UNIVERSITE DE LOME
(UL)
°°°°°°°°°°°°°°
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
(FLESH)
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
DEA PLURIDISCIPLINAIRE
« ESPACES, LANGUES ET CULTURES DU MONDE
NEGRO-AFRICAIN »
SUJET
Réalités socio-culturelles et persistance
des mutilations génitales féminines : cas de la commune de
Bantè
(Bénin)
Mémoire pour l'obtention du Diplôme
d'Etudes Approfondies
Option : Sociologie
Présenté et soutenu
par :
Sous la direction de :
Fabien
AFFO Essè
AMOUZOU
Maître de Conférences de Sociologie
Université de Lomé
Année académique 2006-2007
Sommaire
Sommaire
i
Remerciements
iv
Sigles et acronymes
v
MGF : Mutilations Génitales
Féminines
v
Liste des tableaux
vi
Liste des figures
vi
Introduction
1
Chapitre 1 : Problématique
3
I- Problème
3
II- Hypothèses
5
III- Objectifs
5
IV- Résultats attendus
6
Chapitre 2 : Inventaire critique de la
documentation
8
I- Les principaux ouvrages
8
II- Revue documentaire critique
9
III - Raison du choix thème et du
cadre d'étude
15
Chapitre 3 : Approche
méthodologique
17
I- Cadre théorique
17
II- Approche conceptuelle
18
III- Champ d'étude
22
IV- Démarche
méthodologique
31
A- Travaux préliminaires
31
B- Collecte des données
40
Chapitre 4 : Plan provisoire
commenté de la thèse
44
I- Plan provisoire de la thèse
44
1ère PARTIE :
historique de la pratique de l'excision au Bénin
44
II- Commentaire
47
Chapitre 5 : Présentation des
premiers résultats à titre illustratif
48
I- Profil des enquêtés
48
II- Niveau d'information des
enquêtés (es)
49
III- La prévalence de l'excision
à Bantè
55
IV- Les raisons aussi bien sociales que
culturelles justifieraient la persistance de l'excision dans la commune de
Bantè
61
V- CONSEQUENCES DE L'EXICISION
68
VI- Commentaire des résultats
81
CONCLUSION
88
Références
bibliographiques
90
Dédicaces
Ce mémoire est dédié :
- à notre feu-père, KETOU Affo Aguidi, dernier
Roi de Pira,
- à notre mère KASSIN Sinabou, toi qui t'es
battue pour mon instruction,
- aux milliers de filles victimes des mutilations
génitales féminines au Bénin en général et
dans la commune de Bantè en particulier.
Remerciements
Au terme de cette étude, nous tenons à exprimer
nos sincères remerciements à :
- monsieur Essè AMOUZOU, Professeur et
Chef-Département de Sociologie à l'Université de
Lomé vous nous avez fait l'honneur de nous accepter comme
étudiant et de suivre cette recherche malgré vos multiples
occupations,
- tous les enseignants de l'école doctorale
pluridisciplinaire de l'Université de Lomé pour leur contribution
à notre formation,
- membres du jury qui ont bien voulu consacrer leur
précieux temps à lire et à évaluer ce
mémoire,
- tous les enquêtés qui ont accepté nous
fournir des informations malgré les contraintes sociales qui continuent
de peser sur eux,
- nos collègues de promotion pour l'esprit
d'équipe et d'entraide qui nous a souvent guidé,
- nos frères et soeurs.
Nous adressons enfin nos remerciements à tous ceux qui,
de près ou de loin, ont contribué d'une manière ou d'une
autre à l'aboutissement de cette recherche et dont les noms ne sont pas
ici cités.
Sigles et acronymes
CI-AF/Bénin : Comité Inter Africain de
lutte contre les mutilations génitales féminines
DESS : Diplôme d'Etudes Supérieures
Spécialisées
EDS : Enquête Démographique et de
Santé
ELAM : Enquête Légère Auprès
des Ménages
IDH : Indice de Développement Humain
IFORD : Institut de Formation et de Recherche en
Démographie
MGF : Mutilations Génitales Féminines
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONG : Organisations Non Gouvernementales
PBA-SSP : Projet Bénino-Allemand de Soins de
Santé Primaire
PNB : Produit National Brut
RGPH : Recensement Général de la Population
et de l'Habitat
UNICEF : Organisation des Nations Unies pour l'Enfant
VIH : Virus Immuno-déficience Humain
Liste
des figures
Figure 1 : Répartition de
l'échantillon par arrondissement
36
Figure 2 : Répartition des
enquêtés selon le sexe et le niveau d'instruction
50
Figure 3 : Connaissance de la
pratique
55
Figure 4 : Raisons de la persistance de
l'excision
61
Figure 5 : fonctions sociales de
l'excision
64
Introduction
La pratique des mutilations sexuelles en Afrique en
général et au Bénin en particulier a été
l'objet de plusieurs études. Celles-ci ont permis d'appréhender
les facteurs sanitaires, économiques, sociaux, culturels et même
environnementaux qui expliquent cette pratique.
Malgré la prise en compte des résultats de ces
études dans les programmes et politiques de sensibilisation et de son
éradication, des poches de résistance persistent. Il
s'avère alors nécessaire de poursuivre les recherches sur de
nouveaux aspects de cette pratique en vue de cerner d'autres fondements des
mutilations sexuelles ainsi que les variables qui concourent à sa
persistance. C'est dans ce souci que nous avons choisi de
réfléchir sur le thème intitulé "Culture et
persistance des mutilations génitales féminines dans la commune
de Bantè (Bénin)" dans le cadre de notre mémoire pour
l'obtention du diplôme d'études approfondies.
Par ailleurs, l'étude sur les mutilations
génitales féminines au Bénin est parcellaire. Si certaines
Organisations Non Gouvernementales se sont spécialisées dans
l'étude et la lutte contre ce phénomène, leurs
interventions restent très localisées de telle sorte qu'il est
impossible d'avoir une vision nationale de la pratique. Certaines
localités sont presque oubliées ; c'est le cas de la commune
de Bantè cadre de la présente étude.
Nul doute que des efforts sont faits en vue de sensibiliser
les populations de Bantè concernées par cette pratique. Mais, il
est important de souligner que cette lutte bute sur des réticences
parfois justifiées notamment le refus systématique des
populations de communiquer avec des personnes dont elles supposent ignorer les
réalités qui fondent la pratique. Il serait important de faire
une investigation pour se rendre compte des faits et de leurs causes. En
d'autres termes, il manque assez de données quantitatives et
qualitatives sur la pratique des mutilations sexuelles à Bantè.
Les statistiques avancées jusque là ne sont que des estimations
et même des suppositions qui sont souvent dénudées de tout
fondement car très peu d'études et recherches se sont
focalisées sur la question.
Sur la base de ces constats, il serait intéressant de
signaler que la présente étude tentera d'apporter quelques
lumières sur la pratique des mutilations sexuelles féminines
à Bantè.
Elle devra s'appesantir sur les motivations et les populations
exposées à la pratique et les risques qu'encourent ces
populations.
Le présent mémoire s'articule autour de cinq
chapitres. Le premier est consacré à la problématique, le
deuxième fait l'inventaire critique de la documentation existante en la
matière, le troisième présente la démarche
méthodologique observée au cours de l'étude, le
quatrième chapitre énonce le plan provisoire commenté de
la thèse et le cinquième chapitre aborde les premiers
résultats obtenus à titre illustratif.
Chapitre 1 : Problématique
I- Problème
Au moment où des efforts sont et continuent
d'être déployés pour lutter voire éradiquer les
maladies dues aux problèmes environnementaux, à l'hygiène
corporelle, aux pratiques de l'Homme, certaines personnes sur la base de leur
conviction sociale, culturelle et religieuse estiment qu'on peut
procéder à la mutilation des organes génitaux du corps
humain.
Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) sont
une pratique très ancienne d'enlèvement ou d'ajustement d'organes
sexuels féminins. Elle constitue une des vieilles pratiques de certaines
sociétés béninoises en général et des
communautés de Bantè en particulier. Ces pratiques sont
diversement répandues et sont le reflet de normes et valeurs
sociétales au nombre desquels on peut citer les Mutilations
Génitales Féminines (MGF) dont un fait marquant est l'excision.
Si la circoncision est tolérée ou acceptée dans la plupart
des sociétés contemporaines, l'excision quant à elle est
sujette à quelques controverses. Ces pratiques, d'avance
préjudiciables à la vie de la femme, ont souvent lieu dans des
conditions hygiéniques déplorables avec des risques d'infections
énormes. Les conséquences sur la santé des adolescentes
ayant subi cette pratique sont aussi multiples que multiformes.
Au Bénin, l'excision est pratiquée dans les
départements de l'Atacora, de la Donga, de l'Alibori, du Borgou, du
Plateau et des Collines. Depuis près d'une décennie
déjà, beaucoup d'ONG s'investissent dans la lutte contre ce
phénomène à travers des activités de
sensibilisation des exciseuses, des femmes, des hommes, des leaders d'opinion.
De même, des relais communautaires de lutte contre l'excision ont
été installés. Les médias sont également
impliqués dans ce combat.
En outre, la Chartre Africaine des Droits de l'Homme stipule
dans son article18 que: "L'Etat a le devoir de veiller à
l'élimination de toute discrimination contre la femme et d'assurer la
protection des droits de la femme et de l'enfant tels que stipulés dans
les déclarations et conventions internationales". Ainsi, la constitution
béninoise du 11 décembre 1990 a proscrit les pratiques
traditionnelles négatives au bien-être des communautés.
Malgré cette volonté manifeste
d'éradiquer cette pratique et en dépit des multiples campagnes de
sensibilisation, de reconversion et autres déployées a grands
cris et a grands frais, la pratique de l'excision persiste même si c'est
de façon clandestine dans la commune de Bantè.
1- Question principale
La question fondamentale que nous nous posons est celle de
savoir quels sont les variables explicatives de la persistance des MGF dans la
commune de Bantè?
2- Questions
spécifiques
A cette principale question, se greffent d'autres questions
spécifiques:
- Quelle valeur les Nago de Bantè accordent-ils
à la MGF?
- Quelles sont les fonctions sociales des MGF dans la commune
de Bantè?
Il est important d'émettre quelques réponses
provisoires à ces questions afin de mieux aborder la
problématique.
II- Hypothèses
Pour répondre à notre principale interrogation,
nous posons les hypothèses suivantes :
1- Hypothèse principale
La persistance des MGF s'explique par la survivance de leurs
fonctions sociales chez les Nago de Bantè.
2- Hypothèses
subsidiaires
- l'excision est un rite de passage pour la jeune fille,
- l'excision permet à la femme et à sa famille
d'acquérir plus de biens matériels par la dot,
- la femme subit l'excision telle une fatalité due aux
pesanteurs sociologiques.
III- Objectifs
1- Objectif
général
La présente étude veut les variables
socio-culturelles qui font persister de la pratique des MGF chez les Nago de
Bantè.
2- Objectifs
spécifiques
- Analyser les fonctions sociales des mutilations
génitales féminines chez les Nago de Bantè,
- Déterminer les variables culturelles qui font
persister les mutilations sexuelles féminines chez les Nago de
Bantè,
- Identifier les acteurs qui oeuvrent pour la survie des
mutilations génitales féminines chez les Nago de Bantè.
IV- Résultats attendus
A la fin de cette étude :
- les raisons de la persistance des MGF sont mises à
jour ;
- les facteurs de blocage expliquant la régression
scolaires des filles sont relevées ;
- un nouveau discours sur l'éradication des
MGF ;
- un diagnostic sur la situation est
réalisé ;
- une nouvelle stratégie prenant en compte les discours
des différents acteurs est élaborée.
Dans le cadre de cette étude, notons que les travaux se
limiteront à la présentation de :
- la problématique sur le sujet ;
- la revue critique de la littérature ;
- la méthodologie de la recherche ;
- un plan provisoire et commenté de la thèse;
- la présentation d'un thème.
Chapitre 2 : Inventaire critique de la documentation
Comme nous le recommande Beaud (1986), « Il faut
lire les livres les plus importants en prenant des notes (...) brasser dans
votre tête les questions, les débats, les certitudes, les doutes,
les interrogations, les points forts, les zones d'ignorance ; il faut
faire un premier tri, dégager l'essentiel de l'inutile ou du secondaire
... ». ce chapitre fait le point sur les principaux ouvrages que
nous avons consultés. Il présente dans un premier temps la liste
de ces ouvrages (elle n'est ni limitative et ni exhaustive) et dans un second,
une analyse critique de leur contenu.
I- Les principaux ouvrages
1- ATTANASSO O. (1999) «Les droits de la femme et les
Mutilations Génitales Féminines »,
Conférence-débat organisée par le CI-AF/Bénin.
2- BOURDIEU P. (1998) La domination masculine, Paris, Seuil,
3- DJAGBA B. K. (1995) " Comportement nuptial et
procréateur en période de crise économique au Cameroun: le
cas d'Edéa ", Mémoire de DESS en Démographie, IFORD,
Yaoundé, Cameroun
4- DJAGBA B. K. (2000) "L'excision au Bénin:
Identification des Facteurs Explicatifs Cas de Kandi et de Karimama, PBA-SSP,
Rapport d'études.
7- KIT AGU K. (1995) "La mutilation génitale des
femmes: un problème de santé publique", Population Reports,
USAID, Population Information Pro gram, John Hopkins Center for Communication
Programs, 111 Market Place, Baltimore, USA.
8- NAHID TOUBIA (1995) " Mutilation Génitale
Féminine: Appel à la mobilisation mondiale", New York, USA
9- ODOUNLAMI V., (2000) "Mutilations Génitales
Féminines à l'orée du 3ème Millénaire", in
Agenda de la Femme 2000, PBA-SSP, GTZIDED
II- Revue documentaire critique
Cette section sera consacrée à la revue de la
littérature sur l'ampleur des MGF au Bénin et ailleurs dans le
monde ainsi que les formes pratiquées.
La littérature dans le domaine des MGF est florissante
vu l'importance qu'elle revêt. Des recherches ont abordé la
question sous plusieurs angles. Les ouvrages qui ont retenu notre
intérêt sont ceux qui ont tenté d'expliquer les fondements
culturels des MGF à Bantè. N'ayant rien obtenu dans le domaine,
nous nous sommes intéressé aux ouvrages qui traitent les MGF au
Bénin.
Compte tenu de l'ampleur des dégâts qu'engendre
l'excision dans le monde, en Afrique et au Bénin les mutilations
génitales féminines ont préoccupé plusieurs
chercheurs et beaucoup d'études et d'ouvrages ont été
édités et publiés. Ces ouvrages ont mis en exergue la
prévalence, les formes et les conséquences des MGF sur la
santé des femmes et des enfants.
Ainsi, dans le monde, chaque année, au moins deux
millions de fillettes et de jeunes filles sont menacées de mutilation
génitale, soit 6.000 jours (Toubia 1995: 8)
Le nombre de filles et de femmes mutilées est
estimé à 115 millions et elles vivent beaucoup plus en Afrique,
quelques unes en Asie, en Europe, qu'au Canada et aux Etats-Unis. En
général, cette pratique existe dans plus de trente (30) pays
d'Afrique, sept (7) au Proche Orient et quatre (4) pays d'Asie, ainsi que dans
les pays développés où certains groupes ethniques ont
immigré. Dans les pays où des enquêtes
Démographiques et de Santé (DHS) ont été
menées, la mutilation génitale féminine est une pratique
courante. Ces procédés sont pratiquement universels chez les
femmes en Egypte, en Erythrée, au Mali et dans le nord du Soudan ou
environ neuf femmes sur dix connaissent une ablation d'au moins une partie de
leurs organes génitaux extérieurs. De même, la mutilation
génitale féminine est une pratique moins courante en
République Centrafricaine et en Côte d'Ivoire (le niveau de
prévalence est de 43% des femmes de 15-49 ans dans chacun des deux pays)
et elle est assez faible en Tanzanie (18%).
Pour ce qui concerne le moment où se réalise
l'excision sur les filles, il a été remarqué qu'elle varie
d'une région à l'autre.
Au Bénin, selon les recherches d'une assistante sociale
en 1998, dans le cadre de son mémoire de fin de formation, dans le
département de l'Atacora, des femmes adultes subissent également
l'excision, qu'elles aient amorcé leur vie féconde ou non bien
qu'en général au Bénin, l'excision a lieu à bas
âge. Cette pratique est souvent imposée ou décidée
de façon libre et volontaire par des femmes adultes qui connaissent des
difficultés sociales mais également pour gagner une
dignité sociale. En effet, il a été constaté que
dans certaines régions une femme non excisée ne peut pas
accéder à certaines responsabilités au sein de la
société. Dans les localités de Kandi et de Karimama, les
femmes ont déc1aré que l'excision est pratiquée sur des
filles aux âges de quatre à douze ans (Djagba, 2000). Ce qui pose
un problème juridique d'importance lorsqu'on sait qu'elle constitue une
violence exercée sur des personnes sans défense, ni de
volonté.
La prévalence des différentes formes de
mutilation varie d'une région à l'autre dans le monde. Au
Bénin, il a été constaté que la forme la plus
pratiquée est la clitoridectomie c'est-à-dire l'ablation du
clitoris.
