Analyse des performances commerciales de l?Afrique et de son intégration au commerce international( Télécharger le fichier original )par Erik Vekamenako Vengo Université Protestante au Congo - Licence en Economie Monétaire et Internationale 2006 |
Chapitre IThéories et revue de la littérature économique Le commerce mondial n'est pas récent. Dans l'Antiquité déjà, les échanges pratiqués par les Grecs et les Romains étaient intenses. Plus tard, la richesse des cités-Etats comme Gênes ou Venise a reposé essentiellement sur leurs relations commerciales et jusqu'à aujourd'hui, nous assistons pratiquement à la multiplication des échanges entre toutes les nations du monde. Cela étant, dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux généralités sur le commerce international (Première section) c'est-à-dire aux facteurs qui motivent les différentes nations à commercer entre elles et mais aussi dans une certaine mesure à protéger certains secteurs de leurs économies. Ensuite, nous avons traité des aspects théoriques du commerce international (Deuxième section) où nous passons en revue les théories classiques traditionnelles, son évolution ainsi que les nouvelles théories du commerce international et pour finir enfin par un point concernant la participation des pays en développement au commerce international. Section 1. Généralités sur le commerce international1. Commerce international et bénéfices économiques (13(*)) Pourquoi les pays s'engagent-ils dans les échanges commerciaux ? En quoi les échanges commerciaux sont-ils avantageux ? Les économistes avancent depuis des années un grand nombre d'arguments en faveur du commerce international des produits. Certains sont manifestes et relèvent du bon sens tandis que d'autres sont moins évidents à saisir. Ces arguments peuvent être regroupés en trois grandes catégories en fonction des critères sur lesquels ils reposent ; à savoir : - l'augmentation induite par le commerce du montant total de biens et de services disponibles pour la population du pays (thèse de l'accroissement de la consommation) ; - la diversité de biens et de services auxquels la population peut accéder grâce au commerce (thèse de la diversification) ; - la stabilité de l'offre et des prix des biens et services qui résulte du commerce (thèse de la stabilité). 1.1. Commerce et croissance Une des raisons qui fait que le commerce international peut augmenter le volume des biens et services disponibles dans un pays donné et à un moment donné est que celui-ci permet d'acheter des biens et services dans les lieux où leurs coûts de production sont comparativement moindres. Les ressources locales qui, en l'absence de commerce, étaient employées à la production de certains biens sont dès lors libérées ce qui permet que d'autres biens soient produits en une proportion plus importante. Plus des détails à ce sujet seront évoqués à la section 2 sur l'approche théorique du commerce international. Une autre raison pour laquelle le commerce extérieur peut améliorer l'efficacité, c'est qu'il permet à une industrie d'étendre son marché au-delà des limites de l'économie nationale. Grâce aux exportations, une industrie peut produire plus et, s'il existe des économies d'échelle, le coût moyen de ses produits tendra alors à diminuer. En outre, en ouvrant leurs frontières aux transactions commerciales, les pays forcent leurs entreprises à être concurrentielles avec les biens et services produits à l'étranger et, donc, à rester compétitives en répercutant la baisse des coûts de production dans leurs prix de vente au consommateur. Cet élément est particulièrement décisif lorsqu'il s'agit d'entreprises qui, de par les caractéristiques de leurs procès de production (importance des coûts initiaux, substantielles économies d'échelle, dépendance vis-à-vis d'un composant spécialisé dont l'offre est limitée), tendent à occuper une position de monopole ou d'oligopole. Les industries de l'automobile et des télécommunications en sont de bons exemples. La participation au commerce international peut alors être un bon moyen de stimuler la concurrence et de renforcer l'efficacité de ces activités. 