0. INTRODUCTION GENERALE
0.1. PROBLEMATIQUE
Enumérant les objectifs du millénaire pour le
développement, le professeur MUKOKO SAMBA (5-21 juillet 2004) cite en
premier lieu « Eliminer l'extrême pauvreté et la faim »
; et le SPORE (n°128/avril/2007) de stigmatiser « Manger à sa
faim est le premier besoin de l'homme. Pourtant, les malnutris sont de plus en
plus nombreux (850 millions selon la FAO) et le 3/4 d'entre eux sont
aujourd'hui des petits agriculteurs, producteurs d'aliments de base ».
Comme pour exprimer l'aspiration de tout agriculteur, SPORE
(n° 124/août 2006) note : « c'est pourtant simple : on veut
vendre dès la récolte, au prix de la période de soudure,
et être payé à l'avance,... ».
SPORE (op. cit) souligne que tout agriculteur aspire à
vendre les fruits de son travail à un prix correct et être
payé dans des délais qui lui permettent d'acheter les semences et
intrants pour la campagne suivante sans avoir à s'endetter. Cela reste
un idéal surtout pour les petits producteurs africains qui, après
avoir vécu sous tutelle des organismes de commercialisation
étatiques, se sont retrouvés exposer brutalement à la
libéralisation des marchés agricoles à partir des
années 1980.
Le secteur privé a alors été
amené, le plus souvent sans préparation, à prendre le
relais de l'Etat pour commercialiser les produits agricoles. Mais
l'insuffisance du crédit, liée à la faiblesse et à
l'inadaptation du système bancaire, ainsi que le manque de
capacité de stockage et l'absence d'outils de couverture des risques
liés à la volatilité des prix ont longtemps freiné
le développement des petites et moyennes entreprises agricoles.
Pour corroborer, la Division Provinciale de l'Agriculture du
Sud Kivu (2001-2005) révèle que dans le temps, la province du Sud
Kivu disposait des unités de transformation qui faisaient sa
fierté. Ces unités étaient constituées des rizeries
industrielles, des huileries, des usines d'égrenage de coton, de
production des huiles essentielles à partir des écalyptus, etc.
Aujourd'hui, à part la Pharmakina qui produit la quinine, la Bralima
(pour les boissons), les plantations Irabata et Lemera (pour le thé),
toutes les transformations des produits agricoles se font d'une manière
artisanale.
La relance de la coopération avec les institutions de
Bretton Woods, depuis 2001, à travers la mise en place des programmes
économiques suivis par les services du FMI et appuyés par la
Banque Mondiale et les autres partenaires au développement n'a pas
produit d'impacts visibles sur le secteur agricole.
En effet, la division provinciale de l'agriculture du Sud Kivu
(op. Cit.) note entre autres contraintes qui entravent la bonne marche du
secteur agricole au Sud Kivu :
- Le mauvais état des routes et plus
particulièrement les routes de desserte
agricole ;
- Personnel de vulgarisation agricole insuffisant, sous
équipé et d'âge avancé ; - Pratiques culturales
inappropriées ;
- Problèmes fonciers dans le Kivu montagneux (les
territoires de Walungu, Kabare, Kalehe, et Idjwi) où en moyenne le
ménage agricole a moins de 30 ares de terrain ;
- Manque de main d'oeuvre agricole dans la partie dite le Kivu
forestier (Sud et Ouest de la province à savoir les territoires Mwenga,
Shabunda, Uvira et Fizi) ;
- Manque d'intrants notamment les matériels aratoires
(houes, machettes,
haches,...), les semences performantes en quantité
nécessaire (cas de
paddy, arachide, maïs, etc.), les produits phytosanitaires,
les engrais ; - Les perturbations climatiques suite au déboisement ;
- L'érosion ;
- Les calamités (mosaïque africaine du manioc, le
cosmopolites sordidus pour le bananier) ;
- Le non entretien des infrastructures d'irrigation ;
- L'incapacité pour les paysans de faire atteindre leurs
productions aux centres de consommation ;
A ceci s'ajoute l'insécurité récurrente en
milieu rural du Sud Kivu et l'accès difficile au crédit.
La province du Sud Kivu, fait ressortir la Division
Provinciale de l'Agriculture du Sud Kivu (op. cit.) qu'en dépit de ses
énormes potentialités agro écologiques et des efforts de
travail consentis en moyenne par 519.636,2 ménages agricoles par an, n'a
pu réaliser qu'une production agricole moyenne de 3.457.727 tonnes par
an toutes cultures confondues. Ce qui fait une production agricole par
ménage agricole par an de 6,6 tonnes de produits agricoles toutes
cultures confondues (cultures vivrières, maraîchères et
fruits).
