TROISIEME CHAPITRE
LA CONCENTRATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES AUTOUR DE
LA NATIONALE N°1
Le transport demeure la pièce motrice de toute
économie qui se veut
moderne. Il constitue un secteur clé dans le
développement économique et social.
Toute la dynamique du quartier d'Agbonou s'organise autour de
la Nationale N°1, dont le point focal se situe au carrefour. Il fait vivre
toute une population, fait développer tout un quartier et constitue
l'espoir des jeunes néo-citadins.
Dans ce chapitre, nous allons montrer comment ce carrefour
d'Agbonou est un facteur de création et de développement des
activités informelles. Deuxièmement, il sera question
d'apprécier l'apport de ces activités à
l'économie.
3.1. LA ROUTE, FACTEUR DE CREATION ET DE DEVELOPPEMENT
DES ACTIVITES INFORMELLES
La route est un lieu de prédilection des
activités informelles. Elle favorise l'affluence d'un grand nombre de
population et de ce fait un grand nombre de clients.
Le carrefour d'Agbonou (voir photo N°1) est de loin le
plus grand et le plus dynamique carrefour de la ville d'Atakpamé parce
que se situant sur la N°1 (cf. carte N°5). En fait, il est le fruit
du croisement entre la RN°1 et la RN°8 (route
Atakpamé-Kpalimé).
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame15.png)
71
Carte N°5
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame16.png)
Photo n°1 : Vue du carrefour
d'Agbonou
Cliché : K. G. FAGBEDJI, 2009.
A Agbonou, après le marché qui est un lieu
spécialisé de commerce, vient le carrefour autour duquel se
créent et se développent les activités informelles, plus
particulièrement le commerce qui joue un rôle déterminant
dans l'animation du quartier. La gamme d'activités qu'on rencontre
là est étendue et variée. « Le nombre de
personnes qui tentent de le faire est élevé. Leurs
échoppes et leurs guérites se succèdent sur la Nationale
N°1. En mainte endroit, les commerçants occupent le trottoir toute
la journée et ne plient bagages qu'à la nuit tombée, quand
tout espoir de vente disparait. » (Vennetier P., 1996).
Leur prière la plus ardente est de voir le maximum de
véhicules s'arrêter au carrefour parce que les personnes aux
abords de ces véhicules collectifs ou personnels constituent leurs
clients préférés. Avant d'aborder en détail le
commerce et l'artisanat qui sont les activités dominantes
du carrefour, nous allons analyser le flux de véhicules qui transitent
par ce carrefour.
3.1.1. Analyse du flux de véhicules
Le carrefour d'Agbonou serait sans vie, sans importance s'il
n'y avait pas des passagers, des transporteurs, des moyens de transports, des
réseaux de transports et des escales. Les escales effectuées
constituent le soubassement de cette dynamique économique. C'est
pourquoi dans un premier temps nous allons estimer le nombre de voitures
faisant escale au carrefour et le nombre de nationalités qui y
transitent, avant d'éclaircir les raisons de ces arrêts.
3.1.1.1. Estimation du nombre de véhicules
faisant escale au
carrefour d'Agbonou
Nous avons effectué le comptage sur la Nationale
N°1 durant trois jours: le mercredi, jour de marché d'Anié
et d'Akparé ; le samedi, jour de marché d'Agbonou et
d'Atakpamé ; et le dimanche, fin de semaine. Nos résultats sont
consignés dans le tableau suivant :
Tableau N°9: Trafic
horaire des véhicules sur la route N°1 durant 3
jours
Types d'engins
|
7H- 9H
|
9H- 11H
|
11H- 13H
|
13H- 15H
|
15H- 17H
|
17H- 19H
|
Total Journalier
|
MERCREDI
|
Véhicules personnels
|
19
|
33
|
31
|
22
|
19
|
20
|
144
|
Véhicules Taxis
|
28
|
22
|
20
|
18
|
15
|
20
|
123
|
Minibus
|
12
|
35
|
51
|
47
|
20
|
24
|
189
|
Autobus
|
-
|
2
|
2
|
-
|
-
|
-
|
4
|
Lourds
|
8
|
11
|
25
|
4
|
2
|
22
|
72
|
TOTAL
|
67
|
103
|
129
|
91
|
56
|
86
|
532
|
SAMEDI
|
Véhicules Personnels
|
9
|
26
|
21
|
68
|
30
|
12
|
166
|
Véhicules Taxis
|
22
|
38
|
53
|
29
|
25
|
13
|
180
|
Minibus
|
8
|
22
|
47
|
39
|
11
|
19
|
146
|
Autobus
|
2
|
-
|
2
|
-
|
-
|
-
|
4
|
Lourds
|
2
|
11
|
36
|
17
|
1
|
2
|
71
|
TOTAL
|
43
|
97
|
159
|
153
|
67
|
46
|
567
|
DIMANCHE
|
Véhicules Personnels
|
21
|
53
|
44
|
31
|
29
|
21
|
199
|
Véhicules Taxis
|
14
|
23
|
11
|
9
|
7
|
4
|
68
|
Minibus
|
4
|
41
|
39
|
22
|
14
|
9
|
129
|
Autobus
|
-
|
2
|
2
|
-
|
-
|
1
|
5
|
Lourds
|
13
|
25
|
11
|
17
|
18
|
21
|
105
|
TOTAL
|
53
|
144
|
167
|
79
|
68
|
56
|
507
|
Source: nos enquêtes
Au regard de ce tableau, il ressort que : au moins 500
véhicules empruntent la RN°1 par jour. Ensuite, entre 11 h et 13 h
de la journée, on enregistre un
maximum de trafic. Il y a là un élément
d'explication à clarifier. Mais bien avant cela, signalons que ce sont
les véhicules venant du Nord qui affluent souvent à ces heures.
