Enjeux énergétiques et logiques
sécuritaires
une analyse du déploiement américain dans le golfe
de
Guinée
Mémoire en vue de l'obtention du Master en
Gouvernance et Politiques publiques
Présenté par Gen-serbé
SINIKI Licencié en Sciences Juridiques et Politiques Sous
la direction de Dr. Claude-Ernest
KIAMBA Politologue, Chargé de cours à
l'UCAC/ICY
Enjeux énergétiques et logiques
sécuritaires
une analyse du déploiement américain dans le golfe
de
Guinée
Mémoire en vue de l'obtention du Master en
Gouvernance et Politiques publiques
Présenté par Gen-serbé
SINIKI Licencié en Sciences Juridiques et Politiques Sous
la direction de Dr. Claude-Ernest
KIAMBA Politologue, Chargé de cours à
l'UCAC/ICY
A ma mère,
Mme SINIKI née Matalet TEZERE
Sarah
Remerciements
Nous remercions, tout d'abord, notre directeur de
mémoire, Dr Claude-Ernest KIAMBA qui, malgré ses diverses
occupations au cours de l'année, a accepté de diriger ce travail
qui porte la marque de ses pertinentes critiques et remarques.
Nous remercions, aussi, les autres enseignants du Master
Gouvernance et Politiques publiques dont les cours et séminaires nous
ont servi d'outils pour réaliser le présent travail.
Nous exprimons notre gratitude à l'endroit de notre
famille, pour son soutien moral et financier tout au long de notre parcours.
Nous exprimons notre reconnaissance au service de
coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Cameroun,
pour ses aides dans la réalisation de nos recherches.
Que nos amis qui ont accepté de lire et de corriger ce
mémoire trouvent, ici, l'expression de notre gratitude.
Last but not least ! Que nos camarades de promotion
trouvent, aussi, dans ce modeste travail le fruit de leurs différentes
critiques.
Liste de sigles et abréviations
ACRI: African Crisis Response Initiative
ACSS: African Center for Strategic Studies
Africom: African Command
AGOA: African Growth and Opportunity Act
CDS : Commission de Défense et de
Sécurité
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale
CentCom : Central Command
CEWS : Système Continental d'Alerte Précoce
CGG : Commission du Golfe de Guinée
CIJ : Cour Internationale de Justice
CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le
Coopération Economique et le
Développement
COCAP : Centre d'Observation et de Contrôle d'Alerte
Précoce COPAX : Conseil de Paix et de Sécurité de
l'Afrique centrale CPS : Conseil de Paix et de Sécurité
CSM : Conseil de Sécurité et de Médiation
DOE: Department Of Energy
Eucom: European Command
FAA : Force Africaine en Attente
FAAC : Forces Armées Alliées de la
Communauté
FOMAC : Force Multinationale de l'Afrique Centrale
ITIE : Initiative sur la Transparence dans les Industries
Extractives JCATS: Joint Combined Arms Training System
MAP : Mécanisme d'Alerte Précoce de la CEDEAO
MARAC : Mécanisme d'Alerte Rapide de l'Afrique Centrale
Mb/j : Millions de barils par jour
NDDSC: Niger Delta Defence and Security Council
OMAOC : Organisation Maritime pour l'Afrique de l'Ouest et du
Centre ONU : Organisation des Nations Unies
OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
PaCom : Pacific Command
PAMD : Protocole concernant l'Aide Mutuelle à la
Défense
PNAC: Project for the New American Century
PWYP: Publish What You Pay
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
ZEE : Zone Economique Exclusive
Liste de tableaux et graphiques
Tableau 1 : Situation des réserves dans le golfe de
Guinée en 2005 (en millions de
barils)......................................................................................................23
Tableau 2 : Situation des raffineries dans le golfe de
Guinee.......................................25
Tableau 3 : Evolution des bénéfices
pétroliers nets des supers-majors entre 2000 et 2005 dans legolfe de
Guinee........................................................................................26
Tableau 4 : Financement du pipeline Tchad-Cameroun
...................................46
Tableau 5 : les mécanismes de passage à une
répartition de la rente petroliere..................59 Graphique 1 :
Importations de pétrole aux Etats-Unis par pays d'origine en
2007..............38
Sommaire
Dédicace i
Remerciements ii
Liste de sigles et abréviations
iii
Liste de tableaux et graphiques v
Sommaire vi
Résumé vii
Abstract viii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE:ENJEUX ENERGETIQUES ET
DECOMPOSITION SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE
17
CHAPITRE 1 :PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE
L'INSECURITE DANS LES ETATS DU GOLFE DE GUINEE 18
Section 1 : Le golfe de Guinée comme
espace-enjeu en matière énergétique : pourquoi le
pétrole de la région attire ? 19
Section II : Augmentation de la production
énergétique, émergence des nouveaux intérêts
et accroissement des flux transnationaux dans le golfe de Guinée :
une rencontre des risques d'insécurité 25
CHAPITRE 2 :LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE
ENERGETIQUE A LA MENACE SECURITAIRE POUR LES ETATS-UNIS 36
Section 1 : Le golfe de Guinée dans la «
pétro stratégie » américaine 37
Section 2. L'insécurité dans le golfe
de Guinée : un défi pour la sécurité nationale des
Etats-Unis 43
DEUXIEME PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION
SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 53
CHAPITRE 3 :LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR
DES DEFIS INTERNES ET SOUS-REGIONAUX 54
Section 1. La sécurisation comme outil de
construction de la paix dans les Etats du golfe de Guinée
55
Section 2. Les dimensions militaires de
sécurisation et leur mise en oeuvre par les Etats du golfe de
Guinée .. 61
CHAPITRE 4 :LA VISION AMERICAINE DE LA SECURISATION DU
GOLFE DE GUINEE : UN ENJEU MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE NATIONALE
71
Section 1 : La sécurisation du golfe de
Guinée comme moyen de sécuriser les
approvisionnements énergétiques et de pré
positionnement des Etats-Unis 72
Section 2 : Les dimensions fortement
hégémoniques de la sécurisation du golfe de Guinée
80
CONCLUSION GENERALE 89
BIBLIOGRAPHIE 92
Résumé
Le pétrole du golfe de Guinée prend une
importance grandissante dans la géopolitique énergétique
mondiale. Pour plusieurs raisons, il intéresse les puissances dont les
Etats-Unis qui se déploient dans cette sous-région de l'Afrique.
Si ce pétrole a un impact macroéconomique sur les Etats
producteurs et, participe de la sécurité
énergétique des EtatsUnis, il occasionne l'émergence de
nombreux flux (économique, migratoire, etc.) qui donnent lieu à
la décomposition du champ sécuritaire dans cet espace, favorisant
ainsi les crises et les conflits. Cet aspect du pétrole, comme facteur
de désordre sécuritaire, présente des effets
néfastes pour les exportations, la répartition de la rente, mais
surtout, décrédibilise les institutions sociopolitiques dans les
Etats du golfe de Guinée, dont les figures sociales se sont
déjà, fortement, déteintes. De la même façon,
le désordre sécuritaire dans le golfe de Guinée menace,
directement, la sécurité nationale des Etats-Unis dont un des
pans demeure la sécurité énergétique.
Cette situation pousse à la reconsidération des
logiques sécuritaires de la part de chaque acteur étatique. La
sécurisation est ainsi une opportunité pour fiabiliser cet
environnement sociopolitique. Pareille entreprise, en mobilisant les Etats du
golfe de Guinée individuellement, puis collectivement, se
présente comme un moyen de restaurer la légitimité des
institutions, d'améliorer la gestion des ressources
pétrolières, et partant, de contribuer à la construction
multidimensionnelle de la paix, aussi bien à l'intérieur des
Etats que dans l'espace golfe de Guinée. Pour les Etats-Unis, il s'agit,
d'abord, de sécuriser les routes d'approvisionnement
énergétique, de se pré-positionner militairement dans
cette région, ce qui coïncide avec les objectifs globaux de leur
sécurité nationale « post-11 septembre ». Plus
généralement, il s'agit d'une projection de puissance. Comme
telle, cette orientation n'est pas sans répondre aux logiques
d'hégémonie américaine. D'ailleurs, la volonté
d'être présent dans le golfe de Guinée pousse Washington
à déployer les autres traits de sa sécurité
nationale, lesquels participent au maintien de sa puissance.
Mots dles : Enjeux
énergétiques, logiques sécuritaires, golfe de
Guinée, Etats-Unis, intérêt national, gouvernance,
conflictualité, puissance, rente pétrolière,
géopolitique du pétrole.
Abstract
The oil in the Gulf of Guinea is having an increasing
importance in the global energy geopolitics. It attracts the interest of great
powers for many reasons including the U.S.A whose presence in this sub-region
in Africa in very remarkable. If this oil has a macroeconomic impact on
producing States and participates in energy security of the United States, it
create the emergence of economic/migratory flows qui give rise to the
decomposition of the security of the area thereby making it a crisis and
conflict zone. This issue of oil, considered as a factor of security disorder,
discredits the sociopolitical institutions in the Gulf of Guinea whose social
features have already faded greatly. In the same way, this security disorder in
the Gulf of directly Guinea threatens the national security of the United
States and one of these aspects is in energy security.
This situation leads to the reconsideration of security
frameworks on the part of each State. Security measures become a means to make
credible this sociopolitical environment. Such an undertaking of mobilizing the
States in the Gulf of Guinea individually and collectively presents itself as a
way to restore the legitimacy of institutions, to ameliorate the management of
oil resources, to contribute to multidimensional construction of peace inside
the States as well as among the States in the Gulf of Guinea. According to the
United States, it is first of all a means to secure the ways of energy supply,
to be military well positioned in this region, a reality which corresponds with
their global objectives on national security «after September 11».
Generally, it is a question of power projection. As such, this orientation goes
in hand with the American hegemonic tendency. Also, the wish to be present in
the Gulf of Guinea leads Washington to deploy other features of its national
security, which all help to maintain its power.
Key words: energy stakes, security
logics, Gulf of Guinea, United States of America, National interest,
governance, conflict, power, oil revenues, oil geopolitics
INTRODUCTION GENERALE
Le pétrole est donc une ressource indispensable
pour chacun des pays qui ne peuvent s'en passer mais aussi un enjeu vital
âprement disputé entre des pays aux économies faibles et
où s'immiscent volontiers des Etats tiers.'
D
epuis la révolution industrielle et, plus
particulièrement, avec la fin de la première guerre mondiale,
l'énergie constitue un enjeu important qui cristallise les relations
entre Etats au niveau international. De ce fait,
l'approvisionnement énergétique des
sociétés contemporaines donne lieu à des flux marchands
qui représentent environ un cinquième (1/5ème)
du commerce mondial de marchandises. Au sein des ces relations
énergétiques internationales, le pétrole occupe une place
centrale : il couvre environ 40 % de l'offre mondiale
d'énergie2.
L'histoire de l'énergie a connu un tournant particulier
autour des années 70, avec la crise du pétrole. De ce fait, le
pétrole est apparu comme une donnée stratégique dans les
relations entre Etats et un enjeu de sécurité nationale et
internationale. Dans ses analyses sur la dualité « pétrole
et sécurité », Pierre Noël indique que durant cette
période, pour la première fois dans l'histoire, en dehors de
quelques épisodes localisés, l'enjeu énergétique
segmentait l'espace politique international entre « amis et ennemis
» - reprenant le critère d'identification du politique chez
Carl Schmitt3.
Dix ans plus tard, c'est-à-dire dans les années
1980, on est passé à une période de profonde
restructuration de la scène énergétique ; et, pour cause,
le fonctionnement des marchés est devenu plus flexible, le nombre des
pays producteurs de pétrole a augmenté, les compagnies
multinationales sont redevenues des acteurs-clés du système
pétrolier mondial, la concurrence s'est renforcée
considérablement. Les années 90 verront l'émergence de
nouveaux grands consommateurs de pétrole à savoir les «
dragons » de l'Asie du Sud Est, les pays de l'Amérique latine
et bien sür les anciens pays du bloc soviétique. Il faut aussi
noter que cette période marque la diversification de producteurs. Dans
le même temps, c'est le pétrole de la Caspienne qui vient
renforcer la concurrence entre offrants au niveau mondial :
1 Roland POURTIER, « Les hydrocarbures du Golfe
de Guinée », disponible sur
http://fig-stdie.education.fr/index.htm,
13 avril 2010, 22h30.
2 Chiffres tirés de « géopolitique
du pétrole », disponible sur
www.atlas-monde.net/geopolotique_du_petrole,
consulté le 13 avril 2009, 11h30.
3 Pierre NOËL, « Pétrole et
sécurité internationale : des nouveaux enjeux »,
septembre 1998, disponible sur
http://upmf-grenoble.fr/iepe/textes/Noel98.PDF,
consulté le 20 décembre 2008, 17h 35.
la production aurait atteint 2 millions de baril par jour
(Mb/j) en l'an 2000 et est estimée à 6 Mb/j en 2015,
d'après le Département de l'énergie
américain4.
Cette concurrence entre producteurs se produit à un
moment où le golfe de Guinée devient une région
productrice non négligeable. Les multinationales présentes sont
françaises (Total-Fina-Elf), anglo-néerlandaises (Shell),
américaines (Chevron, Texaco, Exxon Mobil), chinoises (China National
Petroleum Corporation, CNPC; China Petrochemical Corp, SINOPEC) ou encore
brésiliennes (PETROBAS)5. L'impératif est alors la
diversification des sources d'approvisionnement. Cette diversification suppose
la « conquête » des nouvelles régions ;
d'où l'attirance du golfe de Guinée. Or, la question
sécuritaire est une préoccupation permanente pour les
investisseurs et les partenaires commerciaux du continent africain. La
sécurisation de l'approvisionnement passe donc par la
sécurisation de la région et des installations des compagnies
productrices.
1. Contexte de l'étude
Les coopérations en matière de
sécurité et de défense entre les pays africains et les
puissances occidentales (dans la plupart des cas, les anciens colonisateurs)
semblent, aujourd'hui, plus que jamais, considérées comme ayant
de relents de colonialisme et sont taxés souvent de moyens de soutien
à certains régimes autoritaires du continent. C'est ainsi qu'au
moment où le golfe de Guinée devient une zone importante dans la
configuration géopolitique actuelle du monde, des nouvelles puissances
d'Asie et d'Amérique semblent être plus intéressées.
Chine, Inde, Brésil, Etats-Unis se retrouvent en concurrence depuis une
décennie avec la France et la Grande-Bretagne dans cette région
du continent6. La présence de ces puissances et des
Etats-Unis, particulièrement, après le 11septembre 2001, qui
au-delà des matières premières, investissent militairement
sur le continent, pose quelques interrogations7. Ceci d'autant plus
que le golfe de Guinée est en proie à plusieurs types d'actes
d'insécurité : prises d'otages, rébellions armées,
trafics d'armes et de drogues, plongeant les Etats de la région entre
des défis internes (de paix et de sécurité, de conflits
armés au regard de
4 Côme Damien Georges AWOUMOU, << le
golfe de Guinée face aux convoitises », communication lors du de la
11e assemblée générale du CODESRIA autour du thème
<< repenser le développement africain : au delà de
l'impasse, les alternatives », Maputo, 06-10 décembre 2005.
5 Idem, p.4.
6 Stanley HOFFMAN, << la France dans le monde :
1979-2000 », in Politique étrangère, n°2,
2000.
7 Sur les convoitises des puissances
étrangères dans le golfe de Guinée, lire Côme Damien
Georges AWOUMOU, Idem, p.5.
l'économie politique, d'environnement) et externes (de
sécurité transfrontalière, d'intégration).
Par ailleurs, étant donné que le golfe de
Guinée est devenu un espace de rivalité, la question de sa
gouvernance est d'autant plus importante que les flux transnationaux, qu'ils
soient d'ordre démographique, économique ou même culturel,
défient les tracés des frontières des Etats de cette
région au quotidien et sont des facteurs permanents de conflits.
2. Délimitation de l'étude
Etudier les logiques sécuritaires dans leurs relations
avec les enjeux énergétiques dans le golfe de Guinée
suppose de prendre en compte un certain nombre d'acteurs et de situer le
travail sur une certaine étendue territoriale. Il s'avère que,
pour des raisons de faisabilité, il soit pertinent de délimiter
le champ d'étude, spatialement, temporellement (a) et
matériellement (b).
(a) Délimitation spatiale et
temporelle
Il est question de travailler sur le golfe de Guinée en
tant que région constituée d'un ensemble d'Etats, dont les
caractéristiques qui intéressent la présente analyse sont,
particulièrement, la production de l'énergie et les dynamiques de
sécurité. Parce qu'il est difficile à définir
géographiquement, le golfe de Guinée apparaît, globalement,
comme un espace « aux frontières incertaines mais
désireux d'exprimer une identité collective singulière
à des fins de différenciation identitaire, de pesée
politique, de rationalisation économique, voire de légitimation
politique interne. C'est un espace flou qui, par tâtonnement, tente (...)
de dégager un " nous ", construit autour de significations
régionales communes » 8. C'est surtout un
« espaceenjeu »9 qui laisse entrevoir «
d'énormes discontinuités, sources de son caractère
crisogène ou belligène »10.
Du point de vue de la géographie physique, un golfe est
une pénétration étendue de la mer dans le continent. En ce
sens, le golfe de Guinée est situé dans la zone
désignée par l'expression « Atlantique Sud-est ». Il
s'agit, principalement, de la bordure occidentale du
8 Zaki LAIDI, Géopolitique du sens,
Paris, Desclee de Brouwer, 1998, p.9.
9 Wullson MVOMO ELA, «
Pétrostratégie et appels d'empire dans le Golfe de Guinée
», in Enjeux, n°22, 2005, p. 13.
10 Ghislain Claude ESSABE, « Enjeux
géopolitiques et tensions dans le golfe de Guinée: approche
communautaire de règlement par la diplomatie parlementaire »,
projet de Thèse, Université Omar Bongo de Libreville, Libreville,
2008.p.10
continent africain, du détroit de Gibraltar au cap de
Bonne Espérance. Entre ces deux extrémités, se localise
l'espace atlantique centre-oriental. Il comprend les secteurs des pays des
rivières du Sud et le golfe de Guinée, dans son acception la plus
large, c'est-à-dire du Cap des Palmes à l'Angola. Ainsi, le golfe
de Guinée réalise une synthèse de l'Afrique de l'Ouest et
de l'Afrique Centrale. L'Organisation Hydrographique Internationale
définit le golfe de Guinée par une ligne (un arc de grand cercle)
courant du cap des Palmes au Libéria jusqu'au cap Lopez au
Gabon11.
Selon l'encyclopédie en ligne wikipedia, sur
un plan de la géographie humaine, le golfe de Guinée est une zone
hétérogène apparaissant comme un pôle de convergence
des Afriques anglo-saxonne et latine (hispanophone, francophone et lusophone),
des civilisations bantou et sahélienne, des religions chrétienne,
musulmane et animiste. D'un point de vue institutionnel ou politique, le Golfe
de Guinée12 s'entend comme « cette aire maritime
ouverte, directement contiguë au littoral atlantique africain, entre la
frontière ivoiro-libérienne, au Nord, et la frontière
entre la Namibie et l'Angola, au Sud, et qui est la voie d'accès a
l'océan mondial pour tous les Etats, riverains ou sans accès
maritime, de l'Afrique Centrale et de l'Afrique Occidentale
»13. Il s'agit ici d'une bande marine large de 12 milles
marins. Les zones de juridiction restreinte ont une dimension théorique
de 188 milles nautiques, dont 12 milles de Zone Contiguë et 176 milles de
Zone Economique Exclusive (ZEE) proprement dite. Toutefois, Seuls les Etats
bénéficiant d'une ouverture directe sur le golfe peuvent
prétendre à l'exercice de l'une ou l'autre des
prérogatives susmentionnées, dans l'une des zones marines
définies par le droit international de la mer14. Ces Etats
sont, du Nord au Sud : la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo, le
Bénin, le Nigeria, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, Sao Tome
et Principe, le Gabon, le Congo, le Congo Démocratique et l'Angola.
Parmi ces Etats, huit ont mis sur pied la Commission du Golfe de Guinée
(CGG), créée au terme d'une réunion qui s'est tenue,
à Libreville, les 18 et 19 novembre 1999. Il s'agit de l'Angola, du
Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, du Nigeria, de
la RDC et de Sao Tomé et Principe15.
11 << Golfe de Guinée >>, disponible sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Golfe_de_Guinée,
consulté le 23 décembre 2008, 23h
12 Il faut noter que le groupe nominal <<
golfe de Guinée >> dans son acception relevant de la
géographie physique s'écrit avec un « g >> minuscule
et dans son acception politique ou institutionnelle s'écrit avec un
« G >> majuscule. Dans ce travail, nous utiliserons la
première écriture qui est aussi celle admise dans les travaux
géopolitique et de science politique en général. Lire
Albert Didier OGOULAT, << Afrique centrale et golfe de Guinée :
géopolitique des termes de l'échange entre deux regionymes
sous-continentaux >>, in Enjeux, n°26, p. 9
13 Idem, p. 10.
14 Ibidem.
15 Ibidem.
Dans ce travail, la délimitation du golfe de
Guinée est la même que celle qui relève du golfe de
Guinée dit institutionnel ou politique. Toutefois, elle prendra aussi en
compte son hinterland (notamment le Tchad, la RCA et les Grands-lacs) qui,
d'après Côme Damien Georges Awoumou16, est essentiel
dans l'analyse géopolitique de la région.
La présente analyse se situe à partir du 11
septembre 2001 jusqu'en 2009. C'est à partir de cette date du 11
septembre 200117 qu'il y a eu une configuration nouvelle qui est
apparue dans la politique étrangère des Etats-Unis et partant la
prise en compte des régions du monde, apparaissant jusque-là
très peu importantes stratégiquement. Aussi, depuis cette date,
les cartes politiques du monde ont considérablement changé.
L'Afrique, et particulièrement le golfe de Guinée, est devenue
stratégique pour des puissances dont la présence était,
jusqu'alors, relative, comme les Etats-Unis. Pour des raisons de
faisabilité, cette étude se limite à la fin de
l'année 2009, qui correspond au début effectif de nos
explorations sur le présent thème.
(b) Délimitation
matérielle
Ce travail est une approche de l'étude de la
Gouvernance à travers le prisme dialectique
énergie/sécurité. Parce que la Gouvernance, en tant que
domaine de savoir requiert une transversalité disciplinaire, il
convient, dès lors, de convoquer des sous disciplines de la Science
politique, fondamentalement les relations internationales. Celles-ci ont pour
vocation d'étudier les acteurs et les facteurs d'interaction sur la
scene internationale. Pour cette raison, en considération de l'espace
géographique examiné dans le cadre de la présente
étude, elles permettront de saisir les agissements au niveau aussi bien
des Etats que des autres acteurs en présence dans le golfe de
Guinée. Aussi, mener des recherches sur la relation
pétrole/sécurité comme << objet politique »
suppose la prise en compte des non-dits, des machinations, des
stratégies et des alliances. De ce fait, comme l'analyse
géopolitique permet de comprendre les « interactions entre le
politique et le territoire, les rivalités ou les tensions qui trouvent
leur origine ou leur développement sur le
territoire»18 , y avoir recours sied au décryptage
des enjeux énergétiques et des logiques sécuritaires dans
les relations entre les Etats-Unis et les Etats dans golfe de Guinée.
16 Côme Damien Georges AWOUMOU, op cit.
p.5.
17 Correspondant aux attentats contre les tours
jumelles du world trade center de New-York et revendiqués par le groupe
terroriste Al-qaïda, dirigé par le milliardaire islamiste d'origine
saoudienne, Oussama Ben Laden.
18 Yves LACOSTE, cité dans <<
Géopolitique », disponible sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Géopolitique,
consulté le 13 janvier 2010, 12h 30.
3. Définition des concepts
Dans le cadre de cette étude, il est paru
légitime, afin de rendre compréhensibles et intelligibles les
propos qui y sont ténus, de procéder à la
définition de certaines expressions dont l'usage est fréquent.
Enjeux énergétiques :
Cette expression est la conjugaison de deux mots à savoir
enjeux et énergies. Dans une acception courante, le terme enjeu
renvoie à intérêt ; il signifie tout ce qu'on peut
gagner ou perdre dans une compétition. Et la compétition
elle-même est une recherche simultanée par deux ou plusieurs
acteurs d'un même résultat. Quant à énergie, elle
est l'ensemble de ressources du sous-sol ou non qui peuvent être
exploitées pour servir de carburants. Il s'agit notamment du
pétrole, du gasoil, du gaz. Nous choisissons de nous limiter au
pétrole. Ainsi les enjeux énergétiques s'entendent, dans
ce travail, d'une part, comme la compétition née et qui se
développe autour de ces ressources, du pétrole fondamentalement
et qui concerne toute l'exploitation, c'est-à-dire les phases
d'exploration, de production et de commercialisation ; et, d'autre part,
l'ensemble des flux qu'entraine cette exploitation.
Logiques sécuritaires : Ce
groupe de mots est composé de « logiques » et de
<< sécuritaires ». Le terme logique renvoie à
l'agencement, à une suite cohérente, à un ordonnancement
entre plusieurs choses ou au sein des idées. Il s'agit d'interaction
entre plusieurs éléments. Le terme sécurité, quant
à lui, est utilisé dans plusieurs domaines et est, pour autant,
polysémique.
Dans une première acception, il renvoie à
l'état d'esprit d'une personne qui se sent tranquille et confiante.
C'est le sentiment, bien ou mal fondé, d'être à l'abri de
tout danger et risque ; il associe calme, confiance, quiétude,
sérénité, tranquillité, assurance,
sûreté. Dans ce travail, le terme sécurité renvoie
à la sécurité nationale que d'aucuns appellent
sécurité d'Etat. A propos, Penelope Hartiand-Thunberg
écrit: « la sécurité nationale est la
capacité d'une nation ~ poursuivre avec succès ses
intérêts nationaux tels qu'elle les voit a n'importe quel endroit
du monde »19. Une telle définition semble
limitée dans son opérationnalité. Thierry Balzacq ne
disait pas autre chose lorsqu'il signifiait que « cette
définition n'est que partiellement vraie et partialement utile. Elle est
partiellement vraie dans la mesure ot) certaines questions de
sécurité n'ont pas besoin d'être articulées avant
que l'on sache qu'un problème existe... *Elle+ est partialement
utile
19 Penelope HARTLAND-THUNBERG, << National
Economic Security : Interdependence and Vulnerability»,in Frans A. M.
Alting von Geusau, Jacques Pelkmans (eds.), National Economic
Security, Tilburg, John F. Kennedy Institute, 1982, p. 50.
parce qu'elle s'arrête aux actes du discours qui
font qu'une question devient sécurisée si une élite
décide d'en parler dans ce sens ))20.
C'est en se rapportant et en discutant les travaux de
l'école de Copenhague, notamment Barry Buzan pour qui, « dans
le contexte du système international, la sécurité
désigne la capacité des États et des
sociétés a préserver l'autonomie de leur identité
et leur intégrité fonctionnelles ))21, qu'il
fournit une définition plus intéressante. Il part de ce qu'il
appelle la « sectorisation )) de la sécurité. Parce
que les enjeux actuels donnent lieu à une volonté
d'étendre l'application du concept de sécurité à
d'autres domaines que le domaine politicomilitaire à savoir
l'économique, le sociétal et l'environnemental, il pose deux
questions à partir desquelles il bâtît sa définition.
« La sécurité pour qui et la sécurité pour
quelles valeurs et par rapport à quelles menaces ? )) On comprend
justement que la première question consiste à clarifier le
référent ou le sujet de la sécurité (individu,
État, région, système international, etc.). La seconde
pousse à spécifier le secteur concerné (économique,
environnemental, politique, sociétal, etc.) et surtout à savoir
quelle valeur est menacée par l'ébranlement d'un des secteurs
susdits. A partir de ces deux questions, la sécurité nationale
apparait comme la somme de la sécurité de chaque
référent et de chaque secteur. De ce fait, la
sécurité nationale est « par delà ses aspects
militaires... la défense du territoire, la permanence des institutions
et la protection des populations ))22.
On peut donc dire que les logiques
sécuritaires renvoient aux agencements entre les différents
éléments de décomposition et de recomposition
sécuritaire, notamment dans le domaine de sécurité
nationale comme pensée et mise en oeuvre par les pouvoirs publics compte
ténu de l'évolution et de la complexification de l'environnement
où ces éléments doivent être
implémentés.
Intérêt national : Dans
un sens premier, le terme intérêt s'entend comme ce qui est utile
ou profitable à quelqu'un. Dans le domaine politique, il sied de
préciser que son usage remonte aux traditions de la philosophie du
« contrat social ))23. Ainsi pour Hobbes, il a servi
de ferment à la conclusion du « pacte social )). Selon
Machiavel, c'est une ligne de conduite dans
20 Thierry BALZACQ, « Qu'est ce que la
sécurité nationale?», in La revue internationale et
stratégique, n° 52, hiver 2003-2004, pp 33-50.
21 Barry BUZAN., People, States, and Fear : An
Agenda for International Security Studies in the Post-Cold War Era,
Londres, Longman, 2e éd., 1991, p. 65.
22 Pascal CHAIGNEAUX (dir.), Dictionnaires des
relations internationales, Paris, Economica, 1998, p.348
23 Sur l'apport des « contractualistes »
dans la conceptualisation de l'intérêt national, lire Jean Jacques
ROCHE, Théories des Relations internationales, collection
« politique », éd. Montchrestien, 6e
édition, 2006, p. 13 et suiv.
les relations entre les nations. Des lors,
l'intérêt national, dans la philosophie politique, est ce qui est
avantageux pour un Etat ou ce qu'il doit acquérir parce qu'il estime
être tel. Mais plusieurs définitions peuvent être
données à cette notion. Elle est utilisée par les hommes
politiques pour définir ce qu'ils trouvent de profitable pour la
nation24.
Il a fallu attendre le développement du réalisme
comme théorie internationaliste pour que l'intérêt national
entre dans le domaine de la science politique et soit considéré
comme une catégorie analytique de la politique étrangère.
L'intérêt national est utilisé, ici, comme une adaptation
à la politique étrangère de l'expression «
intérêt général », en indiquant ce qui est
meilleur pour la nation dans ses relations avec d'autres Etats. Cette
utilisation du terme met l'accent non seulement sur la menace que l'anarchie du
système international peut représenter pour la nation, mais aussi
les contraintes externes sur la marge de manoeuvre, les intérêts
et la puissance des autres États, et d'autres facteurs hors du
contrôle de la nation comme la localisation géographique et la
dépendance vis-à-vis du commerce extérieur25.
Cet usage analytique du terme qui met l'accent sur le rôle de
l'État comme l'incarnation de l'intérêt de la nation a
aussi été critiqué. On lui reprochait « l'absence
d'une méthodologie convenue à partir de laquelle
l'intérêt supérieur de la Nation peut être
testé. Certains auteurs ont fait valoir que l'intérêt
supérieur est, néanmoins, objectivement déterminé
par la situation de l'État dans le système international et ne
peut être déduit d'une étude de l'histoire et la
réussite ou l'échec des politiques. D'autres auteurs admettent
que l'intérêt national est interprété de
façon subjective par le gouvernement qui mène l'action
»26. On retombe alors à l'usage rhétorique
et « politicien » du terme ; autrement dit, l'intérêt
national serait simplement ce que l'homme politique pense être.