Cette situation a fait que la province du Sud Kivu fasse
recours à l'extérieur pour nourrir sa population. A titre
illustratif, citons la division provinciale du commerce extérieur du Sud
Kivu (2004), qui note « qu'au cours de l'année 2004, la province du
Sud Kivu a importé : 4.452 tonnes de Riz ; 3.933,88 tonnes de sucre ;
3.808,90 tonnes de farine de froment ; 1.387,35 tonnes d'huile
végétale ». Ces besoins en importation des produits
agricoles ne cesse d'accroître. En effet, La cellule d'Uvira de la
division provinciale du Commerce Extérieur au Sud Kivu (2006) a
enregistré l'importation de : 6.919,775 tonnes de Riz ; 10.953,900
tonnes de sucre ; 16.292,425 tonnes de farine de froment ; 2.472,057 tonnes
d'huile végétal ».
D'autres produits agricoles tels : la farine de manioc, la
farine de maïs, tomates, oignons font objet d'un important trafic
d'importations en provenance de pays voisins (le Rwanda et l'Ouganda) et de la
province voisine du Nord Kivu mais ne sont pas
documentés/enregistrés dans les statistiques des importations de
la province du Sud Kivu.
Notons par ailleurs, qu'en dépit de ce sombre visage
que présente le secteur agricole au Sud Kivu, il y a lieu de noter la
présence sur le terrain de divers acteurs investis dans la lutte contre
la pauvreté et la faim parmi lesquels figurent : le pouvoir public
(l'exécutif provincial), les ONGS locales et internationales ayant le
volet de crédit, les institutions financières d'épargnes
et de crédit.
Eu égard à ce qui précède, il y a
lieu de se poser les questions suivantes :
· Quel est l'apport réel de ces différents
acteurs financiers au secteur agricole au Sud Kivu en terme de crédit
agricole et subventions de l'Etat aux agriculteurs pour lutter contre la
pauvreté et la faim ?
· Comment peut-on financer efficacement le secteur
agricole au Sud Kivu ?
Pour répondre à ces questions, les
hypothèses ci-dessous ont guidé notre réflexion.
0.2. HYPOTHESE DE L'ETUDE
P. RONGERE, cité par Mulumbati N. (1980),
définit l'hypothèse comme étant (( une proposition de
réponses aux questions que l'on se pose à propos de l'objet de la
recherche, formulée en des termes tels que l'observation et l'analyse
puissent fournir une réponse.
Ainsi, nous aurons les hypothèses suivantes :
· Le volume de financement alloué au secteur
agricole au Sud Kivu en terme de subvention publique et de crédit de la
part de différents acteurs financiers est très faible pour lutter
contre la pauvreté et la faim au Sud Kivu.
· L'agriculture contractuelle constitue une
stratégie appropriée pour le financement du secteur agricole au
Sud Kivu ;
0.3. OBJET DE L'ETUDE
Toute recherche effectuée dans un domaine précis
aura certainement un objet précis qu'elle poursuit, dans le but
d'arriver aux résultats escomptés.
Notre recherche qui s'inscrit dans l'optique du premier
objectif du millénaire pour le développement à savoir ((
Eliminer l'extrême pauvreté et la faim », se propose comme
objet :
· Identifier la part du financement dont
bénéficie le secteur agricole en terme de crédit et
subvention de la part des acteurs financiers du Sud Kivu ;
· Eveiller la sensibilité des acteurs politiques,
financiers et scientifiques en faveur du Secteur agricole
· Relever les potentialités agro écologiques
de la province du Sud Kivu ;
· Proposer l'intégration de l'approche ((
agriculture contractuelle » comme stratégie de financement du
secteur agricole au Sud Kivu.
0.4. APPROCHE METHODOLOGIQUE
Pour vérifier nos hypothèses et réaliser
l'objet de notre recherche, nous avons recouru à diverses
méthodes et techniques.
0.4.1. Les méthodes utilisées
PINTO et GRAWITZ (1971, p289) définissent la
méthode comme étant l'ensemble d'opérations
intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les
vérités qu'elle poursuit, les démontre et les
vérifie.
