerounais de protection
sociale
Le système camerounais de protection sociale peut se
présenter à travers son architecture institutionnelle et sa
situation depuis les années quatre-vingts.
2.1.2.1. L'architecture institutionnelle
Le système camerounais actuel de protection sociale est
assis d'une part sur le système de la prévoyance sociale
géré par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale au
profit des travailleurs du secteur privé et des personnels de
l'État relevant du code du travail, et d'autre part sur le régime
de pension de retraite des fonctionnaires et assimilés
géré par l'État11(*). S'inspirant de la déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948 et de la convention n°102 de
l'Organisation Internationale du Travail qui fait de la sécurité
sociale un droit universel, le Cameroun a mis en place , par une ordonnance du
22 mai 1973, une organisation de son système de protection sociale et
familiale, adapté à son environnement économique et
social. Cette organisation est chargée d'assurer le paiement des
prestations prévues par les principes de la sécurité
sociale.
La sécurité sociale a
institutionnalisé neuf types de prestations qui sont :
- les soins médicaux à caractère
préventif ou curatif ;
- les indemnités de maladie en cas d'arrêt de
travail résultant d'une maladie ;
- les prestations de chômage ;
- les prestations de vieillesse ;
- les prestations en cas d'accidents du travail et les
maladies professionnelles ;
- les prestations aux familles ;
- les prestations de maternité ;
- les prestations d'invalidité ;
- les prestations de survivants.
Dans son organisation de la protection sociale et
familiale, que le Cameroun a dénommée la prévoyance
sociale, six des neufs prestations susvisées ont été
regroupées dans les trois branches ci-après ;
- les prestations familiales ;
- les pensions de vieillesse, d'invalidité et de
décès ;
- les accidents de travail et les maladies
professionnelles.
A côté de ces branches, une action sanitaire
et sociale est également menée par le système.
Les soins sont dispensés aux travailleurs par les
employeurs dans le cadre du code du travail. Toutefois, depuis 1952, un certain
nombre de soin sont dispensés, dans le cadre d'un service national de
santé. La législation camerounaise de sécurité
sociale ne comporte pas, en effet, de branche « soins de
santé » et de branche « chômage ».
Conformément également aux dispositions prévues par le
code du travail, les employeurs assurent le maintien du salaire en cas
d'incapacité provisoire de travail.
Le système camerounais de protection sociale se
distingue par son caractère bismarckien, fondé sur des
contributions obligatoires (des salariés et des employeurs) assises sur
les salaires. Il plaide pour une gestion de la sécurité sociale
par les intéressés, les assurés ou leurs
représentants (l'État et les partenaires sociaux). C'est un
système professionnel fortement étatisé, puisque les
bénéficiaires sont en grande partie les employés de
l'État.
Ce système fonctionne selon la logique d'assurance
sociale, dont l'objectif est de prémunir contre un risque de perte de
revenu des travailleurs. Ici, seuls les travailleurs qui cotisent
perçoivent les prestations sociales. Autrement dit, au Cameroun la
sécurité sociale est payante.
Pour ce qui est du système d'assistance sociale
et de solidarité, celui-ci est encore résiduelle par
défaut de financement. L'aide sociale est en partie assuré par le
ministère en charge des affaires sociales qui apporte une assistance aux
populations cibles telles que : les enfants, les handicapés, les
personnes âgées, les indigènes, les populations
vulnérables. L'objectif étant ici la réduction de la
pauvreté (objectif beveridgien). La solidarité familiale
malgré ses signes d'insuffisances (inégalités de revenus
et manque de diversification des risques) du fait de l'urbanisation, de
l'individualisation, de la croissance du salariat, et finalement d'un processus
de modernisation des sociétés occupe encore une place essentielle
en matière d'assistance. L'assistance privée, internationale et
religieuse est importante, mais reste déconcentrée et peu
coordonnée.
La protection sociale complémentaire quant
à elle est assurée par les systèmes d'assurance
communautaire. La majorité de ces systèmes mènent leurs
activités dans l'informel et sont organisés par les populations
elles mêmes dans les tontines, réunions de quartier ou de village
notamment pour les deuils, la maladie, les naissances.
Actuellement, seules les mutuelles de santé
connaissent un début de promotion réelle par les bailleurs de
fonds.
En ce qui concerne la couverture sociale, le Cameroun se
caractérise par une protection sociale embryonnaire et à
extension bloquée. Ceci s'explique par le niveau actuel de la couverture
sociale. La figure 2.1 ci-dessous nous permet de mieux cerner cette
situation.
Figure 2.1. Structure de la couverture
sociale en 2005
Source : réalisé par
l'auteur à partir des données de la CNPS
De cette figure, il ressort que, les travailleurs
indépendants (médecins, avocats, huissiers ingénieurs,
commerçants entrepreneurs, artisans,...) et ceux de l'informelle
représentent 82,5% du nombre total de travailleurs au Cameroun.
C'est-à-dire que la sécurité sociale ne couvre que les
17,5% restant. Il s'agit selon les chiffres de la CNPS 2005, de 130 696
fonctionnaires relevant du portefeuille de l'État, et 728 746
travailleurs salariés du secteur privé structuré
régis par le code du travail. En conséquence, la population
active occupée non encore couverte par le champ d'application du
régime de sécurité sociale du Cameroun est
évalué à 4 003 558 travailleurs.
Pour ce qui est de la dynamique d'extension, c'est le
secteur informel qui prédomine avec l'extension par adjonction de
dispositifs hétérogènes (mutuelles, micro-assurance,
etc.). Ces dispositifs sont destinés à différents groupes
minoritaires de la population. L'homogénéisation et
l'universalisation étant problématiques.
Le système de protection sociale ainsi
présenté a connu une période d'embelli notamment
financière depuis sa création jusqu'en 1982. Cette période
est marquée par une accumulation importante de ressources
financières, favorisée par une croissance économique forte
ayant pour conséquence la création de nombreux emplois. Les
cotisations sociales étant prélevées sur les revenus du
travail, le système a pu disposer d'un volume important de ressources
financières. L'organisme va alors s'engager dans plusieurs grands
chantiers pour fructifier les réserves ainsi accumulées.
Dès le début des années 1980, cette période
d'embelli va prendre fin, marquant ainsi l'arrivée à
maturité du système camerounais de protection sociale.
2.1.2.2. La situation de la protection sociale depuis le
milieu des années 1980
Cette situation peut s'analyser à travers
l'évolution des charges sociales et de celle des prestations sociales.
Le tableau en annexe 7 nous permet de faire une observation de
l'évolution des charges sociales et des prestations sociales sur la
période de l'étude à travers la figure 2.2 ci-dessous.
Figure 2.2. Evolution du taux de croissance
annuelle moyen des recettes et des dépenses de la sécurité
sociale
Source : réalisé par
l'auteur à partir des données extraites des cahiers des charges
de la CNPS
- Mouvement des charges sociales
Sur toute la période de l'étude, les recettes de
cotisations sociales ont connu des phases évolutives.
Entre 1987 et 1993, le taux de croissance annuelle moyen
des recettes s'est établit à - 5,19%. Cette situation s'explique
par l'avènement de la crise de l'économie camerounaise dans son
ensemble, conjugué des difficultés rencontrées par les
branches de la prévoyance sociale (crise financière) et la
dégradation du marché du travail.
Pour la période allant de 1994 à 2001, ce
taux augmente et atteint un niveau de 6,75% grâce aux nouvelles
procédures de recouvrement des cotisations sociales
édictées par les pouvoirs publics et à la reprise de
l'économie camerounaise.
- Mouvement des prestations
sociales
Les dépenses pour leur part connaissent
également la même phase évolutive que celle des recettes de
cotisations sociales.
Pendant la période allant de 1987 à 1993,
le taux de croissance annuelle moyen des dépenses sociales s'est
établit à - 2,92%, soit une baisse par rapport à la
période d'embelli du système de protection sociale. Cela
résulte des montants de prestations gelés qui constituent les
arriérés de prestations de certaines branches de la
prévoyance sociale comme l'assurance vieillesse. Il faut
également ajouter à cela, l'arrivée à l'âge
de la retraite de populations importantes de salariés prises en charge
à l'époque de la croissance et bénéficiaires de
pensions au moment où le nombre de cotisants a baissé
considérablement.
En ce qui concerne la période 1994 - 2001, le taux
de croissance annuelle moyen des dépenses sociales est de 5,88%. Cette
évolution suit l'augmentation des bénéficiaires qui
désormais s'étend jusqu'aux ayants droits.
A partir du milieu des années 1980, c'est ce
modèle de protection sociale camerounais lui-même qui commence
à être ébranlé par les dysfonctionnements d'un
système parvenu à sa maturité et par les changements de
l'environnement économique et sociale.
2.2. Les éléments d'un fonctionnement
défectueux
Depuis le milieu des années 1980, les contraintes
socioéconomiques et les contraintes institutionnelles ont des
conséquences à la fois sur le financement, sur
l'efficacité et sur la légitimité du système de
protection sociale camerounais. En cela, elles sont les principales sources de
dysfonctionnements dudit système.
2.2.1. Les contraintes socioéconomiques
Les répercussions des contraintes
socioéconomiques sur le système de protection sociale camerounais
peuvent être analysées à travers l'observation des
tendances économiques et sociales de certaines variables.
2.2.1.1. Les tendances économiques
Plusieurs variables économiques ont des
répercussions sur les systèmes de protection sociale notamment
les salaires, les prix (Latullippe et Plamondon, 2004) et la croissance du PIB
(Holzmann, 2000). L'évolution de ces variables explique la crise
financière du système de protection sociale camerounais.
· La croissance du PIB et le taux
d'inflation
Le PIB est un indicateur économique qui
représente le total de la valeur ajoutée des biens et des
services réalisés dans un territoire aussi bien par les nationaux
que par les étrangers pendant une période donnée. Il est
positivement proportionnel aux recettes sociales.
Depuis le milieu des années 1980, le taux de
croissance du PIB au Cameroun a connu des phases ayant entraînées
la variation des recettes et des dépenses du système de
protection sociale. Ces différentes phases sont respectivement
présentées dans la figure 2.2 de la section 2.1 et dans la figure
2.3 ci-dessous.
Figure 2.3. Evolution du taux de croissance
annuelle moyen du PIB
Source : réaliser par l'auteur
à partir des données extraites du CD WDI, (2005)
A l'observation de ces figures, les constats suivants ont
été effectués :
- durant la période 1987-1993, l'économie
camerounaise connait une phase de récession marquée par une chute
brutale du taux de croissance de son PIB. Ce taux est descendu à - 4,31%
en moyenne annuelle alors qu'il était de 8,95% avant cette
période (1980-1986). Cette crise trouve ses origines aussi bien à
l'intérieur qu'à l'extérieur, et se concrétise par
un ralentissement important des activités publiques et par voies de
conséquences privées (Touna Mama et Tsafack Nanfosso, 2001). La
figure 2.3 retrace cette baisse.
Parallèlement, la figure 2.2 montre que les taux de
croissance annuel moyen des recettes et des dépenses sociales ont
chuté de l'ordre de - 5,19% et - 2,92% respectivement. La branche
allocations familiales et la branche risques professionnels ont
également connu des chutes similaires des taux de croissance annuelle
moyens de leurs recettes et de leurs dépenses (voir figure en annexe 1).
Seule la branche assurance vieillesse a vu son taux de croissance annuelle
moyen des recettes sociales s'amoindrir de l'ordre de - 4,36% pendant que celui
des dépenses sociales de la dite branche est resté
élevé de l'ordre de 12,01%.
- la période 1995-2001 est celle de la reprise qui se
manifeste par une relance des activités économiques et donc par
une atténuation des effets néfastes de la crise économique
sur les activités. On assiste à une hausse du taux de croissance
annuelle moyen des recettes sociales de l'ordre de 6,75%, mais également
de celui des dépenses sociales de l'ordre de 5,88%. Dans les
différentes branches de la sécurité sociale, la figure en
annexe 1 montre une amélioration du taux de croissance annuelle moyen
des recettes qui est passé à 7,1% pour l'assurance vieillesse,
à 6,95% pour l'allocation familiale et à 8,04% pour les risques
professionnels pendant que celui des dépenses s'est établi
à 7,12% pour l'assurance vieillesse, à 3,51% pour l'allocation
familiale et à - 0,9% pour les risques professionnels.
Quant à l'inflation, il est défini comme
une situation ou un phénomène caractérisé par une
hausse généralisée, durable et plus ou moins importante
des prix. La relation qui lie aux prestations sociales se décèle
au niveau de l'influence qu'exerce l'inflation sur les prestations sociales des
différentes branches.
Concernant ses mouvements au Cameroun, on peut dire
qu'au cours de la période de récession économique
(1987-1993), l'inflation s'établit à - 0,34% alors qu'elle
était de 11% avant cette période. Après la
dévaluation du franc CFA qui a lieu en 1994, l'inflation s'est
stabilisée autour de 4,06% sous l'impulsion des importants efforts de
lutte contre la crise, de l'apaisement salutaire des relations entre le
Cameroun et ses principaux bailleurs de fonds (FMI et BM), ainsi que des
politiques budgétaires et monétaires prudentes dans le cadre de
l'union monétaire (CEMAC). Ces chiffres sont représentés
dans le tableau 2.1 ci-dessous.
Tableau 2.1. Evolution du taux de croissance
annuelle moyen de l'inflation
|
1980-1986
|
1987-1993
|
1994-2001
|
Inflation
|
11%
|
- 0,34%
|
4,06%
|
Source : calculés par l'auteur
à partir des données extraites du CD WDI (2005)
A lecture de ce tableau, la branche assurance vieillesse
enregistre un taux de croissance annuelle moyen de ses dépenses
élevé à 12,01% pendant la période de
récession (1987-1993). Ceci s'explique par les diverses revalorisations
ayant eu lieu avant cette période pour faire face au coût de la
vie (voir tableau en annexe 1). Les autres branches par contre (allocations
familiales et risques professionnels) n'ont pas connu de revalorisations. Par
exemple, la dernière revalorisation de la branche allocations familiales
remonte au 1 juillet 1985. Ce qui explique la chute de leurs dépenses
durant cette période inflationniste.
Durant la période de relance (1994-2001), on note
le taux de croissance annuelle moyen des dépenses respectives des
branches assurance vieillesse et allocations familiales positifs alors celui de
la branche risques professionnels reste négatif, ceci du fait de la
baisse du taux de croissance annuelle moyen de l'inflation autour de 4,06% par
rapport à la période (1980-1986).
· L'évolution des salaires
réels
Le salaire est une rémunération du travail
effectué par un employé pour le compte d'un employeur, en vertu
d'un contrat de travail. Sa variation à la hausse influence positivement
le système de protection sociale.
En ce qui concerne ses mouvements au Cameroun, ils sont
analysés à travers le tableau 2.2 ci-dessous.
Tableau 2.2. Evolution du taux de croissance
annuelle moyen des salaires réels
|
1980-1986
|
1987-1993
|
1994-2001
|
salaires
|
14,31%
|
71,96%
|
7,13%
|
Source : calculs de l'auteur à
partir des données extraites du CD WDI, (2005)
Durant la période 1987-1993, la croissance
salariale a atteint un niveau élevé (71,96%). Cette croissance
est la résultante de l'emploi créé auparavant et de
l'intervention des bailleurs de fonds dans l'octroi d'emprunt au pays.
L'État a trouvé nécessaire d'augmenter les salaires pour
encourager les travailleurs tout en négligeant le volet protection
sociale qui oblige les employeurs à accomplir l'un de leurs devoirs qui
est celui de verser les cotisations sociale à la CNPS. Ces manquements
sont principalement expliqués par l'arrivée de la
récession économique qui touche l'ensemble du pays. C'est ainsi
que les différentes branches de la CNPS se sont retrouvées dans
une situation de déséquilibre du fait de la chute de leur taux de
croissance annuelle moyen des recettes de cotisations sociales (voir figure en
annexe 1).