1.2. Commerce et accès aux produits Le commerce extérieur a aussi un impact bénéfique en ce qu'il offre aux consommateurs et aux producteurs nationaux un choix de biens et de services qui ne seraient pas disponibles autrement. Dans la mesure où cela concerne aussi bien des produits de consommation finale que des biens intermédiaires et des intrants, le commerce extérieur apparaît donc à la fois comme favorable aux consommateurs et au développement de la capacité de production nationale. La diversité renvoie à la disponibilité des biens qui ne peuvent être produits dans le pays ou qui ne pourraient l'être qu'à des conditions très particulières et très onéreuses (par exemple, des mangues en Scandinavie). Elle renvoie aussi aux divers types et marques de biens réellement produits dans un pays (comme par exemple les différentes variétés de pommes, les types de pompes à moteur ou les morceaux de viande) et aux biens qui ne sont pas produits dans le pays mais qui pourraient l'être à un prix de revient encore convenable. 1.3. Commerce et fluctuations Le commerce extérieur peut également servir à lisser des excédents transitoires de l'offre ou de la demande sur le marché intérieur et empêcher ainsi, ou réduire, les fluctuations des cours et les ruptures d'approvisionnement. A cet égard, les produits agricoles peuvent particulièrement bénéficier du commerce international car les marchés agricoles ont tendance à être relativement plus instables du fait de la rigidité de l'offre (la production agricole a besoin d'un certain temps pour réagir aux mouvements du marché), des facteurs exogènes qui influencent fortement la production (comme le climat ou les maladies), et de la faible sensibilité de la demande alimentaire aux variations de prix (ce qu'on appelle la faible élasticité). Dans les années d'abondance, un pays capable de subvenir largement à ses besoins en produits agricoles et alimentaires devra faire face à des excédents agricoles qui auront tendance à faire baisser fortement les prix au producteur. Le marché international pourra alors servir à résorber ces excédents avec un minimum d'interférence sur les prix intérieurs et les revenus. Et lors de mauvaises années, ce sera le contraire qui se produira. Il faut toutefois souligner que le commerce peut aussi être une source d'instabilité pour les prix. Lorsqu'un pays est ainsi fortement spécialisé dans la production de certains biens d'exportation et qu'il dépend très largement des importations d'autres produits, il devient très sensible aux fluctuations des prix internationaux. 2. Protectionnisme et libre-échange Tout le monde est aujourd'hui d'accord pour dire qu'un pays pourrait difficilement survivre sans commerce extérieur et que, même s'il pouvait se suffire à lui-même en vivant en autarcie, il en subirait probablement de lourdes conséquences. De fait, la grande question est de savoir s'il doit y avoir plus de protection, moins de protection, ou pas de protection du tout. 2.1. Les arguments en faveur du protectionnisme Le protectionnisme est une politique économique qui vise à apposer des barrières, tarifaires et/ou non tarifaires, à l'entrée biens et services en provenance d'autres pays. (14(*))
Le protectionnisme peut être défendu de plusieurs manières : pour des raisons purement économiques, ou pour d'autres motifs, comme par exemple des considérations d'équité, de sécurité nationale, de défense de groupes vulnérables, pour éviter des risques jugés inacceptables, ou pour défendre des intérêts à des fins politiques. Dans le cas du secteur agricole, le protectionnisme peut aussi être justifié pour des raisons de sécurité alimentaire. Ainsi, nous abordons ci-dessous les principaux arguments mis en avant dans le débat pour ou contre le protectionnisme. 2.1.1. Les arguments économiques § La protection les industries naissantes Parmi tous les arguments économiques en faveur du protectionnisme, le plus influent est celui qui concerne les industries naissantes. Le protectionnisme se justifie alors comme mesure temporaire donnant le temps à une industrie naissante de se développer jusqu'à ce qu'elle soit prête à affronter la concurrence internationale. On peut énumérer plusieurs raisons pour étayer la nécessité de protéger une industrie en phase de démarrage. Celles le plus fréquemment citées se rapportent aux économies d'échelle, au processus d'apprentissage technologique et managérial, aux coûts de démarrage (la recherche de débouchés, les ajustements technologiques, etc.), et aux économies externes à l'entreprise mais internes au secteur d'activité dont l'amélioration implique des aides et du temps mais qui, une fois développées, permettront à l'activité de vivre seule. § Les imperfections du marché Des mesures de protection sont également recommandées lorsque les marchés liés à une activité donnée n'existent pas ou ne fonctionnent pas bien. Dans ce cas, le protectionnisme permet à cette branche d'activité de fonctionner en dépit des imperfections du marché. Dans un pays, l'inexistence ou l'inadaptation des marchés financiers peuvent ainsi empêcher de réunir les fonds