L'INTERVENTION HUMANITAIRE DE LA MONUC EN
R.D.CONGO
par BUHENDWA KASAGWE
En 2008
INTRODUCTION
« Lorsqu'un gouvernement (...) viole les
droits de l'humanités par des excès de cruauté et
d'injustice qui blessent profondément nos moeurs et notre civilisation,
le droit d'intervention est légitime. Car, quelque respectable que
soient les droits de souveraineté et d'indépendance des Etats, il
ya quelque chose de plus respectable encore, c'est le droit de
l'humanité ou de la société humaine qui ne doit pas
être outragé » 1(*)
Ces idées, d'une étonnante
modernité, illustrent à n'en point douter l'émergence d'un
nouveau droit (ou devoir) d'ingérence humanitaire qui se traduit au plan
international par une intervention « humanitaire ».
Seulement, elles n'illustrent pas à suffisance toutes
les éventuelles situations qui peuvent occasionner une intervention
humanitaire et semblent se cantonner dans les situations où la
communauté internationale intervient au titre du maintien de la paix et
sécurité internationales. De manière globale,
l'intervention humanitaire peut avoir lieu lorsqu'un peuple souffre à
cause d'une guerre interne, d'une catastrophe naturelle, d'un
soulèvement, d'une répression ou de la faillite de l'Etat,
celui-ci n'ayant pas l'intention ou ne disposant pas des moyens de mettre un
terme à ces souffrances ou de les éviter. La question de
l'intervention ou de l'assistance humanitaire ne peut se détacher de la
problématique générale des droits de l'homme, si bien
qu'on parle de nos jours d'un droit de chaque homme à l'assistance
humanitaire.
Pour le professeur Ruth ABRIL STOFFELS, l'assistance
humanitaire découle du droit à la vie tel que consacré par
divers instruments internationaux des droits de l'homme2(*).
S'il est vrai que le lien entre assistance humanitaire et
droit à la vie ne fait plus problème depuis longtemps, force est
de constater que la question des acteurs humanitaires et de leur mode
d'opération demeurent une préoccupation constante.
Si l'action humanitaire a toujours été l'oeuvre
des acteurs civils, ces dernières décennies l'on a assisté
au développement d'un nouveau mode d'action des Etats (comme les
Etats-Unis d'Amérique, le Canada, etc ) qui consiste à confier
des missions humanitaires à des militaires si bien que l'on parle de
plus en plus d'une « militarisation » de
l'humanitaire et de l'action humanitaire.
L'organisation des nations unies (ONU), acteur humanitaire
important, dispose des structures telles le HCR, le PAM, l'UNICEF ect. qui ont
spécifiquement des missions humanitaires pendant les crises les plus
aigues. Mais il faut constater le comportement du conseil de
sécurité des nations unies3(*), qui confie de plus en plus des mandats humanitaires
directement ou indirectement aux forces de maintien de la paix. Cela s'est
observé dans plusieurs pays comme la Siera Léone et la RD Congo
à travers la MONUC4(*)
Envoyés initialement pour observer le respect de
l'accord de cessez le feu de Lusaka5(*), les premiers observateurs politico militaires des
nations unies qui constitueront la MONUC le 30 Novembre 1999 par la
Résolution 1279 du conseil de sécurité de l'ONU
constituent l'un des exemples d'une militarisation6(*) de l'humanitaire et de l'action
humanitaire en Afrique. Du coup plusieurs questions peuvent être
posées : quelles sont les motivations du conseil de
sécurité de confier une mission humanitaire à la MONUC
alors même que l'ONU dispose d'autres structures spécifiques
chargées de ces questions en RD Congo ? Quelle est la portée
de cette mission ? N'est elle pas de nature à concurrencer
négativement les autres humanitaires civils ?
Toutes ces interrogations seront regroupées au sein
d'une problématique, à savoir l'analyse critique de
l'intervention de la MONUC au plan humanitaire en RD Congo. Dans une
perspective comparative, avec les autres missions de paix de l'ONU, nous allons
nous interroger sur la consistance et les conséquences de l'intervention
de la MONUC en RDC.
La question est d'une importance capitale au regard de la
recrudescence des conflits internes ces dernières années et de la
polémique sur la comptabilité des objectifs militaires et
humanitaires. Pour répondre à cette problématique, il
convient de monter que même si la militarisation de l'humanitaire demeure
une question contrastée au regard de sa portée ambivalente
jusqu'à ce jour (I), il n'en demeure pas moins que la MONUC pose en RDC
des actes s'inscrivant bel et bien dans le registre humanitaire (II).