De nos jours, beaucoup de voix s'élèvent
également pour lutter contre cette pratique et essayer de créer
un cadre juridique susceptible de freiner, voire d'éradiquer cette
violence exercée sur des personnes sans défense. Toutefois, on
remarque que très peu d'ouvrages font état de la mobilisation de
la société civile ainsi que des pouvoirs dans le cadre de la
lutte contre la pratique. Attanasso O. (1999), dans une communication
présentée en conférence-débats, a montré
qu'à travers quelques conventions internationales, chartes et autres
dispositions dans le monde et au Bénin, que les MGF constituent une
atteinte aux droits de la femme et fait souligner la nécessité
pour l'Etat de prendre des dispositions efficaces pour enrayer la pratique des
MGF, car elle constitue une préoccupation de santé publique.
La pratique de l'excision va à l'encontre des principes
fondamentaux des Nations Unies sur la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme adoptée en 1948. Cette déclaration dans l'un des
articles stipule que «Tout individu a le droit à la vie, à
la liberté et à la sûreté de sa personne» et
que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ». La
Déclaration de Vienne, adoptée après la conférence
des Nations Unies sur les Droits de l 'Homme en 1993, souligne que les droits
des femmes et des filles font partie intégrante, indivisible et
indissociable des droits universels de l'Homme.
L'application de tous ces textes de référence au
plan mondial laisse à désirer. C'est ce qui motive Nahib Toubia
qui exprime que « ... Beaucoup de femmes, qu'elles aient été
traumatisées par leur circoncision, qu'elles soient inquiètes
d'une complication physique, qu'elles ressentent ou qu'elles craignent les
rapports sexuels, n'ont aucun moyen jugé acceptable pour exprimer leurs
sentiments; elles souffrent donc en silence » (1995 : 22).
Grâce aux multiples campagnes de sensibilisation aux
différentes formations organisées et au plaidoyer en direction
des leaders d'opinion et des Autorités politiques de 1992 à ce
jour, le phénomène a connu une diminution notamment dans les
centres urbains (Odounlami 2000).
Elle poursuit en disant que beaucoup de facteurs ont
contribué à ce résultat et elle cite entre autres:
- la mise en place et le fonctionnement réel de relais
communautaire de sensibilisation;
- la prise de conscience par les populations des
répercussions sanitaires des MGF sur les femmes et les enfants;
- l'utilisation des médias pour la vulgarisation des
informations;
- l'éducation et la conscientisation des exciseurs et
des exciseuses sur les méfaits de l'excision et le rôle des
organes visés sur l'évolution et le bien être de
l'espèce humaine;
- les mutations économiques et autres.
Néanmoins, comme d'autres auteurs, elle précise
que le problème de l'excision demeure encore vivace parce que
ancré dans nos valeurs culturelles et cela se constate surtout
actuellement dans les villages et hameaux les plus reculés. Les
résultats de cette enquête devront confirmer si le
phénomène est actuellement plus rural qu'urbain. Elle conclut en
soulignant aussi l'influence de la proximité du Bénin avec
certains pays à fortes prévalences de la pratique.
La description ethnographique de la société
Kabyle a servi de matériaux à l'ouvrage de
Pierre Bourdieu sur « La domination masculine ».
Dans cet ouvrage, Bourdieu retrace le processus de
construction sociale de la domination de l'homme Kabyle sur la femme. Il montre
la manière par laquelle, l'homme impose sa socialisation à la
femme qui l'a subie passivement. Il met en lumière ce lent mais long
processus historique qui a fait de la femme un être perçu par le
regard de l'homme tout en démontrant comment diverses instances de la
vie sociale contribuent à la perpétuation et au renforcement de
cette réalité sexuée.
Comment les hommes berbères de Kabylie se
représentent-ils les femmes ? C'est autour de cette interrogation
que commence l'ouvrage. Cette image découle de l'opposition entre les
sexes masculin et féminin, laquelle trouve sa nécessité
dans une série d'opposition homologue : « haut/bas,
dessus/dessous, dehors/dedans, public/privé, ... » Cette
division qui semble normale est incorporée dans les habitus des
membres de ce groupe. Aussi, pour eux, « le monde social
construit le corps comme réalité sexuée et comme
dépositaire de principes de vision et de division
sexant. »
C'est au cours de cette construction que des schèmes de
perceptions dominantes se sont opérés et ont
légitimé la place de la femme Kabyle à la sphère
privée. Cette violence symbolique des hommes dominants sur les
femmes dominées « ne se comprend que si l'on prend acte
des effets durables que l'ordre social exerce sur les femmes,
c'est-à-dire des dispositions spontanément accordées
à cet ordre qu'elle leur impose. » La différence
entre les sexes, « la domination de l'un sur l'autre se
présente à travers la définition que le dominant donne
à sa pratique car le propre des dominants est d'être en
mesure de faire reconnaître leur manière d'être
particulière d'universelle. »
Ainsi, c'est la domination masculine qui catégorise les
femmes à être perçues en objets symboliques. Elle les place
dans une situation d'insécurité corporelle. « Elle
existe d'abord par le regard des autres, c'est-à-dire en tant qu'objets
accueillants, attrayants, disponibles. » Et dans ce mouvement de
réification de la femme, l'éducation joue un rôle
primordial. Elle les prépare à devenir les subordonnées
des hommes en les excluant des jeux du pouvoir. Enfin, elle ne cesse de
retransmettre les présupposés de ces représentations
sexuellement connotées qui relèguent les femmes à
l'arrière plan.
La normalité de cet état se trouve aussi
renforcer par certaines institutions concourrant à leur permanence. Par
l'entremise de la famille, de l'église, de l'Etat (et de
l'école), le discours sur l'infériorité féminine
est reproduit. L'institution famille détient, selon Bourdieu,
« le rôle principal dans la reproduction de la domination
et de la vision masculine ; c'est dans la famille que s'impose
l'expérience précoce de la division sexuelle du travail et de la
représentation légitime de cette division, garantie par le droit
et inscrite dans le langage. »
Vers la fin de l`ouvrage, l'auteur relève un
paradoxe au sujet de l'institution scolaire: en même tant qu'il
affirme qu'elle contribue au stéréotype qui a cour, il affirme
aussi que c'est par elle qu'un changement en faveur des femmes va
s'opérer. L'accroissement du taux de scolarisation des filles va
contribuer à une certaine indépendance économique de ces
dernières d'où une transformation des structures familiales. Ce
qui peut se remarquer de nos jours au regard du nombre croissant des unions
libres et des divorces (lire à cet effet F. de Singly, Sociologie de la
famille contemporaine). Mais pour une action d'envergure en faveur de la
scolarisation des filles, il faudrait également un réel
engagement politique.
III - Raison du choix du
thème et du cadre d'étude
1- Du choix du thème
Les MGF sont depuis une dizaine d'années
décriées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en
partenariat avec plusieurs ONG. Cela a permis l'abandon de la pratique des MGF
dans plusieurs localités. Cependant, des poches de résistance
demeurent. La commune de Bantè en fait partie. C'est la raison
fondamentale qui a motivé le choix du présent thème.
Cette recherche nous permettra de comprendre les fondements de
cette résistance afin de proposer des stratégies idoines de
sensibilisation.
2- Du cadre d'étude
Le cadre d'étude est la commune de Bantè dans le
département des Collines au Bénin.
C'est notre commune d'origine, bien que la pertinence du
thème soit réelle, il nous est aussi plus facile de
réaliser les différents travaux de recherche car nous
maîtrisons la langue du milieu.
3- Durée de
l'étude
L'étude a couvert plusieurs phases suivant des
périodes déterminées. Ainsi, les mois de janvier,
février et mars 2007 ont servi à la recherche documentaire et aux
entretiens exploratoires. Cette phase a permis d'obtenir plusieurs
données grâce à la méthodologie adoptée pour
la circonstance. La collecte, l'analyse et la rédaction du rapport ont
duré d'avril à août 2007.
Chapitre 3 : Approche méthodologique
La recherche sociologique nécessite une certaine
rigueur dans la manière de l'envisager. C'est pourquoi une certaine
démarche méthodologique s'impose pour arriver à mieux
saisir la complexité de la réalité sociale.
« Le propre de la méthode est d'aider à comprendre
au sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique,
mais le processus de la recherche lui-même. » (Kaplan
cité par Grawitz, 2001). La méthodologie permet donc de clarifier
comment sera mener l'étude. Dans le cadre d'espèce, elle
présentera le cadre théorique, conceptuel et les techniques de
collectes et d'analyses des données.
I- Cadre théorique
Le cadre théorique suppose le choix d'une
théorie sociologique en rapport avec l'objet d'étude.
L'étude des faits sociaux demeure la spécificité de la
sociologie. Si cette dernière s'intéresse à l'étude
des MGF, c'est bien parce qu'elles apparaissent comme une pratique sociale
érigée en norme et reliée aux autres instances de
l'environnement sociétal qui l'influe considérablement.
L'individualisme méthodologique de Raymond Boudon
permettra de mieux comprendre la persistance des MGF dans la commune de
Bantè.
Cette théorie dont R. Boudon est l'initiateur se fonde
sur la compréhension des actions individuelles. « Le
principe de l'individualisme méthodologique énonce que pour
expliquer un phénomène social quelconque - que celui-ci
relève de la science politique, de la sociologie et de toute autre
science sociale particulière - il est indispensable de reconstruire les
motivations des individus concernés par le phénomène en
question et d'appréhender ce phénomène comme le
résultat de l'agrégation des comportements individuels
dictés par ces motivations » (Renouard, Montoussé,
1997).
Dans l'explication de la persistance des MGF à
Bantè, il faut donc prendre en compte non seulement les motivations et
ou raisons de chaque famille mais aussi le contexte social dans lequel s'est
produit le phénomène. Boudon parlera lui en terme de
`'rationalité des individus'' et de leurs familles, laquelle va peser
sur les choix opérés.
Le cadre théorique étant ainsi placé,
nous allons donner des contours précis à nos concepts pour
éviter la polysémie de sens qui pourrait être
attribuée à chaque mot.
II- Approche conceptuelle
Pour faciliter la compréhension du présent
document, cinq concepts sont précisés. Il s'agit des facteurs
culturels, des caractéristiques identitaires, des mutilations
génitales féminines et des droits de l'homme.
Nous avons avancé l'hypothèse que la
récurrence des MJF serait en partie imputable à l'existence d'une
panoplie de facteurs culturels.
Afin de mieux appréhender le concept de
culture, nous nous sommes référé à
l'approche de Taylor. Bien que datant de 1871, elle demeure d'actualité
même si on lui a reproché d'être un peu trop descriptive.
Depuis Taylor, bien d'autres définitions de la culture se sont
ajoutées ; Kroeber et Kluckhohn les ont colligées,
classées et commentées.
Nous inspirant de la définition de Taylor et de
plusieurs autres, nous pourrions définir la culture comme
« ce tout complexe comprenant le savoir, les croyances, l'art, la
morale, le droit, les us et coutumes et l'ensemble des aptitudes et habitudes
que l'homme a acquis en tant que membre d'une
société », (Primitive culture, 1871 :1)
L'explication de cette définition va nous permettre de
mettre en lumière les caractéristiques principales
qu'anthropologues et sociologues s'entendent pour reconnaître à la
culture.
On notera d'abord que nous avons repris la formule de Durkheim
et que nous parlons de « manières de penser, de sentir et
d'agir ».
En second lieu, ces manières de penser, de sentir et
d'agir peuvent être « plus ou moins
formalisées »
Quoique complexe et multidimensionnelle, les facteurs
culturels peuvent être envisagés selon deux perspectives :
- d'une part comme un héritage, un patrimoine qui se
transmet de génération en génération ;
- d'autre part comme toute construction sociale
dépendante de la hiérarchie sociale, qui se renouvelle au contact
des autres cultures, et qui permet de garder les frontières d'une
collectivité particulière mieux son identité.
L'identité d'un individu ou d'un
groupe est constituée par l'ensemble des caractéristiques et des
représentations qui font que cet individu ou ce groupe se perçoit
en tant qu'entité spécifique et qu'il est perçu comme tel
par les autres. L'identité est donc à la fois une
identité « pour soi » et une identité
« pour autrui ».
Selon Claude Dubar, deux formes identitaires sont à
distinguer :
- la forme communautaire dans laquelle l'individu est
défini par son appartenance à une communauté (caste,
tribu, religion, ethnie, nation, culture) et par une place au sein de cette
communauté. L'identité est alors perçue dans une
perspective essentialiste.
- et la forme sociétaire où l'accent est mis
sur l'identité personnelle des individus qui de façon
simultanée appartiennent à différents groupes qui leur
fournissent des ressources d'identification ( on peut être à la
fois étudiant, garçons, fils de médecin).
François de Singly parle dans la même perspective
d'une « fluidité des identités » ; les
mutilations génitales féminines dont l'excision, la forme la plus
pratiquée au Bénin en fait partie.
Il est important de signaler que bien que le terme "excision"
soit utilisé de façon courante pour désigner de nos jours
toutes les formes de mutilations génitales
féminines, il en existe plusieurs formes. Selon Nahid Toubia
(1995), la mutilation génitale féminine ou circoncision
féminine, est le nom collectif que l'on donne aux différentes
pratiques traditionnelles qui ont pour conséquence l'ablation des
organes génitaux féminins. Elle a poursuivi en précisant
les trois formes de mutilation que sont la clitoridectomie, l'excision et
l'infibulation.
L'excision quant elle est l'ablation du clitoris et des
petites lèvres. Elle est pratiquée par quelques populations dans
la Donga et dans l'Alibori.
L'infibulation consiste en l'ablation tant du clitoris, des
petites lèvres mais aussi la partie intérieure des grandes
lèvres est raclée et il s'en suit une suture des deux grandes
lèvres. Un bâton est placé au niveau de l'orifice vaginal
en vue d'empêcher que cela ne ferme après cicatrisation et
permettre à la fille d'évacuer les urines. Cette forme d'excision
est surtout pratiquée en Afrique orientale notamment en Somali, en
Ethiopie, au Soudan, en Djibouti, etc.
La clitoridectomie se définit comme l'ablation" simple"
du clitoris qui est un organe très sensible au point de vue
physiologique au niveau de l'appareil génital féminin. Il a
été montre que cette forme serait la plus pratiquée
à Bantè. Pour la simplicité du discours, nous utiliserons
dans le cadre de la présente étude le concept d'excision
toutefois où il s'agira du type de MGF pratiqué dans la commune
de Bantè.
Comme cela a été souligné
précédemment l'excision est de nos jours le nom donné
à toutes ces formes de pratiques mais elle est à distinguer de
l'étirement du clitoris qui est une élongation du clitoris qui
est aussi une forme de violence sexuelle sur la femme. Mais, il est admis
à travers la littérature que le terme mutilation est surtout
réservé aux formes de violence exercées sur les femmes qui
entraînent des saignements. Elle a typiquement pour but de contenir
l'activité sexuelle de la femme. Cela est une atteinte aux droits de
l'homme.
III- Champ d'étude
1- Situation géographique de la
commune de Bantè
Situé au nord du
département des collines, Bantè est une commune d'enivrons 2695
km2 pour une population de 82.129 habitants. Elle est limitée au Nord
par la commune de Bassila, au Sud par la commune de Savalou, à l'Est par
les communes de Glazoué et Ouèssè et à l'ouest par
la République du Togo (frontière).
Des routes asphaltées le relient à l'ensemble
des communes limitrophes et des pays voisins.
Née du découpage territorial du 30 Mai 1978, la
commune de Bantè se situe à près de 300 km de Cotonou et
compte 34 villages avec neuf arrondissements qui sont : Agoua, Akpassi,
Atokolibé, Bantè, Bobè, Gouka, Lougba, koko et Pira.
carte administrative de la commune de Bantè
Source : laboratoire de climatologie (UAC)
2- Historique du peuplement
L'installation des populations Ifè et Isha sur le site
actuel date de longtemps. Elle trouve son explication dans les anciennes
occupations des régions du Bénin par des peuples Yoruba venus du
Nigeria. La présence des Ifè et Isha sur le site actuel est alors
l'aboutissement de longs mouvements migratoires dus à de nombreuses
guerres de conquêtes, de razzias à but esclavagiste ou des
disputes survenues au moment de succession au trône. Il s'agit de la
migration ancienne et celles récentes d'origine Oyo et
Ilé-Ifè.
En effet, le peuple Ifè et Isha fut formé par
trois vagues successives de migration. La première, plus ancienne,
partit de Ilétcha, les deux plus récentes, de Oyo et
d'Ilé-fè.
Les Isha d'origine Ilétcha constituent le groupe le
plus important et le premier à s'installer sur le site actuel de
Bantè. Il est effectivement parti de Ilétcha ou Ilutcha (maison
des Ntcha) fuyant les guerres et razzias. Il s'est installé dans les
régions de Kpokpo et de Kpessi au Togo après avoir
traversé Tchaourou et Bassila. Mais ce n'était qu'une
installation provisoire. Sous la pression des soldats Ashanti du Roi OPOKOU
Wari de Koumassi (Ghana), le groupe a dû reculer. C'est au bout de ce
recul que les Ntcha fondèrent les premiers villages de Banon,
Bobè, Adjantè, Djédia, Kubètè, Koko, Lougba,
Akpassi et Djagballo. Ce fut le 1er noyau qui donna naissance
à l'actuel pays Isha de Bantè.
La migration d'origine Oyo, la plus récente, concerne
deux groupes. L'un dirigé par un chasseur du nom de Obinti a eu un long
séjour au pied des collines de Dassa-Zoumé puis à
Ngbo-ogou (forêt) avant de rejoindre Djédia (actuel
Ilé-lakoun de Bantè).
