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Philosophie et religion chez Hegel

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par Cyrille Tenejou
Grand Seinaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de philosphie 2009
  

Disponible en mode multipage

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    Je dédie ce travail à la

    mémoire de mon grand-père

    Jean TENEJOU.

    REMERCIEMENTS

    Ce travail a été réalisé avec la contribution de plusieurs personnes. Nous voulons leur exprimer ici notre profonde gratitude.

    Nous adressons d'abord nos sincères remerciements à Monsieur Benoît BIRWE qui a accepté de diriger, avec dévouement, ce travail d'initiation à la recherche scientifique.

    Nous exprimons ensuite notre profonde gratitude à Monseigneur Joseph DJIDA, Evêque de N'Gaoundéré, qui nous a recommandé à cette auguste institution, le Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua.

    Notre reconnaissance va également à nos parents Michel NKOUANDOU et Marthe RIH KAINTOUMA, à qui nous devons ce que nous sommes aujourd'hui.

    Nos remerciements s'adressent à tous nos formateurs et à nos professeurs du cycle de philosophie, coordonné par l'Abbé Gabriel HOUSSEINI.

    Nous adressons aussi nos remerciements aux bibliothécaires du Grand Séminaire Saint Augustin et du Théologat O.M.I. de Maroua, ainsi qu'à Joseph MEMEH CHENWIE pour sa contribution à l'acquisition de la documentation.

    Nous exprimons aussi notre reconnaissance à l'Abbé Laurent MBIH pour son soutien et ses conseils.

    Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous nos confrères séminaristes et à tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont participé à l'édification de ce travail.

    INTRODUCTION GENERALE

    Un des traits caractéristiques du monde actuel, et qui ne laisse pas d'interroger, semble le désintérêt de plus en plus marqué de certains de nos contemporains vis-à-vis de la religion. Dans un monde en mutation, plein d'autant de menaces que de grands désirs, la religion tend à perdre sa place primordiale dans la conscience de l'homme. Dans ce contexte de sécularisation qui prend de l'ampleur, l'homme contemporain peut-il encore être religieux ? 

    Il revient à tous de relever ce grand défi ; car, nous le savons,  « un peuple vaut au jugement de l'histoire ce que vaut sa religion »1(*). De là, il suit que l'homme est, de par sa nature, un homo religiosus2(*), qui se définit avant tout dans la relation qu'il entretient avec Dieu. La religion apparaît comme la relation de l'homme à l'Etre suprême, à son Créateur.

    En effet, nous pouvons dire que le passé de l'humanité fut généralement, sinon exclusivement religieux. Auguste COMTE a montré cette vérité historique à travers sa loi des trois états selon laquelle la pensée humaine a évolué en trois étapes principales : l'état théologique où l'on explique les phénomènes naturels par l'intervention des agents surnaturels comme les esprits ou les divinités ; la seconde étape, l'état métaphysique, où l'on recours à des abstractions pour expliquer les phénomènes et enfin, l'état positif ou scientifique où l'esprit humain étudie, grâce à l'observation, les phénomènes naturels en vue de découvrir leurs lois ou leurs relations nécessaires. Nous ne devons pas ignorer que les trois étapes peuvent parfaitement coexister à n'importe quelle époque dans toutes les sociétés3(*).

    L'Aufklärung a inversé radicalement cette problématique en centrant le débat religieux non plus sur l'existence du divin, mais sur l'homme. Dès lors, ce dernier cherche à s'affranchir de Dieu et à être promu au rang de la divinité. Ce système a donné corps à la conviction que l'humanité elle-même est artisan de son salut. Une telle inclinaison s'est répandue à partir de l'affirmation du primat des potentialités de la raison comme condition d'une humanité totalement libre. Cette prise de conscience de l'homme par lui-même rend caduque la croyance fondée sur la dépendance envers une transcendance définie comme toute-puissante. Cependant, la raison peut-elle se passer de toute référence à la transcendance qui est le fondement et le but de la liberté ?

    Pour examiner cette problématique, nous allons explorer la pensée de Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, l'une des figures marquantes de cette époque. La façon dont il pose le problème philosophique de la religion, la solution qu'il suggère du rapport entre la philosophie et la religion, exerceront longtemps encore leur influence. Il serait vain de reprendre l'examen de cette question en faisant comme si HEGEL n'avait jamais existé4(*).

    Le problème philosophique que pose la religion présuppose que la philosophie est susceptible de s'appliquer à toutes les oeuvres humaines, et par conséquent au fait religieux. De même que la philosophie réfléchit sur les méthodes et les résultats de la connaissance scientifique, de même elle réfléchit sur les pratiques humaines dont la religion fait partie intégrante.

    On s'aperçoit que non seulement la philosophie ne peut s'interdire de traiter de la religion, mais qu'elle manifeste avec la religion une profonde affinité5(*). Cette affinité nous amène à nous interroger sur le rapport qu'il y a entre la philosophie et la religion.

    La religion est pour l'homme une chose sacrée, la raison, en est de même. Le problème qui se pose est celui de la réconciliation de ces deux ailes. Ce que l'homme exprime par la voie de la religion, la philosophie doit s'efforcer de le ressaisir sous la forme de la pensée rationnelle. Chez notre auteur, cela n'implique pas renoncement au religieux, mais va donner naissance à un courant hostile à la religion.

    Nous voulons simplement aborder la pensée hégélienne en retenant l'aspect qui nous permet de prendre conscience du phénomène humain profond qu'est la religion dont dépendent la qualité de la vie et le destin de l'homme. A travers une méthode analytico-critique, nous aborderons le phénomène religieux d'un point de vue philosophique. Il s'agira d'interroger, d'analyser, de comparer, sans jamais verser dans le prosélytisme, le dénigrement ou la confusion, mais de susciter la rupture avec une conscience religieuse naïve afin de la sortir de l'absurde et du ridicule, qu'elle cesse d'être l'opium du peuple, selon l'expression de Karl MARX.

    Notre travail s'articule sur trois chapitres. Le premier est intitulé « Philosophie et religion ». Il définit chacun des deux termes, examine leurs rapports et dégage les traits essentiels de la philosophie de la religion sur laquelle repose ces rapports. Le second chapitre, « La conception hégélienne de la religion », scrutera la conception de la religion chez HEGEL en analysant le concept de religion chez ce dernier ; en établissant la hiérarchie des religions et en donnant le sens de l'entreprise hégélienne. Dans le troisième chapitre ayant pour titre « Appréciation de la pensée religieuse hégélienne et questions religieuses en Afrique noire », nous apprécierons d'abord la pensée de notre auteur, ensuite, nous procéderons à l'examen de la question de l'existence de la religion chez le Négro-africain à qui HEGEL a dénié le statut d'être religieux. Enfin, nous analyserons la position de l'Afrique noire dans le contexte actuel de sécularisation.

    CHAPITRE I

    PHILOSOPHIE ET RELIGION

    « La philosophie et la religion embrassent toutes deux la totalité de la vie. Elles ont même contenu ; elles n'ont pas la même forme : l'une est pratique et l'autre théorique [...]. La philosophie, sans l'appui du vécu, ne serait que verbalisme. Le vécu, au contraire, porte en lui une lumière immanente, qui peut amener, dans l'ordre pratique [celui de la religion] une justification authentique, bien que non réflexive ».

    Henry DUMERY, Critique et religion, Paris, SEDES, 1957, p. 231.

    La philosophie de la religion6(*) soulève, entre autres, le problème des rapports entre la philosophie et la religion. Ce problème n'est pas des moindres, puisqu'il appelle à une réflexion sur la nature même de la philosophie, sur son droit légitime à fonder toute expérience humaine, y comprise l'expérience religieuse.

    I.1. Généralités sur la philosophie 

    I.1.1. Qu'est-ce que la philosophie ?

    La question de savoir ce qu'est la philosophie est en elle-même une question qui appelle une réflexion philosophique. Elle absorbe toute l'énergie des philosophes et demeure une question très importante -que nous ne saurons occulter- pour la bonne compréhension du sujet que nous abordons.

    Selon Joseph VIALATOUX, la philosophie se définit comme une intention, une certaine orientation de la pensée. Le terme philosophie dérive du grec philein qui signifie le sentiment d'un amour-désir, d'un appel, d'un effort orienté vers le bien. Ce bien vers lequel est orientée l'intention philosophique est la sagesse, sophia. La philosophie se présente donc sous le signe d'une intention et d'un effort de l'homme vers la sagesse. Laquelle sagesse se présente sous l'aspect pratique, par opposition à l'aspect spéculatif. La sagesse pratique se caractérise par une maîtrise révélant une transcendance, une activité révélant un engagement, une sérénité révélant un détachement, tandis que la sagesse spéculative s'applique à connaître, à expliquer et à comprendre. Tous les deux aspects participent de la sagesse vers laquelle s'oriente l'esprit7(*).

