Contexte et justification
La population mondiale a connu une évolution
remarquable se situant à 0,978 milliards d'habitants en 1800, puis
à 1,65 milliards en 1900 (United Nations, 2004). Elle est passée
à 2,978 milliards en 1999. En 2008, elle est estimée à 6,7
milliards2. Cette croissance est favorisée par une
mortalité en baisse couplée d'une forte natalité.
Le continent africain a une part importante dans
l'accroissement démographique mondial actuel. En effet, en 1800, sa
population représentait environ 10,9 % de la population mondiale ; cette
part est passée à 8,1 % en 1900 et à 12,8 en
19993. En 2008, elle était de 14,4 %2. De plus,
c'est le continent où l'indice synthétique de
fécondité (ISF)4 reste le plus élevé.
Le Cameroun comme la majorité des pays africains n'est
pas épargné par ce phénomène. Sa croissance
démographique reste élevée. En effet, en 1960, sa
population était de 5,4 millions5, elle est passée
à 10,5 millions en 19876. En 2010, elle a été
évaluée à près de 19,4 millions6. Par
ailleurs, le taux moyen de croissance est de 2,8 %6 par an.
Cette population galopante crée d'énormes
défis à l'Afrique en général qui demeure l'un des
continents les plus pauvres de la planète et au Cameroun en particulier.
En effet, la non maîtrise de la procréation crée des
problèmes liés à la santé de la mère et de
l'enfant. Par ailleurs, les grossesses non désirées, trop
rapprochées ou trop tardives qui entraînent parfois des
avortements provoqués, sont des causes de mortalité maternelle et
infantile. Au Cameroun, on a ainsi un taux de mortalité maternelle
encore très élevé, de l'ordre de 669 décès
pour 100 000 naissances vivantes pour la période 1998-2004 (EDSIII,
2004) et les avortements représentent 20 à 40 % des causes de
cette mortalité maternelle (EVINA, 2005). La mortalité infantile
quant à elle s'élève à 74 décès
d'enfants de moins d'un an pour 1000 naissances vivantes (EDSIII, 2004).
C'est ainsi que la question du ralentissement de la
croissance démographique, se pose avec acuité en terme de
maîtrise de la fécondité et de planification familiale. En
ce sens,
2 Population Référence Bureau (2008)
3 United Nations Population Division (2004)
4 Environ 5 enfants par femmes (Population
Référence Bureau, 2008)
5 Université de Sherbrooke (2010),
6 Recensements de la population de 1987 et de 2005 au
Cameroun
l'utilisation de la contraception moderne intervient comme
moyen de prévention des grossesses non désirées,
précoces ou tardives et d'espacement ou de limitation des naissances.
D'après l'USAID (2009), l'accès à la Planification
Familiale pourra contribuer à la réduction de la mortalité
infantile (OMD 4) et à l'amélioration de la santé
maternelle (OMD 6).
Ces constats sont des préoccupations du Gouvernement
Camerounais qui a adopté une politique volontariste de maîtrise de
la procréation depuis le début des années 807.
Par la suite, le Cameroun a précisé son orientation en
matière de planification familiale, dans le sens de l'espacement des
naissances en vue de préserver la santé de la mère et de
l'enfant et de lutter contre la stérilité (MINEPAT, 2009).
Dès lors, de nombreuses mesures ont été
prises pour promouvoir le planning familial et vulgariser l'utilisation des
méthodes de contraception modernes, avec notamment la levée de
l'interdiction de la vente et la publicité des contraceptifs, la
création en 1989 du Programme de Marketing Social au
Cameroun8et l'adoption d'une Politique Nationale de Population (PNP)
en 1997, dont la santé de la reproduction constitue l'un des domaines
prioritaires.
Malgré tous ces efforts, la baisse de la
fécondité au Cameroun reste mitigée car la population
reste encore pro-nataliste. L'Indice Synthétique de
Fécondité (ISF) y demeure élevé. Il est
passé de 6,4 en 1978 à 5,8 en 1991 pour se situer à 5,0 en
20049. De plus, à la fin de sa vie féconde, une femme
âgée de 15-49 ans en union aura eu en moyenne 6,8 enfants (EDS,
2004).