Quant à la période 1995-2001, le tableau de
l'évolution du taux de croissance annuelle moyen des salaires ressort
une baisse drastique desdits salaires suite aux mesures des ajustements
structurels. Ce taux de croissance tombe à 7,13% pendant que les
recettes de cotisations des différentes branches s'élèvent
légèrement du fait de la relance économique et les moyens
mis en oeuvre pour améliorer le recouvrement desdites cotisations (voir
figure en annexe1).
2.2.1.2. Les tendances sociales
Aux mutations de l'environnement économique, il faut
ajouter les transformations sociales ayant également expliqué la
crise de la protection sociale au Cameroun à savoir : les tendances
démographiques et celles liées au marché du travail.
· Les tendances démographiques
Peuplé de 10 659 290 habitants en 1987, le
Cameroun a une population estimée en 2003 à 16 087 472
habitants dont 52,8% sont en zone urbaine12(*). Son taux de progression annuelle avoisine 3%. Dans
cette population 63,8% représentent les jeunes âgées de 0
à 24 ans alors que ceux âgés de 60 ans et plus ne
représentent que approximativement 3% : soit un total d'inactifs de
près de 67%, les 33% autres personnes appartiennent à la tranche
d'âge de 25 à 59 ans et représentent les actifs qui
constituent la main d'oeuvre du pays. La population camerounaise est donc
essentiellement jeune (voir figure en annexe 8).
Pour ce qui est des taux de mortalité et de
natalité, on assiste à une tendance baissière de ceux-ci.
Pour mille habitants, ces dernières sont respectivement passées
de 16,46 en 1980 à 15,7 en 2002 et de 44,54 à 35,5 pour la
même période avec une augmentation asynchrone de
l'espérance de vie à la naissance (50,96 ans en 1982, puis 53,31
ans en 1987 et 48 ans en 2003 : cf. tableau en annexe 4).
Le taux de fécondité (nombre de naissance par
femme) a également connu une tendance à la baisse, passant ainsi
de 6,39 en 1980 à 4,6 en 2002.
Pour ce qui est du ratio de dépendance de la CNPS, les
statistiques y relatives allant de 2001 à 2004 montrent qu'il n'a
véritablement pas connu un processus d'évolution progressive ou
régressive. La population âgée de 60 ans et plus est
resté constante. Il ressort 8 bénéficiaires des pensions
pour un travailleur actif (voir tableau 2.3 ci-après).
Tableau 2.3. Evolution du ratio de
dépendance
Années
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
Inactifs
|
56 675
|
61 470
|
63 357
|
62 370
|
Actifs
|
469 947
|
487 735
|
477 748
|
526 206
|
RD
|
1/8
|
1/8
|
1/8
|
1/8
|
Source : cahier de charges CNPS
(2003)
Ce contexte démographique combiné avec la
crise économique du début des années 1980 est de nature
à avoir peser sur le marché du travail entraînant ainsi la
crise du système de protection sociale.
· Les tendances du marché du
travail
Depuis le milieu des années 1980, on assiste à
une dégradation du marché du travail qui a des
conséquences sur le financement et l'efficacité du système
de protection sociale camerounais.
- Un marché du travail dont la
dégradation contribue pour une large part à la crise
financière de la protection sociale
Deux évolutions sont ici à étudier et la
dégradation du marché du travail est évidemment à
considérer dans un premier temps du point de vue quantitatif, avec la
montée du chômage depuis le milieu des années 1980. Si l'on
se réfère aux statistiques du DSRP pour la période
étudiée, le constat est simple : le taux de chômage
est passé d'un peu plus de 14,7% en 1987 à 35% en 1996 et en
2001 ce taux est estimé à 30% (voir tableau 2.4
ci-après).
Tableau 2.4. Evolution du taux de
chômage annuel
Année
|
1987
|
1993
|
1995
|
1996
|
2001
|
chômage
|
14,7%
|
24,6%
|
17%
|
35%
|
30%
|
Source : DSRP (2000)
La dégradation du marché du travail est
également à considérer du point de vue qualitatif, puisque
l'on assiste à une précarisation significative de l'emploi au
Cameroun. Les emplois atypiques ont connu une évolution
considérable. Dans les zones urbaines du Cameroun, même si le
travail salarié régulier constitue le mode d'emploi dominant
(moins de 60% à 70% de l'ensemble des travailleurs), on observe que
l'emploi salarié protégé ne concerne environ que le tiers
(1/3) de l'ensemble des individus employés. Cela signifie que, compte
tenu de la part du travail indépendant avec le capital, 55% à 60%
des travailleurs sont exclus d'un emploi stable en termes de revenu et de
protection sociale. Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à une
fragmentation des emplois, non seulement au niveau des contrats de travail
proprement dits, mais aussi à travers la flexibilisation des
tâches de travail.
Ces différentes situations du marché du
travail mettent en difficulté le système de financement de la
protection sociale. Parmi les facteurs en cause, la montée du
chômage joue un rôle considérable. Il apparaît ainsi
dans le tableau en annexe 2 que, depuis le milieu des années 1980, les
dépenses sociales liées à la dégradation du
marché du travail tel que celles de la branche assurance vieillesse
(1996-1999) et celles de la branche allocations familiales (1987-1991) ont
fortement augmenté.
Parallèlement, le moyen de financement
traditionnel reposant sur les cotisations sociales salariales, s'est
trouvé restreint du fait de la montée du chômage et du
faible niveau de la croissance économique sur la période. La
logique de cette situation est implacable ; avec cette conjoncture,
« les ayants-droits » augmentent alors que les cotisants
n'augmentent plus suffisamment.
- Une dégradation du marché du travail
qui révèle une crise d'efficacité du système de
protection sociale
Au-delà de la crise financière qui vient
d'être caractérisée, apparaît une crise
d'efficacité puisque, malgré un coût et des déficits
croissants, la protection sociale ne semble plus en mesure de jouer pour tous
le rôle qui lui est assigné.
Traditionnellement, au Cameroun, les personnes pauvres se
trouvaient pour l'essentiel parmi les personnes âgées, les
salariés agricoles ou les anciens indépendants qui n'avaient pu
poursuivre leur activité du fait des mutations structurelles de la
société. Les personnes qui avaient un emploi, en particulier les
salariés échappaient de manière à peu près
systématique à la pauvreté. On pouvait donc penser que la
salarisation croissante de la population active qui accompagnait la croissance
rapide des années 1970 réussirait à vaincre
définitivement la pauvreté. Il n'en a malheureusement rien
été.
Une nouvelle pauvreté s'est
développée à partir des années 1980, liée
à la montée du chômage. On va trouver parmi les
« nouveaux pauvres » des jeunes sans qualification qui
n'ont pas réussi à trouver un emploi stable ou des travailleurs
licenciés. En 2001, on estime à 14,4% le taux de chômage
des jeunes au Cameroun.
Ces difficultés d'insertion deviennent dans
certains cas sources d'exclusion sociale. Comme le souligne Robert Castel
(2003), les « situations hors-droit » se
développent, ce qui met les personnes concernées dans une
situation de « désaffiliation ».
Cette situation de grande fragilité sociale qui
caractérise les « oubliés » de la protection
sociale ne se limite pas aux chômeurs.
Elle est aussi liée aux transformations du
travail : la précarisation du travail et la montée des
emplois atypiques amènent certains travailleurs à avoir des
revenus très faibles, les plaçant en dessous du seuil de
pauvreté. Tous ces travailleurs pauvres se trouvent dans « les
zones grises de l'emploi » entre population active occupée et
population active inoccupée.
Trop souvent les emplois atypiques, les « petits
boulots », ne procurent pas d'identité sociale et le
salarié n'est pas considéré comme faisant
véritablement partie de l'effectif de l'unité de production. Une
nouvelle fois, le phénomène de
« désaffiliation » décrit par Robert Castel
(2003) semble opérer.
Ces incidences des transformations socioéconomiques
sur la protection sociale ainsi développées, concourent à
la remise en cause de la logique même du système.
2.2.2. Les contraintes institutionnelles
Il s'agit à ce niveau d'analyser la crise du
système de protection sociale camerounais à travers les
contraintes liées à l'État et celles liées à
la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale.
2.2.2.1. Les contraintes liées à
l'État
L'État a eu une part de responsabilité dans les
dysfonctionnements du système de protection sociale à travers son
ingérence et ses décisions d'investissement dans ledit
système.
· L'ingérence de l'État
Selon Marius (2005), l'une des priorités essentielles
à laquelle il faut remédier dans le cadre des efforts visant
à pallier le manque de crédibilité des caisses de
prévoyance sociale a trait au modèle hérité et aux
problèmes de gouvernance qui en découlent. Pour les
régimes de sécurité sociale, une bonne gouvernance est
essentielle à la viabilité et à la pérennité
dudit régime. Elle est également essentielle pour capter la
confiance des institutions qui ont souvent été l'objet de
suspicion et de mépris.
Au Cameroun, de nombreux facteurs témoignent
clairement de l'intervention ou de l'ingérence excessive de
l'État. Les pouvoirs publics ont souvent un droit de regard sur la
composition et la nomination des comités directeurs, ainsi que des
administrations de la sécurité sociale, sur la gestion des
caisses de prévoyance sociale et les décisions d'investissement.
Le ministre compétant est presque toujours autorisé par la loi
à donner au comité directeur des instructions à
caractère général ou spécifique. Cette situation
accroît la possibilité d'ingérence politique et peut
compromettre l'indépendance du comité. En outre, la composition
des comités est souvent de nature tripartite (Musenge, 2003).
Dans le même ordre d'idées, une
expérience dans le domaine de l'assurance sociale, vu sous l'aspect
financier ou administratif peut être exigée de leurs membres, le
choix d'un représentant des actionnaires pouvant être
limité à une entité particulière faisant partie des
actionnaires et pouvant donner lieu à une situation dans laquelle les
personnes pour lesquelles le régime en cause a été
créé sont faiblement représentées (Barbone &
Sanchez, 2000). C'est ce qui se passe au conseil d'administration de la CNPS.
Outre cela, cet organisme est sous la tutelle du
Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale et dont
les ressources sont collectées en partenariat avec la direction des
impôts qui est une structure du Ministère des finances.
· Les décisions
d'investissement
Comme l'ont relevé Barbone & Sanchez (2000), dans
presque tous les pays, l'État a emprunté ou s'est
approprié des ressources provenant des caisses de sécurité
sociale. Souvent, les pouvoirs publics ont utilisé ces ressources pour
investir dans des projets ou des sociétés spécifiques. De
même, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de faire des
investissements offshores (Diop, 2003). Cette interdiction s'avère
problématique, étant donné que les possibilités
d'investissement dans ces pays sont limitées. Les gestionnaires des
caisses ont souvent tendance à investir dans des actifs qui ne
fournissent peut-être pas le meilleur rendement, tel que l'immobilier
(Barbone & Sanchez, 2000). En fait, à la lumière de diverses
études réalisées par la Banque Mondiale et d'autres
institutions multilatérales, le rendement des investissements
réalisés par les institutions de sécurité sociale
en Afrique au cours des trois dernières décennies a
été négatif. Ces pertes ont été
répercutées aux affiliés, qui ont reçu des
prestations médiocres (Musenge, 2003).
A cet égard, le Cameroun offre un exemple de
l'intervention excessif de l'État. Au cours des années 1980, la
CNPS a éprouvé des difficultés à trouver une valeur
refuge pour investir ses moyens financiers grandissants (Banque Mondiale,
2001). Compte tenu de la disponibilité limitée de titres
émis par des sociétés privées, la CNPS a
été contrainte d'acheter des obligations à moyen et
à long terme faiblement rémunérées. La majeure
partie de son portefeuille comportait des obligations d'État.
Naturellement, on pensait que les moyens financiers de la CNPS investis dans
des obligations d'État ne couraient aucun risque. Pourtant, ce ne fut
pas le cas, car l'État a emprunté des montants
considérables et il a été ordonné d'octroyer des
prêts supplémentaires à des entreprises publiques. Ces
prêts ont été accordés suivant les instructions des
dirigeants politiques. Certaines entreprises publiques ont été
incapables de rembourser les prêts, tandis que d'autres ont simplement
choisi de ne pas les rembourser.
Ce sont ces différents comportements de
l'État qui ont expliqué à un moment donné la crise
de légitimité du système camerounais de protection sociale
géré par la CNPS.
2.2.2.2. Les contraintes liées à la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale
Au milieu des années 1980, la crise économique
et financière que connait le Cameroun a accentué les
dysfonctionnements du système de protection sociale.
Face à cette situation de crise économique,
l'État a été dans l'obligation, sous la pression des
bailleurs de fonds, de s'engager dans la mise en oeuvre d'un programme
d'ajustement structurel qui comporte des mesures drastiques. Ces mesures ont
ainsi eu pour effet immédiat :
- la fermeture de plusieurs entreprises publiques et
parapubliques ;
- la compression massive des personnels de plusieurs
sociétés provoquant ainsi la perte des cotisations sociales
prélevées sur les salaires versés à ces
personnels ;
- une chute d'environ 4 milliards du volume des cotisations
encaissés entre 1989 et 1992.
Au même moment, la loi n°84/07 du 04
juillet 1984 consacre l'abaissement de 60 à 50 ans, de l'âge
d'admission à la retraite anticipée, ce qui a pour effet de
priver l'organisme des cotisations sociales étendues sur une
période de 10 ans, et de provoquer corrélativement une
augmentation des dépenses de la branche d'assurance pensions de l'ordre
de 7 milliards de francs CFA.
Dès lors, les ressources financières
de l'organisme vont s'amenuiser provoquant un déséquilibre
financier structurel des branches (voir figure en annexe 1). La dette de
l'État vis-à-vis de la CNPS atteint la somme colossale d'environ
300 milliards de francs CFA.
L'insolvabilité de la plupart des banques fait perdre
à la CNPS ses dépôts bancaires dans les comptes à
termes pour environ 30 milliards de francs CFA de créances comprises.
Ces contraintes financières auxquels fait face
la CNPS sont également liées à la mauvaise gestion
financière, aux avantages non contributifs de l'action sanitaire et
sociale, aux nombres pléthoriques des agents recrutés, aux
mauvais comportements des entreprises et de certains agents de recouvrement et
aux problèmes de gestion administrative (coûts administratifs
élevés). Le problème de gestion est dû en grande
partie à un manque de formation adéquate et à la
méconnaissance des principes de prudence en matière de
sécurité sociale. Pour ne citer qu'un exemple, on peut mentionner
la tendance de la CNPS à utiliser les ressources provenant de certaines
branches de prestations pour payer les pensions des retraités, dans des
circonstances où l'insuffisance du montant de la cotisation, la
diminution du nombre de cotisants et l'augmentation du nombre de
bénéficiaires exercent une pression sur le régime en
général.
Face à ces différentes contraintes,
l'organisme se trouve désormais dans l'incapacité de faire face
à ses missions institutionnelles, notamment assurer le paiement
régulier des prestations sociales échues. Le volume des
arriérés de cotisations sociales atteint la somme faramineuse
d'environ 600 milliards de francs CFA. Cette faible redistribution des
prestations sociales, plonge ainsi la CNPS dans une crise de
légitimité sans précédent, suscitant des
réformes.
CONCLUSION
En résumé, il ressort de ce chapitre que le
système de protection sociale camerounais fait face à une triple
crise depuis le milieu des années 1980. Il s'agit de la crise
financière du fait des déséquilibres de la
sécurité sociale, de la crise d'efficacité du fait de
nombreux exclus sociaux et de la crise de légitimité du fait des
prestations sociales peu redistributives. Ces dysfonctionnements s'expliquent
par les contraintes socioéconomiques et les contraintes
institutionnelles.