Dans le cadre de cette étude, nous avons fait recours aux
méthodes ci-après :
a). La méthode descriptive
Consistant à décrire un phénomène
social ou une situation déterminée, cette méthode nous a
servi de guide pour présenter notre milieu d'étude en
décrivant ses caractéristiques.
b). La méthode historique Cette
méthode nous a permis de situer notre sujet dans le temps.
c). La méthode statistique
Nous avons fait recours à cette méthode pour
pouvoir analyser et interpréter les résultats de nos
enquêtes
d). La méthode analytique
Cette méthode nous a aidé à
décomposer notre sujet comme un tout, à comprendre tous ses
éléments constitutifs afin de mieux l'expliquer.
0.4.2. Les techniques utilisées
R. PINTO et M. GAWITZ (1971 op. cit) notent que les techniques
sont des moyens pour collecter les données.
Dans le cadre de notre travail, nous avons fait recours aux
techniques ci-dessous :
a). L'observation documentaire
Pour Mulumbati N. (op.cit), cette technique consiste à
étudier et analyser les documents pour arriver à
déterminer les faits ou phénomènes dont ces documents sont
ou portent des traces.
Cette technique nous a permis de déceler des
informations sur le financement du secteur agricole au Sud Kivu, à
travers différents documents ayant trait à notre étude.
b). L'interview semi structurée
Pour Mulumbati N. (op. cit), l'interview semi
structurée est celle dans laquelle l'enquêté répond
à une série de questions dont le nombre, l'ordre et
l'énoncé n'ont pas été fixées à
l'avance dans le protocole d'interview mais s'inscrivent dans un schéma
global de discussions.
Cette technique nous a permis d'entrer en contact profond avec
des organisations, des services et institutions publiques pour avoir des
informations sur leur apport au financement du secteur agricole en terme de
crédit ou subvention de l'Etat.
0.5. CADRE THEORIQUE DU TRAVAIL
ELIZABETH COFFEY (AFR N° 2, juin 1998) note que depuis le
début des années 1950, des gouvernements et des bailleurs de
fonds ont destinés d'importants montants aux programmes de crédit
agricole. La Banque Mondiale, à elle seule, a affecté plus de 16
milliards de dollars américains à ces efforts entre le milieu des
années 1950 et la fin des années 1980.
Dans plusieurs pays, les programmes de crédit agricole
ciblés, induits par l'offre, représentaient l'outil dominant
utilisé pour stimuler le développement agricole pendant les trois
décennies qui ont précédé les années
1990.
Il était estimé que de nombreux agriculteurs se
heurtaient à des problèmes de liquidité qui limitaient
leur capacité de réaliser les investissements agricoles et
d'utiliser davantage des intrants modernes.
Il était outre supposé que la plupart des
agriculteurs étaient trop pauvres pour constituer des épargnes,
que les marchés formels étaient dominés par les
prêteurs d'argent monopolistes qui imposaient des taux
d'intérêt usuraires et que les banques commerciales étaient
trop prudentes pour prêter à la plupart des agriculteurs.
Sur base de ces hypothèses, des gouvernements et des
bailleurs de fonds ont mis au point et financé dans le monde entier un
grand nombre de programmes de crédit ciblé qui se proposaient de
résoudre tous ces problèmes. Ces initiatives étaient dans
l'ensemble, fortement subventionnées, les prêts
bénéficiaient des taux d'intérêt réduits ou
le non - remboursement des emprunts était toléré.
Les changements survenus dans les priorités politiques
et les préférences des bailleurs de fonds ont souvent
déterminé des changements marqués dans les rôles
assignés aux marchés financiers ruraux. Parfois l'accent
était mis sur la production et les investissements agricoles alors que,
dans d'autres cas la réduction de la pauvreté, le
rétablissement de la paix dans les pays ou le secours d'urgence en cas
de catastrophes.
Le présent travail trouve son fondement
théorique dans l'hypothèse selon laquelle les agriculteurs se
heurtent à des problèmes de liquidité qui limitent leurs
capacités de réaliser des investissements agricoles et d'utiliser
davantage des intrants modernes.
En abordant ainsi la question de financement du secteur
agricole dans la province du Sud Kivu, il s'agira spécifiquement
d'évaluer le flux monétaire alloué au secteur agricole
dans cette province compte tenu des potentialités qu'elle regorge, des
perturbation d'ordre sécuritaire, phytopathologique et climatique
qu'elle a connu (ou du moins connaît) ; et la présence des acteurs
financiers dans la province.