    D'après l'Encyclopaedia universalis, la définition de la philosophie est, habituellement, d'abord étymologique ou historique. Cependant, aucune définition non philosophique de la philosophie n'est possible et que seule la philosophie permet de distinguer ce qui est philosophique de ce qui ne l'est pas. En outre, rien n'assure que la tradition qui attribue la paternité du mot à PYTHAGORE soit fondée : le mot lui-même n'apparaît que dans les oeuvres de PLATON. Il y a peu à tirer d'une formule comme amour - recherche - de la sagesse, tant que cette dernière n'est pas déterminée. Or, sophia, en grec, semble avoir désigné un savoir-faire, une habileté, une réussite. La sagesse ne s'expose pas forcément dans une argumentation rationnelle, mais également dans des paroles ou des proverbes. La liste des sept sages de la Grèce, qui comprend un tyran rendu célèbre par sa cruauté, n'est guère édifiante ! C'est justement à la philosophie de prendre en compte la diversité des sagesses selon les temps, les pays ou les circonstances : l'idée de sagesse dépend de celle de la philosophie et non l'inverse8(*).

    On peut croire avoir échappé au cercle de la subjectivité en proposant une définition, mais elle porte la marque d'un style de philosophie. Ainsi écrira Karl JASPERS :

    « Toute philosophie se définit elle-même par sa réalisation. Ce qu'elle est, on ne peut le savoir que par l'expérience ; alors on voit qu'elle est à la fois l'accomplissement de la pensée vivante et la réflexion sur cette pensée, ou l'action et le commentaire de l'action. Seule l'expérience personnelle permet de percevoir ce qu'on peut trouver de philosophie dans le monde »9(*).

    La philosophie est donc inséparable de sa source -la découverte d'une réflexion théorique, systématique et dégagée de l'expérience- mais aussi de sa  fin, c'est- à- dire cette tâche infinie qui fut son projet et sa définition. De ce point de vue, il faut admettre, à la suite de HEGEL, qu'il y a une véritable unité de la philosophie au-delà de la diversité des philosophies. « L'histoire de la philosophie ne manifeste, dans les philosophies en apparences diverses, qu'une seule philosophie aux divers degrés de son développement et d'autre part, les principes particuliers, dont l'un sert de base à un système, sont simplement des ramifications d'une seule et même totalité »10(*). Bien que particulière par sa démarche et son approche, chaque philosophie renvoie par son contenu à la recherche de la vérité, à l'aspect universel de toute philosophie. Dès lors, récuser une philosophie particulière parce qu'elle n'est pas toute la philosophie ne serait pas aussi fondé que refuser une cerise ou une poire en prétendant qu'elle n'est pas un fruit.

    Ce qui fait l'unité profonde de la philosophie, ce n'est ni un contenu de savoir, ni une méthode. C'est plutôt la forme même de l'existence traditionnelle. Indépendamment des discours sur la nature de la philosophie ou la distinction des types d'interventions philosophiques possibles, ce qui importe, c'est que des mêmes auteurs soient lus, repris, commentés, discutés, contredits ; que la formation philosophique passe par la familiarité avec un même fond textuel dont l'accroissement est normé par le sentiment que produit cette familiarité11(*). Pour Karl JASPERS, la philosophie a un rôle épistémologique qui constitue ce qu'elle est en elle-même. Il l'exprime par cette affirmation :

    « L'essence de la philosophie, c'est la recherche de la vérité, non sa possession, même si elle se trahit elle-même, comme il arrive souvent, jusqu'à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formules, définitif, complet, transmissible par l'enseignement. Faire la philosophie, c'est être en route. Les questions, en philosophie, sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question »12(*).

    Faute de pouvoir examiner chaque type de philosophie, nous avons tenté de définir la philosophie en général. Nous ne pouvons nous limiter à cette définition sans parler de l'objet et de la méthode de la philosophie.

    I.1.2. L'objet et la méthode de la philosophie

    Toute discipline, toute science qui se développe rationnellement, se réserve un objet et une méthode. La philosophie, elle aussi, a son objet et sa méthode.

    Dans l'Antiquité, les présocratiques ont donné pour objet à la philosophie l'Archè, « l'origine de l'univers ». Lorsque le terme philosophie apparaît dans les dialogues de PLATON, la dialectique philosophique a un domaine propre, l'idée absolue. Ainsi naît la métaphysique, bien que le terme n'apparaisse que plus tard en regroupant les oeuvres d'ARISTOTE. La réduction anthropologique apparaît ensuite chez PROTAGORAS, redoutable adversaire de la théorie platonicienne des idées dans sa fameuse formule : « L'homme est la mesure de toutes choses ». La sophistique n'était pas seulement caractérisée par la réduction anthropologique, mais aussi par la philosophie du langage qui a resurgi à l'époque contemporaine. Ludwig WITTGENSTEIN critique le langage métaphysique - en le qualifiant d'ambigu - et propose une philosophie analytique et du langage ordinaire.

    La réduction de l'objet philosophique au phénomène, quant à elle, apparaît chez HEGEL ; puis chez Edmund HUSSERL qui prône « le retour aux choses mêmes ». La phénoménologie n'est vraiment retour à la chose même que si elle reprend le projet de la philosophie comme science de l'être, et y reconnaît son thème permanent depuis l'Antiquité jusqu'à HEGEL13(*).

    Nous voyons comment, au cours de l'histoire, des objets divers ont été attribués à la philosophie. Mais la question de l'objet de la philosophie revient, dans le cadre de notre travail, à se demander si une philosophie peut se fonder sur le rejet de la métaphysique. Pour HEGEL, « seule la philosophie qui peut répondre à cette question : " qu'est-ce que s'approcher de Dieu ? " est digne de ce nom »14(*). Il s'ensuit que pour HEGEL, le « texte unique » de la philosophie est Dieu, l'Absolu. Priver la philosophie de cet objet, c'est la détruire, la réduire au formalisme et à l'empirisme, ces deux alliés des vieilles métaphysiques d'entendement. Même si l'on est contre cette thèse hégélienne, on est bien forcé d'admettre que l'objet de la philosophie est, sommairement dit, l'homme -et toutes ses pratiques-, le monde, Dieu et leurs relations réciproques15(*).

    La méthode, quant à elle, désigne dans un contexte donné, l'ensemble des procédés rationnels dont on fait choix pour atteindre une fin déterminée. S'agissant de la philosophie, la méthode prend forme et nom d'une logique. DESCARTES, dans son Discours de la méthode, recommande de prendre à la base, l'édifice des connaissances et de ne se laisser convaincre que par une loi évidente. D'autres philosophes exaltent la fonction constitutive de la raison, cherchant la voie vers le vrai, dans la quête d'une cohérence plénière des différentes parties du discours et surtout dans la totalité du système qu'exprime l'identité du point de départ et du terme du cheminement philosophique. La méthode dialectique, telle que définie par HEGEL, échappe à toute extériorité par rapport à l'objet dont elle traite et vient s'identifier pleinement avec le contenu lui-même qui se meut. Tels sont les critères qui spécifient la méthode philosophique. Dans le même sens, Joseph VIALATOUX pense que « la méthode propre à la philosophie, la voie de recherche que se fraye l'intention philosophique, c'est bien, en effet, la méthode réflexive. [...] elle procède, dialectiquement par voie d'implications régressives, accompagnées d'une intuition progressive, et préparant des explications dégressives »16(*).

    En plus de ces critères spécifiques, la méthode philosophique est, comme toute méthode scientifique, critique, réaliste, cohérente. Ses objectifs sont de procurer une connaissance approximative, partielle mais fiable, de nature prédictive, explicative et applicable. Elle s'alimente au corps des connaissances constituées, le développe, le modifie et l'accroît. Ses résultats sont provisoires, leur objectivité résulte de l'application rigoureuse et inter-subjectivement vérifiable dans le cadre scientifique et épistémologique compatible avec le réalisme scientifique.