Les débuts de solutions à cette triple
crise commencent en 1990 par l'État qui va prendre en charge ses propres
fonctionnaires. D'autres initiatives de réformes vont suivre, mais
n'apporteront pas des solutions profondes à l'organisation du
système de protection sociale camerounais. Ceci nous amène
à aborder dans la deuxième partie les pistes de réforme
nécessaire à l'organisation sociale au Cameroun.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
A l'issue de cette partie, il ressort que le système de
protection sociale camerounais est en pleine crise depuis le milieu des
années 1980. Cette crise est triple : une crise financière,
une crise d'efficacité et une crise de légitimité. Cette
triple crise matérialise les dysfonctionnements de la protection sociale
au Cameroun. Le chapitre 2 aborde ces dysfonctionnements. Dans le
développement de ce chapitre, nous avons pu constater que les tendances
économiques et sociales du Cameroun ont fortement des
répercussions sur le système de protection sociale Camerounais
entraînant celui-ci à la ruine.
A côté de ces évolutions
socioéconomiques, il a été constaté qu'il existe
également des contraintes institutionnelles qui expliquent le
fonctionnement défectueux dudit système. Nous avons ainsi
différencié les contraintes liées à l'État
et celles liées à la CNPS.
L'examen de tous ces éléments ont permis
de constater que le système de protection sociale camerounais à
besoin d'une réforme organisationnelle profonde pour pouvoir remplir
décemment les missions qui lui sont assignées.
DEUXIEME PARTIE : LES VOIES DE REFORME DE LA
PROTECTION SOCIALE AU CAMEROUN
INTRODUCTION A LA DEUXIEME PARTIE
La question de l'organisation de la protection sociale au
Cameroun depuis la création de l'institution chargée de la
protection sociale (CNPS) jusqu'au milieu des années 1980, n'a jamais
fait l'objet de quelques inquiétudes que ce soit, du fait de la bonne
santé dudit système.
En effet, cette période concorde avec celle de
l'expansion de l'économie camerounaise. Mais l'avènement de la
crise économique du milieu des années 1980 provoque la crise du
système de protection sociale. C'est alors que celui-ci n'assure plus
ses fonctions qui lui ont été assignées. Le nombre
d'exclus sociaux augmente, la population non couverte par la CNPS augmente
également, et les déficits de la sécurité sociale
s'accentues. Bref, le système n'arrive plus à s'adapter à
l'environnement socioéconomique. Cette situation incite ainsi les
pouvoirs publics et les institutions internationales à
réfléchir sur les programmes de réforme du système
de protection sociale dès le début des années 1990.
De manière générale, les
réformes des systèmes de protection sociale font l'objet d'un
débat dans la littérature économique sur le choix entre le
modèle d'assurance du revenu salarial et celui de transferts sociaux par
l'impôt. La majeure partie des réformes mises en oeuvre
jusqu'à une période récente est rattachée au
premier modèle. Mais une conception renouvelée et élargie
de la fonction d'assurance à assigner aux systèmes de protection
sociale conduit pourtant, le plus souvent, à préconiser des
réformes allant en direction du second modèle.
Cette partie a pour but d'examiner les voies de
réformes possibles du système de protection sociale camerounais.
Pour ce faire nous allons d'abord procéder à une revue de la
littérature sur les réformes, pour finir ensuite avec le
modèle de protection sociale à mettre en place.
CHAPITRE 3 : L'ANALYSE THEORIQUE DES REFORMES DES
SYSTEMES DE PROTECTION SOCIALE
Les débats contemporains sur les réformes de la
protection sociale interrogent les fondements des systèmes publics de
couverture des risques sociaux. Ils font réapparaître deux
modèles concurrents de protection sociale entre lesquels les assurances
sociales réalisent un compromis : le modèle d'assurance du
revenu salarial et le modèle de transferts sociaux par l'impôt.
Ces deux modèles ne coïncident pas avec le
modèle bismarckien et le modèle beveridgien, que l'on a coutume
d'opposer. En premier lieu, parce que la lecture souvent faite du plan
Beveridge tend à occulter quelques-uns des principes fondamentaux mis en
avant par le réformateur anglais : une approche
« contributive » de la protection sociale (Kerschen, 1994)
et un système de prestations uniformes auquel doit correspondre un
système uniforme de cotisations salariales (exception faite de la
santé et de la famille). De même, c'est par une ironie de
l'histoire que l'on qualifie de « bismarckien » un
modèle de protection sociale qui correspond si peu aux intentions
initiales du chancelier du Reich13(*).
En second lieu et surtout, parce que l'opposition
Bismarck-Beveridge est traditionnellement avancée afin de faire valoir
l'antagonisme entre l'assurance et les politiques de solidarité. Or, le
principal enjeu des débats contemporains sur la protection sociale en
Europe -que confirme un regard porté outre-Rhin -concerne les
conceptions de la fonction d'assurance dévolue aux systèmes de
protection sociale et l'ensemble des conséquences qui s'en
déduisent en matière de distribution des ressources. A ces
conceptions concurrentes sont associés dans chaque cas des arguments,
tant en termes d'efficacité que d'équité.
Notre projet, dans cette perspective, est d'analyser
les fondements théoriques des débats sur les réformes
à partir des justifications et des implications économiques de
l'opposition entre le modèle d'assurance du revenu salarial et le
modèle de transferts sociaux par l'impôt. Les
caractéristiques de ces deux modèles seront dans un premier temps
présentées, puis nous examinerons les arguments qui plaident en
faveur des réformes allant dans le sens de l'un ou l'autre de ces
modèles.
3.1. Les caractéristiques des modèles
d'assurance sociale
Il s'agit ici d'énumérer les
caractéristiques propres à chaque modèle d'assurance en
termes de qualification des personnes exposées aux risques, de nature du
bien protection sociale, de formes institutionnelles, de financement et
d'effets redistributives.
3.1.1. L'assurance sociale : entre deux
modèles
Les deux modèles de protection sociale entre lesquels
les systèmes d'assurance sociale réalisent un compromis peuvent
être distingués à partir de leur définition du
risque, ou, mieux encore, de la « qualification » (Livet et
Thévenot, 1994) des personnes qui y sont exposées. Dans le cadre
du modèle assuranciel, c'est le salarié qui est exposé aux
risques ; du point de vue du modèle de transferts sociaux par
l'impôt, c'est le citoyen.
A ces différentes qualifications correspondent
des modes spécifiques de distribution des charges et des avantages en
matière de couverture des risques sociaux. Des caractérisations
dissemblables de la nature du bien « protection sociale »,
qui traduisent des conceptions divergentes de la fonction d'assurance
exercée par les systèmes de protection sociale, leur sont
également associées. Ces deux modèles reposent en
conséquence sur des formes institutionnelles contrastées, qui se
traduisent par des modalités de financement et par un droit des
prestations dans chaque cas originaux.
3.1.1.1. Qualifications des assurés et
caractéristiques du bien assurance
Depuis leur origine, les assurances sociales reposent sur un
compromis, évolutif à travers le temps, entre des qualifications
concurrentes des personnes exposées au risque. C'est l'économie
de ces qualifications, qu'il s'agit ici de préciser.
Le modèle d'assurance du revenu
salarial
Ce premier modèle repose sur une qualification des
assurés comme personnes exerçant une activité
professionnelle subordonnée à la conclusion d'un contrat de
travail salarié. Définir le risque comme risque professionnel
lié à l'activité de production, c'est choisir de mettre
chacun à contribution en fonction de son efficacité productive et
de fixer l'indemnisation à proportion de celle-ci. Il s'agit alors
d'assurer la capacité à conserver un revenu salarial dans le
cadre d'une communauté de risque limitée aux cotisants.
Au niveau le plus général, ce
modèle met en avant la relation d'équivalence entre la prestation
et la contre-prestation, compte tenu d'une redistribution des risques ex post
entre les assurés. Le principe d'équivalence joue un rôle
central pour apprécier le rôle et la portée des principes
assurantiels dans le cadre des assurances sociales, de même qu'il occupe
une place de choix dans les débats sur les réformes. Il
revêt cependant des significations différentes selon qu'il renvoie
à l'équivalence globale, à l'équivalence
actuarielle ou à l'équivalence relative.
En termes techniques, une police d'assurance doit
être conçue comme une créance conditionnelle dont
l'échange permet une redistribution des risques portant sur la richesse
(le revenu salarial) aléatoire entre agents économiques
rassemblés au sein d'une communauté de destin. Pour pratiquer
cette activité d'intermédiation financière qui consiste
à redistribuer les risques, l'assureur prélève une somme
de primes qui, compte tenu d'une évaluation du risque, doit couvrir le
montant des prestations. Il existe donc une contrainte d'équivalence
globale entre la valeur de la totalité des primes qui (des cotisations)
et la valeur de la somme des indemnités à verser (des
prestations). L'équivalence globale entre les primes nettes et les
prestations n'a de sens que pour un horizon temporel et un facteur
d'actualisation donnés, qui peuvent être variables selon le mode
de financement. Ces trois éléments : la communauté de
risque (fermée), la redistribution des risques conditionnelle à
des états aléatoires et l'équivalence globale,
caractérisent toute activité d'assurance ; que l'assurance
soit ou non marchande.
L'assurance sociale se singularise, en revanche, par
l'interdiction qui lui est faite de pratiquer la sélection des risques.
A la prime actuarielle se substituent un taux de cotisation proportionnel,
assis sur le revenu salarial et le principe d'équivalence relative.
Les prestations en espèces ne sont pas directement
fonction de la cotisation mais reposent, compte tenu du taux de remplacement du
salaire. La cotisation est, elle aussi, prélevée sur le salaire
et son montant absolu traduit, compte tenu du taux en vigueur, la place du
revenu dans la hiérarchie salariale. Il doit donc y avoir une
équivalence entre les cotisations versées et les prestations
à recevoir, relativement au revenu salarial assuré. Puisque le
droit à prestation acquis par le versement de cotisations est à
proportion du salaire, la hiérarchie des prestations doit
refléter la hiérarchie des salaires. Pour être garantie
à travers le temps, cette équivalence doit être
exprimée en termes de salaire moyen des assurés sociaux. En
même temps qu'un rang dans la hiérarchie salariale,
l'assuré acquiert ainsi un droit à une part de la somme des
cotisations prélevées en cas d'occurrence du dommage.
Le principe « d'équivalence
relative », à proportion du revenu salarial, est plus
contesté en ce qui concerne les prestations en nature (pour l'essentiel
les biens et services médicaux). Cependant, le mode de financement des
prestations en nature par des cotisations prélevées sur les
salaires ne contredit pas nécessairement le principe
d'équivalence, alors même que les prestations sont
consommées en fonction des besoins. Si, en effet, le critère
d'évaluation des prestations en nature est, non pas le montant des
dépenses réelles, mais le coût d'opportunité de la
perte de revenu qui résulte de la maladie, coût
évalué sur la durée de vie d'un assuré, alors les
cotisations qui servent à financer les prestations en nature doivent
être aussi fonction du revenu. Un principe d'équivalence des
utilités, via le coût d'opportunité sur l'ensemble de la
durée de vie, peut être ainsi avancé en lieu et place du
raisonnement en termes de dépenses réelles effectué dans
une perspective transversale.
Le modèle de transferts sociaux par
l'impôt
Le système de transferts sociaux par l'impôt
repose sur une qualification différente des personnes exposées au
risque. Le risque que visent à couvrir les systèmes de transferts
sociaux par l'impôt est lié au contrat social par lequel les
citoyens se reconnaissent mutuellement une dette. Il s'agit alors de couvrir le
risque d'exclusion de la communauté que font peser sur le citoyen la
pauvreté, la vieillesse, la maladie, les aléas de
carrière, etc. Chaque citoyen doit pouvoir bénéficier des
conditions matérielles qui l'autoriseront à exercer
concrètement ses droits.
Alors que le modèle assurantiel, en liant les
droits à couverture au salariat, prend effet à partir de
l'entrée à la vie active, qu'il vise à garantir la
capacité à obtenir un revenu salarial, ce second modèle
vise à couvrir tous les citoyens, éventuellement dès leur
naissance, grâce à des mécanismes redistributifs. Le
premier modèle trouve traditionnellement ses justifications dans les
déficiences des marchés assurantiels (Barr, 1994).
Economiquement, les conditions d'efficience de ce second modèle peuvent
être conçues à partir d'un dispositif de voile d'ignorance,
dissimulant aux individus leurs positions futures, ou, plus
généralement, à partir de l'incertitude qui pèse
sur le montant du revenu à percevoir et la nature des processus qui en
sont à l'origine (Varian, 1980). Les mécanismes publics de
redistribution des revenus et des richesses, dont la spécification
exacte dépend des contraintes informationnelles et incitatives retenues,
peuvent alors être conçus comme une assurance contre les
aléas pesant sur les revenus, voire les projets de vie.
La nature du bien protection sociale selon les
modèles
Cette qualification contrastée des assurés
« sociaux », sur laquelle reposent les modèles
assurantiels et de transferts sociaux par l'impôt, renvoie à une
interrogation sur la nature de l'assurance des risques vitaux du point de vue
économique. Les deux modèles sont de ce point de vue le produit
de deux conceptions nettement différenciées : la
prévoyance personnelle par l'État, qui renvoie au concept de bien
tutélaire, d'une part, et la production directe de
sécurité conçue comme un bien collectif, d'autre part.
Dans le premier cas, l'objectif du système de
protection sociale est de contraindre les individus à se couvrir. Ce
premier paradigme défend le caractère individualisable de la
couverture des risques vitaux. Le rapport d'équivalence entre
cotisations et prestations précédemment évoqué a,
à l'évidence, pour condition préalable l'acquisition d'un
droit par le paiement d'une prime. En d'autres termes, l'assurance, qu'elle
soit privée ou publique, est, dans cette optique, soumise au principe
d'exclusion : les personnes qui ne paient pas le prix d'accès
à la protection n'y ont pas droit.
Par construction, le second paradigme part de
l'idée que l'État doit prendre directement en charge la
couverture des risques. Cette conception équivaut à faire de la
protection sociale un bien collectif -éventuellement
« impur »- et de la redistribution une assurance, dans les
conditions énoncées précédemment.
Cette opposition sur les caractéristiques du bien
peut sembler en partie artificielle dans la mesure où l'État,
dans une tradition qui remonte à Hobbes, est toujours producteur de
sécurité ou, si l'on préfère,
« réducteur d'incertitude ». L'organisation
étatique de la prévoyance personnelle, dans le cadre d'un
système obligatoire, a en effet le caractère d'un bien collectif.
En ce sens, la sécurité est bien produite par l'État de
manière indirecte. Inversement, la production directe de
sécurité par l'État relève aussi de la
prévoyance volontaire, dans la mesure où cette production
étatique réclame le consentement -même tacite ou, mieux,
« oublié » (Ricoeur, 1991) - des citoyens, comme le
souligne une autre tradition de pensée qui court de la Boétie
à H.Arendt. « Ce qu'il y a de sûr, c'est que les
critères classiques définissant les biens collectifs, à
savoir l'indivisibilité et la non exclusion, ne peuvent être dans
ce contexte que définis socialement ». C'est parce que ces
critères ne peuvent être conçus que socialement, parce
qu'aucune définition intrinsèque d'une hypothétique
« nature » économique du risque et de l'assurance
n'est possible, qu'il peut y avoir une pluralité de qualification
possible des personnes exposées au risque et, en conséquence, une
pluralité de modèles conceptuels mais aussi réels de
protection sociale.
3.1.1.2. Formes institutionnelles et financement
Les deux paradigmes conduisent à des formes
institutionnelles et à des modes de financement contrastés, que
l'on peut expliciter succinctement à partir de la théorie
traditionnelle des finances publiques.
La qualification de la couverture du risque en termes
de bien collectif, dont les effets externes peuvent s'étendre à
l'échelle de la collectivité toute entière, requiert une
organisation publique à gestion centralisée. Puisque le mode de
financement implique le respect du principe de non affectation, c'est une
gestion unitaire des différents risques qui s'impose.
En revanche, la caractérisation de la protection
en termes de bien tutélaire individualisable (profitant à des
groupes particuliers et identifiables) nécessite un processus de
décision décentralisé. La gestion de chacun des risques
doit être organisée en fonction du principe de la
communauté de risque fermée. La séparation des risques est
une condition essentielle de l'utilisation du principe d'équivalence.