nécessaires à la modernisation d'une activité et, par conséquent, de résister à la concurrence internationale. Des mesures de protection peuvent alors permettre au secteur concerné de faire des profits supplémentaires nécessaires pour financer son expansion et sa modernisation technique ultérieure. § Les externalités Un argument lié mais néanmoins distinct des précédents est favorable au protectionnisme lorsque celui-ci protège les activités qui ont des effets externes et des répercussions bénéfiques sur d'autres secteurs ou groupes sociaux. C'est ce genre d'argument qui est utilisé pour défendre la poursuite des mesures de protection des agriculteurs de l'Union européenne dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). On affirme ainsi que l'agriculture est une activité dont le rôle ne se cantonne pas à la production d'aliments mais englobe aussi la protection de l'environnement, la gestion des sols et la préservation du paysage rural et d'un art de vivre paysan. En protégeant les agriculteurs européens de la concurrence internationale, ce sont donc ces effets latéraux bénéfiques, pour lesquels les consommateurs et les citoyens sont semble-t-il disposés à payer, que l'on cherche à préserver. § § L'impact des termes de l'échange Un autre argument économique est connu des économistes sous l'appellation de « la théorie du droit de douane optimal ». Prenons le cas de pays importateurs ou exportateurs, suffisamment grands pour influencer les cours mondiaux d'un produit donné. Un droit de douane à l'importation (ou une taxe à l'exportation) peut alors favoriser les termes de l'échange de ce pays. En effet, en restreignant les importations, ce droit de douane affaiblira la demande mondiale et, par conséquent, poussera à la baisse le prix du produit importé. De façon similaire, en freinant les exportations, la taxe à l'exportation contribuera à diminuer l'offre mondiale et poussera le prix du produit exporté à la hausse. 2.1.2. Les arguments non-économiques Les raisons politiques et sociales aux mesures de protection ont souvent beaucoup plus de poids que les arguments purement économiques. Le système de protection cherche alors surtout à éviter l'impact négatif de la concurrence des importations sur le revenu des détenteurs nationaux de facteurs de production. C'est aussi un moyen d'exercer une discrimination positive destinée à privilégier certains groupes considérés comme méritants par le système politique en place. C'est par exemple le cas des agriculteurs de nombreux pays, en particulier en Europe, au Japon et aux Etats-Unis. On a là affaire à des sociétés qui, pour des raisons historiques, politiques et sociales, ont décidé d'accorder un traitement économique particulier à leur secteur agricole, aux dépens, éventuellement, d'une hausse des prix au consommateur et d'une augmentation des taxes (et d'opportunités réduites pour les pays partenaires). Il s'agit là d'un luxe que les pays en développement ne peuvent guère s'offrir. Des pressions politiques, exercées par de puissants groupes industriels ou syndicaux qui risquent de perdre leurs acquis du fait de la libéralisation des échanges, sont aussi souvent à l'origine des mesures protectionnistes. 2.1.3. Les arguments liés à la sécurité alimentaire Les mesures de protection peuvent également être préconisées pour des raisons de sécurité alimentaire. Selon la FAO, la sécurité alimentaire consiste à garantir, à chaque être humain, un accès économique et physique stable aux aliments de base dont il a besoin. Cela recouvre trois composantes : la disponibilité, la stabilité et l'accès. Les Etats peuvent par conséquent tenter de garantir, par des mesures de protection, un niveau minimum de production de produits alimentaires essentiels. Les mesures de protection peuvent également servir à protéger les consommateurs des trop fortes variations internationales et à sauvegarder le bénéfice social et politique lié à l'alimentation. 2.2. Les instruments de protection Les Etats interviennent dans le commerce agricole au moyen d'instruments directs ou indirects et ce, avec des objectifs variés. Les plus courants visent à accroître les revenus de l'Etat, à soutenir les revenus des producteurs, à réduire les prix à la consommation des produits alimentaires, à atteindre l'autosuffisance ou encore à contrecarrer les interventions des autres pays. Ces divers instruments sont analysés dans les sections qui suivent. Tableau I.2. Les principaux instruments de protection
Source : FAO, Les Négociations Commerciales Multilatérales sur l'Agriculture - Manuel de Référence - I - Introduction et Sujets Généraux, Rome 2001.
