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FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES ET
POLITIQUES/
SOLVAY BRUSSELS SCHOOL OF ECONOMICS AND
MANAGEMENT
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TFE
Présenté en vue de l'obtention du Master
Complémentaire
de gestion technologique et industrielle
Le Green Business comme moteur du
développement en Afrique
Par Mathieu Studer
Directeur: Professeur Faska Khrouz Assesseur: Professeur Claudie
Vermast
Année académique 2009- 2010
< Pill~e et marginalisee, l'Afrique est invitee
par les maltres du monde a se penser
pauvre, a se comporter en region
pauvre. Les Etats du continent, surendettes et
interpelles par une demande
sociale forte, se voient contraints d'adopter et
d'appliquer des remedes
dont le coOt social et humain est exorbitant. Or l'Afrique est
la seule a
detenir les remedes a ses maux. Plus que de capitaux, de technologies
et
d'investisseurs strangers, elle a besoin de retrouver cette part
d'elle-meme qui lui a
ete derobee : son humanite. (
Aminata Traoré Le Viol de l'Imaginaire, Actes
Sud, Fayard, 2003.
< La maladie ne se guerit point en pronongant le
nom du medicament, mais en
prenant le medicament. (
Thomas Sankara
Je tiens tout d'abord à remercier le professeur
Monsieur Faska Khrouz qui m'a accordé sa confiance dans la mise en
oeuvre de ce sujet et pour m'avoir prodigué des conseils pratiques
importants.
Je tiens également à remercier toutes les personnes
qui de près ou de loin m'ont aidé dans la quête
d'informations, de compréhension et leurs relectures.
J'aimerais également remercier ma famille de Bruxelles
à Giseny et tout particulièrement mes parents pour m'avoir
donné le goût d'apprendre et m'avoir soutenu dans ces longues
années d'étude. Ma grand-mère Agnès qui m'a
donné le goût de l'Afrique et sans qui je n'aurais surement jamais
écrit ce travail.
J'aimerais remercier tout particulièrement Eliane
Chrysanthou qui pendant un an et demi a été ma principale source
de motivation et qui a dû supporter mes plaintes et mes doutes.
Je tiens également à remercier mes amis qui ont
toujours été là pour moi, qui m'ont aidé à
décompresser et qui ont toujours cru en moi.
1 Introduction 3
2 La situation économique de l'Afrique 5
2.1 L'exploration et la colonisation 5
2.2 La décolonisation 5
2.3 L'indépendance (le financement par la dette) 6
2.4 Les PAS (Plans d'Ajustement Structurel) 7
2.5 La situation actuelle 10
3 Les conditions macroéconomiques du développement
13
3.1 Cadrage et rappel 13
3.2 L'importance du rôle de l'Etat dans le
développement 13
3.2.1 La bonne gouvernance 14
3.3 Renationalisation des secteurs stratégiques 15
3.3.1 Le secteur des services publics 15
3.3.2 Les ressources stratégiques 16
3.4 Investissements de capitaux 16
3.4.1 Les différentes origines des capitaux 16
3.4.2 L'importance d'une réglementation financière
17
3.5 Le développement par le secteur industriel 18
3.5.1 Le protectionnisme des industries naissantes 18
3.5.2 L'importance de la recherche et du développement
19
3.5.3 Les exportations et les substituts aux importations 19
3.6 La diversification des clients 20
3.7 Le développement des infrastructures et des
techniques de communications 20
3.7.1 Le développement des infrastructures de transports
20
3.7.2 Le développement des infrastructures
énergétiques 20
3.7.3 Le développement des techniques de communications
21
4 Le Green Business 22
4.1 Définition 22
4.2 La préoccupation environnementale 22
4.3 Les conséquences du réchauffement en Afrique
23
4.4 Nouvelle ère d'industrialisation 24
4.4.1 Les différentes vagues d'industrialisation 24
4.4.2 L'industrialisation et le green business 25
4.5 Quelques exemples de green business 25
4.5.1 Le projet « Desertec » 25
4.5.2 L'île Maurice, comme précurseur en Afrique
26
4.6 L'importance du Green Business pour les populations locales
27
5 Le Green Business et le développement 29
5.1 Le rôle de l'Etat et le Green Business 29
5.1.1 Les lois imposées 29
5.1.2 Le choix des investissements 29
5.1.3 primes 29
5.2 Les secteurs stratégiques et le Green Business 30
5.3 Les capitaux privés et le Green Business 30
5.4 L'industrialisation et le Green Business 31
5.4.1 Le protectionnisme et le green business 31
5.4.2 La recherche et le green business 31
5.4.3 Les exportations, les substituts à l'importation et
le green business 32
5.5 La diversification des clients et le Green Business 32
5.6 Le développement des infrastructures et des techniques
de communication et le
Green Business 32
5.6.1 Le développement des infrastructures de transport
et le green business 32
5.6.2 Le développement des infrastructures
énergétiques et le green business 33
5.6.3 Le développement des techniques de communications
et le green business
33
5.7 Tableau récapitulatif 34
6 Conclusion 36
Bibliographie 38
Annexe 40
1 Introduction
La pauvreté, la famine ou bien encore l'accès
à l'éducation sont autant de maux que connaît le continent
africain. Beaucoup de moyens financiers, différentes méthodes ont
déjà été tentées pour aider, pour leur
permettre de se développer sans succès.
La nouvelle vague écologique et son business en expansion
pourrait-elle enfin permettre le développement de l'Afrique ?
Les problématiques du continent africain sont connues
depuis plusieurs dizaines d'années. Aujourd'hui, la situation ne s'est
toujours pas améliorée malgré des efforts et des moyens
importants.
Comment le continent africain en est arrivé à
une situation socio-économique aussi désastreuse ? Quelles sont
les conditions macroéconomiques du développement ? Entrons-nous
dans une nouvelle ère économique avec le green business ? Le
green business peut-il contribuer au développement ?, autant de
questions auxquelles nous tenterons de répondre au travers de ce
mémoire.
De prime à bord, il semble difficile de résumer
l'histoire de tout un continent ou de toute une région du monde sans
faire de distinction entre les différents pays qui le constitue.
Cependant, la situation politique et les choix macroéconomiques des
différents pays africains ont été assez similaires. De
plus, le président de la Commission de l'UA à récemment
dit : « Je reste, en effet, fondamentalement convaincu que
(l'Afrique) ne pourra résister aux défis de la
globalisation qu'unie et solidaire. »
Il semble important de préciser que la notion de
développement sous tend aussi celle du développement durable qui
comprend 3 dimensions :
- Dimension économique
- Dimension sociale
- Dimension environnementale
A l'heure actuelle, il paraît impensable de vouloir se
limiter à une seule de ces 3 dimensions, l'ensemble du travail tiendra
toujours compte ces différents aspects. Les dimensions économique
et environnementale sont au coeur de ce travail. La dimension sociale ne sera
pas développée outre mesure car il est difficile d'imaginer qu'un
pays « pauvre » puisse offrir des avantages sociaux sans assurer dans
un premier temps son développement économique.
Dans ce travail, nous commencerons par expliquer l'histoire
économique de l'Afrique afin de comprendre la situation actuelle.
Ensuite, les conditions macroéconomiques du
développement seront expliquées. Il est important de comprendre
les différents mécanismes qui influencent l'amélioration
du niveau de vie afin d'analyser si le green business peut avoir un rôle
dans ce domaine.
Par après, nous nous attarderons sur le green business
pour expliquer et tenter de comprendre l'étendue de cette nouvelle
économie.
Par la suite, nous analyserons dans quelles mesures le green
business peut influencer positivement sur le développement.
Finalement, la conclusion apportera des éléments de
réponses aux différentes questions posées.
2 La situation économique de
l'Afrique
La situation économique actuelle de l'Afrique
subsaharienne ne peut être comprise sans une analyse de son histoire et
plus particulièrement de ses caractéristiques
économiques.
2.1 L'exploration et la colonisation
Depuis le 15ème siècle, les portugais
longeaient les côtes du continent africain, essentiellement pour
contourner l'Afrique et ainsi trouver la route des Indes.
La traite des esclaves noirs vers l'Amérique du Nord a
commencé au 16ème jusqu'au 19ème
siècle. Au début, il s'agissait de comptoirs commerciaux
situés en bord de mer, la traite à l'intérieur des terres
était effectuée par des populations indigènes
attirées par l'appât du gain ou voulant juste se
débarrasser de leurs ennemis. Les conséquences de cette traite
dans l'histoire de l'Afrique sont importantes. L'historien Joseph Ki- Zerbo a
montré que l'Afrique avait atteint un haut niveau de
développement politique, social et culturel : « La traite des
Noirs fut le point de départ d'une décélération,
d'un piétinement, d'un arrêt de l'histoire africaine. Je ne dis
pas de l'histoire en Afrique, mais d'une inversion, d'un retournement de
l'histoire africaine. Si on ignore ce qui s'est passé au travers la
traite des Noirs, on ne comprend rien à l'Afrique ».[15]
A l'exception de la traite des Noirs, les peuples d'Afrique
vivaient de cueillette, de la chasse et d'agriculture. Les liens avec le reste
du monde étaient assez limités.
La colonisation, et son lot de violence, a commencé au
milieu du 19ème siècle. En 1885, sept pays
européens (l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, la France,
l'Italie et le Portugal) se partageaient et opéraient un
véritable pillage du continent africain. Après la défaite
allemande de la première guerre mondiale, l'ensemble des territoires
appartenant à l'Allemagne ont été redistribués aux
vainqueurs.
A part les exceptions du Liberia et de l'Ethiopie, dans les
années 30, l'ensemble du continent est entièrement
colonisé et spolié.
2.2 La décolonisation
Dès 1950, le début des mouvements de
décolonisation firent leur apparition en Afrique du nord. En 1957, le
Ghana devient le premier pays d'Afrique sub-saharienne à obtenir son
indépendance. Au début des années 1960, une grande partie
de l'Afrique est déjà décolonisée à
l'exception de certains pays comme la guinée équatoriale (1968)
et les différentes colonies portugaises (1973-1975).
Pendant les colonies, les postes principaux étaient
attribués aux européens. Peu d'usines
avaient
été implantées. La capacité et la diversité
de production étaient donc faibles.
« Quand avec Kwame
Nkrumah, Amilcar Cabral et les autres, nous nous battions pour
l'indépendance africaine, on nous répliquait
: «Vous ne pouvez même pas produire une aiguille,
comment-voulez-vous être indépendant ? » Parce que, pendant
cent ans de colonisation, on nous avait affecté à ce rôle
précis : ne pas produire même une aiguille, mais des
matières premières, c'est-à-dire dépouiller tout un
continent. » Citation de Joseph Ki-Zerbo. [15]
La bi polarisation du monde après la
2ème guerre mondiale (Est-Ouest) a poussé les
anciennes métropoles exclusivement occidentales, qu'elles aient
décidé d'accorder l'indépendance ou qu'elles en aient
été contraintes, à chercher un moyen pour conserver un
contrôle sur les anciennes colonies. Dans bien des cas, ils ont
placé des hommes de confiance au pouvoir qui leur permettaient de servir
leurs intérêts économiques et stratégiques.
L'exemple de la France et toute la région de la francafrique est assez
éloquent : le premier président de Côte-d'Ivoire, Felix
Houphouët-Boigny, est un ancien ministre du gouvernement français,
au Sénégal avec Léopold Sedar Senghor ou bien encore au
Gabon avec Léon M'Ba qui a été rétabli par
l'armée française lors du coup d'état de 1964.
En 1955, lors de la conférence de Bandung, des pays se
sont levés pour dépasser le clivage Est - Ouest et ainsi
crée un troisième monde1. Ces dirigeants
poussées par la liesse populaire avec de véritables
idéologies d'autonomie ont vu le jour en Egypte avec Gamal Abdel Nasser,
au Congo avec Patrice Lumumba, au Mali avec Modibo Keita, au Togo avec Sylvanus
Olympio, en Guinée avec Sékou Touré, au Ghana avec Kwame
Nkrumah, en Tanzanie avec Julius K. Nyerere ou bien encore en Zambie avec
Kenneth Kaunda. Les différents pays représentés lors de la
conférence de Bandung revendiquaient l'indépendance, le
non-alignement sur les deux blocs, la paix et surtout le « trade but
not help » prônant ainsi un commerce juste pour permettre de
financer le développement des pays à l'aide de sources propres et
indépendamment de l'influence de l'un des deux « blocs ». Ces
valeurs seront à nouveau utilisées dans le consensus de
Monterrey. Ces différentes tentatives, de courte durée, ont
connus des fortunes diverses. Les anciennes métropoles sont souvent
intervenues pour placer leur homme de confiance, comme au Congo avec
l'assassinat de Patrice Lumumba, comme au Mali avec le coup d'état de
1968 qui renverse Keita pour instaurer la dictature de Moussa Traoré.