    I.1.3. Le rôle de la philosophie

    La philosophie est propre à l'homme. Nous sommes engagés et impliqués dans la philosophie ; nous philosophons. Elle n'est autre chose qu'une tentative de recréer sa propre vie selon l'exigence propre à l'homme, celle de l'esprit.

    Si la philosophie se définit étymologiquement comme amour de la sagesse, cette sagesse n'est ni spontanée, ni innée. Elle sera tout simplement la sagesse de l'homme en tant qu'homme ; c'est la sagesse qui convient à l'homme par l'effet de son labeur. Elle vient de l'appréhension de certaines vérités car, la raison naturelle seule est capable d'atteindre une certaine vérité. La philosophe fait appel à la réflexion personnelle et critique. Penser relève toujours, en philosophie, d'une quête de la vérité et implique une discipline dans le jugement.

    La philosophie ouvre l'esprit et permet à l'homme de « voir dans la nuit » comme le hibou. Elle est comme une lampe qui éclaire dans l'obscurité de l'ignorance dans laquelle sont plongés les humains. A en croire Olivier REBOUL, « la philosophie commence là où les choses ne vont plus de soi, là où ce qui était évident pour tout le monde cesse de l'être. Elle commence avec l'ironie socratique »17(*). Ainsi, ne pouvons-nous pas dire que le rôle essentiel de la philosophie est d'éveiller l'esprit et de le tenir en éveil ?

    Selon Karl JASPERS,

     « l'homme ne peut se passer de la philosophie. Aussi est-elle présente, partout et toujours, répandue dans le public par les proverbes traditionnels, les formules de sagesse courante, les opinions admises, comme également le langage des gens instruits, les conceptions politiques, et surtout, les premiers âges de l'histoire, par les mythes. On n'échappe pas à la philosophie [...]. Quiconque la rejette affirme par là même une philosophie, sans en avoir conscience »18(*).

    Grâce à la réflexion philosophique, l'homme peut se comprendre et identifier les menaces qui pèsent sur les sociétés modernes afin d'y apporter des solutions efficaces.

    Dans le cadre de notre travail, nous voulons réfléchir sur la religion en philosophe, en la soumettant aux principes rationnels pour la sortir de l'absurde et du ridicule. Nous voulons que la religion cesse d'être une source d'engourdissement moral et intellectuel pour ceux qui la pratiquent. Autrement, il serait vain de philosopher si nous ne croyons pas en la capacité de la philosophie d'atteindre la vérité par elle-même.

    I.2. De la religion

    Il s'agit ici de s'interroger sur ce qu'est la religion en général et non de parler de telle ou telle religion particulière. Cette tentative nous amènera à considérer les difficultés d'approche qui constituent un véritable obstacle à cette compréhension. Qu'est-ce que donc la religion ?

    I.2.1. Définition

    Il n'est pas aisé de trouver une définition exacte au concept de religion, en raison du manque d'un concept suffisamment précis pour pouvoir dire valablement ce qu'est, à proprement parler, la religion. « Effectivement, écrit MEN, l'expérience religieuse est une expérience qui dépasse les concepts humains, aussi les tentatives faites pour l'exprimer aboutissent toujours à un appauvrissement de son contenu »19(*). C'est pourquoi toutes les tentatives visant à la définir, sans tenir compte de la diversité des religions, n'ont jamais réussi ; toute définition s'avère inadéquate.

    La nécessité d'une définition claire s'impose pourtant comme préalable au philosophe qui s'interroge sur la religion. Henry BERGSON remarque à ce propos que le philosophe étudie le plus souvent une chose que le sens commun a déjà désignée par un mot. C'est en l'analysant qu'il retrouve progressivement plusieurs sens du mot « religion »20(*).

    « Parler de la religion ou des religions, poursuit AUGE, c'est rencontrer une double difficulté, plus précisément une double diversité. Diversité du fait religieux lui-même aussi remarquable que son universalité ; diversité des théories du fait religieux non point seulement au sens où des croyants s'y opposent à des non-croyants mais au sens où l'observation des faits s'effectue des points de vue différents, tantôt pour discerner les avantages sociaux ou politiques de la pratique et de l'institution religieuses, tantôt pour appréhender la nature profonde de la religion »21(*).

    Pour surmonter ces difficultés, il est nécessaire de prendre en compte la diversité des religions et les différents systèmes auxquels elles appartiennent comme des expressions diverses et vraies du fait religieux. Selon Jean NABERT, « c'est la distinction de l'Absolu et de Dieu qui nous permet de comprendre la diversité des religions. A la source de chaque religion un Dieu, témoin de l'Absolu. Mais pour chacune d'elles, l'erreur est de croire que son Dieu est l'Absolu et qu'il exclut ainsi toutes les autres, alors qu'il n'est qu'une interprétation de l'Absolu, une des figures de l'Absolu »22(*).

    Les ethnologues proches d'Emile DURKHEIM ont essayé d'aborder le problème que pose la définition de la religion en termes de frontières, en distinguant l'activité religieuse de l'activité magique. Pour eux, la religion est associée à des activités publiques et solennelles, la magie à des activités privées et secrètes ; la première s'exprime pleinement dans le sacrifice, la seconde dans le maléfique23(*). C'est seulement lorsqu'on établit la ligne de partage entre ce qui est religion et ce qui ne fait que lui ressembler de loin qu'on peut admettre la vérité de toutes les religions. 

    Ainsi, pour parler de religion, il faut pouvoir déterminer les éléments suivants : l'âme ou le sujet religieux, la communauté, les coutumes doctrinales, le symbole, le langage religieux, le sacré, les rites, la révélation et la transcendance, qu'il s'agisse du monothéisme ou du polythéisme24(*).

    Selon le dire du philosophe CICERON, le terme religion proviendrait du latin religare renvoyant à l'idée du lien : d'une part le lien des hommes avec le divin, d'autre part le lien des hommes entre eux. Cette étymologie est cependant contestée. Il se serait agi plus anciennement d'un lien matériel, des noeuds exigés par l'accomplissement d'un rite. Aujourd'hui, le mot religiosus a eu et, dans une certaine mesure, a gardé le sens de soin scrupuleux apporté à faire quelque chose ; par exemple, garder religieusement un secret. Ainsi, la religion est le lien de l'homme avec la Source même de l'être qui entre dans la conscience humaine à travers les mystères de l'existence et l'expérience du sacré.

    Le concept de religion renferme l'idée l'objet de l'expérience religieuse, c'est-à-dire le sacré. Selon Rudolf OTTO, le sacré -qui est le fondement de la religion- est le « Tout Autre » pour lequel il a forgé le terme « numineux »25(*). Le numineux indique un sentiment de dépendance, celui d'être une créature, un effroi devant une grandeur incommensurable et en même temps, un sentiment de vénération, de respect, d'adoration. Il est à la fois mystère qui fait trembler et qui fascine. Le numineux est un élément du sacré que certains tiennent pour fondamental, tandis que d'autres y voient une forme inférieure de la religiosité qu'un rapport plus authentique au divin doit rejeter26(*).

    Mircea ELIADE, quant à lui, déplace le regard du sujet sur le sacré, habité par le sens du numineux chez Rudolf OTTO, vers les objets dans lesquels le sacré se projette et auxquels il confère le nom de « hiérophanie », c'est-à-dire une manifestation du sacré. En effet, le mot religion, qui désigne la relation que l'homme entretient avec Dieu, est imprécis pour designer la réalité des diversités culturelles. Il écrit : 

    « On se demande comment il [le mot « religion »] peut être appliqué sans discrimination au Proche-Orient ancien, au judaïsme, au christianisme et à l'islam, ou à l'hindouisme, au bouddhisme et au confucianisme de même qu'aux peuples dits « primitifs ». Mais il est peut-être trop tard pour chercher un autre mot, et « religion » peut encore être un terme utile pourvu qu'on se rappelle qu'il n'implique pas nécessairement une croyance en Dieu, en des dieux ou en des esprits, mais se réfère à l'expérience du sacré et, par conséquent est lié aux idées d'être, de signification et de vérité »27(*).

    L'objet sacré est quelque chose d'extraordinairement opposé au profane. Mircea ELIADE recommande de respecter le caractère fondamentalement irréductible du sacré. La religion n'est pas un stade inférieur de la conscience, mais un élément primordial de toute expérience humaine, un élément stable dans la structure de cette conscience. Le sacré correspond à une manière d'être dans le monde. Avec lui, l'homme est jeté dans l'univers du « tout autre ». Cette conception du sacré28(*) est presque, sinon la même que celle de l'Absolu chez Jean NABERT. Si dans les deux approches, l'objet de la religion -le sacré ou l'Absolu- n'implique pas forcément Dieu, en revanche, la croyance en Dieu implique nécessairement la religion.

