JURY
Monsieur N'DA Paul, Professeur titulaire de
sociologie. Président
Monsieur BIAKA Zasséli, Professeur
titulaire de philosophie. Membre
Monsieur DEDY Séri, Professeur de
Sociologie et d'Anthropologie.
Monsieur DJEDJRO Meledje, Professeur
Agrégé de Droit Public et de Science Politique. Monsieur
GNABELY Roch, Maître de Conférences, sociologue.
Monsieur IBO Guéhi J. Maître de
Conférences, historien.
LES CONDITIONS DE VIE DES RETRAITES
UNIVERSITE DE COCODY
Directeur de thèse : Prof. DEDY
SERI Maître de recherches
UFR des Sciences de l'Homme
et de la Société Institut
d'Ethno-Sociologie
THESE UNIQUE DE DOCTORAT
Pour obtenir le grade de :
DOCTEUR EN SOCIOLOGIE Spécialité :
sociologie du vieillissement.
Présentée et soutenue publiquement
par: DAYORO Zoguéhi Arnaud
Kévin
Le jeudi 20 Novembre 2008
EN COTE D'IVOIRE
RESUME
SUJET
Dayoro Zoguéhi Arnaud Kévin
dayorokevin@yahoo.fr
+225 06214269
RESUME
Introduction
Ce document annexe de la thèse vise à
présenter de façon, concise le contenu de notre travail dont le
sujet est « LES CONDITIONS D EVIE DES RETRAITES EN COTE D'IVOIRE
»
La fin du 20ème et le début du
21ème siècle sont marqués, au plan mondial, par
le phénomène du vieillissement biodémographique. C'est
donc un phénomène qui émerge avec la postmodernité
et l'étude du changement social ou la compréhension des
sociétés contemporaines ne peut se faire en dehors de l'analyse
du vieillissement. Cette révolution qui se présente comme un gain
en espérance de vie, impose de nouveaux défis liés aux
besoins des seniors.
Ces défis interpellent désormais tous les pays ;
les pays européens ayant connu ou non la transition
démographique, les pays en voie de développement et surtout ceux
de la région Afrique.
Car selon les projections réalisées par les
Nations Unies pour la période 1980- 2025, le nombre de personnes de 60
ans et plus, vivant en Afrique, serait le plus important parmi toutes les
régions du monde, soit de 22,9 millions en 1980 à 101,9 millions
en 2025. En Côte d'Ivoire, le nombre des personnes âgées a
été multiplié par 2,6 en 23 ans, passant de 233 745 en
1975 à 604 934 en 19981. Face à ces dynamiques,
« Sommes-nous capables d'imaginer une vie en
société de vieux et avec des vieux ?
A-t-on pensé aux infrastructures adaptées aux
exigences de leur âge afin de leur procurer une vie relativement
décente ?
1 Ces données ont été
communiquées par Assi Apo, lors du Colloque sur :
"sociétés, développement et vieillissement en
Afrique : Comprendre le vieillissement pour prévenir les conflits de
générations". Tenu Mardi 22 février 2005.
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
3
Enseignant Chercheur Université de
Cocody
La cohabitation légendaire entre jeunes et vieux
enviée à l'Afrique continuera- t-elle d'être pacifique ?
2
Quelle est l'actualité de la pensée
d'Hampaté ba 3?
De telles interrogations sont une invite à la
réflexion, car faute de connaissances, d'études exhaustives, la
planification des actions en faveur des personnes âgées, reste
incertaine.
La présente étude vient donc contribuer à
améliorer les connaissances du phénomène du vieillissement
et surtout des déterminants qui fondent l'« oubli social »
dont les retraités sont victimes.
Aussi il s'agit dans ce travail en rupture avec les approches
classiques, de lire la retraite comme un processus qui s'inscrit dans le
parcours professionnel, dans les interactions socio familiales pré
retraites et dans de nouvelles interactions post retraite. Ainsi la retraite se
présente-t-elle comme un moment de remaniement identitaire, un nouveau
lieu de resocialisation. Comment da dans ce temps social marqué par une
marge de manoeuvre considérable, le retraité se reconstruit-il et
participe à la vie sociale ?
Les réponses à nos différentes
préoccupations se structure en dehors de l'introduction et de la
conclusion autour de quatre grands axes
Cet essai qui est une invitation à un dépassement
des connaissances aprioriques sur le vieillissement et la retraite, se
structure en quatre parties :
La première partie s'intitule cadre théorique et
méthodologique.
La seconde partie est le cadre de l'analyse de la prise en charge
institutionnelle de la retraite en Côte d'Ivoire.
2 Ces interrogations sont extraites du discours du
professeur Dedy Séri, lors du colloque sur :
"sociétés, développement et vieillissement en
Afrique : Comprendre le vieillissement pour prévenir les conflits de
générations". Tenu Mardi 22 février 2005. Il est
était le président d'organisation. Il est également membre
fondateur de la SNNIG qui a à son actif, l'introduction des
enseignements sur le vieillissement dans les curricula de l'Institut d'Ethno
sociologie et des UFR des sciences médicales.
3 Il s'agit de la célèbre pensée
d'Hamadou Hampaté Bâ « un vieillard qui meurt est une
bibliothèque qui brûle »
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
4
Enseignant Chercheur Université de
Cocody
La troisième partie analyse les processus de remaniement
identitaire et d'adaptation sociale
La quatrième partie, institutionnelle, biomédicaux
et socioanthropologiques du vieillissement réussi
Quant à ce résumé, il comporte les points
suivants :
1- la problématique
2-les méthodes d'analyse et les techniques de recherche
Les résultats de la recherche
La brève introduction a présenté le sujet,
le plan de la thèse et celui du résumé
PROBLEMATIQUE
La réflexion sur « les conditions de vie des
retraités en côte d'ivoire », est née des
constats empiriques, des observations et des témoignages faisant
état de la difficile structuration du parcours de vie post retraite.
Une lecture transversale de ces sources d'information, nous
permet d'affirmer que: les personnes âgées et
spécifiquement les retraités, vivent dans « l'oubli social
». Leurs vécus quotidiens riment avec précarité,
c'est-à-dire l'incertitude du lendemain, qui fragilise le capital
longévité.