L'interdépendance de fait entre les différents risques doit alors
s'accompagner de mécanismes de compensation financière,
élaborés sur la base de critères économiques qui ne
doivent pas contrevenir au principe d'équivalence globale propre
à la gestion de chacun d'entre eux.
La configuration institutionnelle des deux
modèles, non plus horizontalement, mais verticalement,
c'est-à-dire du point de vue de l'articulation entre les
différents niveaux de protection, peut être comprise à
partir de leur mode de gestion de
l'hétérogénéité de la population
assurée (sa partition entre des « hauts » et
des « bas » risques). Les systèmes publics
conformes au modèle assurantiel donnent lieu à une classification
partielle des assurés, ce qui les oppose aux systèmes de
transferts sociaux par l'impôt qui n'en opèrent, par construction,
aucune. Cette segmentation prend la forme de régimes
réservés à des entreprises, à des branches
d'activité ou à des catégories de population
spécifiques. Elle entraîne pour l'essentiel une
catégorisation des assurés selon le secteur d'activité, la
catégorie socioprofessionnelle et le revenu. La constitution par ce
biais de classes de risques, plus ou moins homogènes, conduit à
modifier la proportion des risques, selon qu'ils sont élevés ou
faibles, et à rapprocher une majorité d'assurés de
l'équivalence actuarielle. Elle favorise en conséquence
l'existence d'un taux de couverture publique élevé. Les
opportunités d'assurance complémentaire s'amenuisent ainsi
logiquement. Alors que les systèmes à prestations universelles
appellent un complément par le haut sous formes d'une protection
complémentaire, les systèmes assurantiels réclament,
réciproquement, la mise en place d'une couverture par le bas, pour ceux
qui, soumis au principe d'exclusion, n'ont pas acquis un droit suffisant
à prestations.
Si l'on s'intéresse plus spécifiquement
au financement, le critère de décision essentiel est celui de
l'existence de groupes de personnes clairement identifiable, qui retirent un
bénéfice de la prestation collective et dont peuvent être
exclus d'autres groupes ou individus. De surcroît, c'est la perspective
de la redistribution comme assurance qui conduit à privilégier le
financement par l'impôt, alors que la logique de la distribution des
charges et des avantages à proportion des revenus salariaux requiert un
financement par cotisations.
Le modèle de transferts sociaux par l'impôt
conduit à garantir à l'ensemble de la population résidente
l'offre de sécurité sociale produite par l'État et
à réparer les critères d'attribution des prestations des
critères de financement, conformément au principe de transferts
unilatéraux (en espèces, en nature ou en service). Alors que les
impôts concernent fondamentalement tous les résidents, qu'ils sont
un système de prélèvement unilatéral, dont le
caractère original tient à ce que le prélèvement
est effectué à titre définitif et n'a pas à
être compensé par une prestation étatique
spécifique, les cotisations sont des prélèvements donnant
droit à contrepartie. Ne sont donc bénéficiaires, dans le
cadre du modèle assurantiel, que les personnes qui sont assujetties au
prélèvement. En outre la fonction d'épargne que
remplissent les systèmes assurantiels conduit à lier la
durée de bénéfice des prestations à la durée
préalable de cotisation.
Les deux modèles se différencient enfin
par le mode d'indexation des prestations. Le mode de revalorisation des
salaires de référence et des prestations, qui court sur plusieurs
décennies, a des effets majeurs sur l'orientation et la dynamique des
systèmes de pensions (vieillesse ou invalidité). En cette
matière, comme en d'autres, la réunification du système
d'assurances sociales allemand fait clairement apparaître les enjeux. On
sait qu'à long terme, l'un des avantages les moins contestables des
systèmes publics par répartition est de permettre la garantie du
pouvoir d'achat des droits acquis et des pensions servies. Il reste que le mode
d'indexation varie selon que l'objectif assigné au système de
pension est, soit de garantir le pouvoir d'achat des droits acquis au moment de
la liquidation des pensions, soit de permettre au retraité d'obtenir et
de conserver une certaine position dans la hiérarchie de l'ensemble des
revenus.
Dans le premier cas, c'est une logique de couverture
des besoins, définis au moment où se réalise
l'évènement ouvrant droit à prestations, qui
prévaut, et cela enfin d'atteindre, ceteris paribus, un rythme
d'évolution des dépenses défini en référence
à la hausse des prix, comme dans le cadre des procédures usuelles
d'élaboration du budget de l'État. Pour peu qu'il soit
couplé à une clause de participation régulière aux
fruits de la croissance, ce mode d'indexation a pour singularité de
permettre des arbitrages intergénérationnels qui ne sont pas
soumis au seul rythme de croissance des salaires.
Si, comme dans le second cas, l'objectif est le
respect du principe d'équivalence relative, du point de vue transversal
et du point de vue longitudinal, l'indexation sur les salaires s'impose. Il
s'agit de garantir aux prestataires une certaine position dans l'échelle
des revenus, exprimée en termes de salaire moyen des assurés
sociaux, qui est alors l'unité de mesure des droits à
prestations. Cette équivalence relative ne peut être maintenue
à travers le temps que si les droits à pensions et les retraites
sont revalorisés uniformément en fonction de la croissance du
salaire moyen (éventuellement net).
3.1.2. Les effets rédistributifs des modèles
d'assurance sociale
En matière de redistribution des ressources, les
systèmes de protection sociale ont a priori différent effets, que
l'on peut distinguer ainsi :
- redistribution intertemporelle des revenus ;
- redistribution interpersonnelle et
intergénérationnelle des risques ;
- redistribution intergénérationnelle des
revenus (redistribution interpersonnelle entre les membres des
différentes cohortes) ;
- redistribution interpersonnelle des revenus au sein d'une
cohorte (redistribution intragénérationnelle).
Les deux modèles de protection sociale se
distinguent quant à la hiérarchisation de ces objectifs.
3.1.2.1. Effets rédistributifs du système
d'assurance du revenu salarial
En application du principe d'équivalence relative, le
modèle d'assurance du revenu salarial privilégie la
redistribution intertemporelle, qui correspond à une fonction de report,
et la redistribution entre ceux qui ont été
épargnés et ceux qui ont subi un dommage. L'objectif des
systèmes qui s'y conforment est, en cas d'occurrence du dommage, de
reproduire la hiérarchisation des revenus salariaux telle qu'elle
ressort de la distribution primaire.
Pour évaluer les effets rédistributifs du
système d'assurance du revenu salarial, suivant la configuration qui y
prévaut au regard de celui-ci, il faut aussi s'intéresser au
problème de l'incidence des prélèvements. En ce domaine,
un certain nombre de résultats empiriques sont communément
avancés (Schmähl, 1989), même s'ils demeurent
contestés et nécessiteraient en tout état de cause
d'être situés dans des cadres spatio-temporels précis.
Les cotisations sociales salariales ne semblent
pouvoir faire l'objet que d'un report fort limité. L'effet du
prélèvement est donc soit proportionnel au revenu, soit
dégressif pour les revenus bas et irréguliers et les salaires
élevés, en raison de l'existence d'un minimum soumis à
cotisation, et du plafond. L'incidence réelle des cotisations sociales
patronales dépend de l'hypothèse faite sur le report de la
charge. Si la charge est reportée en amont vers les salaires,
l'incidence est identique à celle de la cotisation salariée. Si
elle est reportée en aval sur le consommateur, on doit s'attendre
à un effet plutôt régressif.
Les développements qui précèdent
conduisent enfin à prédire une réaction archétype
du modèle d'assurance du revenu salarial en période de
difficultés financières. Ce modèle, qui repose sur le
principe d'équivalence tend dans ces conditions, à
protéger les droits acquis à prestations (ceux des
salariés les mieux insérés au regard des normes d'emploi).
En revanche, il conduit à réguler les dépenses en
priorité par l'exclusion des mauvais risques, par la minoration ou la
suppression des prestations ne répondant pas à la logique
d'équivalence relative ou par le durcissement des conditions
d'acquisition des droits à prestations.
3.1.2.2. Effets rédistributifs du système de
transferts sociaux par l'impôt
Le modèle de transferts sociaux par l'impôt donne
la priorité au mode de redistribution secondaire au cours de la
période courante. Du côté du financement, c'est en effet le
principe de la capacité contributive qui prévaut. Les
prestations, qui sont indépendantes des contributions versées,
ont vocations à assurer un niveau de ressources suffisant. L'objectif
est alors la redistribution interpersonnelle et
intergénérationnelle des revenus et des patrimoines.
Pour l'évaluation des effets
rédistributifs du système, il faut aussi s'intéresser au
problème de l'incidence des prélèvements. En ce domaine,
un certain nombre de résultats empiriques sont également
communément avancés, même s'ils demeurent contestés
et nécessiteraient en tout état de cause d'être
situés dans des cadres spatio-temporels précis. Dans
le cadre du modèle de transferts sociaux financés par
l'impôt, l'effet rédistributifs est naturellement très
dépendant de l'impôt sollicité. S'agissant de l'impôt
sur le revenu, il y a identité entre celui à qui est
imputée la dette fiscale et celui qui la paie effectivement. En
conséquence, un financement des prestations sociales par cet impôt
entraîne un prélèvement qui, conformément au
barème, devrait être progressif. Si les prestations sont
financées par la taxe à la valeur ajoutée, le report de la
charge sur le consommateur entraîne un effet tendanciellement
régressif par rapport au revenu, dont l'ampleur dépend cependant
d'une série de facteurs.
Pour ce qui de la réaction en période de
difficultés financières, le modèle de transferts sociaux
par l'impôt qui couvre tous les groupes de risques tend, à
l'inverse du modèle d'assurance du revenu salarial, en l'absence de
relation entre la contribution et la prestation, à réagir par la
baisse du niveau des prestations délivrées, la sous-indexation et
le redéploiement des dépenses.
3.2. Le débat sur les réformes : les
arguments théoriques en présence
La confrontation des deux modèles
précédemment distingués permet de mettre en perspective et
d'analyser quelques-uns des principaux enjeux des débats
théoriques contemporains sur les réformes des systèmes de
protection sociale. Au coeur de cette confrontation entre les arguments qui
plaident pour une orientation des systèmes d'assurances sociale en
direction de l'un ou l'autre modèle, réapparaît
l'affrontement entre les conceptions concurrentes de la fonction d'assurance
que doivent exercer les systèmes de protection sociale (qui doivent-il
assurer, pour quels risques et comment ?).
Les principales justifications en termes
d'équité et d'efficacité qui plaident en faveur du
modèle d'assurance du revenu salarial seront dans un premier temps
exposées, avant que soit synthétisées la critique de ce
premier modèle, à partir d'une argumentation qui conduit,
à l'inverse à plaider pour les réformes inspirées
du modèle de transferts sociaux par l'impôt.
3.2.1. Les arguments en faveur du modèle
d'assurance du revenu salarial
« Les économistes ont
généralement porté peu d'attention aux assurances
obligatoires, en les considérants comme une forme déguisée
d'impôt et un mode comme un autre de dépense publique »
(Summers, 1989 p.177). C'est, au contraire, par la mise en évidence des
caractéristiques et des avantages propres aux systèmes
d'assurance du revenu salarial en matière de distribution des
ressources, par rapport aux transferts publics financés par
l'impôt, qu'ont été justifiées les réformes
conformes à ce premier modèle.
3.2.1.1. Assurances sociales et principe
d'équivalence
La stratégie de renforcement de la logique
assurantielle, telle qu'elle peut être comprise dans le cadre de ce
premier modèle, s'appuie sur conception d'assurance, qui n'est pas
nécessairement unifiée, mais que l'on peut comprendre a minima
comme étant caractérisée par trois critères. Une
assurance verse des prestations :
- dont le financement est apporté pour l'essentiel par
le versement préalable de prime (de cotisations) ;
- pour lequel le principe d'équivalence (relative)
prévaut ;
- qui sont versées inconditionnellement
lorsqu'intervient l'évènement ouvrant droit au
bénéfice de l'indemnisation, et donc indépendamment de la
situation des bénéficiaires.
Le principe d'équivalence constitue ainsi l'un
des pivots de cette stratégie. C'est pourquoi la démonstration de
sa pertinence dans le cadre des systèmes publics obligatoires est
importante.
Une approche théorique traditionnelle revient
à qualifier la logique de l'assurance comme celle qui relie
indemnité et cotisation par le biais de calcul actuariel. Dans cette
optique, la spécificité des assurances sociales est d'occasionner
une vaste redistribution ex ante puisque la cotisation n'est pas a priori
liée à la probabilité d'occurrence du risque. On peut
toutefois, au contraire, considérer comme parfaitement justifié
le fait que les prélèvements opérés par les
assurances sociales sont liés au revenu, puisque les risques
professionnels lui sont liés à des degrés divers. En tout
état de cause, puisque c'est la perte du revenu salarial qui constitue
le risque à couvrir, l'originalité des assurances sociales comme
assurance, tient à ce que les charges et les avantages (les cotisations
et les prestations) y sont définis à proportion de celui-ci. En
application du principe d'équivalence relative, les assurances sociales,
à l'image des assurances privées, conduisent à
différencier les prestations individuelles sur la base de la
durée de cotisation et, via le salaire, de leur montant.
De ce point de vue, ce n'est donc ni la taille de la
communauté de risque, ni l'uniformité des taux de cotisation, qui
donnent à l'assurance publique son caractère social, mais bien le
critère d'attribution des prestations. L'assurance publique va
au-delà de la simple compensation des risques lorsque, pour un taux de
cotisation uniforme au sein d'un groupe d'assurés, certaines prestations
sont accordées indépendamment du montant du revenu salarial sur
lequel est assise la cotisation ou de l'appartenance à la
communauté des risques. Les prestations accordées sans
cotisations préalables à certains d'ayant-droit en sont un
exemple.
Cette distinction relatif claire sur le plan
théorique s'avère, en revanche, délicate à
appliquer lorsqu'il s'agit de distinguer empiriquement la redistribution
interpersonnelle et intergénérationnelle des risques de celle
afférent aux revenus, notamment afin d'énoncer des
recommandations en matière de financement. Ce qui, au premier abord,
semble devoir être conçu comme de la redistribution
interpersonnelle, peut être en réalité compris comme une
redistribution des risques parfaitement efficiente du point de vue
économique. Ainsi en va-t-il, par exemple, des avantages versés
aux femmes qui ont élevé des enfants dans le cadre des
systèmes de pension. En conséquence, la séparation entre
la redistribution des risques et la redistribution interpersonnelle et
intergénérationnelle des revenus requiert un certain nombre de
conventions, qui ne sont pas pour autant arbitraires.
3.2.1.2. Justifications à partir des objectifs et
des effets en matière de distribution des ressources
Des motifs convergents d'équité et
d'efficacité incitent à limiter la fonction des assurances
sociales à la redistribution intertemporelle des revenus salariaux et
à la mutualisation des aléas propres à chaque risque.
Le financement par cotisations de prestations
concourant à une redistribution interpersonnelle, en violation du
principe d'équivalence relative, contrarie en effet les principes d'une
répartition équitable des charges : seul le revenu salarial
(éventuellement sous plafond) est à un prélèvement
effectué à taux proportionnel, sans qu'au surplus soient prises
en considération les caractéristiques des ménages. Il
entraîne par ailleurs une majoration inefficiente des coûts
salariaux. Cela ne signifie pas au demeurant que d'autres formes de
redistribution ne doivent pas être mises en oeuvre. Simplement le recours
aux principes assurantiels a alors des conséquences précises sur
la nature du financement souhaitable (les contributions publiques ou la
fiscalisation des prestations). Il apparaît en outre souvent
nécessaire de renforcer la logique actuarielle afin d'éviter que
les assurances sociales n'entraînent une redistribution à rebours,
du bas vers le haut à l'échelle des revenus ; à
l'image de ce que l'on peut constater, par exemple, dans les systèmes
publics d'assurance-vieillesse en des différences d'espérance de
vie entre les professions et catégories socioprofessionnelles.
