Philosophie et religion chez Hegel( Télécharger le fichier original )par Cyrille Tenejou Grand Seinaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de philosphie 2009 |
I.2.3. Identité et différence entre philosophie et religionLa philosophie et la religion embrassent toutes deux la totalité de la vie. Si la philosophie se distingue comme expression de la vie et la vie comme un passage d'étonnement en étonnement, elle ne peut ne pas s'étonner du phénomène religieux et le passer à l'examen critique. A propos, René LE SENNE s'interroge : « Si en effet, la religion est la démarche par laquelle l'esprit administre en lui son énergie la plus profonde, comment une société, un homme pourraient-ils se désintéresser de ce sans quoi tout manque ? »33(*) Dans un premier moment, « ces deux puissances, celle de la pensée et celle de la religion, paraissent avoir l'une à l'égard de l'autre une attitude hostile. Toutefois, en soi et pour soi, elles doivent s'accorder »34(*). Par la religion, l'homme s'élève au-dessus de son individualité pour atteindre l'absolue vérité de l'absolu. « La religion et la philosophie ont donc un seul et même objet, une seule et même fin. Le vrai, le vrai en soi et pour soi étant un, il faut que religion et philosophie aient un seul et même contenu ; leurs rapports toutefois sont absolument hostiles, comme il apparaît dans l'histoire »35(*). HEGEL poursuit en affirmant que l'art, la religion et la philosophie ont en commun un seul et même objet36(*). C'est ce qu'Emilio BRITO commente en ces termes : « Le contenu de la religion et celui de la philosophie, comme Hegel ne se lasse pas de le répéter, est « le même ». Cet objet n'est autre que « Dieu et son explication ». La philosophie et la religion coïncident : toutes les deux sont « service divin » ; mais l'identité ne fait pas abstraction de la différence : elles le sont d'une manière particulière. Le même contenu, la philosophie le saisit en une forme différente »37(*). En réalité, la philosophie et la religion peuvent être considérées comme ayant le même contenu. La même vérité se trouve donc de part et d'autre. Cela suppose que la religion est fondamentalement activée par la pensée et ne se réduit point à un vague sentiment du divin. Mais la principale différence réside dans le fait que la religion repose sur la conviction et fait appel à l'autorité alors que la philosophie repose sur la raison. Voilà pourquoi Hippolyte NGIMBI NSEKA affirme qu' « entre la philosophie et la religion, il y a un écart insurmontable, dans la mesure où l'affirmation de Dieu dans la foi exige une décision que la philosophie ne peut assumer »38(*). Il faut noter cependant que cette divergence entre la philosophie et la religion est subjective. Ce n'est qu'au niveau du sujet qu'elle est plus grande. « La philosophie et la religion n'ont qu'un seul et même besoin ; toutes deux se préoccupent de ce qui est vrai absolument, de ce qu'il y a de plus intime ; or de ces deux fonds intimes, il ne saurait y en avoir deux ; il n'y en a qu'un [...]. C'est donc une conception fausse ; il ne peut y en avoir qu'une seule vérité »39(*). La philosophie requiert une foi minimale qui est la confiance en la raison comme capable d'atteindre la vérité par elle-même. La foi comme démarche personnelle d'adhésion accomplit une démarche de conversion bien plus profonde que la conversion spirituelle qui est purement philosophique. La différence entre la démarche philosophique et le cheminement religieux n'empêche pas la religion d'avoir besoin de la philosophie pour formuler sa doctrine en termes conceptuels et inversement, la philosophie est mise en branle par les contenus religieux. « La philosophie ne pourrait se former l'idée du divin, concevoir un témoignage absolu de l'Absolu, analyser les composantes de la foi, si elle n'était pas d'abord instruite par la religion [...]. C'est seulement dans la religion que l'homme peut s'approprier les résultats philosophiques »40(*). HEGEL lui-même se sert à l'occasion aussi bien du langage religieux que du langage philosophique ; il suffit de le savoir pour concilier des formules qui semblent contradictoires. De toutes les manières, ce n'est pas la philosophie qui domine la religion ; c'est cette dernière qui révèle mieux ce qu'elle fait et ce qu'elle doit continuer à faire. Ceci nous amène à conclure que c'est un rapport d'implication qui existe entre la philosophie et la religion. Ce n'est pas la religion qui s'intègre à la philosophie, mais la philosophie qui s'intègre à la religion. * 33 R. LE SENNE, Introduction à la philosophie, Paris, P.U.F., Coll. « Logos », 1949, p. 348. * 34 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 2, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1970, p. 218. * 35 Ibidem, p. 219. * 36 Cf. G. W. F. HEGEL, Esthétique, Paris, P.U.F., Coll. « Les grands textes », 1954, p. 200. * 37 G. W. F. HEGEL, cité par E. BRITO, La christologie de Hegel, Paris, Beauchesne, Coll. « Bibliothèque des archives de philosophie », 1983, pp. 251-252. * 38 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 186. * 39 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1954, pp. 221-222. * 40 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 183. |
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