De manière générale, on peut dire
qu'après les premières années euphoriques de
l'indépendance, très peu de pays sont réellement
souverains politiquement et indépendants à la fin des
années 1960.
2.3 L'indépendance (le financement par la
dette)
Les anciennes métropoles ont toujours voulu garder un
droit de regard politique et un contrôle stratégique sur les
anciennes colonies qu'il est possible d'obtenir en contrôlant seulement
l'économie et la finance des pays.
Entre 1960 et 1970, les anciennes métropoles deviennent
donc les créanciers des anciennes colonies et continuent donc à
avoir la main mise sur les différents pays. Trois types de
prêteurs différents existaient : les pays riches, les banques
occidentales et les institutions internationales.
1 La volonté de créer un
troisième monde est à l'origine de la dénomination
actuelle de pays du Tiers-Monde
Les prêts accordés par les pays du Nord sont
accordés dans la devise du pays créancier. Les taux variables,
indexés sur les taux pratiqués aux Etats-Unis, étaient
très faible souvent même en dessous du taux d'inflation, il
était dès lors très tentant de contracter des
prêts.
L'argent de ces prêts a été essentiellement
utilisé à mauvais escient et de trois manières
différentes :
Premièrement, la corruption importante des dirigeants
régnait en Afrique avec l'aval des prêteurs. On oublie bien
souvent que pour que la corruption existe, il faut d'une part un corrompu et
corrupteur. Le corrupteur dans ce cas-ci était les prêteurs
eux-mêmes. Cette corruption leur permettait de garder leurs hommes de
main au pouvoir des différents pays et donc de continuer à
exploiter les richesses de ces pays.
Le meilleur exemple reste sans aucun doute le président
du Zaïre. Dans le rapport établi par Erwin Blumenthal en 1979,
représentant du FMI placé à la Banque centrale du
Zaïre, il y dénonce la corruption du régime, la nature des
corrupteurs et même les noms de certaines firmes étrangères
en avertissant la communauté financière internationale.
Malgré cela, les prêts ont continué à être
consentis à cet état sans la moindre sanction et approuvant ainsi
la politique mise en place dans le pays.
Deuxièmement, les prêts ont
généralement financés des mégas-projets
énergétiques ou d'infrastructures (barrages, centrales, lignes
à haute tension, oléoducs,...). Ces projets, surnommés les
« éléphants blancs » étaient souvent
inadaptés au besoin de la population locale, ils ont en
réalité servi à faciliter l'extraction et le transport des
richesses naturelles.
Troisièmement, les prêts accordés par les
pays riches servaient essentiellement à l'achat de matériel
provenant exclusivement du pays prêteur. Les états ne pouvaient ni
gérer le portefeuille, ni acheter aux autres pays proposant les produits
à meilleur prix : l'argent ne faisait que transiter. Il s'agissait en
fait, d'une aide à la production locale du pays riche afin de stimuler
leur propre économie.
2.4 Les PAS (Plans d'Ajustement Structurel)
Le premier choc pétrolier plonge les Etats-Unis dans la
crise. Pour remédier à ce problème, Le président
Carter, dans un premier temps et le président Reagan par la suite,
cherche à attirer des nouveaux capitaux internationaux pour relancer
l'économie. Pour attirer les capitaux, il faut être attractif en
leur proposant un taux d'intérêt élevé.
Les taux d'intérêts des prêts
accordés aux pays africains vont donc augmenter considérablement
du jour au lendemain, il passe de -1.3% en 1975 à 1.4% en 1979 puis 8.6%
en 1981 [16]. Les nouveaux prêts contractés le sont avec le
nouveau taux et coutent donc très chers. De plus, les investisseurs
privés quittent l'Afrique au profit des EtatsUnis qui ont un besoin
important de capitaux qu'ils rémunèrent très
généreusement et avec un risque moindre.
Au début des années 1980, les premiers pays en
défaut de paiement commencent à voir le
jour. Si l'ensemble
des pays endettés avaient arrêtés de payer leurs dettes,
l'ensemble du
système économique mondial, ce serait
effondré. Les banques avaient prêtés des sommes
considérables aux pays en voie de développement, sans ces
remboursements, les banques n'auraient plus pu assurer leur rôle au sein
de l'économie occidentale.
Pour que les pays africains puissent continuer à
rembourser, le FMI et la banque mondiale leur accordent des prêts
à condition d'appliquer les PAS (Plan d'Ajustement Structurel).
Certes certains dirigeants se sont opposés à ces
mesures, dont Thomas Sankara, président du Burkina Faso, qui a tenu un
discours très éloquent à ce sujet [voir Annexe 1].
D'autres dirigeants ont prônés des projets d'inspiration
socialiste dans leur campagne mais, une fois élu, ils se sont totalement
intégrés à la logique néolibérale des PAS.
Par exemple, au Mozambique, arrivé au pouvoir en 1986, Joacquim
Chissano, leadeur du front de libération du Mozambique, opte dès
1987 pour le libéralisme. Deux ans après, le parti abandonne
toutes les références au marxisme-léninisme.
La stratégie radicale des PAS consiste à prendre
des mesures immédiates qui permettent d'attirer des capitaux
étrangers, de trouver des ressources pour le remboursement de la dette
et enfin de limiter les dépenses. L'application des PAS devait,
d'après la Banque mondiale et le FMI permettre de rembourser la dette et
de réduire la pauvreté dans les pays en voie de
développement. Cependant entre 1981 et 2003, la population pauvre,
vivant en dessous du seuil de pauvreté de 1$ par jour à doubler
dans les pays où les PAS ont été appliqués, passant
de 164 millions à 314 millions [15].
Les principales mesures de ce plan sont les suivantes :
1) L'austérité budgétaire
:
Les bailleurs de fonds ont imposé aux états de
limiter de manière drastique leurs dépenses. Ces restrictions
budgétaires ont été opérées dans les
secteurs suivants :
- Suppressions des subventions aux produits de base :
En supprimant l'aide au carburant et aux produits de
premières nécessités, les prix ont augmenté pour
couvrir les coûts que les subsides n'assuraient plus. Les salaires de la
population n'augmentaient pas et il devenait donc de plus en plus difficile
d'acheter des produits de base. La suppression des subsides a également
permis aux pays occidentaux d'être plus compétitifs sur le prix de
ces produits car eux ont maintenu leurs aides. Les exportations des
denrées alimentaires ont diminué et les importations ont quant
à elles augmentées.
- Réduction des budgets sociaux et d'éducation :
Les soins de santé deviennent de plus en plus chers et
inaccessibles pour la majorité des personnes. Les états
licencient du personnel médical qu'ils n'arrivent plus à payer ou
limitent, réduisent les salaires.
L'éducation est limitée à l'enseignement
primaire quand les enfants peuvent se rendre à l'école or elle
possède un rôle prépondérant dans le
développement.
- Investissement limité dans les infrastructures :
De bonnes infrastructures permettent d'exporter les richesses,
les produits à
un prix compétitif. En limitant les
investissements dans ce domaine,
l'Afrique n'a fait qu'accroître son retard dans le
développement. La situation est assez catastrophique. En moyenne,
l'Afrique possède 4km de route pour 100 km2 de superficie.
Cela va de 0.02 km pour l'Ethiopie à 80 km pour l'île Maurice (le
seul pays d'Afrique à posséder plus de 10 km de route pour 100
km2) [15]. A titre d'exemple, la densité des routes aux
Etats-Unis est de 15 km/100km2 et en France elle est de 177
km/100km2.
2) Le tout à l'exportation
Les prêts contractés par les pays africains
étaient en devises étrangères. Pour les rembourser, il
fallait donc amasser des devises et la meilleure solution était
l'exportation. Les pays africains, sous l'impulsion des bailleurs de fond, se
sont donc concentrés sur l'exportation de matières
premières ou agricoles. En peu de temps, les volumes d'exportation de
matières premières et agricoles ont augmenté. Comme la
demande ne suivait pas, le cours des prix des produits a fortement
chuté. Les pays devaient exporter beaucoup plus pour les mêmes
revenus que précédemment. De plus, la spécialisation des
exportations (1 produit représente 60% des exportations de 20 pays
africains, 3 produits représentent 80% des exportations pour 31 pays
africains, ce chiffre monte à 95% pour 19 pays africains), montre la
forte dépendance et leur sensibilité aux variations des cours de
ce produits établi dans des places financières dans les ays
riches.
L'ensemble des mesures imposées par la Banque mondiale
et le FMI pour l'obtention des prêts se retrouvent dans les 10
commandements du « Consensus de Washington »1 qui est un
résumé des PAS fait par John Williamson, ex-économiste en
chef de la banque mondiale.
1. Austérité budgétaire : réduction
des dépenses publiques
2. Réforme fiscale : élargissement de l'assiette
fiscale, diminution des taux élevés et
généralisation de la TVA
3. Politique monétaire orthodoxe : politique de taux
d'intérêt réels positifs
4. Taux de change compétitifs : dévaluations
monétaires
5. Libéralisation : réduction des barrières
commerciales et libéralisation des comptes de capital
6. Compétitivité : attraction des investissements
directs étrangers (IDE) en leur garantissant une égalité
des droits avec les investissements domestiques
7. Privatisation : vente des actifs de l'Etat au secteur
privé
8. Réduction des subventions : élimination
progressive des subventions agricoles et à la consommation et
libéralisation des prix
9. Déréglementation : élimination des
règles freinant l'initiative économique et la libre
concurrence
10. Droits de propriété : renforcement des droits
de propriété et de la garantie juridique des investissements
privés
1 Le nom « Consenus de Washingthon »
s'explique par la présence des deux bailleurs de fonds, la Banque
Mondiale et le FMI dans la ville de Washington
2.5 La situation actuelle
Fin des années 90, les PAS ont été
supprimés et remplacés par les DSRP (Documents
Stratégiques pour la Réduction de la Pauvreté). Ces
documents doivent être réalisés par les états
eux-mêmes avant d'être approuvés par les bailleurs de fond
afin de responsabiliser davantage les états. Cependant, des limites
importantes sont imposées aux Etats, comme les négociations sur
le cadrage macroéconomique comme le dit Joseph Stiglitz, ancien
économiste en chef à la BM : « Le malaise monte dans les
pays en développement vis-à-vis des nouveaux plans qui
comprennent des évaluations participatives de la pauvreté, car
les participants s'entendent dire que les choses sérieuses, tel le cadre
macroéconomique, sont hors du champ de la discussion »
[20].
Cette conditionnalité limite donc les marges de
manoeuvres des pays ce qui alourdit lourdement la charge administrative.
Cependant, ces nouvelles mesures ont jeté les bases du consensus de
Monterrey dont voici les principaux points, ils doivent permettre d'atteindre
les 8 objectifs du millénaire :
1. Mobiliser des ressources financières nationales au
service du développement
2. Mobiliser les ressources internationales au service du
développement : investissements directs étrangers et autres flux
financiers privés
3. Utiliser le commerce international comme moteur de la
croissance et du développement
4. Renforcer la coopération financière et
technique internationale pour le développement
5. Lutter contre la dette extérieure
6. Règlementer les problèmes systémiques :
renforcement de la cohérence des systèmes monétaires,
financiers et commerciaux internationaux d'appui au développement
Actuellement, l'Afrique est composée de 53 pays dont 48
pour l'Afrique subsaharienne. L'ensemble des PIB de l'Afrique subsaharienne
équivaut à celui des Pays-Bas. Cette région
représente 12% de la population mondiale pour 1,5% du PNB mondial. Les
exportations représentent 1,3% des valeurs des exportations mondiales et
moins de 1% de la valeur ajoutée mondiale [8]. L'analyse de
l'état économique de l'Afrique doit être
complétée par l'étude de différents indicateurs.
Le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant :
Le pays africain qui possède le PIB par habitant le
plus important est la Guinée équatoriale avec 29 000 $/
habitant/an à l'inverse, le Zimbabwe possède lui un PIB par
habitant de 200 $/habitant/an. A titre de comparaison, le Lichtenstein
possède lui le PIB le plus élevé avec 118 000
$/habitant/an, la Belgique 36 200 dollars/habitant/an et les EtatsUnis, 46 300
$/habitant/an.
Figure 2.1 : Valeur du PIB par habitant en 2009 [11]
L'IDH (Indice du Développement Humain) [
www.pnud.org] :
L'IDH est un indicateur compris entre 0 (exécrable) et
1 (excellent) qui résulte de la moyenne de trois indices,
l'espérance de vie à la naissance, le taux
d'alphabétisation et le logarithme du produit intérieur brut par
habitant en parité du pouvoir d'achat. Cet indice permet d'estimer la
qualité de vie au sein des différents pays.
A l'exception faite de l'île Maurice qui possède
un IDH élevé, tous les pays d'Afrique subsaharienne
possèdent un IDH moyen et souvent faible, 31 des 33 dernières
places sont occupés par des pays africains sur un total de 182 pays,
l'Afghanistan et le Timor-Leste sont les deux autres pays qui terminent ce
classement.