De ces constats est né une idée de recherche ;
l'analyse du vieillissement en Cote d'Ivoire, spécifique au
vieillissement des retraités.
Mais du point de vue scientifique, cette étude trouve
sa pertinence dans le paradoxe qui apparaît lorsqu'on recoupe les
postulats qui fondent la valorisation des personnes âgées,
l'intérêt de la réflexion sur la longévité et
le vieillissement.
Il s'agit des postulats, philosophico anthropologique,
sociodémographique, culturel et éthique.
Selon le postulat philosophico anthropologique Vivre longtemps
est le plus vieux rêve de l'humanité et la longévité
se présente comme une alternative à l'éternité.
L'Homme entend vivre longtemps et ce souci traverse le travail
au sens large du terme. C'est une problématique trans-sociétale,
transhistorique. C'est pourquoi Louis Vincent Thomas, affirment que
«Toute société se voudrait immortelle
et ce qu'on appelle culture n'est rien d'autre qu'un ensemble organisé
de croyances et rites, afin de mieux lutter contre le pouvoir dissolvant de la
mort individuelle et collective»
En rapport au postulat démographique, en Côte
d'Ivoire, on note un vieillissement progressif de la population : le nombre de
personnes âgées de plus de 65 ans est passé de 3,5% en 1975
à 3,9% en 1999, soit au moins 2,5 fois l'effectif collecté de
1975. Notre pays est engagé dans un processus de vieillissement
démographique. Certes la transition démographique n'est pas
encore constatée mais, la dynamique du nombre des personnes
âgées se constate ;
Le postulat culturel indique que quelque soit le niveau de
développement, de dynamique sociale, l'équilibre
intergénérationnel est pensé, la vieillesse et la jeunesse
entretiennent une relation d'interdépendance. En cote d'ivoire, bien
qu'engagé dans une transition culturelle, les personnes
âgées sont toujours sollicitées. Le développement,
comme nous l'on fait croire les tenants du matérialisme dialectique, n'a
pas ispso facto entraîné la négation de
l'ancien.
c'est pourquoi, selon le postulat éthique, chaque
nation doit prendre soins des personnels vulnérables, développer
une politique élargi de protection sociale et de prévoyance
sociale, pour garantir un vieillissement réussi c'est-à-dire la
participation sociale des seniors en garantissant leurs capital
longévité.
Au regard de ces postulats, un paradoxe apparaît, qu'il
convient d'analyser en identifiant les facteurs socio institutionnels de la
structuration des parcours de vie post retraite.
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
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Enseignant Chercheur Université de
Cocody
Pour saisir ces facteurs, quatre questions opératoires
orientent:
1- Quel est l'impact de la gestion institutionnelle de la
retraite sur les processus de transition biographique et de structuration des
parcours de vie post- retraite?
2- Comment, dans ce contexte d'incertitudes, favorisé
par la rupture biographique, les retraités développent-ils des
stratégies de remaniement identitaires ?
3- Comment les parcours de vie socio familiaux et
professionnels orientent-ils les processus de franchissement de la retraite et
de construction des stratégies d'adaptation sociale des
retraités?
4- Enfin, comment construire les fondamentaux de la
participation sociale des retraités et du vieillissement
réussi?
Ces principales questions sont soutenues par les
hypothèses suivantes :
Hypothèse 1
L'inexistence d'une socialisation anticipatrice à la
retraite, explique l'absence de stratégies d'amorce de la transition
biographique et la difficile restructuration du parcours de vie
post-retraite.
Hypothèse 2
- La surdétermination des liens de parenté
biologique dans l'expression de la solidarité familiale, communautaire
et les logiques de gestion des parcours professionnels minent les
capacités de capitalisation des ressources économiques,
matérielles et des biens immobiliers par les
salariés, rendant hypothétique la préparation de la
retraite.
hypothèse 3
La participation sociale et le vieillissement réussi
des retraités et des personnes âgées impliquent une
approche globale et endogène des facteurs institutionnels, sociaux et
anthropologiques.
Pour tester ces hypothèses, le champs social reste les
retraité est principalement composé de retraités et
secondairement des personnes longévives et des « ebebou » des
village de YASSAP.
Ceci a été possible grâce aux méthodes
et aux techniques suivantes.
II/ METHODES ET TECHNIQUES MISES EN OEUVRE
Les méthodes utilisées sont la dialectique et le
structuro constructivistes.
La méthode dialectique
La retraite apparaît comme une transition biographique
qui inscrit les retraités dans des logiques plurielles et parfois
contradictoires. Car, ils ont de par la cessation du travail, la
possibilité de choisir diverses normes et gérer de multiples
contraintes. Ainsi, les conditions de vie et la restructuration du parcours de
vie pendant la retraite sont déterminées par cet ensemble
hétérogène, contradictoire.
L'approche dialectique nous a permis permettra de saisir au
coeur de ces contradictions et incohérences, les processus de
construction, de déconstruction des rapports sociaux et des
identités au cours du parcours de vie post-retraite.
la méthode socioconstructiviste
Cette approche nous a permis de saisir comment les individus
inscrits dans des champs, complexes de relations sociales, entre
«l'histoire objectivée dans les choses et l'histoire
incarnée dans le corps», arrivent à acquérir des
capitaux sociaux
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
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Enseignant Chercheur Université de
Cocody
par leurs adhésions aux champs économique,
artistique, politique, culturel, dont l'influence reste déterminante
durant le parcours de vie, tant en période pré retraite comme
post retraite.
La construction indique ici les différentes
possibilités, les pratiques quotidiennes de restructuration qui sont,
soit des résultats des dispositions antérieures, des
élaborations antérieures, («l'habitus» selon l'approche
bourdieusienne) ou le produit des interactions avec les systèmes
économique, culturelle, politique, sanitaire; les systèmes de
valeurs, etc. qui orientent les stratégies et les choix des acteurs
sociaux en période post retraite.
Ces deux méthodes complémentaires ont induit les
techniques suivantes
1- la documentation
2- le récit de vie
3- le questionnaire
4- les entretiens individuels et approfondis
5- l'analyse de contenu
La documentation
Cette technique nous a permis d'avoir des informations relatives
à :
- la sécurité sociale, au phénomène
du vieillissement dans le monde en générale et dans les pays en
développement, particulièrement.
