Je dédie ce travail à la
mémoire de mon grand-père
Jean TENEJOU.
REMERCIEMENTS
Ce travail a été réalisé avec la
contribution de plusieurs personnes. Nous voulons leur exprimer ici notre
profonde gratitude.
Nous adressons d'abord nos sincères remerciements
à Monsieur Benoît BIRWE qui a accepté de diriger, avec
dévouement, ce travail d'initiation à la recherche scientifique.
Nous exprimons ensuite notre profonde gratitude à
Monseigneur Joseph DJIDA, Evêque de N'Gaoundéré, qui nous
a recommandé à cette auguste institution, le Grand
Séminaire Saint Augustin de Maroua.
Notre reconnaissance va également à nos parents
Michel NKOUANDOU et Marthe RIH KAINTOUMA, à qui nous devons ce que nous
sommes aujourd'hui.
Nos remerciements s'adressent à tous nos formateurs et
à nos professeurs du cycle de philosophie, coordonné par
l'Abbé Gabriel HOUSSEINI.
Nous adressons aussi nos remerciements aux
bibliothécaires du Grand Séminaire Saint Augustin et du
Théologat O.M.I. de Maroua, ainsi qu'à Joseph MEMEH CHENWIE pour
sa contribution à l'acquisition de la documentation.
Nous exprimons aussi notre reconnaissance à
l'Abbé Laurent MBIH pour son soutien et ses conseils.
Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous
nos confrères séminaristes et à tous ceux et celles qui,
de près ou de loin, ont participé à l'édification
de ce travail.
INTRODUCTION GENERALE
Un des traits caractéristiques du monde actuel, et qui
ne laisse pas d'interroger, semble le désintérêt de plus en
plus marqué de certains de nos contemporains vis-à-vis de la
religion. Dans un monde en mutation, plein d'autant de menaces que de grands
désirs, la religion tend à perdre sa place primordiale dans la
conscience de l'homme. Dans ce contexte de sécularisation qui prend de
l'ampleur, l'homme contemporain peut-il encore être
religieux ?
Il revient à tous de relever ce grand
défi ; car, nous le savons, « un peuple vaut au
jugement de l'histoire ce que vaut sa religion »1(*). De là, il suit que
l'homme est, de par sa nature, un homo religiosus2(*), qui se définit avant
tout dans la relation qu'il entretient avec Dieu. La religion apparaît
comme la relation de l'homme à l'Etre suprême, à son
Créateur.
En effet, nous pouvons dire que le passé de
l'humanité fut généralement, sinon exclusivement
religieux. Auguste COMTE a montré cette vérité historique
à travers sa loi des trois états selon laquelle la pensée
humaine a évolué en trois étapes principales :
l'état théologique où l'on explique les
phénomènes naturels par l'intervention des agents surnaturels
comme les esprits ou les divinités ; la seconde étape,
l'état métaphysique, où l'on recours à des
abstractions pour expliquer les phénomènes et enfin,
l'état positif ou scientifique où l'esprit humain étudie,
grâce à l'observation, les phénomènes naturels en
vue de découvrir leurs lois ou leurs relations nécessaires. Nous
ne devons pas ignorer que les trois étapes peuvent parfaitement
coexister à n'importe quelle époque dans toutes les
sociétés3(*).
L'Aufklärung a inversé radicalement
cette problématique en centrant le débat religieux non plus sur
l'existence du divin, mais sur l'homme. Dès lors, ce dernier cherche
à s'affranchir de Dieu et à être promu au rang de la
divinité. Ce système a donné corps à la conviction
que l'humanité elle-même est artisan de son salut. Une telle
inclinaison s'est répandue à partir de l'affirmation du primat
des potentialités de la raison comme condition d'une humanité
totalement libre. Cette prise de conscience de l'homme par lui-même rend
caduque la croyance fondée sur la dépendance envers une
transcendance définie comme toute-puissante. Cependant, la raison
peut-elle se passer de toute référence à la transcendance
qui est le fondement et le but de la liberté ?
Pour examiner cette problématique, nous allons explorer
la pensée de Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, l'une des figures marquantes
de cette époque. La façon dont il pose le problème
philosophique de la religion, la solution qu'il suggère du rapport entre
la philosophie et la religion, exerceront longtemps encore leur influence. Il
serait vain de reprendre l'examen de cette question en faisant comme si HEGEL
n'avait jamais existé4(*).
Le problème philosophique que pose la religion
présuppose que la philosophie est susceptible de s'appliquer à
toutes les oeuvres humaines, et par conséquent au fait religieux. De
même que la philosophie réfléchit sur les méthodes
et les résultats de la connaissance scientifique, de même elle
réfléchit sur les pratiques humaines dont la religion fait partie
intégrante.
On s'aperçoit que non seulement la philosophie ne peut
s'interdire de traiter de la religion, mais qu'elle manifeste avec la religion
une profonde affinité5(*). Cette affinité nous amène à nous
interroger sur le rapport qu'il y a entre la philosophie et la religion.
La religion est pour l'homme une chose sacrée, la
raison, en est de même. Le problème qui se pose est celui de la
réconciliation de ces deux ailes. Ce que l'homme exprime par la voie de
la religion, la philosophie doit s'efforcer de le ressaisir sous la forme de la
pensée rationnelle. Chez notre auteur, cela n'implique pas renoncement
au religieux, mais va donner naissance à un courant hostile à la
religion.
Nous voulons simplement aborder la pensée
hégélienne en retenant l'aspect qui nous permet de prendre
conscience du phénomène humain profond qu'est la religion dont
dépendent la qualité de la vie et le destin de l'homme. A travers
une méthode analytico-critique, nous aborderons le
phénomène religieux d'un point de vue philosophique. Il s'agira
d'interroger, d'analyser, de comparer, sans jamais verser dans le
prosélytisme, le dénigrement ou la confusion, mais de susciter la
rupture avec une conscience religieuse naïve afin de la sortir de
l'absurde et du ridicule, qu'elle cesse d'être l'opium du peuple, selon
l'expression de Karl MARX.
Notre travail s'articule sur trois chapitres. Le premier est
intitulé « Philosophie et religion ». Il
définit chacun des deux termes, examine leurs rapports et dégage
les traits essentiels de la philosophie de la religion sur laquelle repose ces
rapports. Le second chapitre, « La conception
hégélienne de la religion », scrutera la conception de
la religion chez HEGEL en analysant le concept de religion chez ce
dernier ; en établissant la hiérarchie des religions et en
donnant le sens de l'entreprise hégélienne. Dans le
troisième chapitre ayant pour titre « Appréciation
de la pensée religieuse hégélienne et questions
religieuses en Afrique noire », nous apprécierons d'abord la
pensée de notre auteur, ensuite, nous procéderons à
l'examen de la question de l'existence de la religion chez le
Négro-africain à qui HEGEL a dénié le statut
d'être religieux. Enfin, nous analyserons la position de l'Afrique noire
dans le contexte actuel de sécularisation.
CHAPITRE I
PHILOSOPHIE ET RELIGION
« La
philosophie et la religion embrassent toutes deux la totalité de la vie.
Elles ont même contenu ; elles n'ont pas la même forme :
l'une est pratique et l'autre théorique [...]. La philosophie, sans
l'appui du vécu, ne serait que verbalisme. Le vécu, au contraire,
porte en lui une lumière immanente, qui peut amener, dans l'ordre
pratique [celui de la religion] une justification authentique, bien
que non réflexive ».
Henry DUMERY,
Critique et religion, Paris, SEDES, 1957, p. 231.
La philosophie de la religion6(*) soulève, entre autres, le
problème des rapports entre la philosophie et la religion. Ce
problème n'est pas des moindres, puisqu'il appelle à une
réflexion sur la nature même de la philosophie, sur son droit
légitime à fonder toute expérience humaine, y comprise
l'expérience religieuse.
I.1.
Généralités sur la philosophie
I.1.1. Qu'est-ce que la
philosophie ?
La question de savoir ce qu'est la philosophie est en
elle-même une question qui appelle une réflexion philosophique.
Elle absorbe toute l'énergie des philosophes et demeure une question
très importante -que nous ne saurons occulter- pour la bonne
compréhension du sujet que nous abordons.
Selon Joseph VIALATOUX, la philosophie se définit comme
une intention, une certaine orientation de la pensée. Le terme
philosophie dérive du grec philein qui signifie le sentiment
d'un amour-désir, d'un appel, d'un effort orienté vers le bien.
Ce bien vers lequel est orientée l'intention philosophique est la
sagesse, sophia. La philosophie se présente donc sous le signe
d'une intention et d'un effort de l'homme vers la sagesse. Laquelle sagesse se
présente sous l'aspect pratique, par opposition à l'aspect
spéculatif. La sagesse pratique se caractérise par une
maîtrise révélant une transcendance, une activité
révélant un engagement, une sérénité
révélant un détachement, tandis que la sagesse
spéculative s'applique à connaître, à expliquer et
à comprendre. Tous les deux aspects participent de la sagesse vers
laquelle s'oriente l'esprit7(*).
D'après l'Encyclopaedia universalis, la
définition de la philosophie est, habituellement, d'abord
étymologique ou historique. Cependant, aucune définition non
philosophique de la philosophie n'est possible et que seule la philosophie
permet de distinguer ce qui est philosophique de ce qui ne l'est pas. En outre,
rien n'assure que la tradition qui attribue la paternité du mot à
PYTHAGORE soit fondée : le mot lui-même n'apparaît que
dans les oeuvres de PLATON. Il y a peu à tirer d'une formule comme amour
- recherche - de la sagesse, tant que cette dernière n'est pas
déterminée. Or, sophia, en grec, semble avoir
désigné un savoir-faire, une habileté, une
réussite. La sagesse ne s'expose pas forcément dans une
argumentation rationnelle, mais également dans des paroles ou des
proverbes. La liste des sept sages de la Grèce, qui comprend un tyran
rendu célèbre par sa cruauté, n'est guère
édifiante ! C'est justement à la philosophie de prendre en
compte la diversité des sagesses selon les temps, les pays ou les
circonstances : l'idée de sagesse dépend de celle de la
philosophie et non l'inverse8(*).
On peut croire avoir échappé au cercle de la
subjectivité en proposant une définition, mais elle porte la
marque d'un style de philosophie. Ainsi écrira Karl JASPERS :
« Toute philosophie se définit
elle-même par sa réalisation. Ce qu'elle est, on ne peut le savoir
que par l'expérience ; alors on voit qu'elle est à la fois
l'accomplissement de la pensée vivante et la réflexion sur cette
pensée, ou l'action et le commentaire de l'action. Seule
l'expérience personnelle permet de percevoir ce qu'on peut trouver de
philosophie dans le monde »9(*).
La philosophie est donc inséparable de sa source -la
découverte d'une réflexion théorique, systématique
et dégagée de l'expérience- mais aussi de sa fin,
c'est- à- dire cette tâche infinie qui fut son projet et sa
définition. De ce point de vue, il faut admettre, à la suite de
HEGEL, qu'il y a une véritable unité de la philosophie
au-delà de la diversité des philosophies.
« L'histoire de la philosophie ne manifeste, dans les
philosophies en apparences diverses, qu'une seule philosophie aux divers
degrés de son développement et d'autre part, les principes
particuliers, dont l'un sert de base à un système, sont
simplement des ramifications d'une seule et même
totalité »10(*). Bien que particulière par sa démarche
et son approche, chaque philosophie renvoie par son contenu à la
recherche de la vérité, à l'aspect universel de toute
philosophie. Dès lors, récuser une philosophie
particulière parce qu'elle n'est pas toute la philosophie ne serait pas
aussi fondé que refuser une cerise ou une poire en prétendant
qu'elle n'est pas un fruit.
Ce qui fait l'unité profonde de la philosophie, ce
n'est ni un contenu de savoir, ni une méthode. C'est plutôt la
forme même de l'existence traditionnelle. Indépendamment des
discours sur la nature de la philosophie ou la distinction des types
d'interventions philosophiques possibles, ce qui importe, c'est que des
mêmes auteurs soient lus, repris, commentés, discutés,
contredits ; que la formation philosophique passe par la
familiarité avec un même fond textuel dont l'accroissement est
normé par le sentiment que produit cette familiarité11(*). Pour Karl JASPERS, la
philosophie a un rôle épistémologique qui constitue ce
qu'elle est en elle-même. Il l'exprime par cette affirmation :
« L'essence de la philosophie, c'est la
recherche de la vérité, non sa possession, même si elle se
trahit elle-même, comme il arrive souvent, jusqu'à
dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formules,
définitif, complet, transmissible par l'enseignement. Faire la
philosophie, c'est être en route. Les questions, en philosophie, sont
plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une
nouvelle question »12(*).
Faute de pouvoir examiner chaque type de philosophie, nous
avons tenté de définir la philosophie en général.
Nous ne pouvons nous limiter à cette définition sans parler de
l'objet et de la méthode de la philosophie.
I.1.2. L'objet et la
méthode de la philosophie
Toute discipline, toute science qui se développe
rationnellement, se réserve un objet et une méthode. La
philosophie, elle aussi, a son objet et sa méthode.
Dans l'Antiquité, les présocratiques ont
donné pour objet à la philosophie l'Archè,
« l'origine de l'univers ». Lorsque le terme
philosophie apparaît dans les dialogues de PLATON, la dialectique
philosophique a un domaine propre, l'idée absolue. Ainsi naît la
métaphysique, bien que le terme n'apparaisse que plus tard en regroupant
les oeuvres d'ARISTOTE. La réduction anthropologique apparaît
ensuite chez PROTAGORAS, redoutable adversaire de la théorie
platonicienne des idées dans sa fameuse formule :
« L'homme est la mesure de toutes choses ». La sophistique
n'était pas seulement caractérisée par la réduction
anthropologique, mais aussi par la philosophie du langage qui a resurgi
à l'époque contemporaine. Ludwig WITTGENSTEIN critique le langage
métaphysique - en le qualifiant d'ambigu - et propose une philosophie
analytique et du langage ordinaire.
La réduction de l'objet philosophique au
phénomène, quant à elle, apparaît chez HEGEL ;
puis chez Edmund HUSSERL qui prône « le retour aux choses
mêmes ». La phénoménologie n'est vraiment retour
à la chose même que si elle reprend le projet de la philosophie
comme science de l'être, et y reconnaît son thème permanent
depuis l'Antiquité jusqu'à HEGEL13(*).
Nous voyons comment, au cours de l'histoire, des objets divers
ont été attribués à la philosophie. Mais la
question de l'objet de la philosophie revient, dans le cadre de notre travail,
à se demander si une philosophie peut se fonder sur le rejet de la
métaphysique. Pour HEGEL, « seule la philosophie qui peut
répondre à cette question : " qu'est-ce que s'approcher
de Dieu ? " est digne de ce nom »14(*). Il s'ensuit que pour HEGEL,
le « texte unique » de la philosophie est Dieu, l'Absolu.
Priver la philosophie de cet objet, c'est la détruire, la réduire
au formalisme et à l'empirisme, ces deux alliés des vieilles
métaphysiques d'entendement. Même si l'on est contre cette
thèse hégélienne, on est bien forcé d'admettre que
l'objet de la philosophie est, sommairement dit, l'homme -et toutes ses
pratiques-, le monde, Dieu et leurs relations réciproques15(*).
La méthode, quant à elle, désigne dans un
contexte donné, l'ensemble des procédés rationnels dont on
fait choix pour atteindre une fin déterminée. S'agissant de la
philosophie, la méthode prend forme et nom d'une logique. DESCARTES,
dans son Discours de la méthode, recommande de prendre à
la base, l'édifice des connaissances et de ne se laisser convaincre que
par une loi évidente. D'autres philosophes exaltent la fonction
constitutive de la raison, cherchant la voie vers le vrai, dans la quête
d'une cohérence plénière des différentes parties du
discours et surtout dans la totalité du système qu'exprime
l'identité du point de départ et du terme du cheminement
philosophique. La méthode dialectique, telle que définie par
HEGEL, échappe à toute extériorité par rapport
à l'objet dont elle traite et vient s'identifier pleinement avec le
contenu lui-même qui se meut. Tels sont les critères qui
spécifient la méthode philosophique. Dans le même sens,
Joseph VIALATOUX pense que « la méthode propre à la
philosophie, la voie de recherche que se fraye l'intention philosophique, c'est
bien, en effet, la méthode réflexive. [...] elle
procède, dialectiquement par voie d'implications régressives,
accompagnées d'une intuition progressive, et préparant des
explications dégressives »16(*).
En plus de ces critères spécifiques, la
méthode philosophique est, comme toute méthode scientifique,
critique, réaliste, cohérente. Ses objectifs sont de procurer une
connaissance approximative, partielle mais fiable, de nature prédictive,
explicative et applicable. Elle s'alimente au corps des connaissances
constituées, le développe, le modifie et l'accroît. Ses
résultats sont provisoires, leur objectivité résulte de
l'application rigoureuse et inter-subjectivement vérifiable dans le
cadre scientifique et épistémologique compatible avec le
réalisme scientifique.
I.1.3. Le rôle de la
philosophie
La philosophie est propre à l'homme. Nous sommes
engagés et impliqués dans la philosophie ; nous
philosophons. Elle n'est autre chose qu'une tentative de recréer sa
propre vie selon l'exigence propre à l'homme, celle de l'esprit.
Si la philosophie se définit étymologiquement
comme amour de la sagesse, cette sagesse n'est ni spontanée, ni
innée. Elle sera tout simplement la sagesse de l'homme en tant
qu'homme ; c'est la sagesse qui convient à l'homme par l'effet de
son labeur. Elle vient de l'appréhension de certaines
vérités car, la raison naturelle seule est capable d'atteindre
une certaine vérité. La philosophe fait appel à la
réflexion personnelle et critique. Penser relève toujours, en
philosophie, d'une quête de la vérité et implique une
discipline dans le jugement.
La philosophie ouvre l'esprit et permet à l'homme de
« voir dans la nuit » comme le hibou. Elle est comme une
lampe qui éclaire dans l'obscurité de l'ignorance dans laquelle
sont plongés les humains. A en croire Olivier REBOUL, « la
philosophie commence là où les choses ne vont plus de soi,
là où ce qui était évident pour tout le monde cesse
de l'être. Elle commence avec l'ironie
socratique »17(*). Ainsi, ne pouvons-nous pas dire que le rôle
essentiel de la philosophie est d'éveiller l'esprit et de le tenir en
éveil ?