Figure 2.2 : Indice du développement humain [17]
Pauvreté (Pourcentage de la population vivant en
dessous du seuil de pauvreté) :
Le seuil de pauvreté est établi à 1$ par
jour. Nous remarquons qu'une grande partie du continent africain et plus
particulièrement l'Afrique subsaharienne est touché par cette
estimation.
Figure 2.3 : Indice de pauvreté [11]
Conclusion
Comme on a pu le voir, la situation actuelle économique
et sociale de l'Afrique est assez inquiétante et cela malgré les
différentes aides, politiques et autres plans mis en place : la
situation s'est empirée depuis l'indépendance. L'esclavage et les
colonies ensuite ont été les premières étapes de la
soumission économique de l'Afrique. La période de
l'indépendance a été nourrie d'espoir de courte
durée. Les anciennes métropoles ont placé des hommes de
main au pouvoir pour s'assurer le contrôle économique des pays et
leurs ont prêté de l'argent. Ces prêts ont servi à
l'enrichissement des dirigeants et à la réalisation de grands
projets d'infrastructure pour pouvoir extraire plus facilement les richesses
minières. Quand les pays n'ont plus pu rembourser, les bailleurs de
fonds sont arrivés avec leur théorie. Ces plans qui devaient
permettre d'aider les pays à vaincre la pauvreté a en
réalité permis d'accroitre la dépendance des pays
africains aux pays occidentaux. Encore aujourd'hui, des plans existent qui
limitent les possibilités d'action de ces pays et les soumettent encore
aux puissances occidentales. Seule une révision et une rupture des
politiques macroéconomiques des pays africains, à l'instar des
choix opérés dans certains pays d'Asie depuis une vingtaine
d'années pourraient aider au développement de l'Afrique.
|
3 Les conditions macroéconomiques
du développement
3.1 Cadrage et rappel
Plusieurs théories et plans économiques
concernant le développement ont existés et certains ont
même déjà été appliqués avec plus ou
moins de réussite. Le chapitre précédent a montré
que certaines théories n'étaient pas adaptées pour le
développement des pays africains. Avant de s'intéresser au green
business, il semble important d'étudier quelles sont les conditions
macroéconomiques du développement, en se basant à la fois
sur des concepts théoriques et aussi des exemples réels qui ont
eu lieu dans plusieurs états d'Asie dont notamment la Corée du
Sud.
Seules les conditions macroéconomiques dont les
états ont l'entière responsabilité seront
développées. Les problématiques concernant la dette
extérieure ou bien la structure des institutions internationales et
leurs règles de gouvernance ne seront pas développées
ici.
L'ensemble des théories économiques
keynésiennes s'appuient sur la formule suivante :
Y = Cp + I + G + Xbs - Xk - Mbs + Mk (3.1)
Y =
Cp =
I = G = Xbs = Xm = Mbs = Mk =
Revenus (dépend de la politique fiscale) Consommation
Investissement
Dépense de l'Etat
Exportation de biens et services Exportation de capitaux
Importation de biens et service Importation de capitaux
Le développement comprend plusieurs dimensions :
économique, sociale et environnementale. La question environnementale
est omniprésente dans le sujet du travail, elle ne sera donc pas
détaillée dans ce chapitre, tout comme la dimension sociale. La
politique sociale ne pourra s'opérer qu'après avoir atteint un
certain niveau de développement économique, de plus la
théorie du ruissellement au sein d'un même pays peut permettre
également un développement social.
3.2 L'importance du rôle de l'Etat dans le
développement
Les différents plans mis en place par le passé
(PAS) ont placé l'Etat dans un rôle de
simple spectateur du
développement. Celui-ci, à cause des conditionnalités, n'a
plus été
en mesure d'assurer les devoirs et les tâches
qui sont les siennes. Le développement ne se
limite pas aux seuls critères économiques, mais
inclus également des aspects sociaux, de santé et
d'éducation. Ces différents domaines ont été
délaissés par l'Etat, à cause de l'austérité
budgétaire prôné par les bailleurs de fond.
L'Etat joue un rôle important au niveau des revenus d'un
pays car ses investissements permettent d'augmenter directement les revenus de
ses habitants (voir formule 3.1). Lors de la récente crise de 2008, dans
les pays les plus libéralisées, l'Etat est intervenu afin de
« relancer », de « stimuler » l'économie. En
d'autres termes, il a investi pour permettre un développement ou
plutôt le redéveloppement économique de la nation. Il
serait dès lors indispensable que les pays en voie de
développement, contrairement à ce qui a été
prôné dans les différents plans, puissent choisir et
déterminer eux-mêmes les politiques macroéconomiques. Ceci
confirme le discours de J. Stiglitz lors d'une conférence à Tunis
en janvier 2010, « une des grandes leçons de la crise
financière est que l'Etat a un rôle crucial à jouer dans le
développement économique».[1]
Les plans ont également conduit à la suppression
des différents subsides accordés aux matières de
premières nécessités et aux secteurs primaires (voir
paragraphe 2.4). Cependant, dans tous les pays industrialisés, les
subsides existent pour l'agriculture. Cette disparité crée des
situations paradoxales comme la crise du poulet : les aides accordées
par les pays occidentaux à l'agriculture permettaient de vendre les
parties dont les occidentaux ne voulaient pas (croupions, ailes, ....) à
des prix défiants la concurrence locale. A noter qu'à cause des
mauvaises installations des chaînes de froid, la viande était
porteuse d'énormément de bactéries [12].
Pour rappel, il est du rôle de l'Etat d'intervenir et de
prendre les mesures nécessaires pour le développement de son pays
(Voir ci-dessous), les plus importantes seront détaillées dans
les paragraphes suivants. Il serait illusoire de croire que la seule logique du
marché puisse assurer les besoins essentiels. Plus de 2.8 milliards de
personnes vivent en dessous de 2$ par jour dans le monde [22] et ne disposent
donc pas d'un pouvoir d'achat suffisant pour être attractif pour le
marché.
L'Article 8 section 1 de la Déclaration sur le droit au
développement6 adoptée par l'Assemblée
générale dans sa résolution 41/128 du 4 décembre
1986 :
« Les Etats doivent prendre, sur le plan national,
toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du droit au
développement et ils doivent assurer notamment l'égalité
des chances de tous dans l'accès aux ressources de base, à
l'éducation, aux services de santé, à l'alimentation, au
logement, à l'emploi et à une répartition équitable
du revenu. Des mesures efficaces doivent être prises pour assurer une
participation active des femmes au processus de développement. Il faut
procéder à des réformes économiques et sociales
appropriées en vue d'éliminer toutes les injustices sociales.
» [22].
3.2.1 La bonne gouvernance
La stabilité politique des Etats est également
un élément important dans le développement. Les
investisseurs étrangers riches en capitaux préfèrent
investir dans des pays rentables, ce qui dépend de la stabilité
du pays. La stabilité politique ne rime pas nécessairement avec
démocratie. Le passé nous a déjà montré que
l'émergence de plusieurs pays d'Asie s'est fait avec des régimes
non-démocratiques, voir autoritaires mais qui restait stable dans la
durée.
L'importance est d'avoir un cadre légal bien
défini et transparent. Le problème souvent pointé du doigt
en Afrique reste la corruption. Celle-ci est rendue possible à cause du
flou qui règne dans la législation et dans l'absence de
séparation claire entre les pouvoirs et un manque de transparence et de
communication sur les lois.
3.3 Renationalisation des secteurs
stratégiques
Les PAS (voir paragraphe 2.4) ont prôné une
libéralisation d'une majorité d'entreprises détenues par
les Etats, cependant ces derniers possèdent le droit de renationaliser
différents secteurs (voir ci-dessous). Il est dans leur
intérêt d'utiliser ce droit en renationalisant totalement ou en
partie les différents secteurs stratégiques.
Article 2/2. « Chaque Etat a le droit de
nationaliser, d'exproprier, ou de transférer la propriété
des biens étrangers, auquel cas il devrait verser une indemnité
adéquate, compte tenu de ses lois et règlements et de toutes les
circonstances qu'il juge pertinentes. Dans tous les cas où la question
de l'indemnisation donne lieu à différend, celui-ci sera
réglé conformément à la législation interne
de l'Etat qui prend des mesures de nationalisation et par les tribunaux de cet
Etat... »
ONU, Charte des droits et devoirs économiques des Etats,
1974 [22].
Deux types de secteurs différents existent, le premier
touche l'ensemble des services « publics » de l'Etat (Transport et
livraison d'eau,...), le deuxième comprend les secteurs pourvoyeur de
richesse propre à un état (Ressources pétrolières,
minières,...).
3.3.1 Le secteur des services publics
L'ensemble des services publics se divisent en trois types
différents :
- Le service marchand de réseaux (transport, distribution
d'énergie, acheminement de l'eau,...)
- Le service marchand (éducation, soins de
santé)
- L'ensemble des services de sécurité sociale
(pensions,...)
La logique à laquelle obéissent les services
publics est particulière car ils ne recherchent pas une
rentabilité financière à tout prix. Ils doivent
répondre aux besoins des populations même si les projets ne sont
pas rentables et indépendamment du pouvoir d'achat des gens à qui
ils sont destinés. Les tarifs en vigueur sont généralement
en désharmonie avec la réalité du coût. Par exemple,
les prix par litre d'eau sont les mêmes que l'eau proviennent d'une
source à 500m ou à 100 km. En privatisant ces services, les
autorités ont rétabli ce lien entre le coût et les tarifs.
Le secteur privé cherche à faire du profit et n'investira pas
dans des projets qui ne lui offriront pas une rentabilité
nécessaire tandis que le secteur public doit quant à lui
répondre à des besoins sociaux.
Dans une logique de développement, l'offre des services
publics de base aux populations est indispensable. L'Etat doit s'assurer que
l'accès à ces services se fasse à un prix raisonnable. Si
ces secteurs sont aux mains de sociétés privées, elle doit
imposer le respect de leurs engagements ou les renationaliser.
Récemment, au Gabon, le président a obligé la
Société d'énergie et d'eau du Gabon (SEEG), filiale du
groupe français Veolia d'assurer
correctement les livraisons et l'approvisionnement en eau de
plusieurs quartiers de la capitale, Libreville sous peine de rompre leur
contrat et de renationaliser la société [12].
3.3.2 Les ressources stratégiques
La renationalisation partielle des secteurs
stratégiques pourvoyeur de richesse est indispensable pour le
développement économique d'un pays. Ces secteurs permettent une
rentrée importante de capitaux qui peuvent être
réinjectés dans des projets de développement. Une
renationalisation totale des secteurs est déconseillée. Au
Venezuela, par exemple, le président n'a nationalisé qu'une
partie des secteurs pour assurer le contrôle de la société
mais également profiter de l'expérience et du savoir-faire des
professionnels du domaine que sont les grandes multinationales du
pétrole. Il en retire donc plusieurs avantages : une extraction
très rentable, une diffusion de la connaissance à des
ingénieurs locaux, un retour en capital non négligeable. De
même, la renationalisation permet de réglementer à nouveau
le secteur et assurer des salaires plus décents car la quête de
profit de l'Etat est différente que celle d'une société
entièrement privée. Cette situation est analogue au
période de crise : nous avons vu ces dernières années les
Etats occidentaux réinvestir massivement dans les secteurs
stratégiques de leurs économies (Banques, Assurances,...) pour
assurer un contrôle et tenter de réglementer à nouveau ce
secteur.
La libéralisation a montré ces limites par le
passé. L'exemple de l'Argentine est assez parlant, le pays avait
été au-delà des programmes de libéralisation et
tous les secteurs publics pourvoyeurs de richesse appartenaient aux secteurs
privés. L'Etat ne possédait dès lors plus aucune
rentrée et le pays a été mis en faillite. Le processus de
libéralisation possède une limite : que se passe-t-il quand tout
est libéralisé ? Il est à préciser que seuls les
secteurs les plus rentables sont libéralisés.
3.4 Investissements de capitaux
L'Etat ne peut pas à lui seul fournir le besoin en
capitaux nécessaire pour le développement, un apport doit venir
du secteur privé. Il s'agit du terme I dans la formule (3.1). L'origine
et la qualité de ces investissements sont importantes pour assurer un
développement durable comme en témoigne la crise asiatique : une
partie importante des investissements en capitaux dans les pays asiatiques
provenait de pays occidentaux qui ont profité de la demande de l'OMC et
du FMI de déréglementer les marchés financier.
L'éclatement de la bulle financière en Thaïlande en 1997, a
fait craindre le pire aux investisseurs qui ont retiré leurs
épargnes subitement. Cette diminution de capitaux a fait chuter les
revenus de ces pays. Seuls la Chine et la Malaisie ont été
épargnés, la première car elle n'avait pas aboli les
contrôles de mouvements de capitaux, la deuxième parce qu'elle
avait rétabli un système de contrôle des capitaux
dès le début de la crise.