Après le groupe de Obinti, un autre, sous la conduite
du chasseur Ogbéa est parti aussi de Oyo. Il a contourné la
colline Kubètè pour s'établir à Illagbo à
Akpassi. Ce sont ces migrations parties d'Ilé-Itcha et d'Oyo qui donna
naissance à l'actuel peuple Isha situé dans la partie Nord.
Ensuite vinrent les Ifè qui occupent la partie Sud et
qui seraient venus d'Ilé-Ifè sous la direction d'un guerrier
appelé Odji. Ils ont traversé Agbassa, Igbo-Ilu-Odji (devenu
Igbo-Nan-Odji) pour occuper aujourd'hui Ilé-Ilu-Odji ( Lozin).
En définitive, l'actuel pays Ifè et Isha est
progressivement mis en place grâce à des mouvements migratoires
d'origine Ilé-Itcha, Oyo et Ilé-Ifè au Nigéria. Le
peuple Ifè et Isha (Nago de Bantè) a alors pour souche, l'ancien
peuple Yoruba du Nigéria. Ce fait explique que la langue Ifè et
Isha dérive du Yoruba et justifie l'intercompréhension
linguistique et l'identité culturelle entre les Isha, les Yoruba, les
Shabè et les Idasha.
3-
Caractéristiques socio-démographiques
Au dernier Recensement Général de la Population
et de l'Habitation (RGPH3) de 2002, la population résidente de
Bantè est de 82.129 habitants dont 40.135 hommes et 41.994 femmes.
Cet effectif qui correspond à une densité
moyenne de près de 38 habitants au kilomètre carré
confirme la réputation de la commune d'être parmi les moins
peuplés dans le pays. Le taux d'accroissement naturel est estimé
à 4,1 %. Le taux de croissance annuel moyen est de l'ordre de 3,4 %.
À ce rythme, la population doublera en 19 ans. L'Indice
Synthétique de Fécondité est estimé à 6,2
enfants par femme en 2001 par l'EDSB-II. Ce niveau de croissance
démographique est synonyme d'une explosion massive de la demande
potentielle des services sanitaires que l'Etat éprouvera des
difficultés à satisfaire vu le contexte de pauvreté
structurelle. Aussi, le taux de mortalité infantile reste
élevé (selon l'EDSBF-II, sur 1000 naissances vivantes 81
décèdent avant d'atteindre leur premier anniversaire). Et,
l'espérance de vie à la naissance est estimée à
47,8 ans.
La population est majoritairement féminine (52 % de
sexes féminins) et est essentiellement jeune 49 % de la population
a moins de 15 ans alors que les 65 ans ou plus représentent moins de 4
%. La commune de Bantè est relativement peu urbanisée avec un
taux d'urbanisation de 7,4 % lors du dernier recensement.
Selon l'atlas monographique des communes du Bénin, la
commune de Bantè est caractérisée par une croissance
démographique de 3,87% dont la population rurale est de 4,45% avec 6629
ménages (5728 ruraux) (2001 : 3). La densité humaine est de
30,47 hab/ Km2 ayant pour taille des ménages 7 (ruraux :
7,5).
Elle est constituée de groupes ethniques ''Ifè''
dans la zone Sud et `'Isha'' dans ses parties septentrionales.
Les services sont installés à Bantè
centre, l'arrondissement urbain. Dans le but d'aider l'administration locale,
des services déconcentrés de certains ministères se sont
ajoutés à ceux rattachés directement à
l'administration de la mairie. Parmi ceux-ci figurent la poste, la gendarmerie,
la police, la douane, la circonscription scolaire, le centre de promotion
sociale, les services de santé et la compagnie militaire.
4- Organisation sociale et
culturelle
A l'instar des sociétés traditionnelles de notre
pays, la société Isha Ifè (Bantè) fonctionne sur la
base d'intérêts sociaux et d'institutions religieuses. L'objectif
est de sauvegarder et de renforcer la paix et la cohésion du groupe sur
le plan intérieur et extérieur. Au nombre de ceux-ci, nous
pouvons citer les totems et tabous. Le totem, souvent un arbre, un animal ou
une herbe ou tout autre objet, est respecté par le groupe
totémique. Ce dernier ne peut le tuer, le manger ou le toucher sans en
courir de grands risques. Chaque famille, clan adore ou vénère
l'être, l'animal ou l'objet qui représente son totem.
Sur le plan sociologique, il convient de signaler que ces
animaux auraient rendu de grands services aux groupes concernés. A ces
interdits spécifiques à chaque groupe, il faut ajouter les
institutions dont le respect s'impose à tout le monde. Aussi, le pacte
de terre (ilè-mimo) est un accord sacré passé entre
villages, groupes tribaux, ou individus dans le but de favoriser les relations
de bon voisinage, la compréhension et le respect mutuel. Il instaure
entre les signataires une ambition de paix, de stabilité, de
sécurité fondée sur l'honnêteté
réciproque et facilite le règlement des conflits entre les
signataires (villages). Il a pour avantage la cohésion sociale entre
deux ou plusieurs localités, l'évitement de la guerre et
l'entente entre les villages frères. Hormis le pacte de terre,
l'adultère, le mensonge, la calomnie et le vol sont des
phénomènes prohibés en milieu Nago. Ces différentes
institutions rendent compte de l'intérêt que la population
accordait à la paix et à la cohésion sociale.
La région est caractérisée par de grosses
concentrations villageoises. Les villages regroupent en moyenne quelques deux
ou trois milles individus dont généralement les uns, en
majorité appartiennent au lignage fondateur du village et les autres,
à des segments de lignages étrangers venus s'adjoindre aux
premiers, suite à de nombreuses migrations ultérieures. Les
habitants obéissent aux règles d'une organisation communautaire
et forment, à ce titre, de `'véritables communautés
villageoises''.
La règle de résidence est patri virilocale. En
d'autres termes, une femme mariée va vivre avec son mari, chez les
parents de celui-ci. Les villages sont composés de multiples cours
d'habitations dont chacune abrite une ou plusieurs familles étendues et
peut aussi totaliser un grand nombre de personnes qui vivent sous
l'autorité du chef de la cour `'boba ilé''. A l'intérieur
de la grande cour (agbo-ilé), il existe un certain nombre de
pièces d'habitations groupées autour de petites cours
(ojulé) à la tête desquelles se trouve un chef de petites
cours (ba-ilé) et organisées en un véritable dédale
dont les ramifications correspondent aux groupes de parenté.
Les Ifè et Isha de Bantè ne choisissent pas
comme partenaire qui ils veulent. Il existe des mariages, sinon des unions
contre nature, dont la sphère est théoriquement définie
par la règle de double exogamie, interdisant à tout homme de
prendre femme aussi bien dans le lignage de son père que dans celui de
sa mère. Ne peuvent donc se marier entre eux, tous les individus issus
d'un même ancêtre, en ligne agnatique ou en ligne utérine,
quel que soit le degré de parenté.
Si les Ifè et Isha de Bantè ne choisissent pas
leur femme comme ils veulent, ils ne la prennent pas non plus tout à
fait où ils veulent. Les impératifs des règles d'exogamie,
malgré une grande souplesse qui de nos jours peut s'observer, imposent
aux lignages une obligation permanente d'extension des alliances. Cette
communauté n'aime cependant pas chercher ses épouses `'trop
loin''. En cas de conflit, palabre, l'affaire est d'autant plus difficile
à régler que les parties sont éloignées ou, qui
plus est, appartiennent à des groupements traditionnellement ennemis.
C'est le cas actuel de leurs attitudes vis-à-vis des autres groupes
socioculturels, notamment les Fon. Ainsi, le mariage le plus sûr et donc
le meilleur est celui qu'on peut contracter à l'intérieur de son
propre groupe. Il permet une intégration parfaite et harmonieuse de la
femme au sein du lignage du mari; ce qui permet d'éviter tant soit peu
des risques ou déviances qui peuvent résulter de certaines
inconduites de la femme mariée.
L'idéal humain poursuivi par ce groupe socioculturel
est `'omo-oluwabi'' (omo = enfant, oluwa = Seigneur, bi = engendrer; autrement,
omo-oluwabi est l'enfant que le Seigneur a engendré). L'organisation
sociale de ce peuple vise à refléter qu'il s'origine en oluwa
(Etre Suprême), et que son monde est la continuité du monde
invisible. Fondamentalement, l'organisation sociale est fondée sur des
principes qui déterminent l'individu et la communauté. L'excision
ferait partie des rites qui font de la femme au foyer une « omo-
oluwabi » c'est-à-dire une femme exemplaire, une femme
modèle.
Sur le plan culturel, on dénombre une monotonie
ethnique ; malgré la présence des colons agricoles
d'importance numérique inégale et qui n'occupent pas toujours des
aires géographiques précises.
Les autres ethnies sont les fon ; les bariba ; etc.
Traditionnellement, tous ces groupes ethniques valorisent la polygynie et la
forte procréation. Les principales religions à Bantè sont
par ordre croissant le christianisme, l'animisme et l'islam.
Dans les faits, presque toute la population pratique d'une
manière ou d'une autre les religions traditionnelles. Ces
détenteurs sont encore tout puissant et oeuvre pour la continuité
de l'excision.
5- Situation économique
L'agriculture reste la principale branche des activités
économiques de Bantè et la superficie cultivée
s'évalue à 145.000ha (53,80%) tandis que le taux
d'activité est de 63,57%. Le maïs, l'arachide, l'igname, le manioc,
le coton, le niébé, l'anacarde, le piment, le sésame, le
haricot, le soja, le pois d'angole et les fruitiers sont les produits qui
procurent de l'argent aux habitants. L'importance des terres affectées
à chaque plante varie d'une localité à une autre.
Les potentialités de la commune restent encore
énormes (jeunesse de la population, disponibilité des ressources
naturelles), régression progressive de l'immigration et une forte
émigration des ruraux). Elle reste auto-suffisante sur le plan
alimentaire et le reste des produits est vendu sur les marchés locaux
(Bantè, Gouka, Agoua, Pira) ou sur les marchés de Dantokpa
(Cotonou), de Kamboli ou d'Anié au Togo. Toutefois, les marchés
ruraux ont un rayonnement d'envergure locale. Les voies sont impraticables pour
la plupart pendant la saison des pluies. Les villages sont coupés les
uns des autres; dans ce cas, le petit commerce est réduit à une
activité saisonnière. On arrive parfois à la
mévente des produits vivriers. Les activités artisanales sont
bien développées dans le milieu. La commune dispose au total de 3
marchés quotidiens, 8 marchés périodiques et 42 boutiques
et de trois gares routières.
La région regorge également des groupements qui
sont repartis en trois catégories : production (206);
commercialisation (38) et transformation (07).
L'économie de la commune de Bantè repose
essentiellement sur l'agriculture et l'élevage qui occupe plus des trois
quarts de la population active. À l'instar des autres communes du
Bénin, celle de Bantè est confrontée à un
environnement économique difficile depuis plusieurs décennies.
Avec un PNB par habitant très faible, et un IDH de 0,302 Bantè
est classé parmi les communes les plus pauvres au Bénin.
Ce bilan peu reluisant de la situation économique de la
commune de Bantè, avec un niveau de pauvreté grandissant dans la
population sont de nature à avoir un impact négatif sur la lutte
contre les mutilation génitales féminines. En effet, la dot de la
femme excisée est plus chère dans cette communauté.
IV- Démarche méthodologique
La démarche méthodologique retenue pour conduire
la présente étude comporte essentiellement deux volets. Le
premier volet concerne les travaux préliminaires. Le second volet est
relatif à la collecte et à l'analyse des données
quantitatives et qualitatives.
A- Travaux préliminaires
Ils regroupent quatre activités : l'identification
de la nature de l'étude, la recherche documentaire et les
échanges avec les personnes ressources, la confection et la validation
des outils de terrain, l'identification des cibles et
échantillonnage.
1- Nature et durée de
l'étude
Il s'agit d'une étude surtout qualitative d'analyse
situationnelle de l'excision à Bantè.
L'enquête s'est déroulée du 12 mai au 30
juillet 2007.
2- Recherche documentaire et
échange avec les personnes ressources
Cette étape est primordiale en ce qui concerne toute
recherche. Elle permet de prendre connaissance de certains travaux
réalisés qui ont abordé des aspects du thème
d'étude et de mieux orienter la recherche. Dans le cadre de la
présente recherche, la recherche documentaire a servi à recenser,
à consulter et à sélectionner les ouvrages et travaux
jugés pertinents dans le cadre de notre étude.
Il s'agit au cours de cette étape, d'identifier les
documents (ouvrages, rapports d'étude et publications) entrant dans
le cadre de la problématique de la présente étude. Dans un
passé plus ou moins récent, certaines études ont
été réalisées l'excision. Les rapports de ces
études et des autres documents identifiés sont
étudiés en vue de l'élaboration d'une synthèse sur
l'état de la problématique de l'étude.
La recherche documentaire a permis d'une part, d'identifier
les données et informations déjà disponibles sur
l'excision, d'autre part, d'évaluer les besoins en information
complémentaires en vue d'en tenir compte dans la confection des outils
pour l'enquête de terrain.
L'échange avec les acteurs clés a
consisté à s'informer sur la thématique de façon
brève avec quelques personnes ressources : gynécologues,
sages-femmes, exciseuses, femmes excisées, maris. Il s'agit à ce
niveau d'aller au-delà des documents muets pour accéder aux
informations liées à l'expérience et à la pratique
de ces personnes ressources. Ces échanges nous ont permis de peaufiner
notre point de vue sur la problématique.
La recherche documentaire a été faite dans
plusieurs centres de Cotonou ; notamment des centres de documentation, des
bibliothèques et des instituts de recherche ; dont entre autres :
- la Bibliothèque de l'UNICEF de Cotonou où nous
avons trouvé d'importants rapports de séminaire qui nous ont
permis de nous rendre compte des divers actes posés par l'Institution,
le gouvernement Béninois et d'autres pays de la sous
région ;
- la Bibliothèque du Ministère de la Famille, de
la Protection Sociale et de la Solidarité qui nous aura permis de
parcourir plusieurs rapports de séminaires organisés par le
gouvernement Béninois dans le cadre des MGF. Par la suite nous avons
pris connaissance de la plupart des conventions signées par le
Bénin, dans le cadre de la lutte contre les pratiques hostiles à
la santé de la reproduction ;
- la Bibliothèque du Ministère de la
Santé Publique et de l'Organisation Mondiale de la Santé ont
été d'une grande utilité.
3- Confection et validation des
outils de terrain
3-1 Confection des outils de
terrain
Un questionnaire et un guide d'entretien sont
élaborés et destinés aux différentes cibles
retenues. Chaque outil est subdivisé en plusieurs sections contenant des
questions pré codées et des questions ouvertes.
Le questionnaire comporte les items suivants :
- identification de l'enquêté,
- connaissances, attitudes et pratiques des MGF,
- impressions sur les MGF,
- apport personnel dans la lutte.
Quant au guide d'entretien, il a abordé les volets
ci-après :
- identification,
- connaissances,
- prévalence,
- perspectives,
- tendances de la pratique,
- suggestions.
Il importe de renseigner sur la nature, les
caractéristiques et les modalités d'application de ces outils.
3-2 Nature et
caractéristiques des guides d'entretien
L'enquête de terrain a été faite sur la
base de questionnaire et de guides d'entretien semi-directifs
administrés aux différentes unités des cibles.
En somme, les outils utilisés sont fonctions des
objectifs de l'étude, des indicateurs retenus par les études
antérieures et les groupes cibles.
4- Echantillonnage
4-1 Groupes cibles
Les groupes cibles de cette étude sont retenus en
tenant compte de toutes les catégories d'acteurs directement ou
indirectement impliqués dans la pratique de l'excision à
Bantè.
D'abord, trois arrondissements sont retenus de façon
motivée. L'arrondissement de Koko, l'arrondissement de Atokolibé
et l'arrondissement de Pira. Les enquêtes antérieures ont
montré que ces arrondissements résistent plus à l'abandon
de l'excision. C'est dans ces arrondissements que les cibles sont
tirées ; il s'agit des femmes ayant subit l'excision, de leur mari,
des jeunes filles, des prêtres couvents, des exciseuses, des sages-femmes
et des responsables religieux.
4-2 Taille et répartition
de l'échantillon
- Aspect qualitatif
La taille de l'échantillon nécessaire pour
assurer la validité des résultats de cette étude a
été déterminée après le seuil de saturation
et se présente comme suit :
Au total, 60 personnes ont été
interviewées dans les trois arrondissements à
savoir :
- 40 femmes mariées ou en union (âgées de
18 à 49 ans),
- 20 hommes mariés ou en union (âgés d'au
moins 18 ans).
La répartition de la taille de l'échantillon par
site se présente comme suit :
o Pira : 25 enquêtés dont 15 femmes et 10
hommes ;
o Atokolibé : 25 enquêtés dont 15
femmes et 10 hommes ;
o Koko : 10 enquêtés dont 07 femmes et 03
hommes.
Figure 1 : Répartition de
l'échantillon par arrondissement
Source : résultat enquête
La répartition de la taille
de l'échantillon est proportionnelle à l'effectif de chaque
arrondissement. Quant à la répartition par sexe, elle se
présente comme l'indique la figure suivante :
- Aspect quantitatif
La taille de l'échantillon est déterminée
à partir de la formule de Schwaitz. Selon ce statisticien, la taille
nécessaire est proportionnelle au produit pq où p est la
prévalence qui résulte des renseignements antérieurs sur
le phénomène à étudier et p = 1 - q. p est
inversement proportionnel au carré de la marge d'erreur i.
