IV- Résultats attendus
A la fin de cette étude :
- les raisons de la persistance des MGF sont mises à
jour ;
- les facteurs de blocage expliquant la régression
scolaires des filles sont relevées ;
- un nouveau discours sur l'éradication des
MGF ;
- un diagnostic sur la situation est
réalisé ;
- une nouvelle stratégie prenant en compte les discours
des différents acteurs est élaborée.
Dans le cadre de cette étude, notons que les travaux se
limiteront à la présentation de :
- la problématique sur le sujet ;
- la revue critique de la littérature ;
- la méthodologie de la recherche ;
- un plan provisoire et commenté de la thèse;
- la présentation d'un thème.
Chapitre 2 : Inventaire critique de la documentation
Comme nous le recommande Beaud (1986), « Il faut
lire les livres les plus importants en prenant des notes (...) brasser dans
votre tête les questions, les débats, les certitudes, les doutes,
les interrogations, les points forts, les zones d'ignorance ; il faut
faire un premier tri, dégager l'essentiel de l'inutile ou du secondaire
... ». ce chapitre fait le point sur les principaux ouvrages que
nous avons consultés. Il présente dans un premier temps la liste
de ces ouvrages (elle n'est ni limitative et ni exhaustive) et dans un second,
une analyse critique de leur contenu.
I- Les principaux ouvrages
1- ATTANASSO O. (1999) «Les droits de la femme et les
Mutilations Génitales Féminines »,
Conférence-débat organisée par le CI-AF/Bénin.
2- BOURDIEU P. (1998) La domination masculine, Paris, Seuil,
3- DJAGBA B. K. (1995) " Comportement nuptial et
procréateur en période de crise économique au Cameroun: le
cas d'Edéa ", Mémoire de DESS en Démographie, IFORD,
Yaoundé, Cameroun
4- DJAGBA B. K. (2000) "L'excision au Bénin:
Identification des Facteurs Explicatifs Cas de Kandi et de Karimama, PBA-SSP,
Rapport d'études.
7- KIT AGU K. (1995) "La mutilation génitale des
femmes: un problème de santé publique", Population Reports,
USAID, Population Information Pro gram, John Hopkins Center for Communication
Programs, 111 Market Place, Baltimore, USA.
8- NAHID TOUBIA (1995) " Mutilation Génitale
Féminine: Appel à la mobilisation mondiale", New York, USA
9- ODOUNLAMI V., (2000) "Mutilations Génitales
Féminines à l'orée du 3ème Millénaire", in
Agenda de la Femme 2000, PBA-SSP, GTZIDED
II- Revue documentaire critique
Cette section sera consacrée à la revue de la
littérature sur l'ampleur des MGF au Bénin et ailleurs dans le
monde ainsi que les formes pratiquées.
La littérature dans le domaine des MGF est florissante
vu l'importance qu'elle revêt. Des recherches ont abordé la
question sous plusieurs angles. Les ouvrages qui ont retenu notre
intérêt sont ceux qui ont tenté d'expliquer les fondements
culturels des MGF à Bantè. N'ayant rien obtenu dans le domaine,
nous nous sommes intéressé aux ouvrages qui traitent les MGF au
Bénin.
Compte tenu de l'ampleur des dégâts qu'engendre
l'excision dans le monde, en Afrique et au Bénin les mutilations
génitales féminines ont préoccupé plusieurs
chercheurs et beaucoup d'études et d'ouvrages ont été
édités et publiés. Ces ouvrages ont mis en exergue la
prévalence, les formes et les conséquences des MGF sur la
santé des femmes et des enfants.
Ainsi, dans le monde, chaque année, au moins deux
millions de fillettes et de jeunes filles sont menacées de mutilation
génitale, soit 6.000 jours (Toubia 1995: 8)
Le nombre de filles et de femmes mutilées est
estimé à 115 millions et elles vivent beaucoup plus en Afrique,
quelques unes en Asie, en Europe, qu'au Canada et aux Etats-Unis. En
général, cette pratique existe dans plus de trente (30) pays
d'Afrique, sept (7) au Proche Orient et quatre (4) pays d'Asie, ainsi que dans
les pays développés où certains groupes ethniques ont
immigré. Dans les pays où des enquêtes
Démographiques et de Santé (DHS) ont été
menées, la mutilation génitale féminine est une pratique
courante. Ces procédés sont pratiquement universels chez les
femmes en Egypte, en Erythrée, au Mali et dans le nord du Soudan ou
environ neuf femmes sur dix connaissent une ablation d'au moins une partie de
leurs organes génitaux extérieurs. De même, la mutilation
génitale féminine est une pratique moins courante en
République Centrafricaine et en Côte d'Ivoire (le niveau de
prévalence est de 43% des femmes de 15-49 ans dans chacun des deux pays)
et elle est assez faible en Tanzanie (18%).