3.4.1 Les différentes origines des capitaux
L'origine de ces ressources peut être classée en
deux catégories. Les ressources nationales exceptées celles de
l'Etat et les ressources internationales. Les revenus engendrés par le
commerce seront traités dans un chapitre à part.
- Les ressources nationales :
Les banques nationales restent un instrument important dans le
développement. Elles permettent l'octroi de prêts pour la
réalisation de projet. Cependant, en Afrique, vu les faibles revenus de
la population et le très faible taux d'épargnants (seuls 20% des
africains possèdent un compte en banque [12]), les banques ne disposent
pas de moyens importants pour aider à la réalisation de
projet.
Les taux d'intérêt proposés par les
banques africaines sont très faibles, ce qui pousse les riches et les
sociétés implantées en Afrique à déposer
massivement leurs revenus à l'extérieur du continent, laissant
s'échapper une part importante de capitaux.
- Les ressources étrangères :
Les ressources étrangères se divisent en trois
parties distinctes : les entreprises privées, l'aide au
développement et la diaspora.
- Les entreprises privés qui investissent pour la
création d'usine ou l'acquisition de sociétés locales.
- L'aide au développement qui est l'ensemble des dons
accordés par les pays développés à ceux du
Tiers-Monde. Cet argent doit permettre la réalisation de projet de
taille considérable. Par le passé, cet argent a souvent
été utilisé à mauvais escient (voir paragraphe
2.3). Les montants de l'aide au développement ont atteint la somme de
105 milliards de dollar en 2006 [19]. Ces chiffres doivent être
légèrement tempérés car ils comprennent les
allégements de dette de l'Irak et du Nigeria.
- La diaspora, appelée parfois la
6ème sous région d'Afrique, joue un rôle
important. Les personnes d'origine africaine envoient des sommes d'argent aux
membres de leurs familles ou les destinent au financement de projets locaux
(constructions de maisons, d'entreprises,...). Les montants envoyés
représentent plus de 220 milliards de dollar, ce qui constitue,
aujourd'hui, plus de deux fois les montants de l'aide au développement
[19].
3.4.2 L'importance d'une réglementation
financière
Les origines diverses des capitaux peuvent laisser penser que
les pays du Tiers-Monde possèderaient suffisamment de ressources pour
financer leurs projets de développement. Cependant, après une
analyse des flux de capitaux, on constate que pour l'ensemble des pays en voie
de développement, la somme des flux entrants (Aide au
développement, Investissements privés, Diaspora)
représentent 857 milliards de dollar. La somme des flux sortant (Dettes,
Fuites de capitaux, Fraude fiscale des entreprises étrangères)
vaut 1 205 milliards de dollar. Il ressort clairement que les pays du
Tiers-Monde financent les pays développés. La majeure partie des
flux sortants proviennent des fuites de capitaux : l'argent des riches ou des
entreprises implantés en Afrique qui est placé dans les banques
du Nord. Ces capitaux seraient précieux pour le développement.
Le secteur financier est surement le domaine où la
libéralisation a été la plus efficace. En effet, la
liberté des mouvements de capitaux permet de transférer sans
problème des montants considérables et cela à tout
moment.
La mise en place d'un système de contrôle
permettrait aux pays du Tiers-Monde de mieux
contrôler les flux
sortants, de profiter de l'argent généré par leurs pays et
de leurs propres
richesses. Le Venezuela par exemple, a mis en place un
système de taux de change de la monnaie afin de contrôler la fuite
des capitaux.
|
Global ODA : Aide public au développement
FDI : Investissement direct étranger
|
Figure 3.1 : Flux de capitaux entre le Nord et le Sud [19]
|
|
3.5 Le développement par le secteur
industriel
Les pays africains sont caractérisés par une
économie de rente. L'essentiel des revenus provient de richesses
fournies par la terre (agriculture, élevage, minerais,
hydrocarbure,...). Ces ressources sont tributaires du climat (effet d'une
sècheresse sur les récoltes,...) ou bien des réserves de
ces pays (réserve en pétrole), il ne s'agit donc pas de revenus
stable et durable. De plus, l'ensemble des matières premières
possèdent des cours assez volatiles qui ont une influence directe sur
les revenus d'un pays.
Le passage à l'industrie légère et lourde
permet par le biais des exportations d'augmenter les revenus des pays en voie
de développement. La Corée du Sud, par exemple a petit à
petit et avec l'aide de l'Etat investit dans les industries au lieu d'octroyer
continuellement des subsides aux plantations de riz. Grâce à ce
choix, la Corée du Sud n'est plus un pays en voie de
développement, et est active dans des secteurs industriels de premiers
plans (automobiles, électroménager,...) et récemment dans
l'aéronautique.
3.5.1 Le protectionnisme des industries naissantes
La réussite de l'industrialisation de la Corée
du Sud s'explique en grande partie par la mise en place par l'Etat de
barrières protectionnistes sur les industries naissantes. L'idée
est que l'avantage comparatif potentiel manufacturier que possède les
pays en voie de développement ne serait pas suffisant pour faire face
à la concurrence des industries, plus anciennes et mieux
implantées des pays développés. Le temps que les
industries puissent prendre pied dans leurs différents secteurs et
qu'elles deviennent suffisamment compétitives, les Etats prennent des
protections commerciales. Historiquement,
l'ensemble des pays développés ont commencé
leurs industrialisations par des mesures protectionnistes.
Ces mesures ne seront néanmoins efficaces que si elles
parviennent à renforcer la compétitivité. Il s'agit
généralement de développer aujourd'hui des industries qui
auront un avantage comparatif dans le futur. La réussite du
développement d'industries lourdes, intensive en capital comme
l'automobile pour la Corée du Sud n'est possible qu'à la suite
d'un processus continu d'accumulation d'expériences et de
connaissances.
Dans le cas des imperfections de marché, ce qui est
généralement le cas, ces mesures protectionnistes se justifient
davantage. L'imperfection des systèmes financiers, l'absence de banques
performantes dans les pays en voie de développements poussent les
industries à autofinancer leurs croissances, ce qui souvent les
restreint. La solution la plus approprié serait de développer un
secteur financier fort, mais il s'agit d'un processus fort long. Dans ce cas,
la protection des industries naissantes semblent être une bonne
alternative.
Les industries pionnières dans un secteur
génèrent des bénéfices sociaux qui ne sont pas
rémunérés : la formation du personnel, la création
d'infrastructures spécifiques, les campagnes de publicités visant
à changer le comportement des consommateurs,.... Par la suite, les
nouvelles entreprises entrant dans ce secteur bénéficient d'un
savoir, d'un environnement sans avoir à rétribuer l'entreprise
pionnière. L'Etat pourrait donc intervenir pour subventionner ces
investissements ou utiliser les mesures protectionnistes des industries
naissantes.
3.5.2 L'importance de la recherche et du
développement
Le processus d'industrialisation est long. Il est donc
important de miser sur des technologies, sur des secteurs d'avenir. La
connaissance actuelle dans ces domaines d'avenir n'est donc pas totalement
maîtrisée. L'industrialisation d'un pays doit se faire en
étroite collaboration avec la recherche et le développement.
L'Etat doit pouvoir financer ces secteurs qui permettront des retombées
économiques importantes. Pour qu'une entreprise puisse atteindre des
sommets en termes de stratégie et y rester, l'innovation est un facteur
important.
3.5.3 Les exportations et les substituts aux
importations
Deux termes de la formule (3.1) n'ont pas encore
développés : les exportations et les importations de biens et
services (Xbs et Mbs). D'après les théories économiques,
on constate clairement que l'augmentation des exportations de biens et
services, entraine une augmentation des revenus. De même, une diminution
des importations engendrent une augmentation des revenus.
Le principe consiste à offrir des biens locaux au lieu
de les importer. Chaque pays ne peut pas tout produire, il est toutefois
possible de substituer certains biens à d'autres. Il s'agit de stimuler
la demande des industries locales. Ainsi, l'argent reste au sein même du
pays et il y a donc une augmentation de revenus. Cependant, il est impossible
pour les entreprises d'écouler l'ensemble de leur production au niveau
local, elles doivent donc exporter ces biens. Il s'agit d'une forme de
protectionnisme car pour éviter ou limiter les importations de biens, il
faut appliquer une taxe plus importante sur les biens concernés.
3.6 La diversification des clients
L'émergence de nouveaux pays peut être
bénéfique pour les pays du Tiers-Monde. En effet, il sera
possible d'exporter en plus grande quantité des biens et services. La
multitude des acheteurs permettra de ne plus subir les impositions de prix de
l'occident. Si la demande augmente et que l'offre reste la même, les prix
vont augmenter.
Depuis quelques années déjà, la Chine
s'est implantée en Afrique pour y extraire des minerais
nécessaire à son expansion. Les montants proposés par les
chinois sont plus intéressants que les autres sans exiger de
conditionnalités particulières.
Cette concurrence débouche parfois sur des crises.
Récemment au Congo, la Chine a proposé un prêt de 9
milliards de dollar pour l'aider dans différents domaine. Au même
moment, le FMI a quant à lui proposer une réduction de dette pour
ne pas accepter le prêt chinois.
3.7 Le développement des infrastructures et des
techniques de communications
3.7.1 Le développement des infrastructures de
transports
Le développement des infrastructures de transport joue
un rôle important dans le développement économique d'un
pays car elles permettent aux personnes et aux marchandises d'accéder au
marché. Le coût du transport intervient de manière non
négligeable dans le prix de revient d'un produit. En développant
les infrastructures, il est possible de réduire ce coût et de
devenir concurrentiel sur le marché mondial.
Nous avons vu au chapitre 2 l'état actuel des
infrastructures routières. Ce problème peut largement être
élargi à tous les moyens de transports (maritime, aérien,
ferroviaire). Audelà d'un développement, il faut créer une
connectivité entre les différents modes de transports et entre
les Etats. Il est à noter que certains pays enclavés sont
dépendants des infrastructures des pays voisins.
3.7.2 Le développement des infrastructures
énergétiques
Aujourd'hui, il est presque impossible de vivre sans
électricité. Les productions sont de plus en plus
automatisées, informatisées. Cependant, en Afrique, 77% des
ménages sont dépourvus d'électricité [10], ce qui
les prive de différents services de base (exemple : la lumière).
L'accès aux nouvelles technologies est rendu plus difficile ce qui
freine le chemin de l'information et de la connaissance.
A cela s'ajoute, les coupures à
répétition qui constituent l'un des principaux obstacles à
l'activité commerciale. Selon des estimations, les pannes
d'électricité en Afrique se produisent en moyenne 56 jours par an
causant une perte d'environ 5 à 6 %. Pour le secteur informel, les
pertes sont estimées à environ 20% par an. Vu la demande
croissante en énergie, cette situation ne devrait pas
s'améliorer.
On détermine à 20% la capacité de
production du continent africain assurée par des énergies de
secours (groupes électrogènes,...) à un coût
extrêmement élevé. Ceci est dû à une
production insuffisante et inappropriée.
3.7.3 Le développement des techniques de
communications
L'accessibilité de transport de certaines
régions isolées n'est pas envisageable dans un futur proche sans
des investissements colossaux. Afin de palier ce manque, les nouvelles
technologies de l'information permettent un accès vers le monde et le
marché internationale. Certains pays, comme l'Inde se sont
spécialisés dans l'exportation de service informatique ou de
télécommunication.
Ce développement est plus lié aux services
qu'aux produits. Cependant, l'essor de l'ecommerce et l'importance d'un
accès multimédia vers le monde peuvent également jouer un
rôle dans le développement de certains produits.
Conclusion
Plusieurs théories et pensées concernant le
développement ont déjà existé. Ce chapitre a voulu
être un résumé des différents exemples de politiques
qui ont permis à certains Etats de se développer.
Un interventionnisme de l'Etat dans les secteurs
stratégiques semble être inévitable pour relancer
l'économie, les mesures prises lors de la récente crise
financière vont dans ce sens. Malheureusement, il ne peut financer seul
ce développement. Le besoin en capitaux constitue donc un
problème majeur. Paradoxalement, ce sont les pays du Sud qui financent
le Nord, une politique concernant la fuite des capitaux permettrait d'augmenter
les montants disponibles. Le manque de confiance dans les institutions
financière et le faible taux d'épargne ne permettent pas non plus
aux banques de jouer pleinement leur rôle dans le développement.
Plusieurs pays ont montré que l'essor doit passer par une phase
d'industrialisation. Le lancement de cette phase doit être
réglementé par l'Etat afin d'assurer une croissance possible de
ces nouvelles industries face aux multinationales déjà bien
implantées. Le développement ne peut se passer des moyens de
communications, de transports et de technologies de l'information qui lui
permet d'accéder au marché international.
Des solutions existent et sont de plus en plus connues
même si certains opposants prônent encore les mêmes mesures
de libre-échange, de libéralisation qui ont mené les pays
du Tiers-Monde à la situation actuelle.