Selon Karl JASPERS,
« l'homme ne peut se passer de la
philosophie. Aussi est-elle présente, partout et toujours,
répandue dans le public par les proverbes traditionnels, les formules de
sagesse courante, les opinions admises, comme également le langage des
gens instruits, les conceptions politiques, et surtout, les premiers âges
de l'histoire, par les mythes. On n'échappe pas à la philosophie
[...]. Quiconque la rejette affirme par là même une philosophie,
sans en avoir conscience »18(*).
Grâce à la réflexion
philosophique, l'homme peut se comprendre et identifier les menaces qui
pèsent sur les sociétés modernes afin d'y apporter des
solutions efficaces.
Dans le cadre de notre travail, nous voulons
réfléchir sur la religion en philosophe, en la soumettant aux
principes rationnels pour la sortir de l'absurde et du ridicule. Nous voulons
que la religion cesse d'être une source d'engourdissement moral et
intellectuel pour ceux qui la pratiquent. Autrement, il serait vain de
philosopher si nous ne croyons pas en la capacité de la philosophie
d'atteindre la vérité par elle-même.
I.2. De la religion
Il s'agit ici de s'interroger sur ce qu'est la religion en
général et non de parler de telle ou telle religion
particulière. Cette tentative nous amènera à
considérer les difficultés d'approche qui constituent un
véritable obstacle à cette compréhension. Qu'est-ce que
donc la religion ?
I.2.1. Définition
Il n'est pas aisé de trouver une définition
exacte au concept de religion, en raison du manque d'un concept suffisamment
précis pour pouvoir dire valablement ce qu'est, à proprement
parler, la religion. « Effectivement, écrit MEN,
l'expérience religieuse est une expérience qui dépasse les
concepts humains, aussi les tentatives faites pour l'exprimer aboutissent
toujours à un appauvrissement de son contenu »19(*). C'est pourquoi toutes les
tentatives visant à la définir, sans tenir compte de la
diversité des religions, n'ont jamais réussi ; toute
définition s'avère inadéquate.
La nécessité d'une définition claire
s'impose pourtant comme préalable au philosophe qui s'interroge sur la
religion. Henry BERGSON remarque à ce propos que le philosophe
étudie le plus souvent une chose que le sens commun a déjà
désignée par un mot. C'est en l'analysant qu'il retrouve
progressivement plusieurs sens du mot « religion »20(*).
« Parler de la religion ou des religions,
poursuit AUGE, c'est rencontrer une double difficulté, plus
précisément une double diversité. Diversité du fait
religieux lui-même aussi remarquable que son universalité ;
diversité des théories du fait religieux non point seulement au
sens où des croyants s'y opposent à des non-croyants mais au sens
où l'observation des faits s'effectue des points de vue
différents, tantôt pour discerner les avantages sociaux ou
politiques de la pratique et de l'institution religieuses, tantôt pour
appréhender la nature profonde de la religion »21(*).
Pour surmonter ces difficultés, il est
nécessaire de prendre en compte la diversité des religions et
les différents systèmes auxquels elles appartiennent comme des
expressions diverses et vraies du fait religieux. Selon Jean NABERT,
« c'est la distinction de l'Absolu et de Dieu qui nous permet de
comprendre la diversité des religions. A la source de chaque religion un
Dieu, témoin de l'Absolu. Mais pour chacune d'elles, l'erreur est de
croire que son Dieu est l'Absolu et qu'il exclut ainsi toutes les autres, alors
qu'il n'est qu'une interprétation de l'Absolu, une des figures de
l'Absolu »22(*).
Les ethnologues proches d'Emile DURKHEIM ont essayé
d'aborder le problème que pose la définition de la religion en
termes de frontières, en distinguant l'activité religieuse de
l'activité magique. Pour eux, la religion est associée à
des activités publiques et solennelles, la magie à des
activités privées et secrètes ; la première
s'exprime pleinement dans le sacrifice, la seconde dans le
maléfique23(*).
C'est seulement lorsqu'on établit la ligne de partage entre ce qui est
religion et ce qui ne fait que lui ressembler de loin qu'on peut admettre la
vérité de toutes les religions.
Ainsi, pour parler de religion, il faut pouvoir
déterminer les éléments suivants : l'âme ou le
sujet religieux, la communauté, les coutumes doctrinales, le symbole, le
langage religieux, le sacré, les rites, la révélation et
la transcendance, qu'il s'agisse du monothéisme ou du
polythéisme24(*).
Selon le dire du philosophe CICERON, le terme religion
proviendrait du latin religare renvoyant à l'idée
du lien : d'une part le lien des hommes avec le divin, d'autre part
le lien des hommes entre eux. Cette étymologie est cependant
contestée. Il se serait agi plus anciennement d'un lien matériel,
des noeuds exigés par l'accomplissement d'un rite. Aujourd'hui, le mot
religiosus a eu et, dans une certaine mesure, a gardé le sens
de soin scrupuleux apporté à faire quelque chose ; par
exemple, garder religieusement un secret. Ainsi, la religion est le lien de
l'homme avec la Source même de l'être qui entre dans la conscience
humaine à travers les mystères de l'existence et
l'expérience du sacré.
Le concept de religion renferme l'idée l'objet de
l'expérience religieuse, c'est-à-dire le sacré. Selon
Rudolf OTTO, le sacré -qui est le fondement de la religion- est le
« Tout Autre » pour lequel il a forgé le
terme « numineux »25(*). Le numineux indique un
sentiment de dépendance, celui d'être une créature, un
effroi devant une grandeur incommensurable et en même temps, un sentiment
de vénération, de respect, d'adoration. Il est à la fois
mystère qui fait trembler et qui fascine. Le numineux est un
élément du sacré que certains tiennent pour fondamental,
tandis que d'autres y voient une forme inférieure de la
religiosité qu'un rapport plus authentique au divin doit
rejeter26(*).
Mircea ELIADE, quant à lui, déplace le regard du
sujet sur le sacré, habité par le sens du numineux chez Rudolf
OTTO, vers les objets dans lesquels le sacré se projette et auxquels il
confère le nom
de « hiérophanie »,
c'est-à-dire une manifestation du sacré. En effet, le
mot religion, qui désigne la relation que l'homme entretient avec
Dieu, est imprécis pour designer la réalité des
diversités culturelles. Il écrit :
« On se demande comment il [le mot
« religion »] peut être appliqué sans
discrimination au Proche-Orient ancien, au judaïsme, au christianisme et
à l'islam, ou à l'hindouisme, au bouddhisme et au confucianisme
de même qu'aux peuples dits « primitifs ». Mais il
est peut-être trop tard pour chercher un autre mot, et
« religion » peut encore être un terme utile pourvu
qu'on se rappelle qu'il n'implique pas nécessairement une croyance en
Dieu, en des dieux ou en des esprits, mais se réfère à
l'expérience du sacré et, par conséquent est lié
aux idées d'être, de signification et de
vérité »27(*).
L'objet sacré est quelque chose d'extraordinairement
opposé au profane. Mircea ELIADE recommande de respecter le
caractère fondamentalement irréductible du sacré. La
religion n'est pas un stade inférieur de la conscience, mais un
élément primordial de toute expérience humaine, un
élément stable dans la structure de cette conscience. Le
sacré correspond à une manière d'être dans le monde.
Avec lui, l'homme est jeté dans l'univers du « tout
autre ». Cette conception du sacré28(*) est presque, sinon la
même que celle de l'Absolu chez Jean NABERT. Si dans les deux approches,
l'objet de la religion -le sacré ou l'Absolu- n'implique pas
forcément Dieu, en revanche, la croyance en Dieu implique
nécessairement la religion.
Quoi qu'il en soit, la religion repose sur un ordre des
êtres et des choses plus ou moins sacralisés. C'est ce que nous
démontre Emile DURKHEIM :
« Par choses sacrées, il ne faut pas
entendre seulement ces êtres personnels que l'on appelle des dieux ou des
esprits ; un rocher, un arbre, une source, un caillou, une pièce de
bois, une maison, en un mot une chose quelconque peut être sacrée.
Un rite peut avoir ce caractère ; n'existe même pas de rite
qui ne l'ait à quelque degré. Il y a des mots, des paroles, des
formules qui ne peuvent être prononcés que par la bouche des
personnages consacrées ; il y a des gestes, des mouvements qui ne
peuvent être exécutés par tout le monde... Le cercle des
objets sacrés ne peut donc être déterminé une fois
pour toutes ; l'étendue est infiniment variable selon les
religions »29(*).
I.2.2. Les fondements de la religion
Il est difficile de répondre de façon
satisfaisante à la question de savoir ce qu'est la religion sans avoir
recherché sur quelles bases elle repose. Qu'elles soient
révélées ou non, on doit se demander au moins si les
religions n'ont pas un fondement commun dont il faudrait préciser la
signification et la valeur.
Nous tenons d'abord à préciser que le terme
fondement prête à équivoque. On peut évoquer des
fondements historiques : rôle d'un génie religieux,
mentalité d'un peuple, conditions sociologiques favorables, etc.
Certaines religions s'appuient sur la révélation dont
l'initiative revient à Dieu. En outre, chez l'individu, la religion
serait le fruit de l'éducation, de la tradition, du milieu, etc.
L'anthropologue britannique Sir Edward Brunett TYLOR, dans
La civilisation primitive, développe une théorie
évolutionniste faisant de l'animisme primitif le fondement de toutes les
religions. Dans cette théorie, l'animisme aurait servi de base à
des systèmes progressivement plus élaborés comme le
fétichisme où l'âme s'incarne en un objet
vénéré, puis le culte des différents
éléments de la nature, pour parvenir enfin au polythéisme
et au monothéisme qui représente, d'après TYLOR, la forme
la plus aboutie du concept de religion30(*).
On peut reprocher à TYLOR d'avoir élaboré
une pensée prenant appui sur une réalité fausse, puisque
sa théorie suppose que l'animisme ait existé au sein de toutes
les cultures de la Terre, ce qui n'est pas le cas. De ce fait, le fondement
des religions peut désigner quelque chose de plus général
et de plus radical au point de vue philosophique. « Les religions sont
l'apanage de l'homme ; elles s'enracinent par conséquent dans ce
qui nous distingue de l'animal : la
pensée »31(*), écrit VANCOURT.
Cependant, si les religions émanent de la
pensée, cela ne signifie pas qu'elles ne sont qu'une erreur ou une
illusion collective.
PLATON avait perçu deux vérités
éternelles : d'une part, la présence de Dieu, en concevant
le monde des Idées et d'autre part, la divinité des âmes en
les faisant participer à ce domaine divin. La philosophie de KANT a
marqué un tournant dans la présentation du problème
religieux. Il conçoit le mot Dieu comme pour le bon sens humain ;
et quand il s'agit du fondement de la croyance en l'Etre suprême, il fait
appel plus ou moins clairement, aux données du sens commun, à une
sorte de connaissance spontanée, pré-réflexive, qui est
l'apanage de tous. KANT lui-même avait envisagé cette connaissance
comme expérience de Dieu telle qu'aucun doute ne puisse subsister sur la
réalité de l'Etre suprême.
Dans des contextes un peu différents, JACOBI et
SCHLEIRMACHER semblent s'orienter vers une solution de ce genre. JACOBI, lui,
fait reposer les religions sur une base individuelle ; le savoir
immédiat ne pourra jouer le rôle d'un fondement transcendantal.
Chez SCHLEIRMACHER, la religion trouve son fondement dans le sentiment que nous
avons de notre absolue dépendance : situation qui aurait fait
naître dans l'esprit des primitifs la crainte en laquelle certains ont vu
la source de la religion. En outre, il donne à entendre qu'il y a autant
de religions que d'êtres humains puisque chaque individu fait cette
expérience à sa manière.
HEGEL, quant à lui, admet comme JACOBI et
SCHLEIRMACHER, qu'il existe un savoir immédiat ; une connaissance
pré-réflexive de Dieu. Mais il se démarque d'eux en
affirmant plutôt l'universalité de la raison dans
l'élévation spontanée de l'homme vers Dieu32(*). Nous y reviendrons dans le
second chapitre.
On est donc bien loin d'une réflexion qui fait de la
religion un phénomène individuel, personnel : quelle que
soit la nature des réponses apportées par chacun à
l'interrogation religieuse, il faut reconnaître que la religion est une
dimension de l'homme avant d'être une expérience individuelle.
I.2.3. Identité et
différence entre philosophie et religion
La philosophie et la religion embrassent toutes deux la
totalité de la vie. Si la philosophie se distingue comme expression de
la vie et la vie comme un passage d'étonnement en étonnement,
elle ne peut ne pas s'étonner du phénomène religieux et le
passer à l'examen critique. A propos, René LE SENNE
s'interroge : « Si en effet, la religion est la
démarche par laquelle l'esprit administre en lui son énergie la
plus profonde, comment une société, un homme pourraient-ils se
désintéresser de ce sans quoi tout manque ?
»33(*)
Dans un premier moment, « ces deux puissances,
celle de la pensée et celle de la religion, paraissent avoir l'une
à l'égard de l'autre une attitude hostile. Toutefois, en soi et
pour soi, elles doivent s'accorder »34(*). Par la religion, l'homme
s'élève au-dessus de son individualité pour atteindre
l'absolue vérité de l'absolu. « La religion et
la philosophie ont donc un seul et même objet, une seule et même
fin. Le vrai, le vrai en soi et pour soi étant un, il faut que religion
et philosophie aient un seul et même contenu ; leurs rapports
toutefois sont absolument hostiles, comme il apparaît dans
l'histoire »35(*). HEGEL poursuit en affirmant que l'art, la religion
et la philosophie ont en commun un seul et même objet36(*). C'est ce qu'Emilio BRITO
commente en ces termes :
« Le contenu de la religion et celui de la
philosophie, comme Hegel ne se lasse pas de le répéter, est
« le même ». Cet objet n'est autre que
« Dieu et son explication ». La philosophie et la religion
coïncident : toutes les deux sont « service
divin » ; mais l'identité ne fait pas abstraction de la
différence : elles le sont d'une manière
particulière. Le même contenu, la philosophie le saisit en une
forme différente »37(*).
En réalité, la philosophie et la religion
peuvent être considérées comme ayant le même contenu.
La même vérité se trouve donc de part et d'autre. Cela
suppose que la religion est fondamentalement activée par la
pensée et ne se réduit point à un vague sentiment du
divin. Mais la principale différence réside dans le fait que la
religion repose sur la conviction et fait appel à l'autorité
alors que la philosophie repose sur la raison. Voilà pourquoi Hippolyte
NGIMBI NSEKA affirme qu' « entre la philosophie et la
religion, il y a un écart insurmontable, dans la mesure où
l'affirmation de Dieu dans la foi exige une décision que la philosophie
ne peut assumer »38(*).
Il faut noter cependant que cette divergence entre la
philosophie et la religion est subjective. Ce n'est qu'au niveau du sujet
qu'elle est plus grande. « La philosophie et la religion n'ont
qu'un seul et même besoin ; toutes deux se préoccupent de ce
qui est vrai absolument, de ce qu'il y a de plus intime ; or de ces deux
fonds intimes, il ne saurait y en avoir deux ; il n'y en a
qu'un [...]. C'est donc une conception fausse ; il ne peut y en avoir
qu'une seule vérité »39(*). La philosophie requiert une
foi minimale qui est la confiance en la raison comme capable d'atteindre la
vérité par elle-même. La foi comme démarche
personnelle d'adhésion accomplit une démarche de conversion bien
plus profonde que la conversion spirituelle qui est purement philosophique. La
différence entre la démarche philosophique et le cheminement
religieux n'empêche pas la religion d'avoir besoin de la philosophie pour
formuler sa doctrine en termes conceptuels et inversement, la philosophie est
mise en branle par les contenus religieux. « La philosophie ne
pourrait se former l'idée du divin, concevoir un témoignage
absolu de l'Absolu, analyser les composantes de la foi, si elle n'était
pas d'abord instruite par la religion [...]. C'est seulement dans la religion
que l'homme peut s'approprier les résultats
philosophiques »40(*). HEGEL lui-même se sert à l'occasion
aussi bien du langage religieux que du langage philosophique ; il suffit
de le savoir pour concilier des formules qui semblent contradictoires.
De toutes les manières, ce n'est pas la philosophie qui
domine la religion ; c'est cette dernière qui révèle
mieux ce qu'elle fait et ce qu'elle doit continuer à faire. Ceci nous
amène à conclure que c'est un rapport d'implication qui existe
entre la philosophie et la religion. Ce n'est pas la religion qui
s'intègre à la philosophie, mais la philosophie qui
s'intègre à la religion.
I.3. La philosophie de la
religion
I.3.1. Définition
La philosophie de la religion est l'ensemble des
réflexions philosophiques sur le donné religieux, lequel peut
être pris de n'importe quelle religion historique. Mais au sens strict,
elle se définit comme une critique rationnelle du donné
religieux, souvent liée à la métaphysique41(*).
Elle s'étend, de droit, à toutes les formes de
religion et n'a pas à préférer une forme religieuse
plutôt qu'une autre, car la philosophie n'assigne aucune limite à
la curiosité de la raison. La philosophie de la religion est celle
« qu'on retrouve chez des penseurs qui ont à l'égard de
la religion l'attitude d'une réflexion à la fois
compréhensible et critique sur sa nature comme donnée humaine et
historique dont il s'agit d'apprécier le rôle et la signification
dans le développement de l'esprit »42(*). ALAIN en avait conscience.
Lui qui parle de l'immense sujet de la religion,
précise : « La vraie pensée de la
religion est en réalité de toutes nos minutes ; on ne pense
guère qu'à cela. Et j'ai pris pour moi cette puissante vue de
Hegel, que la philosophie n'est que la réflexion sur la religion,
définition qui m'a paru excellente »43(*). Ce que la philosophie peut
apporter à la religion, c'est rien moins que d'éclairer
l'expérience religieuse sur elle-même en déterminant les
actes qui conditionnent ce qu'elle affirme44(*). Pour réfléchir sur la religion,
René LE SENNE pense que « le philosophe n'a pas
à corriger l'expérience religieuse à sa guise, mais
à la comprendre, c'est-à-dire à épouser les
mouvements qui dérivent de l'esprit pour le servir. Si en un sens il lui
est plus difficile de sympathiser avec la vie religieuse, parce qu'elle est de
toutes les démarches celle qui se laisse le moins facilement
réduire à la connaissance théorique, ceci ne diminue en
rien son devoir de le faire »45(*).