L'explication qui découle alors de ce constat est liée à
deux facteurs : d'une part aux heures d'animation des marchés proches de
cette localité à savoir le marché d'Akparé, de
Gléi, d'Anié, d'Adougbélan, etc. Tous ces marchés,
bien qu'ils aient différents jours d'animation, s'animent
intensément vers 11 heures de la journée, ce qui justifie
l'affluence de nombreux véhicules notamment les taxis brousses durant
ces moments au carrefour. D'autre part, la plupart des chauffeurs venant du
Nord (les plus nombreux entre 11h et 13h) veulent arriver à destination
en l'occurrence Lomé dans la journée, donc ils font tout pour
être au carrefour d'Agbonou à ces heures. Le graphique suivant
regroupant les heures d'arrivée des différents types de
véhicules durant les trois jours de notre enquête illustre bien ce
constat.
Figure N°8:
Courbe d'évolution du trafic des véhicules
suivant les heures d'arrivées au
carrefour d'Agbonou sur la RN°1
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame17.png)
Source: nos enquêtes
Lors des comptages routiers, nous avons aussi constaté
que les taxis surtout, puis les véhicules personnels dominaient
largement la catégorie des véhicules légers (4 à 5
places). Les véhicules de « luxe » (les grosses
cylindrées,...) inclus dans cette catégorie de quatre à
cinq places apparaissent à compte-goutte. Il en est de même pour
les véhicules bâchés.
Les mercredis et samedis, on enregistre un maximum de taxis
(123 le mercredi et 180 le samedi) à cause des marchés qui
s'animent ces jours. Le dimanche, les taxis sont rares (68 voitures) car ce
n'est pas un jour de marché mais de fêtes, de cultes ou de repos
pour les moins religieux d'où la prépondérance des
véhicules personnels (199 au total).
La catégorie bus et minibus est dominée par les
mini bus de neuf et quinze places. Ils assurent en grande partie le transport
interurbain de Lomé vers Sokodé, Kara ou Dapaong et les autres
villes secondaires.
Les quelques autobus observés sont des bus des compagnies
L.K. (Lomé- Kara), RAKIETA, et d'ADJI-TRANSPORT qui relient
Kara-Lomé-Kara.
Il y a d'autres bus internationaux qui relient
Lomé-Ouagadougou-Lomé. Ils arrivent souvent à
Atakpamé aux alentours de 20h30 en venant de Lomé ou du Burkina
Faso. Nous avons entre autres SKV (Société Kossouka Voyage), STMB
(Société de Transport Mixte Bangrin) et TCV (Transport Confort
Voyageurs), pour ne citer que ces trois là.
Les remorques estimées à 15,4% du total, sont
des gros véhicules dont la charge en marchandises varie entre 30 et 60
tonnes. Elles ravitaillent la région sahélienne en produits
manufacturés venant du Port Autonome de Lomé. Elles sont plus
nombreuses les dimanches car il n'y a pas de contrôle douanier sur la
route N°1 en ces jours.
Le résultat du comptage routier de trois jours, nous a
permis de déterminer le trafic moyen journalier sur la Nationale aux
latitudes d'Agbonou (tableau N°10 et figure N°7).
Tableau N°11 : Trafic horaire journalier
moyen au carrefour d'Agbonou
Engin
EFF. MOY
|
Personnels
|
Taxis
|
Minibus
|
autobus
|
lourd
|
TOT.JOURNAL.
|
Par journée
|
170
|
124
|
155
|
4
|
83
|
536
|
Pourcentage (%)
|
31,7
|
23,1
|
29
|
0,8
|
15,4
|
100
|
Source : nos enquêtes
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame18.png)
Source : nos enquêtes
Ce qu'il faut remarquer à la lecture de ce tableau, est
que les véhicules légers (personnels et taxis) et les minibus
empruntent plus la RN°1. Ils font respectivement 54,8% et 29 % du total.