Les travaux néo-réalistes « post
deuxième guerre mondiale » permettent de comprendre qu'on ne doit
nier l'existence des valeurs supérieures à l'intérêt
des Etats27. L'intérêt national est donc la poursuite
de la puissance même en dehors du territoire national. Les premiers
éléments qui le sous-tendent sont la survie de l'Etat et la
sécurité, ensuite viennent la poursuite de la richesse et la
croissance économique. Parce que l'intérêt national ne va
pas de soi, chaque nation égoïste devrait prendre en compte les
intérêts concurrents des
24 Dans la tradition française de la
diplomatie, c'est le Cardinal de Richelieu, pendant la Guerre de Trente Ans,
qui basait son action sur la notion d'intérêt national, à
laquelle il préférait d'ailleurs l'expression « raison
d'Etat ». Lire Henry KISSINGER, diplomatie, Paris, Fayard, 2000,
860p.
25 « Intérêt national », disponible sur
http//
www.answer.com
/topic/national-interest, consulté le 13 janvier 2010, 11h.
26 Ibidem.
27 Jean Jacques ROCHE, op. cit., p. 56.
autres nations. Cette sorte de réciprocité dans
les jeux d'intérêt national a pu être définie comme
un mécanisme permettant aux Etats d'accepter des concessions dans des
circonstances particulières, pourtant peu favorables à la
collaboration28. Ceci parce que, pour maximiser ses gains, un Etat
est amené à cohabiter avec les autres, au besoin à
dissimuler ses intérêts inavoués derrière des
paravents tels que la démocratie29 ou mener des guerres
contre les autres nations.
Entendu comme tel, dans ce travail, l'intérêt
national renvoie au sens que lui donne l'école
néo-réaliste des relations internationales, c'est-à-dire
ce que chaque Etat gagne ou estime lui être profitable
présentement ou dans l'avenir, aussi bien dans le domaine
économique, politique que culturel même si cela dépendrait
des relations de domination vis-à-vis des autres.
4. Intérêt de l'étude
Le présent travail présente deux
intérêts.
> Intérêt
scientifique
Sur le plan scientifique, la présente étude
s'inscrit à la suite des recherches déjà menées sur
la géopolitique du golfe de Guinée. Elle aide dans la
compréhension de la mise en oeuvre des outils de gouvernance à
travers le rapprochement de deux phénomènes, à savoir
l'exploitation pétrolière et la sécurité, souvent
étudiés isolement, l'un de l'autre. Il est question, ici, de
saisir les enjeux énergétiques comme facteurs, en même
temps, de décomposition et de recomposition du champ sécuritaire.
Cette étude montre les interactions entre les Etats sur la scène
internationale et dans « l'espace golfe de Guinée » ;
principalement, les rapports entre des Etats aux positions de puissance
asymétriques. Il s'agit de comprendre au sens de François Thual,
qui veut quoi ?, avec qui ?, comment ?, pourquoi ? Autrement dit, si «
identifier les acteurs, analyser leurs motivations, décrire leurs
intentions, repérer les alliances en gestation ou, au contraire, les
alliances en voie de déconstruction, que ce soit au niveau local,
régional, continental ou international»30 peut
aider dans l'appréhension du sujet, il demeure que sa
spécificité réside dans la construction d'une analyse
méthodique d'objets
28 Robert JERVIS, « security regimes », in
Stephan d. Krasner, International regimes, Inthaca and London, Cornell
university press, 1983, P.182.
29 Jean Jacques ROCHE, op cit. p.57.
30 François THUAL, Méthodes de la
géopolitique. Apprendre à déchiffrer
l'actualité, Iris, Ellipses, 1996, p.9.
politiques dont les medias brouillent l'intelligibilité et
relèguent simplement au champ de l'évènementiel.
> Intérêt social
Ce travail permet de comprendre les différentes
stratégies des acteurs en présence, mais sert, surtout, de
fondement à la construction multidimensionnelle de la paix dans le golfe
de Guinée, en aidant à voir le rôle des populations en tant
qu' « acteurs » dans la production de l'insécurité et
de la sécurité. Ce travail permet aussi de saisir les
déterminants sociaux de la recomposition de l'ordre sécuritaire
en vue de faire de l'exploitation pétrolière, non plus seulement
une malédiction, mais une opportunité de développement
humain et économique en Afrique, d'une manière
générale.
5. Revue de littérature
La construction de ce travail a été
marqué par la rareté des ouvrages spécifiques sur la
question; cela peut être dû au fait que « l'Afrique est
l'arlésienne des ouvrages de géopolitique », pour
reprendre Philippe Hugon31. Toutefois, la littérature
à laquelle nous avons eu accès ou qui aborde les rapports entre
l'énergie et la sécurité, en général,
dégage quatre grands axes : d'abord, que l'énergie est une
donnée stratégique mondiale, ensuite, que certains facteurs
poussent les plus grands consommateurs à diversifier leurs sources
d'approvisionnement et, qu'en l'occurrence, l'Afrique et le golfe de
Guinée notamment, devient une opportunité qu'il convient de
sécuriser.
Chaque puissance développe une politique
spécifique en matière d'énergie. Et, pour cause,
l'énergie présente une particularité fondamentale : c'est
la source quasi unique de carburants pour les voitures, les camions et les
avions. Pour Jean Pierre Favennec et Phillipe Copinschi, sans pétrole
l'activité économique s'arrête, les armées sont
paralysées. Le pétrole est une ressource vitale pour les
États, et peut être en cela un enjeu potentiel de guerre. C'est
aussi, un élément important du commerce international...
L'énergie, en général, le pétrole notamment,
représente donc une «rente dont le partage entre les
différents acteurs, essentiellement les États producteurs et les
compagnies pétrolières, est un enjeu considérable,
d'autant que le pétrole est la source principale de revenus pour de
nombreux pays et qu'une
31 Philipe HUGON, Géopolitique de
l'Afrique, Armand Colin, 2006, p.6.
baisse significative des prix a des conséquences
catastrophiques pour les grands exportateurs (pays de l'OPEP mais
également Mexique, Russie, voire Norvège)32.
Au delà de cet aspect purement économique, les
enjeux géopolitiques caractérisent grandement l'énergie et
contribuent à son positionnement comme ressource d'envergure mondiale.
Jean Pierre Favennec et Philipe Copinschi notent deux points essentiels: d'une
part, les grands pays consommateurs de pétrole, à l'exception de
la Russie, sont également de grands importateurs (États-Unis,
Europe, Japon). Inversement, les grands pays producteurs sont de grands
exportateurs. D'autre part, les deux-tiers des réserves de
pétrole sont localisés au Moyen-Orient et,
particulièrement, dans cinq pays : en Arabie Saoudite (25% des
réserves mondiales), en Irak (11%), au Koweït, en Iran et aux
Émirats arabes unis.33 Cette analyse recoupe en partie celle
de Pierre Noël, surtout, concernant les portées
géopolitiques de l'énergie. Cependant, il fait remarquer que
l'équilibre depuis les années 90 dépend de la Caspienne
qui, de par sa production, se situe en arbitre34.Un tel
environnement ne peut créer qu'une situation de grande dépendance
des consommateurs vis-à-vis des producteurs.
La dépendance énergétique est
accentuée par une demande intérieure très forte. En effet,
l'énergie fait partie intégrante de la politique
étrangère des grandes puissances. Or, définir la politique
étrangère suppose, selon Marcel Merle, prendre en compte quatre
paramètres fondamentaux : le changement des mentalités, le
progrès technique, les transformations économiques et les
transformations du système international. Ces dernières
procèdent de l'internalisation des problèmes internationaux et
l'internationalisation des problèmes internes35. Ainsi, les
politiques d'approvisionnement s'inscrivent dans cette logique.
Les raisons de la diversification des sources
d'approvisionnement sont différentes selon les auteurs. Pour Cyril
Oby36, elle est motivée par deux grandes raisons : d'abord,
l'insécurité dans le golfe arabo persique ; ensuite, l'expansion
rapide des importations de pétrole de la Chine et de l'Inde. Ce
raisonnement relève du conjoncturel. Se référant
à
32 Jean Pierre FAVENNEC et Philippe COPINSCHI,
<< Les nouveaux enjeux pétroliers en Afrique », in
Politique africaine, n°89, mars 2003, pp. 127-148.
33 Ibidem.
34 Pierre NOEL, op. cit., p.4.
35 Marcel MERLE, la politique
étrangère, Paris, PUF, 1984, p. 17 et suiv.
36 Ciril OBY, << Pétrole,
sécurité internationale des États-Unis et défi du
développement en Afrique de l'Ouest » in CODESRIA, Bulletin,
Nos 3 & 4, 2005, p. 39.
l'histoire même de l'énergie au cours du
siècle dernier, Pierre Noël37 explique que les
producteurs arabes disposent d'un avantage comparatif très important
lié au coüt de développement relativement bas dont ils
jouissent. Depuis les années 1970, ces pays limitent très
fortement le développement de leur capacité pour soutenir un prix
mondial largement supérieur au prix concurrentiel. Or, de telles
politiques portent en elles même les germes de la diversification de
l'offre. Se basant sur la politique énergétique américaine
depuis le premier choc pétrolier des années 70, il indique que
l'Amérique n'accorde pratiquement aucune importance géopolitique
à cette question. Elle cherche plutôt à emmener les pays
producteurs à baisser leurs pressions qui se fondent
généralement sur la baisse de la production qui a pour
conséquence l'augmentation des prix sur le marché. Il s'agit
finalement d'une politique de sécurisation d'« un bien mondial
collectif». Ainsi, la diversification est plus une question liée
aux prix sur le marché mondial et au risque de dépendance
qu'à la sécurité au Proche-Orient.
A la question pourquoi cet intérêt pour le golfe
de Guinée, les hypothèses sont nombreuses et variantes selon les
auteurs. Pour Yves Boyer, il existe essentiellement trois raisons : la
présence d'une forte communauté noire aux Etats unis,
l'importance de vote des pays africains à l'ONU où ils
représentent un tiers des membres dans les organisations multinationales
(groupe de 77, Banque Mondiale, etc.) et la présence des matières
premières, particulièrement, le pétrole38. Pour
Bruno Hardy, deux raisons plutôt conjoncturelles expliquent cet
intérêt. D'abord,
la Guerre au Terrorisme est un aspect prioritaire pour la
sécurité nationale des ÉtatsUnis et certaines
régions du continent sont des terrains fertiles a l'enracinement de
réseaux terroristes. L'intensification de ces activités, dont
certaines sont associées ~ Al Qaeda dans bon nombre de ces pays, laisse
présager que le continent sera à moyen terme un champ de bataille
dans la Guerre au terrorisme. La perméabilité des
frontières, la présence de grandes zones non gouvernées,
les tensions ethniques et les révoltes fréquentes sont un terreau
fertile pour ces réseaux39.
Ensuite, l'objectif de développement et
d'opérations humanitaires fait également partie de la politique
étrangère des Etats-Unis. La question énergétique
vient, selon lui, derrière dans
37 Pierre NOEL, ibidem.
38 Pierre NOEL, « les Etats Unis et la
sécurité pétrolière mondiale : politique
pétrolière américaine et production d'un bien mondial
collectif », CFE, juillet 2004, p.18.
39 Bruno HARDY, « Les Etats-Unis et l'Afrique :
Perspective de Sécurité. » in les chroniques du GERSI, vol.
3 n°3 mars 2008, p. 13. Lire dans le même sens, Philipe HUGON,
op. cit., p.100-113.
le déploiement américain dans le golfe de
Guinée. Il reconnait, toutefois, qu'à elle seule, cette
région renferme près de 7% des réserves mondiales en
hydrocarbures. Celles-ci sont aussi importantes que celles de l'Iran, du
Venezuela et du Mexique réunis. Le Nigéria, pays dans lequel une
bonne partie de ces ressources est située, est le plus grand exportateur
africain de pétrole. En novembre 2007, il exportait plus de 39 184 000
barils par jour vers les États-Unis. Si on y ajoute l'importation
provenant du second producteur africain, l'Angola - qui pour la même
période exportait 12 459 000 barils par jour aux États-Unis -
ainsi que les autres États producteurs (Gabon,
Guinée-Équatoriale, Tchad), la région dépassait le
Moyen-Orient au niveau des exportations vers les
États-Unis40.
Jean-Pierre Favennec et Philipe Copinschi voient plutôt
dans cette attirance pour le Golfe de Guinée des raisons de distance
entre l'Afrique et l'Occident. Ainsi, soulignent-ils, que de par sa situation
géographique, le golfe de Guinée est considéré par
les États-Unis et l'Europe comme une « source de pétrole
privilégiée » étant donné que le
transport du pétrole du Proche-Orient en Amérique pose des
difficultés surtout pour les coûts financiers et
sécuritaires.41 Les États-Unis en particulier
déploient depuis la mi-2002 des efforts considérables pour
multiplier les livraisons de pétrole en provenance du golfe de
Guinée.
L'Afrique est devenue prioritaire et Washington
n'hésite visiblement plus à déployer une présence
militaire sur ce continent. En l'espace de deux décennies, le continent
est passé de grand négligé à celui de plaque
tournante dans la politique de défense des États-Unis. Pour Bruno
Hardy, l'Africom est devenue une porte d'entrée pour les
Américains sur le continent. En revanche, on relèvera avec Cyril
Obi, que bien qu'Africom soit une porte d'entrée, les américains
ont délimité le continent par zones. A ce niveau, chaque zone
obéit à une politique sécuritaire donnée. Si
l'Afrique sahélienne répond au besoin principal de lutte contre
le terrorisme, le golfe de guinée, par exemple, répond à
d'autres logiques que sont la protection des importations en énergies,
les ventes d'armes et une probable implantation de base navale dans les eaux
São-toméennes42. Pour Pierre Noël, il
apparaît important pour les américains de sécuriser les
routes d'approvisionnement (le golfe de Guinée, l'oléoduc
Tchad--Cameroun et l'oléoduc Higleig--Port-Soudan à l'est) et
également les sites d'extraction de la région. En tout
état de cause, « c'est la sécurité des flux
pétrolier mondial qui est un intérêt stratégique
pour les
40 Bruno HARDI, idem, p. 15.
41 Jean Pierre FAVENNEC et Philippe COPINSCHI, op.
cit., p. 22.
42 Ciril OBY, op. cit., p.12.
américains- mais pas seulement parce que
l'Amérique s'intéresse a la sécurité de ses
alliés mais bien parce que les conditions d'approvisionnement sont
déterminées sur un marché mondial
»43. Cette sécurisation passe par la mise en place
d'une politique de coopération en matière de
sécurité.
6. Problématique
Dans toute la phase exploratoire de ce travail, il apparait
que les grandes puissances consommatrices et importatrices d'énergies,
notamment les Etats-Unis, s'intéressent à l'Afrique et au golfe
de Guinée, en particulier. Cette convoitise dont fait l'objet la
région est tributaire du fait qu'elle est inscrite dans la
pétrostratégie de ces différentes puissances. Elle devient
un espace de rivalité. Mais les jeux entre les Etats d'une part et les
acteurs privés, d'autre part, ou même entre les deux à la
fois, concourent au renforcement des risques d'insécurité, voire
de conflit. Le pétrole dans la sous-région apparaît comme
un facteur de conflits. Le golfe de Guinée se transforme,
désormais, en territoire crisogène et polémogène.
Dès lors, en quo! les enjeux l!és a l'exploitation de
l'énergie, part!cul!èrement du pétrole, dans le golfe de
Gu!née permettent aux Etats de cette rég!on et aux Etats-Un!s de
répondre à leurs log!ques sécur!ta!res?
7. Hypothèses Afin de répondre
à cette interrogation, nous avons deux hypothèses.
Hypothèse 1
L'intensification de la production énergétique
dans le golfe de Guinée augmente les risques d'insécurité
pour les Etats de la région et devient, de ce fait, une menace pour la
sécurité nationale des Etats-Unis. Autrement dit, plus la
production énergétique augmente, plus les menaces et
l'insécurité deviennent importantes pour chaque acteur
étatique.
Hypothèse 2
La sécurisation du golfe de Guinée est un enjeu
majeur pour l'intérêt de la région et des Etats-Unis.
Autrement dit, elle est une réponse aux défis de
préservation de la paix, de répartition des rentes
pétrolières pour les Etats de la région ; en même
temps, elle permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnement, de se
pré positionner militairement et de mettre en oeuvre les autres
dimensions de leur sécurité nationale.
43 Pierre NOËL, op. cit., p.11.
8. Cadre méthodologique
La méthodologie que suit ce travail est guidée
par un cadre théorique et une technique de collecte et d'analyse de
données, qui de part l'actualité du présent thème,
nous éviterait de tomber dans l'événementiel.
Cadre théorique
« La théorie, écrit Kenneth
Watz, isole un domaine de façon à pouvoir le traiter
intellectuellement *...+. Isoler un domaine est donc la condition
première pour développer une théorie
»44. Le système international donne à lire
la réalité politique comme autonome, ce qui permet d'ailleurs de
construire des théories. Le réalisme parait intéressant
à plus d'un titre pour rendre compte de la présence
américaine dans le golfe de Guinée. En effet, l'approche
réaliste, dans la tradition de Hans Morgenthau ou Raymond Aron,
considère que la scène internationale est un environnement
anarchique où le comportement des acteurs que sont les Etats est
basé sur leurs intérêts à agir et la guerre. Mais
l'usure et la complexification des relations entre Etats laissent plus enclins
à opter pour le néo-réalisme aussi appelé
réalisme structurel ou structuro-réalisme,
développé, principalement, dans la science politique
américaine autour des années 70, à travers l'ouvrage de
Kenneth Watz. Considérant que le seul déterminant du comportement
des unités, en l'occurrence les États, est l'anarchie du
système international, la théorie néo-réaliste
corrige les erreurs et les égarements philosophiques de sa
devancière, le réalisme dit classique. Admettant l'entrée
en jeu des acteurs non étatiques, le néo-réalisme utilise
le paradigme de la sécurité comme principe cardinal pour le
besoin d'intérêt dans les relations entre Etats. Cette
théorie permet d'analyser la compétition autour du pétrole
du golfe de Guinée comme facteur d'anarchie qui est en même temps
un enjeu d'intérêt et de sécurité nationale pour les
acteurs étatiques en présence.
A cela, il sied d'ajouter la méthode stratégique
développée par Crozier et Friedberg45. Cette approche,
quant à elle, est une méthode organisée autour d'actions
finalisées et calculées. Elle a pour but de permettre aux acteurs
engagés dans une entreprise quelconque de minimiser les pertes tout en
maximisant les profits. L'acteur au sens de Crozier et Friedberg est celui dont
le comportement et l'action participent à structurer un champ,
c'est-à-dire, à construire des régulations. L'objectif de
ces auteurs est d'expliquer la construction des règles
44 Cité par Jean Jacques ROCHE, op.
cit., p.40.
45 Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, l'acteur et
le système, Paris, Seuil, 1981.
(le construit social) à partir du jeu des acteurs
empiriques, calculateurs et intéressés. Ces acteurs sont
dotés de rationalité, même si elle est limitée ; ils
sont autonomes et rentrent en interaction dans un système qui contribue
à structurer leurs jeux. Les acteurs que sont les Etats dans notre
travail interviennent dans un système de relations entre eux, en
même temps que ce système doit et peut s'ajuster à des
contingences et des changements de natures diverses. On comprend, dès
lors, que le système dans lequel se trouvent les Etats-Unis et les Etas
du golfe de Guinée est conditionné par des jeux et des
contingences dues au changement du système international et donne aux
acteurs en présence la capacité de calculer leurs
différentes interactions.
Technique de collecte des
données
Ce travail est essentiellement documentaire. Une de ses
caractéristiques est que le document étudié n'est pas
établi par le chercheur et qu'il n'exerce aucun contrôle sur la
façon dont il a été établi46. Ainsi, la
sélection opérée permet d'interpréter ou de
comparer des matériaux pour les rendre utilisables. Aussi, les articles
de revues scientifiques, les ouvrages, la presse, les discours, etc. sont
indiqués, pour ce faire. A cela, il sied d'adjoindre la méthode
empirique qui, elle, permet d'observer directement les faits
c'est-à-dire prendre la mesure des enjeux énergétiques et
logiques sécuritaires dans le golfe de Guinée à travers le
déploiement américain et l'action des Etats de la
région.
46 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des
sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, p. 513
PREMIERE PARTIE
ENJEUX ENERGETIQUES ET DECOMPOSITION SECURITAIRE DANS
LE GOLFE DE GUINEE
L
a production du pétrole dans le golfe de Guinée
suscite des nombreuses convoitises. Les acteurs de cette << ruée
vers l'or africain>> sont nombreux et n'ont pas tous les mêmes
objectifs. Ils sont étatiques ou non, chacun avec
des fortunes diverses. Aussi, l'intensification de la
production permet l'augmentation des flux transnationaux, fussent-ils
économiques, politiques, démographiques ou religieux, portant,
les uns aussi bien que les autres, les germes de la décomposition
sécuritaire dans cette zone de l'Afrique.
Dans le même sens, la région occupe une place de
choix dans la politique énergétique des Etats-Unis. Cependant, en
se positionnant comme acteur étranger majeur et << grand client
>> du pétrole sub-saharien, Washington contribue à sa
sécurité énergétique, élément
fondamental de sa sécurité nationale. Mais les risques
d'insécurité dans le golfe de Guinée ont directement un
impact sur sa sécurité énergétique, et donc sur sa
sécurité nationale. Il convient de comprendre que l'augmentation
de la production énergétique, si elle est une opportunité,
participe de la production d'un désordre sécuritaire pour les
Etats du golfe de Guinée (chapitre 1) et partant, pour les Etats-Unis
(chapitre 2).
CHAPITRE 1
PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE L'INSECURITE
DANS LES ETATS DU GOLFE DE GUINEE
Le pétrole [...], parce qu'il est particulierement
prisé, va contribuer à redéployer des dynamiques internes,
sousrégionales et internationales révélatrices
d'appétits pétroliers, eux-mêmes, générateurs
de diverses formes de rivalité et de
conflictualité.47
L
'exploitation de l'énergie dans le golfe de
Guinée procède de la politique de développement à
travers les ressources naturelles des Etats de la région dont la
situation générale est marquée par la pauvreté et
la précarité des
populations. Cette posture coïncide, en effet, avec la
stratégie des grandes et moyennes puissances devenues, de par le
caractère de leurs industries ainsi que de leurs modes de vie, plus que
jamais dans leur histoire, dépendants de l'énergie ; ceci dans un
contexte géopolitique mondial sans cesse reconfiguré. Si le golfe
de Guinée s'avère être une opportunité
énergétique, il est aussi un espace de convoitise où
acteurs étatiques, entreprises multinationales et acteurs sociaux,
essayent de s'y insérer ; les uns et les autres avec des
intérêts tantôt divergents, tantôt convergents,
parfois complémentaires, mais singulièrement contradictoires.
C'est ainsi que l'augmentation de la production
énergétique dans le golfe de Guinée crée des
situations où se rencontrent des acteurs et des intérêts
divers susceptibles de favoriser les risques d'insécurité pour la
région, en tant qu'espace dont les frontières des Etats qui le
composent se disséminent de jour en jour du fait des flux transnationaux
; et dont les gouvernements ont souvent du mal à imposer, sur tous leurs
territoires, l'ordre étatique. C'est dans l'objectif d'une telle
démonstration que le présent chapitre, avant d'évoquer la
rencontre des risques d'insécurité dans le golfe de Guinée
(section 2), essaye de répondre à l'interrogation pourquoi le
pétrole de la région attire (section 1) ?
47 Estanislas NGODI et Mathias-Eric OWONA NGUINI,
« le pétrole off-shore comme ressource stratégique en
Afrique centrale : une richesse au coeur des tensions frontalières et
des appétits», in Enjeux, n°26, Mars 2006, p. 11.
Section 1 : Le golfe de Guinée comme «
espace-enjeu » en matière énergétique :
pourquoi le pétrole de la région attire
?
Dire que le golfe de Guinée est devenu un ((
espace-enjeu », c'est reconnaitre qu'il est passé d'une
région stratégiquement moins importante à un espace de
rivalité ; espace où les acteurs, fussent-ils étatiques ou
non, s'insèrent chacun avec des stratégies diverses. Plusieurs
facteurs concourent à cette (( affluence » vers l'Afrique.
La géopolitique mondiale du pétrole d'abord, la
spécificité de la région, ensuite.
Paragraphe 1. Les raisons liées à la
géopolitique mondiale du pétrole
Le développement de l'économie de
marchés, la facilité des échanges dans le transfert des
flux ainsi que les politiques économiques de chaque Etat, ont permis
depuis quelques décennies l'émergence des nouvelles puissances
qui se lancent, elles aussi, dans la dynamique de la diversification de leurs
approvisionnements, alternative à la dépendance
énergétique. Leur insertion comme acteurs non négligeables
dans les relations internationales permet de reconfigurer les anciens jeux de
puissance.
A. La montée des nouveaux consommateurs et la
réconfiguration des précarrés
L'Asie offre, en ce début du
vingtième-unième siècle, des acteurs importants en
matière de consommation d'énergie. En effet, à se limiter
aux dix dernières années, les chiffres sont forts pertinents. La
Chine, huitième importateur de pétrole en 2000, puis au
quatrième rang en 2003 après les États-Unis, le Japon et
l'Allemagne, occupe le deuxième rang mondial, depuis 2006. Ses
importations qui représentaient 27 % du total de la consommation de
pétrole en 1999, puis 37 % en 2002, ont atteint 45 % en 2005. L'Inde,
pour sa part, sixième consommateur mondial de pétrole, devrait
avant la fin de la décennie occuper le quatrième rang
mondial48.
L'augmentation de la consommation au niveau global suppose des
approvisionnements de plus en plus importants. Or, les anciens grands
consommateurs, c'està-dire les Etats occidentaux et la Russie, ont
déjà des régions qui apparaissent comme des zones
d'influence où leurs projections de puissance ont dépassé
aujourd'hui le simple cadre des << missions civilisatrices»
entreprises durant la colonisation. Le maintien des sociétés
industrielles des ex-puissances colonisatrices et la singularité de
leurs politiques étrangères
48 François LAFARGUE, << Etats-Unis,
chine, inde, rivalité pétrolière en Afrique » in
Afrique contemporaine, Printemps 2003, p.48-56. De telles hausses se
remarquent aussi quand il s'agit d'évoquer des nouvelles puissances
émergentes de l'Afrique comme l'Afrique du sud ou de l'Amérique
latine comme le Brésil.
vis-à-vis de leurs anciennes colonies leur permettent
d'être les plus grands clients en matière d'énergie. Les
présences française et anglaise en Afrique sont illustratives.
L'implantation des compagnies Total-Fina-Elf, et Shell au Gabon, Cameroun,
Congo, Nigéria, Angola traduisent l'interférence des diplomaties
d'Etat dans le champ de l'économie pétrolière, justement,
parce que la sécurité énergétique participe de la
sécurité nationale dans les grandes puissances49. Mais
l'entrée en jeu des nouveaux grands consommateurs vient, sinon
déstabiliser ces jeux d'influence, du moins contribuer à une
redistribution des cartes. Les entreprises chinoises, indiennes ou
malaisiennes, s'insèrent dans les pré carrés, ci-haut
évoqués. En Afrique, particulièrement, cette
reconfiguration de la géographie économique des entreprises
extractives permet aux multinationales américaines, au nombre desquelles
Texaco et Exxon Mobil, d'être aujourd'hui plus
visibles50.
B. La problématique des alternatives à la
dépendance et le scénario du futur
énergétique
La dépendance en matière
énergétique est admise comme un problème majeur de
sécurité par les grands consommateurs. En effet, le fait que la
production interne ne suffît pas à permettre une autosatisfaction
dans ce domaine a pour principale conséquence la hausse de
l'importation. Cependant, les seules sources d'approvisionnement
présentent des risques permanents de rupture. Pour s'en rendre compte
dans l'histoire récente, on peut remonter jusqu'à
197451. Trente années après, la dépendance et
les risques de rupture deviennent plus réels. Les analyses
géopolitiques sur la question se recoupent fortement. En effet, pour les
offres au niveau mondial, on peut dégager deux grands ensembles, chacun
présentant des limites pouvant être cause
d'insécurité énergétique.
> Le Moyen-Orient, très riche en pétrole et
en gaz, se trouve loin des consommateurs européens et encore plus loin
des Etats-Unis et du Japon. Il est caractérisé par une grande
diversité de pays, de peuples, de religions et de régimes. Il a
connu une histoire complexe depuis l'Antiquité jusqu'aujourd'hui. C'est
une zone où les risques de conflits demeurent
49 La situation est similaire en Europe centrale
où l'influence de la Russie sur les anciens Etats du bloc
soviétique se fait sentir à travers la politique
énergétique russe.
50 Philippe COPINSCHI et Pierre NOEL, « l'Afrique
dans la géopolitique mondiale du pétrole », in Afrique
contemporaine, Printemps 2003, pp. 35-36.
51 Lorsqu'en octobre1973, Israël entre en
guerre contre les pays arabes (autrement appelée guerre du ramadan ou du
kippour), ces derniers décidèrent d'un embargo contre les
Etats-Unis, le Portugal, les Pays-Bas, l'Afrique du Sud et la Rhodésie,
supposés soutenir « l'ennemi ». Mais, cet embargo a
été levé en juillet 1974, après avoir
échoué. Ce, parce que les grandes compagnies
pétrolières, maîtresses des flux d'approvisionnement
mondiaux en pétrole, avaient réparti la pénurie entre tous
les pays industrialisés, ceux visés par l'embargo comme les
autres.
nombreux mais qui possède aussi, heureusement, des
facteurs de stabilité comme l'Organisation des Pays Exportateurs de
Pétrole (OPEP).
> L'autre grande zone riche en hydrocarbures - la Russie et
les deux pays riverains de la mer Caspienne orientale, le Kazakhstan et le
Turkménistan-peut alimenter naturellement à l'ouest l'Europe et
à l'est le Japon, la Corée du Sud et la Chine. Mais
l'approvisionnement restera dépendant de la volonté de la Russie
qui peut choisir en cas de déficit de production par rapport à la
demande, de privilégier l'approvisionnement de l'Europe ou, au
contraire, celui de l'Extrême-Orient52.
Il s'agit aussi de comprendre à travers une telle
classification que la diversification des sources d'approvisionnement concoure
à une pluralité de l'offre, ce qui permet aux grands
consommateurs de recourir à d'autres régions en cas de
difficultés. Les enjeux peuvent devenir militaires à la limite
d'autant plus que cette diversification passe par la découverte, le
contrôle et la sécurisation des nouveaux gisements et des
détroits53. Aujourd'hui, on peut admettre avec Yves Lacoste
que « la poudrière du Proche-Orient » donne à
penser que les problèmes géopolitiques liés à la
diversification des sources d'approvisionnement sont plus que jamais une
préoccupation pour les consommateurs d'énergie, les Etats-Unis en
tête54. De ce fait, l'émergence de nouveaux
producteurs, ceux du golfe de Guinée en l'occurrence,
révèle de grands enjeux géopolitiques.
L'augmentation de la consommation dessine le « pic
pétrolier » qui devrait intervenir dans les trente prochaines
années et qui supposerait une raréfaction réelle du
pétrole dans le monde. Ce nouveau scénario de rareté, de
plus en plus croissante et désormais acquise, suppose que «
[les grandes puissances vont] devoir négocier une porte fort
étroite, délimitée par les
capacités de montée en puissance des liquides
non conventionnels, la réduction de
l'intensitéénergétique, mais d'abord et avant
tout par la compétition des émergents, a commencer par la
52 Ces deux ensembles sont ceux décrits par
planète-énergie, disponible à
planete-energies.com/géopolitique,
consulté le 1er décembre 2009, 17h50.
53 Le cas du détroit d'Ormuz est de ce fait
plus explicite. Il est le passage obligé de près de 20 % du
commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole. Ce qui explique
que les pays de la région -Iran, Oman, Émirats arabes unis et
Arabie saoudite - sont visiblement dans un espace en menace permanente.