    Quoi qu'il en soit, la religion repose sur un ordre des êtres et des choses plus ou moins sacralisés. C'est ce que nous démontre Emile DURKHEIM :

    « Par choses sacrées, il ne faut pas entendre seulement ces êtres personnels que l'on appelle des dieux ou des esprits ; un rocher, un arbre, une source, un caillou, une pièce de bois, une maison, en un mot une chose quelconque peut être sacrée. Un rite peut avoir ce caractère ; n'existe même pas de rite qui ne l'ait à quelque degré. Il y a des mots, des paroles, des formules qui ne peuvent être prononcés que par la bouche des personnages consacrées ; il y a des gestes, des mouvements qui ne peuvent être exécutés par tout le monde... Le cercle des objets sacrés ne peut donc être déterminé une fois pour toutes ; l'étendue est infiniment variable selon les religions »29(*).

    I.2.2. Les fondements de la religion

    Il est difficile de répondre de façon satisfaisante à la question de savoir ce qu'est la religion sans avoir recherché sur quelles bases elle repose. Qu'elles soient révélées ou non, on doit se demander au moins si les religions n'ont pas un fondement commun dont il faudrait préciser la signification et la valeur.

    Nous tenons d'abord à préciser que le terme fondement prête à équivoque. On peut évoquer des fondements historiques : rôle d'un génie religieux, mentalité d'un peuple, conditions sociologiques favorables, etc. Certaines religions s'appuient sur la révélation dont l'initiative revient à Dieu. En outre, chez l'individu, la religion serait le fruit de l'éducation, de la tradition, du milieu, etc.

    L'anthropologue britannique Sir Edward Brunett TYLOR, dans La civilisation primitive, développe une théorie évolutionniste faisant de l'animisme primitif le fondement de toutes les religions. Dans cette théorie, l'animisme aurait servi de base à des systèmes progressivement plus élaborés comme le fétichisme où l'âme s'incarne en un objet vénéré, puis le culte des différents éléments de la nature, pour parvenir enfin au polythéisme et au monothéisme qui représente, d'après TYLOR, la forme la plus aboutie du concept de religion30(*).

    On peut reprocher à TYLOR d'avoir élaboré une pensée prenant appui sur une réalité fausse, puisque sa théorie suppose que l'animisme ait existé au sein de toutes les cultures de la Terre, ce qui n'est pas le cas. De ce fait, le fondement des religions peut désigner quelque chose de plus général et de plus radical au point de vue philosophique. « Les religions sont l'apanage de l'homme ; elles s'enracinent par conséquent dans ce qui nous distingue de l'animal : la pensée »31(*), écrit VANCOURT.

    Cependant, si les religions émanent de la pensée, cela ne signifie pas qu'elles ne sont qu'une erreur ou une illusion collective.

    PLATON avait perçu deux vérités éternelles : d'une part, la présence de Dieu, en concevant le monde des Idées et d'autre part, la divinité des âmes en les faisant participer à ce domaine divin. La philosophie de KANT a marqué un tournant dans la présentation du problème religieux. Il conçoit le mot Dieu comme pour le bon sens humain ; et quand il s'agit du fondement de la croyance en l'Etre suprême, il fait appel plus ou moins clairement, aux données du sens commun, à une sorte de connaissance spontanée, pré-réflexive, qui est l'apanage de tous. KANT lui-même avait envisagé cette connaissance comme expérience de Dieu telle qu'aucun doute ne puisse subsister sur la réalité de l'Etre suprême.

    Dans des contextes un peu différents, JACOBI et SCHLEIRMACHER semblent s'orienter vers une solution de ce genre. JACOBI, lui, fait reposer les religions sur une base individuelle ; le savoir immédiat ne pourra jouer le rôle d'un fondement transcendantal. Chez SCHLEIRMACHER, la religion trouve son fondement dans le sentiment que nous avons de notre absolue dépendance : situation qui aurait fait naître dans l'esprit des primitifs la crainte en laquelle certains ont vu la source de la religion. En outre, il donne à entendre qu'il y a autant de religions que d'êtres humains puisque chaque individu fait cette expérience à sa manière.

    HEGEL, quant à lui, admet comme JACOBI et SCHLEIRMACHER, qu'il existe un savoir immédiat ; une connaissance pré-réflexive de Dieu. Mais il se démarque d'eux en affirmant plutôt l'universalité de la raison dans l'élévation spontanée de l'homme vers Dieu32(*). Nous y reviendrons dans le second chapitre.

    On est donc bien loin d'une réflexion qui fait de la religion un phénomène individuel, personnel : quelle que soit la nature des réponses apportées par chacun à l'interrogation religieuse, il faut reconnaître que la religion est une dimension de l'homme avant d'être une expérience individuelle.

    I.2.3. Identité et différence entre philosophie et religion

    La philosophie et la religion embrassent toutes deux la totalité de la vie. Si la philosophie se distingue comme expression de la vie et la vie comme un passage d'étonnement en étonnement, elle ne peut ne pas s'étonner du phénomène religieux et le passer à l'examen critique. A propos, René LE SENNE s'interroge : « Si en effet, la religion est la démarche par laquelle l'esprit administre en lui son énergie la plus profonde, comment une société, un homme pourraient-ils se désintéresser de ce sans quoi tout manque ? »33(*)

    Dans un premier moment, « ces deux puissances, celle de la pensée et celle de la religion, paraissent avoir l'une à l'égard de l'autre une attitude hostile. Toutefois, en soi et pour soi, elles doivent s'accorder »34(*). Par la religion, l'homme s'élève au-dessus de son individualité pour atteindre l'absolue vérité de l'absolu. « La religion et la philosophie ont donc un seul et même objet, une seule et même fin. Le vrai, le vrai en soi et pour soi étant un, il faut que religion et philosophie aient un seul et même contenu ; leurs rapports toutefois sont absolument hostiles, comme il apparaît dans l'histoire »35(*). HEGEL poursuit en affirmant que l'art, la religion et la philosophie ont en commun un seul et même objet36(*). C'est ce qu'Emilio BRITO commente en ces termes :

    « Le contenu de la religion et celui de la philosophie, comme Hegel ne se lasse pas de le répéter, est « le même ». Cet objet n'est autre que « Dieu et son explication ». La philosophie et la religion coïncident : toutes les deux sont « service divin » ; mais l'identité ne fait pas abstraction de la différence : elles le sont d'une manière particulière. Le même contenu, la philosophie le saisit en une forme différente »37(*).

    En réalité, la philosophie et la religion peuvent être considérées comme ayant le même contenu. La même vérité se trouve donc de part et d'autre. Cela suppose que la religion est fondamentalement activée par la pensée et ne se réduit point à un vague sentiment du divin. Mais la principale différence réside dans le fait que la religion repose sur la conviction et fait appel à l'autorité alors que la philosophie repose sur la raison. Voilà pourquoi Hippolyte NGIMBI NSEKA affirme qu' « entre la philosophie et la religion, il y a un écart insurmontable, dans la mesure où l'affirmation de Dieu dans la foi exige une décision que la philosophie ne peut assumer »38(*).

    Il faut noter cependant que cette divergence entre la philosophie et la religion est subjective. Ce n'est qu'au niveau du sujet qu'elle est plus grande. « La philosophie et la religion n'ont qu'un seul et même besoin ; toutes deux se préoccupent de ce qui est vrai absolument, de ce qu'il y a de plus intime ; or de ces deux fonds intimes, il ne saurait y en avoir deux ; il n'y en a qu'un [...]. C'est donc une conception fausse ; il ne peut y en avoir qu'une seule vérité »39(*). La philosophie requiert une foi minimale qui est la confiance en la raison comme capable d'atteindre la vérité par elle-même. La foi comme démarche personnelle d'adhésion accomplit une démarche de conversion bien plus profonde que la conversion spirituelle qui est purement philosophique. La différence entre la démarche philosophique et le cheminement religieux n'empêche pas la religion d'avoir besoin de la philosophie pour formuler sa doctrine en termes conceptuels et inversement, la philosophie est mise en branle par les contenus religieux. « La philosophie ne pourrait se former l'idée du divin, concevoir un témoignage absolu de l'Absolu, analyser les composantes de la foi, si elle n'était pas d'abord instruite par la religion [...]. C'est seulement dans la religion que l'homme peut s'approprier les résultats philosophiques »40(*). HEGEL lui-même se sert à l'occasion aussi bien du langage religieux que du langage philosophique ; il suffit de le savoir pour concilier des formules qui semblent contradictoires. 