Des vertus spécifiques sont
prêtées à un financement par cotisations en matière
d'offre et de demande de travail, d'épargne et de croissance. L'enjeu
est d'abord de savoir s'il existe une différence réelle entre
l'impôt et les cotisations concernant la tolérance au
prélèvement ou si, au contraire ils doivent être confondus
quant à leurs effets. Le prélèvement auquel est
associée une (contre-) prestation clairement identifiable sera mieux
supporté qu'une ponction destinée à une fin anonyme. Les
cotisations ne se distinguent toutefois pas seulement par la possible
identification de leur affectation, mais parce qu'elles sont en outre
liées à l'acquisition d'un droit à contre-prestations
(Schmähl, 1989 ; Libault, 1992). « les
prélèvements qui financent des prestations à vocation
assurantielle seront vraisemblablement mieux acceptés par les agents
économiques que les prélèvements à vocation de pure
redistribution dans la mesure où les premiers se traduisent par une
réduction des risques de l'existence pour tous les individus qu'ils
couvrent (jeu à somme positive), tandis que les seconds se traduisent
par une réduction des inégalités (de revenu par exemple)
qui impose un prélèvement net sur le revenu d'une partie de la
population (jeu à somme nulle) ». Un certain nombre
d'arguments plus techniques, issus de la théorie fiscale sont
avancés pour mettre en évidence les sentiments de
sécurité et de transparence que susciterait un financement par
cotisations.
3.2.2. Les arguments en faveur du modèle de
transferts sociaux par l'impôt
L'argumentation en faveur du précédent
modèle assurantiel repose d'abord sur une conception de l'assurance
discutable à maints égards. La spécificité et
l'efficacité d'un mode financement par cotisations est, en outre,
contestable. C'est, enfin, en considération de la dynamique
conjoncturelle et structurelle des assurances sociales que le mode assurantiel
classique est mis en cause. A travers ces critiques se dessine une orientation
souhaitable des systèmes de protection sociale en direction du
modèle de transferts sociaux par l'impôt.
3.2.2.1. La logique assurantielle du modèle
Le renforcement de la logique assurantielle passe, dans
l'optique du modèle précédent, par recours plus strict au
« principe d'équivalence ». Ce principe, quoique
modifié dans le cadre des assurances sociales, se réfère
à l'équivalence actuarielle mise en oeuvre par les compagnies
d'assurances privées. C'est justement la pertinence de l'idée
d'équivalence actuarielle et de la conception de l'assurance qui s'en
déduit, qui peut être mise en cause.
L'égalité entre prime nette et
l'espérance mathématique du dommage est contingent à un
certain nombre de conventions en ce qui concerne la gamme des risques pris en
compte, l'horizon temporel de l'évaluation, ou le choix du taux
d'actualisation (Blanchet, 1996). Elle se heurte également à des
coûts de transaction et de l'information liés à la
tarification des contrats. En outre, la structure du marché assurantiel
contrevient à l'hypothèse selon laquelle le principe
d'équivalence serait mis en oeuvre sur le marché. En raison des
rendements d'échelle croissants qui y sont à l'oeuvre, les
marchés d'assurance ont une structure plutôt oligopolistique, et
cette situation de concurrence imparfaite offre aux compagnies la
possibilité d'utiliser ces marges de manoeuvre en matière de
fixation des prix (Cresta, 1984).
Plus fondamentalement encore, se sont les
asymétries d'information qui rendent largement caduque la
séparation entre les problèmes d'allocation et de redistribution.
En présence de phénomènes de sélection adverse, si
les compagnies d'assurances poursuivent une stratégie concurrentielle
(à la Nash-Cournot), l'équilibre de marché peut ne pas
exister et, s'il existe, il n'est pas optimal. Les effets externes
négatifs, des hauts risques sur les bas risques, qui en
résultent, peuvent conduire ces derniers à souhaiter
subventionner les premiers afin de pouvoir acheter une couverture plus
étendue. Plus précisément, dans un contexte
d'asymétrie d'information, une tarification des polices entraînant
une subvention des bas risques vers les hauts risques peut permettre
d'améliorer le bien-être du pool de risque par rapport à
une situation où prévaudrait une tarification s'appuyant sur
l'équivalence actuarielle.
Le principe d'équivalence n'a ainsi de
portée que dans le cadre d'un hypothétique univers à
information parfait. Dans le monde réel, les arguments
d'efficacité conduisent, au contraire, à préconiser des
redistributions entre catégories d'assurés, ce qui est la
caractéristique propre des systèmes publics. En dehors des
considérations d'ordre financier, la justification d'une liaison entre
les cotisations et les prestations et d'un financement par cotisation s'en
trouve considérablement amoindrie.
Des considérations semblables peuvent être
mises en avant s'agissant des transferts intergénérationnels en
général, les systèmes par répartition en
particulier. La mise en oeuvre d'un strict principe d'équivalence
équivaudrait à réclamer de chaque cohorte qu'elle atteigne
un taux d'autofinancement des prestations de 100%. Sans même
évoquer les nombreuses difficultés techniques ou les
problèmes d'équité d'une telle stratégie
soulèverait, l'idée d'assurance n'a de sens, sur le plan
intergénérationnel, que s'il y a bien des transferts non nuls
(des bilans actualisés rapportant les prestations aux cotisations
différents de un) entre les différentes cohortes successives.
C'est d'ailleurs bien cette mutualisation des risques qui rend les
systèmes par répartition efficients en présence de chocs
démographiques (Smith, 1982) ou de chocs de productivités.
3.2.2.2. Financement de la protection sociale, droits des
prestations, distribution des ressources et dynamique des systèmes
d'assurances sociales
Les arguments en termes de financement de la protection sociale,
de droits des prestations et de distribution des ressources sont d'abord
présentés, avant de parler ensuite de la dynamique des
systèmes d'assurances sociales.
· financement de la protection sociale, droits
des prestations et distribution des ressources
La critique du modèle assurantiel ne se limite pas
à la remise en cause du principe d'équivalence. La
spécificité du financement par cotisation est également
contestée. Les assurances sociales couvrent désormais la quasi-
totalité de la population et, par conséquent les
particularités du financement par cotisations attachées au
« mythe de la communauté du risque » sont
désormais devenues surannées, les prestations à vocation
rédistributive, en nature ou sous conditions de ressources,
revêtent une importance croissante ; les frontières entre les
différents modes de redistribution s'effacent.
Pour l'essentiel ces arguments font donc valoir que les
cotisations soient devenues un prélèvement obligatoire
assimilable à des quasi-impôts, mais sans pour autant
revêtir les qualités des prélèvements fiscaux. Si la
protection sociale est un bien collectif, un financement par l'impôt est
source de distorsions majeures quant à l'allocation des ressources.
Les critiques adressées au mode de financement par
cotisation, en considération de ses effets sur l'emploi, font appel
à deux types d'arguments (Dupuis, 1995).
- Les cotisations sociales sont, en premier lieu, rendues
responsables d'un coût de la main d'oeuvre trop élevé. Des
études comparatives (A.Euzeby et C.Euzeby, 1983-1995) ont cependant
montré de manière convergente, que, au niveau
macroéconomique, la structure du financement de la protection sociale
reste sans effet sur le coût de la main d'oeuvre ; en particulier
parce que l'arbitrage entre les cotisations sociales et l'impôt direct
conduit les salariés des pays où les premières sont plus
faibles à percevoir les salaires directs plus élevés,
soumis à un prélèvement fiscal plus important. Par
ailleurs, les évolutions relatives des coûts salariaux unitaires
rendent très imparfaitement compte de la compétitivité des
différentes économies nationales, en raison notamment du
rôle déterminant qu'y jouent les facteurs « hors
prix », comme le montrent les nouvelles théories du commerce
international.
Dans une version alternative de ce premier type d'argument,
c'est cependant le coût relatif du travail par rapport au capital ou,
à tout le moins, l'absence de neutralité des cotisations sociales
eu égard au choix des combinaisons productives, qui est mise en avant.
C'est dans cette perspective qu'a été formulé le projet
sur l'ensemble de la valeur ajoutée, et que peuvent également
s'inscrire les diverses propositions visant à étendre le
prélèvement à l'ensemble des revenus.
- L'analyse du coût du travail par niveau de
qualification et de rémunération conduit, en second lieu,
à rendre les cotisations responsables d'un coin socio-fiscal marginal
excessif pour les salariés peu qualifiés, en raison du poids des
cotisations sociales sur les bas salaires. S'il existe une incertitude sur
l'élasticité de la demande travail à son coût au
niveau macroéconomique, ce qui se comprend assez bien, cette
élasticité apparaît toutefois d'autant plus significative,
au niveau désagrégé et à long terme, que l'on a
affaire aux branches industrielles ou aux services à la personne, et, en
tout état de cause, aux salariés peu qualifiés. Or, si le
coin socio-fiscal moyen bien avec la hiérarchie salariale, le coin
socio-fiscal marginal apparaît élevé pour les
salariés peu qualifiés dans de nombreux pays européens.
cette proposition ne peut certes pas être établie
indépendamment du fonctionnement des marchés nationaux de
l'emploi. Elle est cependant particulièrement mise en avant en France,
en raison des difficultés aiguës d'insertion des jeunes sur le
marché du travail et d'un phénomène apparemment
prononcé d'éviction des salariés peu qualifiés par
les salariés qualifiés.
Dans tous les cas, le choix d'une assiette plus neutre,
eu égard au coût relatif des facteurs, mais aussi plus large
s'impose indépendamment de la nature des prestations à financer
et/ou de tout droit à contre-prestation. L'adoption de dispositifs
permettant, d'une manière ou d'une autre, de subventionner les
salariés les moins qualifiés apparaît également
désirable dans le contexte européen.
En outre, l'idée qu'il serait souhaitable de
rendre les systèmes d'assurances sociales plus neutres au regard de
l'offre de travail, en liant plus strictement les prestations à l'effort
contributif préalable, mérite un examen critique. Les
propositions qui visent à rendre plus flexibles les conditions de
cessation d'activité, grâce à des abattements et des
majorations inspirées du calcul actuariel à l'image des
réformes introduites dans cet esprit, bien que sur diverses formes, aux
Etats-Unis, en Allemagne ou en Italie en fournissent un bon exemple. Leurs
fondements théoriques apparaissent fragiles et peu pertinents
empiriquement, et ces propositions retiennent une conception trop restrictive
de la fonction d'assurance exercée par les systèmes de protection
sociale.
Ces propositions s'inspirent directement des
modèles « revenu-loisir », conforme aux
hypothèses de la théorie du cycle de vie. A ce modèle, qui
éprouve quelques difficultés à rendre compte de
l'abaissement massif de l'âge de cessation d'activité depuis vingt
ans, on peut opposer un cadre théorique, plus institutionnaliste,
faisant valoir le concept de « revenu relatif de
substitution ». Dans les systèmes publics qui ont pour
finalité de garantir un certain niveau de pension, un salarié en
fin de carrière n'a pas pour objectif de maximiser son revenu sur le
cycle de vie : au moment où il interrompt son activité, il
souhaite plus simplement que son revenu relatif -attendu comme rapport de la
prestation de remplacement de salaire au salaire d'activité - baisse le
moins possible. Ce qui pèse sur la décision concernant
l'âge de cessation d'activité n'est donc pas la comparaison entre
l'abattement réellement mis en oeuvre et l'abattement, mais plus
simplement les droits à prestation déjà acquis. En
matière de politique de maîtrise des dépenses, il
conviendrait plutôt, dans cette perspective, de s'intéresser aux
processus déterminant la demande de travail des salariés
âgés et aux facteurs institutionnels, qui, de toute
évidence, prédominent dans ce contexte, comme en attestent les
comparaisons internationales (Schmähl, 1989). La référence
au modèle actuariel, en concentrant l'attention sur le risque viager,
conduit de surcroît à négliger la fonction d'assurance
contre le risque d'exclusion anticipée du marché du travail pour
les salariés âgés que remplit le couple formé par
les systèmes de préretraites et de retraite (Blanchet, 1994).
Dans le même ordre d'idée, le renforcement
de la contributivité des systèmes d'assurance-vieillesse ne
pourrait se faire qu'au détriment de leur fonction de correction des
aléas.
· La dynamique des systèmes d'assurances
sociales
La critique d'une conception trop étroite de la
fonction d'assurance que remplissent les systèmes de protection sociale,
et du mode de financement qui y est associé, est également
formulée en termes de dynamique des systèmes d'assurances
sociales
C'est d'abord la sensibilité conjoncturelle du
mode de financement par les cotisations qui peut être mise en cause.
L'ampleur de l'effet de stabilisateur conjoncturel d'un système de
protection sociale est liée à
« l'élasticité-recettes » et au degré
de redistribution verticale dont il fait preuve. En raison de leur assiette et
de leur barème, les systèmes financés par cotisation
présente de ce point de vue un double désavantage : leurs
recettes épousent plus largement le cycle conjoncturel et les
détenteurs des plus hauts revenus, à la plus forte propension
marginale à épargner, sont peu ou pas soumis au
prélèvement.
De surcroît, le système assurantiel peut
être rendu responsable, en période de récession, d'un cycle
pervers de profitabilité car une large partie du financement repose sur
les entreprises, alors même que, pour les risques chômage et
cessation (anticipée) d'activité liée à
l'âge, la masse des prestations à verser s'accroît
(Malinvaud, 1985). Un élargissement de l'assiette permettrait, en
diversifiant les sources de financement, de réduire l'impact à
court-moyen terme des fluctuations de celle-ci sur les recettes.
Une réforme de l'assiette permettrait en outre de
rompre avec le principe d'équivalence inter temporelle et avec les
contraintes qui lui sont liées. Il deviendrait ainsi possible d'opter
pour un mode de financement où serait mieux prise en compte la
capacité contributive réelle de l'ensemble des agents
économiques, à laquelle pourrait répondre, du
côté des prestations, une plus grande souplesse quant
l'affectation des ressources prélevées. Cette modification de
l'assiette est à mettre en relation avec les avantages liés
à un prélèvement à assiette large, auxquels sont en
effet traditionnellement associés des effets moins négatifs sur
le choix de la combinaison productive, la création de richesse, ainsi
qu'une plus grande tolérance au prélèvement.
A cette critique, de nombreux auteurs ajoutent enfin le
constat des effets d'exclusion croissant auxquels conduisent, dans la
période contemporaine, les politiques menées conformément
au modèle d'assurance du revenu salarial ; en premier lieu en
matière d'assurance chômage. Plus encore, ce sont les mutations
démographiques, sociales et économiques contemporaines
(l'effritement et l'éclatement du salariat) qui appellent une profonde
réforme du droit des prestations, accompagnés d'une fiscalisation
progressive du financement.
En résumé, dans cette optique, les
assurances sociales ne peuvent pas ou plus être catonnées à
la seule fonction de garantie du revenu salarial (ou de la capacité
à en obtenir un) dans le cadre d'une communauté de risque
fermée, en application du principe d'équivalence. Seuls des
mécanismes de redistribution, étendus et financés à
l'échelle de la collectivité nationale toute entière,
permettrait de prendre en charge de manière efficiente et
équitable une gamme diversifiée de risques sociaux.
CONCLUSION
En définitive, un certain nombre de débats sur
les réformes des systèmes de protection sociale, tant en
matière de financement que de droit de prestations, peuvent être
réexaminés au regard de ces arguments théoriques, qui
fondent l'opposition entre les deux modèles (Lechevalier, 1996).
Au terme de ce chapitre, il n'en apparaît pas
moins que ce sont des réformes marquant une inflexion en direction du
modèle de transferts sociaux par l'impôt qui s'avèrent
désormais bien souvent nécessaire. La poursuite de la
substitution de la contribution généralisée aux
cotisations en France, la diversification de la qualification des
activités sociales ouvrant droit à prestations, un mode de
revalorisation de prestations qui sans abandonner la référence
aux salaires, prendrait en compte la variation de l'ensemble des ensembles des
prélèvements sociaux, en fournissent de bons exemples.
Une conception renouvelée et enrichie de la
fonction d'assurance que prennent en charge les systèmes d'assurance
sociale conduit, en tout état de cause, à ne pas exclure la
poursuite, en leur sein, d'objectifs explicitement redistributifs.