D'où la surveillance d'ailleurs de la cinquième flotte
américaine. Même situation pour le canal de Suez dont la fermeture
entre 1967 et 1973 a obligé les Etats européens à
contourner par le cap de Bonne Espérance et à construire des
pétroliers plus grands.
54 Yves LACOSTE, « Géopolitique du
pétrole » in Géopolitique, Paris, La
Découverte, 2006, p. 47
Chine, qui selon l'agence US de l'énergie deviendra le
premier consommateur mondial dans les cinq ans »55 . On
comprend donc que « le futur énergétique dessine la
géopolitique de demain»56 .
Paragraphe 2. Les raisons liées à la
spécificité de la région
Le golfe de Guinée offre de nombreuses
opportunités que les entreprises et les puissances exploitent pour se
positionner. C'est une zone au potentiel énergétique assez
important et présentant de grandes possibilités d'investissement
étant donné le manque de moyens techniques, humains et financiers
des Etats.
A. Le golfe de Guinée : une région
au potentiel énergétique avéré et à la
production croissante
Depuis quelques années, les activités
d'exploration s'intensifient dans cette zone et permettent la découverte
de nouveaux gisements et leur exploitation.
1. les reserves énergétiques du golfe de
Guinée
Le pétrole est un secteur dont l'intensification des
activités d'exploration et de production illustre une forte croissance.
De nombreuses estimations relatives aux réserves disponibles sont faites
et varient d'un organisme à l'autre. En 2001, les réserves
prouvées de pétrole de la planète plaçaient
l'Afrique avec 10,2 milliards de tonnes de réserves de pétrole
brut au troisième rang mondial des régions détentrices de
pétrole derrière le Proche-MoyenOrient (93,2 milliards de tonnes)
et l'Amérique du sud (13,0 milliards) ; et devant l'Europe orientale
(8,1 milliards), l'Amérique du Nord et le Mexique (7,5 milliards),
l'Extrême-Orient (6,0 milliards) et l'Europe occidentale (2,3
milliards)57.
Les activités d'exploration qui s'intensifient sur le
continent permettent des nouvelles découvertes de gisements. Entre 2001
et 2005, les estimations des réserves en gisements sur le continent
africain ont exponentiellement évolué, passant de 10,2 milliards
à 80 milliards de barils. Les réserves du continent, en
général, se situent essentiellement dans deux zones : l'Afrique
du nord (Algérie, Egypte, Lybie et Tunisie) et le golfe de
Guinée.
55 Michael T. klare Tom DISPATCH, « Le futur
énergétique dessine la géopolitique de demain »
disponible sur
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2761,
consulté le 13 mars 2010, 13h 30.
56 Ibidem.
57 Michel KOUNOU, Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara : analyse des fondements de l'économie
politique du pétrole dans le golfe de Guinée,
Yaoundé, Editions CLE, 2006. pp.39 et suivantes.
Tableau 1 : Situation des réserves dans le
golfe de Guinée en 2005 (en millions des barils)
n.d
n.d
Benin
Cote
d'hynira
Tchad
Afrique du cud
R.D. C
Mauritanie
Congo Brazzaville
Guinee- eauatoriale
Gabon
Sao tome et Principe
Cameroun
Ghana
Soudan
35,5
0,1
1,5
1,2
0,25
0,1
0,01
0,08
0,5
0,82
1
2,5
5,4
Angola
Nigeria
Source : JAI, l'Etat de l'Afrique,
Hors série, n° 8, 2005 ; US Energy Information Administration,
country analysis, 2005 et CIA, the Wold Factbook, updated, 9 august
2005.
Le Nigéria demeure le pays du golfe de Guinée
qui a les plus grandes réserves du pétrole. Si en 2001, certains
estimaient ses réserves à 31,5 milliards de barils, elles sont
passées à 35,5 milliards en 200558. Ces
réserves sont tellement importantes qu'elles représentent
quasiment le double de tous les autres pays africains détenteurs. Les
estimations de l'Angola sont aussi en forte hausse grace aux découvertes
au large de Cabinda et en offshore profond au large de Luanda. Autres
découvertes importantes celles du Tchad (150 millions de barils dans les
champs de Sedigui et du bassin du Lac Tchad ainsi que dans la région du
Kanem et de Kumia)59. Mais les travaux d'exploration qui ont cours
jusqu'à maintenant indiquent des nouvelles découvertes dans la
région du Mayo Kebbi et du Salamat. La situation est similaire en
Guinée Equatoriale avec les gisements mis en exergue au large de la
partie occidentale de Malabo.
2. La progression de la production
énergétique dans le golfe de Guinée
La production dans le golfe de Guinée n'a pas
commencé à la même date. La plus ancienne est sans aucun
doute celle de l'Angola qui a débuté en 1956. De 1990 à
aujourd'hui, sept Etats (Guinée-Equatoriale, Soudan, Tchad, Afrique du
Sud, Benin, Mauritanie, Sao Tomé et Principe) sont devenus producteurs
du pétrole. Ce qui augmente la production globale de cette partie de
l'Afrique. Depuis 2001, trois Etats (Tchad, Mauritanie, Sao Tomé) sont
devenus producteurs du pétrole. Leurs productions sont en hausse
permanente. Toutefois, les productions sont en baisse au Cameroun et au Gabon
parce que ces deux Etats sont devenus très dépendant de leurs
exportations, et tarissant par voie de conséquence leur réserves.
Cependant, la production est particulièrement en hausse au
Nigéria et en Angola. Ajoutés aux nouveaux producteurs de la
région et aux autres, dont la production est plus ou moins
58 Jeune Afrique l'Intelligent, « l'état
de l'Afrique », hors série, n°8, 2005, p.45
59 Ibidem
constante, on arrive donc à voir que le golfe de
Guinée est en progression en matière
énergétique60.
B. Les facilités d'investissement pour les
multinationales pétrolières et le manque de
moyens techniques des Etats du golfe de
Guinée
Il est admis en général que l'environnement
sociopolitique en Afrique sub-saharienne est une cause de démotivation
des investisseurs, surtout, étrangers. Pourtant, les régimes
fiscaux marqués par des grandes facilités qu'offrent les Etats du
golfe de Guinée aux multinationales sont une des principales raisons
incitatives d'investir dans cette région. Depuis les années 1970,
les gouvernements africains qui voulaient exploiter leurs ressources
énergétiques ont présenté des facilités
fiscales à leurs partenaires. Pendant les années 1990 qui y ont
vu l'arrivée de nouveaux producteurs, ces facilités sont devenues
plus grandes, en démontrent les régimes contractuels mis sur
pied. En effet, historiquement, les conventions qu'on rencontre en Afrique sont
les accords de joint-venture (accords d'association)61 et les
accords de partage de production62.
Dans ces contrats, les plus grands avantages financiers vont
aux multinationales. C'est le Nigéria qui s'affirme comme une exception
en la matière. La Nigéria National Petroleum Corporation fait
partie de deux consortiums où elle semble détenir les plus
grandes parts. Dans un premier groupe où elle est en concurrence avec
Shell, elle a 55% des parts contre 45% pour sa partenaire. Dans le second, elle
détient 60% contre 40% pour Exxon-Mobil, Chevron Texaco, ENI/Agip et
TotalFinaElf63. Dans les Etas où il n'existe pas de
compagnies nationales, comme en Sao Tomé et Principe ou au Bénin,
ces sont les entreprises étrangères qui se chargent de toutes les
phases de l'exploitation.
Par ailleurs, la question du manque des moyens techniques en
Afrique dans le domaine de l'extraction des ressources naturelles est un enjeu
de l'affaiblissement du contrôle même de ce secteur de
l'économie par les Etats producteurs. En effet, à l'observation
des compagnies pétrolières dans le golfe de Guinée, on
peut dire que les moyens techniques employés sont
60 Lire annexe sur l'évolution de la
production du pétrole dans le golfe de Guinée, (p. C du
présent document).
61 Il y a association entre les compagnies
nationales et les compagnies étrangères. Ces dernières
sont, en général, des opérateurs de bloc,
c'est-à-dire celles qui sont responsables de l'exploitation, du
développement et de la production d'un bloc pour le compte d'un
consortium. Le partenaire étranger agit comme un contractant envers le
gouvernement, finance seul l'ensemble de coüts de production, se rembourse
les investissements effectués appelés cost oil et partage les
profits « profit oïl » avec le gouvernement.
62 Il suppose que l'intégralité des
dépenses d'exploitation et parfois de mise en production est
assumée par la compagnie étrangère contre
rémunération.
63 Michel KOUNOU, op. cit., p. 59.
essentiellement étrangers. Ceci est tributaire du fait
que les Etats de la région n'ont pas l'expertise possible et les
finances nécessaires pour acquérir une technologie dans le
domaine qui est supposée être de haut niveau.64.
La faiblesse des raffineries explique le fait que le pétrole
africain soit foncièrement destiné à l'exportation, et ce
d'autant qu'hormis l'Afrique du sud et le Nigéria, l'Afrique
sub-saharienne n'est pas un consommateur avéré
d'énergie.
Tableau 2 : Situation des raffineries dans le
golfe de Guinée (2008)
Nigeria
|
Angola
|
Congo Brazzaville
|
Guinea- equatoriale
|
Gabon
|
Soudan
|
Cameroun
|
Afrique du sud
|
R.D. C
|
Cote d'Ivoire
|
Tchad
|
Ghana
|
Benin
|
Mauritanie
|
Sao Tome et Principe
|
4
|
1
|
1
|
1
|
1
|
4
|
1
|
4
|
1
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
1
|
Source : US Energy Information Administration,
country Analysis, 2005 et augmentée par nos recherches de
2008.
Section II : Augmentation de la production
énergétique, émergence des nouveaux intérêts
et accroissement des flux transnationaux dans le golfe de Guinée : une
rencontre des risques d'insécurité
La production croissante de l'énergie dans le golfe de
Guinée ne va pas sans conséquence sur la sécurité
des Etats de la région. Elle occasionne l'émergence de nouveaux
enjeux parce qu'il y a irruption de nouveaux acteurs non étatiques
donnant lieu, au demeurant, à de nombreux risques
d'insécurité. S'il faut admettre le pétrole ici comme
facteur d'insécurité, il faut surtout noter qu'il y a insertion,
dans cette partie de l'Afrique, de nouveaux flux économiques,
démographiques et culturels auxquels s'ajoute la sempiternelle question
de la répartition de la manne pétrolière par le pouvoir
central.
Paragraphe 1. L'augmentation de la production comme
facteur d'insertion de nouveaux flux économiques : multinationales,
«économie des gangs » et gestion interne de la rente
pétrolière
Le jeu de positionnement des compagnies
pétrolières laissent entrevoir une concurrence marqué par
la réalisation des bénéfices toujours exorbitants, pouvant
avoir des conséquences sur le fonctionnement des Etats.
64 L'inexistence de structures de raffinage du
pétrole africain explique donc, en partie seulement,
l'incongruité qui oblige des Etats producteurs à brasser leur
ressource naturelle en exportant leur production dans presque sa
totalité, pour se retourner ensuite et importer du brut et
raffiné à des coûts encore plus élevé,
Michel KOUNOU, idem, p.72.
A. L'insertion des multinationales dans le champ de
l'économie pétrolière africaine : entre logiques
rentières et dynamiques prédatrices
Depuis le début de la production
énergétique en Afrique, le pétrole a été
l'affaire des entreprises étrangères. La progression des
bénéfices de ces unités de production traduit les logiques
qui structurent leur présence.
Tableau 3 : Evolution des bénéfices
pétroliers nets des Super Majors entre 2000 et 2005 dans le golfe de
Guinée
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Exxon Mobil
|
17,72
|
15,32
|
11,46
|
21,51
|
25,33
|
36,1
|
Chevron Texaco
|
7,727
|
3,288
|
1,131
|
7,23
|
13,32
|
14,1
|
Total
|
8,035
|
7,564
|
6,638
|
7,705
|
8,866
|
12
|
Shell
|
12,813
|
10,301
|
9,656
|
12,313
|
18,18
|
25,3
|
BP
|
10,12
|
6,795
|
6,795
|
10,462
|
15,73
|
22,3
|
Source : Michel KOUNOU, 2006
Le cas de Total-Fina-Elf est fort illustratif de la «
dialectique conquête de gisements/contrôle de production »
dans le golfe de Guinée, en général, dans sa partie
Afrique centrale, en particulier. Cette entreprise, à l'analyse du
tableau ci-dessus, garde un grand dynamisme sur le continent ce, d'autant plus
que 50% des réserves qu'elle contrôle se trouve en Afrique et,
surtout, dans ce qui apparaît comme le pré carré
français, au-delà de ses frasques hautement
médiatisés65. D'après des chiffres plus
récents pour cette compagnie, le continent représente 45% de sa
production mondiale de pétrole et 14 % de celle de gaz en 2008 (soit en
moyenne 33% de sa production d'hydrocarbures au lieu de 29% en 2000). En termes
d'investissements en exploration et production, la part du continent dans ses
investissements mondiaux du secteur est passée de 19% en 2000 à
33% en 2008, ce qui en fait, selon Total, « l'un des pôles de
croissance du groupe ». Pour Eni, en 2008, 54% de sa production
pétrolière sont réalisés en
Afrique66.
65 Point n'est besoin ici de rappeler l'action
d'un opérateur comme Elf dans la survie des régimes
sous-régionaux ou dans la pérennisation des conflits. Qu'il
s'agisse du conflit angolais ou de la guerre civile congolaise, on sait
aujourd'hui que cette multinationale a financé toutes les parties en
conflit et ce faisant, a accentué le caractère endémique
de ces conflits. Joseph Vincent NTUDA EBODE, « pétrole et
politique en Afrique centrale. Entre convoitises, instrumentalisation et
marchandages : où est l'éthique ? », in Enjeux,
n°14, Janvier - Mars 2003.
Lire dans ce sens François-Xavier VERSCHAVE et Laurent
BECCARIA, Noir procès ; offense à chef d'Etat, les
arènes, Paris, 2001 et François-Xavier VERSCHAVE, Noir
silence ; qui arrêtera la Françafriqe ?, Les arènes,
Paris, 2000. Ces documents donnent de nombreuses informations sur les dessous
des relations tumultueuses entre Elf et les dirigeants africains ainsi que les
conséquences de ces relations.
66 Jeune Afrique, « état de l'Afrique
», hors série, 2009.
Aujourd'hui, avec plus de 400 compagnies présentes sur
le sol africain, on peut dire que le continent représente une part
croissante de leurs activités et de leurs investissements. Et la
dimension que la rivalité et les jeux de positionnement prennent dans
cet espace pousse chaque acteur à bâtir des stratégies
toujours plus pointues. Ainsi, un rapport d'aoüt 2009, publié par
le Royal Institute of International Affairs, analyse que les différents
modes d'intervention de ces compagnies au Nigéria et en Angola se font
soit directement par la conclusion de contrats pétroliers d'exploration
et de production, soit par le financement connexe des secteurs de l'aval
pétrolier et des infrastructures dans le cadre d'accords de type «
oïl-for-infrastructure >>, trop récents pour en
connaître la véritable portée à long
terme67.En général, on admettra avec Michel Kounou
que
parce qu'elles sont puissamment structurées sur le
plan financier-leurs chiffres d'affaires respectifs dépassent parfois
largement le budget, voire le Produit National Brut de nombreux Etats
producteurs subsahariens- ces compagnies jouent un rôle actif en amont
(exploration et production) ; les compagnies pétrolières
étrangères ont structuré un monopole rigide leur
permettant de pressurer les ressources stratégiques, à travers
des mécanismes précis68.
B. Criminalisation des Etats, émergence de «
l'économie de gangs» et répartition
inégale des ressources
pétrolières
En Afrique, l'Etat est devenu, de par les pratiques politiques
qui y ont cours, une menace à son propre fonctionnement. En effet, le
paradigme de l'Etat criminel développé par Jean François
Bayart, Stephen Ellis et Béatrice Hibou69 rend compte
aisément de l'insertion de l'informel dans l'économie politique
des Etats subsahariens. La criminalisation de l'Etat suppose d'un
côté que l'on assiste à des pratiques douteuses
assimilables à des « stratégies de tensions »
télécommandés en sous-marin par des dirigeants en mal
de restaurations autoritaires ; d'un autre, même les régimes qui
se réclament des urnes s'érigent en vecteurs de criminalisation.
Ainsi, drogues, blanchiment d'argent sale, implication des organisations
militaires dans le pillage des villes, dans le détournement de l'aide
humanitaire et des rentes
67 Royal Institute of International Affairs, «
Thirst for African Oil : Asian National Oil Companies in Nigeria and
Angola>>, disponible sur
www.chathamhouse.org.uk,
consulté le 10 décembre 2009, 15h00.
68 Michel KOUNOU, op cit., p.75.
69 Jean François BAYART, Stephen ELLIS,
Béatrice HIBOU, la criminalisation de l'Etat en Afrique, Paris,
Complexe, 1997.
issues des ressources naturelles permettent de rejoindre les
critères de criminalisation de l'Etat70.
La question de la criminalisation de l'Etat dans le golfe de
Guinée s'accentue avec l'exploitation du pétrole. On a d'abord,
les compagnies pétrolières qui font l'essentiel de
l'économie de la région, avec une forte possibilité de
connivence entre celles-ci et les gouvernements en place. Ensuite, l'on assiste
à une sorte de prédation des ressources par ces compagnies, parce
que les Etats n'ont pas de moyens de contrôle des productions et des
réserves exploités. Enfin, ces compagnies sont souvent la suite
économique de l'appareil politico diplomatique déployé par
les grandes puissances71. En même temps, les Etats de la
région sont dirigés par (( des gouvernements
perpétuels » c'est-à-dire marqués par (( la
longévité gouvernante suprême qui demeure la norme en
raison de la rareté des dynamiques d'alternance
»72. Dans un tel contexte, le gouvernement
perpétuel est dans la logique de l'accumulation de ressources de tous
ordres, dans une perspective monopoliste et conservatrice du pouvoir. En
même temps, dans certains de ces Etats, le militarisme comme
procédure politique enlise certains gouvernements dans le triptyque
(( pouvoir, violence et accumulation »73. Il se
prolifère donc des réseaux donnant lieu à un ensemble d'
(( Etats-rhizomes »74 et contraignant l'entretien des
relations entre compagnies pétrolières et détenteurs du
pouvoir politique. Dans un tel environnement, (( la multiplication des
situations de conflits dont la principale logique politique est la
prédation pure et simple et qui tendent a s'accompagner d'une insertion
forte dans l'économie internationale illégale (...)
suggèrent que le glissement vers la criminalisation du sous-continent
est une probabilité forte »75. Par
ailleurs, il faut noter que les firmes multinationales utilisent parfois des
procédures de corruption et de fraudes76. Le fait que
certains de ces
70 Pour ces auteurs justement, la criminalisation
passe par des critères tels que la << privatisation » de
l'usage légitime de la violence par les détenteurs du pouvoir et
son instrumentalisation au service de leurs stratégies d'accumulation ;
l'existence d'une structure occulte et collégiale du pouvoir qui
entoure, voire contrôle le détenteur officiel de celui-ci, et qui
bénéficie de cette privatisation de l'usage légitime de la
coercition, à moins qu'elle ne recoure impunément à une
violence privée et illégitime (notamment par le biais du milieu
de la délinquance organisée), etc.
71 On peut comprendre à partir du
phénomène de corruption d'Etat dans l'affaire Elf Congo et de
tout ce que d'aucuns ont appelé la « françafrique
>>.
72 Mathias Eric OWONA NGUINI, << Le gouvernement
perpétuel en Afrique centrale : le temps politique
présidentialiste entre autoritarisme et parlementarisme dans la CEMAC
>>, in Enjeux, n° 19, avril-juin 2004
73 Achille MBEMBE, << Pouvoir, violence et
accumulation>>, in Le politique par le bas, contribution à une
problématique de la démocratie en Afrique noire, Paris,
Karthala, collection les Afriques, 1992.
74 Jean François BAYART, Stephen ELLIS,
Béatrice HIBOU, op. cit., p. 33
75 Idem, p.53
76 Jacques FONTANEL, La globalisation en «
analyse », géoéconomie et stratégies des
acteurs, Paris, L'harmattan, Collection « côté cours
>>, 2006.
gouvernements aient en face d'eux des rébellions
(Nigéria, Tchad République Démocratique du Congo ou
précédemment Angola, Congo-Brazzaville ...) suscite grandement de
la suspicion et pour cause, la présence de ressources naturelles peut
pousser de tierces parties - Etats et entreprises - à s'engager dans des
conflits ou, du moins, à les alimenter.
La criminalisation des Etats et la stratégie
économique des multinationales favorisent une difficile
répartition de la rente pétrolière. Ainsi, les Etats
producteurs du golfe de Guinée sont caractérisés par une
gouvernance pétrolière dont les contours ont du mal à
être maitrisés, engendrant une opacité du système de
gestion et donnant lieu à une « dé légitimation
» du pouvoir central. La question de l'opacité dans la gestion de
la rente pétrolière participe de la dynamique de l'accumulation
et de la conservation du pouvoir par le « gouvernement
perpétuel », cité plus haut. Il faut reconnaitre que
dans les cas du Nigeria, de l'Angola, du Congo ou du Gabon, l'afflux de
pétrodollars ne se traduit pas forcément par une croissance
économique ou une vie plus opulente pour les masses. «
Toutefois, cela signifierait un objectif militaire de sécurisation de la
subordination des ressources pétrolières (...) aux demandes du
marché pétrolier mondial »77. En
effet, le nouveau boom pétrolier de l'Afrique post-ajustement
produirait, paradoxalement, « une pauvreté accrue »
pour les masses, et plus de richesses pour les élites dirigeantes
et leurs partenaires internationaux78. Cette difficulté
à repartir la rente entre tous maintient dans une pauvreté
grandissante les populations du le golfe de Guinée.
Les indicateurs généraux de pauvreté ont
continué de se dégrader au cours de l'exploitation
pétrolière. C'est ainsi, que malgré le fait qu'ils soient
détenteurs et producteurs de pétrole, le Tchad suivi du Benin, de
la RDC et de la Côte d'ivoire affichent des taux de pauvreté de
plus élevés. En outre, l'accès régulier à un
point d'eau aménagé est devenu problématique au Tchad, au
Congo Brazzaville, en Angola, en Guinée équatoriale et au
Cameroun. Seuls le Gabon et l'Afrique du sud s'en sortent mieux. L'insuffisance
pondérale s'avère beaucoup plus prononcé en RDC, au Tchad
et au Nigéria.79
77 Cyril OBY, op. cit. , p.39.
78 Comme ces États pétroliers
continuent de se procurer des pétrodollars qui sont investis en grande
partie pour renforcer la classe dirigeante, en resserrant sa mainmise sur
l'État, achetant plus d'armes et de munitions pour les «
besoins de sécurité » et imposant des politiques en
faveur de mandants extérieurs tels que les bailleurs de fonds, les
investisseurs étrangers et les institutions financières
internationales.
79 Voir annexe des indicateurs
généraux de pauvreté des Etats pétroliers du golfe
de Guinée, (p. D du présent document).
Paragraphe 2. Augmentation des flux
démographiques et culturels et apparition des acteurs non
étatiques aux intérêts divers: la dissémination des
territoires dans le golfe de Guinée
Les flux aussi bien démographiques que culturels qui
sont produits dans le golfe de Guinée connaissent une augmentation
caractéristique de la porosité des frontières. On assiste
à l'insertion des acteurs non étatiques dans cette région,
déjà en proie à des velléités pour le
contrôle et la gestion des ressources par certains groupes ethniques.
A. Le contrôle et la gestion des ressources au coeur
des velleités ethnoculturelles
Les ressources énergétiques sont
géographiquement situées sur de espaces où vivent de
groupes ethniques donnés80. D'une manière virtuelle ou
réelle, des menaces peuvent venir de ces groupes. Le Nigéria avec
les sécessionnistes biafrais et ceux du Delta du Niger, l'Angola avec
les rebelles du Cabinda, le Cameroun avec la question anglophone, le Tchad et
le combat du député Yorongar Ngarledji, originaire du Logone
oriental où se situe Doba, la ville pétrolifère,
permettent de comprendre les velléités ethnoculturelles des
revendications autour du pétrole. Les leaders de ces groupes estiment
que les ressources exploitées, ou devant l'être, servent les
« autres » et non pas le groupe ethnique originaire de la
région. Ils mettent en avant la dialectique entre un « nous
», qu'ils pensent principalement bénéficiaires, et les
« autres », entendus comme les autres composantes ethniques
de la société au sein de l'ordre étatique.
On peut classer ces revendications suivant deux tendances
principales. Une première catégorie correspondant aux combats
sociaux et politiques donc non armés (Cameroun ou Tchad), une
deuxième catégorie correspondant aux combats politico militaires
(Angola ou Nigéria). Au regard de la première configuration des
revendications, c'est-à-dire celles non armées, le cas anglophone
au Cameroun est pertinent à ce propos parce que <<
l'évocation de la question anglophone s'inscrit résolument
dans une double logique du « champ » et du « marché
» politique caractéristiques de relations de concurrence et/ou de
complémentarité, de confiscation ou de partage, de pillage ou
d'exploitation des ressources pétrolières entre la
minorité anglophone et l'Etat étiqueté francophone...
» 81. Principalement, il s'agit de contester le monopole
de l'Etat
80 Dans ce travail, le terme << ethnie »
renvoie aussi à << tribu ».
81 Louis Marie NKOUM-ME-NTSENY, <<
Minorités et partage des ressources : la question du pétrole dans
le discours identitaire anglophone », in Enjeux, n°13,
Octobre -Décembre 2002, p.17
dans la gestion des ressources naturelles82. En
réalité, l'insertion du pétrole dans le discours politique
des autorités dans les années 1970 a été
considérée par les « ingénieurs de
l'idéologie anglophone » 83 comme source de domination de
l'espace francophone qui chercherait, par l'entremise du président
d'alors Ahmadou Ahidjo, à financer la « caisse noire » et
à renforcer son image d'homme providentiel. De telles suspicions ont
été observées récemment lors du tracé du
pipeline Tchad-Cameroun, pendant lequel les leaders anglophones ont
demandé à l'Etat d'opter pour Limbé et non Kribi. En
somme, ces prétentions permettent de confirmer le pétrole comme
« ressource enjeu de conflit »84.
Dans la seconde configuration, il s'agit de rejoindre le
terrain des armes. En l'espèce, le cas du Nigéria est fort
saisissant, car de nombreux mouvements du Sud et du Sud-est ont recours
à la violence armée. L'analyse de dix-huit mouvements
contestataires actifs au Sud et au Sud-est du pays selon leur nature, leurs
objectifs avoués et le niveau de contestation a donné la
répartition suivante : selon leur coloration, les regroupements à
caractère ethnique représentent 78% et selon leur mode d'action,
72% mouvements contestataires étudiés prônent ou pratiquent
la violence insurrectionnelle et institutionnelle contre 28% qui prônent
et pratiquent le débat politique85. Il faut retenir, dans ce
contexte, que les relations de sous système entre les populations
assimilées au virtuel « Etat souverain » du Biafra et le
Gouvernement Fédéral ont toujours été de nature
« conflit/négociation » au sujet du positionnement politique
et de la redistribution des revenus ; le point de rupture n'ayant
été atteint que pendant la guerre du Biafra. La menace
sécessionniste a toujours été l'argument de
prédilection et même le plus opérant des populations du Sud
et du Sud-est du Nigeria. On assiste à un désordre
généralisé : Armée nigériane contre milices
ethniques biafraises, milices biafraises contre milices biafraises.
82 Cette contestation n'est pas récente et
encore moins statique. Elle accompagne tout le processus d'étatisation
du Cameroun, c'est-à-dire de la réunification (1er octobre 1961)
à l'unification (2 juin 1972), de la fédération
(1961-1972) à l'Etat unitaire actuel (1972-...)
83 Louis Marie NKOUM-ME-NTSENY, Ibidem
84 Dans ce jeu, « l'évocation ne
peut qu'être complexe dans tout débat identitaire où
s'entremêlent dans une perspective de concurrence ou
d'interdépendance (champ politique) et de transaction (marché
politique) entre le local et le national, le local et le transnational, le
national et le transnational. » Ibidem
85 Léopold Maxime EKO EKO, « Gestion
des crises liées à l'exploitation pétrolière dans
le Golfe de Guinée : La rétrocession de Bakassi otage des pseudo
sécessionnistes biafrais », Etude stratégique, disponible
sur
http://www.strategicroad.com/pays/strategicpubs.htm,
consulté le 29 novembre 2009, 12h
B. c La révanche de l'individu »86 : flux
réligieux et migrations dans le golfe de Guinée
L'espace golfe de Guinée est aussi en proie depuis peu
à une augmentation de nouveaux acteurs religieux et à des
mouvements migratoires. S'agissant des flux religieux, on peut noter deux
grandes tendances : la diffusion des Eglises, notamment dans la partie sud du
golfe de Guinée, et celle de l'islam dans sa partie Nord.
Il faut reconnaître que la présence du
christianisme et de l'islam n'est pas un phénomène nouveau.
Cependant, la diffusion de ces religions sous une certaine forme s'accentue
depuis un peu plus d'une décennie. Ainsi, « les
dénombrements exhaustifs d'Églises récemment
effectués par des coordinations d'Églises
évangéliques dans plusieurs pays du golfe de Guinée, sur
une initiative et des financements nord-américains, peuvent
accréditer cette interprétation »87.
Un peu partout fleurissent des communautés chrétiennes
influencées par des prédicateurs américains
prosélytes, qui prônent un « christianisme radical et
ultraconservateur »88. Au Congo, par exemple, les guerres,
la peur de l'insécurité, l'enrichissement rapide de certains
groupes proches des pouvoirs successifs ont donc renforcé des
polarisations socio spatiales qui étaient relativement faibles à
Brazzaville avant 1991. Les quartiers résidentiels aisés sont peu
étendus, mais l'on y observe une concentration significative des sieges
d'Églises exogènes à forts moyens.
Dans l'espace nord du Nigeria, nord et centre du Tchad, nord
du Cameroun et dans une certaine mesure nord Centrafrique, qui se situe sur une
bande proche du Sahel, on retrouve un mouvement des musulmans sous l'impulsion
des imams venus du golfe arabo persique et du Maghreb. Il s'agit d' «
un déferlement agressif et intensif »89, par la
mesure des moyens mis en oeuvre et la qualité des acteurs : Arabie
Saoudite, Soudan, Koweït, Maroc, etc. En ce sens, «
l'émergence des organisations islamiques, en milieu non musulman, voire
même musulman, [est] ressentie avec frayeur a cause de la
crainte d'une dérive islamiste et islamisant
»90.
86 Concept qui explique le rôle de plus en
plus important qu'acquiert l'individu dans les relations internationales,
jusque très stato-centrées. Nous l'empruntons à Bertrand
BADIE qui l'a développé dans << Flux migratoires et
relations transnationales » in Etudes internationales, vol. 24,
n°1, 1993, pp. 7-16
87 Élisabeth DORIER-APPRILL et Robert ZIAVOULA,
<< La diffusion de la culture évangélique en Afrique
centrale: Théologie, éthique et réseaux »
Hérodote, n° 119, La Découverte, 4e trimestre 2005,
p.129
88 Ibidem
89 Gondeu LADIBA, << L'émergence des
organisations islamiques au Tchad : causes, enjeux et territoires » in
Enjeux, n° 21, Octobre-Décembre 2004, p.17
90 Ibidem.
Par ailleurs, les Etats du golfe de Guinée sont le
théâtre, comme toute l'Afrique, de nombreuses migrations. Ceci est
surtout dû à la perméabilité des frontières,
à la présente dans plusieurs pays à la fois des
mêmes peuples, ignorant donc les tracés de territoires.