4 Le Green business
4.1 Définition
Le green business peut se définir comme étant
l'ensemble des activités économiques qui permettent de produire
des biens et des services qui contribuent à éviter,
réduire ou supprimer des nuisances pour l'environnement.
Les domaines tels que la gestion des ressources rares, les
énergies renouvelables, le changement climatique, la prévention
des risques ou encore la gestion des déchets se trouvent dans cette
économie.
L'objectif du chapitre n'est pas de faire une liste exhaustive
des différents domaines que peut couvrir le green business car il s'agit
d'un secteur en devenir où beaucoup de possibilités existent.
Seuls certains exemples dans des domaines différents seront
détaillés afin de montrer le potentiel de ce secteur.
4.2 La préoccupation environnementale
Depuis quelques années déjà, la
problématique concernant le climat fait débat. Il est difficile
à l'heure actuelle de nier l'existence d'un réchauffement
climatique. Le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du
Climat) affirme qu'il y a plus de 90% de probabilité que cette hausse
des températures soit due à l'activité humaines.
Tout le monde a entendu parler des accords de Kyoto sur la
limitation des gaz à effet de serre et de l'échec de la
conférence de Copenhague en 2009. Cependant, il y a quelques
années seulement cette problématique semblait assez marginale.
Actuellement, il existe une véritable prise de conscience des enjeux
climatiques. Les entreprises, les Etats sont de plus en plus sensibles aux
problèmes et les intègrent dans leurs services, politiques et
produits. À ce jour, on dénombre 502 accords multilatéraux
relatifs à l'environnement, dont 323 à caractère
régional. Quatre-vingt-seize pour cent des pays africains ont
ratifié les conventions de Rio (Convention sur la diversité
biologique [CDB], Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques [CCNUCC] et Convention des Nations Unies sur la lutte contre la
désertification [CNULD]) et pris les mesures nécessaires en vue
de les mettre en oeuvre [2].
Cet engouement pour l'environnement n'est pas près de
s'estomper. D'après les spécialistes du GIEC, la
température pourrait augmenter jusqu'à 6.4°C de moyenne sur
la surface du globe pour le pire des scénarios, ce qui engendrerait une
montée des eaux d'environ 0.6 m pour 2100.
L'essentiel de la pollution provient des pays
industrialisés et plus particulièrement de
leurs industries et
de leur mode de vie. Le développement des pays du Tiers-monde
passent
par une industrialisation (voir paragraphe 3.5) et une amélioration de
leurs
conditions de vie, ce qui dégagera également des
gaz à effet de serre. Si l'on veut limiter de manière efficace le
réchauffement, une politique importante doit être mise en oeuvre
dans les pays du Tiers-Monde qui connaîtront, sauf changement de
mentalité, des croissances en termes d'émission de gaz à
effet de serre les plus importantes dans les années à venir afin
de pouvoir assurer leur développement.
4.3 Les conséquences du réchauffement en
Afrique
Bien que l'Afrique soit le continent qui dégage le
moins de CO2 (voir Figure 4.1), il semblerait que les conséquences du
réchauffement climatique seraient plus importantes dans cette
région.
Figure 4.1 : Emission de gaz à effet de serre par
habitant, 2008 [11].
Le surpâturage, notamment, cause la destruction des
ressources et des écosystèmes naturels (ressources
forestières, en eau, marines et côtières), l'érosion
des sols et la pollution atmosphérique. L'Afrique perd environ 1,3
million d'hectares de forêts chaque année. Quelque 500 millions
d'hectares ont été affectés par la dégradation des
sols depuis 1950, y compris 65 % des terres agricoles du continent. Quatorze
pays africains sont déjà confrontés au stress hydrique ou
à des pénuries d'eau et onze autres pourraient connaître le
même sort d'ici 2025.
Les tendances actuelles suggèrent que de vastes
régions africaines, notamment le Sahel et une partie de l'Afrique
australe, pourraient subir un réchauffement de l'ordre de 3 à
6° Celsius d'ici à 2100. Les régimes pluviométriques
seront touchés de plein fouet et pourraient accuser une baisse de plus
de 20 % par rapport aux niveaux de 1990.
Plus de 95 % de l'agriculture africaine est une agriculture
sous pluie. La production agricole sera fortement compromise par le changement
et la variabilité climatiques : les superficies de terres arables, la
durée des saisons de culture et le rendement par hectare sont
susceptibles de baisser, ce qui pourrait compromettre la sécurité
alimentaire et accentuer la malnutrition.
Les trois quarts des pays d'Afrique sont situés dans des
zones où il suffirait d'une faible
réduction des
précipitations pour engendrer d'importantes diminutions de la
disponibilité
globale en eau. D'ici à 2020, on prévoit qu'entre
75 et 250 millions de personnes seront exposées à une
augmentation des crises liées à l'eau.
Comparée au niveau moyen de la mer en 1990, celui-ci
pourrait s'élever d'environ 50 centimètres d'ici à 2100.
Or plus d'un quart de la population africaine vit à moins de 100
kilomètres du littoral. Les projections montrent que le nombre de
personnes exposées aux inondations côtières risque de
passer de un million en 1990 à 70 millions en 2080.
Si on compare, le nombre de décès
attribué aux changements climatiques (voir figure 4.2) depuis 2000, on
constate que l'Afrique est la zone la plus concernée. Si nous ne
prennons pas des mesures importantes cela risque que d'empirer.
Figure 4.2 : Mortalité attribuable aux changements
climatiques depuis 2000 selon l'OMC [11]
4.4 Nouvelle ère d'industrialisation
4.4.1 Les différentes vagues d'industrialisation
Les différentes vagues d'industrialisation ont permis
à certains pays ou certaines régions de connaître un
développement économique important dans des secteurs
particuliers.
La première industrialisation a commencé en
Europe avec le développement des machines à vapeur dans les
années 1780, d'abord en Grande-Bretagne et ensuite dans le reste du
continent. Ces machines étaient alimentées par la houille et
ensuite le charbon, une source d'énergie que l'on trouvait facilement en
Europe. Les premières utilisations ont permis d'améliorer la
rentabilité du travail existant en remplaçant des hommes par des
machines plus efficaces. Pendant cette période, l'Europe était au
sommet de la hiérarchie mondiale.
Ces avancées ont permis des améliorations de la vie
sociale qui se sont fait sentir petit à petit bien que les salaires
aient doublé entre 1850 et 1914.
La deuxième vague d'industrialisation s'est
opérée aux Etats-Unis, sur la côte Est
essentiellement.
Le développement de l'électricité et des nouveaux
matériaux comme
l'acier ont permis le développement
d'industrie lourde. De plus, une nouvelle vision de
l'industrie commence à voir le jour avec la
volonté de systématiser les processus. Ces découvertes
donneront naissances à l'industrie automobile notamment et la
première production en série la Ford T. Après la
deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis ont atteint le leadership au
niveau mondial.
La 3ème vague d'industrialisation s'est
opéré à la fois dans l'ouest des Etats-Unis et en Asie. Il
s'agit du développement de l'informatique et des techniques de
communications. La Silicon Valley est le centre de plusieurs industries
technologiques américaines. Cette région a connu un
développement et un enrichissement de plusieurs de ses
sociétés ce qui a permis la création d'emplois et de
richesses dans la région et aux Etats-Unis de manière globale. Le
constat est similaire en Asie, où des entreprises d'électronique
ont été crées en Corée du Sud par exemple comme LG
et Samsung.
4.4.2 L'industrialisation et le green business
Actuellement, le green business s'inscrit dans cette logique
d'industrialisation. Il s'agit d'une nouvelle philosophie, tout comme la
machine à vapeur, les industries lourdes et les nouvelles technologies
à leurs époques respectives. Il s'agit d'une intégration
écologique dans les produits et services offerts. Comme expliqué
précédemment, l'opinion internationale est de plus en plus
sensible à la problématique du réchauffement climatique.
Cela permet de créer des produits et services pour cette nouvelle
demande économique de la population. Cette prise de conscience gagne de
plus en plus de terrain. Des produits et services intégrants ces
désidératas sont développés et mis sur le
marché tous les jours. On peut donc penser qu'une nouvelle
révolution industrielle est en cours et qu'il s'agit effectivement du
green business.
4.5 Quelques exemples de green business
4.5.1 Le projet « Desertec »
Les projets énergétiques occupent une place
particulière dans le green business comme étant un moyen de
production d'énergies alternatives par rapport aux énergies
fossiles. Ces nouvelles productions sont regroupées sous le terme
d'énergie renouvelable.
« Desertec » est un projet énergétique
situé dans le Sahara. Il consiste en la production d'une centrale
solaire de grande envergure. Chaque km2 du désert
reçoit autant d'énergie que 1.5 millions de baril de
pétrole.
Le projet initié par un groupement industriel allemand
pourrait produire 50% des besoins énergétiques de l'Europe d'ici
2050. Les avantages du projet sont multiples et pour toutes les parties (les
concepteurs, les financiers, les pays concernés,...). Le
développement de l'Afrique nécessite un besoin en énergie
complémentaire. Les dirigeants africains ont tout intérêt
à soutenir ce genre d'initiative qui permet de directement investir dans
les énergies propres. De plus, ces centrales implantées dans des
pays émergents, devraient créer de l'emploi, partager des
connaissances au niveau local et une augmentation des revenus.
La problématique souvent citée des
énergies renouvelables est la place qu'elles occupent dans le paysage.
Au milieu du désert, dans des zones totalement inhabitées, ce
problème est moins important.
Figure 4.3 : Plan d'implantation du projet « Desertec »
[3]
Néanmoins, ce projet ne comporte pas que des avantages
pour l'Afrique, il a été initié par des européens
et les bénéfices financiers de ces investissements seront
rapatriés dans les pays d'origine de ces firmes alors que ces capitaux
seraient nécessaires au développement.
4.5.2 L'île Maurice, comme précurseur en
Afrique
L'île Maurice est une île de l'Océan
Indien. De part ce fait, elle est très sensible et dépendante
d'une part de l'importation de matières fossiles et de la
problématique de la montée des eaux.
En juin 2008, l'Etat Mauricien a décidé de
mettre en place une initiative (Maurice Ile Durable) qui a pour objectif d'ici
2025 d'assurer la production de 65% des besoins énergétiques
grâce à l'énergie renouvelable. L'Etat a investit dans
l'installation de chauffe-eaux solaire pour plusieurs milliers de famille, dans
une production d'énergie éolienne ou bien encore dans des
systèmes de ventilation qui utilisent l'eau de mer.
Le secteur bancaire de l'île a également suivi cette
philosophie en mettant en place un plan d'actions vert dont les principaux
sujets sont :
- le financement d'une émission de
télévision dédiée à la préservation
de la nature suivie par plus de 600 000 personnes.
- l'économie de papier en incitant les personnes
à consulter les montants de leurs comptes par internet ou imprimer sur
une page un certificat semestriel au lieu de 4 pages pour le relevé de
compte trimestriel.
- l'octroi de prêt à des taux avantageux pour la
réalisation de projets concernant le développement durable.
- la diminution des frais pour les importations de
véhicules électriques ou hybrides,
les climatiseurs solaires
ou autres objets permettant des économies d'énergie.
- chaque client peut recevoir une ampoule basse consommation
à l'ouverture d'un nouveau compte et chaque membre du personnel s'est vu
offrir une plante dépolluante.
Le secteur hôtelier fait preuve d'initiatives afin
d'avoir une image plus écologique. L'hôtellerie mauricienne vise
essentiellement une clientèle aisée des pays
développés. Les clients sont souvent donc déjà
fortement sensibles à la problématique de l'environnement. En
prenant donc ces mesures, les hôtels jouent sur le marketing pour toucher
leur clientèle mais également permet de polluer moins. Par
exemple, certains hôtels réutilisent les eaux sales pour arroser
les espaces verts.
4.6 L'importance du Green Business pour les populations
locales
Bien qu'une prise de conscience existe concernant la
problématique du green business, on constate que celle-ci provient
essentiellement des pays développés. Les pays émergent
sont sensible à ce sujet mais ne veulent pas que cela limitent leur
croissance.
Dans les pays du Tiers Monde, une prise de conscience existe
mais seulement auprès d'une certaine élite de la
société. Les soucis environnementaux ne font pas partie des
besoins physiologiques. La situation précaire de l'Afrique, son niveau
de pauvreté et le niveau d'enseignement notamment font que les
populations ne se sentent que peu préoccuper par la problématique
du climat.
Il est donc important d'éduquer les jeunes de ces pays
afin de leur faire prendre conscience du problème et adopter dès
leur plus jeune âge un comportement en adéquation avec ces
nouvelles attentes.
Conclusion
Les problèmes et les conséquences concernant le
réchauffement climatique sont de plus en plus à l'ordre du jour.