    De toutes les manières, ce n'est pas la philosophie qui domine la religion ; c'est cette dernière qui révèle mieux ce qu'elle fait et ce qu'elle doit continuer à faire. Ceci nous amène à conclure que c'est un rapport d'implication qui existe entre la philosophie et la religion. Ce n'est pas la religion qui s'intègre à la philosophie, mais la philosophie qui s'intègre à la religion.

    I.3. La philosophie de la religion

    I.3.1. Définition

    La philosophie de la religion est l'ensemble des réflexions philosophiques sur le donné religieux, lequel peut être pris de n'importe quelle religion historique. Mais au sens strict, elle se définit comme une critique rationnelle du donné religieux, souvent liée à la métaphysique41(*).

    Elle s'étend, de droit, à toutes les formes de religion et n'a pas à préférer une forme religieuse plutôt qu'une autre, car la philosophie n'assigne aucune limite à la curiosité de la raison. La philosophie de la religion est celle « qu'on retrouve chez des penseurs qui ont à l'égard de la religion l'attitude d'une réflexion à la fois compréhensible et critique sur sa nature comme donnée humaine et historique dont il s'agit d'apprécier le rôle et la signification dans le développement de l'esprit »42(*). ALAIN en avait conscience. Lui qui parle de l'immense sujet de la religion, précise : « La vraie pensée de la religion est en réalité de toutes nos minutes ; on ne pense guère qu'à cela. Et j'ai pris pour moi cette puissante vue de Hegel, que la philosophie n'est que la réflexion sur la religion, définition qui m'a paru excellente »43(*). Ce que la philosophie peut apporter à la religion, c'est rien moins que d'éclairer l'expérience religieuse sur elle-même en déterminant les actes qui conditionnent ce qu'elle affirme44(*). Pour réfléchir sur la religion, René LE SENNE pense que « le philosophe n'a pas à corriger l'expérience religieuse à sa guise, mais à la comprendre, c'est-à-dire à épouser les mouvements qui dérivent de l'esprit pour le servir. Si en un sens il lui est plus difficile de sympathiser avec la vie religieuse, parce qu'elle est de toutes les démarches celle qui se laisse le moins facilement réduire à la connaissance théorique, ceci ne diminue en rien son devoir de le faire »45(*).

    La devise de la philosophie de la religion serait alors l'intelligence en quête de la raison au moyen de la foi.

    I.3.2. La tâche de la philosophie de la religion

    La tâche assignée à la philosophie de la religion est, selon Henry DUMERY, triple :

    « critiquer, selon une méthode philosophique appropriée, l'objet religieux lui-même ; spécifier les différentes sciences religieuses, leur assigner à chacune une méthode, marquer notamment en quoi la critique philosophique de la religion diffère des autres genres de critique religieuse ; voir dans quelle mesure, in concreto, les diverses spécialités qui concernent la religion restent fidèles à leur statut logique ou y dérogent »46(*).

    Sommairement dit, la triple tâche de la philosophie de la religion revient à la critique philosophique directe, la méthodologie des sciences religieuses et l'appréciation des systèmes particuliers. Parmi ces tâches qui incombent à la philosophie de la religion, celle qui nous intéresse particulièrement, est la première, à savoir la critique philosophique du donné religieux selon une méthode appropriée. Ainsi comprise, « la philosophie de la religion ne prétend pas se substituer à la religion ou instituer une autre voie que celle de la religion. Sa tâche est d'élever la foi à la conscience de soi pour la préserver du dogmatisme et préserver dans sa pureté l'affirmation religieuse »47(*). Cette dernière correspondrait au sens des travaux entrepris par HEGEL sur la philosophie de la religion. Nous savons que, par rapport à la religion, la mission de la philosophie, pour lui, est d'élever le contenu de l'Absolu, présenté dans la religion sous forme de la pensée. En effet, la philosophie de la religion essaye de saisir le comportement de l'homme à l'égard de l'Absolu. Ce que Emilio BRITO commente donne à entendre dans ces propos :

    « Nous pouvons donner avec précision la définition hégélienne de la philosophie de la religion, et son incidence sur l'organisation des Leçons. Contraster la philosophie de la religion avec d'autres disciplines connexes nous permettra de discerner son intention positive. La philosophie de la religion n'est pas la théologie naturelle de style wolffien. Celle-ci oublie [...] que Dieu "est essentiellement dans sa communauté, qu'il a une communauté, est objectif pour soi, et ne l'est véritablement que dans la conscience de soi ", et elle se contente de contempler un Dieu abstrait : "la doctrine de Dieu, ses propriétés, etc." La philosophie de la religion, pour sa part, ne connaît d'autre Dieu que le Dieu Esprit, c'est-à-dire non seulement l'essence qui se maintient dans la pensée, mais celle qui apparaît et se donne l'objectivité »48(*).

    Etant donné que la tâche qui incombe à la philosophie de la religion est essentiellement épistémologique, quelle est la méthode adéquate qui permettrait au philosophe de porter un jugement critique sur le donné religieux ?

    I.3.3. La méthode de la philosophie de la religion

    Dans cette partie, nous tenterons de répondre aux questions suivantes : Quelle méthode adopter pour critiquer en philosophe la religion ? En quoi cette méthode restera- t- elle distincte des autres méthodes philosophiques ?

    La méthode de la philosophie de la religion doit permettre au philosophe de mener son enquête auprès de l'homme religieux et de décider de ce qui vaut ou ne vaut pas du point de vue de la raison dans le comportement et les affirmations de celui-ci. Nous estimons que la méthode d'analyse réflexive et critique -méthode dite de discrimination- est celle qui convient.

    Henry DUMERY, dans sa recherche d'une méthode à la philosophie de la religion, est arrivé à conclure que les méthodes d'explication, de confrontation, d'anticipation ne conviennent pas à la philosophie de la religion ; elles sont inopérantes et incomplètes. Le phénomène religieux ne se dissout pas dans ses données objectives comme le croit le naturalisme explicatif. Il ne se résout pas en éléments formels ou subjectifs, comme le croit le criticisme. Par contre, il ne s'agit pas de le considérer comme tout fait ; il faut trouver le moyen de préserver la spécificité du donné religieux et, soumettre ce dernier à l'examen critique. De ce fait, la phénoménologie nous paraît d'un appoint sérieux. Par l'épochè, elle réserve la question de la valeur surnaturelle de la religion. Par l'intentionnalité, elle échappe à tout subjectivisme, elle respecte la « région » du sacré. Par l'intuition des essences, elle procède à la découverte immédiate des significations du phénomène religieux. Enfin, par sa manière d'aborder les problèmes de constitution, elle permet de repérer les différentes couches de sens qui s'amalgament dans l'acte intentionnel. Pour ce quadruple service, elle est précieuse. Cependant, la phénoménologie a une lacune à combler : la carence métaphysique. Pourtant, « le spécialiste des religions n'est jamais métaphysiquement neutre ; secrètement il prend parti. Ses recherches, sa méthode, ses options restent commandées, même à son insu, par des présupposés philosophiques dont il est responsable »49(*). Pour combler cette carence métaphysique de la phénoménologie, nous allons la remanier en lui substituant une autre méthode spécifique à la philosophie de la religion.

    « Aux procédés de compréhension, il faut succéder les procédés de discrimination, qui sont non seulement descriptifs, mais judicatoires. Ils placent le critique en face de la religion comme devant un donné. Mais au lieu de se borner à dresser un inventaire même détaillé, la méthode de discrimination classe et hiérarchise d'après des critères normatifs. Elle sait que la conscience comporte plusieurs niveaux distincts et que toutes les structures sont à juger d'après ces niveaux [...]. Dès lors, chaque fois que toute activité humaine -art, science, religion- se trouve rapportée à cette hiérarchie des plans, à cette gamme de niveau critique, il devient possible de la différencier et de l'apprécier. C'est ce en quoi il y a discrimination normative, ou judication au sens philosophique du mot »50(*).

    En bref, nous ne saurons concevoir de philosophie de la religion sans la critique, encore moins sans détection compréhensive des niveaux de la conscience. Pareillement, le philosophe de la religion n'a pas à être d'abord l'inspecteur des travaux finis, mais l'initiateur, l'introducteur, celui qui, traditionnellement, agite la question préalable et place chacun devant ses responsabilités. Critique des autres, il le sera occasionnellement ; mais critique de soi, critique de sa recherche et de l'objet de sa recherche, il doit l'être essentiellement51(*).