I. L'intervention humanitaire de la MONUC en RDC :
nécessité et dérives d'une
militarisation de l'action humanitaire
Lorsqu'on analyse le paysage humanitaire en RDC depuis
le début des hostilités l'on y note la présence de presque
toutes les agences humanitaires de l'ONU (HCR, PAM, UNICEF, ect.). Dès
lors la raison de confier une mission humanitaire à une force politico
militaire demeure une question préoccupante. Cet aspect de chose
n'est-il pas de nature à précariser l'action humanitaire comme
cela fut le cas dans d'autres pays comme l'IRAK ou l'Afghanistan ?
L'analyse des différents mandats de la MONUC permet de
comprendre que les considérations sécuritaires étaient la
préoccupation première des Nation Unies et la
sécurité des personnes civiles (humanitaires y compris)
était la tâche principale confiée à la MONUC,
même si dans la pratique cette force est allée au delà de
la simple sécurisation des humanitaires. Cependant, le mode
d'opération de cette force politico militaire demeure distinct et
parfois contradictoire des objectifs humanitaires, ce qui remet en cause
souvent toute militarisation de l'humanitaire.
A. La sécurisation du personnel humanitaire par
la MONUC, facteur important de déploiement de l'aide humanitaire en
RDC
Selon Dag HAMMARSKJOLD, ancien secrétaire de
l'ONU, « le maintien de la paix n'est pas le métier des
soldats mais seuls les soldats peuvent accomplir cette
tâche ».7(*)
Par ailleurs, le pouvoir militaire est un auxiliaire
obligé de l'intervention humanitaire, affirmait un contemporain.
Ces propos illustrent bien le rôle de la
sécuritaire et ou d'une force militaire neutre pour le bon
déroulement des expéditions humanitaires. Face à la
multitude des rebellions sur toute l'étendue de la RDC et à
l'ignorance du droit international humanitaire par les rebelles, une force
militaire neutre était devenue impérieuse pour le
déroulement plus ou moins bon des activités humanitaires.
En effet, depuis la, signature de l'accord de cessez le feu
à Lusaka, on a assisté à des violations
répétées de ce dernier, des droits de l'homme et du droit
international humanitaire. Dans certains coins du pays il était
pratiquement devenu impossible pour les agents des services humanitaires
d'accéder aux refugiés et déplacés internes
à cause de l'insécurité aigue dans tout le pays
(assassinat des humanitaires, pillages des dépôts alimentaires
destinés à l'aide humanitaire, ect.).Ces facteurs combinés
à la défaillance de l'armée gouvernementale à
sécuriser les civils vont donc conduire le conseil de
sécurité à intégrer cette tâche dans les
missions des forces de la MONUC à travers la résolution 1279 du
30 Novembre 1999 et réaffirmée plus tard dans la
résolution 1291 du 24 février 2000 où l'on peut lire in
finé : « les agents de la MONUC maintiennent la
liaison avec toutes les parties à l'accord de cessez le feu afin de
faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et la défense des droits
de l'homme y compris les droits de l'enfant ».
La sécurité des humanitaires aussi bien des
nations unies que des autres ONG constitue donc la mission principale
confiée à la MONUC dans le domaine humanitaire mais, comme nous
le verrons plus bas, elle est allée au-delà de cette simple
mission pour fournir une aide humanitaire matérielle aux
nécessiteux. Les agences humanitaires qui ont sollicité et obtenu
le soutien de la MONUC ont déployé plus ou moins bien leurs
activités. Les affrontements de l'Ituri en Mai 2003 sont
révélateurs à ce sujet. En effet tous les humanitaires qui
étaient dans cette partie et qui ne voulaient pas
bénéficier du soutien sécuritaire de la MONUC
prétendant préserver leur indépendance, ont
été obligés de plier bagages le 10 et 11mai 2003
abandonnant derrière eux les milliers des populations dans le besoin.
Mais grâce aux moyens logistiques et sous protection de la MONUC les
agents de l'UNICEF, ECHO et OCHA vont se déployer quelques jours plus
tard8(*).
Tous ces éléments illustrent le
dilemme auquel sont confrontés les humanitaires s'agissant
d'établir un équilibre entre les impératifs de leur
sécurité et l'obligation professionnelle de rester
indépendants dans leur tâche de sauver des vies innocentes en
détresse. Face à cette situation, le recours à une force
militaire telle la MONUC n'est pas sans susciter la problématique de la
comptabilité des exigences éthiques de l'action humanitaire avec
les objectifs militaires.