Les instruments de protection directe portent sur les produits échangés sur le marché mondial soit importés soit exportés. Les instruments de protection les plus utilisés sont les droits de douane, les quotas d'importation et d'exportation, et les taxes et subventions aux exportations. § Les droits de douane Un droit de douane est une taxe prélevée sur un produit importé. Certains droits spécifiques sont prélevés sous forme d'une somme fixe par unité de marchandise importée (par exemple, 3 dollars EU prélevés sur chaque baril de pétrole). Les droits ad valorem correspondent à un pourcentage du prix CAF (15(*)) du produit importé, soit par exemple 20 % du prix CAF d'un tracteur. Les droits de douane peuvent être fixes (une somme constante par unité ou un pourcentage du prix CAF) ou variables (le montant varie selon le prix CAF lui-même). Les droits de douane constituent le plus simple et le plus ancien des instruments de politique commerciale. Traditionnellement les Etats les utilisaient comme source de revenus mais de nos jours ils les utilisent plutôt pour soustraire certains de leurs secteurs intérieurs de la concurrence internationale, en augmentant de manière artificielle le prix des produits importés. Les droits de douane ont pour conséquence de relever les prix au consommateur des produits importés ; ils augmentent les revenus de l'Etat et tendent à inciter les producteurs nationaux à accroître leur production de biens substituables aux importations; ils constituent donc une forme d'incitation à développer la production et à remplacer les importations. Les droits de douane augmentent par conséquent les revenus des producteurs et de l'Etat au détriment des consommateurs et contribuent à ce que la production intérieure soit plus importante qu'en l'absence de mesures de protection. § Les quotas Les quotas sont définis par l'Etat à partir de la quantité physique des importations ou des exportations. Ils peuvent être instaurés unilatéralement par un Etat ou bien être négociés avec les pays importateurs ou exportateurs qui consentent « volontairement » à restreindre leurs importations ou exportations (16(*)). Vu qu'il limite le montant de devises mises à la disposition des importateurs et des citoyens qui voyagent à l'étranger, le contrôle des changes constitue un genre particulier de quota dont la caractéristique est de restreindre toutes les importations en général et pas seulement les importations d'une seule marchandise. Les Etats mettent généralement en place les systèmes de quotas par le biais de licences. Il s'agit de titre de propriété portant sur le droit pour leur détenteur d'importer ou d'exporter une certaine quantité d'un bien donné. L'Etat peut fort bien vendre ces licences ou les mettre aux enchères auprès des importateurs et exportateurs intéressés ; il peut également les délivrer gratuitement en fonction de critères administratifs. Tout comme les droits de douane, les quotas d'importation ont tendance à renchérir les prix intérieurs des produits importés et à augmenter au détriment des consommateurs les revenus des producteurs nationaux des produits qui concurrencent ces importations. § § Les taxes à l'exportation Les taxes à l'exportation sont imposées sur les produits exportés. Tout comme les droits de douane à l'importation, ces taxes peuvent être prélevées par unité physique ou sous forme de pourcentage du prix FOB. Les taxes d'exportation sont normalement utilisées par les Etats pour augmenter les revenus publics. Bien que cette forme de financement ait eu tendance à être écartée au cours des dernières années, elle était utilisée dans la période précédent les ajustements structurels, de façon très courante dans les pays où les exportations de produits primaires offraient le moyen le plus simple et le plus sûr de collecter des revenus fiscaux. Les taxes d'exportation contribuent à réduire le prix des produits d'exportation qui est payé au producteur et à diminuer le prix de vente de ces produits sur le marché intérieur. La taxation des exportations de blé et de viande imposée par l'Etat argentin a ainsi eu pour effet d'abaisser le prix perçu pour ces produits par les agriculteurs argentins et aussi de réduire les prix à la consommation. De part ces effets sur les prix, les taxes sur les exportations ont plutôt tendance à décourager la production intérieure tout en encourageant la consommation intérieure des produits exportés, et contribuent ainsi à diminuer à terme les quantités exportées. Les taxes sur les exportations profitent donc aux consommateurs nationaux et aux finances publiques au détriment des producteurs. § Les subventions à l'exportation Une subvention à