B. L'aide publique américaine en oeuvre en
Afrique
Le Commandement américain en Afrique inscrit l'aide
dans le domaine social comme une de ses préoccupations majeures. La
sécurité des Etats-Unis dépend de la
sécurité globale qui elle-même dépend de la
sécurité dans le domaine social des différents
partenaires, nous le disons déjà. Pareille vision du monde
concoure à l'établissement d'un commandement qui ne s'occupe plus
seulement de la défense nationale au sens purement militaire du terme.
Pour comprendre cette option politique, il convient de remonter à la
période de la guerre froide pendant laquelle le gouvernement
américain a beaucoup utilisé l'aide aux pays en
développement comme outil diplomatique pour contenir l'expansion du
communisme en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Aujourd'hui la
menace soviétique détruite, cette aide a une visée
hégémonique d'autant qu'elle sert d'instrument construction de la
paix.
« La construction de la paix est une
nécessité pour le gouvernement américain
'>218. Et l'aide permet aux Etats africains
bénéficiaires d'intégrer le processus de l'économie
globalisée. Il s'agit aussi de dominer à travers le soft
power219. Cette action correspond à
l'intérêt des EtatsUnis de garantir un monde pacifié,
prospère, capable de maintenir le niveau de vie des américains,
tout en promouvant la démocratie et les droits de l'Homme. En
défendant les valeurs chères au peuple américain, en
faisant partager au monde entier grâce notamment à l'aide, le
gouvernement américain renforce le pouvoir effectif du pays sur le
destin du monde, donc sur l'Afrique aussi.
216 Dès octobre 2001, le secrétaire d'Etat
Colin Powell avait déclaré que les ONG américaines
constituaient « des multiplicateurs de forces '> et étaient
« des instruments du combat '> américain contre le
terrorisme. Barbara DELCOURT, cours de Théories de la
sécurité, Université libre de Bruxelles, Année
académique 2006-2007. P.117.
217 Sami MAKKI, << Guerre au terrorisme, paramilitarisme et
droits de l'homme » in Le débat stratégique,
n°80, Eté 2005.
218 LANCASTAR, <<foreign aid >>, in Foreign
affairs, vol. 79, n°5, Septembre-Octobre 2000.
219 Contrairement au << hard power >> qui suppose de
dominer par la force, le << soft power >> correspond à
l'usage des moyens plus << doux >> mais qui présentent,
in fine, les mêmes résultats de domination.
Un autre versant de l'aide publique dans le déploiement
américain dans le golfe de Guinée est l'intervention humanitaire.
On parle quotidiennement de désastre écologique, d'explosions
démographiques, de drogue, de corruption, mais surtout
d'épuration ethnique et les exemples dans l'histoire contemporaine
africaine sont nombreux. Cette intervention est dirigée contre un
adversaire, elle peut impliquer l'usage de la force et d'autres moyens
coercitifs pour cesser des manquements massifs et violents au droit des
personnes. Ceci est une option visible dans la présence
américaine dans l'Afrique du golfe de Guinée qui intègre
plusieurs types de lutte armée. Il y a des dynamiques groupusculaires
(émiettement et radicalisation de la lutte), identitaires (recherches de
spécificité souvent culturelle), communautaires (affirmation des
l'unité nationale), autonomistes ou indépendantistes.
Un autre type d'aide est celle apportée aux
Organisations de la Société Civile. Cette catégorie d'aide
permet de comprendre que dans la nouvelle logique américaine, le peuple
a un rôle grand à jouer. On est dans le paradigme de «
l'universalisation de la démocratie
»220 · Il s'agit d'émanciper le
peuple afin de construire des sociétés démocratiques et
plus ouvertes au libre marché et aux investissements étrangers.
Pour cela, les objectifs de sécurité nationale des Etats-Unis
seront atteints puisque la frustration qui a conduit aux
évènements du 11septembre 2001 est née au sein des
peuples. Dans le golfe de Guinée, les organisations non gouvernementales
américaines sont bien présentes aussi dans la partie Afrique
centrale qu'Afrique de l'ouest. Sur le terrain, des ONG de promotion de la
démocratie et des Droits de l'Homme servent de relais pour être en
même temps des sources perspicaces d'information pour le gouvernement
américain. Au Cameroun par exemple, il existe plusieurs organisations
notamment le CRAT, FAMM et d'autres ONG qui se font les chantres de la
politique américaine. On peut aussi assimiler les médias qui
reçoivent de nombreuses aides de la part du gouvernement
américain. Ils l'interface entre les gouvernants et les gouvernés
: ils sont donc associés à cette entreprise par leur formation
à la couverture des challenges, à la responsabilité et au
professionnalisme dans l'information de la société.
En tout état de cause, si la dimension
hégémonique demeure dans ce que l'intervention militaire apparait
comme un instrument de domination et qu'elle se propose de défendre les
intérêts occidentaux par la recherche d'un consensus sur
l'expansion du commerce international, avec des nouveaux standards et
l'ouverture des marchés du Sud,
220 La promotion de la démocratie, même si, elle est
vue comme un projet de propagation des idéaux américains,
répond aussi à la logique idéaliste selon laquelle, «
les démocraties ne se font pas la guerre ».
donc des économies du golfe de Guinée, on peut
comprendre que la politique humanitaire devient de ce point de vue un
instrument de choix stratégique221.
Une lecture réaliste et néoréaliste de
l'aide en tant qu'instrument ou composante de politique extérieure part
du postulat que tout Etat cherche d'abord à accroître ses
richesses et son pouvoir. L'aide s'inscrit alors dans une relation par laquelle
les donateurs acceptent un effort financier pour conquérir des
marchés, maintenir et accroître leurs aires d'influence et
promouvoir les intérêts de leur classe dirigeant222..
Basons-nous sur la théorie néoréaliste qui affirme que
tout Etat cherche plutôt à garantir sa sécurité et
sa survie et que l'arène internationale est appréhendée
comme un lieu anarchique. On peut comprendre que les EtatsUnis se
préoccupent d'abord de leur sécurité. Et l'aide publique
sert ainsi à promouvoir les intérêts politiques et
économiques du gouvernement américain en lui permettant
d'influencer, de récompenser ou de punir d'autres pays. Il n'est pas
étonnant donc qu'il est plus efficace de présenter l'aide
publique au développement au Congrès des Etats-Unis comme un
système de défense stratégique que de faire
référence à la lutte contre la pauvreté dans des
pays éloignés pour faire voter les budgets
requis223.
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