- les textes régissant la prise en charge institutionnelle
de la retraite. Elle nous a permis de saisir les procédures de la
liquidation de la retraite.
- quelques orientations théoriques en sociologie du
vieillissement.
Toutefois, on relève ici le déficit de
théorisation dans les champs disciplinaires. Aussi, notre étude
souffre d'une référence interne au champ disciplinaire.
Le récit de vie
«Le récit de vie offre des informations qui par
leur nature même forment une totalité cohérente
enracinée dans l'expérience sociale
réelle.»4
Les récits de vie nous ont permis d'avoir des informations
relatives :
· aux réseaux de sociabilité;
· aux comportements d'acquisition et de consommation des
biens et des richesses;
· à la représentation de la famille et les
interactions familiales;
· aux bilans des expériences professionnels (regret
et avantage);
· aux mécanismes de franchissement de la
retraite;
· aux secrets de la longévité.
Pour ce dernier aspect, il convient de signifier que les
discours ont été circonscrits autour des aspects suivants:
· réseaux de sociabilité,
· comportements sanitaires
· l'alimentation
· représentations de la vieillesse
· déterminants de la longévité et des
croyances
· des logiques d'appropriation et de consommation des
biens
· des rapports aux corps et à l'environnement
Le questionnaire
Le questionnaire a porté sur :
· l'analyse institutionnelle de la prise en charge.
· les relations socio-familiales
· la question sanitaire et l'itinéraire
thérapeutique,
4Thompson, P(1980). Des récits de vie à
l'analyse du changement social, in histoire de vie et vie sociale,
cahier international de sociologie, volume 69,
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
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Enseignant Chercheur Université de
Cocody
· les représentations de la retraite et les
mécanismes de franchissement de la retraite,
· enfin, sur les projets initiaux, le bilan et les
perspectives de vie.
Toutefois, nous pouvons retenir que les questions ont
porté sur les thématiques suivantes:
· les conditions faites aux retraités par la CGRAE
et les anciens employeurs dans le processus de préparation et de la
liquidation des dossiers de retraite.
· La qualité des rapports avec les membres de la
famille immédiate
· La qualité des rapports avec les membres de la
famille élargie
· L'accès aux soins et fréquentation des
structures sanitaires.
· Les projets initiaux et finaux
· Bilan ou souvenir du métier
· Appréciation du retraité de sa vie
actuelle
· Préparation et perception de la retraite
· Les perspectives.
Les entretiens individuels et approfondis
Cette technique de collecte de données a
été utilisée pour saisir les logiques et les processus de
structuration des parcours de vie dans la seconde étape du
vieillissement des retraités. De façon explicite, nous avons
appréhendé:
· les représentations de soi par les
retraités.
· les formes de réutilisation de capitaux
accumulés durant le parcours socioprofessionnel.
· les réseaux de sociabilité
· les interactions familiales
· les activités socioculturelles et
économiques
· les différentes constructions de la
longévité
L'analyse de contenu
« L'analyse de contenu constitue une méthode de
collecte de données. Dans le domaine des sciences humaines, ces
méthodes s'alimentent à trois sources :
· l'utilisation de documents ;
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
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Cocody
· l'observation par le chercheur ;
· l'information fournie par les sujets. »5
·
Dans le cadre de cette étude, l'analyse de contenu
porte sur les résultats des entretiens libres, les récits de vie,
les entretiens avec les personnes longévives et sur les documents
relatifs aux dispositions organisationnelles de la CGRAE et de la CNPS. En
rapport à la procédure d'analyse, nous avons choisi d'analyser
les contenus et latents, en choisissant la perspective qualitative.
Au total huit cent treize (813) questionnaires et quarante
six (46) entretiens effectués auprès de personnes
âgées dont quinze (15) de sexe féminin et trente et un (31)
de sexe masculin, neuf ( 9 ) récits de vie et quinze (15) entretiens
avec les «ébebou». Chronologiquement, c'est le questionnaire
qui a été d'abord administré, ensuite les entretiens.
Quels sont les principaux résultats de cette étude
?
III- LES PRINCIPAUX RESULTATS
1- De la prise en charge institutionnelle des
retraités
En analysant les logiques organisationnelles et fonctionnelles
et les rapports des retraités aux institutions de prise en charge, on
note :
- un retard chronique dans le traitement des dossiers et le
paiement des pensions de retraite.
- absence d'éducation à la préparation
de la retraite et la sous information du retraité - Une absence des
politiques d'accompagnement sanitaire, social, économique et
psychologique.
- la persistance de la corrélation
«vieillesse-retraite» dans les logiques d'élaboration des
politiques de la prise en charge Institutionnelle.
On relève donc que la prise en charge de la retraite en
Côte d'ivoire présente des limites que le schéma suivant
rend compte de la retraite. Il s'agit pour nous de la
5 Gauthier, B. (1993). (dir). De la
problématique à la collecte de données. Quebec :
Press de l'université du Québec
matrice qui fonde l'inadaptation fonctionnelle des institutions
chargée de la prise en charge des retraités
PARADIGME ÉVOLUTIONNISTE
Standardisation Tripartite du
parcours de vie Formation-travail-retraite
Retraite = mort sociale
LOGIQUE
FONCTIONNELLE: -capitalisation des
cotisations
-liquidation des retraites
-paiement de pension
|
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INEXISTENCE DE SOCIALISATION ANTICIPATRICE A
LA RETRAITE
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CRISE DE LA TRANSITION BOGRAPHIQUE
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RETRAITE EST REDOUTEE
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Absence de politique de socialisation anticipatrice
à la retraite
- Absence d'éducation à la retraite
- Méconnaissance des procédures de
liquidation de la retraite
- Méconnaissance des services de
gestion de la retraite
- Mécanismes des interactions
sociales post retraite
- Ignorance de l'année de la mise à la
retraite
|
Influence paradigmatique et théorique
|
|
Influence fonctionnelle et organisationnelle
Figure 1 : Matrice de l'échec de la prise en charge
institutionnelle de la retraite
Commentaire du schéma
Sous l'impulsion du paradigme évolutionniste, les
institutions en Afrique et particulièrement en Côte d'Ivoire, se
sont inscrites dans une logique d'assimilation, et de reproduction
institutionnelle.