Pour asseoir l'originalité de notre travail, nous nous
sommes intéressés aux travaux de nos prédécesseurs
qui ont eu à aborder la question du financement du secteur agricole. Il
s'agit entre autres :
a). Zonon Abdoulaye et Kazianga Harouna, «
Problématique de financement du secteur agricole pour un
développement durable. »
Préoccupé par l'attention accordé au
secteur agricole en terme de financement compte tenu de la place
prépondérante qu'elle occupe dans les pays du Sahel en terme
d'occupation de la population active, des recettes d'exploitation (60 à
80%) qu'elle génère et du fait qu'elle représente environ
35% du PIB de la sous région (du Sahel), le CILSS s'est résolu
d'initier cette étude qui lui a permis de comprendre davantage la
problématique que pose le financement du secteur agricole.
Ainsi, le CILSS a constaté que :
- Le paysage des institutions financières des pays du
Sahel en faveur du secteur agricole est caractérisé par 3
systèmes à savoir : (1) le système
bancaire ; (2) le système financier
décentralisé comptant les institutions d'épargne et de
crédit, et les projets à volet crédit ; et (3) le
système informel de crédits au sein desquels se classes les
tontines, les banquiers, les ambulants et les gardes monnaies.
- Le secteur agricole de plusieurs pays du Sahel reste
majoritairement financé par les banques commerciales bien que l'offre
consacrée à l'agriculture soit faible et à court terme
(1,7 milliards de FCFA contre 770.000.000 pour le moyen terme et seulement
1.000.000 FCFA pour le long terme). Le secteur agricole bénéficie
de seulement 14% de l'offre globale de crédit (soit environs 250
millions de FCFA). Les banques commerciales pourvoient à l'essentiel de
cette offre (92%), très loin devant les banques de développement
(5%) et les systèmes financiers décentralisés (3%).
- Il existe une inadéquation des circuits financiers
classiques pour le financement de l'agriculture. Cette inadéquation se
justifie par les faits suivants : le coût élevé des
transactions bancaires, l'absence d'un marché de risque et
l'asymétrie d'information, et les attitudes des paysans face au
crédit (don ou crédit).
- Les systèmes financiers décentralisés
revêtent une importance capitale suite : à leur reconnaissance
juridique, à leur reconnaissance internationale, à l'affluence
massive des populations vers eux, à leur performances ainsi qu'à
l'existence de toute une gamme théorique en leur faveur.
Cependant, la faiblesse des transactions financières,
la faiblesse des relations entre systèmes financiers
décentralisés et circuits bancaires, l'exclusion des pauvres, la
faible diversification des produits financiers, la crise de croissance, la
reforme agraire et le problème de la garantie de crédit, et en
fin le faible niveau d'organisation des clients sont autant des facteurs
limitant pour les systèmes financiers décentralisés
(SFD).
Face à ce tableau, le CILSS a préconisé le
renforcement des actions de SFD comme solution à cette
problématique de financement du secteur agricole.
Pour y parvenir, des stratégies ci-dessous ont
été préconisées :
- La diversification des produits du SFD, tout en veillant sur
les instruments
financiers adaptés à l'agriculture et cela pour le
moyen et le long termes ; - L'octroi/acceptation des titres fonciers comme
garantie ;
- La garantie internationale pour combler le manque des
ressources financières de SFD ;
- Le renforcement des audits des SFD pour éviter tout
risque de mauvaise gestion ;
- La formation adéquate des bénéficiaires
afin de leur permettre de monter des projets bancables.
b). Betty Wampfler, Le financement de l'agriculture
familiale dans le contexte de libéralisation : Quelle contribution de la
micro finance ?
Capitalisant les leçons tirées d'un
séminaire tenu à Dakar du 21 au 24 janvier 2002, Betty note que
dans le contexte actuel de libéralisation des économies du Sud,
le manque d'accès au financement reste une contrainte majeure au
développement des agricultures familiales. Celles-ci ont besoin de
s'intensifier, de se moderniser, de
financer l'innovation technique, organisationnelle,...leur
seule capacité d'auto financement ne suffit pas à financer cette
modernisation.
Aussi, la réduction de l'offre publique de financement
au secteur agricole n'est que faiblement compensée par celle de banques
qui restent peu présentes en milieu rural et concentrent leur offre sur
quelques secteurs sécurisés (cultures d'exportation, productions
irriguées.
Face à l'absence d'autres opérateurs, estime
l'auteur, la micro finance devient une alternative forte pour le financement
rural. D'où la nécessité d'améliorer sa
contribution au financement des agricultures familiales.