l'exportation est le versement fait à un individu ou à une entreprise qui expédie des biens vers l'étranger. Tout comme les droits de douane et les taxes d'exportation, ces subventions peuvent être spécifiques ou ad valorem. Elles incitent les producteurs et les négociants à exporter en rendant leurs ventes à l'étranger plus rentables, ce qui a pour effet d'entraîner à la hausse les prix de ce produit sur le marché intérieur. Lorsqu'un Etat subventionne l'exportation d'un produit, les commerçants auront tendance à exporter ce produit jusqu'au moment où le prix intérieur sera supérieur à la somme du prix d'exportation et de la subvention. Les subventions à l'exportation privilégient donc les producteurs de biens d'exportation et les commerçants, au détriment des consommateurs nationaux et des contribuables. § Les barrières sanitaires et phytosanitaires Les barrières sanitaires et phytosanitaires appliquées aux importations ne sont pas en elles-mêmes des instruments de protection commerciale mais peuvent aisément le devenir. De fait, elles ont délibérément été de plus en plus souvent utilisées de façon à servir de bouclier aux producteurs nationaux face à la concurrence internationale. Il n'est pas rare, en effet, que les Etats adoptent de telles mesures non pas tant en prévention de risques sanitaires confirmés par des preuves scientifiques, mais plutôt en réponse à l'activisme développé par certains lobbies. De ce fait, la question des barrières sanitaires et phytosanitaires occupe une place essentielle dans l'ordre du jour des négociations commerciales internationales. 2.2.2. Les instruments de protection indirecte § La gestion du taux de change Le taux de change correspond à de la monnaie nationale exprimé en devises étrangères. Il détermine par conséquent le montant de monnaie nationale qu'un exportateur percevra en contrepartie d'une valeur donnée d'exportations et aussi le montant qu'un importateur paiera pour une valeur donnée d'importations. En relevant ce cours, une dévaluation entraîne une hausse du montant de monnaie nationale qui sera perçu par les exportateurs et du prix qui sera payé par les importateurs. La dévaluation d'une monnaie encourage par conséquent les exportations tout en décourageant les importations. Et ces hausses des prix assurent une meilleure protection globale de tous les exportateurs nationaux et des producteurs de biens de substitutions. Le contraire vaut pour la surévaluation ; un taux de change surévalué décourage les exportations et encourage les importations car il agit comme une subvention aux importations et une taxe aux exportations. Alors qu'une dévaluation peut avoir lieu du jour au lendemain, suite à une décision politique, une surévaluation ne se produit que sur la durée et résulte de l'inadaptation du taux de change (à savoir, l'absence de dévaluation) lorsque l'inflation du pays est supérieure à celle des principaux partenaires commerciaux. Etant donné qu'une dévaluation pousse à la hausse les prix des biens d'exportation et d'importation, elle tend à avoir un effet inflationniste. La peur d'alimenter le processus interne d'inflation empêche donc souvent les autorités monétaires de recourir à la dévaluation lorsqu'ils font face à une situation d'inflation latente, et ce malgré son impact potentiellement positif sur la balance commerciale. § Les programmes par produit Les programmes par produit sont le principal instrument de protection utilisé par les Etats-Unis, l'Union européenne, le Japon et d'autres pays encore pour soutenir leurs producteurs nationaux. Ces programmes sont conçus pour garantir le revenu des agriculteurs et comportent généralement des quotas d'importations et des subventions aux exportations. Ils incluent des paiements directs aux agriculteurs sous forme de prix subventionnés ainsi que des programmes de gestion de l'offre visant à diminuer les surfaces emblavées. Un bon exemple de paiements directs visant à subventionner les prix des cultures est fourni par le système de montants compensatoires pratiqué aux Etats-Unis afin de soutenir les cultures céréalières et oléagineuses ; ce système offrant aux agriculteurs la différence entre le prix de marché et un prix cible ou prix de garantie lorsque ce dernier est supérieur au premier. Comme exemple de programme de gestion de l'offre, on peut citer le système des primes payées pour le maintien des terres en jachère instauré dans le cadre de la politique agricole de l'Union européenne. Dans le passé, les Etats-Unis avaient également mis en oeuvre un programme similaire de réduction des superficies cultivées. Il était alors demandé aux agriculteurs de réduire leurs superficies emblavées