La marge d'erreur est fixée à 6%. Selon les
estimations de CI-AF Bénin, la proportion des femmes excisées
à Bantè est de 50% effectif minimal de l'échantillon
inclut dans l'enquête sur le terrain est :
N = ?pq/i2
N= 1,96*(0,50)2/0,06
N = 266
N = 266 personnes
5- Identification et justification
des variables
Une variable est une caractéristique, un attribut ou
encore une dimension d'un phénomène observable empiriquement et
dont la valeur varie en fonction de l'observation (Chindji-Konleu, 2003). Elle
est un instrument de précision qui est soit indépendante, soit
dépendante.
5-1 Les variables
indépendantes
Ce sont celles dont le changement de valeur influe sur celle
de l'autre (dépendante). Plusieurs modèles théoriques ont
été élaborés pour l'étude des faits sociaux
en général et des MGF en particulier. Les six variables qui
suivent peuvent être considérées comme expliquant la
persistance de la pratique des MGF donc indépendantes. Il s'agit
de :
-
L'Ethnie et la religion
L'ethnie peut se définir comme le milieu de production
des normes et valeurs culturelles auxquelles les individus se
réfèrent. Elle peut être un facteur favorisant la
persistance des MGF dans la commune de Bantè.
Quant à la religion, elle aussi modèle
l'attitude des parents vis-à-vis de leur descendance. Les religions
traditionnelles militeraient plus en faveurs de la persistance des MGF dans la
commune de Bantè. Il est à noter que les religions
traditionnelles ont encore beaucoup d'adeptes dans la commune de Bantè.
- Le
niveau de vie du ménage
Il détermine la capacité du ménage
à mobiliser les ressources financières prendre soin des enfants
et ne pas nécessairement attendre la dot des filles aimées. Les
filles vivant dans les ménages aisés seraient moins
exposées aux MGF.
- Le
niveau d'instruction des parents
Un consensus se dégage dans la littérature pour
reconnaître que l'instruction des parents surtout de la mère est
un important déterminant dans la soumission de la fille aux MGF. En
effet, la scolarisation formelle s'avère être l'un des principaux
moyens de lutte contre les MGF.
-
L'âge des parents
L'influence de l'âge des parents sur la pratique des MGF
a été démontrée par plusieurs études. En
effet, « les couples vieux sont plus susceptibles de recourir
à la pratique des MGF que les couples jeunes, ceci en raison du pouvoir
d'achat limité et de l'ancrage dans la tradition de vieux
couples ».
- La
parité
La relation entre la parité atteinte et le recours aux
MGF sont intimement liés. A Bantè, les enfants issus des familles
nombreuses sont plus soumis aux MGF.
Nous avons tenu compte de ces variables dans l'étude
qui se propose de comprendre les facteurs qui militent en faveur de la
persistance de l'excision au Bénin.
- L'accès aux médias
Actuellement, les médias constituent les canaux de
sensibilisation des communautés. L'attitude et les comportements des
acteurs peuvent varier en fonction de leur degré d'informations.
5-2 La variable
dépendante
C'est celle dont le chercheur essaie d'expliquer les
variations à partir du phénomène observé. Ici, il
s'agit de la persistance de la pratique des MGF dans la commune de
Bantè.
6- Considérations
éthiques
La participation de tous les répondants de
l'étude est strictement volontaire. Des mesures seront prises pour
assurer le respect, la dignité et la liberté de chaque individu
qui participe à l'enquête. La complète
confidentialité des interviews doit être garantie, les
réponses des enquêtés ne doivent en aucune façon
être divulguées par le personnel de terrain.
B- Collecte des données
1- La sélection et
recrutement des enquêtrices
Compte tenu de l'importance et de la sensibilité de
l'étude, nous avons recruté trois enquêtrices de niveau
licence d'Université.
La sélection s'est effectuée en deux
étapes :
- dans un premier temps, nous avons procédé
à une sélection des enquêtrices sur dossier suivant les
critères ci-après : le sexe, le diplôme, les langues
nationales parlées et l'expérience professionnelle.
- dans un second temps, les candidates
présélectionnées ont subi un entretien oral pour
connaître leur disponibilité immédiate, leurs connaissances
des exigences de travail de terrain et enfin pour vérifier les
informations contenues dans les curriculum- vitae.
Sur les neuf (09) dossiers reçus, trois (03) ont
été finalement retenues. Il s'agit des arrondissements
d'Atokolibé, de Pira et de Koko.
2- La formation des
enquêtrices
Elle a durée deux (02) jours et a permis aux
enquêtrices de se familiariser avec les outils et de maîtriser les
différents concepts qui y sont contenus.
Des traductions en langues locales ont été
faites, notamment celles qui sont surtout parlées dans les
localités à sillonner. Aussi, des jeux de rôle ont-ils
été organisés. Tout ceci a été appuyé
par le manuel d'enquêteur élaboré pour la circonstance.
3- Prétest des outils
Les outils ont été testés sur le terrain
par les enquêtrices dans les quartiers autres que ceux retenus pour
l'enquête. Il a permis d'identifier les questions mal formulées,
de les corriger, d'apprécier la durée d'un entretien et de
familiariser les enquêtrices avec la technique retenue pour la
sélection des ménages et celle proposée pour le choix des
enquêtés dans les maisons.
4- Sélection des cibles
4-1 Identification des
ménages
Pour identifier les ménages, la méthode des
itinéraires couplée à celle des pas fut
utilisée.
Dans chacun des quartiers abritant une clinique retenue,
celle-ci est considérée comme le point de repère.
Ainsi, toutes les rues débouchant sur la clinique sont
numérotées de 1 à X. Un tirage aléatoire est fait
et cela a permis de retenir l'ordre de passage dans ces rues.
Dans la première concession de la rue N° 1, un ou
une enquêté(e) peut être tiré(e). A la fin,
l'enquêteur saute les deux concessions qui suivent directement la
première et prend son prochain enquêté (e) dans la
3e concession et ainsi de suite.
A la fin de la première rue, l'enquêteur recrute
ses enquêtés (es) dans les autres rues suivant l'ordre
ultérieurement retenu.
4-2 Choix des
enquêtés (es) dans le ménage
Au début de l'entretien, il était question de
savoir si l'enquêté(e) connaît des régions ou
l'excision se pratique 'ou si elle n'en a jamais entendu parler.
L'enquêtée qui répond négativement ne subit plus les
autres questions de la section alors que celle qui répond par
l'affirmative devra dire si elle a été excisée ou pas et
apporter des explications sur les formes d'excision subies, l'âge
à l'excision, les problèmes de santé liés à
la pratique, les rituels célébrés, etc.
5- Méthodes d'analyse
Deux types d'analyse sont utilisés. Il s'agit des
méthodes descriptives et des méthodes d'analyse explicative
permettant d'identifier les facteurs explicatifs et de les hiérarchiser.
La recherche a combiné l'analyse documentaire,
l'analyse de contenu des données qualitatives et l'analyse statistique
des données sociométriques.
L'analyse documentaire consiste à répertorier
l'ensemble de la documentation relative aux thèmes qui constituent les
centres d'intérêts de l'étude.
Par ailleurs, chaque thème a fait l'objet d'une
exploration approfondie. Le verbatim (transcription intégrale mot par
mot) des discussions sont faites après la collecte des données
pour faciliter l'analyse.
L'analyse quantitative des données
sociométriques est informatisée. Quant aux données
qualitatives, une analyse de contenu fut faite.
Le logiciel dénommé sphynx a été
utilisé pour confectionner le masque et la saisie des données
recueillies.
6- Difficultés
rencontrées
Les difficultés rencontrées au cours de cette
recherche sont relatives aux collectes des données.
En effet, vu la délicatesse du sujet qui est un tabou,
il n'a pas été facile d'identifier les femmes excisées.
Même certaines femmes ayant subi l'excision approchées
hésitent à livrer les informations à cause de la
sacralité des évènements. Aussi les adeptes des religions
traditionnelles qui sont toujours victimes de la pratique des MGF n'ont pas
acceptés de décrire les rites. Ces difficultés ont
constitué des limites à notre travail.
Chapitre 4 : Plan provisoire commenté de la
thèse
I-
Plan provisoire de la thèse
1ère PARTIE : historique de la pratique de
l'excision au Bénin
Chapitre I : Qu'est-ce que l'excision ?
Section 1 : Aperçu historique de la pratique de
l'excision
Section 2 : Les grands courants sur l'excision
CONCLUSION PARTIELLE
Chapitre II : La sociologie de la sexualité
Section 1 : Les champs majeurs de la sociologie de la
sexualité
Section 2 : Les théories sociologiques de
l'excision
CONCLUSION PARTIELLE
2ème PARTIE : L'excision
dans la commune de Bantè
Chapitre III : Dualité de l'éducation
sexuelle
Section 1 : L'éducation sexuelle traditionnelle
à Bantè
Section 2 : L'éducation sexuelle moderne à
Bantè
Section 3 : Interférence éducation sexuelle
traditionnelle/moderne
Chapitre IV : Le système éducatif
tchadien
Section 1 : Le secteur formel
Section 2 : Le secteur non formel
Section 3 : Les différentes politiques
éducatives au Tchad
CONCLUSION PARTIELLE
3ème PARTIE : Genre et
sexualité
Chapitre V : La place de la fille et du garçon au
sein de la société
Section 1 : La place de la jeune fille
Section 2 : La place du jeune garçon
CONCLUSION PARTIELLE
Chapitre VI : Le processus de socialisation
Section 1 : Les disparités de genre
Section 2: Les disparités confessionnelles
CONCLUSION PARTIELLE
Chapitre VII : Les obstacles à la suppression de
l'excision à Bantè
Section 1 : Les obstacles socioculturels
Section 2 : Les obstacles économiques
Section 3 : Les obstacles politiques
CONCLUSION PARTIELLE
4ème PARTIE : Les
mutilations sexuelles féminines : quel
remède ?
Chapitre VIII : Repenser la pratique
Section 1 : Savoirs locaux, communautés et lutte
contre l'excision
Section 3 : Une pratique aux causes
dépassées
CONCLUSION GENERALE
II-
Commentaire
Elle posera le problème fondamental auquel la recherche
vise à apporter une réponse à savoir :
La persistance de la pratique de l'excision se justifie-t-elle
d'un point de vue sociologique, culturel, historique ou ethnique ?
Quelles sont les connaissances, les attitudes et les pratiques
relatives à l'excision dans les diverses régions du
Bénin ?
Enfin, quels types d'action sociale et selon quelles
modalités d'intervention cette lutte peut-elle être
engagée ?
La première partie présentera l'origine de la
pratique de l'excision dans les différentes régions où
elle est pratiquée.
Par quel mécanisme la pratique s'est elle
répandue dans les autres régions du pays ?
On ne peut appréhender la pratique de l'excision au
Bénin sans se référer à sa genèse.
Les béninois : agents de santé,
travailleurs sociaux, les autorités à divers niveau, les
communautés les organisations non gouvernementales et les organismes du
développement ignorent-ils la pratique de l'excision ? Les
informations reçues au cours des trois mois d'enquête dans la
commune de Bantè dans le département du Zou/Collines nous
permettent d'affirmer que la pratique de l'excision continue d'être une
préoccupation des différents acteurs sociaux. Il faut alors
chercher à comprendre les raisons qui continuent de militer en sa faveur
afin que d'idoines propositions de lutte contre ce phénomène
puissent être faites.
C'est sur ce schéma que sera abordée
l'étude sur "réalités socio-culturelles et
persistance des mutilations génitales féminines dans les communes
Bénin"
Chapitre 5 : Présentation des premiers
résultats à titre illustratif
Ce chapitre sera consacré
à une analyse exploratoire et explicative des données sur la
pratique de l'excision dans la commune de Bantè. Il sera abordé
successivement présenté les caractéristiques de
l'échantillon, les niveaux d'informations des femmes sur la pratique
à Bantè, la prévalence de l'excision, les raisons qui
justifient la persistance de la pratique, les niveaux de maturité
physiologiques des filles ou des femmes lors de l'excision et la
fécondité à l'excision.
I- Profil des enquêtés
1- Information sur les
enquêtés
Tableau n° 1 : Répartition des
enquêtés par sexe et par âge
Sexe
Age
(année)
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Effectif
|
Pourcentage
|
17- 19
20 - 29
30 - 39
40 - 49
50 et Plus
|
15
34
30
13
11
|
14.7
33
29
12.3
11
|
14
48
22
10
08
|
13.7
47.2
21.5
9.8
7.8
|
29
82
52
23
19
|
14
41
25
11
9
|
Total
|
103
|
100
|
102
|
100
|
205
|
100
|
Source : Résultat enquête
L'échantillon est composé de 66% d'individus
âgés de moins de 40 ans. L'âge moyen est de 33 ans. Le plus
jeune enquêté est âgé de 17 ans et le plus
âgé de 72 ans. Le niveau d'information de ces jeunes gens
permettra de juger de la persistance de l'excision dans la commune de
Bantè.
2- Information sur l'excision et
caractéristiques socio-démographiques des femmes
excisées
Il serait intéressant de voir l'impact de certaines
caractéristiques socioculturelles sur le niveau de connaissance de la
pratique de l'excision au Bénin.
Lorsqu'on fait intervenir l'âge de la femme, on
s'aperçoit que la proportion de femmes qui ont une idée sur
l'existence de l'excision féminine augmente avec l'âge, quelque
soit la zone d'enquête. C'est au-delà de 40 ans que la proportion
des femmes est la plus élevée ; 64,1 % pour les femmes de
40-44 ans de l'arrondissement d'Atokolibé avec 84,6% des femmes de
l'arrondissement de Koko et 44,1% pour les femmes de Pira. Ces
résultats ne surprennent guère lorsqu'on sait qu'à
Bantè, il existe des zones de forte prévalence de la mutilation
génitale féminine, notamment les arrondissements de Koko et
d'Atokolibé. De plus, cette pratique est ancienne et actuellement les
jeunes générations sont de plus en plus s'y opposent.
II- Niveau d'information des enquêtés (es)
Tous les interviewés ont
reconnu dans leur grande majorité avoir déjà entendu
parler de l'excision et des ces conséquences. Les entretiens individuels
ont permis d'enquêter huit exciseuses, dix filles excisées, cinq
époux de femmes excisées et sept époux dont les femmes
n'ont pas été excisées.
Les filles excisées l'ont
été sur décision de leurs parents.
Aucun des jeunes époux n'a eu sa conjointe
excisée, cependant, un de ces époux projette de faire exciser son
épouse pour obéir aux exigences du beau-père.
Les enquêtés reconnaissent les risques de la
pratique. Aussi, les enquêtés pensent-ils que cette pratique
disparaîtra un jour. Cette phrase est pleine de sens ; cela suppose
que la pratique est toujours vivace.
Par contre, une exciseuse estime que la pratique ne va jamais
disparaître, elle affirme « je ne peux même pas songer
à l'abolition de l'excision, c'est une pratique qui est encrée
dans les moeurs donc impossible de l'interdire ».
Figure 2 : Répartition des
enquêtés selon le sexe et le niveau d'instruction
Source : Résultat d'enquête
Le niveau d'information sur la pratique de l'excision à
Bantè varie aussi par rapport au niveau d'instruction des femmes. C'est
ainsi qu'on remarque que le niveau de connaissance de cette pratique augmente
avec le niveau d'instruction. Il passe de 53,6% pour les femmes n'ayant aucun
niveau d'instruction et 59,4% pour les femmes du primaire contre 68,4% pour les
femmes ayant atteint le niveau supérieur. Ce résultat laisse
présager que les campagnes d'information et de sensibilisation sur les
MGF notamment à travers les médias et autres supports sont, de
façon plausible, plus reçues par les femmes lettrées que
par les femmes illettrées.
La religion est l'une des variables culturelles capitales dans
l'analyse des comportements des hommes en matière de
fécondité et de mortalité. Elle a été
considérée jusqu'à présent par nombres
d'observateurs et d'analystes comme l'un des principaux déterminants de
la pratique de l'excision dans le monde. Or, dans le cadre d'une étude
réalisée dans les localités de Karimama et de Kandi, cette
variable n'a pas donné d'effet significatif sur le niveau d'information
ni sur la pratique de l'excision (DJAGBA, 2000). Toutefois, il faut remarquer
que cette étude est limitée à deux localités. Donc,
il serait intéressant ici, après l'analyse descriptive, de
concevoir un modèle d'analyse des facteurs explicatifs de la pratique de
l'excision qui fasse ressortir les différentes variables qui influencent
la pratique de l'excision à Bantè.
On peut établir un ordre de classement des religions
selon le niveau d'information sur l'excision comme suit: traditionnelle
(72,4%), aucune religion (68%), catholique (56,5%), autres religions
protestantes (56%), islam (45,3%), protestante méthodiste (45%), autres
religions (40%), christianisme céleste (37%) et autres religions
chrétiennes (32,6%).
En répondant aux questions concernant l'instrument
utilisé pour exécuter l'opération la plupart des gens
interrogés ont répondu : `'...un seul et unique instrument
est utilisé même en cas d'interventions successives lors d'une
même cérémonie.'' Et ce couteau sert pendant plusieurs
années durant.