Dans cette perspective du linéarisation de
développement institutionnel, l'idéalisation des valeurs
bureaucratiques, qui fonde les interactions des acteurs institutionnels et les
retraités dans ce cas précis, masque le progrès
institutionnel.
Car le progrès se construit dialectiquement. Les
réalités sociales d'hier à aujourd'hui ne peuvent
contribuer à maintenir les mêmes intelligibilités
organisationnelles et la même matrice fonctionnelle des institutions de
prise en charge de la retraite en Côte d'Ivoire.
C'est donc le refus du progrès par rupture, par refonte
avec des approches classiques, qui fonde la matrice
épistémologique de l'échec de la gestion institutionnelle
en termes:
- d'absence de politique d'anticipation à la retraite
- de lenteur dans le traitement des dossiers
- l'absence de politique d'accompagnement social,
économique, psychologique;
- le long délai de perception de la première
pension
- difficile transition biographique.
En somme, il existe une inadéquation entre les
besoins, les vécus des retraités, la dynamique structurale et les
politiques de la prise en charge institutionnelle, qui explique pourquoi, plus
des retraités de notre échantillon,estime que la retraite est un
moment redoutable. La retraite n'est connue que comme facteur de
régulation des transitions générationnelles sur le
marché de l'emploi. La retraite comme phénomène social,
comme lieu de transition biographique, avec ses implications sociales et ses
exigences administratives sont quasi méconnues.
Mais, le processus du vieillissement réussi est global
et questionne également les différentes sociabilités des
retraités. Parmi ces facteurs qui peuvent rendre intelligible
l'échec des structurations des parcours de vie post retraite, les
sociabilités familiales, communautaires, amicales, les stratégies
individuelles de franchissement et d'adaptation sociale, sont des lieux de
questionnement pertinents.
Quelle analyse fait-on ici des parcours de vie familiale et
sociale des ex-salariés ?
2- De l'impact des obligations socio familiale et des
logiques de gestion socioprofessionnelle ;
Avant de présenter les résultats ici, il convient
de préciser que deux types de représentation de la famille,
domine le discours de retraités :
- La famille cadre d'épanouissement et de réussite
sociale
- La famille: source de sécurité sociale et de
solidarité
Ceci se justifie par le fait que plus de 60% des
retraités ont pris leur retraite entre 1989 et 1999 ce qui suppose
qu'ils sont été fondamentalement influence dans leur
socialisation primaire par la position centrale de la famille dans
l'équilibre sociale et individuel.
En conséquence 88.6% des retraités estiment
avoir été utiles à leur famille, à leurs parents.
Parents désignant ici les membres de la parenté
collatérale, les ascendants et les descendants.
Il s'agit de la :
- scolarisation des frères, soeurs ;
- construction de maisons pour les parents ; - prise en charge
sanitaire ;
- aide pour la réalisation des projets ;
- participation au cours des funérailles.
Ce type de rapport bien que jugé socialement utile,
était contraignant. Il s'est maintenu pour les raisons suivantes
- La taille de la famille
- Pour bénéficier en retour des aides des autres
en périodes de crise
- Pour éviter le courroux des parents ou un sort
maléfique
- Pour capitaliser les actes de solidarité lors des
funérailles et bénéficier de la réciprocité
de solidarité
- Pour Profiter de la reconnaissance familiale voire
communautaire
- quand on est l'aîné d'une famille pauvre
ceci indique donc que le retraité étaient
durant leurs parcours de vie préretraite, influencé par ces
obligations socio familiale aussi note que 72,5% de ceux qui affirment ne pas
avoir préparé le justifient par de difficultés
financières et des charges familiale;
On note ici, l'impact de la surdétermination de la
parenté biologique et communautaire dans l'expression de la
solidarité.
Comment les logiques de gestion du parcours professionnelle
contribuent-ils à palier cette insuffisance ?
En rapport aux déterminants socioprofessionnels, on
note insatisfaction chez plus de la moitié de retraités (51%) qui
fustigent l'ingratitude de l'état. Les motifs d'insatisfaction sont
essentiellement:
-l'interdiction d'exercer des activités
extraprofessionnelles
L'impossibilité de la formation continue
La promotion catégorielle sans effet financier
En conclusion on retient que les retraités n'ont pas
intégré la retraite comme moment important du parcours de vie.
Dès lors comment traversent-ils cette transition
biographique et entament-ils leur remaniement identitaire ?
3- DES STRATEGIES DE TRANSITION BIOGRAPHIQUE ET
D'ADAPTATION SOCIALE
DES STRATEGIES DE TRANSITION BIOGRAPHIQUE
· La préparation de la retraite
Les retraités n'ont pas bénéficié
d'une socialisation anticipatrice à la retraite, aussi plus de la
moitié (58%) n'ont pas pu préparer leur retraite.
Pour ceux qui affirment avoir préparé la retraite,
le moment de la préparation se redistribuent sur les périodes
suivantes
- les cinq premières années de la
carrière;
- de la sixième à la dixième
année;
- de la onzième à la quinzième année
;
- de la quinzième à la vingtième
année;
- de la vingt-et-unième année à la
vingt-cinquième année;
- les cinq dernières années avant la retraite.
Les motifs de la préparation ne sont pas liés
à la préparation de la retraite. Il s'agit - Pour 27%La
conscience même de l'inévitabilité de la retraite:
- Pour 21,4 %, «c'est le fait d'avoir moins de charges et
de pouvoir se retrouver» (équilibre financier, social et
psychologique),
- pour 17 % «c'est le fait d'être bien
rémunéré, de pouvoir s'occuper de sa famille et d'avoir
les opportunités et les facilités ».
Pour 8 % «c'est le fait d'arriver à la
réalisation des objectifs et d'avoir des plans de décision
personnelle».
Pour 46,4%, l'information est capitale,
· Le bilan des biens
En rapport aux biens comme stratégies de
préparation de la retraite on retient que 52% contre 47% des
retraités ne possèdent pas de bien au village. La possession des
biens est motivés par:
-L'honneur de soi 30%
-L'idée de retraite 26,6%
-Au besoin de logement 14,3%
67% contre 32,6% ont des biens en ville. Les explications
avancées sont: -l'importance vitale et symbolique du logement
-nécessité de l'investissement pour les vieux
jours.