Par ailleurs, il est à noter que ce niveau de
fécondité encore élevé est dû à
l'exposition des femmes au risque de grossesse. Ce risque étant
lié à plusieurs déterminants dont la nuptialité,
l'activité sexuelle, l'aménorrhée (EDSC III,
2004)10. En outre, l'union11 constituant le cadre
privilégié de l'activité sexuelle et de la
procréation au Cameroun (EDSIII, 2004), il est l'un des faits les plus
importants sanctionnant le début de l'exposition au risque de grossesse.
Ainsi, les femmes en union, sexuellement actives non enceintes, non
stériles et non ménopausées sont les plus exposées
au risque de grossesse12. C'est donc sur les femmes exposées
au risque de grossesse qu'il faudrait agir prioritairement pour pouvoir
inverser le niveau de la fécondité13.
Il apparaît donc opportun de mettre un accent
particulier sur la promotion du planning familial et la vulgarisation des
méthodes contraceptives modernes chez les femmes en union puisque le
taux d'utilisation de la contraception moderne y demeure faible. En effet, il
était
7 Patrick GUBRY, 1988
8 PMSC, devenue de nos jours Association Camerounaise pour le
Marketing Social (ACMS)
9 Sources respectives : L'ENF (1978), L'EDSC-I (1991), ET
L'EDSC-III (2004)
10 Les autres facteurs sont l'abstinence, la
non-susceptibilité post-partum, la contraception
11 Dans le cadre de l'EDSC-III, le terme union s'applique
à toute personne s'étant déclaré mariée ou
vivant maritalement avec un/une partenaire.
12 Elles constitueront le groupe cible de notre étude.
13 (RAIMI FASSASSI, 2007, LASBEUR, 2007, PSI, 2009).
respectivement de 13 % (EDSIII, 2004) et de 12 % (MICS, 2006)
en 2004 et 2006 chez les femmes en union de 15-49 ans non enceintes au
Cameroun. De plus, au Cameroun, une femme en union sur deux (52 %) peut
être considérée comme candidate potentielle à la
planification familiale (EDSC III, 2004).
Dans le cas des deux grandes métropoles du pays que
sont les villes Yaoundé et Douala, la prévalence des
méthodes contraceptives modernes, en 2004 étaient de 25,5% chez
les femmes en union. En 2006, à Yaoundé, elle était de
27,3 % (MICS, 2006). Ces taux élevés justifient le choix de la
ville de Yaoundé par l'ACMS pour la mise en oeuvre du projet Planning
Familial.
Problématique
Au Cameroun en général (EDSIII, 2004) et dans
la ville de Yaoundé en particulier (ACMS, 2009), les femmes en union
sont les plus enclines à la non utilisation d'une méthode
contraceptive moderne. Par ailleurs, près de la moitié (44,6%)
des femmes en union sexuellement actives non enceintes, non stériles et
non ménopausées n'utilisent pas de méthodes contraceptives
à Yaoundé. Il en découle la nécessité de
promouvoir des actions marketing ciblant prioritairement les femmes en
union.
Par ailleurs, le constat global qui se dégage de la
littérature est que la plupart des études en marketing social en
Afrique en général et dans la ville de Yaoundé en
particulier, concernant l'utilisation des contraceptifs sont orientées
vers les femmes en général. Par conséquent les mêmes
stratégies sont élaborées pour les femmes en union et
celles non en union14. Ceci contribuerait sûrement à
une orientation pas très rigoureuse des méthodes de contraception
modernes d'où leur faible prévalence parmi ces femmes.