Cet instrument est un patrimoine qui se transmet de
génération en génération et il n'existe aucune
mesure de stérilisation, reconnue médicalement comme telle, qui
intervienne en préalable à toute intervention. Seules des
méthodes traditionnelles de stérilisation sont appliquées.
Par exemple le couteau est trempé dans un bouillon de feuilles et de
racines. En guise de mesure d'hygiène on prononce des paroles
incantatoires puis, on plonge les instruments dans une eau saupoudrée
d'une potion magique. Ils sont ensuite exposés à une
fumée, tout aussi `'magique''.
Parfois toutes fillettes de 5 à 10 ans d'un même
village sont excisées le même jour avec le même
matériel et souvent `'sans aucune précaution
d'hygiène.''
Chez les femmes ayant d'enfants, lors de l'opération,
un petit enfant est posé sur sa poitrine. L'opération se fait de
deux manières : l'ablation du capuchon du clitoris et des petites
lèvres ou l'ablation de tout le clitoris et des petites lèvres.
L'excision est reconnue comme un acte de courage.
Le pansement de la plaie se fait souvent à l'aide d'eau
chaude infusée et de savon traditionnel. Une vielle décrit les
soins apportés : `'la fille, après l'opération, doit
porter une couche imbibée de beurre de karité. Le lendemain,
à domicile, deux décoctions de feuilles servent à laver la
plaie ; on peut aussi utiliser la décoction d'écorce de
néré. Ainsi, chaque matin et soir la même séance est
reprise jusqu'à cicatrisation complète de la plaie. Une
alimentation spéciale faite de sauce à base de feuilles
séchées de gombo, de haricot et de viande à laquelle on
ajoute de l'eau potassée, contribue, selon les idées
avancées, à accélérer la cicatrisation de la plaie.
Cette sauce, aussi consommée par les nourrices, aurait des vertus
cicatrisantes et accélérerait le rétablissement physique
de l'excisée.
Dans 40% des cas, les parents géniteurs ont pris la
décision de faire exciser leurs filles. La question que l'on puisse se
poser est de savoir dans quelle intention les parents désirent-ils de
faire exciser leurs filles ? N'est-ce pas à cause des avantages
liés à la pratique ?
A la question `'Avez-vous l'intention de faire exciser vos
filles ?'' un homme répond : `'mon épouse peut me
contredire en voyant exciser la fille à mon insu.''
Certains hommes sont contre l'excision et que ce sont leurs
épouses qui y tiennent absolument.
Ce qui paraît paradoxal est que, certaines victimes en
sont aussi les plus farouches défenseuses.
A la question : `'Les hommes préfèrent-ils
les femmes excisées ou non excisées ?''
- 5 femmes ont répondu qu'elles ne savent pas,
- 3 femmes ont répondu que les hommes aiment les femmes
non excisées,
- 19 femmes ont répondu que les hommes
préfèrent les femmes excisées.
Sur 16 jeunes hommes qui ont répondu à la
question `'allez vous faire exciser vos filles ?'', les réponses
varient de la façon suivante :
De nos jours, la tendance est d'exciser les femmes à
l'âge adulte, parfois même après plusieurs accouchements. Le
choix de l'âge dépend de la volonté soit de
l'excisée soit de ses parents. Autrefois les filles étaient
excisées entre 15 et 20 ans, avant le mariage. De nos jours l'excision a
lieu après un ou deux accouchements pour éviter, paraît-il,
la stérilité. Cette réflexion nous prouve que les
opérations génitales sont susceptibles de provoquer la
stérilité. La croyance populaire est parfois basée sur une
vérité constatée par les grands-parents mais que ceux-ci
n'expliquent pas.
Le prix à payer pour chaque cas est une somme de 2000
FCFA, en plus des présents tels que lait, fromage, poules et oeufs.
Ainsi, les femmes qui s'adonnent à cette profession ont tout
intérêt à ce que cette tradition se perpétue surtout
quand elles savent que le nombre de leurs patientes s'évalue
annuellement par dizaines. En dehors des tarifs et des revenus courants
liés à l'opération proprement dite, les exciseuses usent
de multiples astuces pour gagner encore plus d'argent. Il suffit pour cela que
la fille, sous l'effet de la panique ne retienne pas l'urine ou les
matières fécales pour que le tour soit joué :
l'exciseuse crie au scandale, son couteau a été endommagé
par la fillette et, il faut un dédommagement si on ne veut pas courir le
risque d'exposer la propre famille de la victime et l'exciseuse à une
grande malédiction. Pour réparer la faute, les parents paient
généralement un boeuf, un mouton, une poule, des colas ou autres
choses citées par la chirurgienne devenue sorcière pour la
circonstance. Il arrive aussi, que l'exciseuse use d'un autre stratagème
pour gagner plus d'argent. Dès qu'elle ouvre les grandes lèvres
du sexe de la fillette, elle pousse un cri de stupeur qui alerte tout le monde.
La raison ? La patiente n'a pas un sexe normal, elle a un sexe `'blanc''
réputé mortel pour tout homme qui s'en approche. Or laissé
tel, est très dangereux, voire mortel pour tout homme qui oserait le
toucher. Il faut donc refaire les choses pendant qu'il est encore temps. Les
parents paient alors plusieurs têtes de bétails à
l'exciseuse, car elle seule sait ce qu'il faut pour changer la couleur du sexe
de la fille.
Comme cela a été rappelé dans la partie
méthodologique, il était d'abord question de se rendre compte du
niveau d'information des femmes sur la pratique de l'excision à
Bantè avant de leur demander si elles ont été
excisées ou pas et leurs avis sur d'autres aspects. La question il
propos de l'information sur l'excision est une question dichotomique. A cet
effet, on se rend compte que 55,5% des femmes ont répondu "avoir
entendu parler de la pratique". Il serait alors intéressant de savoir
les disparités en matière d'information selon la zone
d'enquête, le milieu de résidence et par rapport aux
caractéristiques socio-démographiques des femmes
enquêtées.
III- La prévalence de l'excision à
Bantè
Figure 3 : Connaissance de la
pratique
Source : Résultat d'enquête
La prévalence de l'excision sera approchée
à travers le nombre de femmes excisées à Bantè, par
arrondissement et selon les caractéristiques socio-démographiques
de ces femmes. Dans l'ensemble, on constate que 34,4 % des
enquêtées ont été excisées. Ce qui signifie
que près d'une femme sur cinq de l'échantillon a
été excisée si on s'en tient à la
représentativité de l'échantillon.
La pratique de l'excision à Bantè, comme cela a
été annoncé plus haut, présente des
disparités selon les arrondissements. Dans l'arrondissement
d'Atokolibé, plus de 39,6% des femmes sont excisées alors que
dans les arrondissements de Koko et de Pira, ces proportions sont
respectivement 4,1 % et 2,8%. Ces résultats montrent que la pratique de
l'excision féminine à Bantè est très
localisée et confirment le fait qu'en réalité l'excision
est plus vécue en milieu rural qu'en milieu urbain.
2- Caractéristiques
socio-démographiques des femmes excisées
Dans cette partie, il sera examiné les niveaux
d'excision en rapport avec l'âge des femmes au moment de l'enquête
et quelques variables socioculturelles notamment le niveau d'instruction, la
religion.
Les résultats de l'enquête montrent que la
proportion des femmes excisées augmente globalement avec l'âge de
la femme. La prévalence est de 9,7% dans les jeunes
générations de 15 à 19 ans à 14,1 % et 15,2%
respectivement dans les générations anciennes de 40-44 ans et
45-49 ans. Cela est d'autant normal que la pratique diminue au fur et à
mesure que les générations se succèdent. Cela signifie que
les jeunes filles subissent de nos jours de moins en moins la pratique. La
question reste encore posée de savoir si ce recul est la
conséquence des campagnes de sensibilisation ou si les femmes
elles-mêmes prennent conscience des conséquences graves
qu'engendre la pratique. Toutefois, avec les données obtenues sur
l'éducation des filles, l'amélioration progressive du niveau
d'instruction serait aussi un atout important dans ce recul.
A propos du niveau d'instruction, il s'est avéré
que parmi les femmes excisées, la prévalence est de 14,8% chez
les femmes sans niveau d'instruction contre 7,3% chez les femmes dont le niveau
est le primaire et 4,0% chez les femmes ayant atteint le secondaire.
Dans le cadre de la lutte contre la pratique de l'excision au
Bénin, Odounlami (2000) expliquait que des actions ont été
faites en direction des leaders d'opinion au nombre desquels elle cite les
chefs religieux. Cela laisse supposer l'influence presque notable de la
religion parmi les déterminants de l'excision
Les femmes excisées dans les zones de l'enquête
se répartissent de façon disparate au sein des religions
pratiquées dans la commune. Toutefois, on remarque l'importance des
femmes des religions traditionnelles qui constituent près de 38,6% de
l'effectif. Cela confirme la thèse que les religions traditionnelles
participent au maintien de la pratique dans la commune de Bantè.
On pourrait alors se demander ce qui amène les adeptes
de cette religion à pratiquer l'excision ?
3- Conditions de la mutilation
génitale féminine sur les femmes à Bantè
Dans le monde, chaque année, au moins deux millions de
fillettes et de jeunes filles sont menacées de mutilation
génitale, soit environ 6000 par jour (Nahid Toubia, 1995). Ces filles
éprouvent des douleurs, des traumatismes et souvent de sérieuses
complications physiques comme des saignements, des infections qui
peuvent\entraîner la mort. A Bantè, la prévalence des MGF
est estimé a 12,2%. Le présent chapitre permettra
d'étudier les conditions dans lesquelles les femmes subissent la MGF et
de dégager les conséquences sanitaires qui en découlent.
Dans cette section, il sera abordé les questions sur les conditions
sanitaires des MGF ainsi leurs conséquences sanitaires.
A Bantè, les mutilations génitales
féminines se pratiquent en majorité sur les petites filles. En
effet, la réponse à la question sur le moment de l'excision
montre que 78,7% des femmes ont été excisées lorsqu'elles
étaient petites filles et 10,9% des femmes lorsqu'elles étaient
jeunes filles. Seulement 10,4% ont subi la pratique de MGF étant grandes
filles. Ce constat est confirmé par le fait que l'âge
médian à l'excision est de 7 ans.
En effet, cette excision est pratiquée à
Bantè sur les femmes d'âge moyen compris entre 8 et 9 ans.
L'âge médian à l'excision est atteint à 7 ans ce qui
coïncide avec l'âge modal. Ce qui suppose qu'a l'âge de 7 ans
la moitié des femmes enquêtées a déjà
été excisée. Le niveau de maturité des femmes
excisées sera examiné selon la zone d'enquête et selon le
département.
Les petites filles subissent en majorité la mutilation
génitale féminine (MGF) dans l'arrondissement d'Atokolibé
(88,0%) et de Koko (56,8%). Par contre, les grandes filles sont en grande
partie excisées dans l'arrondissement de Pira (53,8%). On peut conclure
que le niveau de maturité des filles excisées varie d'une zone
à une autre: à Atokolibé la MGF est surtout
pratiquée dans la petite enfance, période de haute sensation et
une période d'inconscience où les filles ne peuvent pas se
souvenir des maux dont elles avaient souffert; celles de Pira qui ont
été excisées à un niveau de maturité
avancé prouvent mieux relater les douleurs qu'elles avaient ressenti.
Il existe trois formes de mutilation génitale
féminine: la clitoridectomie, l'excision et l'infibulation. La
clitoridectomie est la forme la plus pratiquée au Bénin (75,8%)
contre 22,6% d'excision et 1,6% d'infibulation. Une enquête menée
par "Population Council" dans les formations sanitaires au Burkina-Faso et au
Mali a révélé que la c1itoridectomie est la plus
répandue au Mali (74%) et l'excision est la forme plus pratiquée
au Burkina.
Les pratiques de MGF sont tributaires de
réalités socioculturelles au nombre desquelles on peut citer la
religion, ethnie etc. Pour ce qui concerne la religion, on constate que la
pratique des MGF se fait comme suit: religion traditionnelle (55,7%),
Catholique (13,0%), islam (8,3%) et sans religion (19,5%). La proportion
élevée des femmes excisées des religions traditionnelles
pourrait être attribuée au fait que les communautés nago
sont fortement des religions traditionnelles. Sur 100 femmes excisées
fidèles de la religion traditionnelle 93 ont subi la clitoridectomie.
Les femmes catholiques, musulmanes et sans religion excisées ont subi la
c1itoridectomie dans les proportions suivantes: 81,6%, 75,6 % et 74 ,0%.
La quasi-totalité des filles ont été
excisées par les femmes (97,6%). Les interventions des hommes dans la
pratique de la MGF ne représentent que 2,4%. Ce faible effectif d'hommes
ayant réalisé l'opération d'excision se rencontre dans
l'arrondissement de Koko. Cette situation est le reflet de la
réalité sociologique de Bantè qui consiste à ce que
les hommes s'occupent de la circoncision des garçons et les femmes
s'occupent de l'excision. Il faut signaler que les femmes exciseuses n'ont
aucune qualification chirurgicale. Elles utilisent des matériels non
stérilisés à plusieurs cas d'excision. Ceci peut
être à la base de plusieurs problèmes sanitaires notamment
la transmission du VIH.
Les attitudes des femmes face à la mutilation
génitale féminine sont multiformes du fait qu'on se place dans le
contexte socioculturel et du fait que les femmes sont imprégnées
des conséquences sanitaires et psychologiques de la MGF. Ce sont les
conséquences sanitaires qui guident plus les attitudes des femmes. C'est
pourquoi, Asma El Dareer déclare dans la note introductive de son livre
«Woman, why do you weep? » ce qui suit: «j'ai été
circoncise en 1960 à l'âge de 11 ans. Je me souviens de toutes les
phases de l'intervention et la pire est survenue quand la blessure s'est
infectée. Quand j'ai 18 ans, ce fut le tour de ma petite soeur;
j'étais absolument contre sa circoncision. Mon père insistait
pour la méthode sunnite (clitoridectomie) alors que ma mère
souhaitait la méthode pharaonique (infibulation). Ma soeur a fini par
subir une intervention intermédiaire, en fait, semblable à la
pharaonique. Ses souffrances m'ont fait, encore plus que mon propre cas,
haïr la circoncision ». Les attitudes des femmes Bantè face la
MGF seront observées à travers les raisons d'acceptation de la
pratique de la MGF, l'appréciation sur l'excision et les avis et moyens
préconisés pour la suppression de l'excision à
Bantè.
La pratique de la mutilation génitale féminine a
été appréciée par les femmes comme suit :
- près de 71 % des femmes enquêtées
considèrent la MGF comme une mauvaise chose;
- seulement 10,2% de ces femmes ont déclaré que
la MGF est une bonne chose.
La mauvaise appréciation donnée par les femmes
pourrait être attribuée au niveau élevé
d'information des femmes sur les effets néfastes de la pratique
d'excision sur la vie sexuel1e de la femme au cours des campagnes de
sensibilisation relatives à l'éradication de la pratique de MGF
par les ONG.
IV- Les raisons aussi bien sociales que culturelles
justifieraient la persistance de l'excision dans la commune de Bantè
De l'analyse des données, il ressort que sept raisons
principales font perdurer la pratique de l'excision dans la commune de
Bantè. Il s'agit de :
1- Raisons sociales
1-1
L'analphabétisme fait perdurer l'excision dans la commune de
Bantè
Figure 4 :
Raisons de la persistance de l'excision
Source : Résultat d'enquête
L'enquête qualitative fait ressortir,
l'analphabétisme comme cause de la persistance de l'excision chez les
hommes tandis que le maintien de la tradition, justifie la persistance de
l'excision chez les femmes. 53,8% des femmes ont reconnu que la pratique de la
MGF à Bantè est une exigence de la tradition. Ensuite 34,6% des
femmes excisées ont répondu qu'il s'agit de l'inconscience. Enfin
les raisons comme "contre sa volonté", "valorisation de la femme",
"dignité sociale" et "rite de passage" ont été
acceptées par les femmes ayant subi l'excision respectivement dans les
proportions ci-après: 10,0%, 9,4% et 7,1 % .
Beaucoup d'hommes ont déclaré «nous
risquons de perdre nos fiancées si nous refusons de participer aux
dépenses de l'excision. Nos beaux-parents nous traiterons d'incapables
puis inciteront leur fille à nous quitter » d'autres
enquêtés estiment que « ne pensez même pas
substituer la pratique par autres choses car se serait un autre moyen pour les
filles pour nous ruiner et de s'enrichir ».
En dehors des raisons économiques qui font perdurer la
pratique, certains prêtres des religions traditionnelles estiment que
l'excision comme la circoncision sont indispensables pour les enfants obtenus
grâce aux pratiques ancestrales. Tout enfant issu des dieux qui
s'opposerait à la pratique serait exposé aux troubles mentaux ou
autres mauvais sors.
1-2 La pression sociale est aussi
un facteur de la persistance de l'excision
Les mêmes paramètres qui, dans une tradition,
obligent les individus à bien se comporter dans la
société, peuvent tout aussi bien servir à intimider les
mêmes individus à se plier aux respects des traditions même
si celles-ci sont néfastes. Si effectivement la société
exige de telles pratiques, est-ce que la femme est vraiment libre de choisir,
et de dire `'non'' à l'excision ? Si elle doit être l'objet
de moqueries de la part de toutes ses camarades, est-ce qu'elle a vraiment de
choix ? Qui peut vivre comme un paria dans sa société ?