Pour ce qui concerne le moment où se réalise
l'excision sur les filles, il a été remarqué qu'elle varie
d'une région à l'autre.
Au Bénin, selon les recherches d'une assistante sociale
en 1998, dans le cadre de son mémoire de fin de formation, dans le
département de l'Atacora, des femmes adultes subissent également
l'excision, qu'elles aient amorcé leur vie féconde ou non bien
qu'en général au Bénin, l'excision a lieu à bas
âge. Cette pratique est souvent imposée ou décidée
de façon libre et volontaire par des femmes adultes qui connaissent des
difficultés sociales mais également pour gagner une
dignité sociale. En effet, il a été constaté que
dans certaines régions une femme non excisée ne peut pas
accéder à certaines responsabilités au sein de la
société. Dans les localités de Kandi et de Karimama, les
femmes ont déc1aré que l'excision est pratiquée sur des
filles aux âges de quatre à douze ans (Djagba, 2000). Ce qui pose
un problème juridique d'importance lorsqu'on sait qu'elle constitue une
violence exercée sur des personnes sans défense, ni de
volonté.
La prévalence des différentes formes de
mutilation varie d'une région à l'autre dans le monde. Au
Bénin, il a été constaté que la forme la plus
pratiquée est la clitoridectomie c'est-à-dire l'ablation du
clitoris.
De nos jours, beaucoup de voix s'élèvent
également pour lutter contre cette pratique et essayer de créer
un cadre juridique susceptible de freiner, voire d'éradiquer cette
violence exercée sur des personnes sans défense. Toutefois, on
remarque que très peu d'ouvrages font état de la mobilisation de
la société civile ainsi que des pouvoirs dans le cadre de la
lutte contre la pratique. Attanasso O. (1999), dans une communication
présentée en conférence-débats, a montré
qu'à travers quelques conventions internationales, chartes et autres
dispositions dans le monde et au Bénin, que les MGF constituent une
atteinte aux droits de la femme et fait souligner la nécessité
pour l'Etat de prendre des dispositions efficaces pour enrayer la pratique des
MGF, car elle constitue une préoccupation de santé publique.
La pratique de l'excision va à l'encontre des principes
fondamentaux des Nations Unies sur la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme adoptée en 1948. Cette déclaration dans l'un des
articles stipule que «Tout individu a le droit à la vie, à
la liberté et à la sûreté de sa personne» et
que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ». La
Déclaration de Vienne, adoptée après la conférence
des Nations Unies sur les Droits de l 'Homme en 1993, souligne que les droits
des femmes et des filles font partie intégrante, indivisible et
indissociable des droits universels de l'Homme.
L'application de tous ces textes de référence au
plan mondial laisse à désirer. C'est ce qui motive Nahib Toubia
qui exprime que « ... Beaucoup de femmes, qu'elles aient été
traumatisées par leur circoncision, qu'elles soient inquiètes
d'une complication physique, qu'elles ressentent ou qu'elles craignent les
rapports sexuels, n'ont aucun moyen jugé acceptable pour exprimer leurs
sentiments; elles souffrent donc en silence » (1995 : 22).
Grâce aux multiples campagnes de sensibilisation aux
différentes formations organisées et au plaidoyer en direction
des leaders d'opinion et des Autorités politiques de 1992 à ce
jour, le phénomène a connu une diminution notamment dans les
centres urbains (Odounlami 2000).
Elle poursuit en disant que beaucoup de facteurs ont
contribué à ce résultat et elle cite entre autres:
- la mise en place et le fonctionnement réel de relais
communautaire de sensibilisation;
- la prise de conscience par les populations des
répercussions sanitaires des MGF sur les femmes et les enfants;
- l'utilisation des médias pour la vulgarisation des
informations;
- l'éducation et la conscientisation des exciseurs et
des exciseuses sur les méfaits de l'excision et le rôle des
organes visés sur l'évolution et le bien être de
l'espèce humaine;
- les mutations économiques et autres.