Les retraités n'ont pas tous capitalisé les biens
dans une logique de préparation de la retraite
STRATEGIES D'ADAPTATION SOCIALE
· Aspects sociaux sanitaires
Itinéraire thérapeutique
93,5% des retraités ont comme premier choix un centre
de santé publique. Or ce type de structure ne dispose pas d'unité
gériatrique. La probabilité d'un tâtonnement diagnostic est
grande.
État sanitaire
27% contre 73% des retraités sont sous régime
alimentaire. Chez les retraités âgés entre 65-74 ans, on
observe une généralisation pathologique ou une poly pathologie.
Avec une forte prévalence de régime sans sel (55,6%) qu'on peut
associer à l'hypertension artérielle qui trouve sa source dans le
stress et les conditions difficiles de vie.
· Resocialisation professionnelle
49,1% de retraités n'ont pas d'activité or dans
85,5% des cas l'opinion de la retraite active est acceptée. l retraite
s'oppose à l'immobilisme social car dans 60% des cas, les
retraités ont une pension proportionnelle et vivent dans 94,5% des cas
en ville. Ceci implique des obligations socioéconomiques importantes.
· Dépenses socio familiales
- 34,6% des retraités sont en mode sous location, pour un
loyer mensuel entre 20 000 fcfa et 80 000 fcfa;
- 34,81% contre 65,19% dépensent au moins une fois dans
le mois pour se soigner. Les dépenses en soin de santé varient de
10 000 fcfa à 50000fcfa ;
Dr DAYORO Kévin Arnaud Kévin (
dayorokevin@yahoo.fr
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Enseignant Chercheur Université de
Cocody
- 72,94% dépensent plus de 50 000 f CFA par mois pour la
prise en charge alimentaire;
On ne note pas une dynamique particulière dans les
sociabilités
- 74,41% n'ont pas d'activité ludique;
- 55,24%. ne dépensent plus pour s'habiller (42,80%
d'hommes; 12,42% de femmes)
L'investissement dans l'habillement pendant la retraite n'est
pas une priorité pour les retraités interrogés.
En conclusion, le modèle de vieillissement des
retraités n'est pas favorable au vieillissement réussi.
L'adaptation sociale n'est pas en corrélation avec les projets de vie et
les aspirations.
- l'absence d'unité de soins gériatrique;
- l'absence de politique de resocialisation professionnelle;
-l'absence de politique de bénévolat;
-le faible niveau de sociabilité ludique,
sont autant d'indicateurs qui imposent l'alternative.
L'adaptation à la vie post-retraite reste donc
problématique pour ces retraités qui sont contraints de
travailler parce qu'ils ont encore des enfants à scolariser et sont
objets de sollicitude des membres de la parentèle.
Cette situation déjà problématique
s'accentue avec la réduction du pouvoir d'achat sans que des politiques
sociales et économiques accompagnent les processus d'adaptation sociale.
Aussi, le retraité en général ne développe pas
assez de sociabilités. Il se limite le plus souvent aux réseaux
de parenté, aux amitiés dans l'entourage social immédiat
et aux anciens réseaux amicaux dans les services professionnels, tels
que les services hospitaliers et éducatifs. Ce constat montre que la vie
post-retraite reste problématique pour les retraités qui ont
encore des capacités intellectuelles et physiques.
Cependant, si le passage à la retraite, est
redouté, critique pour plus de la moitié des retraités,
elle n'a pas favorisé une capitalisation de ressources sanitaires,
économiques, relationnelles, identitaires, pour une meilleure adaptation
sociale.
On parle alors de crise d'adaptation, qui signifie ici non
une dépression ou la perte du goût de vivre, mais le refus de
renouvellement et de découverte, qu'imposent les nouvelles
sociabilités liées, non plus au travail, mais à
l'investissement de soi dans de nouveaux lieux de socialisation, comme le
loisir, le bénévolat, etc.
En effet, face à la désocialisation
professionnelle, aucun retraité n'a affirmé exercé des
activités de bénévolat comme lieux de réutilisation
des ressources captées tout au long de son parcours professionnel.
Ce modèle de vieillissement n'est pas favorable au
vieillissement actif. Comment contribuer à l'amélioration de
l'augmentation significative de l'espérance de vie ? Comment contribuer
à faire passer les préoccupations du vieillissement simple au
«mieux vieillir»? En somme, il s'agit ici d'identifier les facteurs
favorisant le vieillissement actif.
IV : QUELQUES FONDAMENTAUX INSTITUTIONNELS, BIOMEDICAUX
ET SOCIOANTHROPOLOGIQUES DU VIEILLLISSEMENT REUSSI
Le vieillissement réussi désigne une
implication constante des « vieux » dans les activités
économiques, sociales, spirituelles, culturelles et non pas uniquement
l'aptitude à la seule activité physique et/ou à l'emploi.
C'est la possibilité pour eux d'apporter une contribution à leurs
familles, à leurs contemporains, à leurs communautés et
à leurs propres pays. Enfin, il s'agit de réhabiliter et de
garantir la qualité de vie tout au long du vieillissement, surtout
à un âge avancé.
Le vieillissement réussi se construit dans une
perspective globale et totale comme l'indique le schéma suivant
Facteurs économiques
Facteurs démographiques
Facteurs sociaux et familiaux
Facteurs environnementaux
Facteurs politiques institutionnels
Capital Vieillissement actif et
longevité
Facteurs culturels et religieux
Facteurs sanitaires et biologiques
Facteurs psychologiques et cognitifs
Figure 2: Essai de modélisation systémique du
vieillissement réussi
|
Interaction perceptible dans le contexte social cas ivoirien
Interaction non perceptible dans le contexte social ivoirien
comme dans les pays occidentaux qui ont connu une transition
|
|
Dans le contexte social ivoirien, inexistence d'interactions
entre les différents systèmes sociaux susceptibles d'influencer
le
vieillissement réussi
|
|
Au plan de la prise en charge
institutionnel
La prise en charge institutionnelle présente des
limites qui rendent problématique le vieillissement des
retraités. Aussi, des réformes s'imposent en termes:
- de reconstruction conceptuelle de la retraite.