Concernant une femme adulte qui subit l'opération, les exigences de sa
communauté ne lui permettent pas de refuser facilement. A
Atokolibé par exemple, si les vielles femmes disent qu'elle sera sage et
qu'elle peut prouver son courage seulement en se faisant exciser, une femme le
fera. Si les vieux lui disent que les fétiches vont la rendre folle si
elle ne subit pas l'excision, elle se fera exciser. Si ses parents lui disent
qu'elle n'aurait pas de valeur si elle ne se faisait pas exciser avant d'aller
chez son mari, elle se fera exciser. Pour être considérée
comme majeur dans leur communauté, les femmes doivent subir cette
opération.
1-3 Les injures
proférées sur les femmes non excisées les obligent
à se faire exciser
A Pira il est apparu que les femmes non excisées sont
souvent injuriées (particulièrement par leurs co-épouses)
et cette peur de l'insulte est un facteur influant d'une grande importance.
L'excision facilite la création de l'enthousiasme
familial, les liens familiaux et sociaux.
1-4 La femme excisée reste
fidèle à son mari en cas d'absence
Un autre homme a avoué qu' `'on pratique l'excision
parce que pour nos ancêtres, qui autrefois allaient à la guerre,
l'excision était une garantie de la fidélité.''
Pour finir, voici d'autres témoignages qui ont pu
être relevés : `'l'appareil génital de la femme
maintenu intact est malpropre et impur.''
`' L'excision permet d'éviter que la femme soit
bisexuelle''.
`'Cette pratique est faite pour que le clitoris ne ressemble
pas au pénis.''
`'Les Nago n'aiment pas les longs clitoris.''
Un vieux a déclaré ceci : `'l'excision fait
partie de nos coutumes, mais du point de vue coranique, il n'est inscrit nulle
part que l'excision est obligatoire.''
2- Raisons culturelles
2-1 L'excision comme moyen de conjurer les mauvais sorts qui
pèseraient sur la jeune fille
Figure 5 :
fonctions sociales de l'excision
Source : Résultats
d'enquête
Un homme sur quatre pensent que : « l'excision
permet de conjurer les mauvais sorts ». Dans ces conditions,
l'excision n'a-t-elle pas de beaux jours devant ?
En milieu Nago, l'homme est le plus habileté à
prendre des décisions.
Les raisons évoquées pour justifier la pratique
de l'excision sont les suivantes :
Le fétiche du clan ne peut être gardé que
par un circoncis ou à défaut, une excisée. La pratique de
la circoncision et de l'excision est donc entretenue pour éviter que le
fétiche manque de gardien.
2-2 L'excision comme rite de
passage
L'épreuve de l'excision constitue un changement de
classe d'âge ; l'excisée entre dans la classe de la sagesse.
Cette épreuve est aussi et avant tout une formation au
`'stoïcisme''. C'est-à-dire une idéologie qui professe le
courage, l'endurance qui permet à la victime de supporter toutes les
souffrances. Chacun retient que la douleur peut et doit être
maîtrisée.
Il faut que les femmes subissent l'excision pour garder leur
pureté corporelle.
Il faut respecter aussi les traditions car si une femme qui
doit subir l'opération ne le fait pas, les fétiches s'en prennent
à elle et peuvent la rendre folle, ou la maudire autrement.
Parfois même, le fétiche vient lui-même
couper le clitoris si la femme s'y oppose, cela fait plus mal et la plaie peut
ne pas se cicatriser facilement.
Il ressort que la plupart des femmes veulent conserver cette
pratique car pour elles, c'est une occasion de démonstration de courage,
de joie, de louange et de gloire.
Un enquêté a déclaré que
l'excision facilite la soumission aux règles de la vie.
2-3 Le rôle du clitoris mal
perçu par les populations, cela les amène à son
ablation
Tout au long de l'étude et préalablement
à notre travail de recherche, d'enquêtes et de sensibilisation
entrepris par le CI-AF au Bénin et dans d'autres pays, il s'avère
que les fonctions et l'importance des organes génitaux sont très
mal connues ; cela suppose une méconnaissance flagrante de
l'anatomie et de la sexualité.
Le clitoris est une zone érogène
primordiale ; car l'orgasme chez la femme provient en grande partie de la
stimulation du clitoris. Or l'excision provoque la destruction du
mécanisme nerveux de la vulve et, de ce fait, la réaction
nerveuse provoquée par l'excision du clitoris est fortement
réduite d'où une perte de sensibilité.
Un jeune cultivateur musulman définit ainsi le
rôle du clitoris : "pour retenir l'urine."
Un autre déclare : "aucun rôle, sinon
d'être coupé et jeté."
Nous avons entendu dire qu'il est crochu ou qu'il
possède des dents et que dans les deux cas, il blesse
inévitablement la verge de l'homme ou la tête du
bébé pendant l'accouchement !
L'idée que l'orifice fermé par la "fameuse
fleur" (le clitoris) qui empêcherait l'accouchement, est largement
répandue dans les localités touchées de la
sous-préfecture. Les "spécialistes" de l'excision dans la
région estiment qu'il y a trois types de clitoris :
- le clitoris normal,
- le clitoris à prépuce, plus connu sous le nom
de clitoris à "chapeau",
- le clitoris blanc qualité d'exterminateur d'hommes,
il n'est excisé que par quelques rares "spécialistes".
Un enquêteur remarque : "Pour les femmes
excisées, qu'ellesz soient pour ou contre l'excision, le clitoris n'a
aucune importance."
Au moins 90% des personnes interrogées dans la
sous-préfecture de Gogounou ignorent tout du rôle du clitoris.
Certaines connaissent sa forme par auï-dire et d'autres ne connaissent
absolument rien d'autre que son nom.
A la question, "Quand vous avez des rapports sexuels,
sentez-vous votre partenaires ?
1 a refusé de répondre
6 ont répondu de manière
négative :
" je suis insensible"
Pour moi c'est pour avoir des enfants autrement je ne le
ferais pas"
Je ne sens pas du tout mon partenaire
20 ont répondu positivement :
Je suis satisfaite
Je sens très bien mon partenaire
Je suis au paradis si j'ai des rapports sexuels avec mon
mari
Bien sûr, je sens mon mari.
Comment expliquer les réponses positives à cette
question ? Celavient du fait que toutes les femmes de cette région
sont excisées et ne peuvent donc pas parler de la sensibilité
puisqu'elles sont toutes dépourvues de clitoris. De plus,
l'opération étant pratiquée sur des jeunes filles,
celles-ci n'ont pas eu le temps de voir se développer leur propre
sensibilité. Parfois, on les prive de cet organe dès l'âge
de sept ans, elles sont alors trop jeunes pour avoir déjà fait
certaines expériences. Le clitoris n'est donc pas perçu comme
étant l'organe érectible qui assure à la femme une
sexualité épanouie. Les femmes ignorent ce constat pourtant
élémentaire.
Une enquêtrice a rencontré beaucoup d'hommes dont
les expériences sexuelles étaient limitées aux seuls cas
de femmes excisées et ne peuvent donc établir de comparaison
entre une femme excisée et une qui ne l'est pas.
Toutefois, certaines personnes n'ignorent pas le rôle
prépondérant du clitoris.
Dans la sous-préfecture de Kétou nous avons
posé les questions suivantes : Quel est le rôle du
clitoris ? A t-il le même rôle que le pénis ? Un
homme nago a répondu : "Le rôle du clitoris est la jouissance
qui rend la femme gâtée."
A noter que dans la région de Bantè, bon nombre
de personnes interrogées n'ignorent pas le rôle excitant et
sensible du clitoris ;ce sont en effet, ces mêmes personnes qui
estiment que l'excision est un gage de fidélité.
Une sage-femme dans des régions étudiées
a exprimé les difficultés rencontrées cette année
pendant une sensibilisation sur les dangers de l'excision et sur le rôle
du clitoris : " A l'audition des propos et surtout de l'importance du
clitoris pour la motivation sexuelle, les parents ont crié au
scandale ; ils ont peur que leurs filles se dévergondent.
V- CONSEQUENCES DE L'EXICISION
1- Conséquences
économiques
Sur le plan économique, le coût de l'excision
peut plonger les foyers pauvres dans la misère car, outre le coût
direct de l'excision (rémunération de l'exciseur (se), les frais
inhérents aux soins nécessaires pendant la période de
cicatrisation sont tout aussi importants et ce, sans compter la charge
financière supplémentaire que pourrait coûter les
complications médicales graves.
Par ailleurs, lors de la période de convalescence, la
famille se doit d'assister en permanence l'excisée, ce qui dans certains
cas conduit à la paralysie de la plupart des activités
traditionnelles productives.
2- Conséquences
psychologiques
Un médecin interrogé remarque : "Qui peut
dire, qu'une femme excisée ayant senti des douleurs, entendu les
hurlements de ses copines, vu le sang couler et pouvant devenir frigide est
stable et bien dans sa peau ?
Dans le milieu peul l'excision, telle qu'elle se pratique, est
une grave menace de l'équilibre psychique des fillettes. En effet, tout
au long du processus les conduisant à l'opération, l'enfant passe
par plusieurs chocs psychologiques. Nous savons, que la première
personne en laquelle l'enfant place sa confiance est sa mère. Mais cette
dernière trahit cette confiance tragique d'une manière tragique
ce qui n'est pas sans marquer durablement l'enfant. En effet, c'est en les
invitant à un festin que les mères attirent leurs enfants sur les
lieux de l'opération. C'est donc avec indignation qu'elles constatent
que leurs mères viennent de leur mentir et désormais c'est une
crise de confiance qui s'installe entres elles. Le second choc survient lorsque
la première victime brutalisée par des adultes dont une
armée, pousse un cri strident, sous l'effet de la douleur
(l'opération est réalisée sans anesthésie). Cette
scène sème la panique au sein des fillettes dont chacune attend
son tour. Elles restent là impuissantes, croyant qu'elles n'en sortiront
pas vivantes. Ces images les hantent longtemps encore après
l'opération.
Les conséquences psychologiques de l'excision, bien que
très importantes, sont souvent très peu perçues. On pense
qu'il suffit de bien soigner la plaie pour que l'enfant retrouve toute sa
santé. Cela est faux.
Il est bien connu qu'une douleur intense peut causer de
profondes blessures psychologiques. Il paraît logique qu'une telle
douleur dans une partie aussi délicate, complexe et vitale, et
vécue par des fillettes ou des adolescentes en pleine croissance,
provoque des problèmes psychologiques substantiels. L'opération
elle-même est terriblement effrayante, dans la mesure où les
filles sont retenues de force et coupées à vif sans
anesthésie.
Les manifestations psychologiques du comportement des femmes
excisées vis-à-vis des rapports sexuels constituent un important
sujet d'étude. La grande question qui se pose est de savoir si de
nombreuses femmes excisées atteignent l'orgasme dans leurs relations
sexuelles.
3- Conséquences
médicales
Ces opérations sont pratiquées dans de mauvaises
conditions d'hygiène, avec des instruments non stérilisés
et par des personnes médicalement non qualifiées. Il n'y a aucune
analgésie et la jeune fille ou femme souffre énormément,
ce qui peut la mettre en état de choc.
Les plaies de la vulve peuvent s'infecter et si elles ne sont
pas bien soignées, la guérison sera retardée et une
septicémie (empoisonnement du sang) pourra s'installer. Elle se produit
lorsque les bactéries des zones infectées entrent dans le
système sanguin. Une autre infection grave est le tétanos, qui
peut s'installer dans les 14 jours suivant l'opération. Il arrive que la
personne qui opère occupe trop profondément et blesse les
délicates structures adjacentes, l'anus ou l'urètre. Cela peut
rendre la femme incontinente. Une femme dans ces conditions est exclue de sa
communauté.
De plus la réussite de l'opération dépend
pour beaucoup de la qualité de l'opérateur (trice) à
savoir : si elle est physiquement apte à opérer (bonne
vue ; sans tremblements etc...).
Les vaisseaux sanguins sont nombreux dans la vulve. Les plaies
de la vulve ou le sectionnement d'une artère de cette zone peuvent
provoquer une hémorragie qui peut à son tour mettre la fille ou
la femme en état de choc.
La rétention urinaire est très courante pendant
les deux ou quatre premiers jours suivant l'excision. Elle est due à la
douleur lors du contact de l'urine avec la plaie. Cette rétention peut
également engendrer l'infection de la vessie et les voies urinaires.
Après l'excision, les tissus de la vulve forment une
cicatrice dure et fibreuse dans laquelle se développent parfois des
chéloïdes et des kystes. Les formations chéloïdes sont
courantes quand il y a infection après l'opération. A
l'état normal, la peau de la vulve et du vagin est lisse et
élastique, elle s'étire facilement pendant l'accouchement pour
passer le bébé. Or l'excision laisse les tissus de cette zone
épais et durs ce qui peut être à l'origine de
problèmes obstétricaux pendant l'accouchement. Parfois, il est
nécessaire de pratiquer une épisiotomie ou une incision des
cicatrices de l'excision. De plus, si les épais tissus cicatriciels de
l'excision n'ont pas été incisés, la tête
s'arrête dans le canal vaginal pendant la deuxième phase du
travail. Le bébé est alors sans oxygène, et si cela dure
trop longtemps, il naîtra avec des dommages cérébraux, ou
même mourra. Un infirmier témoigne : " Nous rencontrons trop
de difficultés à l'accouchement avec ces femmes
excisées".
L'excision gêne l'accouchement normal ; cela est
indéniable et c `est une aberration que de vouloir perpétuer
une pratique qui constitue un danger évident pour la santé de la
femme et de l'enfant.
Des entretiens avec le Médecin-chef du Centre de
Santé qui est gynécologue de formation, il ressort ce qui
suit :
- les règles d'asepsie en matière de
circoncision ne sont pas respectées. Il y a donc risque de
tétanos et de contamination du SIDA.
- L'hémorragie, même mortelle, peut intervenir du
fait que le clitoris est un organe très vascularisé.
- L'absence du clitoris et l'existence de cicatrices vicieuses
(chéloïdes) gênent les rapports sexuels.
- La vulve se rétrécit en se cicatrisant ;
ce qui gêne la sortie de la tête du bébé.
Il est évident que l'excision porte atteinte à
deux fonctions vitales et merveilleuses du corps féminin qui sont
l'accouchement et les rapports sexuels.
L'excision est souvent douloureuse
A la question ; `'Qu'avez-vous éprouvé au
cours de l'opération ?'', les réponses varient d'une
enquêtée à une autre. Elles peuvent être
regroupées comme suit :
-21 femmes ont répondu `'j'ai senti trop de
douleur'',
- une a répondu `'au début j'étais
confiante, mais quand j'ai vu la quantité de sang qui coulait du
clitoris coupé, j'ai pris peur et j'ai fait sept fois le tour du
village'',
- une autre a répondu `'le sang a coulé, mais je
n'ai pas eu peur''
- cinq femmes ont déclaré que
`'l'opération m'a fait mal, mais après j'ai senti beaucoup de
joie et de satisfaction d'être dans un groupe et de participer à
cette cérémonie au cours de laquelle on se fait des amies''. Nous
avons remarqué en effet que les filles excisées ensemble
constituent, dans le village une classe d'âge et un groupe solidaire.
4- Conséquences
sociales
`'J'ai perdu une jolie fille au cours de l'excision''
déclare une enquêtée.
Beaucoup ont attesté avec certitude que
« l'excision tue les fillettes et les femmes ».
`'J'ai failli mourir et même mes parents avaient peur
d'alerter les voisins,'' déclare une autre enquêtée.
D'après les adeptes de l'excision, ce sont toujours des
`'facteurs extérieurs'' qui sont responsables des complications pouvant
intervenir pendant ou après l'excision.
Les enquêteurs ont fait remarquer qu'à la suite
du décès, l'exciseuse dégage sa responsabilité en
trouvant des causes obscures au décès. Exemple, elle peut dire
que « cela n'arrive qu'aux filles adultérines, donc
illégitimes ou dont les parents, grands-parents ou quelqu'un de la
lignée ont commis une faute grave et de fait un membre de la famille
devrait être sacrifié ».
Au cours des conversations libres, certains vieux nous ont
dit : `'Des enfants en meurent régulièrement, seulement
l'exciseuse s'arrange toujours pour rendre l'enfant aux parents avant sa mort.
Dans tous les cas, lorsqu'une femme est morte des suites de
l'excision ; la raison qui sera évoquée, sera qu'elle est
adultérine. On essaie alors à titre posthume, de lui trouver son
véritable père, ainsi commence des histoires de famille et
l'exciseuse s'en sort sans tort reconnu.''
Lors des rapports sexuels, le rôle du clitoris est
très peu perceptible ; d'ailleurs il est considéré
comme une anomalie dans le vagin, une sorte de `'tumeur'' à enlever.
Une enquêtée témoigne : "Plusieurs
femmes ont des déchirures qui vont jusqu'à l'anus au moment de
l'accouchement ; une femme en est morte. Personne ne s'est douté
que l'excision pouvait en être la cause."
Pendant un entretien ave des femmes peules une vieille dame
évoquait avec amertume le cas de quelques femmes qui ont des
problèmes d'incontinence urinaire depuis leur excision.
Question posée à une femme peule
excisée : "Avez-vous ressenti quelque chose lors de
l'opération ?" "J'ai eu l'impression que l'on voulait me tuer,"
a-t-elle répondu.
Une jeune femme affirme que sa soeur a perdu une de ses filles
à la suite de l'opération.