Cette problématique a engendré un nouveau type de business : le
green business. Les entreprises intègrent cette demande de la population
dans leurs offres de produits et ou de services. Cependant, comme à
chaque nouvelle ère d'industrialisation, les connaissances ne sont pas
encore totalement acquises et maîtrisées. Les différentes
régions occidentales et asiatiques ont chaque fois su profiter d'une
phase d'industrialisation pour se développer. Cette nouvelle ère
est donc une aubaine pour l'Afrique. Celle-ci ne doit pas chercher à
rattraper un retard mais à prendre un nouveau train, un nouveau sujet en
marche et surfer sur la vague du green business. Des projets existent, ils sont
encore trop souvent mis en place par des occidentaux qui en tireront surement
le plus gros profit. Mais la connaissance apprise aux contacts d'experts ne
pourra être que bénéfique pour l'Afrique. Des initiatives
plus locales, mises en place par l'Etat ou le secteur privé, voient
aussi le jour et intègrent les demandes du consommateur. A l'heure
actuelle, le monde bouge et il est occupé à prendre un autre
chemin, à mettre en place une autre philosophie et une autre
manière de vivre. L'Afrique ne doit plus être
considérée comme sous développé au sens ou le
président Truman le disait (en manque de technologie) car elle peut se
développer dans un nouveau domaine en plein essor. Cependant, la
question de l'écologie dans les pays du Tiers du Monde doit
également être prise en compte. Comment peut-on demander à
une personne de se soucier de l'environnement alors qu'elle ne sait souvent pas
ce qu'elle va manger.
5 Le Green business et le
développement
Après avoir étudié les conditions, les
mesures à prendre concernant le développement (Chapitre 3) et
après avoir expliqué les principales lignes du green business et
ces enjeux à l'heure actuelle (Chapitre 4), il faut analyser la
compatibilité de ces deux aspects.
5.1 Le rôle de l'Etat et le Green Business
5.1.1 Les lois imposées
L'Etat a un important rôle à jouer dans le
développement de part ses obligations vis-à-vis de la population.
Concernant le green business, l'Etat a le pouvoir d'imposer des normes, des
lois qui tiennent compte de la question écologique dans les
différentes activités. Ces mesures prises par l'Etat conduisent
à faire preuve d'originalité et de mettre en place des nouveaux
produits soucieux de ces contraintes. Ces lois peuvent être de plusieurs
natures :
- Suppression de certains produits (et la mise en place de
produits de substitution)
- Limitation de certaines quantités et le
développement technique nécessaire pour y arriver (Le nombre
d'arbres abattus par km2 dans un forêt)
Par exemple, à Kigali, au Rwanda, une loi est sortie
interdisant l'utilisation des sacs plastiques jetables. Cette mesure a un
réel impact sur les déchets et l'environnement. Elle permet aussi
la création et le développement de mesures alternatives plus
écologiques pour transporter les affaires.
5.1.2 Le choix des investissements
L'Etat peut intervenir en choisissant d'investir directement
dans des projets de green business comme la construction de parcs
éoliens au lieu de centrale au charbon ou une autre source
d'énergie fossile. Afin d'assurer au mieux le développement d'un
pays, il est préférable de financer les produits nationaux. Il
est parfois nécessaire de mettre en place une procédure de
protectionnisme dans le choix des investissements de l'Etat. Cette partie sera
détaillée plus en détail au paragraphe 5.4.1.
5.1.3 primes
Le green business et l'importance de la responsabilité
écologique génèrent des idées, des projets et des
initiatives, souvent au niveau local au sein de la population. Chacun est plus
ou moins sensible à la problématique de l'environnement et
certains veulent mettre en oeuvre des mesures personnelles afin de diminuer
leur empreinte écologique. Les incitants et les primes permettent
d'aider et d'inciter les personnes dans cette voie. Comme par exemple, l'octroi
de primes pour la mise en place de panneaux solaires.
Cependant, en Afrique, vu le peu de moyens dont disposent les
Etats et les soucis primaires de la population, la conscience écologique
n'est pas pour le moment, le souci principal. Les primes et les incitants ne
sont donc pas très courants. Les Etats préfèrent
dès lors agir en imposant des lois ou en effectuant eux-mêmes des
investissements dans le green business.
5.2 Les secteurs stratégiques et le Green
Business
Le continent africain possède énormément
de richesses dans son sous sol. Cependant, on oublie souvent que l'Afrique
possède de très grandes forêts encore relativement
préservées. La forêt du Bassin du Congo est le
deuxième massif forestier après la forêt amazonienne.
Aujourd'hui, il est facile d'estimer la valeur
financière de ces bassins : en evaluant la quantité de CO2 qu'ils
peuvent emmagasiner et fonction du prix de la tonne de CO2. De cette
manière on a pu estimer la valeur de la forêt du Congo à
194 milliards d'euro par an.
Ces ressources propres aux pays deviennent donc une source,
une manne financière très importante. Une libéralisation
de ces secteurs comme des ressources naturelles par le passé,
créera une perte de revenus significative pour ces Etats. Il est
important de ne pas commettre les mêmes erreurs et de garder un
contrôle sur ces ressources naturelles stratégiques.
Cependant, contrairement aux minerais, qui sont facilement
exportables, il faut trouver un moyen de valoriser cette richesse pour en faire
profiter les pays du Tiers-Monde. L'idée d'un marché du carbone
peut sembler être une solution intéressante.
5.3 Les capitaux privés et le Green Business
Il est difficile pour un Etat de subvenir seul aux demandes de
son pays. Cependant, il n'est pas permis d'obliger les détenteurs de
capitaux d'investir de telle ou telle manière. Tout au plus, on peut les
encourager à l'aide de primes, d'incitants ou d'avantages fiscaux.
Au niveau national, les institutions financières
peuvent mettre au point toute une série de mesures afin de
développer l'aspect green business mais il s'agit là
essentiellement d'actions propres aux entreprises qui décident
d'utiliser ce nouvel atout marketing. Cependant, si les sociétés
privées constatent une demande de plus en plus importante pour ce genre
de produit, cela incitera d'autres sociétés à les suivre.
Cela créera un effet boule de neige. L'exemple de la banque de
l'île Maurice au paragraphe 4.5.2 illustre cela.
Les investissements directs étrangers de la part des
entreprises étrangères peuvent eux faire l'objet d'une
réglementation visant à limiter les émissions de gaz
à effet de serre lors de la construction d'une nouvelle usine,
même limiter voir empêcher la création de certaines usines
nocives pour le climat.
5.4 L'industrialisation et le Green Business
L'industrialisation est un passage obligé pour le
développement, il permet d'augmenter les exportations de biens et de
services.
Le chapitre précédent a permis de mettre en
avant l'importance du green business dans le contexte économique
actuelle et de montrer ses potentialités. La machine du green business
est déjà en marche et est bien lancée dans certains pays.
Le retard des pays africains dans ce secteur n'est pas encore trop important et
une politique adéquate des pouvoirs publics permettrait de le
résorber.
5.4.1 Le protectionnisme et le green business
Certaines sociétés occidentales de part leurs
connaissances technologiques possèdent un avantage compétitif
non-négligeable, même pour ces nouveaux secteurs.
Par exemple, les sociétés qui construisent des
éoliennes possèdent un avantage certains car elles travaillent
depuis longtemps dans le secteur des moteurs, des transformateurs qui
constituent la base de ces machines.
Les différentes raisons et avantages de la mise en
place de barrières protectionnistes ont été
développés au paragraphe 3.5.1. Il a été notamment
écrit que pour que ces mesures soient efficaces, il faut
développer aujourd'hui des industries qui auront un avantage dans le
futur. Or, comme expliqué dans le chapitre 4.4.2, le green business est
un secteur en devenir dans un avenir assez proche. Les mesures protectionnistes
semblent donc être importantes dans le cadre du développement pour
le green business.
5.4.2 La recherche et le green business
L'intégration de la préoccupation
écologique dans l'économie est assez récente. Cependant,
il s'agit encore d'un secteur en devenir dans lequel il y a encore peu de
recherches et de commercialisation des découvertes. Les
potentialités du secteur sont donc importantes et pour les saisir
pleinement, il est indispensable de miser sur la recherche. Etre un leadeur
dans l'innovation a souvent permis de garder une longueur d'avance sur ces
concurrents et d'augmenter les recettes.
Cette démarche demande des moyens financiers importants
que peu d'Etats africains possèdent. Il est peut être plus
judicieux de commencer, tout comme l'état chinois l'a fait, par copier
ce qui existe déjà sur le marché mais à un
coût moindre. Lorsque les techniques seront maitrisées et les
connaissances acquises, il sera plus facile de se tourner vers la recherche.
5.4.3 Les exportations, les substituts à
l'importation et le green business
La notion de green business est également
associée à celle de développement durable. Les
consommateurs poussent leurs logiques de soucis environnementaux très
loin en décidant de consommer, de favoriser les produits locaux. Ces
derniers nécessitent moins de transports et donc moins de gaz à
effet de serre. Il est vrai que pour l'instant cette pratique se limite aux
produits agroalimentaires.
Dans cette logique, quel est l'avenir des exportations issues du
green business ? Cela s'inscrit dans les substituts aux importations.
Si on analyse le cas particuliers des énergies
renouvelables, nous constatons que contrairement aux énergies fossiles,
nous ne pouvons pas les stocker et il faut donc la consommer directement, ce
qui implique un réseau interconnecté. Par exemple, de
l'électricité issue des éoliennes en Afrique, au Rwanda
par exemple, un pays totalement enclavé, ne pourra jamais être
utilisé en Chine ou bien aux Etats-Unis. La distance et le manque de
connexion sont des limites importantes.
Il est donc important d'investir et de miser sur une
industrialisation réfléchie car tous les secteurs du green
business ne permettent pas d'exporter facilement les biens et services.
Cependant, ce business permettra de remplacer certaines importations et
d'éviter la fuite d'argent.
De plus, la limitation des demandes par rapport au monde
extérieur, amènera les pays à être moins
vulnérables. Par exemple, en limitant leur besoin en pétrole, les
Etats deviendront moins tributaires de ce derniers et moins sensibles aux
variations de prix.
5.5 La diversification des clients et le Green
Business
L'Afrique subsaharienne est une des régions les plus
pauvres du monde, les autres régions possèdent un pouvoir d'achat
de plus en plus important. L'Afrique peut se permettre d'exporter à une
grande partie du monde. La multitude des clients et de leurs demandes permet
donc de faire jouer la loi d'offre et de demande et ainsi tirer un meilleur
prix de l'ensemble de ces produits. Ceci est valable de manière
général et également pour l'ensemble du green business.
5.6 Le développement des infrastructures et des
techniques de communication et le Green Business
5.6.1 Le développement des infrastructures de
transport et le green business
Le développement des infrastructures est indispensable
pour le commerce et les exportations. Cependant, la mise en place de ces routes
ne rentre pas vraiment dans une logique de développement durable car
elle implique la destruction de certains paysages voir de forêts. De plus
et bien que des efforts importants soient faits à ce sujet, les
composants nécessaires à la réalisation des
routes ne sont pas actuellement des plus écologiques.
5.6.2 Le développement des infrastructures
énergétiques et le green business
La demande en énergie en Afrique est très
importante et ne cessera de croître. Afin de répondre à ces
besoins et vu les potentiels énergétiques importants dont
l'Afrique dispose, ce serait une erreur de ne pas miser sur les ressources
d'énergies renouvelables.
Les énergies renouvelables sont souvent moins
coûteuses que les systèmes d'énergies traditionnelles, plus
modulables, décentralisées et donc plus proche du consommateur.
Elles peuvent être acheminées plus facilement même dans des
régions plus isolées.
Le potentiel africain en énergie renouvelable est
important. La seule énergie hydroélectrique permettrait de
couvrir l'ensemble des besoins de l'Afrique en électricité. Par
exemple, la réalisation complète du barrage Inga, en
République Démocratique du Congo permettrait la production de 5,2
GW, ce qui pourrait à lui seul alimenter une grande partie de l'Afrique.
Toute une série d'opinions existe concernant le bien fondé des
barrages de grande envergures, notamment à cause de leurs
conséquences sociales (déplacements de population) et
écologiques (création de micro climat).
Le potentiel de l'énergie solaire a déjà
été expliqué au paragraphe 4.5.1, concernant le projet
« Desertec ».
Le développement du continent passe par la
création d'infrastructures électriques au vu du potentiel en
énergie renouvelable et des avantages non négligeables, cela
serait une erreur importante des pouvoirs publics de ne pas investir dans ce
domaine.
5.6.3 Le développement des techniques de
communications et le green business
Le développement des techniques de communication a
permis à certains pays d'exporter des services plus facilement et ainsi
augmenter leurs revenus. Par exemple, l'Inde exporte des services de
consultance IT et dispose de centres de télémarketing.
De prime à bord, il est difficile d'imaginer des services
relatifs au green business qui peuvent être délocalisé et
ne nécessiter qu'un service de consultance à distance.
Le développement des techniques de communication est
indispensable pour une croissance car il permet de partager des informations et
d'avoir un contact sur le monde. Dans le cadre du green business, ce
développement ne semble pas indispensable, si ce n'est de servir de
vitrine vers le monde extérieur.
