Conclusion Générale
L'inflation est un phénomène superlativement
notable qui touche les plans économiques, sociaux et politiques.
Définie comme la hausse durable et auto entretenue du niveau
général des prix, elle ne consiste pas en l'augmentation d'un
seul prix ou d'une seule catégorie de prix, c'est la hausse de la
moyenne de tous les prix qui se répète sur une période
prolongée. L'esquisse de l'histoire de ce phénomène
révèle une vulnérabilité aux changements politiques
et aux chocs économiques tels que les manipulations et les
émissions abusives de la monnaie, la récession économique
et les chocs pétroliers. Cette esquisse révèle, en fait,
la diversité des déterminants de l'inflation qu'on concorde en
trois grands groupes, à savoir, les déterminants d'ordre
monétaire, les déterminants d'ordre structurels et l'inflation
par la demande et l'inflation par les coûts.
L'idée sous-jacente est d'advenir les hausses des prix
du pétrole comme un déterminant contemporain, pénible et
tenant de l'inflation. Les canaux de transmission des hausses des prix du
pétrole aux composantes de l'inflation se résument, en
général, dans l'effet mécanique dit « effet de
premier tour » et l'effet de boucle prix salaire dit « effet de
second tour ». Selon le premier canal, la hausse des prix du
pétrole entraine automatiquement la hausse des prix des produits
énergétiques, surtout ceux qui sont très amont en
pétrole, et l'élévation indirecte des prix d'autres
produits via le renchérissement des coûts des consommations
intermédiaires en énergie. Cet effet touche les composantes les
plus volatiles de l'inflation, à savoir les prix des produits
énergétiques et alimentaires.
L'effet de second tour est celui du déclanchement de la
boucle prix-salaire, résultant essentiellement des comportements
conflictuels et rationnels des salariés et des employeurs, dans le
devoir du maintient du pouvoir d'achat et des marges de profits inertes de
toute dévalorisation invoquée par l'inflation.
Sous cet effet, l'inflation s'inscrit dans un
phénomène auto-entretenu, dans le quel l'indexation des salaires
sur les prix joue un rôle crucial. Cet effet s'interprète comme le
plus pervers parce qu'il touche l'essence de l'inflation, à savoir
l'inflation sous-jacente.
La comparaison des effets des deux premiers chocs
pétroliers avec celles des retombées des hausses historiques des
cours en 2008, montre que ces canaux de transmission jouent moins que par le
passée. L'amortissement de ces effets trouve son explication dans les
mutations qu'à connues la conjoncture économique du point de
vue
de la diminution de l'intensité
pétrolière de la croissance, l'explosion des
phénomènes de la libéralisation financière et de la
globalisation commerciale ainsi que le recyclage des revenues des pays de
l'OPEP. Néanmoins, l'enseignement tiré des réactions des
politiques monétaire de maintient des taux d'inflation bas et stable,
mis en oeuvre par l'Allemagne et la Suisse face aux deux premiers chocs
pétroliers, nous amène à conclure que la réaction
de l'inflation aux variations des prix pétroliers est
considérablement influencée par les politiques monétaires
mis en oeuvre.
Les commodités que garanties la politique de
stabilité des prix dans la préservation du pouvoir d'achat des
ménages et dans le maintient de la croissance économique et de
l'emploi, met cet objectif au devant de la scène parmi les
préoccupations des principales banques centrales.
Cependant, l'échec enregistré par les tentatives
de stabilisation des prix usées au cours des deux premiers chocs
pétroliers a basculé la plupart des pays, sous les
recommandations d'un nombre important d'économistes, vers le ciblage
crédible d'inflation. La performance de cette stratégie
réside dans les résultats affichés des variations des taux
d'inflation face aux évolutions récentes des cours
pétroliers. Ce succès s'explique par le fait que le maintient des
taux d'inflation bas et stables permet l'ancrage des anticipations des
salariés et des entrepreneurs vers une cible crédible, à
la quelle l'inflation fait retour après la hausse des prix
pétroliers. En effet, la crédibilité des autorités
monétaires incite les agents économiques à abandonner les
processus d'anticipations adaptatives, et à prendre comme
référence non plus l'inflation passée mais l'objectif
annuel affiché dans le budget de l'Etat, ce qui limite les
probabilités du déclanchement de la spirale prix-salaire et donc
amortir l'effet sur l'inflation sousjacente.
Néanmoins, l'efficacité de la politique de
ciblage d'inflation face aux chocs pétroliers n'entrave pas le
succès d'autres politiques monétaires dans d'autres pays. Ce fut
notamment le cas de la Tunisie qui oeuvre la politique de stabilité des
prix via le contrôle des agrégats monétaires, et qui a
réussi à amortir totalement les effets de second tour des
variations des prix pétroliers sur l'inflation, au cours de la
période 1990-2008.
Pour apprécier les effets de premier tour et du second
tour des variations des cours pétroliers sur l'inflation, pour le cas de
la Tunisie, nous nous somme basé sur une approche macro-sectorielle
selon la quelle l'effet passe par trois principaux canaux ; l'effet sur
l'inflation énergétique, l'effet sur l'inflation alimentaire et
l'effet sur l'inflation sous-jacente, qui représente la composante
durable et structurelle de l'inflation corrigée des influences
tendancielles et permanentes sur le cycle
économique, et qui peut être définie comme
étant l'indice des prix à la consommation hors énergie et
alimentation, perçus comme extrêmement volatils selon le rapport
du Fond Monétaire International sur l'économie tunisienne en
Octobre 2007.
Afin de mener une telle analyse, nous nous sommes basé
sur un modèle intitulé « Prévoir l'inflation en zone
euro : une approche macro-sectorielle » et proposée par Benjamin
Richard, William Roos dans les Documents de travail de la Direction
Générale du Trésor et de la Politique Economique (DGTPE),
Juin 2008.
Les résultats qu'affiche notre estimation au cours de
la période 1990-2008 sont en ligne avec la réalité.
L'effet d'une hausse de 10% des prix du pétrole se résume dans
les incidences des effets de premier tour qui induisent, au bout de deux
trimestres, une hausse de 3.02% de l'inflation énergétique.
L'inflation alimentaire réagit, à l'horizon du cinquième
trimestre qui suive la hausse, par une augmentation de 3.71%.
Cet effet n'est que transitoire dans la mesure de l'absence
des effets de second tour, qui peut être justifiée par la hauteur
du taux de chômage, qui touche la barre des 14,2%, ainsi que par la
politique de stabilité des prix mise en oeuvre par l'Etat.
Néanmoins, la désindexation des salaires sur les prix joue le
rôle d'une arme à double tranchant. D'une part, cette
stratégie peut aggraver l'état de la demande globale vu qu'elle
altère le pouvoir d'achat des ménages suite aux augmentations des
prix, induises par les effets de premier tour. Cependant, elle joue un
rôle crucial dans l'amortissement (l'annulation totale pour le cas de la
Tunisie) des effets pervers du second tour par le blocage des augmentations
compensatoires des salaires et le freinage des répercussions des hausses
des coûts par les entreprises. Ce paradoxe peut être la
résultante d'une stratégie qui attaque les effets au lieu de se
prémunir des causes.
Quelles sont, ainsi, les perspectives de la mise en oeuvre des
politiques d'économie d'énergie, parallèlement au concept
de l'efficacité économique ?
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