La devise de la philosophie de la religion serait alors
l'intelligence en quête de la raison au moyen de la foi.
I.3.2. La tâche de la
philosophie de la religion
La tâche assignée à la philosophie de la
religion est, selon Henry DUMERY, triple :
« critiquer, selon une méthode
philosophique appropriée, l'objet religieux lui-même ;
spécifier les différentes sciences religieuses, leur assigner
à chacune une méthode, marquer notamment en quoi la critique
philosophique de la religion diffère des autres genres de critique
religieuse ; voir dans quelle mesure, in concreto, les diverses
spécialités qui concernent la religion restent fidèles
à leur statut logique ou y dérogent »46(*).
Sommairement dit, la triple tâche de la philosophie de
la religion revient à la critique philosophique directe, la
méthodologie des sciences religieuses et l'appréciation des
systèmes particuliers. Parmi ces tâches qui incombent à la
philosophie de la religion, celle qui nous intéresse
particulièrement, est la première, à savoir la critique
philosophique du donné religieux selon une méthode
appropriée. Ainsi comprise, « la philosophie de la
religion ne prétend pas se substituer à la religion ou instituer
une autre voie que celle de la religion. Sa tâche est d'élever la
foi à la conscience de soi pour la préserver du dogmatisme et
préserver dans sa pureté l'affirmation
religieuse »47(*). Cette dernière correspondrait au sens des
travaux entrepris par HEGEL sur la philosophie de la religion. Nous
savons que, par rapport à la religion, la mission de la philosophie,
pour lui, est d'élever le contenu de l'Absolu, présenté
dans la religion sous forme de la pensée. En effet, la philosophie de la
religion essaye de saisir le comportement de l'homme à l'égard de
l'Absolu. Ce que Emilio BRITO commente donne à entendre dans ces
propos :
« Nous pouvons donner avec précision la
définition hégélienne de la philosophie de la religion, et
son incidence sur l'organisation des Leçons. Contraster la philosophie
de la religion avec d'autres disciplines connexes nous permettra de discerner
son intention positive. La philosophie de la religion n'est pas la
théologie naturelle de style wolffien. Celle-ci oublie [...] que Dieu
"est essentiellement dans sa communauté, qu'il a une communauté,
est objectif pour soi, et ne l'est véritablement que dans la conscience
de soi ", et elle se contente de contempler un Dieu abstrait : "la
doctrine de Dieu, ses propriétés, etc." La philosophie de la
religion, pour sa part, ne connaît d'autre Dieu que le Dieu Esprit,
c'est-à-dire non seulement l'essence qui se maintient dans la
pensée, mais celle qui apparaît et se donne
l'objectivité »48(*).
Etant donné que la tâche qui incombe à la
philosophie de la religion est essentiellement épistémologique,
quelle est la méthode adéquate qui permettrait au philosophe de
porter un jugement critique sur le donné religieux ?
I.3.3. La méthode de la
philosophie de la religion
Dans cette partie, nous tenterons de répondre aux
questions suivantes : Quelle méthode adopter pour critiquer en
philosophe la religion ? En quoi cette méthode restera- t- elle
distincte des autres méthodes philosophiques ?
La méthode de la philosophie de la religion doit
permettre au philosophe de mener son enquête auprès de l'homme
religieux et de décider de ce qui vaut ou ne vaut pas du point de vue de
la raison dans le comportement et les affirmations de celui-ci. Nous estimons
que la méthode d'analyse réflexive et critique -méthode
dite de discrimination- est celle qui convient.
Henry DUMERY, dans sa recherche d'une méthode à
la philosophie de la religion, est arrivé à conclure que les
méthodes d'explication, de confrontation, d'anticipation ne conviennent
pas à la philosophie de la religion ; elles sont inopérantes
et incomplètes. Le phénomène religieux ne se dissout pas
dans ses données objectives comme le croit le naturalisme explicatif. Il
ne se résout pas en éléments formels ou subjectifs, comme
le croit le criticisme. Par contre, il ne s'agit pas de le considérer
comme tout fait ; il faut trouver le moyen de préserver la
spécificité du donné religieux et, soumettre ce dernier
à l'examen critique. De ce fait, la phénoménologie nous
paraît d'un appoint sérieux. Par l'épochè,
elle réserve la question de la valeur surnaturelle de la religion. Par
l'intentionnalité, elle échappe à tout subjectivisme, elle
respecte la « région » du sacré. Par
l'intuition des essences, elle procède à la découverte
immédiate des significations du phénomène religieux.
Enfin, par sa manière d'aborder les problèmes de constitution,
elle permet de repérer les différentes couches de sens qui
s'amalgament dans l'acte intentionnel. Pour ce quadruple service, elle est
précieuse. Cependant, la phénoménologie a une lacune
à combler : la carence métaphysique. Pourtant,
« le spécialiste des religions n'est jamais
métaphysiquement neutre ; secrètement il prend parti. Ses
recherches, sa méthode, ses options restent commandées,
même à son insu, par des présupposés philosophiques
dont il est responsable »49(*). Pour combler cette carence métaphysique de la
phénoménologie, nous allons la remanier en lui substituant une
autre méthode spécifique à la philosophie de la religion.
« Aux procédés de
compréhension, il faut succéder les procédés de
discrimination, qui sont non seulement descriptifs, mais judicatoires. Ils
placent le critique en face de la religion comme devant un donné. Mais
au lieu de se borner à dresser un inventaire même
détaillé, la méthode de discrimination classe et
hiérarchise d'après des critères normatifs. Elle sait que
la conscience comporte plusieurs niveaux distincts et que toutes les structures
sont à juger d'après ces niveaux [...]. Dès lors, chaque
fois que toute activité humaine -art, science, religion- se trouve
rapportée à cette hiérarchie des plans, à cette
gamme de niveau critique, il devient possible de la différencier et de
l'apprécier. C'est ce en quoi il y a discrimination normative, ou
judication au sens philosophique du mot »50(*).
En bref, nous ne saurons concevoir de philosophie de la
religion sans la critique, encore moins sans détection
compréhensive des niveaux de la conscience. Pareillement, le philosophe
de la religion n'a pas à être d'abord l'inspecteur des travaux
finis, mais l'initiateur, l'introducteur, celui qui, traditionnellement, agite
la question préalable et place chacun devant ses responsabilités.
Critique des autres, il le sera occasionnellement ; mais critique de soi,
critique de sa recherche et de l'objet de sa recherche, il doit l'être
essentiellement51(*).
Finalement, il faut admettre que la philosophie de la religion
qui sympathise avec l'expérience religieuse ne peut être une
phénoménologie objectiviste du phénomène religieux.
Elle a pour présupposé la disposition religieuse de l'âme,
à savoir à la fois un sujet religieux et un acte sacralisateur.
Mais, si elle s'inscrit plutôt dans une religion instituée, ce
qu'elle ne peut manquer de faire plus ou moins, elle va s'appliquer à la
lecture des textes sacralisés par cette religion - en raison de la
tradition qui est la sienne - et elle deviendra herméneutique
spirituelle52(*).
CHAPITRE II
LA CONCEPTION HEGELIENNE DE
LA RELIGION
« Selon Hegel, la religion exprime, sous la
forme de représentation, la même vérité que la
philosophie : à savoir que chaque homme est raison et
liberté. Le christianisme, mieux que n'importe quelle autre religion, a
appris aux humains cette doctrine fondamentale ».
Raymond VANCOURT, La pensée
religieuse de Hegel, Paris, P.U.F., 1965,
p. 129.
Dans ce deuxième chapitre, nous abordons, à
proprement dit, la pensée de HEGEL sur la religion. Avant tout,
définissons la religion et son fondement. Au chapitre premier, nous
avons vu que pour notre auteur, la philosophie et la religion expriment toutes
deux l'Absolu. A présent, il sera question de savoir sous quelle forme
s'exprime chacune d'elles. Ensuite, nous étudierons la hiérarchie
établie entre les religions. Enfin, nous scruterons le sens de
l'entreprise hégélienne en ressortissant les objectifs de son
travail sur la religion.
II.1. Le concept de
religion
II.1.1. Définition
Dans son ouvrage Leçons sur la philosophie de la
religion, HEGEL définit la religion comme la prise de conscience
que l'homme effectue de Dieu et de lui-même ;
l'élévation de l'homme vers Dieu, la conscience consciente de
Dieu, l'esprit qui se réalise dans la conscience53(*). « La religion,
en sa notion, est le rapport du sujet, la conscience subjective à Dieu
qui est esprit ; ou si l'on comprend la notion au point de vue
spéculatif, elle est l'esprit, conscient de son essence, de
lui-même »54(*), affirme-t-il. L'objet et le sujet de la religion
sont inséparables, mais leur union n'est pas totalement parfaite :
expérience de peur face au Dieu totalement autre.
Cette identité de l'individu avec son essence n'est pas
abstraite ; c'est plutôt le passage de l'individu,
c'est-à-dire de l'existence naturelle à une conscience pure,
spirituelle.
Dans la prise de conscience par le sujet de sa propre essence,
de l'essence divine ou absolue, se réalise la véritable
éducation du genre humain. Elle s'effectue en plusieurs
étapes qui constituent une triple forme : le sentiment,
l'intuition et la représentation. Au dessus de cette dernière, il
y a la pensée spéculative qui est propre au philosophe55(*).
Chaque peuple, chaque religion, à sa manière, se
représente l'essence du monde, la substance de la nature et de l'esprit
et le rapport qu'elle entretient avec cet objet. HEGEL l'exprime
ainsi : « Dans les religions, les hommes ont
exprimé la conscience qu'ils ont de l'objet suprême ; elles
sont l'oeuvre suprême de la raison et il est absurde de faire croire que
les prêtres ont inventé la religion pour tromper les peuples,
comme si on pouvait en faire accroire à l'homme quand il s'agit de
l'être suprême »56(*).
La religion est pour tous les hommes ; elle n'est pas,
comme la philosophie, réservée à certains hommes. Elle est
la manière dont les hommes deviennent conscients de la
vérité et on y parvient notamment par le sentiment, la
représentation et la pensée raisonnable.
II.1.2. Le fondement universel
des religions
Si HEGEL définit la religion comme la prise de
conscience par l'esprit de sa propre essence, ce qui constitue le fondement
des religions chez lui, c'est l'élévation spontanée de
l'homme vers Dieu et cette élévation s'enracine dans ce qui
distingue l'homme de l'animal, c'est-à-dire la pensée. HEGEL
lui-même l'affirme :
« L'on peut dire que nous, qui sommes
différents de la nature extérieure, devons observer notre
élévation religieuse au-dessus de nous-mêmes en dehors de
notre rapport fini d'après lequel nous sommes tout autre chose. Dans la
plénitude religieuse, nous sommes plus séparés, nous
devons former pour nous-mêmes le contenu, Dieu. L'observation serait
connaître, appréhender ; mais ce mode
d'élévation est exclu de l'attitude religieuse empirique puisque
nous ne prenons qu'immédiatement cette position du recueillement, de
l'attitude qui est sans rapport et que nous devons renoncer à tout
raisonnement et ne rien connaître de Dieu. Notre position pourrait donc
être l'élévation religieuse »57(*).
Nous pouvons facilement comprendre la structure et le
rôle de cette saisie immédiate ou révélation
intérieure de Dieu dans l'esprit de l'homme dont HEGEL dit qu'elle est
le « fondement universel des religions ». Il s'agit d'un
mouvement de la pensée, d'une sorte de raisonnement implicite dans
lequel notre auteur réintègre tout ce que
l'élévation de l'individu à Dieu renferme :
l'intuition, le sentiment et l'imagination.
En considérant l'élévation religieuse
comme un processus nécessaire et universel de la raison, HEGEL prenait
ses distances par rapport à l'immédiateté subjective de la
conscience religieuse telles que la concevaient JACOBI et SCHLEIRMARCHER. En
même temps, il laissait entrevoir le rôle qu'il faut attribuer
à cette ascension naturelle de l'homme vers l'Absolu. C'est ainsi que
Raymond VANCOURT commente cette considération en relevant l'importance
que HEGEL lui accorde puisqu'elle est, selon lui, indispensable pour toutes
les religions :
« L'élévation spontanée
à Dieu apparaît à Hegel comme la condition logique
transcendantale, sans laquelle les religions seraient impossibles, parce que ne
signifiant rien pour nous [...]. Mais il souligne aussi, avec autant
d'insistance, que la dite élévation n'en demeure pas moins le
fondement dont aucune religion ne peut se passer, car elle demeure un
élément essentiel inhérent à la structure
même de la pensée religieuse »58(*).
Remarquons que l'analyse du fondement des religions chez HEGEL
nous laisse dans le doute. On pourrait se poser une question : d'où
vient la pluralité des religions puisque l'élévation
religieuse est universelle de par sa rationalité ? La
réponse que HEGEL donne à cette question n'est pas moins
pertinente. Il justifie la pluralité des religions par le fait que les
religions ne sont point nées accidentellement. Leur ordre de succession
dans l'histoire n'est pas non plus quelque chose qui s'est
réalisé au hasard. La succession s'est accomplie suivant un ordre
rationnel hiérarchisé qui pouvait être autrement et qu'il
est possible de découvrir. En dépit des apparences dont on peut
se passer, HEGEL reconnaît qu'une raison divine a présidé
à l'éclosion des religions suivant un plan nécessaire.
Cette analogie le prouve bien :
« On peut assimiler la religion au point de
départ, à un germe qui doit se développer ; elle
contient en soi, d'une manière virtuelle, tous les degrés de la
future croissance et chacun de ces degrés, au moment où l'esprit
y accède, se traduit en un type de religion déterminé. En
d'autres termes, les différentes formes de religion sont des moments de
la religion en général ; à travers elles, la religion
apparaît dans le temps »59(*).
Par cette lecture des faits sur le sens de la pluralité
des religions, notre auteur s'écarte une fois de plus du point de vue de
SCHLEIRMACHER. En effet, pour ce dernier, la pluralité des religions est
fondée dans l'essence même de la religion ; il y a en elle un
principe qui la pousse à s'individualiser, car sans cela, elle ne
pourrait ni être, ni être perçue.
HEGEL s'oppose plus nettement à VOLTAIRE pour qui la
pluralité des religions provient des dégradations que
l'humanité, sous l'influence des passions, des intérêts,
aurait fait subir à une religion naturelle primitive
présentée comme étant l'empreinte de perfection
idéale. HEGEL ne partage pas cet avis. Il accepte, certes, de parler de
religion naturelle, mais il emploie l'expression dans un sens qui
s'écarte de la pensée de VOLTAIRE. II rejoint la pensée de
David HUME qui faisait remarquer qu'il est impossible d'établir, par
l'étude du passé, l'existence d'une religion répondant
à l'idéal de VOLTAIRE. L'homme a dû commencer sa vie
spirituelle, comme sa vie matérielle, sous les formes marquées de
simplicité. HEGEL reprend la même chose, mais dans un contexte un
peu différent de celui de David HUME. Il souligne la valeur positive de
la religion primitive et de manière générale de toutes
celles qu'a connues l'humanité60(*).
Nous pouvons retenir que, chez notre auteur, la religion se
fonde sur l'élévation naturelle de l'homme vers Dieu et que la
pluralité des religions s'explique par un ordre rationnel selon lequel
les religions se succèdent. Quel serait alors le degré de
rationalité religieuse par rapport à la philosophie ?
II.1.3. Représentation
religieuse et concept philosophique
Dans sa conception du rapport entre la philosophie et la
religion, HEGEL établit une différence entre les deux notions
basées sur leurs formes d'expression : l'une est
représentationnelle alors que l'autre est conceptuelle.
Certes, la philosophie et la religion expriment toutes deux
l'Absolu, mais elles diffèrent par leur forme d'approche de l'objet
absolu qu'est Dieu. La conscience subjective est une conscience qui
représente alors que la philosophie est une conscience qui saisit. Il le
souligne souvent dans ses ouvrages : « Le contenu de la
religion et celui de la philosophie ne peuvent différer ; car il
n'existe pas deux consciences de soi de l'Esprit absolu, pouvant avoir un
contenu divers et opposé ; il n'y a donc que de différence
formelle »61(*). C'est sur cette distinction formelle que se fonde
donc la différence entre la philosophie et la religion.
La forme représentationnelle et la forme conceptuelle
sont deux degrés différents de l'opération de l'esprit
humain. Distinguons-les d'abord. La première est seconde et
limitée alors que la deuxième est parfaite. La
représentation apparaît sous forme d'image et cette
dernière nous permet de former le concept. L'image
présentée à l'intelligence saisit l'essentiel de l'objet
qui est le concept. C'est dans la même perspective que notre auteur
réalise que « la religion est destinée à la
conscience générale de l'esprit et ainsi dans cette conscience
l'esprit est tout d'abord l'objet de la conscience sensible,
représentative ; c'est dans la philosophie seulement qu'il se
trouve comme notion [ou concept], elle se meut sous la forme de la
pensée »62(*).
HEGEL donne une structure tripartite à chacun des
moments de la saisie de l'objet absolu et l'organise selon le même
rythme : le concept, la représentation et le culte. Il ne s'agit
pas d'une organisation arbitraire, mais l'articulation du concept même de
la religion ; concept reçu des données de la
représentation que sont l'intuition, le sentiment et
l'imagination63(*).
Jean-Louis VIEILLARD-BARON commente éloquemment cette structure :
« La religion est l'Esprit sous la forme de la
représentation, cette forme est plus adéquate que la forme
artistique dans la mesure où la représentation est moins
immédiate que le sensible ; mais elle est moins adéquate que
la forme de la philosophie, à savoir le concept, seule forme
parfaitement adéquate du divin ou à l'absolu, c'est-à-dire
la forme où l'Esprit absolu soit parfaitement conscient de
lui-même »64(*).
La religion s'adresse à tous et ne vise pas une
démarche intellectuelle difficile. Elle désigne le contenu
intellectuel sous forme d'image et de sentiment parce que « le contenu
essentiel de la représentation est mis sous forme de la pensée,
mais il n'est pas pour cela posé comme pensée. La
représentation se comporte négativement à l'égard
du sensible et de l'image, sans se libérer absolument du sensible, en le
transportant dans l'idéalité parfaite »65(*). HEGEL critique ici le point
de vue de la conscience religieuse à la dévotion ou la
religiosité naïve. La séparation entre sentiment religieux
et conscience connaissante est cependant considérée par HEGEL
comme possible. La représentation est une forme inadéquate de
l'Esprit absolu que la philosophie devra élever à la forme
parfaite ou conceptuelle. Elle lui permet à la fois de saisir
authentiquement l'absolu et de comprendre la religion elle-même.