Déjà, la dynamique de l'Etat concourt à développer
et à politiser tout mouvement de migration. Pour Bertrand Badie, le
transfert de l'allégeance communautaire vers l'allégeance
étatique implique, au moins, que l'individu soit connaissable,
localisable, doté d'un domicile fixe91. Ce qui peut expliquer
les difficultés de capture des populations nomades par les gouvernements
tchadien, camerounais ou nigérian. Ainsi d'ailleurs, l'arbitraire du
découpage de l'Etat-nation maintient la mobilité permanente des
populations tribales africaines dont la structure communautaire exclut toute
territorialisation.
Une autre forme de ces mouvements de populations, souvent
sources de tensions même entre Etats, reste le phénomène
des diasporas. L'augmentation de la production énergétique dans
un Etat suscite la fascination des populations des Etats voisins qui
perçoivent le pays producteur comme un nouvel Eldorado. Or, la constance
des diasporas constitue une situation susceptible d'encourager l'affirmation
nationale des Etats d'accueil ; « ils deviennent un prétexte
pour la résurgence de l'orgueil nationaliste des populations d'accueil.
Cette affirmation nationale glisse parfois dans la xénophobie et a une
incidence considérable sur les relations internationales
»92. On ne peut, de ce fait, pas être
étonné par les refoulements à répétition qui
structurent les agissements gabonais et équato-guinéen concernant
la migration camerounaise.93 Si « la xénophobie ici
est un processus de construction des citoyennetés gabonaise et
équato-guinéenne ; d'affirmation de leur identité
nationale et d'endiguement de l'influence camerounaise
»94, il faut reconnaître que les diasporas ont
toujours eu du mal en Afrique subsaharienne chaque fois que leur nombre
grandit. Toutefois, l'observation de l'échange des diasporas entre le
Cameroun, le Gabon, et la Guinée Equatoriale révèle la
démarcation du
91 Bertrand BADIE, op. cit., p.13.
92 Yves Alexandre CHOUALA, << Le marquage
diasporique du jeu interétatique de l'Afrique du golfe de Guinée
(Cameroun, Gabon, guinée équatoriale) », in Enjeux,
n°13, Octobre -Décembre 2002, p. 23.
93 Lors de la fête de son parti le 17 juillet
2000 au palais des congrès de Malabo, le président OBIANG NGUEMA
déclarait : Faites attention aux étrangers et surtout aux
Camerounais, car ces derniers ont eu de l'argent du pétrole avant, et
leurs gisements pétroliers étant déjà
épuisés, ils cherchent à nous envahir, cité
par Yves Alexandre CHOULA, (2), << la crise diplomatique de mars 2004
entre le Cameroun et la GuinéeEquatoriale : fondements, enjeux et
perspectives », in Polis, volume 12, 2004-2005.
94 Yves Alexandre CHOUALA, (2), ibidem.
Selon l'auteur, dans le golfe de Guinée en général,
le Nigeria et le Cameroun constituent des puissances diasporiques. Avec
près de quatre millions de ressortissants installés sur le sol
camerounais, près de 50.000 en Guinée Equatoriale et au moins
10.000 au Gabon, le Nigeria s'affirme sans doute comme la puissance diasporique
du golfe de Guinée. Les Camerounais au Gabon avoisinent 50.000 et en
Guinée Equatoriale ils sont près de 20.000.
premier par rapport aux seconds. Ces diasporas vivent entre
deux Etats, celui de provenance et celui d'accueil. Leur existence quotidienne
s'insère dans des multiples espaces interstitiels de sociabilité
; d'où l'hypothèse de (( citoyens de deux Etats et demi
» dont parle Yves Alexandre Chouala, c'est-à-dire l'Etat
d'origine, l'Etat d'installation et les multiples réseaux associatifs,
affectifs ou ethniques dans lesquels s'investissent les diasporas entrainant
aussi ce que Bertrand Badie appelle (( ía crise de ía
citoyenneté »95. En tout état de
cause, les échanges entre ces groupes peuvent concerner les armes
légères, les drogues ou encore les pratiques liées
à criminalité transfrontalière, productrices de crise de
l'ordre étatique96.
Paragraphe 3 : Pétrole et différends
territoriaux
Les différends territoriaux sont une catégorie
analytique de la conflictualité dans l'Afrique du golfe de
Guinée. Ces différends entre Etats portent sur des territoires
dont les richesses en hydrocarbures sont prouvées97. C'est le
cas du différend de Mbagne entre la Guinée-Equatoriale et le
Gabon. Les relations entre ces deux Etats sont faites de méfiances
mutuelles. Le même type de différend existe entre le
Nigéria et la Guinée-Equatoriale concernant les frontières
maritimes. Les différents territoriaux créent des alliances de
situation. Ainsi, la Guinée-équatoriale a toujours soutenu le
Nigéria au détriment du Cameroun concernant le différend
de Bakassi. La Guinée-Equatoriale aurait même fournit des
facilités militaires au Nigéria. Selon Yves Alexandre Chouala, on
peut avoir deux pistes d'analyse. D'abord, on a l'alliance avec le Nigeria
permet à la Guinée de prévenir une action militaire contre
elle. (( La Guinée Equatoriale tentait ainsi d'endiguer la
reproduction du syndrome de Bakassi sur son propre territoire
»98. Ensuite, la Guinée-Equatoriale
prédisait un arrêt de la CIJ en faveur du Nigéria. ((
Toutefois, ía coopération active de ía Guinée
Equatoriaíe avec íe Nigeria sur l'affaire de Bakassi ne semble
pas avoir réduit les craintes de ía première par rapport
au second qui fait toujours montre de velléités
hégémoniques et d'ambitions territoriales non dissimulées
»99.
95 Sur les difficultés de l'insertion des
migrants dans le tissu socio politique des Etats d'accueil, lire Jean LECA,
<< Nationalité et citoyenneté dans l'Europe des
immigrations >> in Jean COSTA-LASCOUX, Pierre WEIL, Logiques d'Etats
et immigration, Paris, Kime, 1992 pp.18-60.
78 Lire à propos Claude ABE, <<
Pratique et production de la criminalité transfrontalière en
Afrique centrale : l'exemple des Zargina >>, in Revue de l'APAD,
n°27, disponible à
http://apad.revues.org/document201.html,
consulté le 21 novembre 2009, 15h.
97 Jean RIEUCAU, << Bioko (Guinée
équatoriale) : un espace insulaire stratégique au centre du golfe
de Guinée >>, in Les cahiers d'Outre-mer, Avril-septembre
2004, pp.217-232.
98 Yves Alexandre CHOULA, (2), op. cit.,
p.4.
99 Idem, p.7.
S'agissant des crises diplomatiques entre le Cameroun et la
Guinée-Equatoriale, le Congo et le Gabon seraient plus proches de la
Guinée-Equatoriale. En même temps, la Guinée-Equatoriale
accuse son voisin gabonais de soutenir les rebelles guinéens sur l'ile
de Corisco. Tous ces différents ont un point commun. Les territoires
autour desquels se développent tous ces agissements sont très
riches en ressources naturelles, le pétrole principalement. C'est, peut
être, pour éviter des désagréments d'ordre
sécuritaire que les Etats du golfe de Guinée se
préoccupent des jeux d'alliance.
* * *
Ce chapitre a permis de comprendre que le pétrole du
golfe de Guinée attire pour plusieurs raisons. On a, d'un
côté, les raisons liées à la configuration
géopolitique mondiale qui suppose l'émergence des nouveaux
consommateurs et la maximisation de la consommation par les puissances
contraintes de diversifier les sources d'approvisionnement et de «
conquérir », de contrôler des nouvelles régions telles
que le golfe de Guinée. Cette région a une potentialité
forte en termes de réserves et de production. Toutefois, elle est aussi
une région qui est l'objet d'une perpétuelle
conflictualité dont le pétrole est un des principaux facteurs.
L'intensification de la production ne fait qu'augmenter les risques
d'insécurité. A part les Etats de la région qui ont
réglé des différents portant sur des zones
pétrolifères, à l'exemple de Bakassi, territoire
camerounais qui avait suscité les convoitises du voisin nigérian,
on a l'augmentation de flux transnationaux avec, notamment, la forte
présence des multinationales pétrolières, les migrations,
etc.; en somme des nouveaux acteurs dans le domaine de l'économie , du
social et de la politique qui échappent au contrôle des Etats
déjà fragilisés. Dans un tel contexte, la porte est
ouverte à la captation de la rente pétrolière par
l'élite gouvernante, la corruption, la criminalisation mais aussi
à la formation des Etats prétoriens, facteurs de leurs propres
insécurité.
CHAPITRE 2
LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE ENERGETIQUE A LA
MENACE SECURITAIRE POUR LES ETATS-UNIS
En janvier 2002, The African Oil Policy Initiative Group a
recommandé que le pétrole africain soit érigé en
priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis
après les événements du 11 septembre 2001, [et]
que le gouvernement américain déclare le golfe de
Guinée `'zone d'intérêt vital»100.
L
a sécurité, comme il a été
mentionné à l'introduction de ce travail, ne se recherche pas
seulement sur le territoire national. Elle doit même être
poursuivie hors d'un Etat tant qu'en dépend l'intérêt
national. Étant donné la place qu'occupe le golfe de
Guinée dans la « pétrostratégie » des
Etats-Unis, l'insécurité de la région devient un
défi pour la sécurité nationale américaine, tant il
est que les menaces dans le golfe de Guinée peuvent coïncider avec
les menaces auxquelles font déjà face les Etats-Unis.
Wullson Mvomo Ela permet de mieux saisir la question lorsque,
dans ses analyses, il souligne que les enjeux de sécurité, de
géostratégie, de démocratie et de développement,
qui s'expliquent pour la plupart par la faiblesse de l'Etat et l'absence dans
la sous-région d'une structure forte pour la défense des
intérêts des Etats et des peuples, constituent autant d'
«appels d'empire» favorables à la logique impériale
américaine. Au point que le golfe de Guinée apparaît, de
plus en plus, comme le quatrième pilier de la politique d'énergie
et de sécurité des Etats-Unis à travers le monde,
après le Moyen-Orient, l'Asie centrale, les Amériques. Bref,
comme une «nouvelle province pétrolière» des Etats-Unis
!101 Il convient ainsi de parler de l'importance du golfe de
Guinée dans la stratégie énergétique des Etats-Unis
(section1) et de voir en quoi l'insécurité dans la
sous-région est un enjeu pour les américains (section 2).
100 Côme Damien Georges AWOUMOU, op.cit., p.4.
101 Wullson Mvomo ELA, op.cit., p. 13.
Section 1 : Le golfe de Guinée dans la «
pétro stratégie » américaine
Le golfe de Guinée occupe une place importante dans la
stratégie pétrolière américaine. De ce fait, il
correspond à un « espace vital »102 et la
politique énergétique des Etats-Unis s'y prête
d'ailleurs.
Paragraphe1. La politique énergétique des
Etats-Unis : fondements et mise en oeuvre
Les enjeux liés à l'énergie poussent
à la mise en oeuvre des politiques publiques de grande envergure dans ce
domaine. Aux Etats-Unis, la politique énergétique est axée
essentiellement sur la sécurité de l'offre.
A. Les fondements de la politique américaine en
matière énergétique
La politique énergétique des Etats-Unis se fonde
sur la sécurité énergétique par tous les moyens. En
effet, selon le Conseil Mondial de l'Énergie, la sécurité
énergétique se définit comme « la
disponibilité de l'énergie, sous différentes formes et a
tout moment, pour les consommateurs en quantité suffisante et à
des prix raisonnables » 103. La
spécificité d'une stratégie de sécurité
énergétique réside dans la manière dont un
État réagit face aux menaces énergétiques que sont
la dépendance et la vulnérabilité104. La
politique pétrolière de Washington a toujours été
fondée, non sur une réduction de la demande, mais sur la
diversification de l'offre. Il s'agit de trouver de nouveaux fournisseurs en
hydrocarbures plutôt que modifier les habitudes de consommation et
promouvoir de nouvelles formes d'énergie.
Selon Francis Lalonde, en 2002, les États-Unis ont
produit 7,6 millions de barils par jour (mb/j) de pétrole alors qu'ils
en ont consommé 19,7 pour un écart de 11,9 mb/j. Les besoins de
la société américaine en matière de pétrole
dépendent ainsi à 60,1 % des importations105. Des
sources de la Conférence des Nations Unies pour la Coopération et
le Développement (CNUCED), on peut indiquer que le pétrole brut
et les produits pétroliers ont représenté 16,4% du total
des importations américaines de marchandises en 2007 (contre
102 L'administration BUSH a qualifié le golfe de
Guinée d' << espace vital » pour les Etats-Unis. Lire
à propos Côme Damien Georges AWOUMOU, op. cit., p.5.
103 Francis LALONDE, << La sécurité
énergétique américaine ou la défense de l'American
way of life ? », in Bulletin d'information de l'Institut d'Etudes
internationales de Montréal, n°65, octobre 2003, p.3
104 La dépendance aux importations
représente le déficit en volume entre la production et la
consommation sur le sol national. Une demande non soutenue par l'offre est
compensée par des importations et cette part d'importation dans la
consommation nationale représente le taux de dépendance.
Ibidem.
105 Ibidem.
9.8% en 2000), 88,7% de leurs importations de produits de
l'énergie (contre 88% en 2000) et 39,3% de leur consommation
d'énergie. On est dans une situation croissante de dépendance,
critère par excellence de menace
énergétique106.
Graphique 1 : Importations de pétrole brut
aux Etats-Unis par pays d'origine en 2007
Source : Secrétariat de la CNUCED,
d'après des données de COMTRADE, 2009.
Cette dépendance n'est, cependant, pas un signe de
vulnérabilité. Elle fait plutôt référence aux
risques d'une rupture des approvisionnements énergétiques,
c'est-à-dire à une pénurie possible de pétrole en
sol américain. On peut comprendre que dépendre à 60,1 %
des importations en matière de pétrole n'est pas, pour autant, un
excellent indicateur de sécurité énergétique, loin
s'en faut ! Il convient de rappeler que la provenance des importations
pétrolières américaines est beaucoup plus
révélatrice de cette dépendance. Les deux tiers (2/3) des
importations proviennent de fournisseurs fiables (Canada, Mexique) alors que le
quart (1/4) des approvisionnements est délicat (Arabie Saoudite et
Venezuela) et 5 % sont menacés
106 Chiffres du Secrétariat de CNUCED, 2009.
(Irak et Nigeria)107 et la part des autres Etats du
golfe de Guinée est aussi difficile parce que la région
présente des facteurs permanents d'insécurité.
Cette politique ne fait pas l'économie des
stratégies développées au fur et à mesure par le
Department Of Energy (DOE) qui donne de moyens pour corriger l'importation
énergétique. C'est ainsi que les Etats-Unis ont
contrebalancé leur dépendance énergétique
vis-à-vis de l'étranger par l'exportation de biens, de services
et de capital utilisé dans la production du pétrole. Quoi qu'il
en soit, l'importation est importante pour les Etats-Unis.
Les Etats-Unis encouragent la promotion et l'exploitation
des différents sites de production d'énergie dans le monde. Cette
politique leur permet d'une part, de minimiser leur dépendance
vis-à-vis d'une région ou d'un pays spécifique riche en
ressources pétrolières, et d'autre part de créer de
nouveaux marchés pour les
»108.
biens, les services et les capitaux américains. Ces
deux aspects figurent aussidans la politique américaine
d'importation d'énergie
B. Mise en oeuvre de la politique énergétique
des Etats-Unis
La mise en oeuvre de la politique énergétique
des Etats-Unis appelle à la combinaison de plusieurs moyens : la
diplomatie, la stratégie économique, l'armée, les
partenariats historiques, etc. Depuis la signature du Project for the New
American Century (PNAC) en 1998 et l'accession, le 20 janvier 2001, de George
W. Bush à la tête de l'exécutif américain, les
Etats-Unis ont opté à grande échelle de mettre tous les
moyens en jeu pour assurer leur sécurité
énergétique109. Ces moyens supposent mêler
politique et économie pour l'intérêt de la nation.
En réalité, la mise en oeuvre de la politique
énergétique des Etats-Unis suit des traditions bien
données. Elle est tributaire de l'histoire et de la géopolitique
de l'énergie tout au long du 20ème et en ce
début du 21ème siècle. Elle est donc à
l'entrecroisement de la projection de puissance aussi bien économique
que politique, mais faite aussi des manoeuvres diplomatiques et militaires.
107 Le Nigéria est considéré comme le pays
du golfe de Guinée dont l'exportation énergétique est la
plus menacée à cause de la présence des rebelles dans
lé région productrice du delta du Niger.
108 CNUCED, « La politique américaine de
l'énergie », in Information de marché dans les secteurs
de produits de base, CNUCED, 2009, p.4.
109 Le fait que les acteurs politiques soient aussi des
acteurs économiques y est certainement pour quelque chose. L'on a
noté sous l'administration Bush que la plupart des dirigeants ont
appartenu aussi à des grandes compagnies pétrolières.
Paragraphe II. Le golfe de Guinée comme «
espace vital » en matière énergétique pour les
Etats-Unis
Le golfe de Guinée est sujet à de nombreuses
convoitises, nous l'avons vu, de la part des Etats-Unis. Mais considérer
cet espace comme un espace vital en matière énergétique
pour la première puissance du monde, c'est reconnaitre qu'il est une
source importante, du moins stratégique, d'approvisionnement ; et que
par ricochet, il permet la réalisation de gros bénéfices
pour les multinationales américaines.
A. Le golfe de Guinée comme source
d'approvisionnement énergétique
Depuis que les risques de rupture de l'approvisionnement
augmentent du fait de la reconfiguration géopolitique mondiale, les
Etats-Unis essayent de construire un nouveau partenariat avec les pays du golfe
de Guinée. Aussi, il sied de reconnaître que
l'intérêt porté aux pays du golfe de Guinée
(Nigeria, Angola, Gabon, Congo, Guinée équatoriale)
n'apparaît donc pas comme simplement circonstanciel, lorsqu'en
février 2003 les pressions américaines (et françaises) se
multiplient pour emporter le vote du Cameroun, de l'Angola et de la
Guinée au Conseil de sécurité de l'Organisation des
Nations unies (ONU) au sujet de l'intervention en Irak. Ce d'autant plus qu'il
se construit une véritable politique africaine des
Etats-Unis110.
Les attaques terroristes perpétrées en 2001 aux
Etats-Unis et leur catalogage comme << déclaration de guerre
», les incertitudes autour du conflit israélo-palestinien ou encore
la controverse autour des projets nucléaires iraniens, ont incité
les Américains à tenter de réduire leur dépendance
du pétrole importé du Moyen Orient, où gisent les deux
tiers des réserves mondiales. Dès 2002, des responsables
américains ont ainsi reconnu la valeur << stratégique
» des réserves d'hydrocarbures du continent africain, où les
« majors » pétroliers américains et européens
sont déjà bien implantés. Washington a aussi
manifesté un nouvel intérêt pour le développement
<< énergétique » de l'Afrique
sub-saharienne111. Cette dynamique a pour enjeu l'augmentation des
importations en matière énergétique. En 2002, le golfe de
Guinée fournissait 15% des importations américaines de
pétrole, mais ces chiffres devraient atteindre
110 Ciril OBI, op. cit., p.12.
111 Depuis 2001, les Etats-Unis multiplient les rencontres au
sommet entre dirigeants : visite du Secrétaire d'Etat, Colin POWEL, au
Gabon et en Angola (septembre 2002) ; déjeuner entre Georges Bush et dix
chefs d'Etat de l'Afrique centrale à Washington (13 septembre 2002),
visite d'un responsable aux affaires militaires à Principe (juillet
2002) ; implication dans la résolution des conflits au soudan et au
Tchad, symposium sur le pétrole africain à Washington
(début 2002) ; visite du chef de l'exécutif américain au
Nigeria, Afrique du sud, etc.(septembre 2002), tournée du commandant
adjoint de l'EUCOM au Ghana, Nigeria, Afrique du sud, Sao tome et principe,
Angola (mars 2002), mise sur pied d'un groupe de travail sur la politique
pétrolière.
25% en 2015, selon les recommandations du Rapport
Cheney112. On peut reprendre l'analyse de François Lafargue
pour dire que les États-Unis profitent de l'exploration des gisements en
eaux profondes qui implique la maîtrise de techniques
sophistiquées et un coût onéreux, ce qui limite le nombre
d'investisseurs potentiels113.
B. Le golfe de Guinée comme zone de projection
économique pour les multinationales
pétrolières
américaines
Notons que les compagnies américaines qui
opèrent dans le golfe de Guinée sont constituées de majors
et des indépendants. Les plus importantes d'entre elles sont Exxon Mobil
et Chevron Texaco. Il faut admettre que la présence économique
des Etats-Unis dans le golfe de Guinée relève essentiellement de
l'économie de rente. De ce fait, les investissements vont en augmentant.
Par exemple, Chevron Texaco avait annoncé en 2002 qu'il a investi 5
milliards de dollars américains dans le pétrole africain de 1997
à 2002 et qu'il devrait dépenser 20 milliards de dollars
américains au cours de la période qui va de 2003 à 2008 ;
Exxon Mobil entendait investir 15 milliards dollars américains en Angola
pendant la période 2003-2007, et 25 milliards dollars américains
à l'échelle de toute l'Afrique durant les prochaines
décades114.
Ces multinationales contrôlent de nombreuses
réserves d'hydrocarbures et s'occupent aussi bien de la production que
de la commercialisation, et leurs bénéfices sont en forte
croissance. Exxon Mobil, par exemple, détient plus de 2000 stations
services et 1501 de réserves sous son contrôle. Les chiffres
donnés par les résultats nets de Chevron et Exxon sont
édifiants. Leurs taux de croissance (sur les profits nets) dans certains
Etats étaient de plus de 100% entre 2002 et 2003. Les
bénéfices cumulés pour la période 2000 à
2004 représentent 9% et 14%115. L'insertion des
multinationales et des indépendants américains dans le golfe de
Guinée permet de recadrer les destinations de l'exportation des
hydrocarbures de l'Afrique. C'est ainsi que les Etats-Unis deviennent la
destination privilégiée du pétrole africain.
112 Ce rapport (Report of the National Energy Policy
Development Group, << Reliably, offordable, and environmentably sound
energy for America's future », mai 2001, la version électronique
est disponible sur
http://www.scienceshumaines.com/www.pppl.gov/common_pages/natio%20nal_energy_policy.html)
conduit à réaffirmer le rôle du golfe de Guinée dans
la stratégie pétrolière des Etats-Unis. Il donne aussi
quelques pistes pour permettre au gouvernement américain de mettre en
oeuvre effectivement cette politique en Afrique. Par ailleurs, ce rapport
souligne l'importance de former un bloc institutionnel des producteurs du golfe
de Guinée.
113 François LAFARGUE, << Chine/États-Unis.
La course aux hydrocarbures ! », in Sciences humaines, septembre
2007.
114 Michel KOUNOU, op.cit., p. 34.
115 Ibidem.
Le rapport 2009 du département d'Etat américain
au commerce est encore plus explicite116. On y apprend que les
Etats-Unis exportent beaucoup de leurs produits vers l'Afrique. Selon le
même rapport, les exportations américaines ont augmenté de
29,3 %, pour passer à 18,6 milliards de dollars, principalement, dans
les secteurs suivants : machines, véhicules et pièces
détachées, blé, produits pétroliers
raffinés, aviation et matériel électrique (y compris
appareils de télécommunication). Les importations de produits
africains aux EtatsUnis ont augmenté de 27,8% en 2008 et atteint 86,1
milliards de dollars, grâce entre autres à la hausse
considérable (31,9%) des importations de pétrole brut (qui
représentent 79,5% de toutes les importations en provenance de l'Afrique
subsaharienne). Ces chiffres incluent les importations hors taxes de pays
africains admissibles au Système généralisé de
préférence des États-Unis (GSP) et au GSP élargi de
l'AGOA, en plus des produits textiles et de vêtements importés en
franchise de droits et hors contingent conformément aux dispositions de
l'AGOA. « Les importations aux États-Unis en provenance des
pays africains producteurs de pétrole ont toutes enregistré une
hausse, notamment celles en provenance du Nigéria (16,2 %), de l'Angola
(51,2 %), de la République du Congo (65,2 %), de la Guinée
équatoriale (89,5 %), du Tchad (55,4 %) et du Gabon (4,4%)
»117. Aussi, les Etats qui
bénéficient de l'AGOA sont des Etats pétroliers.
« Les 5 pays qui ont bénéficié le plus de l'AGOA en
2008 ont été le Nigéria, l'Angola, l'Afrique du Sud, le
Tchad et la République du Congo. En ont également tiré
profit, entre autres, le Gabon, le Cameroun »118
En même temps, les exportations américaines ont
connu une hausse dans le golfe de Guinée. « Les exportations de
produits américains ont connu une augmentation de 17,6 % en Afrique du
Sud, de 47,7 % au Nigéria, de 65,4 %en Angola, de 192,4 % au
Bénin (en raison surtout d'une augmentation importante des produits
pétroliers raffinés, de voitures et de pièces
détachées) et de 46,2 % au Ghana, pays qui sont les principaux
destinataires de ces exportations »119.A la
lecture de tous ces chiffres, l'insécurité ambiante dans le golfe
de Guinée devient une potentielle menace pour cette
sécurité économique et, partant, pour la
sécurité nationale des Etats-Unis.
116 Charles Corey, « Le commerce entre les É.-U.
et l'Afrique s'est accru de 28 % en 2008 »disponible à l'adresse
http://www.america.gov/articles/webcontent/2009/071/20090715165112liameruoy0.3164636.xml,
consulté le 13 mars 2010, 22h.
117 Ibidem.
118 Ibidem.
119 Ibidem.
Section 2. Insécurité dans le golfe de
Guinée : un défi pour la sécurité nationale des
Etats-Unis
Les enjeux sécuritaires des Etats-Unis après le
11 septembre 2001 sont marqués par les questions de terrorisme. Aussi,
leur politique africaine ne peut en faire abstraction. Comme telle,
l'insécurité dans le golfe de Guinée devient un enjeu de
sécurité pour les EtatsUnis, car de cette région
dépend aussi la sécurité énergétique
américaine.
Paragraphe 1. Les enjeux actuels de la
sécurité nationale américaine et leurs impacts sur la
politique africaine des États-Unis
Les enjeux de sécurité ne sont jamais
figés dans l'histoire des puissances. En effet, selon chaque
période et selon les menaces avérées ou potentielles, les
puissances construisent leurs réponses face à ce qui peut leur
apparaître comme insécurité. Si, pendant la guerre froide,
le communisme et le bloc de l'Est représentaient des menaces pour les
Etats-Unis, aujourd'hui, ce ne sont plus que les Etats à proprement
parler mais les réseaux, les flux transnationaux qui ont provoqué
un « retournement du monde » - synonyme
d'émancipation des individus et des groupes, de libération des
particularismes - qui défient les souverainetés et partant la
sécurité nationale des Etats-Unis120.
A. Les enjeux de la sécurité nationale
américaine après le 11 septembre 2001
Partant des considérations ci-haut
évoquées, l'après 11 septembre a permis un
réajustement des questions de défense et de
sécurité aux Etats-Unis. En effet, les attentats du 11 septembre
ont permis la construction dans les << catégories
représentationnelles » des citoyens américains comme
<< acte de guerre », cet épisode perpétré par
des individus appartenant à un réseau mouvant et, au demeurant,
incontrôlé, Al qu'aida. Plus qu'un choc, la nation
américaine a ressenti quelque chose de comparable à un viol de
son intégrité territoriale, frappant non seulement l'Etat, mais
aussi la société américaine dans son
ensemble121. De ce fait, la lutte contre le terrorisme est devenue
primordiale dans la politique sécuritaire des Etats-Unis122.
Ainsi, les Etats-Unis ont essayé de se rendre compte que face
à
120 Bertrand BADIE et Marie-Claude SMOUTS, Le retournement du
monde. Sociologie de la scène internationale, Presses de la FNSP et
Dalloz, 1995, 2e édition. P.240.
121 Lire dans ce sens Guillaume PARMENTIER, << Politique
étrangère des États-Unis », in Annuaire
Français de Relations Internationales, Centre Thucydide, 2003.
122 Selon Neomi RAL, l'importance qu'ont prise ces attentats
peut être démontrée à travers quelques statistiques.
Dans la période allant d'octobre 2002 à octobre 2005, sur 525
titres de discours donnés par le département de la
défense, on dénombrait 58 fois le mot « terror »
; et de 2002 à 2006, les discours sur l'état de la nation
faisaient 2 mentions à l'éducation pourtant la plus haute
priorité interne de l'administration Bush, 3
la puissance, il pouvait exister des réseaux aussi
importants pour occasionner des << désordres sécuritaires
» sur leur territoire. Ce qui peut correspondre dans l'imaginaire
collectif à une troisième guerre mondiale entre l' <<ordre
>> et le << désordre >>, pour reprendre Thomas
Friedman, éditorialiste au New York Times123. Aussi,
pour la Maison Blanche, sous Georges Bush, the events of September 11,
2001, taught us that weak state can pose as great a danger to our national
interest as strong states. Poverty does not make onto terrorists and murderers;
yet poverty weak institutions, and corruption can make weak states vulnerable
to terrorist networks and dr Zig cartel whit in theirs
borders.124
Une stratégie de sécurité nationale a
été adoptée, à Washington, en décembre 2002,
basée sur trois axes principaux. D'abord, il s'agit d'une
stratégie globale qui met en avant la sécurité, la
liberté et la prospérité ; il s'agit de promouvoir la
liberté politique, l'économie de marché, «
l'institution building » et le développement.
Ensuite, il s'agit d'une stratégie d'éradication des ennemis de
la civilisation, notamment, les << Etats-voyous >> et le
terrorisme. Enfin, il est question de neutralisation des nouvelles menaces
caractérisée par la prévention et l'action
préemptive, les coalitions << ad hoc >> et les institutions
internationales, l'aide aux Etats et « l'institution building
»125. Cette stratégie a été
taxée de néoconservatrice, parce que mise sur pied par
l'administration Bush. Aujourd'hui, l'accession des démocrates à
la tête de l'Union n'a pas changé grand-chose dans les
représentations du 11 septembre. Pour le Président Barak Obama,
« les attentats du 11 septembre 2001, conjugués à la
poursuite des actions violentes engagées par ces extrémistes
contre des civils, ont amené certains dans mon pays à juger
l'islam inévitablement hostile non seulement à l'Amérique
et aux pays occidentaux, mais aussi aux droits de l'Homme
»126.
Mais les propos d'Obama appellent aussi à une vision
nouvelle de la réalité. Aussi, ditil dans ce qui est
qualifié de << discours au monde musulman >>, que le
dialogue devrait être promû. « Tant que notre relation
restera définie par nos différences, nous donnerons du pouvoir
à ceux qui sèment la haine et non la paix et qui encouragent le
conflit au lieu de la coopération qui peut
mentions au chômage, 62 aux taxes, 91 à l'Irak et
122 au terrorisme. « La stratégie sécuritaire des Etats-Unis
dans la corne de l'Afrique depuis le 11 septembre 2001 », mémoire
de maitrise en Science politique, Université du Québec
Montréal, août 2008.
123 Cité par Neomi RAL, Idem, p.28.
124 Maison blanche citée par Neomi RAL,
Ibidem.