Pour y parvenir, les pistes suivantes ont été
préconisées :
· En amont, moderniser et sécuriser le secteur
agricole ;
· Renforcer le secteur de micro finance existant et appuyer
son extension ;
· Améliorer l'adaptation de l'offre à la
demande agricole et cela en : (1) améliorant l'adaptation du
crédit aux caractéristiques spécifiques du secteur
agricole ; (2) renforçant l'offre de crédit de moyen terme ; et
(3) innovant en matière d'offre d'épargne adaptée à
l'agriculture ;
· Améliorer la sécurisation du
crédit à l'agriculture ;
· Décloisonner le secteur de la micro finance et
renforcer son insertion dans le marché financier ;
· Renforcer le lien entre le secteur agricole et le secteur
de micro finance ;
· Améliorer la convergence des politiques
publiques pour qu'elles soient adaptées et appuyées : on pourra y
parvenir par : (1) la recherche de l'alliance entre IMF et les autres
organisations professionnelles agricoles ; (2) le renforcement des
capacités des différents acteurs, en particulier les agriculteurs
et les organisations pour qu'ils puissent prendre part active dans les
négociations ; (3) la prise en compte dans la définition des
politiques des acteurs privés ; (4) la redéfinition du rôle
de l'Etat.
c). Brigitte Klein & alii, Meilleures pratiques
de crédit agricole
Le manque d'accès au crédit formel et à
des services d'intermédiation financière complets freinent le
développement du secteur agricole et entravent les efforts fournis pour
réduire la pauvreté rurale.
Des initiatives ont été lancées pour
satisfaire à la demande de crédit rural notamment la reforme des
banques de développement agricole qui vise à leur permettre de
suivre le jeu des mécanismes du marché lorsqu'elles offrent des
services de crédit aux petits et moyens clients.
Simultanément, certaines institutions de
microfinancement tentent de transférer leurs techniques de micro
crédit urbain aux zones rurales.
Le groupe de Brigitte Klein a initié cette
étude à travers laquelle il a tiré des leçons de
terrain sur le crédit agricole à l'issu de l'analyse de trois
institutions de crédit agricole, à savoir : (1) la Bank for
Agriculture and agricultural co - operatives (BAAC) de Thaïlande; (2) la
Financiera Calpia' d'El Salvador ; et (3) les Cajas Municipales de Ahorro y
Crédito (CMAC) du Péru.
De cette analyse, il a été réalisé
que les meilleures pratiques de crédit agricole passent par une bonne
gestion des coûts et risques du crédit agricole.
Pour chaque type de coût et de risque le groupe a
préconisé des stratégies adéquates
conséquentes.
Pour ce qui est des coûts, les auteurs ont retenu ce qui
suit : - La dispersion de la clientèle rurale
Les stratégies préconisées sont : (1)
une structure décentralisée assure un taux élevé de
couverture des clients ; (2) la délégation du pouvoir du
prêt peut réduire considérablement les coûts de
gestion ; (3) un personnel de terrain qualifié, bien formé et
fortement motivé, renforce la productivité du crédit ; (4)
des procédures d'appréciations des prêts simplifiées
réduisent le temps nécessaire pour l'examen de la demande,
l'approbation et les déboursements relatifs ; (5) des contacts
étroits avec les organisations et les réseaux locaux permettant
d'obtenir des informations de gestion efficace fournissent des renseignements
valables.
- Le caractère saisonnier de l'agriculture
Les stratégies préconisées sont : (1) la
diversification du portefeuille des prêts ruraux sous l'angle de
localisation des clients et du motif du prêt permet de répartir de
façon plus homogène la charge de travail du personnel.
- L'hétérogénéité de
l'agriculture
Les stratégies préconisées sont : (1)
des connaissances solides en matières d'agronomie, de gestion de
l'exploitation et de l'économie rurale sont indispensables pour une
appréciation des prêts ; (2) une évaluation réaliste
de la demande de prêt agricole est fondamentale pour bien planifier et
gérer un portefeuille de prêt.
Quant à ce qui est des risques, les auteurs notent :
- Les risques relatifs à la production, au marché
et au prix
Les stratégies préconisées sont : (1)
une évaluation des risques spécifiques aux différentes
activités de production agricole est essentielle pour déterminer
la vulnérabilité des prêteurs ; (2) l'appréciation
du prêt devrait comprendre une évaluation approfondie de la
capacité de remboursement de l'emprunteur et de sa solvabilité.
Il faudra aussi tenir compte des facteurs de risques extérieurs auxquels
est exposé la production agricole ; (3) la collaboration avec les
organisations qui connaissent bien les agriculteurs permet de diminuer le
coût des informations sur les clients et des risques courus par les
prêteurs agricoles.