HEGEL a voulu à la fois rapprocher et distinguer la
religion et la philosophie. Cette différence n'apparaît que dans
la religion absolue, là où la religion s'achève dans sa
détermination concrète du contenu divin66(*). Nous allons passer en revue
les principaux types de religion et voir comment la religion a
cheminé pour arriver à sa forme achevée.
II.2. La hiérarchie
entre les religions
Jusqu'ici, nous n'avons parlé que de la religion en
général. Pourtant, il n'existe que des religions
particulières, ayant chacune ses caractéristiques propres. Face
à cette pluralité et cette diversité des religions, on
peut se poser un certain nombre de questions. Les religions ont-elles des
rapports les unes avec les autres ? Y a-t-il une religion
supérieure qui domine les autres et appelée à les
supplanter ? Si oui, selon quel critère doit-on les
hiérarchiser ? HEGEL examine ces problèmes et explique
comment la religion s'est développée au cours du temps à
partir de la forme la moins parfaite jusqu'à la plus
parfaite. Cette succession des religions forme ainsi une hiérarchie au
sommet de laquelle se trouve la religion qui tient Dieu pour Absolu, qui
détermine le concept même de la religion.
II.2.1. La religion
naturelle
La religion naturelle, ou plus exactement la
« religion de la nature », selon l'expression
employée par HEGEL, est la première forme dans la succession des
religions. Elle existe depuis les temps anciens et se retrouve en de nombreux
lieux, partout sur la planète. Le sens que notre auteur lui donne est
différent de celui des autres philosophes du XVIIIe
siècle tels qu'Emmanuel KANT ou VOLTAIRE dont nous avons
déjà exposé les points de vue.
Dans ce type de religion, l'être religieux, en
quête de l'Absolu, n'ayant pas encore pris conscience de ce qui l'oppose
à la nature, continue à s'identifier à elle.
Première étape de l'évolution spirituelle, elle constitue
la religion la moins parfaite et il serait insensé de considérer
les étapes ultérieures comme de simples déformations de
cette religion initiale, soi-disant toute pure comme le prétendait
VOLTAIRE67(*).
On pourrait rapprocher la conception hégélienne
de la religion naturelle de celle de l'animisme d'Edward Brunett TYLOR. En
effet, dans de nombreuses cultures, l'âme ne se rattache pas
uniquement à l'être humain mais également à une
diversité d'éléments naturels. Elle est en outre
supposée posséder des pouvoirs importants ayant une influence
directe sur la vie quotidienne des hommes. Les croyances rattachées
à cette conception de l'âme sont les croyances animistes. Elles
vont souvent de pair avec un grand respect de la nature, car au sein de
l'animisme, toutes les formes de vie mais aussi les lieux (rivières,
sources, monts...) et les phénomènes atmosphériques sont
supposés être habités par une âme et donc
dotés de pouvoirs variés.
La manière dont l'animisme s'exprime
varie selon les territoires ; chaque peuple ayant ses propres croyances.
Selon les lieux, l'âme ne réside pas dans les mêmes sortes
de personnes ou d'objets et la croyance dans les âmes ou les esprits peut
s'accompagner d'autres croyances, comme la vénération d'un
Être suprême. Néanmoins, le culte des ancêtres demeure
un point commun, essentiel à un grand nombre de ces variantes de
l'animisme. Pour s'attirer les faveurs ou calmer la colère des esprits
des défunts qui sont particulièrement craints, on pratique un
certain nombre de rites, de sacrifices, d'incantations ou d'offrandes. Les
croyants tentent également d'entrer en contact avec les âmes des
morts afin d'obtenir toutes sortes de bénéfices (guérison,
pluie, fertilité...) mais aussi des conseils ou des présages. Le
dialogue avec les esprits des ancêtres s'établit par
l'intermédiaire d'un sorcier ou d'un chaman qui saisit -le plus souvent
par la divination ou la transe- les messages envoyés depuis ce monde
parallèle qui, pour les croyants, a la même
matérialité que le monde terrestre. La pratique de l'animisme met
souvent en oeuvre des objets auxquels est conférée une dimension
sacrée tels les totems, les fétiches ou les amulettes68(*).
Pour illustrer la conception hégélienne de la
religion naturelle, Raymond VANCOURT prend l'exemple de l'hindouisme. En effet,
les Hindous confondent l'Absolu avec les éléments dont sont faits
l'univers et l'âme humaine. Ils admettent qu'on peut s'approcher de lui
par des voies diverses, d'égale valeur.
« L'hindouisme a conçu ainsi le rapport
qui nous unit à Dieu parce qu'il ne s'est pas élevé
à une prise de conscience suffisante et subjectivité personnelle,
libre. Certes, tout en présentant Dieu comme indéterminé
de l'univers, le Brahmanisme professe également des doctrines
théistes et polythéistes ; mais les divinités qu'il
admet, ne sont, si on en croit encore Hegel, que des
« personnifications » de l'Absolu, inférieures
à Lui, produits de l'imagination plus que de la pensée, substance
indéterminée devant laquelle l'homme doit
s'annihiler »69(*).
Parlant également des religions traditionnelles
africaines, HEGEL montre à quoi se réduit la conscience
religieuse chez les peuples africains. Il affirme que
« L'Africain se rend compte
qu'elles [les forces naturelles] le dominent, mais pour lui ce
sont des forces dont l'homme peut, d'une manière ou d'une autre, se
rendre maître. Il domine ces puissances naturelles. Il ne faut pas penser
ici à une adoration de Dieu ni à la reconnaissance d'un esprit
universel opposé à celui de l'individu. L'homme ne connaît
que lui-même, et lui-même comme opposé à la
nature : c'est à cela que se réduit la rationalité
chez ces peuples. Ils reconnaissent la force de la nature et cherchent à
la dominer. C'est ainsi qu'ils croient que l'homme ne meurt jamais
naturellement, mais que c'est la volonté d'un ennemi qui le tue par un
pouvoir magique ; pour empêcher cela, comme contre toute force
naturelle, ils se servent à leur tour de la
magie »70(*).
En général, si HEGEL refuse d'admettre que la
religion naturelle est le fondement de toutes les religions, c'est parce que
cette dernière n'arrive pas à établir la distinction entre
l'homme et la nature, entre ce qui distingue l'homme de l'animal,
c'est-à-dire la rationalité.
La religion traditionnelle -terme utilisé pour designer
l'animisme ou la religion naturelle- constitue encore de nos jours
une forme de croyance très répandue à la surface du globe,
en particulier en Océanie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, en
Birmanie, en Chine, sur le continent africain, mais aussi chez de nombreux
peuples originaires d'Amérique du Nord et du Sud.
II.2.2. La religion
déterminée
Deuxième forme de religion d'après la
hiérarchie hégélienne, la religion
déterminée est l'étape où le processus de l'esprit
n'est pas encore parfait ; sa conscience de lui-même n'est pas
encore véritable, il ne s'est pas encore manifesté à
lui-même71(*).
Nous aurons à considérer dans cette partie les
religions déterminées qui sont incomplètes parce qu'elles
ne sont qu'un degré dans le processus de la conscience de l'essence
absolue de l'esprit religieux ; mais c'est la nature même de
l'esprit de poursuivre cet itinéraire. Les religions
déterminées, n'ayant pas encore parcouru toutes les
étapes, sont encore inachevées.
Emilio BRITO relève quelques caractéristiques de
la forme de religion déterminée :
« Le second moment est la religion dans la
détermination de l'essence. L'expérience religieuse de
l'humanité se déprend de l'identité immédiate entre
l'être et l'essence. La différence fait irruption ; la
conscience de soi se retire en soi contre son objet. L'immédiat est
expérimenté comme essentiel, l'être fini comme
idéal. Ici on commence l'élévation du spirituel sur le
naturel, l'être pour soi spirituel du sujet. La naturalité est
rabaissée à l'apparence. L'Esprit est libre ; le naturel et
fini n'est que serviteur. Cette libre subjectivité a une double
détermination qui correspond historiquement aux religions juives et
grecque »72(*).
Justement, passons en revue les deux cas de religion
déterminée évoqués ci-dessus.
Dans la religion grecque -encore appelée religion d'un
peuple ou religion de l'individualité spirituelle- la communion de
l'homme avec la divinité revient à la communion avec
soi-même, mais avec un soi figé en sa finitude.
« Ce qui nous séduit en cette religion,
écrit Hegel, ce qui la distingue des autres, c'est qu'elle est une
religion de l'humanité. L'homme y voit ses droits reconnus... y est
représenté suivant ses besoins, ses passions, ses habitudes, ses
particularités politiques et morales. Aussi cette religion ne
contient-elle rien d'intelligible, d'insaisissable ; les dieux n'ont point
d'attribut que l'homme en connaisse et ne trouve en
lui-même »73(*).
De plus, par le fait de ne rencontrer dans la cité que
lui-même, l'homme grec obéit à des lois qu'il a faites ou
acceptées et n'est pas soumis à un Etre transcendant, dont la
liberté, à en croire HEGEL, limiterait la sienne. Pour ces
raisons, la religion grecque apparaît à notre auteur comme la
religion de la liberté.
Pour le cas du judaïsme, nous pouvons dire qu'il
apparaît, à certains égards, comme la religion d'un peuple.
Même si Yahvé s'affirme le Seigneur de tous les hommes, il n'en
demeure pas moins le Dieu d'Israël puisqu'il entretient un rapport
particulier et exclusif avec le peuple hébreu. Cet Etre transcendant n'a
toutefois rien de l'Absolu indéterminé des Hindous. Il ne
s'identifie ni avec une nation, ni avec la nature, ni avec l'humanité.
Cependant, il demeure l'Autre, situé à une distance
infranchissable et ne peut être appréhendé que par une
expérience totale par opposition. La crainte servile des hommes devant
le Tout-puissant constitue l'idéal religieux du judaïsme ;
elle se manifeste par le respect scrupuleux des observances contenues dans la
Torah74(*).
Vu les caractéristiques propres aux religions
déterminées, nous constatons que l'Islam se rapproche davantage
de la religion juive. Ces quelques traits communs reflètent l'image d'un
Dieu transcendant qui demeure inaccessible à notre intelligence ;
les prophètes, agents transmetteurs du message divin et l'observance
scrupuleuse de la loi divine. Nous pouvons ainsi dire que la religion musulmane
est une religion de type déterminé.
En somme, la religion déterminée, notamment le
judaïsme a préparé l'humain à recevoir une forme
nouvelle de religion.
II.2.3. La religion accomplie
A mesure que l'on parcourt les diverses formes de religion, la
religion finit par trouver sa forme la plus parfaite dans la religion dite
accomplie dont la seule et véritable est le christianisme. En elle se
révèle le concept de religion, ce qu'est l'Esprit, ce qu'est Dieu
car, en elle, Dieu est devenu complètement manifeste, sans secret
résiduel75(*).
HEGEL, lui-même, soutient que
« la religion achevée est celle où
la notion de religion est retrouvée en elle-même, où
l'Idée absolue, Dieu en tant qu'esprit est, suivant sa
vérité et sa manifestation, objet de la conscience. Les religions
anciennes dans lesquelles la détermination concrète de la notion
est moindre, plus abstraite, défectueuse sont des religions
déterminées qui constituent les degrés par où passe
la notion de la religion pour que celle-ci parvienne à sa perfection.
Cette religion révélée est la religion
chrétienne »76(*).
Il suit de là que la religion chrétienne est la
seule qui possède le contenu absolu à la manière
religieuse, c'est-à-dire sous forme de représentation qu'il faut
prendre soin de distinguer avec la pensée philosophique qui, pour elle,
cherche à comprendre.
Dans le christianisme, la personne centrale c'est le Christ,
ce dernier n'est ni un prophète, ni un simple transmetteur du message
divin. Il fait partie du contenu de la révélation et en constitue
même l'objet principal. Le Christ s'affirme en effet comme le Fils de
Dieu ; il parle aussi de l'Esprit de vérité qu'il enverra
à ses Apôtres, dévoilant ainsi qu'il y a en Dieu
trinité de personnes et levant par là même un pan de voile
qui cache le mystère de l'Absolu77(*). Avec le christianisme, HEGEL constate que la
transcendance divine s'amoindrit considérablement, car en elle Dieu
s'est révélé entièrement et n'a plus rien de
mystérieux.
Malgré la déchéance originelle, nous
sommes tous appelés à participer à la vie divine. Bien que
la vision béatifique permet de voir Dieu face à face et de
contempler son essence, il n'y a cependant pas de confusion entre Dieu et nous.
Pour permettre à l'homme d'atteindre sa
destinée, l'Eglise propose un ensemble de vérités et de
dogmes auxquels le croyant doit adhèrer. Mais HEGEL veut distinguer ce
qu'il appelle sentiment ou subjectivité des faits historiques ; par
exemple, la mort et la résurrection du Christ qui ont une signification
très importante pour le chrétien et qui n'ont rien à voir
avec le ritualisme persistant. HEGEL réagit par là contre le
catholicisme en proférant de très vives critiques à son
encontre78(*). Il
reconnaît que la Réforme luthérienne a été
d'une importance capitale.
HEGEL conçoit que le christianisme est la religion la
plus intime et la plus rationnelle dans laquelle s'accomplit le
développement spirituel de l'humanité. De même, il trouve
que seul le luthérianisme est digne de ce type de religion.
En résumé, nous disons que le passage de la
religion naturelle à la religion déterminée aboutit enfin
à la religion accomplie, celle qui exprime, sous forme de
représentation, le même contenu absolu que la philosophie. HEGEL
montre aussi que seul le christianisme reconnaît que l'homme est libre et
doué de raison.
II.3. Le sens
de l'entreprise hégélienne
Nous avons défini l'homme comme un animal raisonnable
en quête de l'Absolu et que chez HEGEL la religion a pour fondement
universel la rationalité. Tout être religieux doit ainsi se poser
la question de savoir quelle est la raison de sa foi et être capable de
rendre rationnellement compte de tout acte qu'il pose.
II.3.1. Les rapports entre
raison et foi
Comme n'importe quel philosophe traitant de la religion, HEGEL
se préoccupe en premier lieu des rapports entre la raison et la foi qui
sont en d'autres termes les rapports entre la philosophie et la religion.
Pour HEGEL, nous l'avons déjà vu au premier
chapitre de ce travail, la vérité est une. Sa position par
rapport à la théorie averroïste de la double
vérité, à savoir qu'une proposition peut être vraie
au point de vue religieux et fausse, voire absurde au plan philosophique, est
évidente. Il ne peut que la rejeter. Cette théorie,
explique-t-il, semble subordonner la raison à la foi79(*).
Dans sa façon de concevoir les rapports entre la raison
et la foi, HEGEL écarte également la thèse de ceux qui
voudraient tenir la philosophie et la religion dans une sorte
d'indifférence réciproque. D'après le commentaire de
Raymond VANCOURT, HEGEL n'est pas d'accord avec toute
« attitude du croyant qui serait en même temps
philosophe, mais ne tenterait en aucune manière de concilier dans sa
conscience la foi et la raison, chacune allant son chemin sans se
préoccuper de l'autre. Cette situation est pour Hegel, impossible ;
philosophie et religion ayant le même objet, l'esprit ne peut
s'accommoder d'un simple divorce entre elles ; ou il sacrifiera l'une des
parties, ou il les réconciliera »80(*).
Dans cette logique, la philosophie et la religion ne se
contredisent pas et sont compatibles puisque la raison et la foi n'expriment
qu'une seule et même vérité.
HEGEL rejette aussi la position thomiste sur les rapports
entre la raison et la foi. Selon le thomisme, dit-il, il existe une distinction
entre vérités naturelles accessibles à la raison et
d'autres qui la dépassent et proviennent d'une source supérieure,
les vérités surnaturelles. Il assimile curieusement cette
conception thomiste à la position averroïste et affirme que
l'expression « double vérité » pourrait aussi
s'appliquer à ce cas81(*). Pour comprendre cette position
hégélienne vis-à-vis du thomisme, on doit se rappeler que
pour HEGEL, « la raison ne peut tolérer rien d'autre à
côté d'elle et encore moins au dessus
d'elle »82(*). Son interprétation s'oriente toujours
à satisfaire la raison et donc la philosophie, car
« la philosophie est capable de situer la religion
dans l'activité générale de l'esprit ; de montrer
qu'elle est nécessaire pour que le vrai soit accessible à tous
les hommes. Mais inversement, la religion n'est pas capable de, selon Hegel, ni
de se penser elle-même, ni de penser la philosophie, encore moins la
diriger. Il n'y a donc pas à chercher la place de la philosophie
à l'intérieur du domaine de la religion, mais plutôt de la
religion à l'intérieur de la philosophie. Plus exactement,
à l'intérieur de la religion, il y a déjà la
vérité philosophique puisque la vérité est
une »83(*).
En somme, nous pouvons remarquer que chez notre auteur, en
dépit de la compatibilité entre la raison et la foi, la
pensée doit parvenir à une élaboration rationnelle libre,
créatrice d'elle-même et capable de se réaliser sans se
référer toujours à une norme quelconque. En effet, les
preuves de l'existence de Dieu nous paraissent comme un lieu
privilégié pour établir les droits de la raison et de la
foi dans le problème de Dieu.
II.3.2. Le sens des preuves de
l'existence de Dieu
Chaque religion, chaque croyant a sa manière propre de
parler de Dieu. Comme personne ne l'a jamais vu, nous sommes obligés
d'emprunter des mots, des images, des représentations.
A partir du moment où les hommes ont commencé
à se poser des questions sur l'existence de Dieu, plusieurs philosophes
ont essayé d'y répondre par une démonstration. Même
aux athées les plus sceptiques, il fallait prouver, au moyen de la
raison, que Dieu existait.
HEGEL s'inscrit dans cette tradition. Puisque tous les hommes
sont doués de raison, et que celle-ci est le fondement de la religion
-religion absolue-, alors, prouver l'existence de Dieu ne poserait plus de
problème.
