Conclusion de la deuxième partie
L
a sécurité du golfe de Guinée est un
enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique
engagé dans la région. Vu de la région, cette entreprise
de sécurisation permettra aux répondre aux différentes
menaces qui
fragiliseraient la production et affaibliraient les Etats dans
leurs fonctionnements quotidiens. Il s'agit ici de recomposer l'ordre
sécuritaire. Les Etats s'y attèlent non sans grandes
difficultés. D'abord individuellement, puis collectivement voire avec
des acteurs étrangers à la région dont cette
sécurisation concoure au renforcement de leur sécurité
nationale. C'est le cas des Etats-Unis qui ont grand intérêt
à sécuriser cette région.
Sécuriser le golfe de Guinée permet aux
Etats-Unis de répondre à des logiques sécuritaires dont le
fondement reste l'expansionnisme militaire, traduit dans la région par
un déploiement des soldats américains et une aide à la
formation des armées nationales. Ce déploiement n'est pas
seulement d'ordre philanthropique. Ainsi, la sécurisation de la
région s'inscrit dans la dynamique de la sécurité
nationale américaine post 11 septembre. Et les politiques d'aide et de
coopération entreprises par le gouvernement américain suivent
toujours cette logique, en permettant surtout l'expression de
l'hégémonie des Etats-Unis.
CONCLUSION GENERALE
Par delà les illusions rétroactives et le
blues colonial, c'est bien un nouvel ordre mondial qui se construit en Afrique.
233
L
e présent travail visait la compréhension des
interactions entre le pétrole et la sécurité à
travers l'analyse du déploiement américain dans le golfe de
Guinée. Cette région est, en effet, devenue très
importante pour le
gouvernement américain. En même temps, on note
une croissance au niveau des agrégats macroéconomiques soutenus
par l'exploitation énergétique dans les Etats pétroliers
de cette région. Comme tels, on comprend le rôle et les enjeux
pour chaque acteur. Toutefois, on note aussi une forte
détérioration du champ sécuritaire. La question de fond
était de voir en quoi les enjeux liés à l'exploitation de
l'énergie, et du pétrole particulièrement, permettent aux
acteurs étatiques en présence (Etats du golfe de Guinée et
Etats-Unis) de répondre à leurs logiques sécuritaires?
Deux axes ont paru légitimes pour répondre
à pareille interrogation. D'abord, identifier l'intensification de la
production énergétique dans le golfe de Guinée comme
augmentant les risques d'insécurité aussi bien pour la
région que pour les Etats-Unis. Autrement dit, plus la production
énergétique augmente, plus les menaces et
l'insécurité deviennent importantes. Ensuite, il s'agissait de
comprendre la sécurisation du golfe de Guinée comme un enjeu
majeur pour l'intérêt de la région et des Etats-Unis.
Autrement dit, elle est une réponse aux défis de
préservation de la paix, de répartition des rentes
pétrolières pour les Etats de la région. En même
temps, elle permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnement et de se
pré positionner militairement.
Cette étude, passée sous le prisme du
néoréalisme et de l'analyse stratégique, a permis de
comprendre que le golfe de Guinée est une région qui fait face
à un ensemble de flux ; lesquels participent d'un désordre
sécuritaire et menacent aussi bien la production
énergétique que << la survie » même des Etats.
En réalité, plusieurs raisons sous-tendent la convoitise dont
fait l'objet le golfe de Guinée, notamment de la part des Etats-Unis.
D'abord, la structure du système énergétique international
et ensuite, la spécificité de la région. Le golfe de
Guinée est une source croissante d'approvisionnement
énergétique pour Washington, soucieux de la
233 François GAULME, << au-delà du blues
colonial, un nouveau cadre international pour la sécurité en
Afrique », in Afrique contemporaine, n° 208, p.85.
diversification en la matière. Il reste que pour les
Etats-Unis, cette insécurité menace plusieurs
intérêts économiques, diplomatiques et politiques. Puisque
le pétrole est une question d'intérêt et de
sécurité nationale, c'est donc une préoccupation pour
Washington. Autrement dit, l'insécurité dans le golfe de
Guinée est aussi une insécurité pour les EtatsUnis.