- La gestion des risques du portefeuille de prêt
Les stratégies préconisées sont : (1) le
crédit agricole devrait commencer dans les zones de production qui
présentent le moins de risques, les opérations
pourront ensuite s'étendre progressivement à des zones
à risque plus élevé ; (2) des prêts
individualisés et des calendriers de remboursement
établis en fonction des moyens de l'emprunteur réduisent le
risque de défaut de paiement ; (3) un portefeuille de prêt
diversifié protège les prêteurs agricoles contre les
risques covariantes ; (4) les incitations motivent le personnel et accroissent
sa productivité en matière de prêts ; (5) une
étroite surveillance des marchés et la connaissance des risques
de crédit sont essentiels pour les prêteurs agricoles.
- Le risque de type « aléa moral » dans des
milieux de crédit déformé.
Les stratégies préconisées sont : (1)
les emprunteurs devraient recevoir des informations claires sur les
modalités financières des prêts et l'obligation de les
rembourser ; (2) la signature conjointe des contrats des prêts et
persuasion morale sont des moyens efficaces pour renforcer la discipline du
crédit ; (3) les contacts étroits entre le prêteur et
l'emprunteur instaurent un climat de confiance mutuelle qui améliore la
discipline du crédit.
- Le risque découlant de l'évolution des
politiques nationales et internationales
Les stratégies préconisées sont : (1)
les institutions de crédit agricole devraient être libre de toute
interférence politique dans leur gestion journalière ; (2) dans
le cadre de leur stratégie de gestion des risques, les prêteurs
agricoles sont tenus de surveiller les changements intervenant dans les
politiques et les marchés qui influencent leur clientèle agricole
; (3) les garanties substitutives remplacent les garanties conventionnelles et
peuvent représenter d'importantes incitations au remboursement des
prêts.
d). AJABU BIHIMANA Destin, Stratégies pour une
politique agricole intégrée dans la collectivité des
Bafuliru.
Dans son mémoire, AJABU Destin constate que bien
qu'ayant bénéficié d'une succession des tentatives
d'encadrement de sa population par des ONGs, la collectivité des
Bafuliru déplore à ces jours :
- L'insuffisance des superficies consacrées aux cultures
à cause de l'accroissement du nombre des exploitants agricoles ;
- La perte de la fertilité du sol ;
- Les aléas climatiques (prolongation de la saison
sèche) ;
- L'insuffisance d'intrants agricoles (outils aratoires et
semences) ;
- La destruction des cultures par les animaux en divagation ;
- Le délabrement des réseaux d'irrigation ;
- Le faible encadrement technique par les services de l'Etat et
des ONGs ; - L'insuffisance des capitaux (absence de crédit agricole)
;
- Le faible rendement agricole.
Au vu de ce tableau sombre, l'auteur se pose la question de
savoir ce qu'il faut faire pour pouvoir assurer la productivité du
travail agricole en vue d'accroître les revenus des agriculteurs de la
collectivité des Bafuliru.
- La distribution des terres de réserve qui ont
gardé leur fertilité aux pauvres paysans ;
- L'intégration des systèmes de production
agricole qui prennent en compte : l'agroforesterie, l'intégration
agriculture - élevage - pisciculture, la mise en oeuvre des
systèmes de production intégrée ;
- L'amélioration des infrastructures agricoles
notamment les infrastructures d'irrigation et les infrastructures
routières de desserte agricole ;
- La mise en place de petites entreprises agro - alimentaires
;
- La formation - information pour une participation active des
paysans ;
- Le crédit rural offrant aux agriculteurs la
possibilité de s'équiper, de
s'approvisionner et de s'informer pour produire et
écouler les excédants
obtenus.
L'auteur note que la gestion de ce crédit rural sera
confiée à un comité constitué par les
représentants des autorités coutumières, autorités
politico - administratives, ONG internationales, des ILD et des
agriculteurs.
Ce comité aura entre autres attributions : la gestion
de fonds de crédit, l'étude des besoins des paysans en
crédit, la formation des paysans en gestion de crédit, l'octroi
des crédits aux paysans et le suivi de crédit.
e). Karemera Kahirwa Protais, Intégration
dans le processus de production vivrière d'un système de
communication et de crédit agricole assisté au Rwanda
Les problèmes de surpeuplement, de raréfaction
quantitative des terres, de surexploitation, d'érosion et
d'appauvrissement du sol ont fait tomber le Rwanda dans un état
d'insuffisance alimentaire.