Un agent de santé a raconté l'histoire de deux
cas graves d'hémorragie traités par elle en novembre 2005 :
Elle a tout d'abord surpris une première fille saignant, assise sur du
sable ; elle était complètement souillée de sang. A
la vue de celle-ci, elle a demandé aux parents s'ils n'avaient pas peur
à la vue d'autant de sang. Elle a amené la fille à la
maternité et lui a administré un produit et l'hémorragie
s'est arrêtée. Quelques jours plus tard, un autre cas est
survenu.
Dans la sous-préfecture de Bantè quelques
personnes interrogées affirment avoir vu une femme enceinte faire une
hémorragie.
Une enquêtée a remarqué ceci : "Il
arrive que le sang coule jusqu'à ce que la femme
s'évanouisse."
Les enquêteurs ont fait ce témoignage-ci. "Dans
toutes nos localités enquêtées, nos informateurs
reconnaissent les nombreux cas d'accidents graves dus à
l'hémorragie et qui aboutissent parfois à la mort."
Un jeune homme raconte : "Il y avait au moins cette
année-là plus de 30 fillettes opérées. La
scène s'est passée il y a un an. Nous avons assisté
à la cérémonie, cachés dans la brousse. Trois
fillettes ont hurlé et urinèrent sous le choc de la douleur,
l'une d'entre elles a beaucoup saigné et j'ai appris plus tard qu'elle
était morte. Pour les vieilles l'enfant a été mangé
par les sorciers parce qu'elle était de teint clair et avait trop de
sang. Depuis, j'ai appris qu'il y a toujours eu des cas de décès
dans les villages environnants."
Question posée aux femmes interrogées au hasard:
"Au moment où vous avez été excisée, y-a-t-il eu un
accident (ex : hémorragie, décès) ?"
- 18 nous ont répondu "non",
- .9nous ont répondu "oui", soit 33%
Un vieux a affirmé qu'il fut témoin de plusieurs
cas de décès par hémorragie. "Quand il y a complication,
tout se passe en cachette sans en informer les infirmiers. Les accidents sont
fréquents mais on ne se présente pas au centre de
santé."
Des cas d'hémorragie sont souvent enregistrés.
La personne perd connaissance et pour la ranimer, on consulte l'oracle pour
déterminer la cause de cette hémorragie. Les gens pensent alors
qu'il s'agit d'un sacrifice non fait ou mal fait envers un fétiche ou un
lieu sacré.
Dans la région un enquêteur affirme avoir entendu
parler de nombreux cas de décès, mais il remarque cependant, que
certaines personnes appréhendent d'en parler ouvertement. Beaucoup de
filles sont excisées toues jeunes et ont oublié la douleur et les
complications, raison pour laquelle, peut être, ne parlent pas beaucoup,
étant adultes, des douleurs et des aspects négatifs de cette
pratique. Cela peut également expliquer la volonté
exprimée de voir cette pratique perdurer."
Photo 1 : Jeunes filles nouvellement sorties
du couvent, ont certainement étaient excisées
Source : photo Affo, mai 2007
Par ailleurs, il est très difficile de savoir
exactement combien de filles meurent ou subissent des conséquences
médicales graves, car les cas de décès ou
d'hospitalisation dû à l'excision ne font l'objet d'aucune
donnée statistique ; ils sont volontairement camouflés.
La plupart des gens favorables à la pratique croient
que si l'opératrice ou l'opérateur est habile, il n'y a aucun
danger.
Certains estiment que : "C'est Dieu seul qui sait
où se trouve la mort. Les femmes non excisées meurent aussi."
Le chef d'un village a perdu deux filles du fait de
l'excision, une en 1999 et l'autre en 2000. Ces filles étaient
gardées par leur tante. A leur mort, le chef n'a pas réagi, car
pour lui " C'est Dieu qui l'a voulu ; qui peut aller contre la
volonté de Dieu ?"
Il est dit : "il y a danger si la fillette n'est plus
vierge, dans le cas contraire il n'y a aucun risque."
Les conséquences néfastes de l'excision sont
souvent associées à des causes irrationnelles.
Pour 3 jeunes sur 7 de la région de soit 43%,
l'importance de cet organe est perçue aussi bien pour l'homme que pour
la femme.
Un jeune homme de 26 ans ancien élève dit ;
"Cet organe rend les relations sexuelles très intéressantes."
Un homme de 35 ans dans la région remarque : "Avec
la femme non excisée la satisfaction est beaucoup plus forte et
d'ailleurs c'est pour cette raison que les filles fons (Sud-Bénin) ont
beaucoup de succès amoureux auprès des jeunes"
Pourquoi cet organe existe t-il ? une personne
interrogée qui est absolument contre cette pratique remarque :
"Pour nous fidèles qui croyons en Dieu : Pourquoi Dieu aurait-il
créé cet organe inutile ? Et pourquoi aurait-il
créé un organe extrêmement sensible et capable de faire
jouir une femme s'il voulait que nous l'enlevions ? Nous savons tous que
les hommes jouissent très bien. Est-ce que Dieu est aussi sexiste pour
vouloir que les femmes ne jouissent pas ?
5- Points de vue sur la pratique
de l'excision
Une enquêtée avoue que les principaux
responsables de la décision d'exciser une fille au sein d'une famille
sont les parents de sexe féminin, les mères, les tantes et les
grand-mères. 66% de personnes interrogées sur le sujet dans la
région (toutes personnes confondues) l'ont affirmé contre 25%
qui croient que la décision est prise par les pères et c'est
seulement dans 8% des cas qu'il y a entente entre les parents. Quant aux femmes
excisées interrogées, 8 sur 13 soit 62% affirment que la
décision de leur excision a été prise par leur
grand-mère et leur tante (30% pour la grand-mè_re et 32% pour la
tante). Trois femmes sur treize soit 23%, ont pris elles-mêmes la
décision de se faire exciser ; 15% des décisions sont prises
par les mères.
En milieu nago nous avons remarqué que souvent la tante
paternelle prend la décision. "La tante est toute puissante pour
décider, " remarquent des interrogés en milieu nago. "Notre
propre enfant ne nous appartient pas." " Chez nous, un père et une
mère n'ont pas d'enfant," remarque un autre. L'enfant dont ils peuvent
se glorifier est celui de leur soeur.
Ce sont les chefs des familles "de circoncis " assistés
du " détenteur des couteaux" qui se réunissent en "conseil de
sages" pour décider de l'opportunité de l'opération. Elle
n'est pas obligatoire, sauf au cas où la femme est
prédisposée à être gardienne de fétiche.
Néanmoins, on remarque certains cas où les parents imposent
l'opération à leurs filles sous peine de malédiction et de
reniement. Pour les parents, c'est un honneur et une joie que leur fille soit
excisée, et d'autant plus si leur fille assume pleinement
l'opération. Dans cette région ce sont les chefs traditionnels,
les féticheurs, les vieilles, les oncles et tantes qui s'attachent au
maintien de la pratique.
L'excision est voulue par les personnes âgées de
la société. 50% des personnes âgées
rencontrées au hasard sont pour la continuité de la pratique de
l'excision. L'excision est une bonne pratique dont la régression nous
mécontente. Nos parents ont posé les premiers actes, il nous
appartient de perpétuer le phénomène et c'est ce que nous
fait jusque là avant nos files ne changent de comportement.
Les femmes, alors qu'elles sont les victimes, sont dans leur
grande majorité opposées à toutes formes de lutte contre
l'excision. D'où leur circonspection dans les réponses. Elles
n'évaluent pas le danger sur la santé de cette pratique.
Quant à l'influence de l'homme, nous remarquons qu'ils
sont parfois ignorants et indifférents quant au fait de l'excision. Dans
la culture peul, par exemple, il y a les prérogatives qui
relèvent de l'homme ou de la femme. Il revient à la femme de
s'occuper de l'éducation de sa fille et de la préparer au
mariage. L'excision étant une étape conduisant à une union
conjugale réussie, la mère met un accent particulier à la
réaliser.
Toutefois, les hommes sont aussi responsables de la
persévérance de cette pratique du fait de certains de leurs
concepts sociaux. Par exemple, dans certaines régions les hommes
refusent de se marier à une femme non-excisée. Par ailleurs, nous
avons pu noter, au travers des exemples précédents, que dans de
nombreux cas l'excision était pour l'homme une manière d'assurer
la fidélité de son épouse et marquer ainsi sa
supériorité. D'autres hommes estiment encore qu'une femme capable
de jouir est "gâtée" ou qu'une femme non excisée est
beaucoup plus vindicative. Enfin, les mentalités,
généralement rencontrées dans le nord du pays, accordent
une importance non négligeable au fait qu'une femme excisée est
beaucoup plus courageuse pendant l'accouchement, ceci étant dû au
fait malheureusement évident que l'excision constitue un apprentissage
de la souffrance physique.
La volonté, clairement exprimée, de
perpétuer la pratique de l'excision est générale et ce
fait met davantage en évidence l'importance sociale accordée
à l'excision en tant que facteur déterminant dans la
hiérarchie sociale de la femme.
Ce constat, aussi alarmant soit-il, ne doit pas nous priver
d'espérer une éradication de la pratique de l'excision. En effet
dans les milieux interrogés quelques témoignages
révèlent certains comportements hostiles à la pratique de
l'excision. Ceux-ci nous viennent tout particulièrement des jeunes, car
à l'éducation scolaire, aux voyages (liés à l'exode
rural), ces jeunes ont la chance d'entrer en contact avec d'autres coutumes et
de pouvoir comparer plusieurs environnements socio-culturels.
Pour les jeunes, l'excision est une pratique négative,
"ruineuse, et qui provoque une perte de sensibilité sexuelle." Nous
avons pu constater que 97% des vieux de la région étaient
favorables à l'excision alors 80% des jeunes étaient contre.
Sur le plan sexuel, certains jeunes avouent volontiers
préférer les femmes non excisées. De part leur formation
ils envisagent de manière très critique les conséquences
psychologiques et médicales liées à l'excision. "Les
raisons invoquées pour justifier l'excision ne sont guères
scientifiques et elles sont même parfois à la limite du ridicule
aux yeux du progrès et des dangers réels de l'excision, " a
déclaré un jeune.
6- Avis et moyens
préconisés pour la suppression de l'excision
De l'analyse, il ressort que 74,2% des femmes
enquêtées sont d'accord pour que la pratique de la MGF soit
supprimée. C'est environ 6% des femmes qui sont contre la suppression de
la MGF. L'option de la suppression de l'excision a été
préconisée par la plupart des femmes enquêtées. Ceci
pourrait être attribué à la connaissance acquise par les
femmes des effets pervers de la MGF.
La pratique de la MGF est plus vécue à
Atokolibé qu'à Pira et Koko. La répartition des femmes
selon l'accord pour la suppression de l'excision et par zone d'enquête
montre que 72,5% des femmes de Pira sont d'accord pour qu'on supprime
l'excision. Il est à noter que c'est seulement 11,3% des femmes
d'Atokolibé qui ne sont pas d'accord pour la suppression de la pratique.
De même dans les autres zones (Pira et Koko) les femmes sont d'accord
pour la suppression dans les proportions respectives de 77,1 % et 73,7%. On
peut conclure que les différentes campagnes de sensibilisation à
travers les médias et les ateliers sur l'excision portent des fruits.
Les religions dont les fidèles sont en majorité
d'accord pour la suppression de la MGF se présentent comme suit: autres
protestantes (88,9%), traditionnelle (77,8%), islamique (76,6%), catholique
(76,3%). Les adeptes de la religion protestante méthodiste, les femmes
christianistes célestes et les femmes n'ayant aucune religion se sont
comportées avec indifférence dans les proportions respectives de
31,5%, 30,3% et 25,6%.
Les femmes enquêtées ont préconisé
une série de moyens pour l'éradication de la pratique de la MGF
à Bantè. Ces moyens peuvent être résumés
comme suit:
- sensibilisation des exciseuses et de la population sur les
effets pervers de la pratique de la MGF à travers les masses
médias, les meeting de sensibilisation dans toutes les régions
prédominance de l'excision;
- enseignement des enfants sur les conséquences de
l'excision dans les écoles, centres d'alphabétisation;
- organisation des exciseuses en groupements pour la
création des activités génératrices de revenus en
vue de les amener restituer les instruments d'excision à travers la
présentation des effets de la pratique sur la santé des filles
excisées;
VI- Commentaire des résultats
Les résultats de l'étude indiquent la situation
actuelle dans la commune au sujet de l'excision. Le commentaire abordera tour
à tour : le profil des enquêtés ; l'état
de connaissances sur l'excision ; les déterminants de la pratique
de l'excision et les diverses attitudes vis-à-vis du
phénomène ;
Les femmes enquêtées non scolarisées pour
la plupart en majorité mariée (69.6%), s'adonnent
essentiellement à l'agriculture (58.2%) et 34.9 à l'artisanat.
Parmi celles qui se sont prêtées à l'enquête, 34.4%
sont excisées.
L'absence de scolarisation, le statut de mariée et
l'exercice de métiers traditionnels de moindre rentabilité
placent la plupart des femmes dans une situation quasi dépendante. Elles
doivent observer un respect obséquieux vis - à vis des coutumes,
notamment l'acceptation de l'excision.
Parmi les participants ayant pris part à la
séance de discussion de groupe, 6/9sont analphabètes, 3/9 ont le
niveau d'étude secondaire.
Toutes les autres personnes interviewées en profondeur
sont soit les exciteurs, les chefs de famille; chef de village et un chef
traditionnel et trois excisées. Ils sont d'âges variables
dont la moyenne est de 33 ans. Le profil de ces sujets interviewés est
presque identique à celui des personnes ayant répondu aux
questionnaires. Très peu sont instruits soit 12.5% et la majorité
est analphabète avec 90.6%. Ils sont agriculteurs pour la plupart, puis
enfin 87.5% sont mariés (es).
La grande proportion de femmes excisées se retrouve au
sein des analphabètes. Très peu du niveau primaire accepte de se
faire exciser et même dans ce cas la limite supérieure est de CE2.
Edwige N'GUELEBE a fait la même observation à propos des
excisées à Bangui.
Les enquêtés sont en majorité en âge
de procréer ou mariées. Dans certains pays d'Afrique comme au
Sénégal, ce sont les jeunes filles de 7 à 15 ans qui
subissent l'excision.
La classe des agriculteurs ou des artisans constitue une
forte représentation au sein des enquêtes de sexe féminin.
Un résultat similaire a été observé par NONGOUTE
Salifou à propos des excisées de Toucountouna au
Bénin ; aussi a-t-il écrit que « c'est dans le
monde rural qu'on a plein de filles excisées ». Le même
phénomène s'observe au Mali et au Sénégal comme
l'indique une enquête de l'OMS.
Tous les enquêtés ont entendu parler au moins une
fois de l'excision. Il ne peut en être autrement puisque tous vivent dans
des villages où se pratiquent souvent à une échelle
collective les cérémonies liées à cette mutilation
féminine.
D'ailleurs 34% des enquêtés du sexe
féminin ont déjà subi cet acte et ne peuvent l'ignorer.
Mais tous nos enquêtés savent-ils les risques encourus ? 9%
de l'ensemble des enquêtés ont répondu par l'affirmative.
Les risques cités concernent l'hémorragie, le tétanos, le
Sida, les fausses couches, parfois les pertes de connaissance (état de
choc).
L'un des exciseurs a même déclaré
« qu'à la suite de l'opération, l'une de ses deux
femmes n'a plu conçu » raison pour laquelle la
stérilité a été citée comme risque.
Comment peut-on alors comprendre que devant ces risques assez
graves les populations livrent encore leurs filles à
l'excision ?
Plusieurs raisons ont été évoquées
comme étant des déterminants de la persistance de la pratique de
l'excision. 48,5% des hommes et 13,7% des femmes ne trouvant aucun facteur
pouvant inciter à vouloir l'excision, chez d'autres la persistance de la
pratique trouve plusieurs fondements.
La recherche effrénée des explications pour
justifier les phénomènes de la vie et particulièrement la
mort a toujours été l'apanage des sociétés
africaines et fait toujours l'objet d'une interprétation mystique.
Ainsi l'excision était depuis considérée
comme un passage obligatoire dans le processus social d'initiation pour devenir
une femme. Aujourd'hui après la sensibilisation les gens
prétendent le faire par pur respect de la tradition. Ainsi 28,7% de nos
enquêtés perdurent encore la pratique.
La peur de mourir ou d'être atteinte de troubles mentaux
suffît pour que la jeune fille se fasse exciser. Les parents eux aussi
sont convaincus du bien fondé de l'excision. Quant à l'exciseur,
il la pratique pour « aider » et pour
« arracher » les filles des griffes de la mort. Des
discussions de groupes, la m^me version nous est servi « quelquefois
il faut exciser la fille pour qu'elle retrouve ses esprits et qu'elle
arrête de réagir comme une folle ». S'il en est ainsi
comment expliquer le bien-être mental et physique des filles non
excisées ? L'un des exciseurs répond « c'est parce
qu'elles ne sont pas concernées par le rite ou les troubles ».
Mais soulignons que le poids de la tradition pèse encore dans nos
sociétés et les personnes âgées l'entretiennent.
Comme l'a souligné Madame Edwige N. dans son étude à
Bangui « c'est surtout par respect des valeurs traditionnelles et
coutumières que les femmes continuent de se faire exciser. Certaines se
soumettent à la pratique de l'excision pour faire à leurs parents
intégration sociale. Elles le font pour démontrer qu'elles sont
braves et pour sauvegarder leur honneur et leur dignité.