    Finalement, il faut admettre que la philosophie de la religion qui sympathise avec l'expérience religieuse ne peut être une phénoménologie objectiviste du phénomène religieux. Elle a pour présupposé la disposition religieuse de l'âme, à savoir à la fois un sujet religieux et un acte sacralisateur. Mais, si elle s'inscrit plutôt dans une religion instituée, ce qu'elle ne peut manquer de faire plus ou moins, elle va s'appliquer à la lecture des textes sacralisés par cette religion - en raison de la tradition qui est la sienne - et elle deviendra herméneutique spirituelle52(*).

    CHAPITRE II

    LA CONCEPTION HEGELIENNE DE LA RELIGION

    « Selon Hegel, la religion exprime, sous la forme de représentation, la même vérité que la philosophie : à savoir que chaque homme est raison et liberté. Le christianisme, mieux que n'importe quelle autre religion, a appris aux humains cette doctrine fondamentale ».

    Raymond VANCOURT, La pensée religieuse de Hegel, Paris, P.U.F., 1965,

    p. 129.

    Dans ce deuxième chapitre, nous abordons, à proprement dit, la pensée de HEGEL sur la religion. Avant tout, définissons la religion et son fondement. Au chapitre premier, nous avons vu que pour notre auteur, la philosophie et la religion expriment toutes deux l'Absolu. A présent, il sera question de savoir sous quelle forme s'exprime chacune d'elles. Ensuite, nous étudierons la hiérarchie établie entre les religions. Enfin, nous scruterons le sens de l'entreprise hégélienne en ressortissant les objectifs de son travail sur la religion.

    II.1. Le concept de religion

    II.1.1. Définition

    Dans son ouvrage Leçons sur la philosophie de la religion, HEGEL définit la religion comme la prise de conscience que l'homme effectue de Dieu et de lui-même ; l'élévation de l'homme vers Dieu, la conscience consciente de Dieu, l'esprit qui se réalise dans la conscience53(*). « La religion, en sa notion, est le rapport du sujet, la conscience subjective à Dieu qui est esprit ; ou si l'on comprend la notion au point de vue spéculatif, elle est l'esprit, conscient de son essence, de lui-même »54(*), affirme-t-il. L'objet et le sujet de la religion sont inséparables, mais leur union n'est pas totalement parfaite : expérience de peur face au Dieu totalement autre.

    Cette identité de l'individu avec son essence n'est pas abstraite ; c'est plutôt le passage de l'individu, c'est-à-dire de l'existence naturelle à une conscience pure, spirituelle.

    Dans la prise de conscience par le sujet de sa propre essence, de l'essence divine ou absolue, se réalise la véritable éducation du genre humain. Elle s'effectue en plusieurs étapes qui constituent une triple forme : le sentiment, l'intuition et la représentation. Au dessus de cette dernière, il y a la pensée spéculative qui est propre au philosophe55(*).

    Chaque peuple, chaque religion, à sa manière, se représente l'essence du monde, la substance de la nature et de l'esprit et le rapport qu'elle entretient avec cet objet. HEGEL l'exprime ainsi : « Dans les religions, les hommes ont exprimé la conscience qu'ils ont de l'objet suprême ; elles sont l'oeuvre suprême de la raison et il est absurde de faire croire que les prêtres ont inventé la religion pour tromper les peuples, comme si on pouvait en faire accroire à l'homme quand il s'agit de l'être suprême »56(*).

    La religion est pour tous les hommes ; elle n'est pas, comme la philosophie, réservée à certains hommes. Elle est la manière dont les hommes deviennent conscients de la vérité et on y parvient notamment par le sentiment, la représentation et la pensée raisonnable.

    II.1.2. Le fondement universel des religions

    Si HEGEL définit la religion comme la prise de conscience par l'esprit de sa propre essence, ce qui constitue le fondement des religions chez lui, c'est l'élévation spontanée de l'homme vers Dieu et cette élévation s'enracine dans ce qui distingue l'homme de l'animal, c'est-à-dire la pensée. HEGEL lui-même l'affirme :

    « L'on peut dire que nous, qui sommes différents de la nature extérieure, devons observer notre élévation religieuse au-dessus de nous-mêmes en dehors de notre rapport fini d'après lequel nous sommes tout autre chose. Dans la plénitude religieuse, nous sommes plus séparés, nous devons former pour nous-mêmes le contenu, Dieu. L'observation serait connaître, appréhender ; mais ce mode d'élévation est exclu de l'attitude religieuse empirique puisque nous ne prenons qu'immédiatement cette position du recueillement, de l'attitude qui est sans rapport et que nous devons renoncer à tout raisonnement et ne rien connaître de Dieu. Notre position pourrait donc être l'élévation religieuse »57(*).

    Nous pouvons facilement comprendre la structure et le rôle de cette saisie immédiate ou révélation intérieure de Dieu dans l'esprit de l'homme dont HEGEL dit qu'elle est le « fondement universel des religions ». Il s'agit d'un mouvement de la pensée, d'une sorte de raisonnement implicite dans lequel notre auteur réintègre tout ce que l'élévation de l'individu à Dieu renferme : l'intuition, le sentiment et l'imagination.

    En considérant l'élévation religieuse comme un processus nécessaire et universel de la raison, HEGEL prenait ses distances par rapport à l'immédiateté subjective de la conscience religieuse telles que la concevaient JACOBI et SCHLEIRMARCHER. En même temps, il laissait entrevoir le rôle qu'il faut attribuer à cette ascension naturelle de l'homme vers l'Absolu. C'est ainsi que Raymond VANCOURT commente cette considération en relevant l'importance que HEGEL lui accorde puisqu'elle est, selon lui, indispensable pour toutes les religions :

    « L'élévation spontanée à Dieu apparaît à Hegel comme la condition logique transcendantale, sans laquelle les religions seraient impossibles, parce que ne signifiant rien pour nous [...]. Mais il souligne aussi, avec autant d'insistance, que la dite élévation n'en demeure pas moins le fondement dont aucune religion ne peut se passer, car elle demeure un élément essentiel inhérent à la structure même de la pensée religieuse »58(*).

    Remarquons que l'analyse du fondement des religions chez HEGEL nous laisse dans le doute. On pourrait se poser une question : d'où vient la pluralité des religions puisque l'élévation religieuse est universelle de par sa rationalité ? La réponse que HEGEL donne à cette question n'est pas moins pertinente. Il justifie la pluralité des religions par le fait que les religions ne sont point nées accidentellement. Leur ordre de succession dans l'histoire n'est pas non plus quelque chose qui s'est réalisé au hasard. La succession s'est accomplie suivant un ordre rationnel hiérarchisé qui pouvait être autrement et qu'il est possible de découvrir. En dépit des apparences dont on peut se passer, HEGEL reconnaît qu'une raison divine a présidé à l'éclosion des religions suivant un plan nécessaire. Cette analogie le prouve bien :

    « On peut assimiler la religion au point de départ, à un germe qui doit se développer ; elle contient en soi, d'une manière virtuelle, tous les degrés de la future croissance et chacun de ces degrés, au moment où l'esprit y accède, se traduit en un type de religion déterminé. En d'autres termes, les différentes formes de religion sont des moments de la religion en général ; à travers elles, la religion apparaît dans le temps »59(*).

    Par cette lecture des faits sur le sens de la pluralité des religions, notre auteur s'écarte une fois de plus du point de vue de SCHLEIRMACHER. En effet, pour ce dernier, la pluralité des religions est fondée dans l'essence même de la religion ; il y a en elle un principe qui la pousse à s'individualiser, car sans cela, elle ne pourrait ni être, ni être perçue.

    HEGEL s'oppose plus nettement à VOLTAIRE pour qui la pluralité des religions provient des dégradations que l'humanité, sous l'influence des passions, des intérêts, aurait fait subir à une religion naturelle primitive présentée comme étant l'empreinte de perfection idéale. HEGEL ne partage pas cet avis. Il accepte, certes, de parler de religion naturelle, mais il emploie l'expression dans un sens qui s'écarte de la pensée de VOLTAIRE. II rejoint la pensée de David HUME qui faisait remarquer qu'il est impossible d'établir, par l'étude du passé, l'existence d'une religion répondant à l'idéal de VOLTAIRE. L'homme a dû commencer sa vie spirituelle, comme sa vie matérielle, sous les formes marquées de simplicité. HEGEL reprend la même chose, mais dans un contexte un peu différent de celui de David HUME. Il souligne la valeur positive de la religion primitive et de manière générale de toutes celles qu'a connues l'humanité60(*).