B. La difficile conciliation de l'éthique
humanitaire avec les objectifs d'une force politico-militaire
« Tutti
fratelli » (tous sont frères). Ce slogan scandé
par les femmes de Castiglione, en portant secours aux blessés lors de la
bataille de Solferino9(*),
fait référence au principe de non discrimination qui doit
caractériser les humanitaires.
L'utilité et la pertinence de l'action humanitaire
tiennent au fait qu'elle permet, par sa neutralité, son
impartialité, son indépendance et son humanité, d'apporter
une aide à toutes les victimes sans discrimination partisane.
Malheureusement, ces principes ne sont pas souvent
respectés dans le cadre d'une intervention humanitaire
militarisée. En effet, à l'instar de l'instrumentalisation de
l'aide humanitaire et des humanitaires par les forces américaines sous
mandat de l'OTAN au Kossovo et en Afghanistan10(*), l'intervention humanitaire de la MONUC suscite des
interrogations quant à sa capacité à respecter
l'éthique humanitaire.
Tout d'abord, les principes d'indépendance et de
neutralité supposent d'une part qu'il ne doit pas y avoir de collusion
entre une entité politico militaire quelconque et les agences
humanitaires et que d'autre part, l'aide doit être fournie à
toutes les victimes sans discrimination. Ensuite, le principe de
neutralité quant à lui renvoie au fait que les humanitaires ne
doivent apporter aucun soutien à une partie au conflit.
Enfin, le principe d'humanité suppose que l'aide
devrait avoir pour but de soulager les souffrances des victimes et de
préserver leur dignité humaine. Ceci implique donc que l'aide
humanitaire disponible devrait être prompte, c'est-à-dire
être distribuée ou apportée au moment où les
victimes en ont le plus besoin.
Il faut cependant constater que cela ne va pas toujours de soi
dans le cadre d'une intervention militarisée. Les forces de la MONUC,
essentiellement composées des militaires, sont entrainées pour
recourir à la `violence' conformément à certaines
règles afin d'atteindre certains objectifs politiques fixés par
les Nations unies qui financent ses opérations.
Ensuite, les interventions de la MONUC l'ont toujours
officiellement été au soutien du gouvernement dit
régulier, ce qui suppose, à notre avis, une discrimination entre
les' bonnes victimes'11(*)
et les `mauvaises victimes'12(*). Cet aspect fausse complètement les objectifs
d'une aide humanitaire.
Par ailleurs, la réaction de la MONUC a souvent
été considérée comme tardive chaque fois qu'il y a
une crise qui nécessite le soutien humanitaire de sa part. En effet, la
souplesse et le déploiement rapide qui caractérisent les autres
agences humanitaires civils, dont l'objectif unique est de sauver des vies,
n'est pas monnaie courante dans l'administration de la MONUC souvent
handicapée par l'excès de bureaucratie. Ceci a conduit certains
à comparer cette mission onusienne à ce médecin qui surgit
après la mort du patient pour ne finalement pratiquer que l'autopsie.
Le non respect du principe de neutralité et
d'impartialité par la MONUC peut entraîner des conséquences
néfastes sur la sécurité des humanitaires, car toute
perception par les parties au conflit du non respect de ces principes par un
engagement partisan de la part d'une force prétendument neutre peut
mettre en péril tous les programmes humanitaires et ceux des autres
organisations partenaires sur le territoire.
La MONUC a le privilège d'être une force
multilatérale sous mandat de l'ONU. Contrairement aux forces
anglo-américaines au Kossovo et en Afghanistan sous mandat de l'OTAN,
elle n'est pas considérée ab initio comme une force
étrangère d'occupation par les populations congolaises. Au
contraire, elle est vue comme une force de libération du joug des
`agresseurs étrangers'. Elle devrait donc profiter de son statut pour
jouer pleinement son rôle en distinguant chaque fois les actes
s'inscrivant dans son agenda humanitaire de ceux faisant partie des objectifs
purement militaires de maintien de la paix et sécurité
internationales. Ceci lui permettrait donc de respecter les principes cardinaux
de l'éthique humanitaire pour une sécurité durable des
autres humanitaires.
Mais au-delà de toutes ces
considérations qui peuvent fausser le jeu humanitaire, faut il conclure,
comme certains l'ont estimé, qu'une force militaire ne fait pas dans
l'humanitaire ?