Dans tous les cas le poids de la tradition, la bravoure et la
peur de mourir en cas de refus sont les déterminants importants dans la
persistance de l'acte. La reconnaissance des méfaits y est pour quelque
chose. Les conséquences peuvent renseigner encore sur l'acte. Mais
quelle est la position de la population ? 77% de nos enquêtés
souhaitent l'abandon de l'excision contre 13% pour le maintien,
résultats qui se rapprochent un peu de ceux obtenus par E. NGUELEBE
à Bangui.
La pratique de l'excision plane sur la tête des jeunes
filles comme une épée de Damoclès car les personnes
âgées entretiennent une « psychose » en
exhibant leurs fétiches. Ils estiment que l'excision comme la
circoncision sont nécessaires chez certaines personnes au risque de
contracter des troubles mentaux ou autres manifestations ou de perdre leur vie.
Ils soutiennent ces idées par les propos suivants « si votre
fille par exemple refuse catégoriquement de se faire exciter il est
évident qu'elle mourra ».
Les propos des enquêtés semblent confirmer ;
même les scolarisés croient que ce passage est quelquefois
nécessaire pour délivrer la fille des griffes des esprits malins
et de la mort. Mais sous le couvert de la conjuration du mauvais sort et plus
particulièrement de la démence ou de la mort, les exciseurs n e
cherchent-ils pas à préserver la pérennisation d'une
tradition qui procure des avantages d'ordre économique ?
En effet, les deux exciseurs ont affirmé qu'ils
perçoivent une certaine dot pour l'excision. La dot à percevoir
auprès des excisées ou de leurs parents entretient donc la
pratique.
La recherche de l'honneur pousse quelques uns des parents
à conduire leurs filles à l'excision : faits reconnus dans
l'étude de Madame Yvette I. ZANNOU quand elle
dit « l'enfant porte un nom, il appartient à une famille
qui le prend dans le réseau serré de son affection, de son
travail et ses espoirs ». Plus loin Edwige N. dit que «
c'est pour faire plaisir aux parents et à leurs maris que certaines
femmes se font exciser ». Ici on est loin de faire plaisir à
son mari mais plutôt aux parents puisque ce sont eux qui gagnent en
retour honneur et argent.
Par ailleurs du point de vue des avantages personnels 84,3%
avouent ne trouver aucun bénéfice à pratiquer
l'excision.
Ainsi de part et d'autre il en ressort qu'il n'y a apparemment
pas d'avantages économiques majeurs pouvant justifier la pratique.
L'excision rapporterait plus les sommes faramineuses à
l'entourage qu'aux intéressés. En effet l'argument de la
tradition permet d'organiser les cérémonies et sert de
façade aux intérêts que les parents y trouvent.
L'époux de l'excisée est appelé à beaucoup
investir, ce qu'il peut gagner en retour est énorme :
« je me suis acheté une moto Yamaha et en plus 450.000 francs
d'économie » affirme un homme à ce propos.
De la même manière l'un des exciseurs nous
déclare « je le fais dans différents villages pour de
l'argent, à chaque opération je gagne 1.500 francs à 3.000
francs, des cabris, des poulets et une jarre de boisson locale ».
Pour un autre « les dépenses engagées sont
incalculables, quelqu'un qui cherche une renommée doit nourrir des
populations venant de plusieurs villages ; pour la circonstance les
dépenses sont énormes, mais les gens arrivent toujours à
s'en sortir valablement ».
En définitive les intérêts
économiques constituent un des facteurs primordiaux qui
déterminent la persistance de la pratique de l'excision. A cette
conclusion, nous avons recueilli des propos comme « si un jour l'on
pouvait supprimer la pratique cela nous ruinerait moins ; en tout cas nos
filles ne suivent plus la tradition, c'est une concurrence qui s'installe de
l'orgueil des familles. Ceci nous montre à quel point les hommes
prennent conscience de la déchéance économique que cela
entraîne de même que la volonté de faire plus que
l'autre.
Dans ces conditions nous partageons l'avis de Omar KOURESSY
lorsqu'il soutient que « mettre fin à cette pratique c'est
toucher à un marché florissant ».
Cependant, des indices favorables à la suppression de
l'excision sont observés ; 92,3% des hommes interrogés et
63,3% des femmes ont déclaré qu'ils pensent qu'il faut supprimer
la pratique.
Un des deux exciseurs penche pour la même
décision. Tandis que le second doute de l'éradication d'une
tradition séculaire. « D'ailleurs, a-t-il dit la
décision d'exciser vient des parents de la filles que celle-ci soit
mariée ou non ».
Karim BELAL et Philippe BLANCHOT ont rapporté que
« chaque année, dans le monde plus de deux millions de
fillettes, la plupart africaines subissent une excision au nom d'une coutume
dont l'origine se perd dans la nuit des temps ». Ils signalent par
ailleurs qu'au Burkina-faso les familles font opérer leurs filles
« clandestinement et sur des enfants de plus en plus jeunes, les
accidents étant mis sur le compte de la
« sorcellerie ». Mais il faudra du temps pour
déraciner une pratique qui relie chaque communauté à ces
ancêtres.
Dans la localité qui a fait l'objet de notre
étude, il ne s'agit pas d'un acte clandestin puisque l'engagement des
parents à livrer leurs filles à l'exciseur déroule de la
croyance et dans une certaine mesure de la peur. Ce qui transparaît
à travers ces deux déclarations « moi, j'ai pris la
responsabilité, et un tel engagement se comprend, parce que j'appartiens
à la culture ... » « de même, si j'ai
tort, on a peur quand même, car si tu passes outre tu vas
mourir ».
Nous pouvons conclure, sur la base de notre enquête que
le phénomène persiste beaucoup plus par la volonté des
parents que par celles des victimes les. Ce que confirme les deux exciseurs qui
nous ont dit que « la décision d'exciser une jeune fille
incombe à ces parents, moi je ne fais qu'exécuter la
décision des parents. »
Quant aux enquêtées non encore excisées,
elles ont dans leur majorité déclaré être sous le
poids de l'environnement socio-culturel de la famille élargie et une
seule pense que ses parents décideront pour elle.
Il semble donc que parents et filles restent encore
tributaires de la tradition dont les aspects négatifs ne
disparaîtront qu'avec la scolarisation à grande échelle ne
serait ce que jusqu'aux cours moyens de l'enseignement primaire.
En définitive la fidélité à la
tradition des ancêtres, domine dans tous les actes essentiels de la vie
sociale. En parlant d'excision, un enquêteur écrit, que
« elle assure tout simplement une fonction normative entre les
différentes générations »
La méconnaissance des conséquences nuisibles
à la femme et aussi les perpétuelles menaces de mort et surtout
l'absence de sensibilisation sont les raisons de la persistance
évoquée par les participants aux discussions.
Une excisée affirme « que la persistance du
phénomène est due au fait que chaque année les gens se
déplacent pour se faire nourrir et participer aux
festivités ».
Une autre exciseuse pense que « c'est parce que les
parents poussent sans cesse leur fille puis il existe un certain orgueil
à vouloir se rivaliser et gaspiller de l'argent ».
Derrière chaque propos nous sentons une peur à
attaquer ouvertement les « vieux », qui de l'avis des
jeunes gens, « sont eux qui entretiennent cette pratique parce qu'ils
s'enrichissent à chaque fois par divers dons ».
Aussi le gain économique y est pour grande car un
exciseur affirme ceci « j'y gagne de l'argent, à chaque fille
excisée j'ai droit à 1.500 francs CFA, quelques fois 3.000 francs
CFA pour me faire plaisir, des poulets, des cabris, un porc et une jarre de
boisson locale ».
Dans tous les cas nous avons deux raisons fondamentales de la
persistance : le gain économique et la peur des menaces de mort.
Certes, c'est une pratique qui persiste que les uns y croient
et les autres, la volonté de maintenir les populations dans le
désir de la pratique.
CONCLUSION
« Les femmes sont victimes de coutumes
dépassées, des opinions et des préjugés masculins.
Cela provoque une très mauvaise perception des femmes envers
elles-mêmes. Il existe plusieurs formes d'oppression sexuelle mais
celle-ci est basée sur la manipulation de la sexualité des femmes
pour assurer la prédominance et l'exploitation masculine. De telles
pratiques tirent leurs origines de la famille, de la société et
de la religion ». Ainsi, s'exprimait Raqiya Haji Abdalla de l'organisation
démocratique des femmes somaliennes au cours d'un séminaire de
l'OMS a Khartoum en 1979. Cette intervention pleine de sens restitue le
débat sur l'excision dans un contexte global.
Mais qu'en est-il de la réalité de
Bantè?
La présente étude permet de retenir les faits
saillants suivants:
- le niveau d'information sur l'excision est très
élevé ;
- le taux de prévalence de la pratique de la mutilation
génitale est 12,0%. Elle est plutôt localisée dans
l'arrondissement d'Atokolibé ; les femmes sont excisées dans
l'enfance avec l'âge médian à l'excision qui est de 7
ans,
- Il est constaté que la prévalence à
l'excision diminue au fur et à mesure que les générations
se succèdent c'est-à-dire les femmes d'aujourd'hui subissent de
moins en moins la pratique de la MGF. Ce recul pourrait être les effets
porteurs des campagnes de sensibilisation;
- la forme d'excision la plus répandue à
Bantè est la clitoridectomie qui est une intervention au cours de
laquelle une partie ou la totalité du clitoris est amputée et les
saignements sont arrêtés au moyen d'une pression ou d'un point de
suture. Environ 76 femmes excisées ont subi la clitoridectomie contre 22
femmes qui ont subi l'excision. La pratique de la clitoridectomie varie selon
les localités, l'âge des parents, le niveau d'instruction et la
religion;
- la pratique des MGF à Bantè entraîne des
effets néfastes sur la santé des femmes excisées notamment
les fièvres, l'hémorragie, les douleurs;
- l'exigence de la tradition et l'inconscience sont les deux
principales raisons d'acceptation de la pratique de l'excision avancée
par les excisées;
- seulement 10,2% des femmes ont jugé que La mutilation
génitale féminine est une bonne chose contre 71 % des femmes qui
ont déclaré qu'elle est une mauvaise chose.
Les perspectives pour la réduction sensible de la
pratique de l'excision à Bantè sont assez bonnes au regard d'une
part des résultats auxquels l'enquête a abouti mais
également de toutes les dispositions que ne cessent de prendre les
différents acteurs du développement social et économique.
Références bibliographiques
1- AHOUANGONOU D. (1992) Approche psychosociologique de
l'union conjugale en Afrique, UAC/FLASH/DSA, 96p
2- AYEMONA P. et Alii (2001) « la famille et
les défis du développement au Bénin », Cotonou,
COPEF, 323p
3- ATTANASSO O. (1999) «Les droits de la femme et les
Mutilations Génitales Féminines »,
Conférence-débat organisée par le CI-AF/Bénin.
4- BEAUD M. (1986), L'art de la thèse, Paris, La
découverte, 156p.
5- DJAGBA B. K. (1995) Comportement nuptial et
procréateur en période de crise économique au Cameroun: le
cas d'Edéa, Mémoire de DESS en Démographie, IFORD,
Yaoundé, Cameroun
6- DJAGBA B. K. (2000) "L'excision au Bénin:
Identification des Facteurs Explicatifs Cas de Kandi et de Karimama" PBA-SSP,
Rapport d'études.
7- DURKHEIM E. (1963) Les règles de
méthodes sociologiques, Paris, PUF, pp.29-72,
8- EWINSOU H. (1998) La réalité du mariage chez
les Nshà du Centre-Bénin : du mariage coutumier traditionnel
au mariage catholique, mémoire de licence canonique, Abidjan, 136p.
9- FNUAP (1998) «Les problèmes
démographiques », Dossier d'information, New York, USA
10- GENDREAU F. (1993) "Mortalité, Morbidité et
Santé ", in la Population de l'Afrique, Manuel de Démographie,
Karthala, CEPED, Paris
11- GRAWITZ M. (2000) Lexiques des sciences sociales,
DALLOZ
12- INSAE (1993) " Deuxième Recensement
Général de la Population et de l'Habitation de Février
1992", Volume 1, Résultats définitifs (Principaux tableaux)
13- KIT AGU K. (1995) "La mutilation génitale des
femmes: un problème de santé publique", Population Reports,
USAID, Population Information Pro gram, John Hopkins Center for Communication
Programs, 111 Market Place, Baltimore, USA.
14- MALROUX C. (1986) « mariages et
infidélité », nouveau cabinet cosmopolite, Stock,
France, 291p
15- NAHID T. (1995) " Mutilation Génitale
Féminine: Appel il la mobilisation mondiale", New York, USA
16- ODOUNLAMI V., (2000) "Mutilations Génitales
Féminines à l'orée du 3ème Millénaire", in
Agenda de la Femme 2000, PBA-SSP, GTZIDED
17- OGUI G. (1996) Idole ou Icône de Dieu ?
Eléments d'une christologie en milieu Yoruba du centre Bénin,
mémoire de licence canonique sur OGUN, Abidjan, 146p.
18- QUIVY R. et CAMPEHOUD V. L. (1995), Manuel de
recherche en sciences sociales, Paris, Dunod, 228p
Table des matières
Sommaire
i
Remerciements
iii
Sigles et acronymes
iv
MGF : Mutilations Génitales
Féminines
iv
Liste des tableaux
v
Liste des figures
v
Introduction
1
Chapitre 1 : Problématique
3
I- Problème
3
1- Question principale
4
2- Questions spécifiques
4
II- Hypothèses
5
1- Hypothèse principale
5
2- Hypothèses subsidiaires
5
III- Objectifs
5
1- Objectif général
5
2- Objectifs spécifiques
6
IV- Résultats attendus
6
Chapitre 2 : Inventaire critique de la
documentation
8
I- Les principaux ouvrages
8
II- Revue documentaire critique
9
III - Raison du choix thème et du
cadre d'étude
15
1- Du choix du thème
15
2- Du cadre d'étude
15
3- Durée de l'étude
16
Chapitre 3 : Approche
méthodologique
17
I- Cadre théorique
17
II- Approche conceptuelle
18
III- Champ d'étude
22
1- Situation géographique de la
commune de Bantè
22
2- Historique du peuplement
24
3- Caractéristiques
socio-démographiques
25
4- Organisation sociale et culturelle
26
5- Situation économique
29
IV- Démarche
méthodologique
31
A- Travaux préliminaires
31
1- Nature et durée de l'étude
31
2- Recherche documentaire et échange avec
les personnes ressources
31
3- Confection et validation des outils de
terrain
33
3-1 Confection des outils de terrain
33
3-2 Nature et caractéristiques des guides
d'entretien
34
4- Echantillonnage
34
4-1 Groupes cibles
34
4-2 Taille et répartition de
l'échantillon
35
5- Identification et justification des
variables
37
5-1 Les variables indépendantes
37
- L'Ethnie et la religion
38
- Le niveau de vie du ménage
38
- Le niveau d'instruction des parents
38
- L'âge des parents
38
- La parité
39
5-2 La variable dépendante
39
6- Considérations éthiques
39
B- Collecte des données
40
1- La sélection et recrutement des
enquêtrices
40
2- La formation des enquêtrices
40
3- Prétest des outils
41
4- Sélection des cibles
41
4-1 Identification des ménages
41
4-2 Choix des enquêtés (es) dans le
ménage
41
5- Méthodes d'analyse
42
6- Difficultés rencontrées
42
Chapitre 4 : Plan provisoire
commenté de la thèse
44
I- Plan provisoire de la thèse
44
1ère PARTIE :
historique de la pratique de l'excision au Bénin
44
II- Commentaire
47
Chapitre 5 : Présentation des
premiers résultats à titre illustratif
48
I- Profil des enquêtés
48
1- Information sur les enquêtés
48
2- Information sur l'excision et
caractéristiques socio-démographiques des femmes
excisées
49
II- Niveau d'information des
enquêtés (es)
49
III- La prévalence de l'excision
à Bantè
55
2- Caractéristiques
socio-démographiques des femmes excisées
56
3- Conditions de la mutilation génitale
féminine sur les femmes à Bantè
57
IV- Les raisons aussi bien sociales que
culturelles justifieraient la persistance de l'excision dans la commune de
Bantè
61
1- Raisons sociales
61
1-1 L'analphabétisme fait perdurer
l'excision dans la commune de Bantè
61
1-2 La pression sociale est aussi un facteur de la
persistance de l'excision
62
1-3 Les injures proférées sur les
femmes non excisées les obligent à se faire exciser
63
1-4 La femme excisée reste fidèle
à son mari en cas d'absence
63
2- Raisons culturelles
64
2-1 L'excision comme moyen de conjurer les mauvais
sorts qui pèseraient sur la jeune fille
64
2-2 L'excision comme rite de passage
65
2-3 Le rôle du clitoris mal perçu par
les populations, cela les amène à son ablation
65
V- CONSEQUENCES DE L'EXICISION
68
1- Conséquences économiques
68
2- Conséquences psychologiques
68
3- Conséquences médicales
69
4- Conséquences sociales
72
5- Points de vue sur la pratique de l'excision
76
6- Avis et moyens préconisés pour la
suppression de l'excision
79
VI- Commentaire des résultats
81
CONCLUSION
88
Références
bibliographiques
90