2- Raisons culturelles
2-1 L'excision comme moyen de conjurer les mauvais sorts qui
pèseraient sur la jeune fille
Figure 5 :
fonctions sociales de l'excision
Source : Résultats
d'enquête
Un homme sur quatre pensent que : « l'excision
permet de conjurer les mauvais sorts ». Dans ces conditions,
l'excision n'a-t-elle pas de beaux jours devant ?
En milieu Nago, l'homme est le plus habileté à
prendre des décisions.
Les raisons évoquées pour justifier la pratique
de l'excision sont les suivantes :
Le fétiche du clan ne peut être gardé que
par un circoncis ou à défaut, une excisée. La pratique de
la circoncision et de l'excision est donc entretenue pour éviter que le
fétiche manque de gardien.
2-2 L'excision comme rite de
passage
L'épreuve de l'excision constitue un changement de
classe d'âge ; l'excisée entre dans la classe de la sagesse.
Cette épreuve est aussi et avant tout une formation au
`'stoïcisme''. C'est-à-dire une idéologie qui professe le
courage, l'endurance qui permet à la victime de supporter toutes les
souffrances. Chacun retient que la douleur peut et doit être
maîtrisée.
Il faut que les femmes subissent l'excision pour garder leur
pureté corporelle.
Il faut respecter aussi les traditions car si une femme qui
doit subir l'opération ne le fait pas, les fétiches s'en prennent
à elle et peuvent la rendre folle, ou la maudire autrement.
Parfois même, le fétiche vient lui-même
couper le clitoris si la femme s'y oppose, cela fait plus mal et la plaie peut
ne pas se cicatriser facilement.
Il ressort que la plupart des femmes veulent conserver cette
pratique car pour elles, c'est une occasion de démonstration de courage,
de joie, de louange et de gloire.
Un enquêté a déclaré que
l'excision facilite la soumission aux règles de la vie.
2-3 Le rôle du clitoris mal
perçu par les populations, cela les amène à son
ablation
Tout au long de l'étude et préalablement
à notre travail de recherche, d'enquêtes et de sensibilisation
entrepris par le CI-AF au Bénin et dans d'autres pays, il s'avère
que les fonctions et l'importance des organes génitaux sont très
mal connues ; cela suppose une méconnaissance flagrante de
l'anatomie et de la sexualité.
Le clitoris est une zone érogène
primordiale ; car l'orgasme chez la femme provient en grande partie de la
stimulation du clitoris. Or l'excision provoque la destruction du
mécanisme nerveux de la vulve et, de ce fait, la réaction
nerveuse provoquée par l'excision du clitoris est fortement
réduite d'où une perte de sensibilité.
Un jeune cultivateur musulman définit ainsi le
rôle du clitoris : "pour retenir l'urine."
Un autre déclare : "aucun rôle, sinon
d'être coupé et jeté."
Nous avons entendu dire qu'il est crochu ou qu'il
possède des dents et que dans les deux cas, il blesse
inévitablement la verge de l'homme ou la tête du
bébé pendant l'accouchement !
L'idée que l'orifice fermé par la "fameuse
fleur" (le clitoris) qui empêcherait l'accouchement, est largement
répandue dans les localités touchées de la
sous-préfecture. Les "spécialistes" de l'excision dans la
région estiment qu'il y a trois types de clitoris :
- le clitoris normal,
- le clitoris à prépuce, plus connu sous le nom
de clitoris à "chapeau",
- le clitoris blanc qualité d'exterminateur d'hommes,
il n'est excisé que par quelques rares "spécialistes".
Un enquêteur remarque : "Pour les femmes
excisées, qu'ellesz soient pour ou contre l'excision, le clitoris n'a
aucune importance."
Au moins 90% des personnes interrogées dans la
sous-préfecture de Gogounou ignorent tout du rôle du clitoris.
Certaines connaissent sa forme par auï-dire et d'autres ne connaissent
absolument rien d'autre que son nom.
A la question, "Quand vous avez des rapports sexuels,
sentez-vous votre partenaires ?
1 a refusé de répondre
6 ont répondu de manière
négative :
" je suis insensible"
Pour moi c'est pour avoir des enfants autrement je ne le
ferais pas"
Je ne sens pas du tout mon partenaire
20 ont répondu positivement :
Je suis satisfaite
Je sens très bien mon partenaire
Je suis au paradis si j'ai des rapports sexuels avec mon
mari
Bien sûr, je sens mon mari.
Comment expliquer les réponses positives à cette
question ? Celavient du fait que toutes les femmes de cette région
sont excisées et ne peuvent donc pas parler de la sensibilité
puisqu'elles sont toutes dépourvues de clitoris. De plus,
l'opération étant pratiquée sur des jeunes filles,
celles-ci n'ont pas eu le temps de voir se développer leur propre
sensibilité. Parfois, on les prive de cet organe dès l'âge
de sept ans, elles sont alors trop jeunes pour avoir déjà fait
certaines expériences. Le clitoris n'est donc pas perçu comme
étant l'organe érectible qui assure à la femme une
sexualité épanouie. Les femmes ignorent ce constat pourtant
élémentaire.
Une enquêtrice a rencontré beaucoup d'hommes dont
les expériences sexuelles étaient limitées aux seuls cas
de femmes excisées et ne peuvent donc établir de comparaison
entre une femme excisée et une qui ne l'est pas.
Toutefois, certaines personnes n'ignorent pas le rôle
prépondérant du clitoris.
Dans la sous-préfecture de Kétou nous avons
posé les questions suivantes : Quel est le rôle du
clitoris ? A t-il le même rôle que le pénis ? Un
homme nago a répondu : "Le rôle du clitoris est la jouissance
qui rend la femme gâtée."
A noter que dans la région de Bantè, bon nombre
de personnes interrogées n'ignorent pas le rôle excitant et
sensible du clitoris ;ce sont en effet, ces mêmes personnes qui
estiment que l'excision est un gage de fidélité.
Une sage-femme dans des régions étudiées
a exprimé les difficultés rencontrées cette année
pendant une sensibilisation sur les dangers de l'excision et sur le rôle
du clitoris : " A l'audition des propos et surtout de l'importance du
clitoris pour la motivation sexuelle, les parents ont crié au
scandale ; ils ont peur que leurs filles se dévergondent.
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