Cependant, peut-on démontrer l'existence de Dieu par la
raison ? Cette remarque de Jean-Marie PLOUX nous parait assez
pertinente :
« Quoi qu'il en soit, aucune
démonstration n'a jamais convaincu personne. D'ailleurs, si l'on pouvait
prouver l'existence de Dieu par la raison, il n'y aurait que des
imbéciles pour ne pas croire. Or parmi les athées, il y a des
scientifiques, des artistes, des philosophes et bien d'autres hommes tout
à fait intelligents ! Et puis, en supposant que l'on puisse arriver
à Dieu par le raisonnement [...] ce serait un Dieu qui s'imposerait
à l'homme par la force de la raison »84(*).
Pourtant, en concevant comme fondement de l'expérience
religieuse une sorte de pensée pré-réflexive,
spontanée et implicite, qui traduit une sorte de fusion avec l'Absolu,
HEGEL a voulu montrer la portée et la signification de la preuve de
l'existence de Dieu85(*).
Elle est une prise de conscience réflexive de notre rapport à
Dieu. En l'esprit se produit l'union du fini et de l'infini, qui nous fait
accéder à l'esprit absolu, car l'unité de la nature divine
et de la nature humaine constitue précisément l'esprit
absolu86(*). Lorsque la
référence de l'être fini à l'être infini
s'actualise, elle prend la forme de la preuve.
« Prouver consiste uniquement, écrit
Hegel, à prendre conscience du mouvement propre de l'objet
lui-même. Si appliquée à d'autres objets, cette
pensée se heurte à des difficultés, ce n'est pas le cas
pour le nôtre - l'élévation de l'esprit à Dieu - qui
n'est pas un objet en repos, mais au contraire un mouvement subjectif, une
activité, une évolution, un processus, qui renferme en
lui-même la marche nécessaire, qui caractérise la
démonstration, et n'a qu'à être réfléchi pour
se transformer en démonstration »87(*).
Dans cette perspective, l'argument ontologique est la preuve
par excellence, aux yeux de HEGEL comme chez plusieurs philosophes, celui dans
lequel les autres88(*)
s'intègrent et trouvent leur unité. C'est pourquoi il constitue,
selon la remarque de Raymond VANCOURT, le point culminant de la pensée
hégélienne à partir duquel on entrevoit ce qu'est, pour
HEGEL, l'Absolu89(*).
Pour comprendre mieux la signification de la preuve
ontologique chez notre auteur, il serait important pour nous de la replacer
dans son contexte historique. Voici la manière dont Saint ANSELME de
Cantorbéry, inventeur de cet argument, l'a
formulée : la représentation de Dieu exige qu'il soit
parfait. Si nous ne retenons de Dieu que sa représentation, ce qui est
ainsi représenté n'est pas la plus haute perfection ; car le
parfait n'est pas seulement ce qui est représenté, mais qui
existe véritablement. Ainsi, Dieu qui est parfait n'est pas une simple
représentation, mais il doit posséder aussi la
réalité90(*). Pour Saint ANSELME, nier l'existence de Dieu serait
antinomique en soi puisqu'il est possible de concevoir l'être parfait, et
par là même fournir la preuve indubitable de l'existence de Dieu.
Cet argument ne sera pas admis par Emmanuel KANT.
Emmanuel KANT est celui qui a qualifié d'ontologique
cet argument, désignant par là une « preuve par
concepts ». Il réfute cet argument en critiquant Saint
ANSELME. Il sépare l'existence du concept et voit dans cette
manière de tirer l'existence de Dieu du concept de perfection une pure
production de la subjectivité : tout ce que l'homme pense n'est pas
réel par le seul fait qu'il le pense. Du point de vue de l'essence, cent
thalers possibles, pour reprendre l'exemple que KANT emprunte à BERING,
sont les mêmes que les cent thalers réels. On peut donner
parfaitement raison à KANT, tant qu'il s'agit, dans l'argument
ontologique ainsi interprété, d'une tentative de déduire
la réalité d'un objet de son concept. Mais la question est de
savoir si cette manière courante d'interpréter l'argument
ontologique est juste ou valable. Ne suppose-t-elle pas une scission radicale
entre la pensée et l'être ou entre le concept et la
réalité de son objet ? C'est ici qu'intervient la position
de HEGEL91(*).
Ainsi, pour notre auteur, Emmanuel KANT a méconnu la
nature de la pensée qu'il croit radicalement différente de
l'être.
« Certes, dans les êtres finis,
l'existence ne correspond jamais pleinement au concept ; mais, même
à ce niveau, l'opposition n'est pas absolue : le concept sans
existence est unilatéral, l'existence sans concept est inconcevable. En
tout cas, en Dieu, cette hétérogénéité
disparaît : Il est la Totalité qui ne peut être
pensée que comme réelle et dont la notion même renferme
l'existence »92(*).
HEGEL réhabilite l'argument ontologique qui, pour lui,
repose sur le fait que la notion d'existence est l'existence effective dans le
concept, et non pas l'existence comme réalité
extérieure ; ce qui l'amène à considérer comme
ridicule la réfutation kantienne de cet argument à partir de
l'exemple de cent thalers.
Dieu apparaît enfin chez HEGEL comme « absolue
totalité, immanente essence de tout » qui, à travers la
religion, régit toute société à travers ses
institutions.
II.3.3. Religion, philosophie
et Etat
Très souvent, nous entendons dire que la religion
s'occupe du spirituel, aide l'homme à atteindre la transcendance,
l'au-delà. L'Etat, quant à lui, vise à satisfaire les
besoins temporels de ses citoyens. A première vue, on ne perçoit
aucun rapport entre ces deux entités. Mais, à bien y regarder, le
spirituel et le temporel sont étroitement liés. En quel
sens ?
HEGEL répond en soutenant que la religion, la
philosophie et l'Etat sont fondés sur les mêmes
vérités fondamentales. Il affirme : « L'Etat a le
même principe que la religion ; la religion ne vient pas de
l'extérieur pour régler le mécanisme intérieur de
l'Etat, la conduite des individus et leurs rapports avec lui. Bien au
contraire, la religion est la première intériorité :
celle qui se détermine et agit en eux »93(*).
La religion et la philosophie attribuent à l'homme la
raison et la liberté. Ces deux attributs humains demeurent encore sur le
plan théorique ; ils ne se traduisent pas encore dans la
réalité, dans l'organisation de la vie en société.
C'est précisément l'Etat qui incarne dans notre existence la
raison et la liberté, qui crée un monde où les rapports
entre les humains, régis par la raison, permettront le
développement moral de la liberté94(*). HEGEL lui-même dira que « la
pensée comme lois [...] n'est pas un mécanisme mais la vie
raisonnable de la liberté consciente de soi, le système du monde
moral. Par la suite, la disposition morale et la conscience qu'on en prend des
principes sont un moment essentiel de l'Etat
réel »95(*). L'Etat nous apparaît donc comme celui qui veut
être rationnel et jouer le rôle de réalisateur de la
liberté des citoyens, et seule la religion chrétienne est capable
de faire de la liberté, l'essence de l'Etat. Le commentaire d'Eric WEIL,
dans l'une de ses conférences dans Hegel et l'Etat, le
prouve : « Puisque le christianisme est fait de liberté et
de vérité, un Etat qui ne serait pas chrétien dans ses
fondements ne serait pas Etat de liberté »96(*). Un tel Etat, avant le
christianisme, n'était pas possible. C'est à juste titre si
Marcel GAUCHET pense que le christianisme est bien « la religion de
la sortie de la religion » selon une logique conduisant à
l'autonomie et à l'individualisme des démocraties
modernes97(*). Cette
autonomie de la raison a été mise en exergue par la
Réforme et non là où le christianisme se conserve
lui-même en sa pureté, favorisant la primauté du spirituel
en vertu d'un pouvoir de médiation transcendant tout ordre temporel.
Heureusement, la philosophie a réagi en faisant comprendre que la raison
et la liberté doivent être le fondement de tout Etat
rationnel98(*). Ce
raisonnement va dans le sens des critiques que HEGEL a formulées contre
le catholicisme.
Pour conclure, nous disons que la conception
hégélienne des rapports entre la religion, la philosophie et
l'Etat se résume dans cette belle phrase : « La
première [la religion] exprime, à l'aide d'images, de
sentiments, de représentations, la dignité infinie de l'homme,
raison et liberté, dignité que le philosophe traduit en termes de
pensée pure, et que l'Etat essaie de faire respecter dans l'organisation
sociale »99(*). Il est en effet important pour chaque pays, d'une
part, de distinguer nettement le spirituel du temporel, afin de garantir aussi
bien la liberté religieuse à ses citoyens que la
responsabilité de l'Etat envers eux, et d'autre part, de prendre
conscience de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation
des consciences et sa contribution à la création d'un consensus
éthique fondamental dans la société.
CHAPITRE III
APPRECIATION DE LA PENSEE
HEGELIENNE ET QUESTIONS RELIGIEUSES EN AFRIQUE
NOIRE
« Peut-être la prétention de
l'Afrique à être "incurablement religieuse" devra-t-elle
être démystifiée : nos sociétés ne sont
plus à l'abri de la sécularisation, de l'athéisme ou de
l'indifférence religieuse ».
Jean-Marc ELA, Ma foi d'Africain,
Paris, Karthala, 1985, p. 207.
Puisque la philosophie fait appel à l'esprit critique,
nous avons voulu réserver la première partie de ce dernier
chapitre à l'évaluation critique de la pensée religieuse
de HEGEL. La deuxième et la troisième partie consisteront
respectivement en l'examen de la question de l'existence de la religion chez le
Négro-africain et en l'analyse du problème de l'athéisme
en Afrique.
III.1. Evaluation critique
de la pensée religieuse hégélienne
Commençons par reconnaître le mérite de
HEGEL pour avoir contribué à l'établissement des rapports
entre la philosophie et la religion. Cependant, l'ambiguïté de ses
conceptions religieuses a suscité chez ses disciples des
interprétations contradictoires. Aussi bien chez Bruno BAUER,
représentant de la droite hégélienne, que chez les
hégéliens de gauche, dont le plus célèbre est Karl
MARX, on a observé une attitude hostile à la conscience
religieuse qui les a conduits à l'athéisme. Tous
ces auteurs -y compris HEGEL- pétris de l'idéalisme, semblent
déprécier le donné de la révélation que ne
le fait la philosophie réaliste.
III.1.1. La critique de la
conscience religieuse
HEGEL a décrit la religion comme l'une des
activités spirituelles supérieures de l'homme. Celui-ci exprime,
à travers la religion, qu'il est raisonnable et libre. La philosophie
doit s'efforcer de le ressaisir sous la forme de la pensée rationnelle.
Chez notre auteur, cela n'implique aucun renoncement au religieux. Ses
disciples n'étaient pas d'avis et sa philosophie les a plutôt
conduits à se libérer de la religion.
Pour Bruno BAUER, HEGEL a développé une
philosophie à l'intérieur de laquelle la théologie s'est
sentie mieux à l'aise que dans son propre domaine. Il estime que HEGEL a
ramené l'idée de la religion chrétienne au
panthéisme et est, par là même, un athée, puisque
l'idée de la religion n'est pour ce dernier qu'un produit de l'Esprit au
même titre que l'art et la science. Fidèle à une certaine
tradition idéaliste du protestantisme, BAUER soutient qu'il n'y a rien
dans la religion qui ne soit produit par l'homme100(*). Nous pouvons faire un
parallèle entre ce raisonnement et ce qu'Alexandre KOJEVE écrit
à propos de HEGEL : « Il [HEGEL] construit
dans cette histoire des diverses Théologies successives. Il montre donc
que ces Théologies sont des oeuvres humaines et que, par
conséquent, l'Etre révélé par elles ne peut
être que l'être humain »101(*). BAUER s'efforcera aussi de
montrer le caractère aliénant de la religion, car Dieu est la
perte totale de l'homme.
Dans l'Introduction à la critique de la philosophie
du Droit chez Hegel, Karl MARX s'attaque aussi à la conception
hégélienne de la religion. Contrairement à BAUER, plus
modéré dans sa critique de la religion, MARX - et avec lui les
autres hégéliens de gauche - veut radicalement s'opposer à
HEGEL. A la suite de FEUERBACH, il s'attaque tout d'abord à la question
de la divinité. Il montre comment l'homme se dépouille de ses
propres qualités pour les attribuer à un être appelé
Dieu. Pour lui, les preuves de l'existence de Dieu ne révèlent
rien d'autre que le sujet pensant. Par conséquent, on doit se dispenser
de poser la question de l'existence de Dieu parce que ce dernier n'existe pas.
C'est pourquoi il affirme que
« les preuves de l'existence de Dieu ne sont
rien d'autre que des preuves, des explications logiques de l'existence de la
conscience de soi réelle de l'homme. Par exemple, la preuve ontologique.
Quel est l'être qui est immédiatement présent quand on le
pense ? C'est la conscience de soi. En ce sens, toutes les preuves de
l'existence de Dieu sont des preuves de son inexistence, des
réfutations de toutes les représentations d'un Dieu
»102(*).
Chez MARX, l'idée-mère de sa critique de la
religion se formule comme suit : « l'homme est pour l'homme
l'être suprême » et Dieu n'est l'être
générique de l'homme.
Selon MARX et Friedrich ENGELS, bien que BAUER ait
discrédité la pensée hégélienne, il
identifie cependant la conscience religieuse avec la conscience du peuple. De
ce fait, il ne s'élève pas contre cet ordre social, mais contre
les idées dominantes103(*). Pour cela, ils proposent une explication
matérialiste de la source de la foi et de la religion des masses. C'est
ainsi que MARX déclare : « La misère
religieuse est d'une part l'expression de la misère réelle, et
d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La
religion est le soupir de la créature accablée, le coeur d'un
monde sans coeur comme elle est l'esprit d'un temps sans esprit. Elle est
l'opium du peuple »104(*).Comme l'opium, la religion plonge l'homme dans un
monde onirique et dans l'illusion, elle le maintient dans des paradis
artificiels. Elle donne au monde une explication qui n'en n'est pas une, non
scientifique et qui tient du mythe. Elle maintient l'homme en
référence à un Dieu qui n'est que la projection de ce que
l'homme est fondamentalement.
Le marxisme voit dans la religion un simple désir de
dépendance. Voilà pourquoi il se fixe pour objectif de
libérer l'homme de la conscience religieuse mystifiée, pour le
rendre à lui-même, le réconcilier avec les autres et avec
la nature.
Il s'ensuit qu'au nom d'un certain humanisme, la critique
marxiste de la religion professe une anthropologie athée qui repose
sur une double vision de l'homme. Cette double vision est celle de l'ensemble
des rapports qui existent entre l'homme et la nature et entre l'homme et la
société105(*).
Par ailleurs, on peut remarquer que MARX ne traite de la
religion que d'une manière occasionnelle. Sa critique de la religion ne
s'est faite que dans le but d'exalter sa doctrine matérialiste. On peut
alors comprendre pourquoi il pense que « la critique de la
religion est la condition préliminaire de toute critique
»106(*). A propos
de la religion, MARX semble davantage viser les comportements que l'on attribue
couramment à la conscience religieuse de l'époque plutôt
que l'attitude spirituelle de foi dans laquelle les croyants se reconnaissent
eux-mêmes. Son intention se dévoile comme une volonté
d'extirper définitivement toute racine du phénomène
religieux dans la conscience de ses contemporains107(*).
Pour Roger VERNEAUX, la critique marxiste contre HEGEL ne peut
justifier sa prétention à l'objectivité. A cet effet, nous
ne devons pas croire que « le matérialisme dialectique ait
éliminé toute trace de panthéisme puisqu'il confère
à la matière les mêmes caractères et les mêmes
pouvoirs que Hegel attribuait à son Absolu. Mais comme on n'a pas
coutume d'appeler Dieu la matière, Marx fait profession
d'athéisme »108(*).
III.1.2. La critique thomiste
des rapports entre raison et foi
Nous voulons aussi relever quelques limites d'un autre aspect
de la pensée religieuse de HEGEL. Il s'agit, bien entendu, des rapports
entre la raison et la foi. Sans être hâtif, disons que la critique
que HEGEL formule à l'encontre de la conception thomiste des rapports
entre la raison et la foi est illégitime et nécessite des
éclaircissements.
Nous avons déjà évoqué
l'unicité de la vérité chez HEGEL. Quand il assimile la
distinction que le thomiste fait entre la vérité naturelle et la
vérité surnaturelle, il ne comprend pas qu'elles expriment une
seule et même vérité. Tout en soulignant le
caractère surnaturel de la foi, Saint Thomas D'AQUIN n'y sépare
pas le sens de sa rationalité. Il reconnaît que la nature, l'objet
propre de la philosophie peut contribuer à la compréhension de la
révélation divine. La foi et la raison ne sont donc pas
incompatibles. Cependant, la foi suppose et perfectionne la raison. Cette
dernière, éclairée par la foi est libérée
des fragilités et des limites qui proviennent de la
désobéissance du péché, elle trouve la force pour
s'élever jusqu'à la connaissance du mystère de Dieu Un et
Trine109(*).
Rien ne nous empêche d'éclairer que HEGEL s'est
approprié cette conception car, bien avant lui, Saint Thomas a
prouvé qu'il existe une vérité qui est niée par les
Sophistes. Il faisait ce raisonnement fort pertinent :
« L'existence de la vérité est
connue par elle-même. En effet, qui nie la vérité, dit
qu'elle n'existe pas ; mais si la vérité n'existe pas, le
fait de sa non-existence est vrai, et s'il est quelque chose de vrai, la
vérité est. Or Dieu est la vérité même, comme
l'atteste cette parole de saint Jean : "Je suis le chemin, la
vérité et la vie". Donc l'existence de Dieu est connue par
elle-même »110(*).
Saint Thomas reconnaît que l'existence de Dieu est
évidente ; il ne s'arrête cependant pas là. Si
l'esprit ne peut démontrer que Dieu existe ; alors, l'existence de
Dieu n'est pas connue par elle-même. En soutenant la preuve ontologique,
HEGEL assume la pensée de Saint ANSELME selon laquelle la connaissance
de l'existence de Dieu est naturellement inscrite en tous. Or, ce que nous
connaissons par nature relève d'une connaissance spontanée et
immédiate. Par contre, le thomisme professe que Dieu est accessible
à la raison humaine à partir des choses créées.