125 Jean VOGEL, << Comment définir la nouvelle
politique mondiale des Etats-Unis ? Quelques éléments
préliminaires >>, in Barbara Delcourt, Denis Duez, Eric
Remacle (Eds.), La guerre d'Irak, prélude d'un nouvel ordre
international ?, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt/M, New York, Oxford,
Wien, P.I.E.-Peter Lang, 2004, pp. 189-205.
126 Barak OBAMA, discours prononcé à
Université du Caire, Le Caire, Égypte, 4 juin 2009, 13h10 (heure
locale) disponible sur le site
Africom.mil/, consulté le 13
avril 2010, 10h 30.
aider nos deux peuples à connaître la justice
et la prospérité. C'est ce cycle de la méfiance et de la
discorde qui doit être brisé »127.
En réalité, cette << ouverture » au monde
musulman ne fait que poursuivre la première et la troisième
stratégie de sécurité nationale, dont nous faisions
mention plus haut et qui visent en même temps la promotion de la
démocratie et l'aide à la construction des institutions fortes
dans les Etats pouvant être ou pouvant abriter des menaces pour les
Etats-Unis.
B. Sécurité nationale et politique
africaine des Etats-Unis
Dans la période de l'après guerre froide, les
Etats-Unis poursuivent officiellement les mêmes objectifs en Afrique
depuis l'Administration Clinton. Pour le président Clinton, trois
principes guident la politique de Washington sur le continent africain.
D'abord, trouver des solutions africaines aux problèmes africains,
c'est-à-dire limiter les interventions directes et chercher des relais
sur place ; ensuite, intégrer l'Afrique dans les circuits de
l'économie mondiale, comme fondement de la diplomatie commerciale ;
enfin, s'opposer activement au terrorisme islamiste, comme au Soudan ou en
Libye. Les attentats du 11 septembre 2001 ont inversé l'ordre de
priorités. Le troisième point, c'est-à-dire la lutte
contre le terrorisme, est devenu le premier axe de la politique africaine des
Etats-Unis. Les discours d'Obama n'ont
pas apporté des nouveautés sauf en rappelant que
la bonne gouvernance et la démocratie ainsique les droits de
l'homme permettront aux Africains de répondre à leurs propres
problèmes.
Les propos de Barak Obama ne semblent pas ignorer le point de
vue de son secrétaire d'Etat. Selon Hillary Clinton, «
l'Afrique est capable de réaliser et réalise actuellement des
progrès économiques. Il n'y a d'ailleurs pas besoin d'aller
chercher bien loin pour constater que l'Afrique regorge de possibilités,
certaines déjà mises a profit et d'autres qui attendent
d'être exploitées par nos soins communs si nous sommes
résolus à le faire »128.
En clair, la politique africaine des Etats-Unis est une suite
logique de leur politique de
sécurité nationale et Hilary Clinton pensent que
les ressources africaines être exploitées aussi<< par les
soins » des Américains quoique sous la vigilance des africains
eux-mêmes. On peut analyser aussi en disant qu'en intégrant
l'Afrique dans le commerce mondial, les Etats-Unis pourront
bénéficier largement du contrôle des richesses en
Afrique.
127 Ibidem.
128 Hillary CLINTON, discours de Nairobi, Kenya, 10 août
2009, disponible sur
africom.mil/, consulté le 13
février 2010, 14h.
Paragraphe 2. L'insécurité dans le golfe de
Guinée comme menace pour l'approvisionnement énergétique
des Etats-Unis
L'émergence du terrorisme islamiste et
l'insécurité croissante dans les Etats ont provoqué une
très forte méfiance des Etats-Unis à l'égard de
l'Afrique. Le golfe de Guinée, région pétrolière et
pétrolifère, n'échappe point à cette configuration.
Et l'insécurité dont elle est victime peut causer la rupture des
approvisionnements pour les Etats-Unis, parce que les installations
pétrolières seront sans conteste des bonnes cibles.
A. Menace pour les installations pétrolières
continentales
Les installations pétrolières sont souvent la
cible des attaques de toutes sortes. Il convient, dès lors, de les
inscrire dans les préoccupations sécutaires nationales pour les
EtasUnis. Et l'insécurité ambiante dans le golfe de Guinée
n'est pas de nature à apaiser cette
manière de voir. En effet, les différents actes
terroristes perpétrés contre les pipelines
déjaopérationnels sont divers. Il arrive que les
terroristes incendient le corridor en utilisant des bombes de toutes sortes.
Ils peuvent aussi utiliser la technique du «bunkering» qui consiste
acibler les points névralgiques du pipeline, siphonner
ensuite le tuyau, y extraire du pétrole,
puis revendre sur le marché noir. Situations courantes
dans le Delta du Niger (sud du Nigeria) depuis quelques années. Pour
comprendre l'importance des pipelines dans les projets des terroristes, il faut
saisir l'importance des investissements dans l'édification de ceux-ci.
Prenons le cas du pipeline Tchad-Cameroun.
Tableau 4 : Financement du pipeline
Tchad-Cameroun
Groupes de financement du pipeline Tchad-Cameroun
Apport financier
1/ Groupe de la banque mondiale 292,9 millions
de dollars US
* Prêt BIRD 92,9 millions
*Prêt SFI 200 millions
2/ Autres sources
*Banque européenne d'Investissement 941,5
millions
*Agences de crédit à l'exportation
41,5 millions
us ex im Bank 200 millions
COFACE 200 millions
Africaine d'Import Export 500 millions
3/ financement additionnel
Indéterminé
ABN armo Indéterminé
Crédit Agricole Indosuez
Indéterminé
Source : Michel KOUNOU, 2006
Le pipeline Tchad-Cameroun est un grand investissement qui a
coûté environ 3,5 milliards de dollars ; soit un peu plus de 2500
milliards de francs CFA. Il permet l'acheminement du pétrole
exploité dans 300 puits situés à Doba (Sud du Tchad),
jusqu'au terminal de Kribi, situé au sud du Cameroun. Cet investissement
qui traverse le Cameroun sur une longueur de 890 km est assurément l'un
des plus coûteux d'Afrique subsaharienne. On concevra qu'il peut
facilement être objet d'acte de terrorisme. Le pipeline est
exploité par plusieurs sociétés, dont la malaisienne
Petronas. Mais le gros du pourcentage revient aux géants
américains Exxon-Mobil Corporation (40%) et Chevron Corporation
(25%)129.
Il faut aussi que la protection continentale s'étend
par ailleurs aux infrastructures telles que les bureaux, les raffineries, les
stations services et même le personnel130. Le Nigeria est
devenu le théâtre quotidien des prises d'otages (qui servent
d'objet de chantage contre rançon) et des sabotages des infrastructures
pétrolières à cause de la faiblesse de ses moyens de
sécurité. Les Etats-Unis sont en train de procéder, en
collaboration avec les forces locales à la sécurisation de
l'ensemble de la région. C'est dans cet ordre d'idées qu'un
responsable du Département d'Etat rapporte que « les
entreprises américaines prolifèrent dans la région et nous
avons besoin de protéger leurs intérêts et ceux de nos
nombreux ressortissants qui s'y installent progressivement des attaques
terroristes qui pourraient subvenir »131.
B. Menaces pour les installations
pétrolières maritimes
Les Etats du golfe de Guinée sont en proie à de
nombreux actes de criminalité dans leurs eaux. En effet, les
problèmes de sécurité sont liés à des
trafics de tout genre : piraterie, prise d'otages, sabotage des plates-formes
pétrolières, non délimitation des espaces maritimes, etc.
D'où le besoin de sécurité qui devra s'étendre
à la protection des routes de transport du pétrole. Il s'agit des
chemins maritimes empruntés par les tankers depuis l'embarcation
jusqu'à leur destination. Ceci se fait en prévision des
activités des pirates qui attaquent les cargaisons. Les Etats-Unis ont
l'habitude de faire appel aux forces locales chargées d'appuyer leurs
propres hommes en matière de sécurité maritime. C'est dans
cette logique qu'ils ont disséminé près d'un million
d'hommes au Moyen-Orient132. Cette perspective comparative permet
d'envisager un scénario similaire dans le golfe de Guinée. Les
actes de prise d'otage sont de
129 Michel KOUNOU, op. cit., p.95.
130
http://www.géostratégie.ens.fr/etats_unis,
consulté le 13 janvier 2010, 17h.
131 Alexis NZEUGANG, « Une lecture de la
coopération américano-camerounaise depuis 2001 : contribution
à l'étude des dimensions pétrolière et militaire
», Mémoire de Master II en Science Politique, Université de
Yaoundé 2/ SOA, 2006, p.27.
132 Ibidem.
coutume dans la sous région surtout dans les eaux du
Cameroun, du Nigéria, du Benin et de Sao Tomé. L'actualité
nous en donne les illustrations constamment. Faire un inventaire d'actes de
criminalité dans les eaux de la sous-région permettra de
comprendre l'urgence de la question. Dominique Lebleux essaye d'en dresser un
kaléidoscope pour l'année 2008133 dans les eaux
camerounaise134 et nigérianes135.
Le cas du Cameroun et du Nigéria n'est pas une
exception, mais a le mérite au moins de donner une forte
visibilité des actes de banditisme dans les eaux du golfe de
Guinée. Pour le Nigéria, Depuis plus de deux ans, le sud du pays
connaît une recrudescence d'attaques violentes contre le personnel et les
équipements pétroliers. Ainsi, entre janvier 2006 et
l'été 2008, plus de 300 étrangers ont été
enlevés contre rançon dans le Delta du Niger et 60 installations
pétrolières attaquées136. Ce qui convient de
retenir, c'est que cette crisogeneité de l'espace maritime dans le golfe
de Guinée peut laisser des ouvertures pour des actes à vocation
terroristes. Et le fait que les risques d'insécurité dont nous
avons fait mention dans le premier chapitre du présent travail soient
encore permanents n'augure point un horizon radieux.
Paragraphe 3. L'insécurité dans le golfe de
Guinée comme menace pour les intérêts politiques et
diplomatiques des Etats-Unis dans la région
Les Etats-Unis, en tant que puissance mondiale, ont, dans les
relations internationales pu imposer une << vision du monde ». En
effet, la notion de << pax americana » les place dans le rôle
moderne qu'avaient l'Empire romain en son époque (Pax Romana), et
l'Empire
133 Dominique LEBLEUX, << Prise d'otage ; une
activité criminelle en expansion dans le chaos mondial », Ecole de
Hautes Etudes en Sciences Sociales, avril 2009, sur
http://www.drmcc.org/IMG/pdf/AlerteMCC.pdf,
consulté le 22 janvier 2010, 11h.
134 Le 31 octobre de l'année 2008, un chalutier est
attaqué par deux bateaux pirates : 7 Français, 1 Tunisien et 2
Camerounais sont pris en otage sur un pétrolier affrété
par le groupe français Bourbon, déjà
rançonné le 2 août 2008 au Nigeria. L'opération est
menée par le groupe armé « Bakassi Freedom Fighters »,
mené par le général Ag Basuo. Le groupe rebelle
nigérian <<Niger Delta Defence and Security Council » (NDDSC)
a en particulier revendiqué le 12 juin 2008 une attaque menée en
novembre 2007 contre l'armée, coütant la vie à 21
militaires.
135 Le 25 octobre 2008, 17 personnes à bord du navire
Ajax, affrété par le groupe français Bourbon, près
d'un important terminal pétrolier et gazier a vu 9 de ses membres
d'équipage être retenus: 5 Nigérians, 2 Ghanéens, 1
Camerounais et 1 Indonésien. Le 4 décembre 2008 un navire
pétrolier est attaqué à 13 milles nautiques des
côtes du pays, près d'une plateforme appartenant à
l'entreprise canadienne Addax Petroleum. On y a dénombré 3 otages
: un Russe, un Mexicain, un Nigérian. Peu de temps avant, le 17 octobre
2008 : Huit bateaux de pêche et leurs 96 membres d'équipage
arraisonnés dans l'État de Bayelsa (sud du pays).
136 Lire dans ce sens, Alternatives Internationales de
décembre 2008 et << les deux français otages au
Nigéria sont libres » disponible sur
http://www.lefigaro.fr/international/2008/09/06/01003-20080906ARTFIG00500-lesdeux-francais-otages-au-nigeria-sont-libres-.php,
consulté le 31 juillet 2009, 11h 30.
britannique au XIXe siècle (Pax Britannica), une
position de gendarme du monde137. Cette position les amène
à fonder leur action politique sur des critères propres à
leurs « catégories représentationnelles ».
Ainsi, pour soutenir un Etat, les Etats-Unis mesurent, dans ce pays, le
degré de démocratie et de bonne gouvernance. Or, dans une telle
optique, le gouvernement américain aura du mal à entretenir des
très bonnes relations avec un Etat qui est menacé de tous bords
par l'insécurité. Le déficit de gouvernance, de
démocratie, la pauvreté sont autant d'éléments
perçus comme des menaces à la sécurité. On comprend
avec Frédéric Leriche que « la priorité est donc
désormais le soutien à la démocratie et au
développement économique, conçus comme étant
articulés ; c'est la stratégie de l'élargissement
démocratique" chère a B. Clinton. Symboliquement, cette nouvelle
posture se concrétise par le renouvellement du dialogue diplomatique et
politique entre les Etats-Unis et l'Afrique. Elle se traduit surtout en 2000
par le vote de la loi Trade and Development Act (dite AGOA, African Growth and
Opportunity Act ) »138.
Dans le même ordre d'idée, en 2002,
l'Administration Bush annonce la création de la Millenium Challenge
Corporation. Cette institution a pour fonction de canaliser les aides au
développement accordées à l'Afrique. Les sommes devraient
permettre de financer les pays qui respectent une liste de critères
attestant de leur caractère démocratique et de leur politique de
lutte contre la corruption (la << bonne gouvernance >>). Elles
devraient être prioritairement dévolues au développement du
potentiel local, d'une manière intégrée à
l'économie mondiale et devraient donc bénéficier
secondairement aux entreprises américaines. Mais
l'insécurité coïncide fortement avec le terrorisme qui
d'après les Etats-Unis gagnent de l'espace en Afrique. « Nous
ne laisserons pas les terroristes menacer les peuples africains ni utiliser
l'Afrique comme base pour menacer le monde », a déclaré
Georges Bush lors de sa tournée africaine de juillet 2003139.
L'élection de Barak Obama n'occulte en rien cette option politique.
Hillary Clinton, secrétaire d'Etat ne disait pas autre chose lorsqu'elle
s'adressait aux gouvernements africains.
Le secteur privé et la société civile
jouent un rôle de plus en plus important dans toute l'Afrique en
tenant les gouvernements responsables de leurs
137<< Pax americana >>, disponible sur :
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Monde_%28univers%29,
consulté le 31 août 2009, 19h.
138 Frédéric LERICHE, La politique africaine des
Etats-Unis: une mise en perspective >>, in Afrique contemporaine,
Automne 2003, p. 29.
139 Jim Fisher-Thompson, « L'initiative pan-Sahel
encourage la coopération entre les pays du Sahel et du Maghreb>>,
service d'information du département d'Etat des Etats-Unis, Washington
File, disponible sur
http://usinfo.state.gov/regional/af/security/french/f4032503.htm,
consulté le 13 mai 2009, 19h.
actes et en exigeant une économie et une
société plus équitables, plus ouvertes et plus justes. Les
dirigeants doivent diriger. Ils doivent montrer à leur population que la
démocratie donne des résultats. Il n'est pas possible de
réaliser des progrès durables dans les pays qui ne gèrent
pas comme il faut leurs ressources naturelles, où les
bénéfices provenant du pétrole et des minerais viennent
gonfler les comptes en banque d'une oligarchie constituée de
sociétés dont le siège est dans un autre continent, mais
qui ne font pas grand chose pour promouvoir la croissance et la
prospérité à
long terme 140.
Cette vision des Etats-Unis permet de comprendre que les
partenariats entre Etats-Unis et Etats du golfe de Guinée ne peuvent
faire abstraction de la vision américaine du monde. D'où cette
mise en garde de Madame Clinton.
Citoyens et pouvoirs publics doivent unir leurs efforts
pour mettre en place et maintenir de solides institutions démocratiques
: un appareil judiciaire indépendant et sûr de lui, une fonction
publique dévouée et professionnelle, une presse libre et une
société civile dynamique. C'est ce que nous avons appris dans mon
pays ; nous essayons encore d'améliorer notre démocratie
après deux cent trente ans et nous voulons vous faire profiter de ce que
nous avons appris en chemin, souvent au prix d'erreurs. Et nous sommes
prêts à jouer un rôle de partenaire avec les citoyens et les
dirigeants désireux d'améliorer la gouvernance et la
transparence141.
Les difficultés sécuritaires dans le golfe de
Guinée ne permettent pas une mise en
place aisée de cette politique. En effet, les
problèmes de sécurité dans la sous-région
deviennent aussi des problèmes de sécurité
nationale pour les Etats-Unis pour le simple fait
que la sécurité des Etats-Unis intègre une
forte dimension politique. On peut, dès lors,
comprendre les mesures américaines de sécurisation
du golfe de Guinée.
140 Hillary CLINTON, op. cit., disponible sur
africom.mil/, consulté le 13
février 2010, 14h.
141 Ibidem.
* * *
A l'issue de ce chapitre, on peut comprendre que sur le plan
énergétique, le golfe de Guinée est une région qui
acquiert une grande importance pour les Etats-Unis. Il est inscrit, en effet,
dans la stratégie pétrolière américaine. Les
réserves de la région ont poussé le gouvernement et les
compagnies pétrolières américaines à
déployer l'appareil politico diplomatique pour accéder à
cette zone qui se transforme en alternative pour la sécurité
énergétique et, partant, pour la sécurité nationale
de l'Union. Elle devient aussi une zone de projection économique pour
les Etats-Unis. Cependant, le golfe de Guinée présente des
risques permanents d'insécurité pour les Etats-Unis qui voient
que leurs intérêts aussi bien politiques, économiques que
diplomatiques sont menacés. Comme telles, les menaces que
présente cette région de l'Afrique deviennent des menaces pour la
sécurité nationales des Etats-Unis.
Conclusion de la première partie
L
e pétrole du golfe de Guinée prend une grande
importance dans la configuration géopolitique mondiale. De nombreux
facteurs concourent à ce nouveau visage de l'Afrique. D'abord, les
agissements du système
énergétique international ; ensuite, la
spécificité de la région. Le golfe de Guinée
devient une source croissance d'approvisionnement énergétique
pour de nombreuses puissances et une zone de projection économique pour
de nombreuses multinationales et indépendants. C'est ainsi que dans le
cadre de sa sécurité énergétique les Etats-Unis
investissent et se déploient dans cette région de l'Afrique.
Cette partie a permis de comprendre que le golfe de
Guinée en même temps qu'il s'illustre dans la production
énergétique est l'objet des nombreux facteurs
d'insécurité. La décomposition ou le désordre
sécuritaire dans cette région de l'Afrique est liée aux
différents flux transnationaux qui se diffusent au fur et à
mesure que l'exploitation pétrolière s'intensifie. Si cette
insécurité touche les Etats de la région dans leur
fonctionnement et l'ordre politique qu'ils devraient incarner, il n'en demeure
pas moins qu'elle apparait aussi comme déstabilisatrice pour la
sécurité nationale des Etats-Unis, dont la sécurité
énergétique est un des socles. La décomposition
sécuritaire dans le golfe de Guinée donne aux Etats de la
région et aux Etats-Unis les raisons d'une recomposition
sécuritaire que les pages suivantes s'attèleront à
expliquer.
DEUXIEME PARTIE
ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION
SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE
L
'importance que le pétrole du golfe de Guinée a
pour les Etats de cette sousrégion ainsi que pour les Etats-Unis
necessite que cette zone soit catégorisée comme
sécurisée. Autrement dit, la sécurisation142 du
golfe de Guinée qui
est déjà une entréprise à laquelle
s'attèlent les différents acteurs étatiques permet, d'une
manière générale, de rendre cette partie de l'Afrique
« plus sûre » et partant, son pétrole aussi.Ce travail
de récomposition sécuritaire présente des enjeux
d'intérêt et de sécurité nationale.
Cette partie s'interressa, justement, à voir, dans un
prémier temps, l'importance de la sécurisation pour
l'intérêt national des Etats du golfe de Guinée en ce
qu'elle est une réponse aux défis de préservation de la
paix et même de répartition des rentes pétrolières
(chapitre 3). Ensuite, la sécurisation du golfe de Guinée permet
aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnements, de se pré
positionner militairement et de mettre en oeuvre les autres dimensions de leur
sécurité nationale (chapitre 4).
142 La sécurisation renvoie au fait de rendre plus
sûrs un objet, un espace ou un sujet donné [...] C'est l'art de
sécuriser, c'est-à-dire l'art de mobiliser un ensemble de moyens
financiers et humains afin de mettre en oeuvre une gamme de pratiques
permettant de fiabiliser un espace sociopolitique spécifique,
Thierry BALZACQ, op. cit., pp 39-40.
CHAPITRE 3
LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR DES
DEFIS INTERNES ET SOUS-REGIONAUX
Les causes des crises africaines sont bien plus
profondément enracinées (..). Prévenir les crises
nécessite de désamorcer, en profondeur, la montée de
l'angoisse sociale ; sortir de la crise exige d'organiser le reflux de cette
angoisse ; construire la paix, c'est interdire son
retour.143
L
a sécurisation du golfe de Guinée apparait
capitale à un moment où les enjeux énergétiques
sont à la base, soit directement ou indirectement, des risques
d'insécurité permanente. Alors que les circonstances
prêtent à la « décomposition des territoires
»144 et à l'accentuation des «
solidarités sans territoire »145,
lesquelles participent du « contournement [même]
des Etats » 146 dans la sous-région, il convient de
comprendre que la sécurisation devient un aspect fondamental de la
construction de la paix. Cette dernière est, d'ailleurs, mise à
mal quotidiennement parce que le fonctionnement des Etats et, surtout, la
répartition de la rente issue des ressources nationales sont des sujets
de défiance.
Dans un tel contexte, la conjoncture sécuritaire est
susceptible d'éclairer sur les ruptures, les repositionnements et les
réinventions sociopolitiques à l'oeuvre dans la dynamique
politique et sociale nationale147, mais aussi
sous-régionale. Ce sont, justement, ces réinventions
sociopolitiques qui structurent l'importance de la sécurisation dans
l'édifice de la paix dans le golfe de Guinée (section 1). Les
moyens sont aussi bien institutionnels, stratégiques
qu'opérationnels. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette approche
ne se fait pas sans difficultés (section 2).
143 Joseph Vitalis, << Les crises africaines. Violence,
pouvoir et profit », in Etudes 2003/6, Tome 399, p.595
144 Au sens de Bertrand BADIE, La fin des territoires. Essai
sur le désordre international et sur l'utilité sociale du
respect, Collection << l'espace politique », Fayard, 2003,
p.132.
145 Ibidem.
146 Bertrand BADIE et Marie-Claude SMOUTS, op. cit.,
p.70.
147 Yves-Alexandre CHOUALA, << Conjoncture
sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun :
éléments d'analyse anthropo-politiste d'une crise de
l'encadrement sécuritaire et d'un encadrement sécuritaire de
crise », in Polis, vol. 8, Numéro Spécial, 2001.
Section 1. Sécurisation comme outil de
construction de la paix dans les Etats du golfe de
Guinée
Aujourd'hui, la sécurité ne signifie pas
éliminer la menace immédiate, mais aussi de travailler sur les
sources de l'insécurité148. En effet, la
sécurisation du golfe de Guinée passe par la restructuration de
l'Etat dans le contexte africain qui, d'après Tshiyembe Mwayila, porte
en lui-même les germes de sa propre
insécurité149 et dont une des conséquences les
plus manifestes est la difficile construction effective d'une nation.
Paragraphe 1. La restructuration de l'Etat et la
construction nationale
S'il est admis, à partir des catégories
wébériennes, que l'Etat a le monopole de la violence
légitime, il n'en demeure pas moins que cet Etat-là est
structuré autour d'un certain nombre d'institutions fortes à
même de mettre en oeuvre les outils de sécurité. Il est
donc important de considérer l'Etat comme « totalité »,
pas au sens totalitaire du mot, mais comme un ensemble intégrateur dans
lequel se reconnaissent les citoyens.
A. La reforme de l'Etat comme moyen de renforcer les
institutions et de restaurer la légitimité
sécuritaire
Le processus d'étatisation est fondamentalement un
processus de sécurisation150. En effet, parler de la
réforme de l'Etat, revient à réaffirmer la place de ses
différentes composantes au sens juridique: territoire, gouvernement et
population. L'appareil sécuritaire de l'Etat devient, de ce fait,
très important dans le golfe de Guinée où la
perméabilité des frontières et la dissémination des
territoires mettent quotidiennement à mal l'ordre politique. Parce que
l'Etat est un système, la sécurité devient un instrument
au service de son fonctionnement et de la répartition des pouvoirs en
son sein, préalables à une redistribution des revenus
nationaux151. Dans un tel contexte, la réforme de l'Etat est
importante tant il est vrai que l'insécurité et la
148 Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, «L'ordre et la
sécurité publics dans la construction de l'Etat au Cameroun
», Thèse de doctorat en science politique, Institut d'Etudes
Politiques de Bordeaux, Université Montesquieu Bordeaux 4,
février 2007.
149 Tshiyembe MWAYILA, L'Etat post colonial facteur
d'insécurité en Afrique, Dakar, Présence africaine,
1990
150 Yves-Alexandre CHOUALA, (3), op. cit. p. 14.
151 « L'État est en même temps une
structure organisationnelle complexe, une collectivité et un instrument
de politique. En ce sens, l'État est donc d'abord un instrument de
promotion de la sécurité avant d'être le sujet ou le
référent de la sécurité. Il est l'organe qui assure
la médiation entre l'intérêt national, défini de
façon unitaire, et les intérêts des communautés en
son sein. », Thierry BALZACQ, op. cit., p. 34.
délinquance dans le golfe de Guinée relèvent
de « l'ordre de la banalité », au sens que donne
Achille Mbembe à l'expression152.
Il s'agit de réformer le secteur de la
sécurité, non dans son approche primaire, mais dans ses
interactions avec les autres secteurs dont dépend la survie de l'Etat.
Yves Alexandre Chouala, dans ses travaux sur la conjoncture sécuritaire,
le champ étatique et l'ordre politique au Cameroun, souligne,
d'ailleurs, à propos que « si l'Etat voit l'ascension
vertigineuse de sa décrédibilisation et l'érosion de son
prestige social dans le phénomène insécuritaire, c'est
à l'intérieur de celui-ci qu'il doit reconstruire sa noblesse et
sa respectabilité tant nationale qu'internationale. Principal facteur de
désocialisation/décivilisation de l'Etat,
l'insécurité est aussi la ressource cardinale à mobiliser
dans l'optique de la (ré) étatisation
»153. Il convient donc de donner une nouvelle
dimension à l'armée, la rendre républicaine, au service du
développement. C'est peut être ainsi que l'armée
intégrera son rôle dans « la division du travail »
et recevra une nouvelle légitimité.
B. Le problème de la construction de la nation
La construction de la nation prend forme avec
l'étatisation de la société en Afrique. Ce qui pose un
problème étant donné que la dynamique des
communautés ethniques défie aujourd'hui la figure sociale de
l'Etat comme unité154. Le processus d'unification, et
notamment, sous la forme de l'Etat-Nation, définit la communauté
politique. Amitai Etzioni parle de la communauté politique comme une
communauté structurée par trois types d'intégration: le
monopole de l'usage légitime de la violence, etc., l'existence d'un
centre de décision capable de déterminer l'allocation des
ressources et des récompenses au sein de la communauté et, enfin,
l'existence d'un point transcendant d'identification de la majorité des
citoyens155.
152 Achille MBEMBE, De la postcolonie. Essai sur
l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine, Paris, Karthala,
2000, 280p.
153 Yves-Alexandre CHOUALA, << Conjoncture
sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun...
>> Idem, p. 15.
154 Ceci est un phénomène qui trouve
déjà ses origines dans la présence même du
colonisateur. << Au lendemain de la pénétration
coloniale, la puissance colonisatrice, a compris très tôt que
l'exploitation paisible et rationnelle des ressources de la nouvelle colonie,
passait nécessairement par la maîtrise des populations
autochtones. Il fallait à tout prix mettre en place des
mécanismes de nature à retourner les structures sociales
existantes contre les populations et s'en servir pour asseoir sa domination.
Cette mutation ne devait s'opérer que par la remise en cause de la
réalité sociale traditionnelle et par l'introduction des
distinctions entre les populations », Xavier Bienvenu KITSIMBOU,
<< la démocratie et les réalités ethniques au Congo
>>, Thèse de doctorat en Science politique, Université de
Nancy 2, 2001, pp.35-36.
155 Amitai ETZIONI, << A paradigm for the study of
political unification >> in World Politics, XV(1), 1962, pp. 45
-74.
La spécificité des sociétés en
Afrique dans leur rapport avec la nation est problématique et doit
être repensée pour une sécurité nationale effective.
Dans un contexte de politique d'affection156,
c'est-à-dire de mobilisation de la ressemblance, l'allégeance
à la nation est supplantée par le communautarisme. Ainsi, la
construction de la nation doit être un processus de légitimation
du rôle social de l'Etat. Il s'agit de mettre sur pied un nationalisme
légitime, c'est-à-dire la croyance en une communauté dont
l'Etat a la charge ou en des intérêts supérieurs dont
celui-ci a le monopole de la définition, en une unité des groupes
sociaux épars dont il assure la représentation, qui permet de
réaliser un consensus autour du pouvoir central157. Dans le
golfe de Guinée, le discours officiel dans la plupart des Etats donne
une forte dimension symbolique à la nation. Ce qui occulte cette
ambition politique, c'est, justement le fait que la construction de la
nation soit de l'ordre du discours et non du concret. Autrement dit, la
réalité, le vécu social des groupes ethniques qui ont
intégré la méfiance des uns par rapport aux autres dans
leur façon de faire et de penser, déconstruit le discours sur
l'unité nationale.
Paragraphe 2. De la captation à la
répartition de la rente pétrolière : une
logique de changement
La diversité des enjeux qui structurent les champs
politique et social interpellent les Etats pétroliers du golfe de
Guinée à repenser la gestion des revenus nationaux. Il en va
certainement de leur sécurité nationale. Claude-Ernest Kiamba ne
disait pas autre chose lorsqu'il souligne que si la gestion des revenus
nationaux est un facteur de désintégration de l'Etat, la penser
autrement devient un moyen de ré-intégration de l'Etat en
Afrique158. Dans de nombreux Etats, c'est un processus
déjà engagé. Il s'agit de mettre en oeuvre une gestion
intégrée et concertée (Etat, société civile
et population locale) des ressources nationales.
A. La problématique de la gouvernance
pétrolière en Afrique: l'opportunité d'une
émergence
Le défi de la gestion de la rente
pétrolière pour le développement et la
sécurité demande de passer d'une logique de production pure
à une logique de répartition. Il s'agit de passer d'une situation
déséquilibrée voire opaque à deux acteurs
(États, compagnies
156 Luc SINDJOUN, La politique d'affection en Afrique
noire, Boston, GRAF, 1998, 230p.
157 Lire pour une analyse plus exhaustive, Luc SINDJOUN,
l'Etat ailleurs, entre noyau dur et case vide, Paris, Economica,
Collection la vie du droit en Afrique, 2004, 340p.