5.7 Tableau récapitulatif
Le tableau suivant permet d'analyser les interactions
possibles entre le green business et le développement. La
première colonne reprend l'ensemble des conditions
macroéconomiques étudiées dans ce travail en y
intégrant une ligne complémentaire pour le besoin, le souci des
populations locales face à cette problématique (voir paragraphe
4.6).
Il a été décidé de coter
l'interaction de la manière suivante :
+ : l'intégration de ce sujet avec le green business est
acceptable
+/- : l'intégration de ce sujet avec le green business est
incertaine, dépend essentiellement de l'évolution du
marché.
- : l'intégration de ce sujet avec le green business est
difficilement réalisable
Conclusion
Les interactions entre le green business et le
développement des Etats sont intéressants dans plusieurs
domaines. On constate également que l'Etat a un rôle important
à jouer en assurant le développement au niveau de
l'éducation aux populations ou encore dans les investissements et les
choix. Beaucoup d'inconnues persistent quant au réel potentiel de cette
nouvelle économie et notamment sur les nouveaux produits disponibles.
Cette question est importante dans la mesure où, le commerce et une
bonne exportation sont nécessaires pour augmenter les revenus des pays.
Il faut dès lors savoir si ces produits seront ou non facilement
exportables. Certaines conditions macroéconomiques comme le
développement des infrastructures sont nécessaires pour le
commerce et également pour le green business. Le green business seul ne
peut pas résoudre l'ensemble des problèmes liés au
développement mais il offre une réponse à plusieurs
problématiques.
Les conditions macroéconomiques Intégration avec le
green business Commentaires
|
Le role de l'Etat
|
les lois imposéées
|
+
|
La marge de manoeuvre est immense à ce niveau pour les
Etats.
|
le choix des investissements
|
+
|
La marge de manoeuvre est immense à ce niveau là
pour les Etats.
|
les primes
|
+
|
Les moyens des Etats du Tiers Monde sont limités surtout
pour ce type de financement.
|
Les secteurs stratégiques
|
|
+/-
|
La question se pose de savoir comment valoriser certains avoirs
et que ceux-ci profitent aux populations des pays.
|
les capitaux privés
|
|
+/-
|
Il est difficile de leur imposer des choix d'investissement.
|
Lindustrialisation
|
le portectionisme
|
+
|
Important pour la création de nouvelles industries.
|
la recherche
|
+
|
Important car potentiel énorme dans ce nouveau secteur.
|
les exportations et substituts aux imprtations
|
+/-
|
La marge de création des produits green n'est pas encore
connu, il est donc difficile de se prononcer.
|
La diversification des clients
|
|
+
|
|
Le développement des infrastructures
|
les infrastructures de transport
|
-
|
La construction des routes ne peut se faire de manière
très écologique.
|
les infrastructures énergétiques
|
+
|
Le potentiel en énergie renouvelable de l'Afrique est
important.
|
les techniques de communication
|
-
|
Le green business peut se développer grâce aux
techniques de communication et non l'inverse.
|
Le souci des populations
|
|
-
|
Les besoins physiologiques sont une priorité pour ces
populations.
|
6 Conclusion
La situation socio économique actuelle de l'Afrique est
assez préoccupante. Elle et ses populations ont été
marquées par les différents faits importants de l'histoire, comme
la traite des esclaves ou bien encore la colonisation. Ses
événements montrent le début de la soumission
économique de l'Afrique par rapport aux pays occidentaux.
La décolonisation n'a pas permis l'indépendance
rêvée par les pays africains car les anciennes métropoles
plaçaient et entretenaient leurs hommes de main au pouvoir. Il est vrai
que des mécanismes d'aide ont été mis en place pour aider
ces pays, sous certaines conditions. Ces contraintes macroéconomiques
imposées par les bailleurs de fond internationaux et les Etats
occidentaux n'ont fait qu'augmenter la dépendance économique des
Etats africains. Les résultats de ces politiques économiques ont
été désastreux : augmentation de la pauvreté,
diminution du taux d'éducation, augmentation du taux de
mortalité,.... Une révision des politiques de
développement doit être effectuée au sein de ces pays afin
de permettre leur épanouissement socio-économique cependant ces
mesures s'opposent aux politiques de libre échange et de
libéralisation.
Ces mesures sont multiples et variées. Cependant, la
récente crise nous a prouvé qu'il est impossible ni de nier ni de
minimiser l'importance du rôle de l'Etat dans ce domaine. Celui-ci ne
peut financer à lui seul l'ensemble des besoins du développement,
particulièrement dans les pays africains ne disposant pas de
véritables politiques fiscales. Le développement nécessite
un besoin en capitaux important. Paradoxalement ce sont les pays du Tiers-Monde
qui financent les pays occidentaux. La mise en place de mesure limitant la
fuite des capitaux permettrait l'augmentation des revenus de façon
significative. De plus, une (re)nationalisation des ressources
stratégiques permettrait à ces pays d'accroitre leurs
capacités financière.
Par le passé, le développement de plusieurs pays
a été assuré par des politiques d'industrialisation et de
mesures protectionnistes vis-à-vis de ces industries. Le choix des
secteurs a été primordial pour la réussite de la
croissance économique. Il s'agissait de secteurs d'avenir avec un fort
potentiel de développement et de demande future.
Aujourd'hui, une nouvelle ère est occupée
à voir le jour, une ère écologique. Il n'est plus
envisageable aujourd'hui, du moins dans les pays occidentaux de mettre sur le
marché un produit qui ne tient pas compte de l'environnement. Cette
nouvelle offre vient de la prise de conscience des consommateurs des
conséquences du réchauffement climatique. Ceci a permis la mise
en place d'un nouveau type de business : le green business.
S'agissant d'une nouvelle vague, l'Afrique et ses Etats ne
doivent pas courir après ces nouvelles technologies mais prendre un
nouveau train. Malheureusement, la question du réchauffement climatique
et de ces conséquences sur le climat (qui sont plus dévastatrices
pour l'Afrique) ne suscitent pas encore de grandes prises de conscience en
Afrique. Les besoins physiologiques de base telle que boire, manger et dormir
restent la principale inquiétude de ces populations.
Dans le futur, les possibilités et les
potentialités du green business restent relativement limitées.
Nous ne pouvons pas encore réellement estimer quel peut être le
réel apport de ce business sur le développement. Cependant, il
est sûr que dans certains domaines, le green business peut contribuer au
développement. Les investissements de l'Etat, la gestion des ressources
stratégiques, l'industrialisation ou bien encore le développement
des infrastructures d'énergie sont autant de domaines dans lequel le
green business peut avoir un rôle non négligeable à
jouer.
Mais le green business n'est pas LA solution. Le
développement passe par une augmentation des exportations, un substitut
aux importations et par l'augmentation de l'offre de transport notamment. Ne
sachant pas quels types de produits et/ou de services le green business
permettra de développer dans le futur, il n'est pas possible de
s'assurer que le commerce du green business assurera une rentrée
d'argent suffisante pour la création et la croissance de ces nouvelles
industries. L'augmentation et l'amélioration de l'offre de transports
pour faciliter et rendre compétitif le commerce extérieur ne sont
également pas compatibles avec le green business car ces mesures
demandent des modifications du paysage et ont un impact négatif sur
l'environnement qui sont à l'encontre des soucis du green business.
Bien que ce nouveau secteur offre de belles perspectives,
beaucoup de questions restent actuellement sans réponses telles que :
« quels produits le green business est-il capable de créer ? »
« Les Etats africains ont-ils enfin l'indépendance politique et
économique nécessaires pour prendre en main leur destin ? »
... Sans les réponses à ces questions il est difficile de
trancher de manière définitive sur le rôle que le green
business peut jouer dans le développement.
[1]
BAD, Banque Africaine au développement,
www.afdb.org
[2] Banque Africaine au
développement « Politique environnementale du groupe
de la Banque africaine au développement » Tunis, 2004
[3] DESERTEC, Projet de construction d'une
centrale thermique dans le Sahara http://www.desertec.org/
[4] DOVI, E. « Renforcer
l'épargne intérieure en Afrique », Afrique Renouveau,
Vol. 22#3 (Octobre 2008)
[5] GILLIS, M. , PERKINS D.H., ROEMER, M. et SNODGRASS,
D. « Economie du développement » traduction
de la 4ème édition, De Boeck & Larcier s ;a ;,
1998
[6] Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution
du Climat (GIEC) « Changement Climatique 2007 Rapport de
synthèse » GIEC, Suisse, 2007
[7] HARVARD BUSINESS SCHOOL PRESS «
Harvard Business Review on Green Business Strategy » Harvard Business
School Press, 2007
[8] HUGON, P. « L'économie de
l'Afrique » sixième édition, Paris, La
découverte, 2009
[9] HUSSON, M. «
Privatisations...Stopper l'hémorragie »
résumé de conférence La journée des
privatisations Attac, Maroc, 2002
[10] ICA, Consortium pour les infrastructures
en Afrique http://www.icafrica.org/
[11] INDEXMUNDI, données statistiques
des pays
www.indexmundi.com
[12] JEUNEAFRIQUE, journal en ligne
spécialisé sur l'actualité africaine,
www.jeuneafrique.com
internationale », Pearson Education France, Paris,
2009
[14] KUENGIENDA, M. « L'Afrique
doit-elle avoir peur de la mondialisation », L'Harmattan, Paris,
2004
MILLET, D. « L'Afrique sans dette
» Liège/Paris, CADTM/
[15] Syllepse, 2005
MILLET, D. « 60 questions 60
réponses sur la dette, le FMI
[16] et la Banque mondiale » Liège/Paris,
CADTM/ Syllepse,
2008
[17] PNUD Programme Des Nations Unis Pour Le
Développement
www.undp.org
[18] PNUD « Rapport mondial sur le
développement humain » New-York, 2006
[19] RUIZ CARNES, M. « De Monterrey
à Doha, quels progrès dans le financement du développement
» Notes de cours, Cycle d'Information Générale de la
Coopération Technique Belge (CTB), Bruxelles, septembre 2009
[20] STIGLITZ, J. « Un autre monde
contre le fanatisme du marché » New York, Fayard, 2006
[21] TENE, T. « Green business : l'Ile
Maurice préfigure l'Afrique de demain » Article paru dans le
journal « Les Afriques », 28-07-2009
[22] TOUSSAINT, E. « Comment sortir
d'une économie d'endettement pour financer un développement
humain durable et socialement juste ? » Notes de cours, Cycle
d'Information Générale de la Coopération Technique Belge
(CTB), Bruxelles, septembre 2009
[23] TREILLET, S. « L'économie
du développement de Bandoeng à la mondialisation »
2ème édition, Paris, Armand Colin, 2005
[24] ZACHARIE, A. «
Caractéristiques économiques des pays en voie de
développement » Notes de cours, Cycle d'Information
Générale de la Coopération Technique Belge (CTB),
Bruxelles, septembre 2009
6.1 Annexe 1 : Discours de Thomas Sankara
Monsieur le président, Messieurs les chefs des
délégations,
Je voudrais qu'à cet instant nous puissions parler de
cette autre question qui nous tiraille : la question de la dette, la question
de la situation économique de l'Afrique. Autant que la paix, elle est
une condition importante de notre survie. Et c'est pourquoi j'ai cru devoir
vous imposer quelques minutes supplémentaires pour que nous en parlions.
Le Burkina Faso voudrait dire tout d'abord sa crainte. La crainte que nous
avons c'est que les réunions de l'OUA se succèdent, se
ressemblent mais qu'il y ait de moins en moins d'intérêt à
ce que nous faisons.
Monsieur le président, Combien sont-ils les chefs d'Etat
qui sont ici présents alors qu'ils ont été dûment
appelés à venir parler de l'Afrique en Afrique ?
Monsieur le président, Combien de chefs d'Etats sont
prêts à bondir à Paris, à Londres, à
Washington lorsque là-bas on les appelle en réunion mais ne
peuvent pas venir en réunion ici à Addis-Abeba en Afrique ? Ceci
est très important. [Applaudissements] Je sais que certains ont des
raisons valables de ne pas venir. C'est pourquoi je voudrais proposer, Monsieur
le président, que nous établissions un barème de sanctions
pour les chefs d'Etats qui ne répondent pas présents à
l'appel. Faisons en sorte que par un ensemble de points de bonne conduite, ceux
qui viennent régulièrement, comme nous par exemple, [Rires]
puissent être soutenus dans certains de leurs efforts. Exemples : les
projets que nous soumettons à la Banque africaine de
développement (BAD) doivent être affectés d'un coefficient
d'africanité. [Applaudissements] Les moins africains seront
pénalisés. Comme cela tout le monde viendra aux réunions.
