Analyse des performances commerciales de l?Afrique et de son intégration au commerce international( Télécharger le fichier original )par Erik Vekamenako Vengo Université Protestante au Congo - Licence en Economie Monétaire et Internationale 2006 |
Section 3. Etude comparative entre l'échec africain et le succès asiatique (66(*))L'étude comparative de ces expériences est intéressante dans la mesure où un grand nombre de pays africains avaient dans les années 60 un niveau de développement similaire et assez proche de celui des pays asiatiques. Or, les trajectoires de ces deux groupes ont été différentes depuis cette époque. En effet, si les pays africains continuent à connaître des rythmes de croissance faible et éprouvent les plus grandes difficultés à faire face à leur marginalisation croissante dans l'économie internationale, les pays asiatiques sont devenus en peu de temps de nouvelles puissances économiques et industrielles réalisant des taux de croissance record et réussissant à améliorer leur insertion internationale. Une étude comparative des dynamiques de croissance dans les pays asiatiques et des pays africains durant les trois dernières décennies nous permet de ressortir quatre éléments majeurs qui expliquent les trajectoires différentes de ces économies : - le caractère fort de la croissance économique ; - la place de l'agriculture dans la croissance ; - le rôle de l'industrie dans le développement ; - et enfin, la contribution des nouvelles technologies. 1. Croissance économique L'auteur Hakim Ben Hammouda montre que la première différence entre pays africains et asiatiques réside dans la fragilité de la croissance des uns et des records chez les autres. Selon les estimations de la Banque Mondiale, les huit pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong, Singapour, Malaisie, Thaïlande et Indonésie) ont connu durant la période 1965-1990 les plus hauts niveaux de croissance au monde. Toujours selon la Banque Mondiale, alors que le monde connaissait une grave récession dans les années 80, les pays asiatiques ont continué leurs dynamiques de croissance avec des taux annuels moyens de 8,1 % en Corée, 7,6 % à Taïwan, 6,7 % à Hong Kong, 7,3 % à Singapour, 7,5 % en Thaïlande et 6,6 % en Malaisie durant la période allant de 1979 et 1992. En Afrique, si la croissance a été maintenue à des niveaux relativement élevés dans les années 70, ces efforts sont retombés suite à la crise des années 80. Il faut aussi noter que la croissance s'est accompagnée de taux d'investissement élevés dans la plupart des pays asiatiques, dépassant une moyenne annuelle de 20 % du PIB entre 1960 et 1990 ; ce qui n'a pas été le cas pour l'Afrique où même lorsque les taux d'investissement étaient élevés dans les années 70, ils n'ont cependant jamais atteints le niveau ceux des pays asiatiques. Ainsi, il apparaît clairement que la grande différence entre les économies asiatiques et africaines réside dans la capacité des premiers à maintenir sur une longue période des taux de croissance fort et un niveau d'investissement élevé lié à d'importants gains de productivité. Au contraire, les économies africaines n'ont pas été en mesure de maintenir des dynamiques de croissance fortes et l'effort d'investissement est resté fragile. 2. Croissance du secteur agricole Parallèlement à la place de la croissance, les différences de trajectoires entre les pays d'Asie du Sud-Est et d'Afrique réside également dans le rôle joué par la modernisation agricole dans les dynamiques de développement. A ce niveau, il faut souligner la place de l'agriculture dans les expériences asiatiques dès la fin de la seconde guerre mondiale. Sous les pressions américaines, le Japon, la Corée et Taïwan ont opéré de profondes réformes agraires qui se sont rapidement traduites par une forte progression de la production agricole. Ainsi, en Corée par exemple, la valeur ajoutée agricole a augmenté à un niveau plus élevé qu'au Brésil, en Argentine et même aux Etats-Unis, avec des taux annuels de 10,3 % entre 1968 et 1979. Parallèlement à cette forte croissance de la production, on a enregistré une forte hausse des rendements agricoles, avec des taux moyens de 3,1 % pour le blé, de 33,6 % pour le soja et de 4,6 % pour le riz en Corée entre 1965 et 1979, ce qui a permis de libérer une grande partie de la population rurale pour l'industrie et s'est traduit par une forte baisse de l'emploi agricole dans l'emploi total. En Afrique, au contraire, la crise agricole a été au centre de l'échec des expériences de développement. Plusieurs politiques de modernisation agricole ont été tentées sur le continent : une politique basée sur l'interventionnisme étatique dans les années 60 et 70, et une politique plus libérale à partir des années 80 avec le désengagement de l'Etat et une plus grande marge de manoeuvre laissée aux acteurs privés. Ces stratégies n'ont pourtant pas été en mesure de moderniser les agricultures africaines. Ainsi, la croissance agricole a joué un rôle déterminant dans les expériences asiatiques de développement car elle a favorisé l'autosuffisance alimentaire de ces pays, et a réduit par conséquent les déséquilibres liés aux importations de produits alimentaires. Par ailleurs, cette croissance a été à l'origine du développement des revenus ruraux et donc de la demande adressée au secteur industriel. Or, en Afrique l'échec des expériences de modernisation agricole a lourdement pesé sur les dynamiques de croissance, entraînant un accroissement de la dépendance alimentaire des pays africains, l'appauvrissement du monde rural et l'accroissement des migrations vers les villes en dépit d'un important chômage urbain. 