    Nous pouvons retenir que, chez notre auteur, la religion se fonde sur l'élévation naturelle de l'homme vers Dieu et que la pluralité des religions s'explique par un ordre rationnel selon lequel les religions se succèdent. Quel serait alors le degré de rationalité religieuse par rapport à la philosophie ?

    II.1.3. Représentation religieuse et concept philosophique

    Dans sa conception du rapport entre la philosophie et la religion, HEGEL établit une différence entre les deux notions basées sur leurs formes d'expression : l'une est représentationnelle alors que l'autre est conceptuelle.

    Certes, la philosophie et la religion expriment toutes deux l'Absolu, mais elles diffèrent par leur forme d'approche de l'objet absolu qu'est Dieu. La conscience subjective est une conscience qui représente alors que la philosophie est une conscience qui saisit. Il le souligne souvent dans ses ouvrages : « Le contenu de la religion et celui de la philosophie ne peuvent différer ; car il n'existe pas deux consciences de soi de l'Esprit absolu, pouvant avoir un contenu divers et opposé ; il n'y a donc que de différence formelle »61(*). C'est sur cette distinction formelle que se fonde donc la différence entre la philosophie et la religion.

    La forme représentationnelle et la forme conceptuelle sont deux degrés différents de l'opération de l'esprit humain. Distinguons-les d'abord. La première est seconde et limitée alors que la deuxième est parfaite. La représentation apparaît sous forme d'image et cette dernière nous permet de former le concept. L'image présentée à l'intelligence saisit l'essentiel de l'objet qui est le concept. C'est dans la même perspective que notre auteur réalise que « la religion est destinée à la conscience générale de l'esprit et ainsi dans cette conscience l'esprit est tout d'abord l'objet de la conscience sensible, représentative ; c'est dans la philosophie seulement qu'il se trouve comme notion [ou concept], elle se meut sous la forme de la pensée »62(*).

    HEGEL donne une structure tripartite à chacun des moments de la saisie de l'objet absolu et l'organise selon le même rythme : le concept, la représentation et le culte. Il ne s'agit pas d'une organisation arbitraire, mais l'articulation du concept même de la religion ; concept reçu des données de la représentation que sont l'intuition, le sentiment et l'imagination63(*). Jean-Louis VIEILLARD-BARON commente éloquemment cette structure :

    « La religion est l'Esprit sous la forme de la représentation, cette forme est plus adéquate que la forme artistique dans la mesure où la représentation est moins immédiate que le sensible ; mais elle est moins adéquate que la forme de la philosophie, à savoir le concept, seule forme parfaitement adéquate du divin ou à l'absolu, c'est-à-dire la forme où l'Esprit absolu soit parfaitement conscient de lui-même »64(*).

    La religion s'adresse à tous et ne vise pas une démarche intellectuelle difficile. Elle désigne le contenu intellectuel sous forme d'image et de sentiment parce que « le contenu essentiel de la représentation est mis sous forme de la pensée, mais il n'est pas pour cela posé comme pensée. La représentation se comporte négativement à l'égard du sensible et de l'image, sans se libérer absolument du sensible, en le transportant dans l'idéalité parfaite »65(*). HEGEL critique ici le point de vue de la conscience religieuse à la dévotion ou la religiosité naïve. La séparation entre sentiment religieux et conscience connaissante est cependant considérée par HEGEL comme possible. La représentation est une forme inadéquate de l'Esprit absolu que la philosophie devra élever à la forme parfaite ou conceptuelle. Elle lui permet à la fois de saisir authentiquement l'absolu et de comprendre la religion elle-même.

    HEGEL a voulu à la fois rapprocher et distinguer la religion et la philosophie. Cette différence n'apparaît que dans la religion absolue, là où la religion s'achève dans sa détermination concrète du contenu divin66(*). Nous allons passer en revue les principaux types de religion et voir comment la religion a cheminé pour arriver à sa forme achevée.

    II.2. La hiérarchie entre les religions

    Jusqu'ici, nous n'avons parlé que de la religion en général. Pourtant, il n'existe que des religions particulières, ayant chacune ses caractéristiques propres. Face à cette pluralité et cette diversité des religions, on peut se poser un certain nombre de questions. Les religions ont-elles des rapports les unes avec les autres ? Y a-t-il une religion supérieure qui domine les autres et appelée à les supplanter ? Si oui, selon quel critère doit-on les hiérarchiser ? HEGEL examine ces problèmes et explique comment la religion s'est développée au cours du temps à partir de la forme la moins parfaite jusqu'à la plus parfaite. Cette succession des religions forme ainsi une hiérarchie au sommet de laquelle se trouve la religion qui tient Dieu pour Absolu, qui détermine le concept même de la religion.

    II.2.1. La religion naturelle

    La religion naturelle, ou plus exactement la « religion de la nature », selon l'expression employée par HEGEL, est la première forme dans la succession des religions. Elle existe depuis les temps anciens et se retrouve en de nombreux lieux, partout sur la planète. Le sens que notre auteur lui donne est différent de celui des autres philosophes du XVIIIe siècle tels qu'Emmanuel KANT ou VOLTAIRE dont nous avons déjà exposé les points de vue.

    Dans ce type de religion, l'être religieux, en quête de l'Absolu, n'ayant pas encore pris conscience de ce qui l'oppose à la nature, continue à s'identifier à elle. Première étape de l'évolution spirituelle, elle constitue la religion la moins parfaite et il serait insensé de considérer les étapes ultérieures comme de simples déformations de cette religion initiale, soi-disant toute pure comme le prétendait VOLTAIRE67(*).

    On pourrait rapprocher la conception hégélienne de la religion naturelle de celle de l'animisme d'Edward Brunett TYLOR. En effet, dans de nombreuses cultures, l'âme ne se rattache pas uniquement à l'être humain mais également à une diversité d'éléments naturels. Elle est en outre supposée posséder des pouvoirs importants ayant une influence directe sur la vie quotidienne des hommes. Les croyances rattachées à cette conception de l'âme sont les croyances animistes. Elles vont souvent de pair avec un grand respect de la nature, car au sein de l'animisme, toutes les formes de vie mais aussi les lieux (rivières, sources, monts...) et les phénomènes atmosphériques sont supposés être habités par une âme et donc dotés de pouvoirs variés.

    La manière dont l'animisme s'exprime varie selon les territoires ; chaque peuple ayant ses propres croyances. Selon les lieux, l'âme ne réside pas dans les mêmes sortes de personnes ou d'objets et la croyance dans les âmes ou les esprits peut s'accompagner d'autres croyances, comme la vénération d'un Être suprême. Néanmoins, le culte des ancêtres demeure un point commun, essentiel à un grand nombre de ces variantes de l'animisme. Pour s'attirer les faveurs ou calmer la colère des esprits des défunts qui sont particulièrement craints, on pratique un certain nombre de rites, de sacrifices, d'incantations ou d'offrandes. Les croyants tentent également d'entrer en contact avec les âmes des morts afin d'obtenir toutes sortes de bénéfices (guérison, pluie, fertilité...) mais aussi des conseils ou des présages. Le dialogue avec les esprits des ancêtres s'établit par l'intermédiaire d'un sorcier ou d'un chaman qui saisit -le plus souvent par la divination ou la transe- les messages envoyés depuis ce monde parallèle qui, pour les croyants, a la même matérialité que le monde terrestre. La pratique de l'animisme met souvent en oeuvre des objets auxquels est conférée une dimension sacrée tels les totems, les fétiches ou les amulettes68(*).

    Pour illustrer la conception hégélienne de la religion naturelle, Raymond VANCOURT prend l'exemple de l'hindouisme. En effet, les Hindous confondent l'Absolu avec les éléments dont sont faits l'univers et l'âme humaine. Ils admettent qu'on peut s'approcher de lui par des voies diverses, d'égale valeur.

    « L'hindouisme a conçu ainsi le rapport qui nous unit à Dieu parce qu'il ne s'est pas élevé à une prise de conscience suffisante et subjectivité personnelle, libre. Certes, tout en présentant Dieu comme indéterminé de l'univers, le Brahmanisme professe également des doctrines théistes et polythéistes ; mais les divinités qu'il admet, ne sont, si on en croit encore Hegel, que des « personnifications » de l'Absolu, inférieures à Lui, produits de l'imagination plus que de la pensée, substance indéterminée devant laquelle l'homme doit s'annihiler »69(*).