Pour y faire face, le gouvernement Rwandais a mis en place,
en 1982, une politique nationale dénommée : «
stratégies alimentaires » dont l'orientation principale
était l'intensification de la production agricole par le recours
généralisé aux intrants caractéristiques d'une
agriculture moderne.
Cette politique a conduit à l'élaboration du
« programme national intrants » chargé de l'approvisionnement,
de la vulgarisation et de la diffusion des semences améliorées,
des engrais, des pesticides, de l'outillage agricole, etc, en faveur des
paysans.
Cependant, note l'auteur, la mise en application de ce
programme se heurte luimême à des problèmes. D'une part,
les paysans manquent de l'argent pour acquérir des intrants
nécessaires leur proposés, mais aussi, d'autre part, les
vulgarisateurs n'arrivent pas à fournir aux paysans une information
persuasive, une formation technique et une éducation suffisantes.
Pour compléter les efforts du gouvernement, l'auteur
propose la mise en place d'un système de communication et de
crédit agricole assisté dans le cadre du programme national
intrants en faveur des paysans.
A travers ce système, on devra : (1) assurer la
formation technique et déontologique des vulgarisateurs et des
animateurs locaux pour avoir un personnel capable d'établir des
contacts sans heurts avec les paysans ; (2) assurer la formation
technique et éducation psychologique et
coopérative des paysans grâce à une animation
conscientisante, à des visites de démonstration et de suivi, et
à l'alphabétisation fonctionnelle ; (3) inciter les agriculteurs
à élaborer des projets d'amélioration foncière et
de leurs conditions de vie ainsi qu'à leur assurer à temps voulu
l'assistance financière et technique nécessaire ; (4) amener les
paysans à acquérir l'esprit de travail en équipe.
f. Charles Eaton et Andrew W. Shepherd,
L'agriculture contractuelle : des partenariats pour la croissance
Dans le contexte de libéralisation des marchés,
de la mondialisation et de l'expansion de l'agro - alimentaire, les petits
agriculteurs risquent de rencontrer des difficultés à participer
pleinement à l'économie de marché.
En conséquence, l'exode des populations vers les zones
urbaines, observé presque partout, va se poursuivre.
Les efforts de développement des activités
« génératrices de revenus » pour les ruraux afin de
freiner cet exode, ne pourront être porteur tant que, en aval et en
amont, les agriculteurs et les entrepreneurs manqueront à la fois
d'intrants fiables et rentables tels que les services de vulgarisation, les
services de mécanisation, les semences, les engrais et le crédit,
ainsi que des marchés garantis et lucratifs pour leur production.
L'agriculture contractuelle, bien organisée,
semblerait offrir une possibilité importante de production commerciale
aux petits exploitants.
Elle est comprise comme étant « un accord entre
les agriculteurs et les sociétés agro - alimentaires ou de
commercialisation, ou les deux, portant sur la production et la fourniture des
produits agricoles selon les accords à terme, fréquemment
à des prix préétablis. »
Invariablement, l'accord engage aussi l'acheteur à
apporter, dans une certaine mesure, un soutien à la production par le
biais, par exemple, des fournitures d'intrants et des conseils techniques.
Ces accords se basent sur un engagement réciproque :
l'agriculteur fournit une denrée spécifique dans des
quantités et selon des normes de qualités
déterminées par l'acheteur ; la société soutient la
production de l'agriculteur et achète cette denrée.
L'intensité de l'accord contractuel varie selon
l'importance et la complexité des dispositions dans chacun des trois
domaines suivants :
· Les clauses relatives au marché : le producteur et
l'acheteur s'accordent sur les modalités de vente et de l'achat futur
d'une culture ou d'un produit animal ;
· Les clauses relatives aux ressources : conjointement
avec les accords de commercialisation, l'acheteur accepte de fournir des
intrants choisis, y compris parfois, la préparation de la terre et les
conseils techniques ;
· Les clauses relatives à la gestion : le
producteur accepte de suivre les méthodes de production
recommandées, les régimes d'intrants et les dispositions
relatives à la culture et à la récolte.
Le système de l'agriculture contractuelle devrait
être perçu comme un partenariat entre le secteur de l'agro -
industrie ou de commercialisation (représenté par
les multinationales, les petites sociétés, des organismes
publics, des coopératives
agricoles ou des entrepreneurs individuels) et les
agriculteurs. Pour réussir, elle exige un engagement à long terme
de deux parties. Des accords non équitables auront probablement une
durée limitée et risqueront de compromettre les investissements
et voire l'engagement des agriculteurs.