Il est certes vrai que dans certaines interventions
militarisées la cause humanitaire a été souvent
dévoyée ou instrumentalisée à des fins politiques.
Cependant, il faut noter que le contexte de l'intervention de la MONUC est
très différent de certains autres cas que l'on a connus. Des
écrits et témoignages sur la situation humanitaire en RDC font
bel et bien état de l'implication matérielle de la MONUC dans le
domaine humanitaire. Au-delà des spéculations sur son
indépendance ou sa neutralité, ceci pose donc la question des
réalisations ou des actions palpables de cette force dans le domaine
humanitaire en RD Congo, et qu'il convient d'analyser à
présent.
II. Les actions concrètes de la MONUC dans le
domaine humanitaire en RD Congo :
du militaire à
l'humanitaire
Les attributions humanitaires de la
MONUC par le Conseil de sécurité ne transparaissent pas
clairement dans ses différents mandats. Cependant, la MONUC constitue
également un acteur humanitaire important en RD Congo.
Il existe 3 composantes principales au sein de la MONUC :
la composante militaire, la plus nombreuse, la composante Police civile et la
Composante civile. Cette dernière regroupe à son tour plusieurs
sections ou divisions dont les plus importantes sont la Section protection de
l'enfance, la Section droits de l'homme et la Division humanitaire ou des
affaires civiles.
La division des droits de l'homme se charge de la promotion
des droits de l'homme, des enquêtes sur les violations des droits de
l'homme, etc.
La section protection de l'enfant se charge de la surveillance
des abus commis contre les enfants par les groupes armés. Cette section
ne met pas en place des programmes spécifiques pour les enfants mais
travaille en étroite collaboration avec l'UNICEF.
La division humanitaire, quant à elle, est investie de
ce qu'on pourrait qualifier de missions humanitaires proprement dites de la
MONUC. Son rôle permet de comprendre que la MONUC est présent sur
le terrain de l'humanitaire à travers son soutien aux autres acteurs
humanitaires(A) et aux populations civiles directement(B).
A. Soutien aux autres acteurs humanitaires civils
Outre la sécurité des humanitaires, la
MONUC fournit une aide logistique à ces derniers dont elle coordonne
également les activités dans 7 provinces de la partie occidentale
de la RD Congo où elle représente OCHA.
S'agissant de la coordination, la Division humanitaire de la
MONUC contribue au développement et à la stratégie
humanitaire. A cet effet, elle a déployé des chargés des
affaires humanitaires dans un certain nombre de localités
stratégiques, notamment à Mbandaka, Goma, Bunia, Bukavu, Uvira,
Gbadolité, Kisangani, Kalemie, Beni, Kananga, Mnuji Mayi, Kindu,
Lubumbashi et Kinshasa. L'équipe de coordination à Kinshasa donne
les orientations principales et apporte son soutien aux Chargés des
affaires humanitaires des autres agences civiles sur le terrain. C'est ainsi
par exemple que grâce aux efforts concertés et coordonnés
de la Composante militaire, de la Division humanitaire de la MONUC et des
autres humanitaires, 500.000 déplacés internes et 26.000
réfugiés congolais ont pu regagner leurs villages dans la
province du Katanga en 2006.
Parlant du soutien logistique, il faut rappeler que le mandat
de la MONUC tel que défini par le Conseil de sécurité est
de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire aux personnes
nécessiteuses en prêtant une attention particulière aux
groupes vulnérables, y compris les femmes, les enfants soldats
démobilisés et d'aider au retour volontaire des
réfugiés et des personnes déplacées. Pour cela, la
Division humanitaire identifie les besoins et mobilise les ressources de la
MONUC pour soutenir l'action humanitaire des autres acteurs.
Dans un pays, aux dimensions d'un continent, où toutes
les infrastructures routières, ferroviaires et aériennes ne sont
pas très développées, les moyens de transport de la MONUC
( avion de guerre, helicopters,etc.) demeurent la seule passerelle de la
majorité des acteurs humanitaires pour joindre les populations
nécessiteuses.
A ce titre la mission a procédé en 2006 au
transport de 206 tonnes de cargo humanitaire et de 640 personnels humanitaires,
ainsi que 179 transferts médicaux d'urgence.
Par ailleurs la MONUC a largement soutenu les acteurs
humanitaires pendant l'éruption volcanique du Mont Nyiragongo ( à
Goma dans le Nord Kivu) en 2002.