158Claude-Ernest KIAMBA, cours d'Analyse des
conflits, licence de Sciences juridiques et Politiques, Université
Catholique d'Afrique Centrale, 2007-2008.
pétrolières) et inéquitable, car
coupée de la population, à une situation avec un État plus
fort (moins endetté), des exploitants moins puissants (plus de
concurrence, contrat de partage de production) et une participation effective
accrue de la société civile. Et, pour cause, Etanislas Ngodi note
que
le désordre politique trouve son fondement dans le
banditisme politique. La culture de violence et l'insécurité
socio-économique sont des conditions mises en place pour la
consolidation et la conservation du pouvoir. Le sous- développement des
pays producteurs du pétrole n'est plus a démontrer en Afrique. En
effet, dans la gestion de la rente pétrolière, de nombreux pays
africains sont dépourvus d'institutions politiques capables de faire
contre- poids, de lutter contre l'autocratie des régimes politiques,
l'inefficacité des services publics et la mise a l'écart de la
société civile dans les tractations
politiques159.
De ce fait, de nouveaux outils doivent être
intégrés par les Etats. Il s'agit spécifiquement du
paradigme de la bonne gouvernance. Philippe Moreau Defarges écrit qu'en
contexte de gouvernance, « (~) la décision, au lieu
d'être la propriété et le pouvoir de quelqu'un (individu ou
groupe), doit résulter d'une négociation permanente entre les
acteurs sociaux, constitués en partenaires d'un vaste jeu, le terrain de
jeu pouvant être une entreprise, un État, une organisation, un
problème à résoudre »160. Comme tel,
il s'agit d'intégrer aussi bien la société civile que le
secteur privé dans ce processus de gouvernance pétrolière.
De nombreuses initiatives sont prises pour aider les Etats à
intégrer les outils de gouvernance dans la gestion de leurs revenus
pétroliers. Selon Christine Rosellini, à la suite d'un premier
rapport de Global Witness sur l'Angola en 1999, une coalition britannique en
faveur de la publication des paiements dénommée Publish What You
Pay (PWYP), a été constituée en juin 2002 autour des ONG
comme CAFOD, Oxfam, Save the Children, Open Society Institute et Transparency
International. La coalition compte plus de 200 membres à travers le
monde. Par ailleurs, sous la pression des ONG, Tony Blair alors Premier
Ministre du Royaume Uni a lancé en
159 Etanislas NGODI, « Gestion des ressources
pétrolières et développement en Afrique », disponible
sur
http://codesria.org/Links/conferences/general_assembly11/papers/etanislas_ngodi.pdf,
consulté le 29 janvier 2010, 00h.
160 Philippe Moreau DEFARGES, La gouvernance, Paris,
P.U.F. 2008, p. 5.
Etat
|
Pétrole, source de revenu
unique. Opacité de la gestion des recettes, Mauvaise
gouvernance, corruption, Corruption, Evasion fiscale, Endettement (quand le
prix du pétrole baisse), Achats des armes, faillite des
structures étatiques hors pétrole, Taux d'investissement
élevé dans le secteur pétrolier, forte instabilité
des recettes, Relation privilégiée (complicité),
domination des compagnies multinationales pétrolières
|
Contrats secrets, Hyperspécialisation de l'économie
dans le pétrole, Faiblesse du secteur privé hors pétrole,
Disparition des activités agricoles
Bénéfices captés par les élites
(redistribution
clientéliste),Risque d'instabilité politique,
Hostilité à l'égard des compagnies
pétrolières, appauvrissement de la
population, dégradation des indicateurs sociaux,
instabilité sociale, risque de guerre civile, augmentation de la
répression politique, développement du secteur informel
Secteur prive
Population
septembre 2002 à la suite du Sommet Mondial sur le
Développement Durable à Johannesburg, l'Initiative sur la
Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)161.
Tableau 8 : Les mécanismes de passage à
une répartition de la rente pétrolière
Acteurs/Types de gestion
|
Logique de captation de la rente
|
|
|
Logique de répartition de la
rente
|
facteurs de changement/pressions
Baisse de la rente (plafonnement, voire tarissement des
réserves pétrolières) et augmentations des coûts de
production (sécurité, environnement, Surendettement et
tarissement, vieillissement de puits de l'aide (augmentation de
la sélectivité), Pression
des ONG/media/opinions, publiques
(promotion de promotion de
l'éthique des entreprises et
respect de l'environnement)
|
Budgétisation des revenus pétroliers.
Contractualisation de l'utilisation des revenus
pétroliers, Diversification de la fiscalité, Financement des
secteurs sociaux, Amélioration de la gouvernance
|
Développement économique,
Diversification de l'activité économique, secteur
pétrolier plus concurrentiel (arrivée de compagnies
indépendantes)
|
Répartition des richesses plus égalitaire,
réduction de la pauvreté, Paix
|
Source : Christine ROSELLINI, in Afrique
contemporaine, Printemps 2004
161 Cette initiative cherche à pousser la
communauté internationale vers la transparence pétrolière.
L'ITIE soutient concrètement l'effort international en faveur de la
transparence. L'ITIE a développé un modèle de publication
pour s'assurer que les versements des compagnies extractives sont bien
encaissés.
B. La gouvernance pétrolière au concret
: l'action des Etats du golfe de Guinée en la
matière
On peut estimer que les Etats sont plus que jamais
appelés à changer leurs stratégies de gestion des
ressources. Plusieurs mesures ont été initiées dans ce
sens. On peut à partir des pratiques en cours dégager quatre cas
de figure162. Dans un premier cas, on a les Etats qui ont
réformé leur mode de gestion du surplus pétrolier. Il
s'agit, notamment, du Congo et du Nigéria dont les excédents dans
les revenus pétroliers sont versés aux banques centrales.
Deuxièmement, on a les Etats qui intègrent la transparence dans
la gestion quotidienne des revenus pétroliers. C'est le cas du Tchad qui
a mis sur pied un college de contrôle et de surveillance des recettes
pétrolières. Avec la contribution de la Banque mondiale, le Tchad
entendait tirer les leçons du passé en faisant le choix de la
législation, afin que les recettes pétrolières aillent
pour partie à la lutte contre la pauvreté et la bonne
gouvernance. En plus, 10% des revenus devrait être épargnés
pour les générations futures163. Mais cette
dernière mesure n'a pu faire long feu parce que lorsque
l'intégrité territoriale fut menacée en 2006 par les
rebelles dans l'Est du pays, le « réalisme » a poussé
le gouvernement à réorienté ces fonds vers notamment le
domaine de la défense. A São Tomé, l'utilisation des
ressources se fait avec l'aide de la Banque mondiale. Le Nigeria, quant
à lui, procède à la publication des revenus
pétroliers de l'État sur une base mensuelle.
Troisièmement, il est des Etats qui ouvrent le secteur du pétrole
à la concurrence. Autrement dit, l'État participe davantage aux
consortiums (le Tchad et le Cameroun participent ainsi aux côtés
des compagnies multinationales à l'exploitation du pétrole
tchadien). La situation de monopole d'une entreprise étrangère
(Elf au Congo, Gabon, Cameroun ; firmes américaines en Angola)
commence à être rare et les partenaires se diversifient (Nigeria).
Les relations entre les compagnies pétrolières et l'État
ont commencé à changer au Congo avec le passage du régime
de concession aux contrats de partage de production164. Enfin, on
assiste dans certains Etats à la promotion des liens entre les
compagnies pétrolières et le reste de l'économie.
162 Christine ROSELLINI, << la répartition de la
rente pétrolière en Afrique centrale : enjeux et perspectives
», in Afrique contemporaine, n°216, 2005, p. 125 à
138.
163 Sur les fondements et les modalités de gestion des
10% pour les générations futures, lire notamment Benoît
MASSUYEAU et Delphine DORBEAU-FALCHIER, << Gouvernance
pétrolière au Tchad : la loi de gestion des revenus
pétroliers », in Afrique contemporaine, 2005/4
(n°216).
164 Idem, p. 27 et suiv.
Section 2. Les dimensions militaires de
sécurisation et leur mise en oeuvre par les
Etats du golfe de Guinée
Si la sécurité nationale est foncièrement
une question d'Etat, la complexification des relations internationales pousse
celui-ci à prendre en compte aussi bien les dynamiques de dedans que les
dynamiques de dehors. L'Etat s'insère désormais dans une nouvelle
logique sécuritaire, celle de la sécurité avec les
autres.
Paragraphe 1. Les initiatives nationales de
sécurisation
Chaque Etat du golfe de Guinée développe des
logiques très poussées pour sa sécurité. Chaque
Etat essaie de (ré) construire une image de ses forces de
sécurité et de défense suivant une catégorie bien
précise.
A. La reconsideration de la sécurité
nationale des Etats dans le golfe de Guinée
Chaque Etat développe une doctrine militaire par
rapport à son environnement interne et externe. En effet, depuis les
indépendances, la plupart des Etats africains insistent sur la dimension
de l'intégrité de leurs frontières par leurs
armées. Mais, il faut noter que la trajectoire historico-politique de
chaque Etat conditionne l'importance qu'il accorde à son armée.
Il peut s'agir pour l'Etat de noter les types de menaces avérées
ou non auxquelles il fait face. Du coté des enjeux internes, on peut
avoir les rebellions, le banditisme urbain ou encore les violences
intercommunautaires. Du côté externe, on peut avoir les conflits
liés au territoire, la criminalité transfrontalière,
etc.
Dans une perspective comparative, Joseph Vitalis fournit une
analyse de la manière dont l'armée est pensée à
travers ses fonctions. D'abord, s'agissant de ía fonction de
confinement, les armées africaines oeuvrent pour la maîtrise
des pertes de substance, humaine et matérielle (pillage de l'Angola, du
Congo-Zaïre, de la Sierra Leone), le contrôle de l'entrée
d'éléments déstabilisants, seul moyen de briser la
solidarité transnationale des crises (Sahel/Sahara, Tchad/Darfour,
République centrafricaine/Sud-Soudan, arc de crise du golfe de
Guinée). Ensuite, on a l'acquisition du renseignement qui est
donc la deuxième mission de la force publique : donner au pouvoir
central les moyens de savoir et de comprendre. Puis, la
mission de contrôle des populations, la plus visible des
tâches de police, consiste à faire échec aux facteurs et
fauteurs d'insécurité, délinquants et criminels, au plus
tôt et au niveau de contrainte le plus faible. Aussi, note-il que les
armées peuvent certes agir hors du territoire national mais, en Afrique,
le caractère transnational des menaces appelle à une coordination
bi
et multilatérale des forces publiques de pays voisins,
par des opérations de maintien de la paix ou la création de
forces sous-régionales, plutôt que par l'action offensive ou
défensive de moyens de combat165.
Nous devons comprendre que les doctrines sont très
souvent mises à mal par les réalités quotidiennes soit par
les comportements au sein même des Etats-majors, soit par les logiques
internes et externes aux Etats qui sans cesse menacent leur
souveraineté. Souvent aussi, on voit des confusions entre armées,
police et gendarmerie surtout dans les Etats comme le Tchad où le visage
social des forces de sécurité s'est considérablement
dé/socialisé, déshumanisé voire même
décivilisé.
Mais, en gros, ce qui structure la pensée
sécuritaire en Afrique aujourd'hui peut être résumé
en quelque points : démocratisation du secteur de la
sécurité et de la défense, adaptation des forces
armées au nouvel environnement de la sécurité et aux
nouvelles missions d'interposition sur le théâtre
d'opération sous-régionale, une restructuration conjoncturelle au
service de la sécurité du régime et non de la
sécurité de l'Etat, la formation et l'entrainement des forces de
police166.
B. L'impact des reformes du secteur de la
sécurité sur la gouvernance des Etats
C'est souvent fort de constats décevants du rôle
des corps de sécurité que les Etats africains se lancent dans
l'optique d'une réforme du secteur. Plusieurs réformes sont
envisagées. Les enjeux ont considérablement changé et les
Etats optent pour des corps bien formés à même de
répondre aux conflits internes et externes. Les premières
reformes permettent d'abord de répondre aux logiques sécuritaires
internes, ensuite, il s'agit d'avoir des forces de défense et de
sécurité aptes à coïncider avec les crises des
sous-régions. À cela s'ajoute l'existence des dispositifs
régionaux de gestion de crises qui reposent sur une logique aussi bien
diplomatique que militaire. Il s'git de républicaniser les
armées. Axel Augé dit, justement, que « l'armée
n'est pas un isolat social. L'armée et les forces de
sécurité sont dans la société tout comme la
société est dans l'armée
»167.
165 Joseph VITALIS, << La réforme du secteur de
sécurité en Afrique : Contrôle démocratique de la
force publique et adaptation aux réalités du continent »,
in Afrique contemporaine - Printemps 2004.
166 Axel AUGÉ, << Les réformes du secteur
de la sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne
: vers une institutionnalisation de la gouvernance du secteur
sécuritaire », in Afrique contemporaine - Printemps 2004,
p.125.
167 Ibidem.
Il s'agit en un mot de rendre les armées plus
performantes. Pour de nombreux Etats, notamment, pétroliers du golfe de
Guinée, il faut augmenter les dépenses dans le
secteur168. L'exemple du Tchad est d'une grande importance dans
cette analyse. Alors que le Fonds Monétaire International reproche
à l'Etat tchadien de maintenir ses dépenses militaires à
un niveau trop élevé, alors même que ses recettes
pétrolières sont en baisse, ce qui crée un déficit
budgétaire représentant 20 % du Produit Intérieur Brut, le
président Idriss DEBY ITNO justifie.
De 2005 à 2009 nous avons effectivement
consacré à notre armée presque autant de ressources
qu'à notre développement. Nous n'avions, hélas, pas le
choix. Avant le conflit avec le Soudan, l'armée tchadienne ne comptait
pas plus de 25 000 hommes, contre plus de 8 0000 aujourd'hui, auxquels
s'ajoutent les multiples équipements qu'il nous a fallu acquérir.
Si nous n'avions pas consenti a cet effort exceptionnel, on ne parlerait plus
du Tchad aujourd'hui. Mais si nos amis du FMI et de la Banque mondiale
étaient objectifs, ils reconnaîtraient que, depuis 2003, ce que
nous avons dépensé pour la santé, l'éducation et
les infrastructures est dix fois, cent fois supérieur a nos
dépenses militaires169.
Les Etats en augmentant les dépenses prétendent
aussi professionnaliser leurs armées et à les socialiser. C'est
dans cette optique que les propos du Président tchadien permettent de
comprendre en substance que l'armée, entre 2005 et 2009, a crée
55 000 emplois.170 Le constat est que l'augmentation des
dépenses dans le domaine de la sécurité et de la
défense, notamment, n'est pas synonyme de performance de l'armée
ou de la police. Encore faut-il prendre en compte les sous-secteurs dans
lesquels on investit. Une étude consacrée à
168 Les dépenses militaires sont une évaluation
des sommes attribuées que les gouvernements attribuent à des fins
militaires. Ces dépenses permettent d'évaluer la priorité
donnée aux moyens militaires d'assurer la sécurité, selon
la façon qu'a chaque gouvernement d'évaluer la
sécurité nationale, ou d'atteindre d'autres types d'objectifs
nationaux définis dans les doctrines de sécurité
nationale.
169 << Les vérités d'Idriss Deby Itno »,
interview du 27/04/2010, Jeune Afrique, disponible sur le site de jeune
Afrique.
170 Soit presque deux fois l'effectif du reste de la fonction
publique nationale. Ces reformes ont produit un << effet pervers »;
l'armée tchadienne semble être une troupe
incontrôlée, omniprésente dans les villes et les quartiers,
notamment a N'Djamena, et dont on ne distingue plus clairement ni les grades ni
les corps. Elle semble se construire par empilements successifs de rebelles
ralliés au gré des stratégies changeantes de leurs chefs,
sans aucune planification de l'état-major, ni intégration
véritable du commandement et des hommes. International Crisis
Group, << Tchad : un nouveau cadre de résolution du conflit
», Rapport Afrique, N°144 - 24, septembre 2008.
l'efficience des dépenses militaires dans 37 Etats
africains dont l'ensemble de ceux du golfe de Guinée conclut que :
les résultats obtenus après estimation des
scores d'efficience des dépenses militaires indiquent qu'en moyenne, les
gouvernements africains sont très peu efficients en ce qui concerne les
services de défense. Toutefois, les résultats indiquent aussi que
les inefficiences observées en Afrique ne sont pas liées au
niveau des dépenses allouées, mais plutôt sont la
résultante de l'allocation sous-optimale des ressources dans les
dépenses publiques171.
Les indicateurs sociaux ne pas positifs non plus. Les Etats
qui allouent des grosses sommes aux dépenses de sécurité
présentent des indicateurs sociaux moins satisfaisants en Afrique.
L'étude dont nous faisons écho souligne aussi qu' à partir
d'une comparaison des indicateurs sociaux dans les pays à des niveaux
différents de revenus, les auteurs concluent que des dépenses
publiques élevées n'améliorent pas significativement le
bien-être social. Le message central de cette partie est qu'augmenter les
allocations budgétaires pour la défense n'est pas le moyen le
plus efficace pour accroître les outputs économiques et sociaux en
Afrique, et qu'une attention plus soutenue doit être accordée
à améliorer l'efficience des dépenses
militaires172. Au contraire, les Etats sont militarisés. Il
se « crée des principautés fondées
essentiellement sur la force des armes et le jeu d'influence des puissances
protectrices ou conquérantes. Le trait politique dominant devient alors
l'instabilité. Car, tout changement d'intérêt ou de
rapports de forces au sein de la coalition des Etats protecteurs
déclenche systématiquement des rebellions
»173. L'enjeu des reformes sécurité devient,
de ce fait, politique. Les Etats engagent des réformes destinées
d'abord au renforcement de la subordination de l'armée aux
autorités politiques civiles puis à la modernisation du secteur
de la sécurité. C'est l'exemple du Bénin. Ceci donne lieu
à des réformes centrées sur la reconstruction du secteur
de la sécurité et de la défense, comme en Côte
d'Ivoire, ou plus récemment au Togo. La régionalisation devient
tout au moins important pour les Etats du golfe de Guinée, au vu de flux
transnationaux.
171 Thérèse Félicitée AZENG,
« Dépenses militaires, gouvernance et efficience économique
: le cas de l'Afrique sub-saharienne », Mémoire de Diplôme
d'Etudes Approfondies (DEA) en Sciences Economiques, Macroéconomie
appliquée, option Finances Publiques, Université de
Yaoundé 2-Soa, 2007, p.42.
172 Ibidem.
173 Wullson MVOMO ELA, op.cit., p. 29.
Paragraphe 2. Les initiatives sous-régionales ou
comment la sécurisation
convoque la « gouvernance collective
»
Pour faire face aux enjeux sous-régionaux et afin de
répondre toujours à leurs logiques sécuritaires, les Etats
du golfe de Guinée optent aussi pour une sécurisation
collective.
A. La question de la coopération
sous-régionale et les limites de la CGG
La création d'une entité régionale
rassemblant les pays producteurs est un atout pour consolider leur poids sur la
scene internationale. Cette coopération apparaît d'autant plus
importante qu'elle permet aux différents pays riverains de créer
des mécanismes nécessaires pour mieux profiter des énormes
rentes de la vente du pétrole et d'établir des projets de
développement favorisés par l'affluence massive de capitaux
étrangers. Elle pourrait, en outre, permettre aux producteurs de
négocier l'octroi de nouvelles concessions contre une réduction,
voire une annulation de leurs dettes extérieures. De plus,
l'augmentation récente du prix du baril pousse les Africains à
renforcer leur coopération régionale pour profiter de la manne
pétrolière et revitaliser l'Association des producteurs de
pétrole africains.
La problématique d'un regroupement des Etats du golfe
de Guinée ne date pas d'aujourd'hui. Selon de Albert Didier
Ogoulat174, à quelques exceptions près, tous les Etats
du golfe de Guinée ont oeuvré, dès 1972 à
Yaoundé, au Cameroun, à la mise au point de la vision africaine
du droit de la mer. Ayant signé l'acte final de la Convention de Montego
Bay, ils ont, depuis 1983, presque tous ratifié ladite Convention
entrée en vigueur en novembre 1994. Au plan sous-régional, ces
Etats sont tous membres, au moins depuis 1975, de l'OMAOC (Organisation
Maritime pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre) qui se préoccupe de
l'harmonisation des politiques maritimes pour les pays de la range maritime
atlantique centreorientale.
Entre temps, les enjeux énergétiques ont
considérablement évolué. De ce fait, les pays riverains du
golfe de Guinée se sont déjà dotés d'un instrument
plus spécialisé de coopération, la commission du golfe de
Guinée dont le rôle consiste à étudier les voies et
moyens susceptibles de préserver la paix, la sécurité et
la stabilité dans cet espace, d'instaurer un climat de confiance et de
compréhension, de coordonner et d'intensifier leur coopération et
de prévenir d'éventuels conflits. Il s'agit pour eux de
défendre leurs intérêts communs, de surmonter les conflits
éventuels sur la délimitation des eaux territoriales et de
préserver la paix. « Des progrès ont été
réalisés dans le cadre de ce nouveau mécanisme mis
à contribution pour
174 Albert Didier OGOULAT, op. cit, p.10.
la résolution de conflits frontaliers entre le Congo
et l'Angola ou Saõ Tomé et Principe contre le
Nigeria»175.
Des difficultés subsistent, en ce moment, sur
l'effectivité des programmes de cette commission. Plusieurs obstacles se
posent: les différends frontaliers entre Etats, les conflits internes,
le leadership sous-régional, la jeunesse relative de l'institution.
Depuis sa création, la commission n'a pas véritablement fait
fonctionner ses institutions. Le but du sommet de Luanda du 25 novembre 2008
était de rendre opérationnel ces institutions, à travers
les textes statutaires et la mise en place d'un nouveau secrétariat
exécutif, chargé d'harmoniser l'action de la commission avec les
autres organisations sous-régionales, notamment en matière de
sécurité176. Il n'en demeure pas moins que l'existence
d'autres organisations sous-régionales dans le même espace
géographique peut concourir à confondre les politiques de
sécurisation. A défaut, chaque organisation c'est à dire
CEEAC et la CEDEAO travaille dans l'espace relevant de sa compétence.
B. Les mécanismes et instruments
sous-régionaux de sécurisation : la CEEAC et la
CEDEAO au service de la CGG
La CGG, n'ayant pas de mécanismes spécifiques,
se base pour le moment sur les instruments et mécanismes de la
CEDEAO177 et de la CEEAC. La CEEAC a un rôle institutionnel
dans la sécurisation du golfe de Guinée. Sa feuille de route sur
les questions de paix et sécurité révèle
qu'elle « doit renforcer sa capacité de mener des actions
multidimensionnelles de préservation et de sécurisation du Golfe
de Guinée aux fins de l'exploitation pacifique et durable de ses
ressources, en collaboration avec d'autres acteurs de la sous-région
»178.
La CEEAC a créé, en 1999, un Conseil de paix et
de sécurité de l'Afrique centrale (COPAX) qui a pour mandat de
prévenir et résoudre les conflits et de mener les actions
nécessaires à la consolidation de la paix et de la
sécurité. Le COPAX est l'organe de concertation politique et
sécuritaire des États membres. De même que le Protocole du
CPS, le Protocole relatif au COPAX marque une mutation normative à
l'échelle de la région en
175 Etanislas NGODI et Mathias-Eric OWONA NGUINI « Le
pétrole off-shore comme ressource stratégique en Afrique centrale
: une richesse au coeur des tensions frontalières et des appétits
», in Enjeux, n°26, Mars 2006, p.12.
176 Il s'agit du deuxième sommet de Chefs d'Etat
après 2001.
177 Le seul Etat de l'Afrique de l'Ouest qui appartient
à la Commission du golfe de Guinée est le Nigéria.
Fondamentalement les mécanismes de la CEDEAO ne visent pas
expressément la sécurisation de la région. Mais puisque le
golfe de Guinée dépasse le cadre des Etats reconnus comme membres
de la commission, les mécanismes de la CEDEAO lui profitent par
défaut.
178 CEEAC, Feuille de route« paix et
sécurité » de la CEEAC, Pour discussion au
séminaire Afrique Centrale, PIR 10ème FED, Bruxelles, du 30
septembre au1er octobre 2009, p.12.
intégrant comme principes la protection des droits et
libertés fondamentales et de la légalité institutionnelle
dans chaque Etat. Le COPAX est compétent pour traiter aussi bien des
conflits interétatiques que des conflits internes. Il est appuyé
par une structure de préparation des décisions, la Commission de
défense et de sécurité (CDS)179.
Par ailleurs, notons que le Protocole du COPAX prévoit
la mise en place d'un Mécanisme d'alerte rapide de l'Afrique centrale
(MARAC) chargé d'informer et d'alerter les instances
décisionnelles aux fins de la prévention des crises, ainsi que
l'établissement d'une Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC)
capable d'appuyer l'action politique et diplomatique de la Communauté
par des déploiements de terrain. Le MARAC fait partie intégrante
du Système Continental d'Alerte Précoce (SCAP) avec lequel il
doit être capable d'interagir de manière dynamique. La FOMAC
s'inscrit dans le cadre de la Force Africaine en Attente (FAA). Ainsi, la
première brigade régionale est-elle l'un des cinq piliers de la
FAA tels que conçus par les Feuilles de route successives de l'UA (2005,
2008)180. Ses objectifs de capacité qualitatifs et
quantitatifs, procédures, doctrines, etc. sont définis dans le
cadre des travaux effectués au niveau continental afin de lui permettre
d'être pleinement interopérable avec les brigades mises en place
par les autres CER.
S'agissant de la CEDEAO, les initiatives en matière de
sécurité commune sont plus anciennes. En effet, trois ans
après la création de l'organisation à l'initiative du
Nigéria et du Togo, a été signé un Protocole de
non-agression, lors du Sommet de Lagos en août 1978, qui prescrit aux
États membres de « s'abstenir de menace et d'usage de force ou
d'agression »181 les uns envers les autres et
prévoyant que « toute dispute qui ne peut être
réglée de manière pacifique entre les États membres
sera soumise à un comité de la Communauté
»182. Ensuite, un Protocole concernant l'Aide
Mutuelle à la Défense (PAMD) a été signé par
treize des seize Etats membres de la Communauté à Freetown en
Sierra Leone le 29 mai 1981 et entré en vigueur cinq ans plus tard. Le
PAMD engage les Etats membres de la CEDEAO par un traité collectif de
défense qui accepte qu'une menace armée ou une agression contre
l'un des Etats constitue une menace ou agression contre la Communauté et
s'engage à donner une aide et une assistance mutuelle pour la
défense. Le Protocole prévoit une réaction collective dans
le cas
179 Idem, p.4.
180 Ibidem.
181 CEDEAO, Protocole de non-agression de la CEDEAO,
août 1978, p.3.
182 Ibidem.
où un Etat membre est victime d'un conflit armé
intérieur. Dans ce cadre sont aussi créées les Forces
Armées Alliées de la Communauté (FAAC).
Le 10 décembre 1999 a été adopté
un Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la
sécurité dans la sousrégion. En mai 2000, à
Monrovia a été lancé le Conseil de Sécurité
et de Médiation du Mécanisme, qui peut autoriser toute forme
d'intervention, y compris la décision de déployer des missions
politiques et militaires, informer les Nations unies et l'Union africaine de
ses décisions, fournir et réviser les mandats et nommer les
commandants des forces. Le Conseil supervise les activités de plusieurs
organismes. La Commission pour la Défense et la Sécurité
qui a pour activités d'examiner toutes les questions techniques et
administratives et d'estimer les besoins logistiques pour les opérations
de maintien de la paix. Le Conseil des Sages, nommé par le
Secrétaire exécutif pour promouvoir une diplomatie de
prévention dans la région. Le Centre d'Observation et de
Contrôle d'Alerte Précoce qui est le coeur du Mécanisme
d'Alerte Précoce de la CEDEAO avec quatre zones d'observation et de
contrôle dans la sous-région. Enfin, on a l'ECOMOG183
qui est le groupe de contrôle de la CEDEAO.
A mettre les mécanismes de la CEEAC aux
côtés de ceux de la CEDEAO, on se retrouve devant des nombreux
mécanismes dont les rôles se confondent. On dira comme Chantal
Belomo que « sur le plan pratique, la pléthore d'institutions
de défense énonce l'aporie de leur cohérence
»184. Elle souligne d'ailleurs que la paix et la
sécurité que tentent de construire les mécanismes
régionaux et sous-régionaux souffrent de la faiblesse du
régionalisme et du multilatéralisme. Cette faiblesse est due
à la construction autoritaire, hégémonique des
systèmes étatiques, au repli, aux égoïsmes nationaux
et au refus de l'émergence des hommes charismatiques sur le plan
régional. Ce d'autant plus que la construction d'une ou de plusieurs
puissance(s) continentales pourrait opérer un « checks and balances
» et obstruerait à cet effet les ambitions de projection des
grandes puissances, ce qui par ailleurs est aux antipodes de leur politique de
domination185.
La solution viendrait peut être des mesures nouvelles.
Pour prévenir les conflits liés aux ressources naturelles en
Afrique centrale, Joseph Vincent Ntuda Ebode recommande par exemple la
détermination et la délimitation des frontières non encore
précisées. Ensuite, souligne-t-il qu'il serait intéressant
de mettre en oeuvre une évaluation aussi précise
183 L'ECOMOG s'est illustré dans des nombreux conflits en
Afrique de l'Ouest (Libéria, Sierra-Leone, GuinéeBissau,
Côte-d'Ivoire).
184 Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op. cit.,
P.218.
185 Ibidem.
que possible des superficies et des quantités de
ressources naturelles en jeu dans les zones transfrontalières. Aussi,
conviendra-t-il de ne pas oublier l'examen des leçons
d'expériences positives, en Afrique centrale et au-delà, de
gestion commune transfrontalières des ressources naturelles et
l'implication de tous les acteurs locaux qui ont un intérêt
premier à une exploitation économiquement et
écologiquement équilibrée des ressources naturelles des
régions qu'ils habitent186. Une telle solution peut
être étendue au golfe de Guinée.
C. La coopération sécuritaire
internationale comme solution aux apories des initiatives
sous régionales : l'entrée en jeu des
Etats-Unis
Les Etats du golfe de Guinée peuvent miser sur les
coopérations qu'ils développent avec des partenaires, les grandes
puissances notamment. Cette option permet aux Etats de la région de
bénéficier des moyens colossaux dont disposent les grandes
puissances. A part la France présente historiquement dans cette zone,
les Etats-Unis proposent une aide dans ce sens. Ainsi, des sources officielles
américaines, le Commandement pour l'Afrique est un état majeur
avec la responsabilité de coordonner et de gérer des programmes
qui permettra aux gouvernements africains et aux organisations
régionaux, tels que l'African Standby Force, d'avoir des plus grandes
capacités sécuritaires et de pouvoir répondre en
période du besoin. Le Commandement pour l'Afrique continuera les
activités de coopération de sécurité
déjà en cours, et pourra mieux coordonner l'appui
américain avec le département de la défense et avec
d'autres agences gouvernementales américaines pour rendre ces
activités plus efficaces.
D'autres puissances, hormis les Etats-Unis oeuvrent pour la
coopération bilatérale avec chaque Etat de la région en
matière de sécurité et de défense. La France est
certainement une des plus anciennes dans le domaine. Cette coopération
suit l'histoire politique contemporaine des Etats francophones du golfe de
Guinée, de l'Afrique en général. Mais cette option, si
elle est avantageuse pour les parties, pose aussi des gros problèmes
dans le contexte actuel où les Etats africains devraient chercher par
tous les moyens à affirmer leur indépendance même dans le
domaine sécuritaire. En occupant les eaux internationales au large de
l'Afrique, des pays comme le Royaume-Uni et la France ont élargi leur
territoire national et ils manifestent quotidiennement leur puissance et leur
capacité de dominer l'Afrique. Quelle sera la marge de pouvoir des
armées africaines si elles doivent être financées et
équipées par des étrangers.