- d'institutionnalisation de la préparation de la
retraite ou socialisation anticipatrice à la retraite
- Les réformes administratives de la prise en charge et
les politiques d'accompagnement de la vieillesse.
· Reconstruction conceptuelle de la
retraite.
La conceptualisation d'un phénomène social se
fait toujours en fonction d'un cadre de référence sociale,
politique et surtout historique. Elle oriente l'observation et
l'appréhension de la réalité sociale qu'elle traduit. Mais
elle ne reste pas statique, puisqu'elle est censée traduire une
réalité dynamique, constamment déconstruite et
reconstruite.
Une approche comparative nous situe sur la nécessaire
reconstruction conceptuelle de la retraite
Tableau ni :Approche comparative des modèles de con
ceptualisation de la retraite
Dimensions
|
La conceptualisation «traditionnelle»
|
La «nouvelle» conceptualisation
|
Modalité (s) de sortie
|
Double : elle est liée à l'âge et aux
accidents de travail.
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Diversifié, elle est liée
- A l'âge (55, 60 65 ans)
- A la retraite anticipée volontaire ou non
-Au licenciement
-Aux accidents de travail
|
Construction sociale du parcours de vie
|
Le parcours est institutionnalisé
de façon tripartite et rigide et correspond à
des rôles sociaux et des temps sociaux précis.
Jeunes = formation
Adultes= travail
Vieux= retraite: la corrélation
Retraite = vieillesse est déterminante
|
- Parcours de vie est de plus en plus individualisé et
les
transitions vers les différents âges sont
flexibles.
-les différents temps sociaux de formation, travail et
non travail se distribuent tout au long du parcours de vie.
- La corrélation retraite- vieillesse se
déconstruit.
|
Construction sociale de la vieillesse
|
Le processus de modernisation
des sociétés, accorde une place centrale au
travail salarié, et accorde une place de choix à la main
d'oeuvre. Ainsi Au cours du 19e siècle, la diffusion de la
figure du vieux prolétaire usé et déchu a contribué
à construire la vieillesse comme incapacité, invalidité
|
- L'émergence du troisième âge
(génération pivot) et du quatrième (4ème)
âge, contribue au vieillissement actif. D'où
l'émergence des concepts seniors, personnes
aînées
|
La structure d'âge des retraités
|
Les retraités étaient avancés en
âge
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Les retraités sont de plus en plus jeunes
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Sources de
revenu
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Pension uniquement
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Pension et diverses sources liées à la
capacité de se reconvertir
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Le niveau d'instruction
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Les retraités étaient moins instruits
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Les retraites ont de plus en plus un bon niveau
d'étude. Ils sont plus intellectuels et continuent de se former.
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Santé
|
Les retraités ne bénéficient pas du
développement de la médecine.
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Les retraités ont la possibilité de vieillir
sans d'importantes infirmités.
|
|
Le concept de retraite désigne aujourd'hui une
réalité sociale qui ne se résume plus à
l'invalidité sociale, physique, économique et psychologique. Si
l'histoire de la retraite a fait rimer retraite/impotence, retraite/indigence,
retraite/dépendance économique, physique, psychologique ou encore
retraite/
vulnérabilité sociale, sanitaire; c'est parce
que la retraite était la dernière étape de vie avant la
mort. Or, la modernité fait émerger «l'homo
senectus».
Aussi «toute représentation unifiée ou
rigide de la vieillesse apparaît dès lors comme une pure fiction
conceptuelle»6. Nous proposons donc de
définir la retraite comme :
« une étape du parcours de vie au cours de
laquelle un individu cesse officiellement une activité professionnelle,
qu'il peut exercer, s'il le désire avec un autre employeur ou à
titre personnel. La cessation d'activité qui peut être volontaire
(retraite anticipée) ou obligatoire (licenciement, âge limite
fixé institutionnellement), lui donne droit à une pension
perçue selon une fréquence institutionnellement
déterminée »
La nouvelle réalité sociale montre que le
retraité n'est plus socialement «mort», ni réduit au
simple rôle de consommateur. Il peut donc se définir comme un
sujet susceptible de participer à la vie de la société, au
niveau culturel, économique, politique.
· La socialisation par anticipation à la
retraite
Nous évoquons ici la socialisation par anticipation
à la retraite en référence à Robert
Merton7 qui affirme que vouloir abandonner son groupe d'appartenance
pour un groupe de référence, implique un mécanisme de
socialisation anticipatrice.
La socialisation anticipée prépare, dans le cas
précis, le retraité à sa future position sociale, en
abandonnant progressivement les valeurs de son groupe d'appartenance pour
adhérer aux valeurs de son groupe de référence.
«[... ]Le passage « officiel d'une position à l'autre
apparaît soudain, mais il est précédé d'une longue
période de préparation qui passe inaperçue »8
En rapport à notre étude, il s'agit:
- d'une politique de désocialisation professionnelle
progressive en termes d'investissements dans de nouveaux domaines
d'activité
6 Lefrançois, op cit p 314
7Merton, R.(1965).Éléments de
théorie et de méthode sociologique. Paris : Plon. P43
8Merton, R.(1965). ibidem, Page 293
La désocialisation professionnelle progressive
consiste, pour les retraités, à avoir des activités
complémentaires pendant le parcours de vie professionnel. Il ne s'agit
pas ici du retrait total du marché du travail par une retraite
anticipée. La désocialisation professionnelle n'est pas la
retraite anticipée
· l'institutionnalisation à la
préparation de la retraite
La préparation de la retraite se saisit dans une
approche quadridimensionnelle: La préparation financière et
administrative, la préparation sociale et psychologique, la
préparation sanitaire et un planning familial adapté à la
vie post-retraite.
Il s'agit de :
-la préparation financière et administrative
- la préparation sociale et psychologique
. -la préparation sanitaire et un planning familial
adopté
· Les réformes administratives de la prise
en charge et les politiques d'accompagnement de la vieillesse
La réduction du délai de la liquidation de la
pension de retraite et l'amélioration de l'accueil ;
L'augmentation des salaires et du taux de cotisation des
employés ;
L'instauration et l'application d'un minima de pension de
retraite ;
L'élaboration des politiques d'accompagnement.