En outre, d'après les études15, le
comportement des femmes en union en matière de procréation et de
maîtrise de la fécondité est différent de celui des
femmes qui ne sont pas en union. Par conséquent il importe donc
d'identifier distinctement les facteurs influençant significativement
l'utilisation de la contraception moderne en mettant un accent particulier sur
les femmes en union sexuellement actives, non enceintes, non stériles et
non ménopausées qui sont les plus exposées aux risques de
grossesse. Mieux encore il faudrait cerner les facteurs d'opportunité,
de capacité et de motivation influençant l'utilisation desdites
méthodes, de même que les facteurs sociodémographiques;
socioéconomiques et socioculturels afin de circonscrire un plan
marketing adéquat pouvant inciter l'utilisation des produits de
planification familiale distribués par l'ACMS et le changement de
comportement en faveur du planning familial chez
14 Les femmes non en union sont les femmes célibataires,
divorcées /séparées ou veuves
15 EDSI (1994), EDSII(1998), EDSIII(2004), (RAIMI FASSASSI,
2006)
ces femmes.
Ainsi, on est amené à se poser la question de
savoir, quels sont les facteurs significatifs qui influencent l'utilisation des
contraceptifs modernes par les femmes en union de la ville de Yaoundé ?
De manière spécifique :
· Quels sont les facteurs OCM16,
socioculturels, sociodémographiques, socioéconomiques qui
influencent significativement l'utilisation des contraceptifs modernes par les
femmes en union de la ville de Yaoundé ?
· Quels sont les niveaux des facteurs OCM chez les
utilisatrices et les non utilisatrices de la contraception moderne ?
· Quel est le profil des femmes en union utilisatrices et
non utilisatrices des produits de contraception modernes dans la ville de
Yaoundé ?
Pour répondre à ces questions nous nous fixons
plusieurs objectifs.
Objectifs
L'objectif général de cette étude est
d'identifier les facteurs qui influencent significativement l'utilisation des
contraceptifs modernes par les femmes en union, âgées de 15
à 49 ans dans la ville de Yaoundé.
De manière spécifique, il s'agira de :
· dégager le profil des femmes utilisatrices et
non-utilisatrices des contraceptifs modernes ;
· identifier les facteurs liés à
l'Opportunité, à la Capacité et à la Motivation
(OCM) qui influencent significativement l'utilisation des contraceptifs
modernes par les femmes vivant en union, âgées de 15 à 49
ans dans la ville de Yaoundé;
· identifier les facteurs liés aux
caractéristiques sociodémographiques, socioculturelles,
socioéconomiques qui influencent significativement l'utilisation des
contraceptifs modernes par les femmes vivant en union, âgées de 15
à 49 ans dans la ville de Yaoundé;
· comparer les niveaux (moyennes) des déterminants
d'opportunité, de capacité et de
motivation significatifs
entre les utilisatrices et les non utilisatrices de la contraception ;
· fournir des recommandations pour la prise de
décision en matière de marketing social des produits de
planification familiale.
16 Opportunité, Capacité et Motivation
Résultats attendus
Il s'agira de construire un tableau de bord pouvant permettre
d'élaborer des plans marketing. Pour ce faire, il faudra :
· Construire un tableau de suivi du niveau d'utilisation
des méthodes contraceptives modernes et des déterminants OCM de
l'utilisation des contraceptifs modernes par les femmes vivant en union,
âgées de 15 à 49 ans dans la ville de Yaoundé.
· Construire un tableau de segmentation regroupant les
déterminants de l'utilisation des méthodes contraceptives
modernes par les femmes vivant en union, âgées de 15 à 49
ans dans la ville de Yaoundé.
Cette hypothèse peut être subdivisée en
quatre hypothèses spécifiques. Hypothèses
spécifiques :
Ce travail revêt un intérêt qui pourrait
s'exprimer en trois dimensions : scientifique, professionnelle et
opérationnelle.
Sur le plan scientifique, il contribue à
l'élargissement des réponses à la complexité des
17 Ces hypothèses s'inspirent de la revue de la
littérature présentée au Chapitre II
déterminants socioculturels,
sociodémographiques, socioéconomiques et OCM du
phénomène de la planification familiale en général,
et plus spécifiquement chez les femmes qui vivent en union.