Pour ce qui est du système de protection sociale
au Cameroun, des réformes doivent également être
envisagées. C'est ce qui fera l'objet du chapitre suivant.
CHAPITRE 4 : LA REFORME DU SYSTEME DE PROTECTION
SOCIALE CAMEROUNAIS
Depuis le début des années 1990, le gouvernement
camerounais et les organismes internationaux (BIT et autres) ont perçu
la nécessité de réformer le système actuel de
protection sociale camerounais dans le but de résoudre ses
dysfonctionnements.
Ces réformes procèdent en
général de la volonté de mettre sur pied un système
de protection sociale : - cohérent, parce qu'articulé entre
les différentes composantes (régimes de base, régimes
complémentaires et régime de solidarité sociale) - solide,
parce que reposant sur les financements appropriés - et durable parce
que généralisé à la majorité de la
population, reposant sur un consensus large, et gage de la préservation
de la cohésion du tissu social. Ce dernier élément
étant une condition essentielle de la croissance et/ou du
développement.
Des études de réforme ont
été menées, mais n'ont pas conduit à des actions
concrètes.
Parce que toute la population française est couverte
par son régime de protection sociale, il est possible de s'en inspirer
pour le Cameroun pour à la fois, proposer un modèle de
protection sociale à venir d'une part, et pour esquisser les
implications et les adaptations multiformes qui peuvent en être
tirées, d'autre part.
4.1. Le modèle de protection sociale à
venir
L'organisation du système de protection sociale
représente un défi majeur pour les pouvoirs publics camerounais,
car sa réforme nécessite la réhabilitation de la
sécurité sociale et l'institutionnalisation d'un système
de solidarité sociale.
4.1.1. La réhabilitation de la
sécurité sociale
La rénovation de la sécurité sociale
passe par l'amélioration de l'organisation des branches existantes, mais
également par la mise en place des branches non existantes14(*).
Les branches existantes (assurance vieillesse, risques
professionnels, allocations familiales) doivent s'articuler entre les
différents régimes15(*) : régimes de base et régimes
complémentaires. Ceci permet de prendre en compte
l'inégalité des travailleurs face aux assurances sociales et les
réticences de certains d'entre eux à abandonner un régime
pour un autre.
Pour les régimes de base, l'on peut envisager
un grand système regroupant les agents publics
(État-Établissements publics ou les collectivités
décentralisées) et tous les employés du secteur
privé, coopératif et mutualiste ainsi que les exploitants du
monde rural, les artisans, les artistes, les commerçants ou industriels
et les professions libérales.
L'on peut aussi penser à une Grande Caisse par branche
pour la couverture sociale des agents publics (Fonction publique nationale et
territoriale) et ceux du secteur privé et associatif. Il s'agit en fait
de mettre sur pied :
- une caisse nationale d'assurance maladie qui gère les
branches maladie et Accidents Travail Maladie professionnelles,
- une caisse nationale des allocations familiales qui
gère la branche famille,
- une caisse nationale de l'assurance vieillesse qui
gère la branche vieillesse,
Dans ce cas, il y a nécessité, d'une part,
de tenir compte d'une nécessaire décentralisation pour des
besoins d'une gestion participative et de proximité (Caisses locales
primaires par branche) et d'une Caisse nationale des organismes de la
sécurité sociale (chargée des services communs comme la
gestion de trésorerie et les placements).
D'autre part, il convient de prendre en compte, pour le
secteur privé, rural et associatif, le souci de recenser le maximum des
personnes réellement actives pour les intégrer dans le
système des assurances sociales. C'est le domaine difficile et complexe
de la migration des activités du secteur informel, à
l'économie officielle et du marché.
Le financement des régimes de base peut
être à base paritaire (employeurs et salariés). Ce qui
permet auxdits régimes de garantir un minimum de revenu en se
référant au salaire moyen en vigueur (50 à 70%).
Une réflexion attentive doit également
prendre en compte le contexte socioéconomique de notre pays. Au regard
de l'assurance sociale et de la conjoncture, il y a lieu de souligner une
réalité d'évidence, c'est l'étroitesse de
l'assiette du salariat formel. L'on doit aussi considérer que la
population jeune et active est prépondérante et se renouvelle
encore et pour longtemps à un rythme rapide (taux de croissance
démographique de 2,8%). Il y a donc peut-être lieu d'explorer la
possibilité des systèmes de minima sociaux
généralisé sur le financement budgétaire et par
conséquent fiscal. Les taux de prestations pourraient se
référer à l'actuel SMIG (28 216 F CFA).
Les régimes complémentaires quant
à eux, doivent être mise en place pour ceux des assurés
sociaux qui estiment que la couverture sociale dans les régimes de base
n'est pas satisfaisante. Ces régimes pourront fournir une couverture
supplémentaire aux risques pris en charge par la sécurité
sociale (régimes de base).
Les régimes complémentaires doivent se
structurer en :
- un régime obligatoire pour les travailleurs
salariés et indépendants, sous forme de fonds de pensions
d'entreprises, de secteurs socioprofessionnels ou encore de corps de
métiers. Les cotisations seraient également paritaires ;
- et des fonds de pension à adhésion
facultative, mais avec des incitations fiscales appropriées :
déduction des cotisations payées sur le revenu imposable.
Ces deux formules, outre leur vocation de couvrir les
risques sociaux, sont, un puissant outil de collecte de l'épargne longue
et donc de financement de l'économie au travers du marché
financier. Elles combinent un effort de solidarité nationale en faveur
des plus défavorisés et une capacité de mobilisation de
l'épargne pour le développement.
Un système global, ainsi structuré en
régimes de base au financement assuré et élargi, et en
régimes complémentaires et optionnels bénéficiant
d'incitations fiscales, permet de dépasser le piège d'une
discussion idéologique sur les mérites respectifs de la
répartition et de la capitalisation en matière de retraite. Les
deux objectifs combinés de l'amélioration de l'organisation des
branches existantes en élaboration peuvent prévoir la prise en
charge de la plus grande partie de la population et la collecte d'une
épargne longue orientée vers le financement endogène du
développement économique. Mais devra également
s'accompagner de la mise en place des branches non couverts.
En ce qui concerne les branches inexistantes telles
que la branche maladie et la branche chômage, il faut envisager leur mise
en place dans le système de sécurité sociale.
La branche maladie peut être articulée
entre les régimes de base et les régimes complémentaires
comme les autres branches. Celle-ci peut également être
supervisée par le ministère de la santé et
gérée de façon paritaire.
La branche assurance chômage quant à
elle, peut être gérée indépendamment des
régimes de base par un régime d'assurance-chômage
supervisé par le ministère de l'emploi comme c'est d'ailleurs le
cas en Grande Bretagne et aux États-Unis. Le financement doit reposer
sur les cotisations (pour les allocations chômages et de formation
reconversion) et sur les impôts (pour les services et conseils pour
l'emploi, ainsi que les enseignements). Le régime d'assurance
chômage peut être articulé autour de deux
régimes : le régime général d'assurance
chômage financé par les contributions des employeurs et des
salariés et un régime dit de solidarité financé par
l'État.
Le système de sécurité sociale
ainsi innové doit être décentralisé et
géré par les intéressés eux-mêmes pour
éviter toute ingérence de l'État.
Face à la recrudescence de l'informalisation
des mutuellismes communautaires, ainsi que de l'exclusion sociale des plus
démunis et la pauvreté, une institutionnalisation de la
solidarité sociale est également nécessaire.
4.1.2. L'institutionnalisation d'un système de
solidarité sociale
Il s'agit ici pour le Cameroun de mettre en place un
système de solidarité national officiel et durable pour tous
ceux qui ne peuvent pas ou plus bénéficier du système
d'assurance (chômeurs), mais également pour les populations
déjà prise en charge par le ministère des affaires
sociales à savoir les enfants, les handicapés, les personnes
âgées, les indigènes (les populations vulnérables)
et les populations marginales. Autrement dit, aux bénéficiaires
de l'aide médicale, de l'aide aux handicapés, de l'aide aux
personnes âgées, de l'aide à l'enfance s'ajoutent de
nombreux bénéficiaires de certains minima sociaux16(*) (chômeurs en fin de
droits ou parents isolés par exemple).
Ce vaste système de solidarité
nationale doit être placé sous la tutelle du ministère des
affaires sociales. Il doit être unique et universelle, seul garant d'une
réelle solidarité nationale17(*).
Le critère d'accès aux prestations
doit être subordonné à une décision prise par ledit
ministère après demande des intéressés. La
responsabilité générale de l'aide sociale peut relever des
départements ou des collectivités locales, mais le taux minimal
et les conditions d'accès aux prestations sont fixés par
l'État. Les communes peuvent également intervenir dans la prise
en charge des besoins sociaux (centres communaux d'actions sociales).
En matière de financement, il faut penser
à mettre sur pied un Fond de Solidarité Nationale ayant pour
mission de financer les avantages sociaux non contributifs dudit
système. Ce fond peut être alimenté par l'impôt
à travers les taxes sur certains produits pouvant nuire à
l'environnement comme le tabac, les alcools et d'autres produits.
A côté de ce régime, il faut
également encourager les institutions sans but lucratif (associations
caritatives) qui doivent être coordonnées et suivies par
l'État de manière à rendre celles-ci plus efficaces en
matière de politique d'assistance sociale.
Malgré les avantages de ce nouveau
modèle de protection sociale camerounais, il faut néanmoins noter
que celui-ci n'échappe pas à des excès.
4.2. Des implications et adaptations multiformes pour le
Cameroun
Il s'agit ici d'esquisser tout d'abord les excès que le
nouveau modèle de protection sociale peut susciter au regard des
réalités du Cameroun, avant d'apporter les adaptations
nécessaires.
4.2.1. Des implications multiformes
Face aux réalités camerounaises, le nouveau
modèle de protection sociale peut générer un certain
nombre d'excès dû à la segmentation du marché du
travail, à l'exclusion sociale, aux inégalités et à
l'absence de minima sociaux.
· La segmentation du marché du travail se
répercute sur le système de sécurité sociale
Avec un marché du travail camerounais
segmenté, où la logique de distinction et de
différenciation entre salariés et non-salariés, mais aussi
entre salariés et entre non-salariés l'emporte sur
l'égalité et l'unité, il faut s'attendre à une
diversité et à une complexité de la protection sociale des
travailleurs.
L'organigramme de la sécurité sociale
donne ainsi une projection de la structure hiérarchisée de la
société, dans laquelle chaque groupe professionnel marque sa
distance à l'égard des autres et cherche à maintenir son
statut.
La sécurité sociale est ainsi
constituée d'une mosaïque de régimes. De plus la
différenciation entre travailleurs est encore renforcée par
l'existence pour certains d'une protection dite surcomplémentaire
(régime d'employeurs, régimes de la mutualité et de la
prévoyance) qui assure des suppléments familiaux et des
compléments d'indemnités journalières maladies et
retraites. Ce système de sécurité sociale peut se
révélée coûteux en matière de gestion.
· Les inégalités de la
protection
Face à une société camerounaise
déjà fortement inégalitaire en matière de
protection sociale, la juxtaposition de régimes distincts pourrait
accentuer ces inégalités. Il s'agit ici des
inégalités entre travailleurs, de droits (prestations
perçues) et de devoirs (contributions versées).
· Les compensations entre
régimes
Du fait de l'évolution de la structure
économique actuelle et donc de la population active camerounaise, il
faut craindre que certains régimes (mines, commerçants, artisans,
professions agricoles) se vident de leurs actifs tout en devant supporter la
charge, de plus en plus lourde de leurs inactifs.
De ce fait des compensations financières dites
bilatérales (entre régimes de salariés)
d'abord, puis générales entre tous les régimes peuvent
être organisées.
· Les nouveaux pauvres
Il faut également noter que, le principe d'assurance
fondée sur le travail exclus du dispositif de protection les personnes
qui, à titre provisoire ou durable, se trouve sans attache
professionnelle soit du fait d'une durée de travail (jeunes, femmes
isolées, personnes âgées ayant connu de rupture de
carrière). Dans un contexte camerounais marqué par la
recrudescence de l'exclusion et de la pauvreté, on peut s'attendre
à une crise d'efficacité.
Face à ces conséquences de la logique
d'assurance professionnelle, des adaptations paraissent nécessaire si
l'on veut rester arrimé aux réalités camerounaises.
4.2.2. Des adaptations multiformes
Les adaptations nécessaires pour s'arrimer aux
réalités camerounaises passent par la redéfinition du
rôle de l'État et la réforme du marché du travail.
· La redéfinition du rôle de
l'État
Il s'agit pour l'État de revoir son rôle en
matière de protection sociale. Celui-ci doit désormais limiter
son champ d'intervention sociale sur la simple réglementation, le
contrôle et l'arbitrage du fonctionnement des nouvelles caisses. Ceci
évitera toute ingérence dans la gestion des caisses.
L'instauration d'une loi de financement de la
sécurité sociale doit également être
envisagée, dans le but de maîtriser les dépenses sociales.
Celle-ci va ainsi spécifier les conditions générales de
l'équilibre financier de la sécurité sociale, qui
prévoit par catégorie les recettes de l'ensemble des
régimes, qui détermine par branches les objectifs de
dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires. La LFSS peut
être votée par le Parlement tous les ans en même temps que
la loi de finance déterminant le budget de l'État. Elle peut
aussi être modifiée en cours d'année par une LFSS
rectificative. Le Parlement dispose ainsi d'un droit de regard sur
l'équilibre financier de la sécurité sociale. On peut voir
dans cette réforme l'affirmation juridique du rôle
prépondérant des pouvoirs publics (Gouvernement et Parlement)
afin de répondre à un besoin de régulation globale d'un
système de protection sociale segmenté, et également une
étape vers une intégration plus cohérente de la politique
budgétaire et fiscale et de la politique sociale.
L'État doit également penser à
renforcer sa politique sociale en utilisant la protection sociale comme un
facteur de relance économique et de redistribution18(*). Il s'agit ici pour le
gouvernement camerounais d'inscrire sa nouvelle politique sociale non pas
tellement dans un but de justice sociale, mais dans un but de sauvetage
économique du capitalisme (Keynes, 1936). Ceci est ainsi
nécessaire surtout dans un contexte de l'économie camerounaise
où l'initiative et la responsabilité individuelle sont
amenées à jouer un rôle moteur de la croissance
économique.
L'État doit aussi revoir son rôle en
matière de politique d'assistance sociale pour faire face à
l'extension du chômage et à des situations d'exclusions dues
à la crise. « A l'avenir, l'État aura la charge d'une
nouvelle fonction. Il devra effectuer un décaissement suffisant pour
protéger ses citoyens contre un chômage massif, aussi
énergétique qu'il lui appartient de les défendre contre le
vol et la violence car il y aura chômage lorsque la demande effective ne
sera pas suffisante pour assurer l'emploi de la totalité du potentiel
humain de la communauté » (Beveridge, 1944).
· La réforme du marché du
travail
L'amélioration du marché du travail passe par la
mise en place d'une véritable politique d'emploi. Celle-ci doit surtout
être axée sur l'emploi des jeunes qui constitue la majorité
de la population camerounaise. Ceci est essentiel pour une
sécurité sociale décente à tous les camerounais.
Cette politique est également nécessaire
dans la mesure où sa mise en oeuvre permet de réduire la
diversité et la complexité du système de protection
sociale et de combattre le chômage.