Au plan socio médical
Il s'agit
-d'Intégrer l'éducation sanitaire dans le parcours
professionnel (prévention primaire/ secondaire)
-de développer des centres gériatriques
(prévention tertiaire)
-de contribuer à l'éducation alimentaire
adaptée à l'âge
Au plan socio anthropologique
Au plan socio anthropologique, il s'agit
-d Instaurer le « geragogie » ou la «
gerontagogie » (université du 3ème âge)
- de potentialiser les modèles modernes de prise en
charge à partir des modèles traditionnels qui survivent tels que
l'EBEB en pays Odjoukrou et les secrets de personnes longévives. C'est
ce que nous désignons par « ebebulisation » de la nation
ivoirienne.
Nous désignons par l'« Ebébulisation
» de la société ivoirienne est donc le processus de
valorisation des seniors dans le contexte social urbain comme rural. Ceci en
amont et en aval de la retraite ( 55 ans comme repère
démographique).
En amont, il s'agit d'inculquer aux jeunes
générations l'intérêt vieillir en bonne santé
et surtout avec les possibilité de participer à la vie sociale
à tous les âges. Cela implique une préparation à
« bien vieillir ».
En aval, il s'agit de favoriser cette participation sociale
à tous les âges. Les interactions
intergénérationnelles doivent être culturellement
codifiées, structurées et se potentialiser en puisant dans les
modélisations actuelles et les survivances en milieu traditionnel
ivoirien.
Ces normes plurielles doivent faire l'objet d'une
synthèse et d'une homogénéité de sorte que tous les
Ivoiriens, malgré la pluralité de leurs référents
culturels, construisent leur vieillesse en référence au model
sociétal. En somme, il s'agit d'éveiller ce sentiment
transculturelle, transhistorique et trans-spatiale : la
longévité, mieux, le vieillissement réussi.
Par l'« Ebébulisation » de la
société ivoirienne, nous invitons tous les acteurs à
déconstruire les stéréotypes liées à la
vieillesse. Il ne s'agit pas de retourner dans un passé temporel et
social, mais il s'agit surtout d'inscrire l'action humaine et les rapports
intergénérationnels dans une logique anthropologique. Car pour
toute société humaine, les systèmes politiques,
économiques, culturels, éducationnels, sanitaires, religieux,
matrimoniaux, etc. sont en interaction pour contribuer à l'allongement
de la vie ou au « développement humain durable ».
Standardisation du parcours de vie en pays odjoukrou et de la
retraite valorisant le grand âge
|
Socialisation Au grand âge
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Naissance
Un processus d'enculturation qui garantit la participation
sociale
Un processus d'acculturation qui favorise la
relégation sociale
Naissance
Socialisation primaire LOW
Enfance Adolescence
Enfance Adolescence
Socialisation Secondaire ANGANDJI
Travail Accumulation de richesses
Travail Accumulation de richesses
Socialisation Tertiaire EBEB
Retraite dévalorisante
Retraite valorisée
« Oubli social » Retrait social des
retraités et des seniors
Participation Sociale
Statut post ebebou
- Lêlêssel
- lakpikign
- Nênici
- Milackign
Socialisation primaire
Standardisation du parcours de vie et Modélisation de la
retraite administrative Dévalorisant le grand âge
Socialisation Professionnelle
Désocialisation Professionnelle
Et
Absence de socialisation Anticipatrice à la retraite
|
|
Absence de socialisation au grand âge
Figure 5: Deux modèles de structuration
du parcours de vie pre et post retraite
Conclusion
Au terme de cette réflexion, il convient de retenir
que la retraite est une construction sociale, dont la compréhension
requiert de se départir d'une approche simpliste et déterministe
qui consiste à faire une projection des conclusions obtenues à
partir des problématiques constatées dans d'autres contextes
sociaux. Nous voulons parler ici des contextes occidentaux.
En analysant le cas particulier de la Côte d'Ivoire,
nous remarquons que les retraités connaissent des difficultés
particulières dans la reconstruction de leur parcours de vie
post-retraite. Cette particularité nous conduit à conclure qu'en
Côte d'Ivoire, les logiques de prise en charge institutionnelle, les
représentations de la vieillesse, la structuration standardisée
du parcours de vie, font rimer retraite avec vieillesse, retraite et
incapacité intellectuelle et/ou physique.
Ainsi, le statut des retraités, leurs conditions de
vie difficile, les problématiques inhérentes à la
reconstruction de leurs parcours de vie, à la participation sociale des
retraités, sont des construits sociaux et institutionnels qui
contribuent à les maintenir dans l' « oubli social ».
Or, la pluralité des sorties du marché de
travail, fait des retraités actuels, un groupe
hétérogène qui se particularise par sa relative jeunesse,
ses capacités à participer à la vie
socio-économique et son choix de résider en milieu urbain. Les
retraités et avec eux, les seniors se trouvent engagés dans un
contexte social particulièrement complexe et fait de pluri
rationalités.
Ceci implique d'une part que ces acteurs sociaux en rupture
biographique, aient les ressources (identitaire, politique, culturelle,
sanitaire, psychologique) et d'autre part qu'ils développent des
stratégies nécessaires au processus d'adaptation, de
résistance et d'innovation.
Cette observation indique que le phénomène du
vieillissement en général et de façon particulière
celui de la retraite, mérite aujourd'hui autant de réflexions
que
les autres thématiques du fait de sa dynamique et de la
précarité de la vie des retraités.
Mais et surtout parce qu'elle met en exergue une
problématique anthropologique, celle de la conservation des
particularités culturelles dans un champ sociohistorique marqué
par la dynamique socioculturelle et la tendance actuelle à faire
converger tous les modèles économiques, culturels, politiques,
éducationnels.
Comment répondre aux défis que soulève
une telle exigence anthropologique surtout quand il s'agit du vieillissement,
inscrit dans ce processus de transition culturelle, politique,
éducationnelle et surtout au regard de ses conséquences sur les
rapports intergénérationnels ?