Les exemples où la MONUC a apporté son
soutien logistique aux humanitaires civils pendant les sinistres sont
multiples. Malgré les critiques, son rôle en RD Congo est d'une
importance capitale car, il faut le dire tout haut, sans le soutien de la MONUC
aux autres acteurs humanitaires, ces derniers auraient des sérieuses
difficultés à acheminer leur aide auprès des populations
se trouvant dans les coins et recoins de la RDC.
Par ailleurs, malgré le scandale sexuel dans lequel se
sont embourbés certains bataillons, les militaires posent
également des actes humanitaires envers les populations civiles en
RDC.
B. Le soutien direct des militaires de la MONUC aux
populations civiles
En dehors des
activités militaires à travers la RDC, les Casques bleus de la
MONUC, sont également engagés dans des nombreuses
activités civiles. C'est dans ce cadre qu'a été
créée à son sein, une structure appelée CIMIC ou
actions civilo-militaires(en français).
Les activités CIMIC existent depuis l'arrivée
des premiers contingents de la MONUC en 2001.Elles consistent en effet, en la
coopération et coordination entre les militaires et les populations
civiles car dans la plupart des pays connaissant la guerre ou ayant connu la
guerre, la population se méfie des hommes en uniformes ou armés.
Il s'agit donc de montrer que les militaires ont également un visage
humain. Chaque militaire est lui-même un père de famille, un mari
ou une mère. En s'approchant de la population, les soldats onusiens
aimeraient que celles-ci les connaisse plus à travers ce deuxième
visage, qu'elle fasse leur confiance et qu'elle les aime comme ils
l'aiment13(*).
Il est certes vrai que ces actions visent tout simplement
à changer l'image des hommes en uniformes mais ils n'en demeurent pas
moins des actions qui améliorent quelque peu la vie des populations
sinistrées, et cela durablement. Il s'agit des projets qui visent
à générer des résultats immédiats et
durables connus sous l'acronyme anglo-saxon QIPS14(*).
Au registre des réalisations l'on peut lister, sans
être exhaustif, les projets QIPS (9) réalisés par les
casques bleus dans le cadre des activités CIMIC et sur l'ensemble du
territoire congolais. Ce sont surtout des réhabilitations
d'écoles et des hôpitaux. Parmi les grands projets
exécutés, l'on peut signaler la réhabilitation du pont
Mwanza Ngoma qui relie les deux provinces du Kasai et aussi la
réhabilitation d'une petite centrale hydro-électrique à
Saké au Nord-Kivu qui permet depuis Juillet 2007, à quelques
5.000 personnes d'avoir l'électricité. Les contingents de la
MONUC ont également durant cette période, visité des
orphelinats, des homes pour personnes âgées, des écoles et
même des prisons où ils ont fait des dons. A Kinshasa, ils ont
apporté de l'aide aux veuves et enfants de militaires congolais avec des
matelas, des fûts d'eau et des moustiquaires. Ils ont aussi
dispensé des cours de mécanique et d'électricité
à des jeunes sans emploi.
Plusieurs autres chantiers ont été
réalisés à Kinshasa. L'on peut citer la
réhabilitation du Centre médical Miria, au quartier industriel
Paka-Djuma dans la commune de Limete. Il s'agit du seul centre médical
dans le quartier qui reçoit plus de 25 patients chaque jour mais qui
étaient déjà vétustes, avec seulement deux petites
salles et deux lits. Cette réhabilitation a été
effectuée par le bataillon tunisien I. Débutés en juin
2004, les travaux ont été coordonnés en collaboration avec
les autorités locales. Egalement, vient la réhabilitation des
classes de l'école primaire publique de Masiala, la construction du mur
clôturant l'enceinte de l'hôpital Roi Baudouin Ier de la commune de
Masina à Kinshasa permet désormais de mieux sécuriser les
infrastructures de cet hôpital.
Les casques bleus sont descendus dans les communes de Kinshasa
pour sensibiliser les jeunes sur le VIH/Sida dans la commune de Limete. Ce
projet a été l'oeuvre du bataillon tunisien II. L'école
primaire de Makelele située dans la commune de Kintambo a
également été réhabilitée. Ce projet, est
l'oeuvre du bataillon ghanéen(GHANBAT). Cette école était
délabrée et certains élèves suivaient les cours
assis par terre. Enfin, a également été lancé en
2005 le projet de protection de l'environnement et de recyclage des ordures
dans le quartier Mombele de la commune de Limeté exécuté
en partenariat avec l'Ecole Technique d'Agriculture de Mombele, la Commission
pastorale de développement de l'Eglise Saint Félix et l'ONG
« Groupe des Initiatives de développement et de
Vie »(GIDV) de Mombelé.