CONCLUSION
Ce chapitre avait pour but d'analyser les voies de
réformes du système de protection sociale camerounais. La
réforme a d'abord porté sur la réhabilitation de la
sécurité sociale, ensuite elle a porté sur
l'institutionnalisation d'un système de solidarité sociale. De ce
fait, il ressort que la réhabilitation de la sécurité
sociale passe dans un premier temps par l'amélioration de l'organisation
des branches existantes en les articulant dans différents régimes
gérés par des caisses différentes, mais également
dans un second temps par la mise en place des branches non existantes
(chômage, maladie). Pour ce qui est de l'institutionnalisation d'un
système de solidarité sociale, la réforme envisagée
est celle de la mise en place d'un système d'assistance sociale qui
pourrait servir de complément à la sécurité
sociale. Mais le nouveau modèle de protection sociale n'échappe
pas néanmoins à des excès qu'il peut engendrer,
d'où des adaptations multiformes pour le Cameroun.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Cette partie avait pour but d'analyser les
voies de réformes de la protection sociale au Cameroun. Dans un premier
temps, nous avons fait une analyse théorique des réformes des
systèmes de protection sociale, puis dans un second temps il
était question de présenter un nouveau modèle de
protection sociale camerounais en s'inspirant du modèle de protection
sociale français. Pour ce faire, il ressort que les débats sur
les réformes des systèmes de protection sociale restent
focalisés sur le choix entre deux modèles de protection sociale
liés à la fonction d'assurance à savoir : le
modèle d'assurance du revenu salarial et le modèle de transferts
sociaux par l'impôt. Ces réformes sont de plus en plus
orientées vers la mise en place du deuxième modèle
d'assurance sociale.
Pour ce qui est du Cameroun, il en ressort que la
réforme du système de protection sociale passe par la
réhabilitation de la sécurité sociale et
l'institutionnalisation d'un système de solidarité sociale. Il
faut néanmoins noter que ce nouveau modèle de protection sociale
Camerounais demeure amendé par des adaptations multiformes.
CONCLUSION GENERALE
L'objectif de ce travail était d'analyser le
fonctionnement du système de protection sociale au Cameroun. Sa
structuration en deux parties dont la première a abordé les
dysfonctionnements de la protection sociale au Cameroun et la deuxième,
les voies de réforme, a permis d'atteindre cet objectif.
Dans une première partie, nous avons pu
démontrer que le fonctionnement du système de protection sociale
camerounais est en crise depuis le milieu des années 1980. Cette partie
s'est appuyée sur une analyse descriptive.
Le chapitre 1 a permis d'examiner le fonctionnement
d'un modèle de protection sociale. Dans un premier temps, nous avons
visité les fondements théoriques s'y afférent. Puis dans
un second temps, nous avons mis en évidence les limites des
systèmes de protection sociale. De cette analyse, il ressort que les
systèmes de protection sociale des pays développés ont
connu une croissance rapide pendant les trente glorieuses, après avoir
vu le jour au début du XIXe siècle. Mais le
début de la crise économique des années 1970 marque la fin
de l'âge d'or du fonctionnement desdits systèmes.
Le chapitre 2 avait pour but l'étude du
fonctionnement de la protection sociale au Cameroun. La présentation de
l'organisation sociale camerounaise a été faite dans une
première section. Puis dans la seconde section les
éléments d'un fonctionnement défectueux ont
été analysés. Pour ce faire, une analyse de l'organisation
sociale au Cameroun a d'abord été faite. Elle a permis de
constater que le système de protection sociale camerounais fonctionne
encore selon une logique d'assurance sociale et que la logique d'assistance
sociale demeure résiduelle. Une analyse des dysfonctionnements de la
protection sociale au Cameroun a ensuite été menée. Le
recours aux données statistiques et leur analyse rigoureuse nous ont
permis de démontrer que le système de protection sociale
camerounais fait face à une crise financière, une crise
d'efficacité et une crise de légitimité. Ces crises
trouvant leurs origines des contraintes socioéconomiques et des
contraintes institutionnelles.
Dans la deuxième partie, nous avons
milité pour une réforme du système de protection sociale
camerounais. C'est pourquoi notre analyse a porté sur un modèle
de protection sociale à venir fonder sur la réhabilitation de la
sécurité sociale et l'institutionnalisation d'un système
de solidarité sociale.
Le chapitre 3 a porté sur l'analyse
théorique des réformes des systèmes de protection sociale.
Les caractéristiques des modèles de protection sociale
liées à la fonction assurantielle ont été
présentées en premier lieu. Puis en second, nous avons
insisté plus particulièrement sur les arguments théoriques
en présence. De cette analyse, il ressort que la majeur partie des
réformes des systèmes d'assurance sociale mise en oeuvre,
jusqu'à une période récente, en France et dans de nombreux
pays européens, peut être rattachées au modèle
d'assurance du revenu salarial. Une conception renouvelée et
élargie de la fonction d'assurance à assigner aux systèmes
de protection sociale conduit pourtant, le plus souvent, à
préconiser des réformes allant en direction du modèle de
transferts sociaux par l'impôt.
Le chapitre 4 était axé sur la
réforme du système de protection sociale camerounais. Pour ce
faire, nous avons appelé dans un premier temps pour un modèle de
protection sociale à venir fondé sur la réhabilitation de
la sécurité sociale et l'institutionnalisation d'un
système de solidarité sociale, capable à même de
couvrir toutes les couches de la population camerounaise. Puis dans un second
temps, nous avons esquissé les implications et les adaptations
multiformes pour le Cameroun. La réforme idoine pour accompagner une
telle modification du modèle pourrait reposer sur les prémisses
du modèle français de protection sociale, néanmoins
amendé par des adaptations qui tiennent compte des effets de
débordement d'un tel modèle.
Ainsi, au vu de ces résultats, quelques
enseignements s'avèrent nécessaires :
Ø Le fonctionnement d'un système de protection
sociale ne se limite pas uniquement à une logique assurance sociale, il
doit également intégrer une logique assistance sociale si nous
voulons parvenir à une sécurité sociale pour tous les
travailleurs camerounais.
Ø Le fonctionnement d'un système de protection
sociale dépend de la santé économique du système
dans lequel il s'insère. D'où la nécessité pour le
gouvernement camerounais de mettre en place les politiques
macroéconomiques visant la croissance et le plein emploi, les politiques
de protection du monde du travail (salaire minimum, réglementation des
conditions de travail et licenciement, place de la négociation
collective et formation professionnelle), les politiques d'éducation
(formation du citoyen, solidarité entre générations et
investissement en capital humain) et les politiques d'action sur les modes de
vie.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Aaron H.J. (1966), « The social
Insurance Paradox », Canadian Journal of Economics,
Vol.32.
Akerlof G. (1970), « The market
for Lemons: Quality Uncertainly and the Market
mechanism », Quarterly Journal of
economics, n°94 pp.488-500.
Ando A. & F. Modigliani (1957), Tests
of the life Cycle Hypothesis of Saving: Comments
and
Suggestions, Bulletin of the Oxford Institute of Statistics.
Arendt Hannah (1972), Du mensonge
à la violence: essai de politique contemporain, Paris,
Calmann-levy.
Auerbach A.J. & Kotlikoff L.G. (1987),
Dynamic fiscal policy, Cambridge University Press.
Banque Mondiale. (2001), How well do
governments invest pension reserves? World Bank,
Pension Primer.
Barbier J.-C., Théret B. (2004),
Le nouveau système français de protection sociale, La
Découverte,
« Repère ».
Barbone L. & Sanchez L.B. (1999),
« Sécurité sociale en Afrique
Subsaharienne »,
Publication AISS, Abidjan,
p.15.
Barbone L. & Sanchez L.B. (2000),
« Les régimes de pensions et sécurité sociale en
Afrique
subsaharienne- problèmes et solutions
possibles », in Sécurité sociale en Afrique,
les
nouvelles réalités, C.
africaine, AISS, Abidjan, p.133.
Barr .N. (1992): The Economic of the
Welfare State, University Press, Oxford.
Bichot J. (1992), Économie de la
protection sociale, Amand Colin.
Bichot J. (1997), Les politiques sociales
en France au XXe siècle, Amand Colin.
Blanchet D. (1994), Redistribution ou
assurance ? Le cas de la retraite et de la préretraite,
XIIIe congrès annuel de
l'association française de science économique.
Blanchet D. (1996), « La
référence assurantielle en matière de protection
sociale : apports et
limites », Economie et statistique,
n°291-292, pp. 33-45.
Caire G. (1990), Economie et politiques
sociales, Dalloz.
Castel R. (1995), Les
métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard.
Castel R. (2003),
L'insécurité sociale, Seuil, « La
république des idées ».
Cresta J.P. (1984): Théorie des
marchés d'assurance, Economica, Paris.
Daniel C., Palier B. (éd.) (2001),
La protection sociale en Europe, le temps des réformes,
Paris, la Documentation
Française.
Diamond P.A. (1977): « A framework
for social security analysis », Journal of public ;
economics, 8.
Diop A.Y. (2003),
« L'investissement des réserves de sécurité
sociale: nouvelles
approches », in Les
défis que les régimes de sécurité sociale ont
à relever en Afrique,
C.africain, Abidjan, p.133.
Dupuis J.M (1995), « Les enjeux du
financement de la protection sociale », Droit social, n°6,
pp. 619-626.
Esping-Andersen G. (1990), The three
Worlds of Welfare Capitalism, Cambridge, Polity
Press.
Esping-Andersen G. (1996), Welfare States
in transition, Londres, Sage.
Esping-Andersen G. (1999), Les trois
mondes de l'État providence, PUF, « Le lien
social ».
Euzeby.C et Euzeby.C
(1983) : « Modalités de financement de la
sécurité sociale, coûts de la
main d'oeuvre dans les pays
industrialisés à économie de marché », in
BIT (éd.),
Sécurité
sociale : quelle méthode de financement ? Une analyse
internationale, OIT,
Génève,
pp.53-88.
Felstein M. (1974), « Social
Security, Induced Retirement, and Agregate Capital
Accumulation »,
Journal of Political Economy, Vol. 82, pp. 905-926.
Ferrera M. (1996), « The southern
Model of welfare in social Europe », Journal of
European Social Policy, Vol.6,
n°1, p. 17-37.
Fournier, Questiaux et Delarue (1988) :
Traité du social, Dalloz.
Greffe X. (1975), La politique
sociale, PUF, p.233.
Habermas J. (1978), Raison et
Légitimité. Problèmes de légitimation dans le
capitalisme
avancé, Paris,
Payot.
Hirsch M. (1993), Les enjeux de la
protection sociale, Paris, Monchretien.
Holzman R. (2000), « La
réforme des retraites : l'approche de la Banque
Mondiale », Revue
Internationale de la sécurité
sociale, n°1, Vol.53.
Join-Lembert M.-Th. (1998), Politiques
sociales, Dalloz/FNSP.
Kerschen N. (1994), « L'influence
du rapport Beveridge sur le plan français de sécurité.
sociale de 1945 », communication aux
rencontres d'Oxford Comparing welfare
Systems in Europe, MIRE - Maison
Française d'Oxford, Oxford, 20-22 Mai.
Kessler D. (1986): « Sur les
fondements économiques de la sécurité sociale »,
Revue
française des affaires sociales, n°1,
pp. 97-113.
Kobou G. (1994), « Le
dysfonctionnement du marché du travail au Cameroun : Quelles
alternatives pour une politique de l'emploi
? », MINPLAN, Yaoundé.
Lachaud J.- P. (1995),
« Marché du travail et exclusion sociale dans les capitales
d'Afrique
francophone : quelques
éléments d'analyse », Tiers Monde, Vol 36, pp.
249-302.
Lechevalier A. (1997), « Les
réformes des systèmes de protection sociale : d'un
modèle à
l'autre », Revue française
d'économie, Vol 12, n° 2, pp. 97-132.
Leibfried S. (éd.) (2001), Welfare
State Futures, Cambridge, Cambridge University Press.
Libault D. (1992), « Le financement
de la sécurité sociale après la contribution sociale
généralisée », Droit social, n°2,
pp. 108-114.
Livet et Thévenot (1994),
« Les catégories de l'action collective », in A.
Orléan (dir), Analyse économique des conventions, PUF,
Paris, pp.113-139.
Malinvaud E. (1985), « Unemployment
Insurance », Geneva Paper on Risk and Insurance,
Janvier, pp. 6-22.
Marius O. (2005), L'attitude
vis-à-vis de la sécurité sociale en Afrique,
Publication de l'AISS Lusaka.
Marx K. (1965c), « Critique de
l'économie politique » (1859), in OEuvre (Economie),
tome I,
Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p.
271-452.
Merrien F.-X, Parchet.R et Kernen
A. (2005), L'État social. Une perspective
internationale, Arman
Colin, « U ».
Modigliani F. (1986), « Life Cycle,
Individual Thrift and the Wealth of Nations », Nobel
Conference, American Economic
Review, Vol.76, n°3, juin; traduction française dans
la Revue française
d'économie.
Montalembert M. (2004), La protection
sociale en France, La documentation française.
Motazé L.P (2008), L'Afrique et le
défi de l'extension de la sécurité sociale - L'exemple
du
Cameroun, Pyramide
papyrus presse, Paris.
Murard N. (1988), La protection
sociale, Paris, La Découverte (coll.
« Repère »).
Musenge D.K. (2003), « Outils pour
une gestion plus efficace : l'expérience de la Côte
d'ivoire » in Les défis que
les régimes de sécurité sociale ont à relever
en
Afrique, Edition Musenge Abidjan,
p.29.
Ntsama E. (2003), « La retraite au
Cameroun : bilan et perspectives », in Bekolo - Ebe B.,
Touna Mama & Fouda S.M, Dynamiques de
développement, Montchrestien, Paris,
pp.369 - 389.
OCDE (1981), The welfare State in
Crisis, Paris, OCDE.
Palier B. et Bonoli G. (1995),
« Entre Bismarck et Beveridge, crises de la sécurité
sociale et
politiques », Revue française de
science politique, Vol 45, Numéro 4, pp. 668-699.
Palier B. (2002), Gouverner la
sécurité sociale, PUF, « Le lien
social ».
Parienty A. (2006), Protection sociale,
le défi, Gallimard, « folio ».
Parodi M. (2000), La question sociale en
France depuis 1945, Armand Colin, « U ».
Pierson P. (1993), Dismantling the
Welfare State? Reagan, Thatcher and the Politics of
Retrenchment,
Cambridge University Press.
Plamondon P. et Latullipe D. (2004),
Financement optimal d'un système de pension,
Commission technique des Etudes Statistiques,
Actuarielles et financière, Québec.
Polanyi K. (1944), The Great
Transformation, Boston, Beacon Press.
Rawls J. (1987), Théorie de la
justice, Paris, Le Seuil.
Ray, Dupuis, Gazier. (1988), Analyse
économique des politiques sociales, PUF
Ricoeur P. (1991), « Pouvoir et
violence », in Lecture 1. Autour du politique, éd.
Seuil, Paris,
pp. 20-42.
Rosanvallon P. (1981), La crise de
l'État-Providence, Seuil.
Rosanvallon P. (1993), La nouvelle crise
de l'État-Providence, Notes de la fondation Saint-
Simon, septembre.
Rosanvallon P. (1994), La nouvelle
question Sociale, Seuil.
Rosanvallon P. (1995), La nouvelle
question sociale, Repenser l'État-Providence, Paris,
Seuil.
Rotschild & Stiglitz J. (1976),
« Equilibrium in competitive Insurance Market », Quarterly
Journal of Economics, Vol 11, pp. 629-649.
Keynes J.M. (1925-1937), La
pauvreté dans l'abondance, trad. franc. de certains écrits
de
Keynes, 2002, Paris, Gallimard.
Keynes J.M. (1936), Théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie. éd. 1977,
Paris, pbp.
Schmälh (éd) (1989),
Redefining the Process of Retirement. An international perspective,
Berlin, Heildelberg.
Smith. A. (1982) :
« Intergenerationnal transfers as Social Insurance »,
Journal of Publics
Economics, n°19,
pp.97-106.
Stiglitz J. (1997), Rapport sur le
développement dans le monde, Banque mondiale.
Summers L.H. (1989), «Some simple
Economics of Mantated Benefits », American
Economic Review, Papers and Proceeding, mai,
pp.177-183.
Titmuss R. (1958), Essays on the Welfare
State, London, Allen and Unwin.
Touna Mama et Tsafack-Nanfosso. R. (2001),
« L'économie camerounaise : de la crise à la
reprise », Cameroun 2000, L'Harmattan,
Paris, pp. 137-164.