3. Croissance du secteur industriel Parallèlement aux dynamiques de croissance, à la modernisation agricole, il faut également mentionner le rôle du développement industriel dans les trajectoires différentes des pays asiatiques et africains. Les stratégies de développement industriel entreprises dans les années 80 n'ont pas réussi à doter les économies africaines de tissus industriels cohérents et compétitifs. Or, l'expérience asiatique est tout autre, dans la mesure où le développement industriel a joué un rôle majeur dans les dynamiques de croissance de ces économies. Il faut tout d'abord souligner que la plupart des pays du Sud-Est asiatique ont connu une forte progression de l'emploi manufacturier qui est passé de 15,4 à 24,1 % de l'emploi total au Japon, de 7 % à 26,9 % en Corée, de 12 % à 32 % à Taïwan et de 19 % à 29,5 % à Singapour entre 1950 et 1990. La croissance de la production industrielle a été à l'origine d'une transformation rapide des structures d'exportation avec la montée des exportations manufacturières aux dépends des exportations traditionnelles. Ainsi, entre 1967 et 1993 la part des exportations industrielles dans les exportations totales est passée de 93,4 % à 96,8 % au Japon, de 67,3 % à 93,7 % en Corée, de 21 % à 78 % pour Singapour, de 3,7 % à 50,5 % en Indonésie, de 12,6 % à 65,5 % pour la Thaïlande, et de 24,9 % à 68,4 % pour la Malaisie. Le développement industriel a donc joué un rôle majeur dans les évolutions différenciées des dynamiques de développement en Afrique et en Asie. 4. Nouvelles technologies Il faut enfin souligner le poids des stratégies en matière de nouvelles technologies pour comprendre les dynamiques de développement entre les pays asiatiques et africains. Il est possible de distinguer deux grandes stratégies d'importation et de maîtrise des nouvelles technologies : - En Afrique les différents pays ont opté pour des stratégies de transfert de technologies clés en main afin de diminuer les risques techniques. Mais ces stratégies ont été à l'origine d'un renforcement de la dépendance technique de ces pays, notamment à travers les contrats de maintenance technique. - - Alors que les pays asiatiques ont développé des stratégies de maîtrise locale des nouvelles technologies. Si les expériences d'industrialisation des premiers pays capitalistes au 18ème siècle étaient basées sur l'invention et celles des puissances industrielles du 19ème siècle sur l'innovation, les pays asiatiques ont cherché, comme les pays africains, à accéder aux nouvelles technologies par le biais de l'importation. Cependant, cette importation était renforcée par un important effort local d'apprentissage, d'adaptation et d'imitation des technologies importées. L'effort de maîtrise des nouvelles technologies et les dynamiques d'apprentissage ont ainsi été à l'origine du développement rapide des capacités scientifiques et techniques dans les différents pays du Sud-Est asiatique. Après avoir mis en exergue les piètres performances du commerce africain sur le plan international, nous allons tenter d'analyser dans le chapitre qui suit les voies à suivre par les économies africaines pour promouvoir leurs commerces et attirer davantage des flux d'investissements privés afin de s'intégrer à l'économie mondiale. Chapitre IV L'intégration de l'Afrique au commerce international Il est reconnu aujourd'hui que le commerce et l'investissement sont des puissants moteurs de l'intégration mondiale. Malheureusement le manque de compétitivité commerciale et un secteur privé peu propice pour attirer les investissements privés bloquent l'Afrique dans sa démarche vers son intégration au commerce mondial. Le chapitre précédent nous a permis d'identifier différents facteurs empêchant l'Afrique à s'engager complètement dans les échanges internationaux et profiter pleinement de tous les effets bénéfiques qu'ils pourraient engendrer. Et de ce chapitre ressort que le problème majeur auquel l'Afrique se trouve confrontée est sa faible capacité de participer au commerce, en raison de sa productivité réduite et de son manque de compétitivité. Ces problèmes se trouvent en outre aggravés par les obstacles auxquels l'Afrique se heurte sur les marchés mondiaux, dont des niveaux indéfendables de protectionnisme et de subventions de la part des pays riches. Aujourd'hui toutes les voix s'élèvent pour clamer haut et fort la libéralisation des échanges comme moyen de promouvoir le commerce des nations et attirer un niveau de plus en plus grand de flux d'investissements directs étrangers et ainsi participer à l'économie mondiale. Mais la question que l'on se pose quand il s'agit de libéraliser les échanges dans le cas de l'Afrique est celle de savoir comment un continent en manque de compétitivité commerciale peut-il espérer tirer profit du commerce mondial en s'ouvrant à l'extérieur ? Dans ce chapitre, nous avons essayer de comprendre les stratégies de développement du commerce qui conviennent le mieux à l'Afrique en commençant tout d'abord par donner les stratégies appliquées par les différents pays africains peu avant les années 60 et ensuite à partir des années 80. * 66 BEN HAMMOUDA Hakim, Libéralisation commerciale et développement : Quelles leçons pour l'Afrique ?, op. Cit., p.6 |
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