La décomposition sécuritaire dans le golfe de
Guinée permet aux Etats de la région et aux Etats-Unis de
repenser les besoins d'une recomposition sécuritaire. Toute la
deuxième partie s'est inclinée à étudier
l'influence des enjeux énergétiques sur la recherche de l'ordre
sécuritaire dans le golfe de Guinée. Pour les Etats de cette
région, en même temps qu'il s'agit de la considérer comme
un moyen pour eux de reconstruire les institutions, de construire la nation et
surtout d'intégrer des nouveaux outils de gouvernance dont le manque
structurait l'insécurité, la sécurisation est un atout
pour la production énergétique et la répartition de la
rente qui en est issue. La sécurité du golfe de Guinée est
un enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique
engagé dans la région. Les initiatives sont d'abord
individuelles. C'est ainsi que de nombreuses reformes sont entreprises au sein
de ces Etats pour redonner un nouveau visage à leurs appareils
sécuritaires, en mal de légitimité. Mais la dimension
transfrontalière de l'insécurité convoque une action
collective entre plusieurs Etats. Tantôt la CEEAC, tantôt la CEDEAO
sont, à travers leurs différents mécanismes et instruments
de sécurité, des véritables alternatives à la CGG
dont les limites sont visibles en matière de sécurisation. Ainsi,
la complexification du jeu sécuritaire pousse les Etats à voir
au-delà des frontières du golfe de Guinée. D'où
l'entrée en jeu, dans le champ sécuritaire du golfe de
Guinée, des Etats-Unis.
Cette action de sécurisation venant des Etats-Unis
n'est pas une action de pure philanthropie. Il s'agit, en effet, pour le
gouvernement américain de sécuriser ses routes d'approvisionnent
et de se déployer dans la région. Ainsi, l'action est d'abord
militaire : formation des armées locales, recherche d'une base en vue
d'un pré positionnement des troupes, mise sur pied d'un commandement
pour le continent, mise sur pied d'un arsenal de programmes militaires. Cette
action répond aux enjeux énergétiques et suit aussi une
logique sécuritaire qui s'inscrit dans une action globale des Etats-Unis
pour faire face aux nouvelles menaces à leur sécurité
nationale : le terrorisme, les « Etats-voyous », les autoritarismes
ou encore la faible insertion de certains Etats dans la globalisation. Cette
stratégie américaine ne va pas sans intérêt de
puissance. Au-delà du soutien apporté aux Etats du golfe de
Guinée, il
s'agit de dominer non plus à travers le << hard
power >> mais surtout, le << soft power >>. De ce fait,
l'aide au développement, l'aide politique ou encore la mise sur pied des
initiatives comme l'Agoa ne sont rien d'autre que des instruments de politique
étrangère et de sécurité nationale des Etats-Unis,
dont la permanence dépend de la sécurité des ses
partenaires. Il s'agit de comprendre que la dimension hégémonique
de ces actions constitue le fondement de la géoéconomie
américaine.
Il est vrai que cette étude a permis de confirmer nos
hypothèses de travail. Mais, il reste que le déploiement
américain dans le golfe de Guinée se fait dans une période
de forte consommation de la part des pays émergents qui
n'hésitent pas, eux aussi, à entrer dans cette <<
ruée » vers le pétrole africain. Et l'Afrique dans tout cela
? L'espace golfe de Guinée deviendra-t-il un espace de rivalité
entre puissances ? Assistera-t-on à une guerre énergétique
dont le golfe de Guinée sera le théâtre ? En même
temps, la dépendance des Etats de la région à
l'exportation du pétrole n'est-elle pas une menace à leur
prospérité économique, tant il est vrai que nous faisons
face à des économies de moins diversifiées ? Le
pétrole ne sera-t-il pas un nouveau moyen de captation de ressources et
de conservation de pouvoir, synonyme de déficit de gouvernance ? Peut-on
faire du pétrole un atout véritable de développement ?
Point n'est besoin de noter, ici, que ces interrogations
permettent de dessiner des scénarii sur le futur de la
sous-région africaine du golfe de Guinée. Sans que ces questions
ne soient l'objet directe de ce travail, leurs analyses peuvent être des
nouveaux themes d'étude que la présente recherche permettra peut
être d'étayer, ne serait-ce qu'en partie !
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