La critique de l'argument ontologique par Saint Thomas peut se
résumer en trois points. Primo, il doute de
l'universalité du Nom. Secundo, il lui dénie toute
valeur probante pour établir l'existence de Dieu, car le raisonnement ne
suffit pas à produire par lui-même l'existence réelle.
Tertio, Saint Thomas reconnaît à l'argument une certaine
valeur pour démontrer, une fois que l'on sait que Dieu existe. C'est ce
qui l'a amené à entreprendre la démonstration par les cinq
voies, c'est-à-dire par cinq démonstrations, aboutir à
l'existence de Dieu111(*).
La critique hégélienne du christianisme
primitif, c'est-à-dire avant la Réforme luthérienne, avec
lequel il pense qu'un Etat rationnel n'est possible, est une application de sa
conception des rapports entre raison et foi. Il croyait en la toute puissance
de la raison sans savoir que cette dernière aller connaître une
faillite. L'Etat de liberté qu'il professe l'a plutôt amené
à concevoir un Etat totalitaire et divinisé qui doit assujettir
les citoyens. C'est dans la même optique que Jacques MARITAIN lui fait
cette critique :
« L'Etat n'est pas la suprême incarnation
de l'Idée, comme le croyait Hegel ; l'Etat n'est pas une
espèce de surhomme collectif ; l'Etat n'est qu'un organe
habileté à employer un pouvoir de coercition, et composé
d'experts ou de spécialistes de l'ordre et du bien-être publics -
un instrument au service de l'homme. Mettre l'homme au service de cet
instrument est une perversion politique. La personne humaine en tant
qu'individu est pour le corps politique, et le corps politique est pour la
personne humaine en tant que personne. Mais l'homme n'est à aucun titre
pour l'Etat. L'Etat est pour l'homme »112(*).
En somme, nous disons qu'en refusant de concilier la raison et
la foi, HEGEL n'a pas pu échapper à deux écueils.
Appliquer sa pensée à la question de l'existence de Dieu et
à l'Etat ne peut que conduire respectivement au fidéisme et au
rationalisme.
III.1.3. Evaluation
critique
On ne saurait nier qu'à HEGEL revient le mérite
d'avoir reconnu que la philosophie et la religion ont une profonde
affinité de par leur objet commun et leurs rapports ; et que
la religion, qui a commencé avec l'homme, est la conscience essayant de
réfléchir sur son propre mystère et de découvrir ce
qu'est Dieu et ce qu'est l'homme.
Toutefois, HEGEL rejette successivement toutes les religions
et leurs diverses représentations de Dieu pour y substituer la sienne.
Il tient, à cet effet, le luthérianisme comme la seule et
véritable religion. C'est dans ce contexte qu'il faut saisir le sens de
la pensée religieuse de HEGEL, c'est- à- dire au sein du
protestantisme tel que ce dernier l'a connu. Déjà avec KANT, on a
pu déceler la tendance à évacuer du message
chrétien tout ce qui est surnaturel pour n'en retenir que l'aspect
éthique. Si c'est l'homme qui donne à la religion son contenu, il
faut considérer la religion comme l'expression de la conscience de soi
de l'homme. Malencontreusement, dans la religion, la conscience se
présente autre qu'elle-même. Il faut donc dépasser la
religion dans la philosophie, transcrire les représentations religieuses
en des concepts philosophiques. Ces idées exposées par HEGEL sont
reprises chez ses disciples113(*).
HEGEL a bien compris que le problème de la
destinée individuelle ne peut, en aucune façon, se séparer
du problème de la destinée collective114(*). D'une part, il est kantien
pour oublier que la personne humaine est une « fin en soi »
et qu'elle a une valeur infinie, d'autre part, il est opposé à
l'individualisme car, pour lui, la société l'emporte sur
l'individu et l'Etat sur la religion.
MARX, nous l'avons dit, a réagi violemment contre cette
conception hégélienne de la destinée humaine.
L'idéalisme hégélien a été supplanté
par un matérialisme économique et social qui ne se soucie ni de
l'existence de Dieu, ni de l'immoralité personnelle. Bien plus, le
marxisme combat, comme des adversaires, non seulement le catholicisme, mais
aussi toutes les religions.
Cependant, l'erreur fondamentale de MARX a aussi
été rendue évidente. Il supposait simplement que l'homme
et le monde auraient finalement vu clair en eux-mêmes. Il aurait
oublié que la liberté demeure toujours liberté, même
pour le mal ; et que l'homme n'est pas guéri uniquement par les
conditions économiques favorables115(*).
Si HEGEL a dénié la religiosité au
Négro-africain, le marxisme, quant à lui, n'aurait-t- il pas
profondément marqué ce dernier ?
III.2. Le
Négro-africain est-il homo religiosus ?
Dans cette partie, nous allons examiner le problème de
la religion en Afrique noire. Peut-on, oui ou non, conférer à
l'homme africain l'attribut d'être religieux? Nous allons répondre
à la question posée en partant de la conception de HEGEL sur les
religions africaines traditionnelles. Nous ne manquerons pas aussi de jeter un
regard sur l'état actuel de la religion sur le continent noir.
III.2.1. Le déni
hégélien de toute religion au Négro-africain
En examinant toutes les grandes religions du monde, HEGEL n'a
pas manqué de se pencher plus particulièrement sur ce qu'il
appelle la religion de l'Africain.
D'après la définition qu'il donne au concept
religion, le fait proprement religieux c'est que l'homme reconnaisse un Etre
Suprême, un pouvoir supérieur par rapport auquel il est quelque
chose de plus faible et de plus bas. En appliquant cette définition au
système de croyance du Négro-africain, HEGEL n'a pas
hésité à dénier à ce dernier l'attribut
d'être religieux. C'est ce qu'il affirme lui-même en ces
termes : « La religion commence avec la conscience de
l'existence de quelque chose qui soit supérieur à l'homme. Cette
forme d'expérience n'existe pas chez les
nègres »116(*). Selon CHINDJI-KOULEU, cette affirmation de HEGEL
signifie qu'il n'existe, à proprement parler, ni religion, ni Dieu chez
les Négro-africains. Ici, il convient d'entendre par religion, un
ensemble de croyances ayant Dieu pour objet. Si le Nègre n'a pas
l'idée de Dieu, c'est parce que cette idée est trop
élevée pour que la pensée des primitifs puisse
l'atteindre ; par conséquent, le Nègre est un athée
invétéré117(*).
En effet, pour HEGEL, le principe religieux du
Négro-africain se résume ainsi : « En Afrique,
tous les hommes sont des magiciens »118(*). La magie dont parle notre
auteur est le pouvoir que l'homme s'arroge sur la nature ; ce dernier ne
connaît que la nature comme opposé à lui-même. Toute
sa pensée, croit-on, est cosmocentrique. Dans la magie, Dieu est absent,
puisque c'est l'homme qui représente la puissance suprême.
Normalement et même logiquement, un vrai croyant ne devrait plus croire
en la magie, car ce serait nier la toute-puissance de Dieu. La magie
apparaît comme un pouvoir capable de contrecarrer toute puissance de
Dieu. Si donc le Nègre croyait en Dieu, il n'aurait pas si souvent
recours à la magie pour résoudre des petits problèmes
quotidiens119(*).
C'est à juste titre si Marc AUGE déniait aux
croyances africaines la légitimité aussi bien religieuse que
philosophique. Il affirmait à ce propos qu'« il n'y a
jamais eu en toute rigueur, dans cette perspective, de "religion"
africaine : ou bien, trop soumise aux affaires des hommes, engagée
dans la définition de leurs rapports et la maîtrise de leur
histoire, elle se dégrade en magie ; ou bien, la réflexion
sur l'univers de l'humanité en général, elle acquiert la
dignité abstraite de philosophie »120(*).
L'autre aspect de la religion du Négro-africain
consiste, selon HEGEL, en un culte de fétiche, c'est-à-dire que
ce dernier fait de son pouvoir un objet de représentation,
extérieur à la conscience et lui donne une figure. «
Ils [les Africains] élèvent à la
dignité du génie toute chose qu'ils imaginent avoir de la
puissance sur eux, animaux, pierre, figurines de bois. Les individus se
procurent de semblables objets en se les faisant donner par les prêtres.
C'est en cela que consiste le fétiche »121(*). Il ne peut donc y avoir
aucun rapport de dépendance dans cette religion puisque le
fétiche semble manifester une autonomie face au libre vouloir de
l'individu.
Sommairement dit, selon HEGEL, il n'existe, à
proprement parler, ni religion, ni Dieu dans la conscience
négro-africaine. Il taxe la « religion africaine »
de magie et de fétichisme. N'était-ce pas là moins une
tentative réelle de compréhension du phénomène
religieux du Négro-africain qu'une satisfaction intellectuelle du
rationalisme hégélien ?
III.2.2. Le
Négro-africain « incurablement religieux »
Dans son ouvrage Religion, culture et politique en Afrique
noire, Maurice AHANHANZO GLELE remarque la confusion qui existe entre
religion et religiosité lorsqu'on parle de la foi naturelle des
Africains. La religiosité est une attitude de l'homme
envers le sacré et la religion dénote d'une relation de l'homme
à Dieu. En un mot, le concept de religieux renvoie
à la religiosité et à la religion122(*).
Partant de cette remarque, nous pouvons poser la question de
savoir si HEGEL a raison de dire qu'il n'existe ni religion, ni idée de
Dieu chez les Africains. La réponse que donne l'historien voltaïque
Joseph KI-ZERBO à cette interrogation est fort pertinente.
« Je pense pour ma part, écrit-il, que
ces religions, ces croyances qui existaient dans les traditions africaines sont
effectivement des religions. Si l'on entend par religion la croyance à
un être transcendant auquel on est lié par des devoirs, par des
droits aussi, auquel on a des comptes à rendre, qu'on invoque, auquel on
fait des sacrifices, qu'on implore pour telle ou telle chose et qu'on remercie,
alors il y a des religions dans l'Afrique traditionnelle. Ces religions, comme
on l'a dit, croient presque toutes en un Dieu suprême, un être
suprême, qui est souverain absolu en ce qui concerne le cosmos,
l'humanité entière, aussi bien la nature que les êtres
vivants, les animaux, etc. »123(*).
A la suite de plusieurs ethnologues et anthropologues,
africanistes et spécialistes des religions, ainsi que des hommes de
culture, nous pouvons dire que le Négro-africain est
profondément, voire incurablement religieux. Le professeur Louis-Vincent
THOMAS écrit dans le Socialisme et
l'Afrique : « L'Afrique [...] est incurablement
religieuse »124(*). Ceci s'explique par le fait qu'en Afrique noire,
« aucune institution n'existe, que ce soit dans le domaine social ou
dans le domaine politique, voire même en matière
économique, qui ne repose sur le concept religieux ou qui n'ait la
religion pour pierre angulaire. Ces peuples, dont on a parfois nié
qu'ils aient une religion, sont en réalité parmi les plus
religieux de la Terre »125(*).
Par opposition à HEGEL qui nie la présence de
toute idée de l'Etre suprême dans la pensée du
Négro-africain, Alassane NDAW pense, quant à lui, que ce dernier
pratique volontiers un polythéisme liturgique dont
bénéficient les dieux secondaires gérant une parcelle de
la puissance suprême. Mais il n'en reste pas moins vrai que
l'approfondissement des structures de son univers religieux
révèle la présence d'un monothéisme ontologique.
Ainsi, les Africains reconnaissent la présence d'un Dieu souverain et la
nécessité de se soumettre à lui126(*).
Dans le même sens, le philosophe de la religion
congolais Hippolyte NGIMBI NSEKA écrit :
« Quand, en 1977, nous débutions nos
enseignements sur ce qu'on appelait alors la théodicée, un
étudiant nous opposa, dès les premiers cours sur les preuves de
l'existence de Dieu : "A quoi bon cette longue chaîne de
raisonnements autour d'une réalité aussi évidente qu'est
pour nous Africains l'Etre Suprême. Il me suffit à moi qui habite
près de la mer de voir l'immensité de celle-ci pour conclure,
sans détour, à l'existence de cet
Etre" »127(*).
Aux Rencontres internationales de Bouaké en 1965 et au
Colloque sur les religions à Abidjan en 1961, les participants se sont
penchés sur la question de la légitimité des religions
négro-africaines traditionnelles. L'accord a été
général pour préférer l'appellation « religion
africaine » à celle imprécise, voire péjorative
d'animisme. Il faut par ailleurs noter que ces rencontres ont beaucoup
contribué à réhabiliter les religions africaines en ceux
qui, comme HEGEL, dénient au Négro-africain l'attribut
d'être religieux.
Pour Amadou HAMPATE BA, ce que les autres qualifient de magie
est pour les Africains une religion car, affirme-t-il, « il faut
distinguer dans la société africaine, entre le sorcier et le
magicien : le sorcier est mauvais tandis que le magicien est
parfait »128(*). Quant au fétichisme, « le
terme, dit Herskovits, nous a importunés pendant des années,
étant indifféremment appliqué à des
divinités aux amulettes magiques ou bien aux
ancêtres »129(*). On ne doit pas ignorer que le culte des
ancêtres est, en quelque sorte, le centre de gravité de l'univers
religieux africain.
De tous ceux qui, comme HEGEL, ont nié l'existence de
la religion et de la religiosité en Afrique traditionnelle, on peut
constater simplement une répugnance consciente à conférer
à ces systèmes de croyance le statut de religion valable.
Certaines des affirmations excessives proviennent du fait que leurs auteurs
parlent de l'Afrique comme d'un élément très simple.
Pourtant, à y voir de près, l'Afrique traditionnelle était
déjà très religieuse, bien avant l'arrivée des
religions étrangères.
III. 2.3. L'état
religieux de l'Afrique contemporaine
Nous avons montré que le Négro-africain
était profondément religieux. Tous les différents aspects
de sa vie sont imprégnés du religieux. Etre pour l'homme, c'est
être religieux au sein d'un univers religieux. Cette notion philosophique
est à la base des mythes, des coutumes, des traditions, des croyances,
de la morale, des actes et des relations sociales des Africains130(*). Mais, jusqu'ici, nous
n'avons parlé que des religions africaines traditionnelles. Notre
approche serait incomplète si elle faisait abstraction des religions
telles le christianisme, l'islam ainsi que les sectes qui prolifèrent
sur le continent noir.
L'idéologie de la quête de nouvelles valeurs, des
nouveaux fondements d'une identité nouvelle qui habite le
Négro-africain a eu pour corollaire, chez ce dernier, la perte de son
attribut d'être profondément ou incurablement religieux.
L'Africain se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins ;
ceci manifeste sa religiosité diffuse. Bien que convertis à
l'islam ou au christianisme, certains Africains gardent à coeur un
attachement secret pour les valeurs religieuses traditionnelles qui se traduit
aux moments de crise131(*). Mais en réalité, ces soi-disant
convertis le sont-ils vraiment ?
Le philosophe kenyan John MBITI affirmait déjà
qu'
« À propos de la rencontre entre le
christianisme occidental et les sociétés traditionnelles, nous
avons évoqué le processus qui consiste à donner à
demi et à recevoir à demi, à conserver une part et
à rejeter l'autre. Les cultures et les institutions islamiques n'ont pas
suivi exactement le même processus ; mais les musulmans Africains
ont ou bien rejeté complètement, ce qui, dans l'islam semble
menacer leur sécurité, ou bien ne l'ont accepté que
partiellement, avec des modifications en particulier pour l'adapter à
des intérêts personnels »132(*).
Le fait que les Africains se font adeptes de plusieurs
religions à la fois n'est qu'un syncrétisme religieux qui a pour
conséquence une religiosité de façade. Ce type de
religiosité n'a ni profondeur, ni forme ; on ne peut même le
qualifier de paresse religieuse. John MBITI le désigne par l'expression
« concubinage religieux », en lequel il tire la
conséquence d'une acculturation progressive. Il fait à ce propos
une remarque judicieuse : « La religion diffuse promet
d'avoir le plus d'influence sur les Africains. Ici, la religion devient de plus
en plus uniformité sociale, sans profondeur théologique, sans
engagement personnel ni martyrs. Elle est simplement
« là », quelque part dans le noyau des croyances
individuelles, que l'individu soit conscient ou non d'être
religieux »133(*).
Non seulement certains Africains convertis à l'islam ou
au christianisme ne pratiquent pas leur religion avec ferveur ; d'autres
se font des adeptes des sectes de toutes origines et des sociétés
secrètes qui ont envahi les grandes villes. Ils profitent de la
misère de ces derniers pour leur proposer de nouvelles certitudes, des
communautés de vie fraternelle et d'entraide, des moyens efficaces de
réussite matérielle134(*). Cette propagande utilisée par les sectes
connaît un énorme succès et serait l'une des raisons
qui expliquent l'indifférence religieuse en Afrique noire contemporaine.
De tout ce qui précède, nous pouvons aujourd'hui
constater que la thèse selon laquelle le Négro-africain est
incurablement religieux semble tomber en désuétude. On observe
chez la majorité des adeptes des différentes religions une perte
du sens religieux de la vie. Mais cette attitude n'aurait-elle pas aussi pour
cause un athéisme dont personne n'ose parler quand il s'agit de
l'Afrique?
III.3. L'athéisme
négro-africain et ses implications religieuses
Avant d'être érigé en occident en une
doctrine philosophique, l'athéisme était avant tout un
phénomène mondial, aussi vieux que les religions. La croyance des
Négro-africains en un Dieu unique n'a pas été, de tout
temps, aussi évidente qu'on ne le laisse croire. On note des cas
d'incroyance dans les sociétés traditionnelles et il existe une
tradition de pensée critique à l'égard de la religion.
Ainsi, on ne voit pas comment cette critique n'aurait pas conduit à
l'athéisme et à l'indifférence religieuse.
III.3.1. L'athéisme dans les religions
négro-africaines traditionnelles
Comme nous l'avons vu précédemment, le
Négro-africain, adepte de la religion traditionnelle, ne s'adresse
à Dieu qu'occasionnellement, réservant ses prières,
supplications, offrandes et sacrifices aux esprits ancestraux ou aux dieux
secondaires. Dans la majorité des cas, explique Amadou HAMPATE BA,
l'Etre suprême est considéré comme trop
éloigné des hommes pour que ceux-ci lui rendent un culte
direct135(*).