par une espèce donnée, selon un pourcentage déterminé sur une base historique, pour qu'une certaine somme leur soit versée (17(*)). Ces programmes visent à limiter la production intérieure de certaines espèces de manière à maintenir les prix de marché, tout en évitant ou réduisant la création des surplus d'exportation. § Les aides à la commercialisation Les instruments de soutien à la commercialisation cherchent à diminuer les coûts de commercialisation des producteurs nationaux, par le biais de divers programmes tels que les subventions au transport et au stockage ou les crédits de commercialisation à taux subventionné. § Les subventions aux intrants et les exonérations d'impôts Les subventions aux intrants visent à réduire les coûts de production en diminuant le coût des intrants. Habituellement, ils prennent la forme de subventions appliquées directement sur intrants (les subventions pourront ainsi représenter, par exemple, une réduction de 10 % sur le prix courant), d'exonérations d'impôts indirects sur les intrants (comme les exonérations de taxes sur les carburants utilisés par les engins agricoles), de crédits à taux subventionnés pour les emprunts destinés aux agriculteurs (comme les crédits de campagne à taux bonifié), de programmes publics d'assurances spécifiques réservés aux agriculteurs (telle l'assurance-récolte), de services gratuits ou subventionnés, ou encore de la prise en charge totale ou partielle des coûts d'irrigation, etc. Un autre moyen de garantir le revenu des agriculteurs consiste à exonérer les exploitations agricoles du paiement des impôts sur les bénéfices ou de leur offrir un traitement préférentiel dans ce domaine. § § Les subventions aux investissements à long terme Les aides à l'investissement à long terme visent à améliorer la productivité et la rentabilité du secteur agricole. Les composantes les plus importantes sont les investissements dans la recherche agricole et dans l'amélioration des infrastructures agricoles telles que l'irrigation et le drainage. Nombre de pays subventionnent ce type d'investissements de façon plus ou moins marquée. D'autres investissements à long terme consistent aussi à améliorer les infrastructures routières et portuaires, les installations de stockage et les systèmes d'information.
2.3. Les arguments contre le protectionnisme Les principaux arguments contre le protectionnisme sont au nombre de quatre. On dit ainsi que le protectionnisme favorise les activités non-rentables, qu'il encourage les comportements de type rentier, qu'il implique toujours un coût social net, et enfin que pour atteindre ses objectifs, il existe généralement des mesures beaucoup plus directes et plus rentables que celles qui restreignent le commerce extérieur. 2.3.1. La protection des activités non rentables Le premier argument met l'accent sur le fait que, même en n'isolant que partiellement les producteurs nationaux de la concurrence internationale, le protectionnisme permet à des industries inefficaces et peu rentables de se perpétuer aux dépens des consommateurs et de la dynamique de croissance. De plus, il fait échec à la dynamique d'accumulation de savoir-faire et d'innovation qui, normalement, devrait être stimulée par la concurrence internationale. En limitant la concurrence et en augmentant artificiellement les profits, les entreprises attirées par le secteur protégé et en mesure d'y survivre sont finalement plus nombreuses que ce qui serait économiquement justifié. Les parts de marchés s'en trouvent réduites d'autant, ce qui, du même coup, empêche les économies d'échelle. 2.3.2. Encouragement des comportements rentiers Un second argument avancé soutient que les mesures protectionnistes sont souvent décidées par des dirigeants politiques en faveur des secteurs d'activité, de façon plutôt conjoncturelle et souvent clientéliste, et qu'elles ne sont que rarement liées à des pertes clairement identifiables et quantifiables. En général, ceci amène les entrepreneurs et propriétaires de moyens de production à faire pression sur les pouvoirs publics afin d'obtenir certaines concessions administratives qui leurs seront favorables et qui correspondent à des comportements de type rentier. Les tenants du libre-échange argumentent dès lors que, comme dans la plupart des cas, les systèmes politiques rendent ces comportements pratiquement inévitables, les pays ont tout intérêt à promouvoir le libre - échange ou, tout au moins, à instaurer des droits de douane peu élevés, applicables uniformément et de façon transparente à tous les secteurs. 2.3.3. Coût élevé pour la société