En conséquence, par rapport à cette
interrogation qui va certes soulever des réflexions théoriques,
et épistémologiques et des recherches visant à construire
des politiques d'actions en faveur des seniors en Côte d'Ivoire, il
découle de l'ensemble de ces travaux les acquis suivants:
I : De la nécessaire socialisation anticipatrice
à la retraite
L'anticipation à la retraite concerne l'ensemble des
procédures politiques et des stratégies qui préparent le
retraité à mieux s'engager dans la transition biographique
qu'impose la désocialisation professionnelle ; mais et surtout à
réussir sa resocialisation, afin qu'il puisse (re) utiliser son «
capital longévité » pour une vieillesse réussie.
Mais cette institutionnalisation de l'« éducation
trouve son fondement dans une alternative paradigmatique.
II- La référence au paradigme de la
complexité comme une alternative au paradigme déterministe et
mécanique de la structuration du parcours de vie.
Le paradigme de la complexité est l'alternative
à la dialectique retraite/mort sociale. Elle fonde une nouvelle
rationalité qui intègre la personne retraitée dans une
logique de pluriactivité et légitime les réflexions des
facteurs sociaux du vieillissement actif. De façon pratique, cet
intérêt s'illustre par la déconstruction de la
corrélation « retraite mort /sociale ». C'est le
troisième de cet essai.
III : De l'intérêt de la
déconstruction de la corrélation « retraite-Vieillesse
» ou « retraite-mort sociale » dans le processus de
vieillissement actif et la quête de longévité.
L'étude recommande d'inscrire le
phénomène de retraite dans une perspective de «
destandardisation » du parcours de vie. Car la révolution de la
longue vie et les recompositions sociales qui l'accompagnent, en plus de
brouiller les repères temporels, ont contribué à brouiller
l'assimilation entre les temps biologiques et les temps sociaux.
La topographie de la vieillesse se transforme de plus en plus,
en même temps que s'entrecoupent et se reconfigurent les étapes du
cycle de vie. Les personnes âgées ont plus besoin d'être
reconnues que d'être assistées. Parce que l'avancée en
âge ne doit pas signifier une " mort sociale ",
La déconstruction de la corrélation «
retraite-Vieillesse consiste à indiquer que les retraités peuvent
continuer à étudier, ils peuvent continuer à travailler,
à s'investir dans des projets économiques, culturels, politiques,
parce que l'éducation et la formation ne doivent plus être
corrélées aux deux premiers âges. La répartition
tripartite du parcours de vie ne doit plus orienter les politiques de gestion
des seniors, mais elles doivent s'adapter à la dynamique du
phénomène de retraite.
C'est donc l'immobilisme de la prise en charge, ou la
continuité de la logique socioculturelle de l'administration coloniale
à propos de la retraite qui conduit au constat suivant :
1- Les retraités ne bénéficient pas de
véritables politiques visant à les préparer et à
mieux gérer cette transition biographique.
2-Aucune politique d'accompagnement social,
économique, psychologique et culturel et sanitaire n'est faite en faveur
des seniors, pour qui la retraite ne rime plus avec « mort sociale »
et « vieillesse ».
La gestion institutionnelle de la retraite en Côte
d'Ivoire, ne prend pas en compte les nouvelles réalités
sociologiques qui caractérisent le phénomène de la
retraite en Côte d'ivoire. La gestion de la retraite en Côte
d'Ivoire reste encore tributaire de cette logique ternaire de la subdivision du
parcours de vie. C'est ce qui justifie que les grandes lignes de la gestion
administrative soient focalisées sur trois axes : réception des
dossiers, liquidation de la retraite et gestion des pensions des
retraités.
IV- De la nécessaire valorisation des seniors ou
« l'Ebébulisation » de la société ivoirienne
dans le processus de quête de longévité
Il s'agit donc d'abandonner, d'une part, les lectures
« misérabilisantes », « avilissantes
» de la vieillesse qui ont pour matrice, le paradigme du déclin,
qui associe de fait « vieillesse et fragilité », «
vieillesse et dérèglement du système immunitaire »
« vieillesse et déficience cognitive »,
etc. et d'autre part
l'homogénéité du cycle de vie.
Fort de tout ce qui précède, nous disons que la
retraite, la bonne retraite, la vieillesse réussie, le vieillissement
actif, la vieillesse active, le vieillissement réussi, sont autant de
concepts qui désignent une réalité sociale, qui se
caractérise par la capitalisation des capacités fonctionnelles,
intellectuelles, relationnelles, économiques, psychologiques, religieux
et politiques. Une vieillesse réussie se construit, depuis
l'étape de la jeunesse. Il importe donc d'éduquer, de
sensibiliser, d'informer.
Ce travail de recherche ouvre donc un vaste chantier de
réflexion scientifique transdisciplinaire à propos du
vieillissement mais et surtout du vieillissement actif, du vieillissement
réussi, c'est le chantier « du comment passer du vieillir simple au
mieux vieillir ». Tel est le défi actuel et futur des africains en
général et particulièrement des Ivoiriens comme un projet
personnel, communautaire, collective et institutionnel. En d'autres termes,
comment éveiller la conscience de la longévité et
développer les comportements appropriés ?
De vastes chantiers attendent donc des chercheurs de
disciplines diverses (sociologie, anthropologie, médecine, psychologie,
démographie, économie, etc.), pour rendre plus intelligible le
phénomène du vieillissement en Afrique dans un contexte de
transition culturelle, économique et social, afin de permettre aux
décideurs politiques de construire de véritables programmes
sociaux à court, à moyen et à long terme.
Cette étude vient contribuer ainsi à
sensibiliser les chercheurs, les gestionnaires, les politiques, à propos
de l'émergence de « l'homo senectus » et des implications
sociales en termes de défis :
Les points qui méritent d'être approfondis sont
:
· les constructions de l'aînesse sociale dans un
contexte de transition culturelle, économique, et politique;
· les pathologies gériatriques spécifiques en
Cote d'ivoire;
· les modèles traditionnels qui survivent comme
source de potentialisation du vieillissement réussi ;
· les facteurs endogènes au vieillissement
réussi;
· les logiques et les formes d'actualisation du pouvoir des
vieux;
· les réponses du système sanitaire aux
besoins de santé des seniors. En somme, comment intégrer la
question du vieillissement actif dans tous les programmes développement
humain durable, à court, moyen et long terme ?
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