Pour le chercheur camerounais Eloi MESSI METOGO,
l'étude de l'éloignement de Dieu dans les religions
négro-africaines traditionnelles fournit des exemples admirables de
respect de l'être et de la liberté vis-à-vis de Dieu. Ce
dernier laisse l'homme libre de telle sorte qu'il « peut s'en remettre
au dessein éternel et immuable du créateur ; il peut
être indifférent à son égard ou prendre sa place
après avoir proclamé sa mort »136(*). De ces déclarations,
nous pouvons déduire que les religions africaines traditionnelles ont un
caractère anthropocentrique.
Si la transcendance divine est pratiquement
étrangère au Négro-africain, sa religion n'est pas la
volonté de se relier à un principe premier, à un Dieu
impersonnel, mais en un ensemble de moyens et d'actions sur le monde,
d'interprétation de l'événement, de la maîtrise de
l'histoire. Marc AUGE se demande si, en tant que « construction du
monde », « mises en place
anthropocentrées » essentiellement matérialistes, les
polythéismes ne conduisent pas, comme à leur vérité
ultime, à l'athéisme137(*). Dans le même sens, Eloi MESSI METOGO pense
aussi que « la mentalité magique solidement ancrée
en Afrique, qui repose sur la conception d'un ordre immanent du monde sur
lequel l'homme veut agir en découvrant ses lois, semble annoncer "le
positivisme et l'athéisme technique plutôt que l'attitude
religieuse vraie, puisque seule compte l'efficacité, l'appropriation par
l'homme de la vie" »138(*). A côté du caractère
anthropocentrique de ses religions qui peut conduire à
l'athéisme, il faut aussi noter que l'Afrique traditionnelle n'ignorait
pas la critique de la religion.
Il ne fait pas de doute que l'Afrique traditionnelle ait connu
une tradition critique à l'égard de la religion. Selon Jean-Marc
ELA, la perte de la foi en l'Etre suprême dans les sociétés
traditionnelles est due au fait que l'homme accuse Dieu d'être la cause
de son malheur. Le Négro-africain, confronté à la famine,
à la sécheresse, à la maladie et au poids des injustices
et des frustrations profondes, adoptait une attitude hostile envers Dieu.
L'expérience missionnaire que ce prêtre camerounais a vécue
au Nord de son pays le démontre bien. Il raconte :
« Il y a plus de dix ans, je me trouvais dans un
village, le soir. J'avais la prétention d'aller dire la Parole de Dieu
aux gens. Des jeunes m'avaient annoncé en disant : "Voilà le
fils de Baba Simon qui arrive, l'homme qui vient ici parler de Dieu". Au moment
où j'avais commencé à parler de Dieu, un vieillard m'a
arrêté : "Autrefois, m'a-t-il dit, Dieu a parlé aux
hommes, maintenant il s'est tu, laissant les hommes en proie à la faim,
à la maladie et à la mort" »139(*).
Nous pouvons en conclure que certains Africains veulent bien
de telle divinité, mais à condition qu'elle les comble de
bienfaits. D'autres encore, plus radicaux, excluent toute
référence à une telle divinité.
En quelques mots, nous pouvons dire que l'éloignement
de Dieu, la mentalité magique ou anthropocentrique et la critique de la
religion due à la détresse sont des phénomènes
religieux de l'Afrique traditionnelle qui annonçaient l'athéisme
pratique plutôt que la soumission religieuse. Cette indifférence
va s'affermir avec l'influence des philosophies athées venues de
l'Occident et dont le plus marquant est le marxisme.
III.3.2. Le marxisme face aux religions de l'Afrique
contemporaine
On observe dans les sociétés africaines
contemporaines un recul sensible des pratiques magiques. En ville surtout, les
gens utilisent la technique occidentale pour se mettre à l'abri du
besoin et de l'insécurité matérielle140(*). Une telle attitude a
été favorisée par les philosophies occidentales qui ont
tendance à mettre l'homme au centre de la vie et ne dépendre que
de lui-même.
L'enseignement de l'athéisme dans les lycées,
les universités et les grandes écoles d'Afrique n'est pas
resté sans effet sur un certain nombre de jeunes. Pour Eloi MESSI
METOGO, l'école et la ville défient aussi bien l'islam que le
christianisme. Les élèves des classes supérieures du
secondaire, étudiants et intellectuels n'ignorent rien de la critique de
la religion dans l'histoire de la philosophie occidentale depuis les premiers
philosophes grecs jusqu'à Sigmund FREUD en passant par MARX. Ce dernier
est celui qui a le plus marqué les Africains par son humanisme
athée et son message de libération. Si la crise de la
métaphysique et la critique bourgeoise de la religion conduisent au
scepticisme et à l'indifférence, c'est la critique sociale de
l'idée de Dieu initiée par MARX qui semble rencontrer la plus
large audience dans une Afrique en proie à l'impérialisme des
grandes puissances par les régimes autoritaires interposées. Dieu
apparaît à beaucoup d'intellectuels africains comme le garant de
l'ordre établi qu'invoquent les autorités en place pour
consolider leur pouvoir et la religion comme l'opium destiné à
endormir les Africains au profit de leurs exploiteurs141(*).
Plusieurs auteurs s'accordent à affirmer l'influence
considérable qu'a exercé le marxisme sur les religions de
l'Afrique contemporaine. AZOMBO-MENDA et MEYONGO affirment :
« C'est sous l'influence de Karl Marx que de
nombreux intellectuels africains se déclarent athées en
s'appuyant sur ce qu'ils appellent l'absurdité du christianisme et de
toute religion dite révélée [...]. Confondant bien souvent
la question de Dieu et le problème que connaît le christianisme
depuis des siècles, la classe des "Evolués" africains
considère [...] Karl Marx comme révélateur d'une tendance
et d'un esprit chrétiens qu'ils doivent
combattre »142(*).
Le sénégalais Babakar SINE, dans son ouvrage
intitulé Le marxisme devant les sociétés africaines
contemporaines, pense pour sa part que la théorie
matérialiste s'applique aussi à l'Afrique. Il s'interroge
à ce sujet en ces termes : Si « l'Afrique capitaliste
ou néocoloniale n'échappe pas aux lois générales du
développement du monde de la production capitaliste [...] en quoi
serait-elle fermée à l'approche marxiste » ?
Invoquant le postulat du Négro-africain essentiellement religieux que le
socialisme africain de Léopold SEDAR SENGHOR oppose au marxisme, Babakar
SINE souligne que l'opposition doctrinale de l'idéologie religieuse ne
se traduit pas au plan politique par une guerre systématique et aveugle
contre la religion143(*).
L'athéisme professé par les Africains ne peut
donc pas être superficiel comme le pensent beaucoup d'africanistes. Cette
conception est déjà caduque. Nous l'avons démontré
par le fait qu'un Africain ne peut pas être athée tout simplement
parce qu'il est marxiste ; sa religion traditionnelle portait
déjà en elle les germes de l'indifférence religieuse.
III.3.3. Indifférence
religieuse et athéisme
L'indifférence religieuse, telle qu'elle est
vécue aujourd'hui sur le continent africain, a été en
grande partie l'oeuvre des idéologies venues de l'Occident.
L'athéisme apparaît à plusieurs comme la voie de la
liberté par opposition à l'esprit de dépendance qui est
l'essence même de la religion. Le marxisme, que nous avons
évoqué par exemple, professe la libération de l'homme
« par » la religion.
Si l'athéisme est la condition d'une existence de
l'homme libre et si l'indifférence religieuse est refus de
reconnaître un Dieu suprême et tout-puissant devant qui on
éprouve un sentiment de dépendance par l'observance de ses
lois, alors nous pouvons dire qu'il y a une relation étroite entre ces
deux concepts. Certains auteurs les considèrent comme des synonymes.
Eloi MESSI METOGO, lui, utilise indistinctement les deux termes144(*). La sécularisation
exprime radicalement cette autonomie : l'homme se pense et se construit
sur lui-même. En ce sens, la perspective religieuse ne peut être
fondatrice des valeurs, car celles-ci relèvent du choix de l'individu.
Dans la mesure où la liberté est constitutive de l'homme, le
projet anthropologique n'est plus structurellement d'une instance
supérieure. L'attitude religieuse n'est pas de l'ordre de la nature
humaine, à l'ontologique. En revanche, l'indifférence religieuse
est dans l'ordre des choses145(*).
Cependant, certains partisans de l'indifférence
religieuse refusent de l'assimiler à l'athéisme, estimant qu'il
n'y est question que de libre pensée qui n'a rien à voir avec
l'indifférence religieuse. Peut-on leur donner raison ?
Nous voyons qu'en Afrique, la propagande antireligieuse est
menée par des philosophes et universitaires imbus des philosophies
athées comme celles de MARX, de SARTRE ou de NIETZSCHE. Et si nous
considérons la logique selon laquelle la croyance en Dieu implique
nécessairement la pratique religieuse, nous ne pouvons dissocier
radicalement l'athéisme de l'indifférence religieuse.
Mais, il faut également reconnaître avec Eloi
MESSI METOGO que l'indifférence religieuse et l'incroyance qui existent
dans les sociétés africaines contemporaines sont d'origine
traditionnelle que philosophique. Elles se rencontrent
« non seulement parmi les lycéens, les
étudiants et les intellectuels, mais aussi parmi les cadres, les
commerçants, les employés dont la plupart n'ont pas fait beaucoup
d'études. Les devoirs religieux sont habituellement
négligés, la religion a peu de place dans les
préoccupations de la vie quotidienne, et les vérités de
foi fondamentales sont mises en question. Romanciers, sociologues, philosophes
d'obédience marxiste ou non, présentent la religion comme une
mythologie périmée, un frein au progrès de
l'humanité, un instrument de domination et d'exploitation ou, tout
simplement, comme une absurdité »146(*).
Nous ne voulons pas par là insinuer que le
Négro-africain n'a aucune idée de Dieu, comme le soutient HEGEL.
Il s'agit simplement de montrer que la plupart de ceux qui se disent croyants
ne le sont pas vraiment. A regarder de près, on s'aperçoit que la
plupart des Négro-africains qui ne se reconnaissent pas encore comme
tels, sont des athées par leur indifférence envers la
religion.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre travail, il convient de rappeler ce en quoi
il a consisté. Notre recherche a été guidée par la
question de savoir si la raison (philosophie) comme condition d'une
humanité totalement libre peut-elle exister sans aucune
référence à la transcendance (religion) ?
Le premier chapitre a consisté en la définition
des deux notions qui embrassent la totalité de la vie d'abord. La
philosophie étant une réflexion rationnelle et critique sur
l'homme et ses expériences, la religion, qui repose sur un ordre des
choses et des êtres plus ou moins hiérarchisés, ne pouvait
échapper à la démarche philosophique. Philosophie et
religion ont un même contenu, toutes les deux ont l'Absolu pour objet.
Cependant, elles diffèrent par leur forme qui est de l'ordre pratique
pour la religion, car elle est la pratique de la foi et de l'ordre
théorique pour la philosophie qui recourt à la spéculation
rationnelle.
Si nous reconnaissons à la philosophie le droit de
fonder toute expérience humaine dont l'expérience religieuse fait
partie intégrante, alors la philosophie de la religion devient une
critique rationnelle du donné religieux. Elle accomplit sa tâche
en orientant toute adhésion religieuse. Elle éclaire ce qui est
antérieur à la foi effective et qu'une critique rationnelle peut
et doit connaître. Cette démarche vise à ce que tout
croyant puisse être capable de rendre compte de sa foi.
Ensuite, dans le deuxième chapitre, HEGEL
conçoit la religion comme la prise de conscience par l'homme de Dieu et
de lui-même ; à travers elle se réalise l'esprit. A
cet effet, il trouve que le fondement universel des religions, c'est la raison.
La religion exprime sous la forme de représentation (image, sentiment)
le même objet Absolu que la philosophie exprime sous la forme de la
pensée pure. Voilà pourquoi elle doit s'efforcer à la
ressaisir sous la forme de la pensée rationnelle. Cela implique que la
foi n'est pas au dessus de la raison, car cette dernière est la
condition d'une humanité libre. Les diverses religions
s'enchaînent les unes aux autres dans l'histoire d'une manière
hiérarchique et orientée vers ce que HEGEL considère comme
la religion la plus accomplie. Cette religion n'est autre que le christianisme
et plus précisément le luthérianisme qui, mieux que
n'importe quelle religion, enseigne que tout homme est raison et
liberté.
Enfin, dans le troisième et dernier chapitre, nous
avons reconnu à HEGEL le mérite d'avoir établi les
rapports entre la philosophie et la religion et partant entre la raison et la
foi. Il s'inscrit en faux contre ceux qui pensent que la philosophie et la
religion évoluent chacune dans une indifférence totale l'une de
l'autre. Fidèle à la tradition de l'idéalisme protestant,
HEGEL respecte moins les données de la révélation que ne
le fait la philosophie réaliste et plus précisément le
thomisme selon lequel il n'y a pas d'incompatibilité entre la foi et la
raison et que les deux se complètent. Si la raison est un don de
Dieu à l'homme, elle a besoin de la foi pour être totalement
elle-même : raison et foi ont besoin l'une de l'autre pour
réaliser leur véritable nature et leur mission147(*).
La pensée religieuse de HEGEL a influencé
négativement ses disciples et a provoqué chez eux une attitude
hostile à l'égard de la religion. Pour ces derniers, l'homme
devait se réapproprier les attributs dont il avait été
dépouillé au profit de la divinité aliénante.
L'humanisme athée a été érigé par Karl MARX
en une véritable religion nouvelle. Sans doute, le matérialisme
scientifique a moins servi la raison et la liberté qu'il ne le
promettait.
Nous avons montré comment HEGEL n'a pas
hésité à dénier toute religion aux
Négro-africains. Dans sa logique, la religion se fonde sur la relation
à la transcendance, à une puissance supérieure à
l'homme. Cette attitude, pense-t-il, est absente chez le Négro-africain
puisque sa mentalité "magique" ne voit que la nature comme
opposée à lui-même. Notre auteur prétend que le
Négro-africain n'adore pas le vrai Dieu mais rend un culte aux
fétiches. Cette religion en manque d'explication rationnelle serait donc
à la mesure de l'ignorance dont fait preuve l'Afrique tout
entière.
Plusieurs spécialistes des religions, anthropologues et
même des philosophes africanistes se sont inscrits en faux contre HEGEL.
Les arguments invoqués dans notre travail tendaient aussi à
démontrer que le Négro-africain est un être
essentiellement, voire « incurablement religieux ».
D'où l'impossibilité d'évacuer de la conscience
négro-africaine l'idée de l'Etre suprême, car Dieu a
toujours été premier balbutiement de la pensée humaine.
En outre, nous avons voulu savoir où on en est
aujourd'hui par rapport à la place de choix qu'occupe l'Etre
suprême dans la conscience du Négro-africain, lorsqu'on on
constate, avec Eloi MESSI METOGO, qu'en Afrique aussi Dieu peut
mourir148(*). Il suit de
là que c'est tout à fait incorrect de parler indistinctement du
Négro-africain « incurablement religieux ».
Jean-Marc ELA faisait déjà remarquer que les
sociétés africaines ne sont plus à l'abri de la
sécularisation, de l'athéisme et de l'indifférence
religieuse.
Notre démarche n'a pas consisté à
démontrer, comme HEGEL, que l'Africain n'a ni religion, ni idée
de Dieu. Nous cherchions simplement à mettre en évidence la
logique selon laquelle l'Afrique n'est pas restée en marge du
phénomène mondial du
« désenchantement » ou du
désintéressement vis-à-vis de la religion.
Malencontreusement, ce problème a été, plus ou moins,
occulté par le souci de montrer que l'Africain croit aussi en Dieu et
qu'il est par conséquent un être « essentiellement
religieux ».
Si nous pouvons aussi qualifier les sociétés
africaines de sociétés post-religieuses, c'est parce que la perte
du sens de l'Absolu a provoqué chez plusieurs Africains la perte du sens
de l'autre. Dieu seul sait jusqu'où s'étend en Afrique l'espace
géographique des foyers de tension, de conflits sanglants où
l'autre est littéralement ignoré ou nié dans son
être149(*).
Somme toute, nous devons noter que la pensée de HEGEL
sur l'attitude philosophique face à la religion a plus ou moins
contribué au passage d'un état religieux à un état
séculaire. En ce sens, l'athéisme, signe de cette
sécularisation inachevée, aurait conduit à
l'indifférence religieuse. Notre réflexion comptait ainsi
apporter une contribution à la réorientation d'une vie plus
épanouie dans la religion. On n'y résiste pas, la quête
humaine de l'Absolu le prouve :
« La religion, dans l'histoire, est un
phénomène humain riche et complexe. Son histoire assez
mouvementée comporte bien des métamorphoses. Autant l'Homme
s'efforce de lui tourner le dos, autant il se retrouve dans un inconfortable
face à face avec lui ; mieux on l'approche dans une attitude
sincère, simple et éclairée, mieux on s'en trouve
équilibré et comblé parce qu'on accède à une
maîtrise de soi qui transforme la vie ; ou alors... Tant et si bien
que toute la vie devient, si on en prend garde, une explication permanente avec
la religion »150(*).
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- « Hegel, Georg Wilhelm Friedrich ».
Microsoft® Études 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.
- Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2007.
TABLE DES MATIERES
Dédicace ............................................................................................................................i
Remerciements
...................................................................................................................ii
INTRODUCTION GENERALE
...............................................................................................
1
CHAPITRE I : PHILOSOPHIE ET
RELIGION
...........................................................................
4
I.1. Généralités sur la philosophie
...........................................................................................5
I.1.1. Qu'est-ce que la philosophie ?
5
I.1.2. L'objet et la méthode de la
philosophie .
7
I.1.3. Le rôle de la philosophie .....
8
I.2. De la religion
..................................................................................................................9
I.2.1.
Définition.....................................................................................................................
9
I.2.2. Les fondements de la religion
........................................................................................12
I.2.3. Identité et différence entre
philosophie et
religion...............................................................
13
I.3. La philosophie de la religion
15
I.3.1. Définition
15
I.3.2. La tâche de la philosophie de la
religion
16
I.3.3. La méthode de la philosophie de la
religion
17
CHAPITRE II : LA CONCEPTION HEGELIENNE
DE LA RELIGION ...........................................