Un autre argument allant à l'encontre du protectionnisme prétend que ce dernier appauvrit globalement la société dans son ensemble. Les instruments de protection et leurs conséquences économiques. On peut toutefois déjà avancer que même si les producteurs bénéficient de mesures de protection et que l'Etat s'assure des revenus grâce au supplément de taxes, ces gains sont plus que compensés par les augmentations des prix au consommateur des biens protégés. Et si le mécanisme de protection prend la forme d'une subvention aux producteurs ou aux intrants, alors ce sont les contribuables qui seront perdants. 2.4. La libéralisation du commerce extérieur Du fait de différentes raisons évoquées ci-haut, il y a à l'heure actuelle un certain consensus parmi les responsables du monde entier pour considérer que le commerce est avantageux et qu'il faut favoriser l'accroissement des échanges commerciaux. Le chemin pour y parvenir passe par une réduction progressive des niveaux de protection après négociations et concessions réciproques. Il y a deux méthodes compatibles pour tendre vers cet objectif. L'une consiste à établir des accords économiques régionaux visant à réduire ou à éliminer les obstacles au commerce entre un nombre limité de pays, souvent mais pas toujours voisins. L'autre passe par des négociations commerciales multilatérales (NCM) comme celles qui ont eu lieu depuis plusieurs décennies dans le cadre du GATT et maintenant sous l'égide de l'OMC. Ces accords sont appelés multilatéraux parce que sont exclues de leur cadre les mesures de traitement préférentiel qu'un pays peut instaurer vis-à-vis d'un ou plusieurs autres pays, et parce qu'ils sont fondés sur l'application de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) envers chacun des pays participant à cet accord (18(*)). Pour ce qui concerne l'arbitrage entre protectionnisme et libéralisation, on devrait toujours garder à l'esprit que ces deux modèles sont des idéaux-types et que peu de pays répondent exactement à l'un ou l'autre d'entre eux alors que la majorité se situe dans un spectre dont ces deux modèles sont les extrêmes. * 13 FAO, Les Négociations Commerciales Multilatérales sur l'Agriculture - Manuel de Référence - I - Introduction et Sujets Généraux, Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, Rome 2001. p.15 * 14 GOYETTE Gabriel, Protectionnisme et réciprocité commerciale : « Répertoire des obstacles au commerce maintenus par les Etats-Unis », Centre Etudes internationales et Mondialisation (CEIM), Université du Québec, Montréal août 2006 * 15 Les initiales CAF correspondent à l'abréviation de COÛT, ASSURANCE et FRET. Cela représente le prix d'un bien d'importation lors de son débarquement à quai ou à tout autre point d'entrée du pays destinataire. Le prix CAF inclut le fret et l'assurance internationale et généralement aussi le coût de débarquement à quai. Il exclut toutefois les frais consécutifs au débarquement tels que les coûts portuaires, de manutention et de stockage et les honoraires des courtiers. Il ne prend pas non plus en compte les droits de douane ou tout autre impôt, taxe, droit ou redevance internes au pays de destination. FOB est l'acronyme anglais de «Free On Board» (traduit en français par FRANCO A BORD). Le prix FOB représente le coût d'un bien d'exportation une fois embarqué sur le navire ou le moyen de transport qui l'acheminera vers le pays importateur. Il est égal au prix du CAF du port de destination moins le coût de fret, d'assurance internationale et de débarquement à quai. Dans la balance des paiements et dans les autres statistiques commerciales, les biens d'importation sont toujours valorisés selon leur prix CAF et les biens d'exportation selon leur prix FOB. * 16 Un accord de restriction volontaire est la promesse d'un gouvernement «A» vis-à-vis d'un gouvernement «B» de restreindre à un niveau annuel déterminé ses exportations d'un certain type de biens (comme la viande ou les produits textiles en coton). Les conséquences équivalent à celles d'un quota d'importation bien que la répartition de la rente qui en découle soit souvent différente. * 17 Dans le cadre de la Loi «Freedom for Farm», les paiements effectués pour les cultures céréalières et oléagineuses ont été déconnectés des conditions courantes du marché si bien qu'ils ne dépendent plus du différentiel entre prix de marché et prix de garantie. Dans le même temps, le programme de réduction des superficies a été abandonné. * 18 L'application de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) par un pays A à un pays B signifie que toutes les importations de A provenant de B recevront le meilleur des traitements accordé par A à ses autres partenaires. |
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