CONCLUSION
Tous ces exemples montrent que le militaire est
également et essentiellement une personne humaine avec de la compassion.
Si par le passé les conflits opposaient souvent des entités
étatiques, de nos jours le développement des guerres
asymétriques, où la maîtrise du droit de la guerre n'est
pas chose partagée par les parties au conflit, constitue un
véritable défi pour l'humanitaire.
En tout état de cause, le cas de la MONUC a
illustré que le militaire pouvait également poser des actes
humanitaires. Les humanitaires civils devraient les considérer comme des
partenaires sans se laisser instrumentaliser car, personne n'a le monopole de
l'action humanitaire fondée essentiellement sur la charité
humaine.
Entre l'angoisse d'être enlevé ou tué par
un « gueriero » et la nécessité de
préserver son indépendance et impartialité, l'humanitaire
devrait trouver une voie médiane qui consiste à rejeter le
« tout militaire » et le « tout
humanitaire » pour tirer le meilleur d'une militarisation sans
se laisser absorber par les velléités souvent politiciennes des
chefs politiques des missions internationales de maintien de la paix
BIBLIOGRAPHIE
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humanitaires en guerre, coédition Grip-éditions complexe,
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2. RYFMAN, La question humanitaire, Ellipses, 1999
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je, Paris, PUF, 1998
4. Mario BETTATI, Le droit d'ingérence humanitaire,
éditions Odile Jacob, Mars 1996
B. Mémoires et articles
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MONUC à la lumière des mandats qui lui ont été
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Certificate of training in United Nations peace support operations,
UNITAR, Mai 2007
2. M. Constantinos TSAGARIS, Le droit d'ingérence
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Lille II, 2000-2001
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commune au cours d'un séminaire de Droit international humanitaire,
Université de Paris X-Nanterre, 2000
4. Ruth ABRIL STOFFELS, « Legal regulation of
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gaps », International Revue of the red cross, N° 855, pp
515-546
C. Documents et site internet
1. Bulletin d'information de la MONUC (juillet 2006-juillet
2007)
2. www.monuc.org
* 1 ROLIN JACQUEMYS (G),
cité par Céline GRAVIERE et Laetitia MILLOT, la doctrine
internationale et la notion d'ingérence humanitaire, communication lors
d'un séminaire sur le droit international humanitaire, Université
de Paris X Nanterre, 1999-2000
* 2 R.A.STOFFELS, Legal
regulation of humanitarian assistance in armed conflict : achievements and
gaps, Revue international de la Croix rouge N0 855,p.515-546
* 3 Le chapitre VII de la
charte des nations unies confère au conseil de sécurité le
droit de prendre les mesures nécessaires pour le maintien de la paix et
sécurité internationales.
* 4 Mission de l'ONU au
Congo
* 5 L'accord de cessez le feu
de Lusaka fut signé le 10 juillet 1999 et la 1ère
force de l'ONU était chargée de veiller au respect de ce dernier.
C'est cette force qui deviendra la MONUC telle qu'elle est connue
aujourd'hui.
* 6 La militarisation de
l'humanitaire regorge plusieurs facettes : il peut s'agir du financement
des humanitaires par les forces militaires, de la fourniture directe de l'aide
humanitaire par les militaires aux sinistrées, de l'escorte des convois
humanitaires par les militaires, ect.
* 7 Cité par Col
TAMOUSSI BONZI, Mesures des résultats de la MONUC à la
lumière des mandats qui lui sont confiés, Mémoire
présenté en vu de l'obtention du certificate of Training in
United Nations peace support operations, UNITAR, Mai 2007,p39
* 8 Michel KASSA,
« la révolte des humanitaire »s, in Xavier
ZEEBROEK (dir). Les humanitaires en guerre, éditions complexe, 2004,p
6
* 9 Guillaume d'ANDLAU,
L'action humanitaire, que sais-je, PUF,1998, p5
* 10 En 2003, l'armée
américaine avait distribué des tracts demandant la diffusion des
informations relatives au positionnement des talibans et Al Qaida par les
Afghans s'ils voulaient continuer à bénéficier de l'aide
humanitaire
* 11 Blessés de
l'armée régulière
* 12 Blessés des
armées dissidentes
* 13 Il s'agit des projets
qui visent à regagner la confiance des populations connues sous la
terminologie anglo-saxonne WHAM (Win hearts and mind)
* 14 Quick impact
projects