Je voudrais vous dire, Monsieur le président, que la question de la
dette est une question que nous ne saurions occulter. Vous-même vous en
savez quelque chose dans votre pays où vous avez dû prendre des
décisions courageuses, téméraires même. Des
décisions qui ne semblent pas du tout être en rapport avec votre
âge et vos cheveux blancs. [Rires] Son Excellence le président
Habib Bourguiba qui n'a pas pu venir mais qui nous a fait délivrer un
important message a donné cet autre exemple à l'Afrique, lorsque
en Tunisie, pour des raisons économiques, sociales et politiques, il a
dû lui aussi prendre des décisions courageuses. Mais, Monsieur le
président, allons-nous continuer à laisser les chefs d'Etats
chercher individuellement des solutions au problème de la dette avec le
risque de créer chez eux des conflits sociaux qui pourraient mettre en
péril leurs stabilités et même la construction de
l'Unité
africaine ? Ces exemples que j'ai cités - il y en a bien
d'autres - méritent que les sommets de l'OUA apportent une
réponse sécurisante à chacun de nous quant à la
question de la dette. Nous estimons que la dette s'analyse d'abord de par son
origine. Les origines de la
dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont
prêté de l'argent, ce sont eux qui nous ont colonisés. Ce
sont les mêmes qui géraient nos Etats et nos économies. Ce
sont les colonisateurs qui endettaient l'Afrique auprès des bailleurs de
fonds, leurs frères et cousins. Nous sommes étrangers à
cette dette. Nous ne pouvons donc pas la payer. La dette c'est encore le
néo-colonialisme ou les colonialistes qui se sont transformés en
« assistants techniques ». En fait, nous devrions dire en assassins
techniques. Et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de
financement, des
« bailleurs de fonds ». Un terme que l'on emploie
chaque jour comme s'il y avait des hommes dont le « bâillement
» suffirait à créer le développement chez d'autres.
Ces bailleurs de fonds nous ont été conseillés,
recommandés. On nous a présenté des dossiers et des
montages financiers alléchants. Nous nous sommes endettés pour
cinquante ans, soixante ans et même plus. C'est-à-dire que l'on
nous a amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et
plus. La dette sous sa forme actuelle, est une reconquête savamment
organisée de l'Afrique, pour que sa croissance et son
développement obéissent à des paliers, à des normes
qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous
devienne l'esclave financier, c'est-à-dire l'esclave tout court, de ceux
qui ont eu l'opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez
nous avec l'obligation de rembourser. On nous dit de rembourser la dette. Ce
n'est pas une question morale. Ce n'est point une question de ce
prétendu honneur que de rembourser ou de ne pas rembourser.
Monsieur le président, Nous avons écouté et
applaudi le premier ministre de Norvège lorsqu'elle est intervenue ici
même. Elle a dit, elle qui est européenne, que toute la dette ne
peut pas être remboursée. Je voudrais simplement la
compléter et dire que la dette ne peut pas être remboursée.
La dette ne peut pas être remboursée parce que d'abord si nous ne
payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par
contre si nous payons, c'est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs
également. Ceux qui nous ont conduits à l'endettement ont
joué comme au casino. Tant qu'ils gagnaient, il n'y avait point de
débat. Maintenant qu'ils perdent au jeu, ils nous exigent le
remboursement. Et on parle de crise. Non, Monsieur le président, ils ont
joué, ils ont perdu, c'est la règle du jeu. Et la vie continue.
[Applaudissements] Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous
n'avons pas de quoi payer. Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que
nous ne sommes pas responsables de la dette. Nous ne pouvons pas payer la dette
parce qu'au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses
ne pourront jamais payer, c'est-à-dire la dette de sang. C'est notre
sang qui a été versé. On parle du Plan Marshall qui a
refait l'Europe économique. Mais l'on ne parle pas du Plan africain qui
a permis à l'Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque
leurs économies étaient menacées, leurs stabilités
étaient menacées. Qui a sauvé l'Europe ? C'est l'Afrique.
On en parle très peu. On en parle si peu que nous ne pouvons, nous,
être complices de ce silence ingrat. Si les autres ne peuvent pas chanter
nos louanges, nous avons au moins le devoir de dire que nos pères furent
courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l'Europe et
finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme. La dette,
c'est aussi la conséquence des affrontements. Lorsqu'aujourd'hui on nous
parle de crise économique, on oublie de nous dire que la crise n'est pas
venue de façon subite. La crise existe de tout temps et elle ira en
s'aggravant chaque fois que les masses populaires seront de plus en plus
conscientes de leurs droits face aux exploiteurs. Il y a crise aujourd'hui
parce que les masses refusent que les richesses soient concentrées entre
les mains de quelques individus. Il y a crise parce que quelques individus
déposent dans des banques à l'étranger des sommes
colossales qui suffiraient à développer l'Afrique. Il y a crise
parce que face à ces richesses individuelles que l'on peut nommer,
les masses populaires refusent de vivre dans les ghettos et les
bas-quartiers. Il y a crise parce que les peuples partout refusent d'être
dans Soweto face à Johannesburg. Il y a donc lutte et l'exacerbation de
cette lutte amène les tenants du pouvoir financier à
s'inquiéter. On nous demande aujourd'hui d'être complices de la
recherche d'un équilibre. Equilibre en faveur des tenants du pouvoir
financier. Equilibre au détriment de nos masses populaires. Non ! Nous
ne pouvons pas être complices. Non ! Nous ne pouvons pas accompagner ceux
qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples.
Nous ne pouvons pas les accompagner dans leurs démarches assassines.
Monsieur le président, Nous entendons parler de clubs -
Club de Rome, Club de Paris, Club de Partout. Nous entendons parler du Groupe
des Cinq, des Sept, du Groupe des Dix, peut-être du Groupe des Cent. Que
sais-je encore ? Il est normal que nous ayons aussi notre club et notre groupe.
Faisons en sorte que dès aujourd'hui Addis-Abeba devienne
également le siège, le centre d'où partira le souffle
nouveau du Club d'AddisAbeba. Nous avons le devoir aujourd'hui de créer
le Front uni d'Addis-Abeba contre la dette. Ce n'est que de cette façon
que nous pourrons dire aujourd'hui, qu'en refusant de payer, nous ne venons pas
dans une démarche belliqueuse mais au contraire dans une démarche
fraternelle pour dire ce qui est. Du reste les masses populaires en Europe ne
sont pas opposées aux masses populaires en Afrique. Ceux qui veulent
exploiter l'Afrique sont les mêmes qui exploitent l'Europe. Nous avons un
ennemi commun. Donc notre club parti d'Addis-Abeba devra également dire
aux uns et aux autres que la dette ne saura être payée. Quand nous
disons que la dette ne saura être payée ce n'est point que nous
sommes
contre la morale, la dignité, le respect de la parole.
Nous estimons que nous n'avons pas la même morale que les autres. Entre
le riche et le pauvre, il n'y a pas la même morale. La Bible, le Coran ne
peuvent pas servir de la même manière celui qui exploite le peuple
et celui qui est exploité. Il faudra qu'il y ait deux éditions de
la Bible et deux éditions du Coran. [Applaudissements] Nous ne pouvons
pas accepter leur morale. Nous ne pouvons pas accepter que l'on nous parle de
dignité. Nous ne pouvons pas accepter que l'on nous parle du
mérite de ceux qui paient et de perte de confiance vis-à-vis de
ceux qui ne paieraient pas. Nous devons au contraire dire que c'est normal
aujourd'hui que l'on préfère reconnaître que les plus
grands voleurs sont les plus riches. Un pauvre quand il vole ne commet qu'un
larcin, une peccadille tout juste pour survivre et par nécessité.
Les riches, ce sont eux qui volent le fisc, les douanes. Ce sont eux qui
exploitent le peuple.
Monsieur le président, Ma proposition ne vise pas
simplement à provoquer ou à faire du spectacle. Je voudrais dire
ce que chacun de nous pense et souhaite. Qui, ici, ne souhaite pas que la dette
soit purement et simplement effacée ? Celui qui ne le souhaite pas peut
sortir, prendre son avion et aller tout de suite à la Banque mondiale
payer. [Applaudissements] Je ne voudrais pas que l'on prenne la proposition du
Burkina Faso comme celle qui viendrait de la part de jeunes sans
maturité, sans expérience. Je ne voudrais pas non plus que l'on
pense qu'il n'y a que les révolutionnaires à parler de cette
façon. Je voudrais que l'on admette que c'est simplement
l'objectivité et l'obligation. Je peux citer dans les exemples de ceux
qui ont dit de ne pas payer la dette, des révolutionnaires comme des
non-révolutionnaires, des jeunes comme des vieux. Je citerai par exemple
: Fidel Castro. Il a déjà dit de ne pas payer. Il n'a pas mon
âge même s'il est révolutionnaire. Egalement François
Mitterrand a dit que les pays africains ne peuvent pas payer, que les pays
pauvres ne peuvent pas payer. Je citerai Madame le premier ministre de
Norvège. Je ne connais pas son âge et je m'en voudrais de le lui
demander. [Rires et applaudissements] Je voudrais citer également le
président Félix Houphouët-Boigny. Il n'a pas mon âge.
Cependant il a déclaré officiellement et publiquement qu'au moins
pour
ce qui concerne son pays, la dette ne pourra être
payée. Or la Côte d'Ivoire est classée parmi les pays les
plus aisés d'Afrique. Au moins d'Afrique francophone. C'est pourquoi,
d'ailleurs, il est normal qu'elle paie plus sa contribution ici.
[Applaudissements]
Monsieur le président, Ce n'est donc pas de la
provocation. Je voudrais que très sagement vous nous offriez des
solutions. Je voudrais que notre conférence adopte la
nécessité de dire clairement que nous ne pouvons pas payer la
dette. Non pas dans un esprit belliqueux, belliciste. Ceci, pour éviter
que nous allions individuellement nous faire assassiner. Si le Burkina Faso
tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la
prochaine conférence ! Par contre, avec le soutien de tous, dont j'ai
grand besoin, [Applaudissements] avec le soutien de tous, nous pourrons
éviter de payer. Et en évitant de payer nous pourrons consacrer
nos maigres ressources à notre développement. Et je voudrais
terminer en disant que nous pouvons rassurer les pays auxquels nous disons que
nous n'allons pas payer la dette, que ce qui sera économisé n'ira
pas dans les dépenses de prestige. Nous n'en voulons plus. Ce qui sera
économisé ira dans le développement. En particulier nous
éviterons d'aller nous endetter pour nous armer car un pays africain qui
achète des armes ne peut l'avoir fait que contre un autre pays africain.
Quel pays africain ici peut s'armer pour se protéger de la bombe
nucléaire ? Aucun pays n'est capable de le faire. Des plus
équipés aux moins équipés. Chaque fois qu'un pays
africain achète une arme c'est contre un Africain. Ce n'est pas contre
un Européen. Ce n'est pas contre un pays asiatique. Par
conséquent nous devons également dans la lancée de la
résolution de la question de la dette trouver une solution au
problème de l'armement. Je suis militaire et je porte une arme. Mais
Monsieur le président, je voudrais que nous nous désarmions.
Parce que moi je porte l'unique arme que je possède. D'autres ont
camouflé les armes qu'ils ont. [Rires et applaudissements] Alors, chers
frères, avec le soutien de tous, nous pourrons faire la paix chez nous.
Nous pourrons également utiliser ses immenses potentialités pour
développer l'Afrique parce que notre sol et notre sous-sol sont riches.
Nous avons suffisamment de quoi faire et nous avons un marché immense,
très vaste du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest. Nous avons
suffisamment de capacité intellectuelle pour créer ou tout au
moins prendre la technologie et la science partout où nous pouvons les
trouver.
Monsieur le président, Faisons en sorte que nous mettions
au point ce Front uni d'AddisAbeba contre la dette. Faisons en sorte que ce
soit à partir d'Addis-Abeba que nous décidions de limiter la
course aux armements entre pays faibles et pauvres. Les gourdins et les
coutelas que nous achetons sont inutiles. Faisons en sorte également que
le marché africain soit le marché des Africains. Produire en
Afrique, transformer en Afrique, et consommer en Afrique. Produisons ce dont
nous avons besoin et consommons ce que nous produisons au lieu de l'importer.
Le Burkina Faso est venu vous exposer ici la cotonnade, produite au Burkina
Faso, tissée au Burkina Faso, cousue au Burkina Faso pour habiller les
Burkinabè. Ma délégation et moi-même, nous sommes
habillés par nos tisserands, nos paysans. Il n'y a pas un seul fil qui
vienne d'Europe ou d'Amérique. [Applaudissements] Je ne fais pas un
défilé de mode mais je voudrais simplement dire que nous devons
accepter de vivre africain. C'est la seule façon de vivre libre et de
vivre digne.
Je vous remercie, Monsieur le président.
La patrie ou la mort, nous vaincrons ! [Longs
applaudissements]
Source : « Oser inventer l'avenir », la parole de
Sankara, Thomas Sankara, présenté par David Gakunzi, Pathfinder
et l'Harmattan, 1999.
Source
http://www.groupesankara.be/spip.php?article475