186 CEEAC, Rapport de la réunion des experts,
Conférence sur les problèmes de sécurité
transfrontalière en Afrique centrale, 4-5 septembre 2007,
Yaoundé, Cameroun.
* * *
Les enjeux propres aux Etats, pris isolement, ou à la
sous région, prise comme bloc géographique, ou encore liant les
deux à la fois, poussent les entités étatiques à
développer des initiatives de sécurisation. La
sécurisation leur permet, non seulement, de se construire mais aussi de
la dimension de la gouvernance de la rentre pétrolière. La
sécurisation apparait comme un enjeu de paix dans la sous-région.
Mais la mise en oeuvre de cette sécurisation dépasse le cadre
d'un seul Etat, ce qui pousse les uns et les autres vers des regroupements
sous-régionaux. Ces regroupements, même si elles ont des
instruments en matière de sécurisation, présentent
quelques limites dues à certaines rivalités et
l'opérationnalité des moyens déployés. Comme telle,
la coopération avec les grandes puissances devient une alternative. Sauf
que cette option se présente comme de un moyen de domination par ces
puissances étrangères.
CHAPITRE 4
LA VISION AMERICAINE DE LA SECURISATION DU GOLFE DE
GUINEE : UN ENJEU MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE NATIONALE
Au-delà des aspects purement économiques et
financiers, ce «remodelage» discret mais méthodique de la
carte des approvisionnements pétrolier répond à une
préoccupation de puissance et de
sécurité187.
L
'intérêt national, comme on le sait, peut
être poursuivi hors du territoire de l'Etat. Comme tel, l'importance du
golfe de Guinée dans la pétro stratégie des Etats-Unis
doit amener Washington à faire de la région, une zone
sécurisée. Sous-région à forts enjeux
énergétiques, le gouvernement américain voit aussi dans le
golfe de Guinée une région qui doit répondre à sa
stratégie de sécurité nationale. Au-delà des
aspects purement économiques et financiers qui structurent la
présence de Washington dans le champ du pétrole africain, il
s'agit d'un projet de projection de puissance188.
Sécuriser le golfe de Guinée consiste pour les
Etats-Unis à contrôler les routes des approvisionnements en
énergie et à se stationner militairement d'une part (section1).
D'autre part, la sécurisation donne une lecture qui dépasse le
champ discursif de la lutte contre le terrorisme. Elle concoure à la
logique sécuritaire des Etats-Unis post-guerre froide et
particulièrement post 11 septembre qui consiste à dire que les
maladies, les guerres et la pauvreté dite
désespérée de l'Afrique ne menacent pas seulement
la guerre contre le terrorisme, mais également une des valeurs
fondamentales de la sécurité nationale américaine à
savoir la préservation de la dignité humaine. Cette
dernière approche est une vision qui intègre
l'hégémonie dans la logique de sécurité nationale
des Etats-Unis (section2).
187 Wullson MVOMO ELA, op. cit., p.14.
188 S'il est vrai que les Etats-Unis utilisent plusieurs
moyens (politique, économique ou encore militaire) pour se projeter dans
le golfe de Guinée, il faut noter que l'Afrique prend une importance
dans les milieux de formations intellectuelles des doctrines
géostratégiques. Dans ce sens, est mis sur pied le Centre
africain d'études stratégiques - African Center for Strategic
Studies (ACSS) - qui est une branche de l'Université nationale de
défense du Pentagone. Cette institution académique, crée
en 1999, fournit un enseignement destiné à du personnel militaire
de haut niveau, mais aussi à des leaders civils (responsables politiques
ou associatifs, chefs d'entreprise, etc.). Les programmes traitent des
relations civilo-militaires, de la sécurité nationale, de
l'économie de la défense, etc. Voir : Pierre ABRAMOVICI «
Conseillers spéciaux, coopération technique, accords tous azimuts
: Activisme militaire de Washington en Afrique », in Le monde
diplomatique, Juillet 2004.
Section 1 : La sécurisation du golfe de
Guinée comme moyen de sécuriser les approvisionnements
énergétiques et de pré positionnement des
Etats-Unis
Le positionnement des troupes américaines à
travers le monde n'a pas toujours eu comme premier objectif la
sécurisation des routes d'approvisionnement des hydrocarbures (comme en
l'Asie Centrale). Mais, il n'en demeure pas moins que la présence
militaire américaine représente un atout stratégique
primordial et offre aux Etats-Unis le monopole de cette sécurisation.
Depuis le 11 septembre 2001, les discours officiels américains percevant
les menaces contre la sécurité nationale sur tous les points du
globe, on arrive à une sécurisation, non plus par défaut,
mais obligatoire. Toutefois dans le golfe de Guinée, la
sécurisation prend, a priori, deux aspects primordiaux à savoir
les approvisionnements et le pré positionnement.
Paragraphe 1 : Sécuriser les
approvisionnements
Il est admis, en général, que la
sécurité des approvisionnements constitue le deuxième
pilier de la géopolitique mondiale du pétrole189. En
effet, on peut affirmer que toute stratégie d'approvisionnement
relève d'une représentation géopolitique
particulière. Ainsi, les EtatsUnis ont une vision mondiale de
l'approvisionnement, d'où leurs efforts, depuis les années 80,
pour favoriser la diversification, et donc la mondialisation, du marché
qui passe par une dimension militaire très forte190.
Aujourd'hui, l'Afrique pourrait éventuellement avoir un rôle
central dans le développement du terrorisme international. Les
motivations, les moyens et les cibles sont bien là. Mieux, le continent
présente à la fois un environnement favorable et un vaste champ
d'action pour tous ceux qui voudraient s'y attaquer aux Etats-Unis et au
système mondial191. Pour ce faire, il convient fortement de
sécuriser les installations ainsi que le personnel.
A. La sécurisation des installations
Les installations sont les aspects les plus visibles d'une
présence économique. Comme telles, elles méritent
d'être sécurisées. A ce niveau il se passe comme une
sous-traitance. Tantôt l'armée américaine passe par les
armées nationales tantôt elle passe par les compagnies de
sécurité privées.
189 Le premier aspect communément admis étant la
production dont nous avons mention dans la première partie de ce
travail.
190 Atelier énergie 2004-2005, Fiche
introductive 0.01, « Quelle approche adopter face au risque de rupture
d'approvisionnement en Europe ? », p.2.
191Jakkie CILLIERS, « L'Afrique face au
terrorisme », in Afrique contemporaine - Printemps 2004.
1. La sécurisation des
pétroliers
La piraterie dans les eaux du golfe de Guinée peut
être utilisée comme techniques par les terroristes pour s'attaquer
aux pétroliers. Cependant, un pétrolier n'apparaît pas
comme une cible facile. Il ne peut être attaqué que dans une zone
géographique réduite (rade, port, détroit). En outre,
« le système de la double coque ainsi que le compartimentage
des supers tankers, oblige les terroristes à se doter de moyens
importants si leur objectif est de couler le navire, ou tout du moins qu'une
partie de sa cargaison se déverse »192. Aussi, le
pétrolier n'est peut-être pas la cible idéale pour
provoquer le plus de dégâts possibles : l'attaque d'un
méthanier, d'un propanier ou d'un butanier aurait des
conséquences bien plus importantes car ces produits sont explosifs. Du
point de vue économique, l'attaque d'un pétrolier n'a que de
faibles conséquences et aucun effet sur le commerce mondial (un
pétrolier ne représente que 2 millions de barils, à
comparer aux 900 millions dont disposent les pays occidentaux en
stock)193.
Dans le golfe de Guinée, et le delta du Niger en
particulier, les populations locales constituent une source essentielle de
terrorisme local. Elles voient dans l'action terroriste le moyen ultime de
faire valoir leurs revendications politiques, notamment pour une meilleure
redistribution des bénéfices tirés de l'exploitation des
ressources énergétiques. Ces actions permettent également
de faire pression sur les compagnies pétrolières
étrangères afin que celles-ci emploient de la main d'oeuvre
locale ou versent des compensations pour les dommages environnementaux qu'elles
causent. Par les sabotages ou prises d'otages, les populations locales veulent
obliger les majors à négocier de nouveaux accords. Le cas du
Nigéria est certainement le plus édifiant dans la
sous-région. Les communautés des régions du Sud et du
Sud-est du Nigéria occupent un territoire qui dispose des ressources
rares ou mieux pertinentes. Selon les archétypes dominants de la zone,
le territoire et ses ressources sont perçus soit comme un don de Dieu en
faveur des autochtones, soit comme un legs des ancêtres194. Le
Nigéria n'est un cas isolé. Ces derniers mois, l'Angola, le
Cameroun, la Guinée-équatoriale et le Gabon ont connu des
attaques ciblées ou des menaces d'attaque liées
192 Atelier énergie 2004-2005, Fiche 1.1, «
Description des cibles potentielles des terroristes », p. 1.
193 Ibidem.
194 Léopold Maxime EKO EKO, op. cit.,
consulté le 29 novembre 2009, 15h.
aux ressources pétrolières. A cela s'ajoutent des
enlèvements et des attaques récurrents des navires voués
à l'exploration et à l'exploitation
pétrolières195.
Quoiqu'il en soit, le gouvernement américain met en
oeuvre des mécanismes sécuritaires afin d'éradiquer toute
attaque terroriste qui pourrait affecter les installations de ses compagnies
pétrolières. S'agissant particulièrement du golfe de
Guinée, « la tentative de coup d'état à
Sao-Tomé-Et-Principe a fourni aux Etats-Unis un motif pour
déployer des forces militaires sur l'archipel et sécuriser les
eaux profondes du Golfe riches en hydrocarbures que ce petit pays partage avec
la Guinée-Équatoriale et le Nigeria
»196. Pour les Etats-Unis, les plateformes en mer
peuvent être plus efficacement sécurisées par la marine
américaine. Estanislas Ngodi et Mathias Eric Owona Nguini analysent
cette posture à partir des avantages que présente la
géographie physique du golfe de Guinée.
Les Etats de l'Afrique centrale disposent de champs
pétrolifères facilement réliables aux routes maritimes qui
les achemineraient vers les marchés américains. C'est ainsi que
la localisation des puits de pétrole angolais situés en mer est
extrêmement avantageuse au plan sécuritaire et économique.
Une fois le tanker rempli de sa cargaison, la ligne océanique
Angola-Etats-Unis est directe en haute mer. La zone marine au golfe de
Guinée, ot) se situent les Etats pétroliers d'Afrique centrale
dont les plus en vue s'appuient sur le pétrole off-shore, paraît
moins exposée aux menaces terroristes susceptibles de menacer les points
de passage stratégiques des pétroliers considérés
comme zones névralgiques depuis le 11 septembre
2001197.
L'administration américaine s'est donnée pour
objectif de mettre, de manière offensive, ses capacités de
renseignement au service des entreprises et d'organiser l'environnement des
informations. Ainsi, les services de « contre-intelligence >> sont
dorénavant directement impliqués dans les activités
commerciales et industrielles. Aussi, la présence américaine est
un moyen par ricochet de sécuriser l'approvisionnement de ses
partenaires stratégiques. Cette hypothèse s'est
vérifiée en d'autres endroits de la planète où
les
195 << Golfe de guinée : enjeux sécuritaires
autour du pétrole >>, disponible sur
http://www.lesafriques.com/actualite/golfe-de-guinee-enjeux-securitaires-autour-du-petrole.html?,
consulté le 13 avril 2009, 11h.
196 << Le monopole de sécurisation des routes
d'approvisionnement énergétique par les militaires
américains >>, in Atelier énergie 2004-2005.
197 Estanislas NGODI et Mathias Eric OWONA NGUINI, op. cit.,
p.13. Voir en ce sens, annexe carte du golfe de Guinée,
(p. B du présent document).
Etats-Unis ne se limitent pas à la propre
sécurisation de leurs approvisionnements. Ils prennent également
en charge la sûreté des flux à destination de pays
consommateurs placés en dehors des routes d'approvisionnement
américaines : le Japon, la Chine, et la Corée du Sud entre
autres. En effet, devant la montée des périls menaçant le
détroit de Malacca (13% du ravitaillement mondial en pétrole y
transite), tels que la piraterie ou le terrorisme ; plusieurs bases
américaines ont été installées dans la
région (notamment aux Philippines)198.
2. La sécurisation des installations
terrestres
Les installations terrestres sont plus facilement attaquables
par les terroristes. Qu'il s'agisse des pipelines, des sites de stockages ou
même de tous autres emplacements stratégiques situés sur
les parties continentales des pays producteurs de pétrole. S'agissant
des pipelines, lorsqu'il est en surface, constitue une cible beaucoup plus
facile à atteindre qu'un super tanker dans la mesure où son
parcours est connu. Selon l'atelier-énergie, « les attaques
réalisées sur un pipeline peuvent prendre plusieurs formes. En
premier lieu, l'explosion d'une section du pipeline par le biais d'une bombe
peut provoquer des pertes économiques ou en vies humaines (l'explosion
d'un oléoduc en Colombie en 1998 a fait 70 morts). En second lieu, des
sabotages permettent de détourner une partie du produit, qui est ensuite
revendu sur le marché noir »199. Cette
seconde option est fréquente dans certaines localités du golfe de
Guinée. Dans le sud et sud est nigérian, les mouvements rebelles
du delta du Niger utilisent fréquemment cette méthode de sabotage
pour perturber l'activité des productions pétrolières. Les
conséquences sont alors nombreuses et fâcheuses.
Une attaque pourrait également être
dirigée contre des sites de stockages stratégiques mais demeure
cependant extrêmement difficile à mettre en oeuvre. En revanche,
l'attaque d'un port paraît plus réalisable notamment en utilisant
un tanker comme bélier. Les répercussions d'un tel acte seraient
considérables, aussi bien du point de vue humain (perte de vies
importante), qu'économique (fermeture du port, destruction des
infrastructures, endommagement d'autres navires, etc.). De la même
manière, les usines de regazéification situées en pays
consommateurs et très explosives sont très sensibles.
Souvent la sécurisation est faite soit directement par
l'armée américaine, soit par l'entremise des armées
nationales. Mais les armées des Etats du golfe de Guinée ayant
des difficultés aussi bien dans leurs états-majors que dans leurs
fonctionnements, les Etats-Unis
198 Idem, p. 4.
199 Ibidem.
préfèrent sous-traiter avec des compagnies
privées de sécurité. C'est le cas au Nigéria, mais
surtout sur le pipeline Tchad-Cameroun qui est sous la surveillance de la
société française de sécurité privée
Géos200.
B. Sécuriser le personnel
Le personnel des multinationales pétrolières
peuvent aussi être des cibles potentielles des
actes de délinquance : les bureaux des dirigeants
placés dans les grandes villes, et surtout les raffineries. Dans cette
hypothèse les moyens utilisés sont différents de ceux
pouvant être utilisés dans les cas suscités. Les agents
chimiques et biologiques, au système de détection peu fiable,
à la faible « traçabilité » et aux
difficultés technologiques limitées, afin de tuer un nombre
élevé de personnes, grâce à leur capacité de
nuisance immédiate importante, en provoquant une désorganisation
de l'économie concernée.
Dans le golfe de Guinée, la zone la plus marquée
reste le delta du Niger. Les compagnies qui exploitent le pétrole dans
cette région interrompent constamment leurs activités parce que
justement leurs personnels sont souvent pris en otage.
Paragraphe 2 : L'opportunité d'un pré
positionnement américain dans le golfe de Guinée
La présence militaire américaine répond
à un besoin pressent de positionnement des soldats dans les quatre coins
du monde. Pour ce qui est du golfe de Guinée, il s'agit d'un pré
positionnement qui répond au besoin de pacification de la région
et à une logique sécuritaire globale basée sur
l'expansionnisme militaire.
A. L'expansionnisme militaire américain et son
prolongement en Afrique L'expansion est une expression forte de
la puissance militaire américaine. En effet,
elle permet non seulement de donner une dimension
internationale à l'armée mais favorise surtout le
développement économique. Ainsi, les dépenses militaires
constituent un antidote aux effets déstabilisateurs des
désaccords sociaux. La menace de guerre est un instrument de
stabilité des gouvernements et elles assurent l'allégeance des
citoyens à l'Etat201. Ceci explique l'attitude que les
Etats-Unis adoptent face à des menaces extérieures. En
réalité, les
200 Ce sont les arguments « pragmatiques » qui
visent particulièrement la réduction des coüts,
l'efficacité et la flexibilité qui ont justifié les
décisions prises ces dernières années, en particulier dans
les pays anglo-saxons, dans le domaine de la sécurité au sens
large (sécurité publique et armée). Ainsi, la
multiplication des acteurs privés de la sécurité est
également expliquée par un changement paradigmatique - du
gouvernement à la gouvernance - dans le domaine de la
sécurité internationale.
201 Lire, notamment, Jacques FONTANEL et Fanny COULOMB,
Galbraith, économiste de la paix, Paris, Collection «
innovations », L'Harmattan, 2005.
enjeux économiques deviennent fortement dépendants
des aspects militaires de la puissance américaine.
Les Etats-Unis sont présents militairement, directement
ou indirectement, dans le monde entier. Il est certain que la position
dominante des Etats-Unis constitue un atout majeur qui pourrait leur permettre,
à l'avenir, d'imposer leurs choix aux autres acteurs. Elle constitue, en
effet, un formidable moyen de pression et pourrait représenter une
véritable « arme économique » en cas de conflit avec
certains pays (la Chine par exemple).
En Afrique, l'expansion militaire américaine se confond
avec la politique de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit, avant tout, de
contrôler les sous-régions susceptibles d'être des
territoires propices aux terroristes, menaces à la
sécurité nationale des Etats-Unis. Il faut, pour ce faire,
convoquer les approches classiques de la géopolitique pour expliquer la
nécessité d'un pré positionnement américain en
Afrique du golfe de Guinée. Il existe trois types de puissances :
terrestre, maritime et nucléaire. Puisque la puissance terrestre a
cessé d'avoir une très forte influence au bénéfice
de la puissance maritime, eu égard à la capacité de
celle-ci d'être partout sans beaucoup d'entraves ; et étant
donné que la puissance nucléaire n'est possédée que
par quelques Etats, la puissance maritime reste, au bout de compte, celle que
recherche toute puissance moyenne. Les Etats-Unis, étant une
superpuissance, donc détenant tous ces types de puissance, envisage
renforcer leur présence dans les eaux du golfe de Guinée pour
contrer toute autre puissance. Ceci est d'autant plus stratégique
que « tout îlot qui est en dehors du continent et qui
émerge au-dessus de hautes mers et au-dessus des Océans est une
possession étrangère, de la même façon tous les
points stratégiques qui rapprochent l'Afrique des autres continents
appartiennent aux puissances étrangères et ils sont parmi les
endroits les plus surveillés du monde.»202 Les
Etats-Unis peuvent facilement contrôler les routes d'approvisionnement du
pétrole en provenance du golfe de Guinée. D'ailleurs, «
les eaux internationales autour de l'Afrique sont occupées par la flotte
des grandes puissances, car celui qui contrôle le rimland ou l'anneau
maritime autour du continent africain contrôle fatalement l'Afrique *...+
A cause de l'histoire des pays africains et de leur totale dépendance en
armements militaires, il suffi sait d'encercler le continent pour
contrôler facilement les pays, car il devient ainsi possible d'observer
tout ce qui y entre et tout ce qui en sort »203.
202 Fweley DIANGITUKWA, « la surveillance des côtes
d'Afrique centrale par des équipes de gardes-côtes : un
impératif pour la sécurisation maritime de la sous-région
» in Enjeux, n° 26, 2006, p. 26.
203 Ibidem.
Aujourd'hui, on assiste à l'érection de trois
sous-régions particulièrement
«intéressantes» pour la lutte contre le terrorisme
et, subséquemment, au déploiement et au contrôle par
l'armée américaine. En plus du golfe de Guinée, il faut
compter la Corne de l'Afrique et le Sahel-Sahara. Historiquement, la position
géostratégique de Djibouti a provoqué
l'intérêt des militaires occidentaux. Auparavant, cet Etat
n'abritait qu'une base française, née d'un accord de
coopération militaire entre les deux États, au lendemain de
l'indépendance du pays, en 1977. Selon la presse204, pour 30
millions de dollars par an, les américains louent, depuis septembre
2002, le camp Lemonnier, où ils ont installé près de 2 000
hommes, un poste de commandement et une << task force >>
chargée de contrôler le trafic maritime de la zone. L'objectif de
ce mécanisme est de couper les voies d'accès vers la Somalie,
pays sans État ni gouvernement, considéré comme la
tête de pont d'Al-Qaïda en Afrique orientale.
Dans le Sahel-Sahara205, les menaces viennent des
salafistes et d'autres mouvements islamistes. Pour ce faire, en attendant de
disposer d'une base dans la région, les américains ont
lancé une politique d'encadrement des forces gouvernementales. En 2003,
l'initiative Pan Sahel, un programme de formation
accélérée des armées subsahariennes (coût :
100 millions de dollars), a été lancée. En 2005,
l'initiative, désormais baptisée Fintlock, a été
étendue à trois pays maghrébins (Algérie, Maroc et
Tunisie). Son financement a également été revu à la
hausse (500 millions de dollars) avec un rythme de manoeuvre militaire
annuel206. Déjà, selon Le Monde
diplomatique207, les 23 et 24 mars 2004, les chefs
d'état-major de huit pays (Tchad, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger,
Sénégal, Algérie, Tunisie) ont participé, pour la
premiere fois, à une discrete réunion au siege du commandement
européen de l'armée américaine (US-Eucom), à
Stuttgart. Cette rencontre, dont les travaux sont restés secrets,
concernait la << coopération militaire dans la lutte globale
contre le terrorisme >> ; elle traitait du Sahel, zone tampon entre le
Maghreb et l'Afrique noire, entre les zones pétrolières du Nord
et celles du golfe de Guinée.
204 Ouazani et Jean-Dominique GESLIN, << zones sous hautes
surveillances >>, sur
jeuneafrique.com/info, mis
en ligne 01/10/2007 à 18h:19, consulté le 10 janvier 2010.
205 Sur les cartes géopolitiques africaines des
Etats-Unis, le Sahel et le Sahara constituent une seule zone.
206 Ouazani et Jean-Dominique GESLIN, idem,
consulté le 10 janvier 2010.
207 Pierre ABRAMOVICI, op.cit., p. 16.
B. La mise en oeuvre des mécanismes de
sécurisation à travers les dispositifs
militaires
La volonté d'une sécurisation réelle du
golfe de Guinée s'est accentuée à partir du moment
où cette zone a changé de configuration dans la politique
énergétique des Etats-Unis, et coïncidait aussi avec la
lutte contre le terrorisme. En effet, les visites de militaires de haut rang,
notamment celles du général Carlton Fulford à
Sao-Tomé et Principe en 2002 et du général Charles F. Wald
au Nigéria, en Angola, au Gabon et à Sao-Tomé et principe,
en mars 2004, peuvent être examinées comme les germes de cette
volonté. Ensuite, le programme de formation des forces
équato-guinéennes dans le cadre de l'African Crisis Response
Initiative (ACRI), l'ouverture au Nigéria, Anchor State (Etat-pivot), de
la politique de sécurité des Etats-Unis en Afrique de l'Ouest,
d'un centre de formation militaire du Joint Combined Arms Training System
(JCATS), à Abuja, l'organisation au Cameroun, en mai 2004, d'une session
de l'African Center for Strategic Studies (ACSS), la supervision militaire de
la sous-région par le commandement européen de l'armée
américaine (USeucom), sont significatifs de la volonté des
Etats-Unis de prendre position dans le golfe de Guinée et d'y
«établir un mandat régional»208.
Mais des sources officielles américaines, la sécurisation du
continent est une question antérieure à cette série
d'événements. Mais dans le cadre de la guerre
déclarée au terrorisme international, d'autres zones du continent
deviennent aussi importantes du point de vue sécuritaire. Depuis 2007,
est né Africom, le commandement militaire américain pour
l'Afrique.
Les concepteurs du Commandement militaire des Etats-Unis
d'Amérique pour l'Afrique comprenaient les rapports importants entre la
sécurité, le développement, la diplomatie et la
prospérité en Afrique. Par conséquence, le Commandement
militaire des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique, ou l'AFRICOM, a
adopté une structure des effectifs très intégrée,
une structure qui inclut une représentation important de personnel
venant du Département de l'Etat, de l'USAID, et d'autres agences
gouvernementales américains qui travaillent avec l'Afrique
209.
Il s'agit aussi de rationaliser les opérations
menées par les États-Unis en Afrique, en réunissant dans
une seule et même structure tous les pays du continent - à
l'exception de l'Égypte -, jusqu'à présent répartis
dans trois commandements différents : le Central
208 Wullson MVOMO ELA, op cit., p.13.
209
http://www.africom.mil/indexFrancais.asp,
consulté le 28 décembre 2009, 18h.
Command (CentCom), basé en Floride, le Pacific Command
(Pacom), situé à Hawaii, et l'European Command (Eucom),
installé à Stuttgart, en Allemagne. À terme, ce
redéploiement permettra à l'Amérique de n'avoir plus qu'
« un commandant qui travaille avec les Africains quotidiennement, au
lieu de trois différents qui ont chacun d'autres priorités
relatives à leur région », selon le
sous-secrétaire à la Défense, Ryan Henry210. La
structure devrait pouvoir compter sur un millier d'hommes environ.
L'autre nécessité pour Africom est de
s'établir sur le continent à partir d'une base.
Déjà de nombreux pays africains se montrent retissant pour
l'installation de l'état-major d'Africom sur leurs territoires. Dans le
golfe de Guinée, l'armée américaine a pu contourner
l'opposition des Etats africains en établissant une station radar
à São Tomé211, nouveau venu au club des pays
producteurs de pétrole. Cette implantation permet de sécuriser
les approvisionnements en provenance de l'Angola, du Gabon, du Congo, de la
Guinée équatoriale et du Nigéria212. Il faut
retenir, au demeurant, que la préoccupation numéro un de
Washington demeure focalisée sur l'équilibre géopolitique
de la zone et sur la stabilité des pays producteurs de brut.
Section 2 : Les dimensions fortement
hégémoniques de la sécurisation du golfe de
Guinée
Après la guerre froide, les Etats-Unis se sont
engagés dans la protection de l'avancée du monde occidental.
Parlant de la politique géoéconomique des Etats-Unis, Jacques
Fontanel dit que c'est le besoin de sécurité globale qui en est
le fondement213. Aussi, le développement économique
est un instrument de promotion de stabilité politique... Les Etats-Unis
se sont engagés dans la recherche de l'hégémonie, seule
politique permettant, à leurs yeux, de maintenir un niveau de
sécurité nationale suffisant. Une telle entreprise est
subordonnée à la puissance militaire dont la vertu serait
d'empêcher la guerre sans renoncer pour autant aux
210 Jean-Baptiste MAROT, « les GI débarquent
», in Jeune Afrique, N°2571, du 18 au 24 avril 2010.
211 Il s'agit d'un système de surveillance dont le
coût est estimé a 18 millions de dollars et dont la portée
couvrira l'Afrique centrale en général, et le golfe de
Guinée en particulier. Selon Jendayi FRAZER, secrétaire
d'État déléguée aux Affaires africaines, cette zone
est le théâtre de nombreuses formes de criminalité. La
pêche clandestine représente un manque à gagner annuel de 1
milliard de dollars pour les pays riverains. Au moins vingt-cinq actes de
piraterie ont été recensés en 2005 dans ces eaux qui
restent un point de passage important pour le trafic international de la
cocaïne. Quant aux violences que connaît depuis un an le Delta du
Niger et qui ont fait plus d'un millier de morts, elles provoquent
d'importantes ruptures d'approvisionnement en hydrocarbures. Source :
Jeune Afrique, « Radars américains » article mis en ligne le
02/01/2007, disponible sur
jeuneafrique.com, consulté
le 15 décembre 2009.
212 Ces programmes accompagnent une stratégie reposant
sur la notion classique d'"Etats pivots" ; l'assistance militaire est, en
effet, orientée prioritairement vers certains Etats,
considérés comme susceptibles d'assurer la stabilité
régionale.
213 Jacques FONTANEL, op. cit., p. 356.
principes des intérêts nationaux. La puissance
militaire américaine devient un instrument au service des
intérêts nationaux qui eux-mêmes résident sur
l'idée d'une paix mondiale214. Plus concrètement,
« la politique des Etats-Unis dans le golfe de Guinée s'inscrit
dans une logique d'hégémonie globale
»215. Il s'agit d'une volonté de
domination et de prosélytisme incontestable.
Paragraphe 1 : A travers l'aide publique
L'aide publique est présentée dans les discours
libéraux comme présentant des grands avantages pour les pays qui
la reçoivent. Les Etats-Unis en se projetant sur le golfe de
Guinée ne peuvent pas ignorer que cette aide est un moyen pertinent de
domination.
A. L'aide publique dans la pensée américaine
: un outil de politique étrangère
Dans la pensée américaine, l'aide publique au
développement est un instrument fondamental de politique
étrangère. Il s'agit d'une approche foncièrement
néolibérale et néoréaliste. L'aide publique permet
aux Etats-Unis, non seulement de soutenir leurs partenaires, mais de toucher
les populations dans les Etats surtout les moins développés afin
que celles-ci soient insérées désormais dans une logique
d'acteurs, dans une perspective de démocratie et de bonne gouvernance. A
dire vrai, la pauvreté ou le sous-développement des autres sont
considérées comme des menaces pour les américains.
Aujourd'hui, les Etats-Unis ont mis sur pied de nombreuses agences dans le
domaine de l'aide bilatérale : US Agengy for International Development,
The Peace Corp (volontaires qui acceptent de travailler dans les pays pauvres),
The Interamerican Foundation et l'African Development Foundation.
Officiellement, il s'agit pour le gouvernement
américain d'encourager la croissance des autres pays dans le cadre d'une
gouvernance démocratique, renforcer les Etats fragiles en vue
d'améliorer leur sécurité et leur stabilité, face
aux désastres naturels et aux crises politiques violentes. Il est
question, en réalité, de prendre en compte les
intérêts géoéconomiques des Etats-Unis en lien avec
les pays d'une haute valeur stratégique, protéger l'environnement
et la santé collective, apporter une aide humanitaire en vue de
réduire la
214 On peut dire que le discours et l'action politique des
Etats-Unis permettent de dégager une forte ambivalence. On a d'un
côté cette volonté de promouvoir l'expansion de la
"civilisation américaine"(liberté de conscience,
démocratie, égalité des chances) à travers le monde
dont la principale articulation est la volonté de promouvoir la
liberté de commercer et d'entreprendre. D'un autre côté,
les Etats-Unis soutiennent l'ouverture au libre-échange,
véritable impératif pour que leurs entreprises se
développent.
215 Wullson MVOMO ELA, op cit, p.15.
misère et enfin aider à
l'éducation216. Les travaux de Sami Makki sur
«l'impact de la militarisation de l'humanitaire et de la privatisation
du militaire » font prendre conscience qu'il s'agit d'une tendance
structurelle qui n'est pas liée spécifiquement à
l'idéologie néoconservatrice, quand bien même les
conceptions néo-libérales qu'elle charrie peuvent renforcer les
effets de ces transformations217.
B. L'aide publique américaine en oeuvre en
Afrique
Le Commandement américain en Afrique inscrit l'aide
dans le domaine social comme une de ses préoccupations majeures. La
sécurité des Etats-Unis dépend de la
sécurité globale qui elle-même dépend de la
sécurité dans le domaine social des différents
partenaires, nous le disons déjà. Pareille vision du monde
concoure à l'établissement d'un commandement qui ne s'occupe plus
seulement de la défense nationale au sens purement militaire du terme.
