INTRODUCTION
Dans un Rapport rédigé par l'organe d'examens
des politiques commerciales de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
daté du 7 octobre 2003 on peut lire ceci : « Les
réformes entreprises par Haïti dès 1986 font aujourd'hui de
son économie l'une des plus libérales d'Amérique Latine et
de la Caraïbe. Ces réformes ont créé un environnement
qui aurait permis à Haïti d'améliorer ses performances
économiques. Son PIB réel a crû au taux annuel moyen
d'environ 2,5 pour cent entre 1995 et 2000, après s'être
contracté de près de 20 pour cent entre 1991 et 1994...
Depuis 2001, son économie est à nouveau en récession. Une
importante partie de la population vit en dessous du seuil de pauvreté
et le taux de chômage atteint près de 60 pour cent. »
Aujourd'hui encore, tout comme en 2001, l'économie haïtienne ne
connaît pas une évolution considérable. Le pays
connaît une croissance encore très faible, soit 2,5 pour cent.
L'observation de l'OMC en 2003 est encore pertinente et valable pour
aujourd'hui. Mais curieusement l'Union européenne a jugé bon que
les pays ACP, dont Haïti, libéralisent leur marché encore
plus, afin de se conformer aux normes de l'OMC. L'Union européenne a
proposé un partenariat économique qui, semble-t-il, n'a pas tenu
compte du rapport rédigé par l'OMC en 2003 à propos
d'Haïti.
Dans les pages qui vont suivre, vous trouverez une
réflexion repartie principalement en six points afin d'éclairer
notre problématique et nos analyses sur les accords de partenariat
économique signés entre les Etats de l'Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique d'une part, et l'Union Européenne d'autre part.
Aujourd'hui, on ne peut pas parler du commerce international -
qui suit la trace du libre échange par sa volonté de
déréglementation -, sans parler du commerce équitable, qui
se veut une alternative au commerce international ou du moins une
réponse au libéralisme commercial. En abordant la question du
commerce international, nous nous sommes demandé aussi de quoi il
s'agit dans ce commerce. C'est-à-dire des matières
premières, qui constituent une source de revenu essentielle pour les
pays en développement.
Dans le deuxième point de notre recherche nous avons
mis l'accent sur l'histoire de la coopération commerciale entre l'Union
européenne et les Etats ACP, tout en nous efforçant de
présenter un bilan de cette coopération.
Le libre-échange n'a pas cessé de faire des
victimes chez les petits producteurs des pays en développement encore
moins armés pour affronter la concurrence des grandes firmes
internationales et des producteurs subventionnés des pays
industrialisés. Ainsi, la troisième partie de notre travail est
consacrée à la généralisation du libre
échange, et aux exigences de mise en conformité avec les
règles de l'OMC. Nous en avons profité aussi pour faire ressortir
les points essentiels des accords de Cotonou et des accords de partenariat
économique.
Comme dans tous les pays ACP, les accords de partenariat
économique (APE) ne sont pas les bienvenus. Ils sont contestés et
font l'objet de grands débats publics impliquant la
société civile et les organisations non gouvernementales. En
Haïti, la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un
Développement (PAPDA) a mis sur pied un mouvement anti-APE à
travers la « coalition Barré APE »
regroupant une dizaine d'organisations haïtiennes hostiles à la
signature des APE.
Enfin, les trois derniers points de notre travail mettront
l'accent sur le comportement d'Haïti face aux APE. Nous nous demanderons
si le pays a intérêt à signer les APE qui ne sont rien
d'autre qu'un accord de libéralisation des commerces et des services. La
fin du travail sera consacrée à une alternative haïtienne
face aux accords de partenariat économique.
PROBLEMATIQUE DE
TRAVAIL
Les Européens importent, par exemple, des produits
électroniques de Corée, des vêtements de Chine, du boeuf
d'Argentine et du vin des Etats-Unis. Des pays d'Afrique, des Caraïbes et
du Pacifique (pays dits ACP), ils importent principalement du pétrole,
des minéraux et d'autres produits de base de faible valeur. Certains de
ces produits, comme la banane et le sucre, ne sont attrayants pour les
acheteurs européens que dans la mesure où ils font l'objet de
droits de douanes inférieurs à ceux appliqués à
d'autres fournisseurs plus compétitifs. En effet, les relations
commerciales entre les pays ACP et l'UE au cours de ces trois dernières
décennies ne prennent sens qu'en rapport avec les résultats des
préférences commerciales. Les pays ACP les moins avancés
bénéficient des préférences commerciales les plus
étendues avec l'initiative dite « Tout sauf les
armes » (TSA). Cette initiative a été adoptée
par le conseil des affaires générales de l'UE le 26
février 2001. Elle consiste à libéraliser l'ensemble des
importations de produits en provenance des pays moins avancés (PMA),
à l'exception des armes et des munitions. Cette initiative donne aux PMA
le libre accès au marché européen sans droits de douanes
ni contingentements. Les préférences commerciales
accordées aux pays ACP ont sans doute stabilisé des
économies comme celles des Caraïbes en période de baisse des
prix mondiaux des produits de base. Mais elles n'ont pas favorisé la
production dans les pays ACP, ni les exportations et la diversification de la
production. Même l'initiative TSA n'a pas été suffisante
pour renforcer la production dans les pays ACP classés PMA.
Paradoxalement, d'autres pays émergents bénéficiant de
moins de préférences ont connu une croissance rapide, tandis que
les économies des pays ACP ont stagné.
Les APE en cours de négociation seraient-ils une
réponse à la stagnation économique et aux
difficultés des producteurs des pays ACP ? Dans les accords qui ont
précédés les APE, les pays ACP avaient accès aux
marchés européens, sans être tenus d'ouvrir leur
marché aux produits européens. Il est un fait que les pays ACP
sont incapables de concurrencer les producteurs européens
bénéficiant de lourdes subventions à travers la politique
agricole commune, et d'une technologie de pointe.
En quoi la libéralisation des marchés des pays
ACP est-elle une réponse efficace à la stagnation
économique, à l'augmentation et la diversification de la
production des pays ACP, ainsi qu'à l'intégration
régionale ?
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