19
II.1. Le concept de religion
20
II.1.1. Définition
20
II.1.2. Le fondement universel des religions
21
II.1.3. Représentation religieuse et concept
philosophique
22
II.2. La hiérarchie entre les religions
24
II.2.1. La religion naturelle
24
II.2.2. La religion déterminée
26
II.2.3. La religion accomplie
..................................................................................................28
II.3. Le sens de l'entreprise
hégélienne
29
II.3.1. Les rapports entre raison et foi
29
II.3.2. Le sens des preuves de l'existence de
Dieu
30
II.3.3. Religion, philosophie et Etat
33
CHAPITRE III : APPRECIATION DE LA
PENSEE HEGELIENNE ET QUESTIONS RELIGIEUSES EN AFRIQUE NOIRE
...............................................................................................................
35
III.1. Evaluation critique de la pensée
religieuse hégélienne
36
III.1.1. La critique de la conscience
religieuse
36
III.1.2. La critique thomiste des rapports entre
raison et foi
38
III.1.3. Evaluation critique
40
III.2. Le Négro-africain est-il homo
religiosus ?
41
III.2.1. Le déni hégélien de
toute religion au Négro-africain
41
III.2.2. Le Négro-africain
« incurablement religieux »
42
III. 2.3. L'état religieux de l'Afrique
contemporaine
44
III.3. L'athéisme négro-africain et
ses implications religieuses
45
III.3.1. L'athéisme dans les religions
négro-africaines traditionnelles
.............................................46
III.3.2. Le marxisme face aux religions de l'Afrique
contemporaine ................................................47
III.3.3. Athéisme et indifférence religieuse
...............................................................................48
CONCLUSION GENERALE
.................................................................................................
50
Bibliographie.....................................................................................................................53
Table des
matières.............................................................................................................59
* 1 H. RONDET,
Hégélianisme et christianisme. Introduction
théologique à l'étude du système
hégélien, Paris, P. Lethielleux, Coll.
« Théologie, Pastorale et Spiritualité »,
1965, p. 51.
* 2 « Animal
religieux ». La traduction est de nous.
* 3 Cf. CHINDJI-KOULEU,
Négritude, philosophie et mondialisation, Yaoundé, CLE,
2001, p. 96.
* 4 Cf. R. VANCOURT, La
pensée religieuse de Hegel, Paris, P.U.F., Coll. «
Initiation philosophique », 1965, p. 1.
* 5 Cf. J.-L.
VIEILLARD-BARON, « La philosophie et la religion », in A.
JACOB (sous la dir. de), Encyclopédie philosophique
universelle, vol. IV : Le Discours philosophique, Paris,
P.U.F., 1998, p. 2457.
* 6 L'expression a
été accréditée par HEGEL dans son ouvrage
Leçons sur la philosophie de la religion. Une longue
période de tâtonnement aura été nécessaire
pour que la philosophie de la religion se constitue en une discipline
spécifique, pourvue d'un objet matériel et d'un objet formel
nettement définis. Cependant, il y a une distinction à faire
entre philosophie religieuse et philosophie des religions. La
philosophie religieuse désigne toute philosophie qui présuppose
la révélation qu'elle tient pour vraie et qu'elle traite
philosophiquement ; elle peut être soumise à une
théologie. On la retrouve chez des philosophes tels Saint Thomas
d'Aquin, Averroès, Maimonide, Jacques Maritain, Gabriel Marcel, Teilhard
de Chardin, Maurice Nédoncelle, etc. Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc.
cit., p. 2464. La philosophie des religions, quant
à elle, s'étend à toutes les religions et les
étudie chacune d'une manière particulière en cherchant
à savoir les réponses qu'elles apportent aux questions ultimes de
l'homme.
* 7 Cf. J. VIALATOUX,
L'intention philosophique, Paris, P.U.F., Coll.
« SUP », 1973, pp. 5-22.
* 8 Cf. J. LEFRANC,
« Philosophes et Philosophie », in Encyclopaedia
universalis, Corpus 18, Paris, Encyclopaedia universalis, 1996, p. 69.
* 9 K. JASPERS,
Introduction à la philosophie, Paris, Plon, 1950, p. 11.
* 10 G. W. F. HEGEL,
Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques, in L.
HANSEN-LOVE & F. KHODOSS (sous la dir.), Philosophie : Terminale
ES, Paris, Hatier, 1999, p. 488.
* 11 Cf.
Encyclopédie philosophique universelle, vol. II : Les
Notions philosophiques, Paris, P.U.F., 1990, p. 1936.
* 12 K. JASPERS, op.
cit. pp. 10-11.
* 13 Pour ce paragraphe,
nous nous sommes inspirés de J. LEFRANC, loc. cit., pp.
70-71.
* 14 G. W. F. HEGEL,
cité par H. NGIMBI NSEKA, Dieu à l'horizon de l'acte
philosophique. Propos sur l'argument ontologique et ses conséquences
dans la vie spirituelle, Kinshasa, Facultés Catholiques de
Kinshasa, 2002, p. 10.
* 15 Cf. J.-L.
VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2460.
* 16 J. VIALATOUX, op.
cit., p. 66. C'est nous qui soulignons.
* 17 O. REBOUL, La
philosophie de l'éducation, Paris, P.U.F., 1989, p. 3.
* 18 K. JASPERS, op.
cit., p. 10.
* 19 A. MEN, Les sources
de la religion, trad. de René MARICHAL, Paris, Desclée,
1991, pp. 112-120.
* 20 Cf. M. AUGÉ,
Génie du paganisme, Paris, Gallimard, Coll.
« Bibliothèque des sciences humaines », 1982, p.
20.
* 21 Ibidem, p.
19.
* 22 J. NABERT, cité
par H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 180.
* 23 Cf. M. AUGÉ,
op. cit., pp. 28-29.
* 24 Cf. J.-L.
VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2459.
* 25Le numineux est un
néologisme, qui vient du latin numen, « le
divin » pour distinguer cette pure émotion d'avec les
croyances, les jugements moraux, les spéculations théologiques,
associées au concept du sacré. Cf. R. OTTO, Le
sacré. L'élément non rationnel dans l'idée du
divin et sa relation au rationnel, Paris, Payot, 1949, p. 28.
* 26 Nous dégageons
ici l'idée du sacré en référence à l'ouvrage
susmentionné de R. OTTO.
* 27 M. ELIADE, La
nostalgie des origines, Paris, Gallimard, 1970, p. 9.
* 28 La conception du
sacré selon Mircea ELIADE, dans Le sacré et le profane,
Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1965.
* 29 E. DURKHEIM, Les
formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, P.U.F.,
1968, p. 51.
* 30 Cf. E. B. TYLOR, La
civilisation primitive, Paris, Reinwald, 1876.
* 31 R. VANCOURT, op.
cit., p. 44.
* 32 Nous nous sommes
largement inspiré de l'ouvrage de R. VANCOURT, op. cit., pp.
43-61.
* 33 R. LE SENNE,
Introduction à la philosophie, Paris, P.U.F., Coll.
« Logos », 1949, p. 348.
* 34 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 2, Paris,
Gallimard, Coll. « Idées », 1970, p. 218.
* 35 Ibidem, p.
219.
* 36 Cf. G. W. F. HEGEL,
Esthétique, Paris, P.U.F., Coll. « Les grands
textes », 1954, p. 200.
* 37 G. W. F. HEGEL,
cité par E. BRITO, La christologie de Hegel, Paris, Beauchesne,
Coll. « Bibliothèque des archives de philosophie »,
1983, pp. 251-252.
* 38 H. NGIMBI NSEKA,
op. cit., p. 186.
* 39 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, Paris,
Gallimard, Coll. « Idées », 1954, pp. 221-222.
* 40 H. NGIMBI
NSEKA, op. cit., p. 183.
* 41 Cf. http: //fr.
wikipedia. org/wiki/Philosophie.
* 42 H. DUMERY, Critique
et religion. Problèmes de méthode en philosophie de la
religion, Paris, SEDES, Coll. « Pensée », 1957,
p. 10.
* 43 ALAIN, Propos sur
la religion, Paris, Rieder, 1938, p. 8.
* 44 Cf. H. NGIMBI NSEKA,
op. cit., p. 185.
* 45 R. LE SENNE, op.
cit., p. 348.
* 46 H. DUMERY, op.
cit., p. 32.
* 47 H. NGIMBI NSEKA,
op. cit., p. 185.
* 48 E. BRITO, op.
cit., p.253.
* 49 H. DUMERY, op.
cit., p. 29.
* 50 Ibidem, p.
222.
* 51 Dans ces deux derniers
paragraphes, nous avons suivi de près Henry DUMERY dans son ouvrage
susmentionné.
* 52 Cf. J.-L.
VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2465.
* 53 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, trad. par J. GIBELIN,
Paris, Vrin, 1959, p. 64.
* 54 Cf. ibidem, p.
63.
* 55 H. DUMERY, op.
cit., p. 231.
* 56 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, op.
cit., p. 194.
* 57 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit.,
pp. 76-77.
* 58 R. VANCOURT, op.
cit., pp. 60-61.
* 59 Ibidem, p.
115.
* 60 Pour ce paragraphe et
celles qui précèdent, nous nous sommes inspirés de R.
VANCOURT, op. cit., pp. 114-118.
* 61 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit.,
p. 246.
* 62 Ibidem, p.
70.
* 63 Cf. E. BRITO, op.
cit., p. 247.
* 64 J.-L. VIEILLARD-BARON,
« Philosophie de la religion », in A. JACOB (sous la dir.),
Encyclopédie philosophique universelle, vol. III : Les
oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F., 1992, p. 1827.
* 65 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 105.
* 66 Ibidem, p.
251.
* 67 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 115.
* 68 Pour ce
développement sur l'animisme, nous nous sommes inspirés d'E. B.
TYLOR, op. cit., pp. 1-20.
* 69 R. VANCOURT, op.
cit., pp. 29-30.
* 70 G. W. F. HEGEL, La
raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de
l'histoire, trad. par K. PAPAIOANNOU, Montréal, Collège
Saint-Jean-Vianney, 1965, p. 254.
* 71 Cf. G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 67.
* 72 E. BRITO, op.
cit., pp. 254-255.
* 73 G. W. F. HEGEL,
cité par R. VANCOURT, op. cit., pp. 31-32.
* 74 Pour ce paragraphe,
cf. ibidem, pp. 35-38.
* 75 Cf. E. BRITO, op.
cit., p. 256.
* 76 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 70.
* 77 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 38.
* 78 Ibidem, pp.
40-41.
* 79 Ibidem, p.
107.
* 80 Ibidem, p.
108.
* 81 Ibidem, p.
109.
* 82 G. W. F. HEGEL,
Leçons sur l'histoire de la philosophie, op. cit., p. 176.
* 83 R. VANCOURT, op.
cit., p. 111.
* 84 J.-M. PLOUX, Dieu
n'est pas ce que vous croyez ! , Paris, Bayard, 2008, pp. 34-35.
* 85 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 63.
* 86 Ibidem, p.
80.
* 87 G. W. F. HEGEL, Les
preuves de l'existence de Dieu, cité par H. NGIMBI NSEKA, op.
cit., p. 5.
* 88 Ces autres preuves de
l'existence de Dieu chez HEGEL sont : la médiation
immédiate, la preuve cosmologique, et l'argument
physico-théologique.
* 89 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 79.
* 90 Cf. G. W. F. HEGEL,
Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 186.
* 91 Pour rédiger ce
paragraphe, nous nous sommes inspirés de R. VANCOURT, op. cit.,
pp. 3-5.
* 92 R. VANCOURT, op.
cit., p. 78.
* 93 G. W. F. HEGEL, La
raison dans l'histoire, op. cit., p. 155.
* 94 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 129.
* 95 G. W. F. HEGEL,
Principes de la philosophie du droit, trad. par A. KAAN, Paris,
Gallimard, 1940, p. 269.
* 96 E. WEIL, Hegel et
l'Etat. Cinq conférences, Paris, Librairie philosophique J. Vrin,
2002, p. 48.
* 97 Cf. M. GAUCHET, Le
désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion,
Paris, Gallimard, 1985, p. 133.
* 98 Cf. R. VANCOURT,
op. cit., p. 130.
* 99 Ibidem, p.
131.
* 100 Cf. TRAN VAN TOAN,
« La critique de la religion par Marx », in Revue
philosophique de Louvain, N° 97 (1970), p. 58.
* 101 A. KOJEVE,
Introduction à la lecture de Hegel, cité par TRAN VAN
TROAN, loc. cit., p. 65.
* 102 K. MARX,
Manuscrits de 1844, cité par TRAN VAN TROAN, loc.
cit., p. 62.
* 103 Cf. K. MARX & F.
ENGELS, Sur la religion, Textes traduits et annotés par G.
BADIA et alii, Paris, Editions Sociales, 1968, p. 59.
* 104 K. MARX,
Introduction à la critique de la philosophie du droit chez
Hegel, cité par R. COFFY, Dieu des athées : Marx,
Sartre, Camus, Paris, Chronique sociale de France, Coll. « Le
fond du problème », 1963, pp. 41-42.
* 105 Cf. V. TONYE BAKOT,
« Le défi de la religion », in G. MENDO ZE (sous la
dir.), 20 défis pour le millénaire. Bâtir un
nouvel humanisme, Paris, François-Xavier de Guibert, 2002,
p. 313.
* 106 K. MARX & F.
ENGELS, op. cit., p. 41.
* 107 Cf. V. TONYE BAKOT,
loc. cit., p. 313.
* 108 R. VERNEAUX,
Histoire de la philosophie contemporaine, Paris, Beauchesne, 1960, p.
14.
* 109 Cf. JEAN-PAUL II,
La foi et la raison, Paris, Centurion/Cerf/Mame, 1998, p. 58.
* 110 Th. D'AQUIN,
Somme théologique, t. 1, q. 2, art. 1.
* 111 Pour les deux
derniers paragraphes, nous nous sommes largement inspirés du syllabus du
cours de théodicée de l'Institut Catholique de Toulouse (France).
Nous nous contenterons seulement de quelques aspects de la pensée
thomiste qui nous permettront de critiquer HEGEL. Pour approfondir les cinq
voies, cf. ibidem, art. 2.
* 112 J. & R. MARITAIN,
« L'Homme et l'Etat », in OEuvres
complètes, Vol. IX, Fribourg/Paris, Ed. Universitaires/Ed.
Saint-Paul, 1990, p. 495.
* 113 Cf. TRAN VAN TROAN,
loc. cit., p. 57.
* 114 Cf. H. RONDET,
op. cit., p. 82.
* 115 Cf. BENOIT XVI,
Sauvés dans l'espérance, Paris,
Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2007, pp. 34-35.
* 116 G. W. F. HEGEL,
La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253.
* 117 Cf. CHINDJI-KOULEU,
op. cit., p. 96.
* 118 HERODOTE, cité
par G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253.
* 119 Cf. CHINDJI-KOULEU,
op. cit., p. 96.
* 120 M. AUGE, op.
cit., p. 32.
* 121 G. W. F. HEGEL,
La raison dans l'histoire, op. cit., p. 255. C'est nous qui
soulignons.
* 122 Cf. M. AHANHANZO
GLELE, cité par CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 90.
* 123 J. KI-ZERBO,
« Les religions africaines traditionnelles », in
Tradition et modernisme en Afrique noire, cité par S.
AZOMBO-MENDA & P. MEYONGO, Précis de philosophie pour
l'Afrique, Paris, Nathan, 1981, p. 113.
* 124 L.-V. THOMAS,
cité par CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 92.
* 125 M. DELAFOSSE, Les
civilisations négro-africaines, cité par H. DESCHAMPS,
Les religions de l'Afrique noire, Paris, P.U.F., Coll. « Que
sais-je ? », 1965, p. 5.
* 126 A. NDAW,
« Dieu en Afrique noire », in F. LENOIR & Y.
TARDAN-MASQUELIER (sous la dir.), Encyclopédie des religions,
Vol. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 1441.
* 127 H. NGIMBI NSEKA,
op. cit., p. 12.
* 128 A. HAMPATE BA,
in Les religions traditionnelles africaines, Rencontres
internationales de Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 20.
* 129 M. J. HERSKOVITS,
« Structures des religions africaines », in Colloque
sur les religions, Paris, Présence africaine, 1962, p. 72.
* 130 Cf. J. MBITI,
Religions et philosophie africaines, trad. par Christiane LE FORT,
Yaoundé, CLE, 1972, p. 266.
* 131 Cf. Les religions
traditionnelles africaines, Rencontres internationales de
Bouaké, op. cit., quatrième de couverture.
* 132 J. MBITI, op.
cit., p. 269.
* 133 Ibidem, p.
280.
* 134 Cf. E. MESSI METOGO,
Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l'indifférence
religieuse et l'incroyance en Afrique noire, Paris/Yaoundé,
Karthala/PUCAC, 1997, p. 82.
* 135 A. NDAW, loc.
cit., p. 1443.
* 136 E. MESSI METOGO,
op. cit., p. 45.
* 137 Cf. M. AUGE, op.
cit., p. 123.
* 138 E. MESSI METOGO,
op. cit., pp. 10-11.
* 139 J.-M. ELA, op.
cit., p. 125. Le récit date du début des années
soixante dix.
* 140 E. MESSI METOGO,
op. cit., p. 13.
* 141 Nous reprenons pour
l'essentiel la thèse d'Eloi MESSI METOGO dans l'ouvrage
susmentionné.
* 142 S. AZOMBO-MENDA &
P. MEYONGO, op. cit., p. 132.
* 143 Pour ce paragraphe,
cf. E. MESSI METOGO, op. cit., pp. 142-143.
* 144 Cf. E. MESSI METOGO,
op. cit., p. 9.
* 145 Dans ce paragraphe,
nous avons suivi Y. LEDURE, « De l'athéisme à
l'indifférence religieuse », in F. LENOIR & Y.
TARDAN-MASQUELIER (sous la dir.), Encyclopédie des religions,
vol. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 2353.
* 146 E. MESSI METOGO,
op. cit., p. 234.
* 147 Cf. BENOIT XVI,
op. cit., pp. 36-37.
* 148 Cf. E. MESSI METOGO,
Dieu peut-il mourir en Afrique ?, op. cit. . Au terme de
ses recherches et enquêtes, l'auteur répond à la question
posée par l'affirmatif.
* 149 Cf. H. NGIMBI NSEKA,
op. cit., pp. 12-13.
* 150 V. TONYE BAKOT,
loc. cit., p. 309.