La dimension professionnelle de ce travail est perçue
dans l'imprégnation de l'Ingénieur d'Application de la
Statistique (IAS) aux réalités du monde professionnel, dans la
conciliation des méthodes apprises à l'école et des
techniques nouvelles d'analyse des déterminants de comportement
spécifiques au marketing social.
Enfin, dans le domaine opérationnel, ce travail est un
outil d'aide à la prise de décision visant à fournir des
informations stratégiques en matière de marketing social des
produits de planification familiale. Il aboutira à la production des
tableaux de bords qui sont des outils indispensables dans l'élaboration
des plans marketing des produits de l'ACMS.
Le travail sera divisé en 2 parties, une partie
théorique et une partie empirique. Chacune constituée de deux
chapitres.
Marketing: D'après Kotler (2003), le
marketing est l'ensemble des techniques et études d'application qui ont
pour but de prévoir, constater, susciter, renouveler ou stimuler les
besoins des consommateurs et adapter de manière continue l'appareil
productif et commercial aux besoins ainsi déterminés.
Marketing social : Le marketing social est
l'application des techniques et des outils du marketing commercial à des
milieux relevant de problématiques sociales. Il correspond ainsi
à un processus de planification qui part d'un diagnostic (étude
qualitative ou quantitative). Ceci débouche sur l'élaboration
d'une stratégie (positionnement, segmentation, ciblage etc.). Ensuite,
on procède à une évaluation des actions engagées.
Pour Kotler (2003), le marketing social est la conception, la mise en oeuvre et
le contrôle de programmes conçus pour promouvoir une idée
ou une pratique sociale auprès d'un groupe cible.
Segmentation : Division de la population
cible en petits groupes ayant des habitudes, des besoins et des
caractéristiques semblables. D'après le cadre de recherche en
marketing social de l'ONG Population Services International (PSI)18,
la segmentation permet de diviser les groupes cibles en deux groupes
homogènes, ceux qui adoptent le comportement (par exemple utilisent la
contraception moderne) et ceux qui ne l'adoptent pas. Par exemple, pour la
population des femmes en union, on a : celles qui utilisent la contraception
moderne et celles qui ne l'utilisent pas.
Bulle : C'est un ensemble d'items (ou de
questions) qui traduisent la même notion.
Opportunité: facteurs institutionnels ou structurels
qui influencent les chances d'un individu de
18 ACMS(2010)
réaliser un comportement promu (par exemple l'utilisation
de la contraception moderne)19.
Capacité : aptitudes et
compétences nécessaires à un individu pour réaliser
un comportement promu (ACMS, 2010).
Motivation : Stimulation/Désir à
accomplir un comportement promu (ACMS, 2010).
Population à risque : Population
exposée à un risque donné. C'est l'exemple des femmes en
union sexuellement actives, non enceintes, non stériles, non
ménopausées qui sont exposées à un risque de
grossesse.
Femmes exposées à un risque de
grossesse : D'après PSI, il s'agit des femmes sexuellement
actives, non enceintes, non stériles, non ménopausées.
RAIMI FASSASSI (2007) quant à lui pense que les femmes exposées
à un risque de grossesse sont celles sexuellement actives, non enceintes
et non ménopausées. LASBEUR (2007) pense de même et affirme
notamment que cette population est celle réellement concernée par
l'utilisation d'une méthode contraceptive moderne. Par ailleurs,
d'après l'enquête EDSIII (2004), l'union constitue un facteur
d'exposition à la grossesse chez les femmes au Cameroun.
Dans cette étude, nous allons travailler sur les
femmes en union sexuellement actives, non enceintes, non stériles et non
ménopausées.
Femmes en union : D'après
l'enquête EDSIII (2004), les femmes en union sont celles qui se sont
déclarées mariées ou vivant maritalement avec un
partenaire. Entrent donc dans cette catégorie, aussi bien les mariages
civils, religieux et coutumiers, que les unions libres.
Planification familiale : Ensemble des
moyens et méthodes qui permettent de conformer à la
volonté des parents le nombre et l'espacement des naissances dans une
famille20.