Ceci montre l'importance du trafic interurbain dû au commerce surtout. A
côté de ces automobiles à quatre roues,
on enregistre une multitude de deux roues qui relient le
centre-ville à Agbonou. C'est un de leurs endroits de
prédilection à cause du relatif bon état de la route et
d'un grand nombre de clients (Sonokpon, op. cit.). Ils assurent la liaison
entre le centre-ville et la périphérie.
3.1.1.2. Estimation du nombre de
nationalités
L'estimation du nombre de nationalité qui transite par
le carrefour d'Agbonou nous échappe parce que nous ne pouvons
contrôler l'identité des voyageurs. Ce que nous avons pu
enregistrer et qui est intéressant est le nombre de véhicules
« étrangers » qui ont emprunté la RN°1 lors de nos
trois jours d'investigation. Pour faire une analyse comparative entre les
nationalités, nous avons effectué la moyenne des trois jours et
les avons regroupées dans le tableau suivant :
Tableau N°12: Nombre
de véhicules étrangers passant à Agbonou
NATIONALITE
|
BURKINABE
|
MALIENS
|
NIGERIENS
|
TOTAL
|
Effectifs
|
27
|
11
|
15
|
53
|
pourcentage (%)
|
50,9
|
20,8
|
28,3
|
100
|
Source : nos enquêtes
Fig. N°10: Proportion de véhicules
étrangers passant à Agbonou
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame19.png)
Source: nos enquêtes
Force est de constater que les véhicules
burkinabés (50,9%) empruntent plus la voie N°1 que les
véhicules maliens (20,8%) et nigériens (28,3%). Cette situation
se justifie par le fait que le Burkina est un pays limitrophe du Togo ; tel
n'est pas le cas pour les autres nations enclavées qui sont aussi bien
représentées 49,2% au total.
La plupart des véhicules enregistrés sont des
semi-remorques ou des remorques transportant des tonnes de sucres, de ciments,
de fers et autres produits provenant des autres régions du monde via
Lomé, la capitale togolaise.
Par ailleurs, on note une multitude de véhicules
d'occasion en direction de Ouagadougou.
Ils sont des clients potentiels des commerçants du
carrefour lors de leurs stationnements pour des raisons diverses.
3.1.1.3. Raisons des escales
Les raisons des escales sont multiples et diversifiées.
Elles sont historiques, stratégiques voire religieuses. En effet, depuis
l'époque coloniale, après la construction des rails, et
même bien avant, Agbonou était un carrefour, un marché,
donc un lieu d'escale. C'était un carrefour où viennent se
rencontrer les marchands de sels venant de Kéta au Ghana actuel et les
Ifê d'Atakpamé (Gayibor, op. cit.). Au temps colonial, le
marché s'est élargi aux autres peuples voisins notamment les
Kabyè. Ils avaient occupé la plaine du Mono où ils
travaillaient comme métayers. De là ils venaient à Agbonou
pour échanger leurs produits agricoles contre le sel et autres
produits.
Dans les années 40, la ligne du centre a
commencé à être utilisée comme moyen de transport en
commun des passagers « noirs ». Ainsi, Agbonou est devenu un lieu
d'escales important après celui d'Anié où le train est
obligé de s'arrêter pour charger les voyageurs et permettre aux
passagers à bord de payer
à manger. En effet auparavant Anié était
la plus grande escale, en venant ou en allant au nord à cause de
« la notoriété de son marché,
étape de ravitailement obligée pour tous les transporteurs et
passagers de la nationale N°1. » (Tayeleke P., 2007).
Ces escales se sont quelque peu assombries avec l'abandon des
rails en 1998.
De nos jours, avec la déviation de la RN°1 qui
passe dorénavant par Agbonou et l'installation des commerçants
ambulants autour de ce carrefour, le quartier est devenu incontournable en
matière d'escales. C'est là oü l'on trouve les repas, des
fruits, des boissons, des poissons, etc. Brefs, tout ce dont pouvait besoin un
passager. C'est pourquoi d'ailleurs presque tous les chauffeurs
s'arrêtent là pour que les passagers puissent payer et trouver
sans perdre trop de temps leurs nourritures et autres produits vivriers.
Aujourd'hui encore, à part les raisons classiques de
décharge et/ou du chargement des passagers, on peut ajouter une raison
pas des moindres liée au respect du temps de prière
observé par les chauffeurs musulmans. Cette raison est souvent
évoquée par les conducteurs de remorques et de voitures
personnelles qui s'arrêtent souvent près de l'hôtel «
le Sahélien » comme le montre la photo suivante.
![](Agbonou-dynamique-dun-quartier-peripherique-dAtakpame20.png)
Photo n°2 : Arrêt d'une voiture
d'occasion en transit
Cliché : K. G. FAGBEDJI, 2009.
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