Il sied de noter que le recours à cette formule est une
décision commerciale. Ce n'est pas un modèle de
développement à suivre par ceux qui offrent de l'aide parce que
les projets qui sont avant tout motivé par les considérations
d'ordre politique et social plutôt que par des réalités
économiques et techniques échoueront inévitablement.
0.6. CLARIFICATION ET COMPREHENSION DE
CONCEPTS
Considérant que les mots sont souvent porteurs des
nuances qui engendrent des différences de compréhension et
d'interprétation, nous avons tenu à définir les concepts
clés de notre sujet à savoir : problématique, financement,
et secteur agricole.
a) Problématique
Dans le cadre de ce travail, ce concept est compris, dans le
sens du Dictionnaire Larousse 2006, comme étant « l'ensemble des
questions posées par une branche de la connaissance »
b) Financement
Nous partageons, dans le cadre de ce travail, la
compréhension fournie par le Dictionnaire Encarta 2006, à savoir
: « la mise à disposition des capitaux nécessaires »
c) Secteur agricole
Par le concept « secteur agricole », nous entendons le
secteur dont les activités se rapportent au travail de productions
végétales.
0.7. DELIMITATION DU SUJET 0.7.1. Délimitation
temporaire
Notre étude se propose d'examiner les aspects de
financement du secteur agricole au Sud Kivu, en terme de flux de crédit
et subventions accordés aux petits producteurs durant la période
allant de 2001 à 2007.
Cette période est caractérisée par :
· la reprise de la coopération entre la RD Congo et
les Institutions de Bretten Words (FMI et BM) ;
· l'annonce de la crise alimentaire mondiale ;
· la problématique de réchauffement
climatique et la perception des manifestations des perturbations climatiques au
Sud Kivu;
· Les calamités (mosaïque africaine du
manioc, le cosmopolites sordidus pour le bananier), sachant que le manioc et le
bananier constituent les principales cultures vivrières pour la
population du Sud Kivu (la première pour les territoires de Mwenga,
Shabunda, Uvira et Fizi ; et la seconde pour les territoires de Walungu,
Kabare, Kalehe et Idjwi)
· La décision de plusieurs pays exportateurs des
produits agricoles vivriers d'affecter une bonne partie de leur production
agricole vivrière (notamment le riz, la canne à sucre, le
soja,...) à la fabrication du bio-carburant et biodiesel afin de faire
face à la montée du prix du pétro-carburant et du
pétrodiesel.
· L'effervescence au Sud Kivu des acteurs financiers et des
systèmes financiers décentralisés ;
· La guerre a conduit à la perturbation des
activités agricoles causant ainsi la destruction des champs et la perte
des intrants agricoles.
· La nécessité pour les agricultures
familiales au Sud Kivu de s'intensifier, de se moderniser, de financer
l'innovation technique et organisationnelle afin de faire face à la
mondialisation et à la croissance démographique
0.7.2. Délimitation spatiale
En terme spatial, notre étude couvre la province du Sud
Kivu dans ses limites géographiques.
0.8. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Ce travail portant sur la problématique du financement
du secteur agricole dans la province du Sud Kivu, s'articule, hormis
l'introduction et la conclusion générale, sur trois chapitres.
Le premier chapitre présente la province du Sud Kivu,
ses potentialités agricoles; le deuxième chapitre porte sur une
analyse du financement du secteur agricole au Sud Kivu ; et le troisième
propose l'intégration de l'approche « agriculture contractuelle
» comme stratégie de financement du secteur agricole au Sud
Kivu.
0.9. DIFFICULTES RENCONTREES
Au cours de notre étude, nous nous sommes
confrontés à des difficultés majeures suivantes ;
- Plusieurs structures se réservaient de nous fournir
des informations en rapport surtout avec leur enveloppe de crédit
estimant que cela était tenu secret. D'autres, sans vouloir nous
l'exprimer clairement nous faisait des promesses qui se concluaient toujours
par des excuses donnant lieu à des nouvelles promesses.
- L'absence des statistiques établies aussi bien au niveau
des organisations qu'au niveau des services publics de l'Etat.
- Il n'a pas été aisé de cibler des
acteurs intervenant dans le secteur de crédit agricole au Sud Kivu.
Plusieurs organisations interviennent soit dans le domaine agricole avec une
orientation purement agronomique, soit dans le domaine de crédit mais
pas agricole.
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