Pour comprendre cette option politique, il convient de remonter à la
période de la guerre froide pendant laquelle le gouvernement
américain a beaucoup utilisé l'aide aux pays en
développement comme outil diplomatique pour contenir l'expansion du
communisme en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Aujourd'hui la
menace soviétique détruite, cette aide a une visée
hégémonique d'autant qu'elle sert d'instrument construction de la
paix.
« La construction de la paix est une
nécessité pour le gouvernement américain
'>218. Et l'aide permet aux Etats africains
bénéficiaires d'intégrer le processus de l'économie
globalisée. Il s'agit aussi de dominer à travers le soft
power219. Cette action correspond à
l'intérêt des EtatsUnis de garantir un monde pacifié,
prospère, capable de maintenir le niveau de vie des américains,
tout en promouvant la démocratie et les droits de l'Homme. En
défendant les valeurs chères au peuple américain, en
faisant partager au monde entier grâce notamment à l'aide, le
gouvernement américain renforce le pouvoir effectif du pays sur le
destin du monde, donc sur l'Afrique aussi.
216 Dès octobre 2001, le secrétaire d'Etat
Colin Powell avait déclaré que les ONG américaines
constituaient « des multiplicateurs de forces '> et étaient
« des instruments du combat '> américain contre le
terrorisme. Barbara DELCOURT, cours de Théories de la
sécurité, Université libre de Bruxelles, Année
académique 2006-2007. P.117.
217 Sami MAKKI, << Guerre au terrorisme, paramilitarisme et
droits de l'homme » in Le débat stratégique,
n°80, Eté 2005.
218 LANCASTAR, <<foreign aid >>, in Foreign
affairs, vol. 79, n°5, Septembre-Octobre 2000.
219 Contrairement au << hard power >> qui suppose de
dominer par la force, le << soft power >> correspond à
l'usage des moyens plus << doux >> mais qui présentent,
in fine, les mêmes résultats de domination.
Un autre versant de l'aide publique dans le déploiement
américain dans le golfe de Guinée est l'intervention humanitaire.
On parle quotidiennement de désastre écologique, d'explosions
démographiques, de drogue, de corruption, mais surtout
d'épuration ethnique et les exemples dans l'histoire contemporaine
africaine sont nombreux. Cette intervention est dirigée contre un
adversaire, elle peut impliquer l'usage de la force et d'autres moyens
coercitifs pour cesser des manquements massifs et violents au droit des
personnes. Ceci est une option visible dans la présence
américaine dans l'Afrique du golfe de Guinée qui intègre
plusieurs types de lutte armée. Il y a des dynamiques groupusculaires
(émiettement et radicalisation de la lutte), identitaires (recherches de
spécificité souvent culturelle), communautaires (affirmation des
l'unité nationale), autonomistes ou indépendantistes.
Un autre type d'aide est celle apportée aux
Organisations de la Société Civile. Cette catégorie d'aide
permet de comprendre que dans la nouvelle logique américaine, le peuple
a un rôle grand à jouer. On est dans le paradigme de «
l'universalisation de la démocratie
»220 · Il s'agit d'émanciper le
peuple afin de construire des sociétés démocratiques et
plus ouvertes au libre marché et aux investissements étrangers.
Pour cela, les objectifs de sécurité nationale des Etats-Unis
seront atteints puisque la frustration qui a conduit aux
évènements du 11septembre 2001 est née au sein des
peuples. Dans le golfe de Guinée, les organisations non gouvernementales
américaines sont bien présentes aussi dans la partie Afrique
centrale qu'Afrique de l'ouest. Sur le terrain, des ONG de promotion de la
démocratie et des Droits de l'Homme servent de relais pour être en
même temps des sources perspicaces d'information pour le gouvernement
américain. Au Cameroun par exemple, il existe plusieurs organisations
notamment le CRAT, FAMM et d'autres ONG qui se font les chantres de la
politique américaine. On peut aussi assimiler les médias qui
reçoivent de nombreuses aides de la part du gouvernement
américain. Ils l'interface entre les gouvernants et les gouvernés
: ils sont donc associés à cette entreprise par leur formation
à la couverture des challenges, à la responsabilité et au
professionnalisme dans l'information de la société.
En tout état de cause, si la dimension
hégémonique demeure dans ce que l'intervention militaire apparait
comme un instrument de domination et qu'elle se propose de défendre les
intérêts occidentaux par la recherche d'un consensus sur
l'expansion du commerce international, avec des nouveaux standards et
l'ouverture des marchés du Sud,
220 La promotion de la démocratie, même si, elle est
vue comme un projet de propagation des idéaux américains,
répond aussi à la logique idéaliste selon laquelle, «
les démocraties ne se font pas la guerre ».
donc des économies du golfe de Guinée, on peut
comprendre que la politique humanitaire devient de ce point de vue un
instrument de choix stratégique221.
Une lecture réaliste et néoréaliste de
l'aide en tant qu'instrument ou composante de politique extérieure part
du postulat que tout Etat cherche d'abord à accroître ses
richesses et son pouvoir. L'aide s'inscrit alors dans une relation par laquelle
les donateurs acceptent un effort financier pour conquérir des
marchés, maintenir et accroître leurs aires d'influence et
promouvoir les intérêts de leur classe dirigeant222..
Basons-nous sur la théorie néoréaliste qui affirme que
tout Etat cherche plutôt à garantir sa sécurité et
sa survie et que l'arène internationale est appréhendée
comme un lieu anarchique. On peut comprendre que les EtatsUnis se
préoccupent d'abord de leur sécurité. Et l'aide publique
sert ainsi à promouvoir les intérêts politiques et
économiques du gouvernement américain en lui permettant
d'influencer, de récompenser ou de punir d'autres pays. Il n'est pas
étonnant donc qu'il est plus efficace de présenter l'aide
publique au développement au Congrès des Etats-Unis comme un
système de défense stratégique que de faire
référence à la lutte contre la pauvreté dans des
pays éloignés pour faire voter les budgets
requis223.
Paragraphe 2 : A travers le modèle culturel
Les masses financières engagées lors des
transactions pétrolières étant considérables, elles
confèrent aux acteurs du marché un pouvoir d'influence global.
Dès lors, les problématiques pétrolières peuvent
constituer un levier pour promouvoir le rayonnement national. A ce titre, la
présence d'une compagnie pétrolière de nationalité
américaine dans un pays producteur génère de nombreux
avantages culturels et diplomatiques. Les Etats-Unis ne sont pas seulement une
grande puissance ou hyperpuissance du point de vue économique. Ils
constituent aussi un modèle culturel dont la diffusion à
l'échelle mondiale est une réalité permanente depuis le
milieu du siècle dernier. Mieux, c'est même ce modèle qui
concoure au rayonnement de la puissance américaine. Le
déploiement américain dans une partie donnée du monde
n'échappe pas à la diffusion de certains de leurs
éléments culturels. En général, il est admis
historiquement que les cultures dominantes ont toujours cherché à
nier les cultures
221 De la sorte, on pourrait considérer que le
militaire s'approprie progressivement l'espace humanitaire. Barbara
DELCOURT, op cit, p.118.
222 Pierre JACQUET « Revisiter l'aide publique au
développement » in Economie internationale, n° 108,
2006.
223 Gilles CARBONNIER, « L'aide au développement
une fois de plus sous le feu de la critique », in Revue internationale
de politique de développement, disponible sur
http://poldev.revues.org/122,
Consulté le 04 mai 2010, 11h.
régionales, du moins à réduire leurs
visibilités. Aujourd'hui, la circulation des certaines cultures,
notamment des pays pauvres, est mise à mal par
l'homogénéisation occidentale, ou plutôt américaine.
La culture est même devenue une marchandise dans ces conditions
puisqu'elle respecte la loi du marché.224 En tout cas, elle
est productrice de sens et constitue un élément de
géopolitique, au sens de Zaki Laidi, pour qui justement si le continent
africain tâtonne pour être un espace de sens, il subira
naturellement l'influence des autres225.
Il devient donc clair que « si l'Amérique
domine aujourd'hui le monde, elle le doit autant à
l'hégémonie de sa culture qu'à sa puissance
économique »226. Or, aux Etats-Unis, les deux sont
intimement liés puisque Hollywood (siège des industries
culturelles américaines) est l'une des industries les plus florissantes
du pays227. A l'intellectualisme s'oppose le mercantilisme, au
protectionnisme le libre-échangisme. Philippe Moreau Desfarges
résume fort pertinemment la situation américaine lorsqu'il note
que les Etats-Unis sont dans une position de producteur dominant dont le
premier objectif est d'élargir son marché. Les biens culturels ne
sont peutêtre pas des marchandises comme les autres mais ils se vendent,
ils s'achètent, s'exportent et s'importent. Quel est le gouvernement qui
ne se mobiliserait pas pour la promotion d'un des fleurons de son
économie, surtout à une époque où, justement l'une
des tâches qui reste à la politique est le soutien au
déploiement extérieur des activités
nationales228.
Paragraphe 3. A travers un système de
dépendance économique
Ce troisième point permet de comprendre l'ambivalence
du discours de sécurisation que prônent les Etats-Unis. «
L'approche américaine n'est pas dénuée
d'intérêt stratégique puisqu'elle constitue aussi une
appréhension plus globale de la sécurité, fondée
sur la stabilité attendue de l'insertion - délicate - des
sociétés africaines dans la sphère de l'économie
marchande, dominée par les Etats-Unis »229.
Depuis septembre 2001, des nombreuses manoeuvres sont entreprises par le
gouvernement américain pour donner au golfe de Guinée une
nouvelle dimension dans l'économie mondiale. Dans ce cadre, on peut
reconnaitre avec Jacques Fontanel que « les pouvoirs publics
américains influencent les rapports commerciaux, souvent au
224 Jacques FONTANEL, op. cit, p.511.
225 Zaki LAIDI, op. cit., p. 100 et suiv.
226 Ibidem.
227 Un exemple : pour les Américains, l'enjeu
économique induit par la production cinématographique
apparaît très vite. En effet, le coût d'un film ne varie pas
qu'il ait cent mille spectateurs où quelques millions, d'où
l'intérêt d'étendre le marché des films
américains le plus possible. La conception américaine de la
production cinématographique et audiovisuelle est en cela très
différente de celle de la France, par exemple.
228 Philippe MOREAU DESFARGES, cité par Jacques FONTANEL,
op. cit., p.376.
229 Frédéric LERICHE, op. cit., p.15.
détriment des populations locales. La domination
économique l'emporte sur le développement
»230. Particulièrement, souligne-t-il,
d'ailleurs que comme les Etats africains sont très endettés, la
monnaie d'échange la plus solide dont ils disposent est de donner
l'accès aux firmes étrangères à la richesse de leur
sous-sol. Parce que dépendants des variations brutales du prix du
pétrole brut, et des conflits politiques et sociaux internes et
externes, avec la prédation des entreprises transnationales, les Etats
du golfe de Guinée comptent uniquement sur l'exportation de leur
pétrole vers les puissances étrangères dont les
Etats-Unis. Cette malédiction
pétrolière231 détruit les autres
activités exportatrices.
La présence américaine devient donc un moyen de
rendre les Etats du golfe de Guinée dépendant vis-à-vis
des Etats-Unis en termes de leur exportation232. Dans cette
perspective, le pétrole servira plus au développement de la
géoéconomie des Etats-Unis qu'au développement réel
de la sous-région. On retombe dans «le partage inégal
» c'est-à-dire la faible intégration des
économies périphériques dans l'économie-monde
dominée par la prédation et l'omniprésence des
économies du centre (les pays développés).
* * *
Conscient du rôle que joue le golfe de Guinée
pour son intérêt national, le gouvernement américain
n'hésite pas à déployer des gros moyens militaires pour
sécuriser la région. Ces moyens permettent dans un premier temps
de sécuriser les approvisionnements énergétiques, ensuite
de se positionner militairement dans la zone afin de répondre à
d'autres logiques sécuritaires.
Une telle présence militaire s'accompagne de nombreux
autres moyens mis en oeuvre pour se positionner et étendre la puissance
américaine dans cette partie du globe. Ainsi, il apparait plus facile de
dominer par l'aide publique ou le modèle culturel. Le << soft
power >> permet à ce niveau de légitimer
l'hégémonie américaine dans le golfe de Guinée. Ce
qui a
230 Jacques FONTANEL, op cit., p. 561.
231 Paul COLLIER, << développement : la
malédiction pétrolière >>, in Sociétal,
n° 42, 4e trimestre, 2003.
232 On retiendra avec Frédéric LERICHE
(idem) qu'il s'agit d'une double stratégie. Le shaping
qui consiste à façonner l'environnement social et
économique africain aux normes et standards américains par un
ensemble d'opérations de médiatisation favorables à
l'image de marque des Etats-Unis. La civilianization repose sur le
principe que les forces démocratiques dominent les forces militaires. Il
s'agit un préalable à la mise en place d'un processus de
développement, commercial, dont l'économie américaine
pourrait tirer partie.
aussi pour conséquence à long terme de maintenir
les Etats de cette région dans une dépendance vis-à-vis
des Etats-Unis, non seulement du point de vue de leurs exportations mais aussi
stratégiquement.
Conclusion de la deuxième partie
L
a sécurité du golfe de Guinée est un
enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique
engagé dans la région. Vu de la région, cette entreprise
de sécurisation permettra aux répondre aux différentes
menaces qui
fragiliseraient la production et affaibliraient les Etats dans
leurs fonctionnements quotidiens. Il s'agit ici de recomposer l'ordre
sécuritaire. Les Etats s'y attèlent non sans grandes
difficultés. D'abord individuellement, puis collectivement voire avec
des acteurs étrangers à la région dont cette
sécurisation concoure au renforcement de leur sécurité
nationale. C'est le cas des Etats-Unis qui ont grand intérêt
à sécuriser cette région.
Sécuriser le golfe de Guinée permet aux
Etats-Unis de répondre à des logiques sécuritaires dont le
fondement reste l'expansionnisme militaire, traduit dans la région par
un déploiement des soldats américains et une aide à la
formation des armées nationales. Ce déploiement n'est pas
seulement d'ordre philanthropique. Ainsi, la sécurisation de la
région s'inscrit dans la dynamique de la sécurité
nationale américaine post 11 septembre. Et les politiques d'aide et de
coopération entreprises par le gouvernement américain suivent
toujours cette logique, en permettant surtout l'expression de
l'hégémonie des Etats-Unis.
CONCLUSION GENERALE
Par delà les illusions rétroactives et le
blues colonial, c'est bien un nouvel ordre mondial qui se construit en Afrique.
233
L
e présent travail visait la compréhension des
interactions entre le pétrole et la sécurité à
travers l'analyse du déploiement américain dans le golfe de
Guinée. Cette région est, en effet, devenue très
importante pour le
gouvernement américain. En même temps, on note
une croissance au niveau des agrégats macroéconomiques soutenus
par l'exploitation énergétique dans les Etats pétroliers
de cette région. Comme tels, on comprend le rôle et les enjeux
pour chaque acteur. Toutefois, on note aussi une forte
détérioration du champ sécuritaire. La question de fond
était de voir en quoi les enjeux liés à l'exploitation de
l'énergie, et du pétrole particulièrement, permettent aux
acteurs étatiques en présence (Etats du golfe de Guinée et
Etats-Unis) de répondre à leurs logiques sécuritaires?
Deux axes ont paru légitimes pour répondre
à pareille interrogation. D'abord, identifier l'intensification de la
production énergétique dans le golfe de Guinée comme
augmentant les risques d'insécurité aussi bien pour la
région que pour les Etats-Unis. Autrement dit, plus la production
énergétique augmente, plus les menaces et
l'insécurité deviennent importantes. Ensuite, il s'agissait de
comprendre la sécurisation du golfe de Guinée comme un enjeu
majeur pour l'intérêt de la région et des Etats-Unis.
Autrement dit, elle est une réponse aux défis de
préservation de la paix, de répartition des rentes
pétrolières pour les Etats de la région. En même
temps, elle permet aux Etats-Unis de garantir leurs approvisionnement et de se
pré positionner militairement.
Cette étude, passée sous le prisme du
néoréalisme et de l'analyse stratégique, a permis de
comprendre que le golfe de Guinée est une région qui fait face
à un ensemble de flux ; lesquels participent d'un désordre
sécuritaire et menacent aussi bien la production
énergétique que << la survie » même des Etats.
En réalité, plusieurs raisons sous-tendent la convoitise dont
fait l'objet le golfe de Guinée, notamment de la part des Etats-Unis.
D'abord, la structure du système énergétique international
et ensuite, la spécificité de la région. Le golfe de
Guinée est une source croissante d'approvisionnement
énergétique pour Washington, soucieux de la
233 François GAULME, << au-delà du blues
colonial, un nouveau cadre international pour la sécurité en
Afrique », in Afrique contemporaine, n° 208, p.85.
diversification en la matière. Il reste que pour les
Etats-Unis, cette insécurité menace plusieurs
intérêts économiques, diplomatiques et politiques. Puisque
le pétrole est une question d'intérêt et de
sécurité nationale, c'est donc une préoccupation pour
Washington. Autrement dit, l'insécurité dans le golfe de
Guinée est aussi une insécurité pour les EtatsUnis.
La décomposition sécuritaire dans le golfe de
Guinée permet aux Etats de la région et aux Etats-Unis de
repenser les besoins d'une recomposition sécuritaire. Toute la
deuxième partie s'est inclinée à étudier
l'influence des enjeux énergétiques sur la recherche de l'ordre
sécuritaire dans le golfe de Guinée. Pour les Etats de cette
région, en même temps qu'il s'agit de la considérer comme
un moyen pour eux de reconstruire les institutions, de construire la nation et
surtout d'intégrer des nouveaux outils de gouvernance dont le manque
structurait l'insécurité, la sécurisation est un atout
pour la production énergétique et la répartition de la
rente qui en est issue. La sécurité du golfe de Guinée est
un enjeu d'intérêt national pour chaque acteur étatique
engagé dans la région. Les initiatives sont d'abord
individuelles. C'est ainsi que de nombreuses reformes sont entreprises au sein
de ces Etats pour redonner un nouveau visage à leurs appareils
sécuritaires, en mal de légitimité. Mais la dimension
transfrontalière de l'insécurité convoque une action
collective entre plusieurs Etats. Tantôt la CEEAC, tantôt la CEDEAO
sont, à travers leurs différents mécanismes et instruments
de sécurité, des véritables alternatives à la CGG
dont les limites sont visibles en matière de sécurisation. Ainsi,
la complexification du jeu sécuritaire pousse les Etats à voir
au-delà des frontières du golfe de Guinée. D'où
l'entrée en jeu, dans le champ sécuritaire du golfe de
Guinée, des Etats-Unis.
Cette action de sécurisation venant des Etats-Unis
n'est pas une action de pure philanthropie. Il s'agit, en effet, pour le
gouvernement américain de sécuriser ses routes d'approvisionnent
et de se déployer dans la région. Ainsi, l'action est d'abord
militaire : formation des armées locales, recherche d'une base en vue
d'un pré positionnement des troupes, mise sur pied d'un commandement
pour le continent, mise sur pied d'un arsenal de programmes militaires. Cette
action répond aux enjeux énergétiques et suit aussi une
logique sécuritaire qui s'inscrit dans une action globale des Etats-Unis
pour faire face aux nouvelles menaces à leur sécurité
nationale : le terrorisme, les « Etats-voyous », les autoritarismes
ou encore la faible insertion de certains Etats dans la globalisation. Cette
stratégie américaine ne va pas sans intérêt de
puissance. Au-delà du soutien apporté aux Etats du golfe de
Guinée, il
s'agit de dominer non plus à travers le << hard
power >> mais surtout, le << soft power >>. De ce fait,
l'aide au développement, l'aide politique ou encore la mise sur pied des
initiatives comme l'Agoa ne sont rien d'autre que des instruments de politique
étrangère et de sécurité nationale des Etats-Unis,
dont la permanence dépend de la sécurité des ses
partenaires. Il s'agit de comprendre que la dimension hégémonique
de ces actions constitue le fondement de la géoéconomie
américaine.
Il est vrai que cette étude a permis de confirmer nos
hypothèses de travail. Mais, il reste que le déploiement
américain dans le golfe de Guinée se fait dans une période
de forte consommation de la part des pays émergents qui
n'hésitent pas, eux aussi, à entrer dans cette <<
ruée » vers le pétrole africain. Et l'Afrique dans tout cela
? L'espace golfe de Guinée deviendra-t-il un espace de rivalité
entre puissances ? Assistera-t-on à une guerre énergétique
dont le golfe de Guinée sera le théâtre ? En même
temps, la dépendance des Etats de la région à
l'exportation du pétrole n'est-elle pas une menace à leur
prospérité économique, tant il est vrai que nous faisons
face à des économies de moins diversifiées ? Le
pétrole ne sera-t-il pas un nouveau moyen de captation de ressources et
de conservation de pouvoir, synonyme de déficit de gouvernance ? Peut-on
faire du pétrole un atout véritable de développement ?
Point n'est besoin de noter, ici, que ces interrogations
permettent de dessiner des scénarii sur le futur de la
sous-région africaine du golfe de Guinée. Sans que ces questions
ne soient l'objet directe de ce travail, leurs analyses peuvent être des
nouveaux themes d'étude que la présente recherche permettra peut
être d'étayer, ne serait-ce qu'en partie !
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Annexe 1 : Carte du golfe de Guinée (prise de
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Annexe 2 : Evolution de la production
énergétique dans le golfe de Guinée
Etats
|
Date de démarrage de la
production
|
Production pétrolière de l'Afrique
sub-saharienne entre 1990 et 2005 (en millions de tonnes). NB: les chiffres de
2005 représentent la production en millions de barils/jour
|
1990
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Nigeria
|
1958
|
88
|
88
|
103, 3
|
107, 8
|
98,6
|
107,4
|
116
|
2,4
|
Angola
|
1956
|
24
|
36
|
70,6
|
70
|
84
|
86
|
98
|
1,6
|
Congo Brazzaville
|
1960
|
7,5
|
13
|
13,1
|
20
|
11,8
|
11,2
|
11,3
|
0,26
|
Guinée Equatoriale
|
1993
|
|
5
|
5,9
|
25
|
11,5
|
13,5
|
17,4
|
0,42
|
Gabon
|
1957
|
14
|
16
|
31
|
50
|
30
|
26
|
22
|
0,26
|
Soudan
|
1992
|
|
1,8
|
5
|
7,5
|
8,2
|
8,8
|
12,8
|
0,41
|
Tchad
|
2003
|
|
|
|
|
|
10
|
10
|
0,22
|
Cameroun
|
1977
|
8
|
5
|
9
|
10
|
3,7
|
35,6
|
32,9
|
0,08
|
RD Congo
|
1976
|
1,4
|
1
|
1,1
|
1,2
|
1,2
|
1,2
|
1,2
|
0,02
|
Cote d'ivoire
|
1975
|
n.d.
|
0,5
|
0,03
|
0,03
|
0,06
|
0,01
|
0,01
|
|
Ghana
|
1985
|
n.d.
|
0,3
|
0,26
|
0,28
|
0,28
|
0,32
|
0,32
|
0,07
|
Bénin
|
1999
|
n.d.
|
0,02
|
0,01
|
0,01
|
0,03 2
|
0,03
|
0,03
|
0,04
|
Sao-tomé et Principe
|
2007
|
|
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Source : Michel KOUNOU, 2006
Annexe 3 : Indicateurs généraux de
pauvreté dans les Etats producteurs du pétrole (du golfe de
Guinée) entre 2001 et 2004
|
|
indicateurs de pauvreté humaine, valeur
en %
|
Taux
de privation d'accès régulier à un point
d'eau; valeur en %
|
insuffisance pondérale des enfants
de moins de 5 ans
|
Taux d'alphabétisme (2001)
|
|
1 Nigeria
|
38,8
|
40
|
29
|
56,8
|
|
2 Angola
|
41,5
|
50
|
31
|
42
|
|
3 Congo Brazzaville
|
30,1
|
54
|
14
|
82,8
|
|
4 Guinée Equatoriale
|
38,1
|
56
|
19
|
84,2
|
|
5 Gabon
|
|
13
|
12
|
71
|
|
6 Soudan
|
32,4
|
31
|
17
|
59,9
|
|
7 Cameroun
|
36,2
|
37
|
21
|
67,9
|
|
9 RD Congo
|
41,4
|
54
|
31
|
62,7
|
|
1 Côte d'ivoire
|
41,9
|
16
|
21
|
49,7
|
|
1 Tchad
|
58,8
|
66
|
28
|
45,8
|
|
1 Ghana
|
35,1
|
21
|
25
|
73,8
|
|
1 Bénin
|
48,4
|
32
|
23
|
39,8
|
|
1 Sao-tomé et
Principe
|
|
21
|
13
|
83,1
|
Source : Michel KOUNOU, 2006
Table des matières
Dédicace iRemerciements
ii
Liste de sigles et abréviations
iiiListe de tableaux et graphiques v
Sommaire viRésumé
viiAbstract viiiINTRODUCTION GENERALE
1
1. Contexte de l'étude 2
2. Délimitation de l'étude
3
(a) Délimitation spatiale et temporelle
3
(b) Délimitation matérielle 5
3. Définition des concepts 6
4. Intérêt de l'étude
9
5. Revue de littérature 10
6. Problématique 14
7. Hypothèses 14
8. Cadre méthodologique 15
PREMIERE PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET DECOMPOSITION
SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 17
CHAPITRE 1 :PRODUCTION ENERGETIQUE ET PRODUCTION DE
L'INSECURITE DANS LES ETATS DU GOLFE DE GUINEE 18
Section 1 : Le golfe de Guinée comme «
espace-enjeu » en matière énergétique : pourquoi le
pétrole de la région attire ? 19
Paragraphe 1. Les raisons liées à la
géopolitique mondiale du pétrole 19
A. La montée des nouveaux consommateurs et la
réconfiguration des précarrés 19
B. La problématique des alternatives à la
dépendance et le scénario du futur énergétique
20
Paragraphe 2. Les raisons liées à la
spécificité de la région 22
A. Le golfe de Guinée : une région au potentiel
énergétique avéré et à la production
croissante 22
B. Les facilités d'investissement pour les multinationales
pétrolières et le manque de moyens
techniques des Etats du golfe de Guinée 24
Section II : Augmentation de la production
énergétique, émergence des nouveaux intérêts
et accroissement des flux transnationaux dans le golfe de Guinée :
une rencontre des risques d'insécurité 25
Paragraphe 1. L'augmentation de la production comme
facteur d'insertion de nouveaux flux économiques : multinationales,
«économie des gangs » et gestion interne de la rente
pétrolière
25
A. L'insertion des multinationales dans le champ de
l'économie pétrolière africaine : entre
logiques rentières et dynamiques prédatrices 26
B. Criminalisation des Etats, émergence de «
l'économie de gangs» et répartition inégale des
ressources pétrolières 27 Paragraphe 2. Augmentation
des flux démographiques et culturels et apparition des acteurs
non
étatiques aux intérêts divers: la
dissémination des territoires dans le golfe de Guinée
30
A. Le contrôle et la gestion des ressources au coeur des
velleités ethnoculturelles 30
B. « La révanche de l'individu » : flux
réligieux et migrations dans le golfe de Guinée 32
Paragraphe 3 : Pétrole et différends
territoriaux 34
CHAPITRE 2 36
LE GOLFE DE GUINEE : DE L'ALTERNATIVE ENERGETIQUE A LA
MENACE SECURITAIRE POUR LES ETATS-UNIS 36
Section 1 : Le golfe de Guinée dans la «
pétro stratégie » américaine 37
Paragraphe1. La politique énergétique des
Etats-Unis : fondements et mise en oeuvre 37
A. Les fondements de la politique américaine en
matière énergétique 37
B. Mise en oeuvre de la politique énergétique des
Etats-Unis 39 Paragraphe II. Le golfe de Guinée comme «
espace vital » en matière énergétique pour les
Etats-
Unis 40
A. Le golfe de Guinée comme source d'approvisionnement
énergétique 40
B. Le golfe de Guinée comme zone de projection
économique pour les multinationales
pétrolières américaines 41
Section 2. Insécurité dans le golfe de
Guinée : un défi pour la sécurité nationale des
Etats-Unis 43
Paragraphe 1. Les enjeux actuels de la
sécurité nationale américaine et leurs impacts sur la
politique africaine des États-Unis 43
A. Les enjeux de la sécurité nationale
américaine après le 11 septembre 2001 43
B. Sécurité nationale et politique africaine des
Etats-Unis 45
Paragraphe 2. L'insécurité dans le golfe de
Guinée comme menace pour l'approvisionnement énergétique
des Etats-Unis 46
A. Menace pour les installations pétrolières
continentales 46
B. Menaces pour les installations pétrolières
maritimes 47
Paragraphe 3. L'insécurité dans le golfe de
Guinée comme menace pour les intérêts politiques et
diplomatiques des Etats-Unis dans la région 48
Conclusion de la première partie 52
DEUXIEME PARTIE :ENJEUX ENERGETIQUES ET RECOMPOSITION
SECURITAIRE DANS LE GOLFE DE GUINEE 53
CHAPITRE 3 54
LA SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE AU MIROIR DES DEFIS
INTERNES ET SOUS-REGIONAUX 54
Section 1. La sécurisation comme outil de
construction de la paix dans les Etats du golfe de Guinée 55
Paragraphe 1. La restructuration de l'Etat et la construction
nationale 55
A. La reforme de l'Etat comme moyen de renforcer les
institutions et de restaurer la légitimité sécuritaire
55
B. Le problème de la construction de la nation 56
Paragraphe 2. De la captation à la répartition de
la rente pétrolière : une logique de changement 57
Section 2. Les dimensions militaires de
sécurisation et leur mise en oeuvre par les Etats du golfe de
Guinée 61
Paragraphe 1. Les initiatives nationales de sécurisation
61
A. La reconsideration de la sécurité nationale des
Etats dans le golfe de Guinée 61
B. L'impact des reformes du secteur de la sécurité
sur la gouvernance des Etats 62
Paragraphe 2. Les initiatives sous-régionales ou comment
la sécurisation convoque la
« gouvernance collective » 65
A. La question de la coopération sous-régionale et
les limites de la CGG 65
B. Les mécanismes et instruments sous-régionaux de
sécurisation : la CEEAC et la CEDEAO au service de la CGG 66
C. La coopération sécuritaire internationale comme
solution aux apories des initiatives sous
régionales : l'entrée en jeu des Etats-Unis 69
CHAPITRE 4:LA VISION AMERICAINE DE LA
SECURISATION DU GOLFE DE GUINEE : UN ENJEU MULTIDIMENSIONNEL DE SECURITE
NATIONALE 71
Section 1 : La sécurisation du golfe de
Guinée comme moyen de sécuriser les
approvisionnements énergétiques et de pré
positionnement des Etats-Unis 72
Paragraphe 1 : Sécuriser les approvisionnements 72
A. La sécurisation des installations 72
B. Sécuriser le personnel 76
Paragraphe 2 : L'opportunité d'un pré
positionnement américain dans le golfe de Guinée 76
A. L'expansionnisme militaire américain et son
prolongement en Afrique 76
B. La mise en oeuvre des mécanismes de
sécurisation a travers les dispositifs militaires 79
Section 2 : Les dimensions fortement
hégémoniques de la sécurisation du golfe de Guinée
80
Paragraphe 1 : A travers l'aide publique 81
A. L'aide publique dans la pensée américaine :
un outil de politique étrangère 81
B. L'aide publique américaine en oeuvre en Afrique
82
Paragraphe 2 : A travers le modèle culturel 84
Paragraphe 3. A travers un système de dépendance
économique 85
Conclusion de la deuxième partie
88
CONCLUSION GENERALE 89
BIBLIOGRAPHIE 92
Annexes A
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