Néanmoins, comme d'autres auteurs, elle précise
que le problème de l'excision demeure encore vivace parce que
ancré dans nos valeurs culturelles et cela se constate surtout
actuellement dans les villages et hameaux les plus reculés. Les
résultats de cette enquête devront confirmer si le
phénomène est actuellement plus rural qu'urbain. Elle conclut en
soulignant aussi l'influence de la proximité du Bénin avec
certains pays à fortes prévalences de la pratique.
La description ethnographique de la société
Kabyle a servi de matériaux à l'ouvrage de
Pierre Bourdieu sur « La domination masculine ».
Dans cet ouvrage, Bourdieu retrace le processus de
construction sociale de la domination de l'homme Kabyle sur la femme. Il montre
la manière par laquelle, l'homme impose sa socialisation à la
femme qui l'a subie passivement. Il met en lumière ce lent mais long
processus historique qui a fait de la femme un être perçu par le
regard de l'homme tout en démontrant comment diverses instances de la
vie sociale contribuent à la perpétuation et au renforcement de
cette réalité sexuée.
Comment les hommes berbères de Kabylie se
représentent-ils les femmes ? C'est autour de cette interrogation
que commence l'ouvrage. Cette image découle de l'opposition entre les
sexes masculin et féminin, laquelle trouve sa nécessité
dans une série d'opposition homologue : « haut/bas,
dessus/dessous, dehors/dedans, public/privé, ... » Cette
division qui semble normale est incorporée dans les habitus des
membres de ce groupe. Aussi, pour eux, « le monde social
construit le corps comme réalité sexuée et comme
dépositaire de principes de vision et de division
sexant. »
C'est au cours de cette construction que des schèmes de
perceptions dominantes se sont opérés et ont
légitimé la place de la femme Kabyle à la sphère
privée. Cette violence symbolique des hommes dominants sur les
femmes dominées « ne se comprend que si l'on prend acte
des effets durables que l'ordre social exerce sur les femmes,
c'est-à-dire des dispositions spontanément accordées
à cet ordre qu'elle leur impose. » La différence
entre les sexes, « la domination de l'un sur l'autre se
présente à travers la définition que le dominant donne
à sa pratique car le propre des dominants est d'être en
mesure de faire reconnaître leur manière d'être
particulière d'universelle. »
Ainsi, c'est la domination masculine qui catégorise les
femmes à être perçues en objets symboliques. Elle les place
dans une situation d'insécurité corporelle. « Elle
existe d'abord par le regard des autres, c'est-à-dire en tant qu'objets
accueillants, attrayants, disponibles. » Et dans ce mouvement de
réification de la femme, l'éducation joue un rôle
primordial. Elle les prépare à devenir les subordonnées
des hommes en les excluant des jeux du pouvoir. Enfin, elle ne cesse de
retransmettre les présupposés de ces représentations
sexuellement connotées qui relèguent les femmes à
l'arrière plan.
La normalité de cet état se trouve aussi
renforcer par certaines institutions concourrant à leur permanence. Par
l'entremise de la famille, de l'église, de l'Etat (et de
l'école), le discours sur l'infériorité féminine
est reproduit. L'institution famille détient, selon Bourdieu,
« le rôle principal dans la reproduction de la domination
et de la vision masculine ; c'est dans la famille que s'impose
l'expérience précoce de la division sexuelle du travail et de la
représentation légitime de cette division, garantie par le droit
et inscrite dans le langage. »
Vers la fin de l`ouvrage, l'auteur relève un
paradoxe au sujet de l'institution scolaire: en même tant qu'il
affirme qu'elle contribue au stéréotype qui a cour, il affirme
aussi que c'est par elle qu'un changement en faveur des femmes va
s'opérer. L'accroissement du taux de scolarisation des filles va
contribuer à une certaine indépendance économique de ces
dernières d'où une transformation des structures familiales. Ce
qui peut se remarquer de nos jours au regard du nombre croissant des unions
libres et des divorces (lire à cet effet F. de Singly, Sociologie de la
famille contemporaine). Mais pour une action d'envergure en faveur de la
scolarisation des filles, il faudrait également un réel
engagement politique.
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