Verbon A.A.H. (1988), The evolution of
publics pensions Schemes, Springes Verlag, Berlin,
New-York.
Varian H.R. (1980),
« Redistributive Taxation as Social Insurance », Journal of
public Economics, Vol.14, pp. 49-68.
ANNEXES
ANNEXES
Annexe 1 : Graphiques d'évolution des taux de
croissance annuelle moyen des recettes et dépenses des
différentes branches
Source : Auteur
Annexe 2 : Tableau d'évolution des recettes et
dépenses des différentes branches (en millions de F CFA)
|
Branche allocations familiales
|
Branche assurance vieillesse
|
Branche risques professionnels
|
Années
|
Recettes
|
Dépenses
|
Recettes
|
Dépenses
|
Recettes
|
Dépenses
|
1987
|
14 482
|
16 294
|
14 725
|
4 363
|
6 053
|
-
|
1988
|
13 404
|
16 133
|
13 557
|
5 891
|
5 317
|
-
|
1989
|
13 884
|
14 406
|
14 319
|
7 597
|
5 327
|
-
|
1990
|
12 489
|
14 581
|
12 851
|
10 235
|
4 862
|
2 373
|
1991
|
11 898
|
12 952
|
11 964
|
11 063
|
4 997
|
2 261
|
1992
|
11 575
|
8 315
|
11 904
|
11 945
|
3 915
|
1 999
|
1993
|
10 875
|
6 213
|
11 497
|
10 393
|
3 795
|
1 767
|
1994
|
13 387
|
5 483
|
13 954
|
11 520
|
4 274
|
1 667
|
1995
|
15 753
|
5 006
|
15 361
|
12 435
|
3 856
|
1 565
|
1996
|
13 981
|
4 925
|
14 571
|
14 951
|
3 697
|
1 672
|
1997
|
14 643
|
5 517
|
15 270
|
16 349
|
3 824
|
1 689
|
1998
|
15 763
|
5 556
|
16 257
|
17 905
|
4 108
|
1 699
|
1999
|
17 484
|
6 398
|
18 103
|
25 166
|
4 575
|
1 790
|
2000
|
23 040
|
6 931
|
23 659
|
21 784
|
5 873
|
2 450
|
2001
|
23 217
|
7 207
|
24 053
|
20 763
|
6 048
|
1 754
|
Source : Cahiers des charges de la
CNPS
Annexe 3 : Tableau du déficit de la
sécurité sociale (CNPS) en millions de F CFA
Années
|
Branche allocations familiales
|
Branche assurance vieillesse
|
branche risques professionnels
|
1987
|
-1 812
|
10 362
|
-
|
1988
|
-2 729
|
7 666
|
-
|
1989
|
-522
|
6 722
|
-
|
1990
|
-2 092
|
2 616
|
2 489
|
1991
|
-1 054
|
901
|
2 736
|
1992
|
3 260
|
-41
|
1 916
|
1993
|
4 662
|
1 104
|
2 028
|
1994
|
7 904
|
2 434
|
2 607
|
1995
|
10 747
|
2 926
|
2 291
|
1996
|
9 056
|
-380
|
2 025
|
1997
|
9 126
|
-1 079
|
2 135
|
1998
|
10 207
|
-1 648
|
2 409
|
1999
|
11 086
|
-7 063
|
2 785
|
2000
|
16 109
|
1 875
|
3 423
|
2001
|
16 064
|
3 290
|
4 294
|
Source : Auteur
Annexe 4 : Tableau d'évolution de
l'espérance de vie à la naissance au Cameroun
Années
|
1982
|
1987
|
1990
|
1992
|
1997
|
1999
|
2002
|
Femme
|
52,5
|
54,9
|
55,74
|
56,3
|
54,2
|
51,97
|
49,4
|
homme
|
49,5
|
51,8
|
52,7
|
53,3
|
51,6
|
49,8
|
47,5
|
Les deux sexes
|
50,96
|
53,31
|
54,18
|
54,76
|
52,87
|
50,86
|
48,43
|
Source : Banque Mondiale ; (WDI,
2005)
Annexe 5 : Tableau d'évolution des salaires et
des taux de croissance annuelle du PIB et de l'inflation au Cameroun
Années
|
PIB (%)
|
Inflation (%)
|
Salaires réels (en millions)
|
1980
|
-1,97
|
9,55
|
2 456,10
|
1981
|
17,08
|
10,72
|
3 093,68
|
1982
|
7,52
|
13,25
|
2 847,33
|
1983
|
6,86
|
16,63
|
3 175,13
|
1984
|
7,47
|
11,37
|
3 680,36
|
1985
|
8,03
|
8,5
|
4 323,23
|
1986
|
6,77
|
7,77
|
4 102,71
|
1987
|
-2,14
|
13,14
|
4 512,61
|
1988
|
-7,82
|
1,68
|
4 200,20
|
1989
|
-1,81
|
-1,66
|
4 669,47
|
1990
|
-6,1
|
1,09
|
4 578,83
|
1991
|
-3,8
|
0,06
|
4 778,44
|
1992
|
-3,1
|
-0,016
|
4 718,65
|
1993
|
-3,2
|
-3,2
|
4 526,10
|
1994
|
-2,5
|
35,09
|
2 520,75
|
1995
|
3,29
|
9,07
|
2 170,91
|
1996
|
5
|
3,92
|
2 025,57
|
1997
|
5,09
|
4,77
|
2 187,58
|
1998
|
5,03
|
3,17
|
2 577,67
|
1999
|
4,39
|
1,87
|
2 693,62
|
2000
|
4,19
|
1,23
|
2 930
|
2001
|
4,51
|
4,42
|
3 351,83
|
Source : Banque Mondiale ; (WDI,
2005)
Annexe 6 : Tableau d'évolution de la
population totale du Cameroun
Années
|
Population totale
|
Taux de croissance annuelle de la population
|
1980
|
8 754 000
|
2,9
|
1981
|
9 006 010
|
2,8
|
1982
|
9 262 290
|
2,8
|
1983
|
9 523 610
|
2,8
|
1984
|
9 791 270
|
2,8
|
1985
|
10 067 000
|
2,8
|
1986
|
10 356 110
|
2,8
|
1987
|
10 659 290
|
2,9
|
1988
|
10 977 300
|
2,9
|
1989
|
11 310 920
|
3
|
1990
|
11 661 000
|
3
|
1991
|
12 012 020
|
3
|
1992
|
12 363 410
|
2,9
|
1993
|
12 714 600
|
2,8
|
1994
|
13 065 000
|
2,7
|
1995
|
13 414 000
|
2,6
|
1996
|
13 761 040
|
2,6
|
1997
|
14 105 510
|
2,5
|
1998
|
14 446 750
|
2,4
|
1999
|
14 784 130
|
2,3
|
2000
|
15 117 000
|
2,2
|
2001
|
15 445 580
|
2,2
|
Source : Banque Mondiale ; (WDI,
2005)
Annexe 7 : Tableau d'évolution des cotisations
sociales et des prestations sociales de la sécurité sociale
(CNPS) en millions de F CFA
Années
|
Cotisations sociales
|
prestations sociales
|
1987
|
35 260
|
20 657
|
1988
|
32 278
|
22 024
|
1989
|
33 530
|
22 003
|
1990
|
30 202
|
27 189
|
1991
|
28 859
|
26 276
|
1992
|
27 394
|
22 259
|
1993
|
26 167
|
18 373
|
1994
|
31 615
|
18 670
|
1995
|
34 970
|
19 006
|
1996
|
32 249
|
21 548
|
1997
|
33 737
|
23 555
|
1998
|
36 128
|
25 160
|
1999
|
40 162
|
33 354
|
2000
|
52 572
|
31 165
|
2001
|
53 318
|
29 724
|
Source : Auteur
Annexe 8 : Structure par âge de la population
camerounaise
|
|
|
Population
|
|
Années
|
0 -14 ans
|
15 - 64 ans
|
65 ans et plus
|
total (%)
|
1980
|
44,3
|
52,1
|
3,6
|
100
|
1981
|
44,4
|
52
|
3,6
|
100
|
1982
|
44,5
|
51,9
|
3,6
|
100
|
1983
|
44,6
|
51,8
|
3,6
|
100
|
1984
|
44,7
|
51,7
|
3,6
|
100
|
1985
|
44,8
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1986
|
44,8
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1987
|
44,8
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1988
|
44,8
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1989
|
44,8
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1990
|
44,7
|
51,6
|
3,6
|
100
|
1991
|
44,6
|
51,8
|
3,6
|
100
|
1992
|
44,5
|
51,9
|
3,6
|
100
|
1993
|
44,4
|
52
|
3,6
|
100
|
1994
|
44,3
|
52,1
|
3,6
|
100
|
1995
|
44,1
|
52,2
|
3,6
|
100
|
1996
|
44,1
|
52,3
|
3,6
|
100
|
1997
|
44,1
|
52,4
|
3,5
|
100
|
1998
|
44,1
|
52,4
|
3,5
|
100
|
1999
|
44,1
|
52,5
|
3,5
|
100
|
2000
|
41,8
|
52,5
|
3,7
|
100
|
2001
|
41,6
|
54,7
|
3,7
|
100
|
Source : Banque Mondiale ; (WDI,
2005)
Annexe 9 : Tableau d'évolution des taux de
natalité, de mortalité et de fécondité au
Cameroun
Années
|
Taux brut de natalité (pour 1000 habitants)
|
Taux brut de mortalité (pour 1000 habitants)
|
Fécondité (naissance par femme)
|
1980
|
44,54
|
16,46
|
6,42
|
1981
|
..
|
..
|
..
|
1982
|
43,9
|
15,7
|
6,4
|
1983
|
..
|
..
|
..
|
1984
|
..
|
..
|
..
|
1985
|
42,7
|
14,62
|
6,4
|
1986
|
45,4
|
14,5
|
..
|
1987
|
41,9
|
13,9
|
6,4
|
1988
|
..
|
..
|
..
|
1989
|
..
|
..
|
..
|
1990
|
41,12
|
13,24
|
6
|
1991
|
..
|
..
|
..
|
1992
|
40,6
|
12,8
|
5,7
|
1995
|
39,76
|
12,32
|
5,2
|
1997
|
39,2
|
12
|
5,1
|
2000
|
36,98
|
14,22
|
4,8
|
2002
|
35,5
|
15,7
|
4,6
|
Source : Banque Mondiale ; (WDI,
2005)
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE...............................................................................................I
AVERTISSEMENT.....................................................................................II
DEDICACES............................................................................................III
REMERCIEMENTS...................................................................................IV
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS.......................................................V
LISTE DES
TABLEAUX.............................................................................VI
LISTEDESGRAPHIQUES..........................................................................VII
RESUME...............................................................................................VIII
ABSTRACT.............................................................................................IX
INTRODUCTION
GENERALE......................................................................1
PREMIERE PARTIE : LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA
PROTECTION SOCIALE AU
CAMEROUN.........................................................................9
INTRODUCTION A LA PREMIERE
PARTIE..................................................10
CHAPITRE 1 : LE FONCTIONNEMENT D'UN MODELE DE
PROTECTION
SOCIALE.................................................................................................11
1.1. Les fondements théoriques des systèmes de
protection sociale...............................11
1.2. Les limites des systèmes de protection
sociale..................................................26
CONCLUSION..........................................................................................29
CHAPITRE 2 : LE FONCTIONNEMENT DE LA PROTECTION
SOCIALE AU
CAMEROUN.............................................................................................31
2.1. L'organisation de la protection sociale
camerounaise..........................................31
2.2. Les éléments d'un fonctionnement
défectueux..................................................37
CONCLUSION..........................................................................................47
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE...................................................48
DEUXIEME PARTIE : LES VOIES DE REFORME DE LA
PROTECTION SOCIALE AU CAMEROUN
.......................................................................................49
INTRODUCTION A LA DEUXIEME
PARTIE.................................................50
CHAPITRE 3 : L'ANALYSE THEORIQUE DES REFORMES DES
SYSTEMES DE PROTECTION
SOCIALE............................................................................51
3.1. Les caractéristiques des modèles
d'assurance sociale..........................................52
3.2. Le débat sur les réformes : les
arguments théoriques en présence............................59
CONCLUSION..........................................................................................67
CHAPITRE 4 : LA REFORME DU SYSTEME DE PROTECTION
SOCIALE
CAMEROUNAIS.......................................................................................69
4.1. Le modèle de protection sociale à
venir..........................................................69
4.2. Des implications et adaptations multiformes pour le
Cameroun..............................73
CONCLUSION..........................................................................................76
CONCLUSION DE LA DEUXIEME
PARTIE...................................................77
CONCLUSION
GENERALE........................................................................78
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES...........................................................80
ANNEXES
................................................................................................84
TABLE DES MATIERES
............................................................................92
* 1 On peut néanmoins
faire remonter l'idée de comparer les systèmes de protection
sociale beaucoup plus loin dans le temps, presque au moment de la naissance des
États-Providences (Palier et Daniel, 2001).
* 2 La
« démarchandisation » désigne le processus de
libération ou d'indépendance des individus vis-à-vis des
forces du marché du travail. La démarchandisation du travail est
une fonction commune à tous les systèmes de protection sociale,
mais elle atteint un niveau différent suivant les régimes
(Polanyi K, 1944).
* 3 Pour plus d'explication voir
chapitre 1.
* 4 Modèle mis en place
au Cameroun par les ordonnances françaises de 1945.
* 5 Données CNPS 2005.
* 6 Les assurances sociales
gérées par la CNPS sont régies par des textes uniques,
présentant plus d'homogénéité et de
cohérence interne.
* 7 Voir chapitre 2
* 8 Référence
à John Maynard Keynes (voir bibliographies)
* 9 Les travaux de Paul Pierson
ont cependant montré que les réformes étaient aussi
difficiles dans ces pays en raison de l'attachement de la population au
systèmes de protection sociale et des phénomènes
d'institutionnalisation auxquels le gouvernement Thatcher a notamment
été confronté lorsqu'il a voulu remettre en cause le
système de protection sociale britannique (Pierson, 1994).
* 10 Ce modèle a aussi
été qualifié de
« chrétien-démocrate » Maurizio Ferrera
(1996)
* 11 Les agents de
l'État relevant du code du travail, autrefois gérés par la
CNPS, ont été reversés au ministère de
l'économie et des finances depuis 1993.
* 12
Source : Banque Mondiale (2005)
* 13 L'intention de Bismarck,
motivée par ses projets politiques et financiers, était en
réalité d'introduire des assurances étatisées,
financées partiellement (assurance-accident) ou totalement
(assurance-vieillesse) par les concours publics. Il dut céder face
à la coalition des forces industrielles et à la résistance
que rencontra le mouvement d'extension du pouvoir impérial.
* 14 La sécurité
sociale doit contribuer à « réaliser un ordre social
nouveau » fondé sur « le rapprochement des
classes » et « un souci élémentaire de
justice sociale ». Pierre Laroque
* 15 Le principe d'unification
doit être remplacé par un objectif de
généralisation.
* 16 Le principe beveridgien de
protection minimale pour tous peut être envisagé.
* 17
« L'aménagement d'une vaste organisation nationale d'entraide
obligatoire ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle
présente un caractère de très grande
généralité à la fois quant aux personnes qu'elle
englobe et quant aux risques qu'elles courent ».Pierre Laroque
(1907-1997)
* 18 « La
sécurité sociale apparaît ainsi comme un
élément dans une politique d'ensemble beaucoup plus vaste,
englobant : la garantie à tous la possibilité de trouver un
emploi rémunérateur, donc le plein-emploi et l'élimination
du chômage ; (...) la sécurité de l'emploi, donc des
garanties contre l'arbitrage patronal dans les embauches et les
licenciements ; une organisation médicale permettant de conserver
à chacun intégrité physique et intellectuelle par des
soins appropriés et, plus encore, par la prévention de la maladie
et l'invalidité, notamment par l'hygiène et la
sécurité du travail ». Pierre Laroque