    Parlant également des religions traditionnelles africaines, HEGEL montre à quoi se réduit la conscience religieuse chez les peuples africains. Il affirme que

    « L'Africain se rend compte qu'elles [les forces naturelles] le dominent, mais pour lui ce sont des forces dont l'homme peut, d'une manière ou d'une autre, se rendre maître. Il domine ces puissances naturelles. Il ne faut pas penser ici à une adoration de Dieu ni à la reconnaissance d'un esprit universel opposé à celui de l'individu. L'homme ne connaît que lui-même, et lui-même comme opposé à la nature : c'est à cela que se réduit la rationalité chez ces peuples. Ils reconnaissent la force de la nature et cherchent à la dominer. C'est ainsi qu'ils croient que l'homme ne meurt jamais naturellement, mais que c'est la volonté d'un ennemi qui le tue par un pouvoir magique ; pour empêcher cela, comme contre toute force naturelle, ils se servent à leur tour de la magie »70(*).

    En général, si HEGEL refuse d'admettre que la religion naturelle est le fondement de toutes les religions, c'est parce que cette dernière n'arrive pas à établir la distinction entre l'homme et la nature, entre ce qui distingue l'homme de l'animal, c'est-à-dire la rationalité.

    La religion traditionnelle -terme utilisé pour designer l'animisme ou la religion naturelle- constitue encore de nos jours une forme de croyance très répandue à la surface du globe, en particulier en Océanie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, en Birmanie, en Chine, sur le continent africain, mais aussi chez de nombreux peuples originaires d'Amérique du Nord et du Sud.

    II.2.2. La religion déterminée

    Deuxième forme de religion d'après la hiérarchie hégélienne, la religion déterminée est l'étape où le processus de l'esprit n'est pas encore parfait ; sa conscience de lui-même n'est pas encore véritable, il ne s'est pas encore manifesté à lui-même71(*).

    Nous aurons à considérer dans cette partie les religions déterminées qui sont incomplètes parce qu'elles ne sont qu'un degré dans le processus de la conscience de l'essence absolue de l'esprit religieux ; mais c'est la nature même de l'esprit de poursuivre cet itinéraire. Les religions déterminées, n'ayant pas encore parcouru toutes les étapes, sont encore inachevées.

    Emilio BRITO relève quelques caractéristiques de la forme de religion déterminée :

    « Le second moment est la religion dans la détermination de l'essence. L'expérience religieuse de l'humanité se déprend de l'identité immédiate entre l'être et l'essence. La différence fait irruption ; la conscience de soi se retire en soi contre son objet. L'immédiat est expérimenté comme essentiel, l'être fini comme idéal. Ici on commence l'élévation du spirituel sur le naturel, l'être pour soi spirituel du sujet. La naturalité est rabaissée à l'apparence. L'Esprit est libre ; le naturel et fini n'est que serviteur. Cette libre subjectivité a une double détermination qui correspond historiquement aux religions juives et grecque »72(*).

    Justement, passons en revue les deux cas de religion déterminée évoqués ci-dessus.

    Dans la religion grecque -encore appelée religion d'un peuple ou religion de l'individualité spirituelle- la communion de l'homme avec la divinité revient à la communion avec soi-même, mais avec un soi figé en sa finitude.

    « Ce qui nous séduit en cette religion, écrit Hegel, ce qui la distingue des autres, c'est qu'elle est une religion de l'humanité. L'homme y voit ses droits reconnus... y est représenté suivant ses besoins, ses passions, ses habitudes, ses particularités politiques et morales. Aussi cette religion ne contient-elle rien d'intelligible, d'insaisissable ; les dieux n'ont point d'attribut que l'homme en connaisse et ne trouve en lui-même »73(*).

    De plus, par le fait de ne rencontrer dans la cité que lui-même, l'homme grec obéit à des lois qu'il a faites ou acceptées et n'est pas soumis à un Etre transcendant, dont la liberté, à en croire HEGEL, limiterait la sienne. Pour ces raisons, la religion grecque apparaît à notre auteur comme la religion de la liberté.

    Pour le cas du judaïsme, nous pouvons dire qu'il apparaît, à certains égards, comme la religion d'un peuple. Même si Yahvé s'affirme le Seigneur de tous les hommes, il n'en demeure pas moins le Dieu d'Israël puisqu'il entretient un rapport particulier et exclusif avec le peuple hébreu. Cet Etre transcendant n'a toutefois rien de l'Absolu indéterminé des Hindous. Il ne s'identifie ni avec une nation, ni avec la nature, ni avec l'humanité. Cependant, il demeure l'Autre, situé à une distance infranchissable et ne peut être appréhendé que par une expérience totale par opposition. La crainte servile des hommes devant le Tout-puissant constitue l'idéal religieux du judaïsme ; elle se manifeste par le respect scrupuleux des observances contenues dans la Torah74(*).

    Vu les caractéristiques propres aux religions déterminées, nous constatons que l'Islam se rapproche davantage de la religion juive. Ces quelques traits communs reflètent l'image d'un Dieu transcendant qui demeure inaccessible à notre intelligence ; les prophètes, agents transmetteurs du message divin et l'observance scrupuleuse de la loi divine. Nous pouvons ainsi dire que la religion musulmane est une religion de type déterminé.

    En somme, la religion déterminée, notamment le judaïsme a préparé l'humain à recevoir une forme nouvelle de religion.

    II.2.3. La religion accomplie

    A mesure que l'on parcourt les diverses formes de religion, la religion finit par trouver sa forme la plus parfaite dans la religion dite accomplie dont la seule et véritable est le christianisme. En elle se révèle le concept de religion, ce qu'est l'Esprit, ce qu'est Dieu car, en elle, Dieu est devenu complètement manifeste, sans secret résiduel75(*).

    HEGEL, lui-même, soutient que

    « la religion achevée est celle où la notion de religion est retrouvée en elle-même, où l'Idée absolue, Dieu en tant qu'esprit est, suivant sa vérité et sa manifestation, objet de la conscience. Les religions anciennes dans lesquelles la détermination concrète de la notion est moindre, plus abstraite, défectueuse sont des religions déterminées qui constituent les degrés par où passe la notion de la religion pour que celle-ci parvienne à sa perfection. Cette religion révélée est la religion chrétienne »76(*).

    Il suit de là que la religion chrétienne est la seule qui possède le contenu absolu à la manière religieuse, c'est-à-dire sous forme de représentation qu'il faut prendre soin de distinguer avec la pensée philosophique qui, pour elle, cherche à comprendre.

    Dans le christianisme, la personne centrale c'est le Christ, ce dernier n'est ni un prophète, ni un simple transmetteur du message divin. Il fait partie du contenu de la révélation et en constitue même l'objet principal. Le Christ s'affirme en effet comme le Fils de Dieu ; il parle aussi de l'Esprit de vérité qu'il enverra à ses Apôtres, dévoilant ainsi qu'il y a en Dieu trinité de personnes et levant par là même un pan de voile qui cache le mystère de l'Absolu77(*). Avec le christianisme, HEGEL constate que la transcendance divine s'amoindrit considérablement, car en elle Dieu s'est révélé entièrement et n'a plus rien de mystérieux.

    Malgré la déchéance originelle, nous sommes tous appelés à participer à la vie divine. Bien que la vision béatifique permet de voir Dieu face à face et de contempler son essence, il n'y a cependant pas de confusion entre Dieu et nous.

    Pour permettre à l'homme d'atteindre sa destinée, l'Eglise propose un ensemble de vérités et de dogmes auxquels le croyant doit adhèrer. Mais HEGEL veut distinguer ce qu'il appelle sentiment ou subjectivité des faits historiques ; par exemple, la mort et la résurrection du Christ qui ont une signification très importante pour le chrétien et qui n'ont rien à voir avec le ritualisme persistant. HEGEL réagit par là contre le catholicisme en proférant de très vives critiques à son encontre78(*). Il reconnaît que la Réforme luthérienne a été d'une importance capitale.

    HEGEL conçoit que le christianisme est la religion la plus intime et la plus rationnelle dans laquelle s'accomplit le développement spirituel de l'humanité. De même, il trouve que seul le luthérianisme est digne de ce type de religion.

    En résumé, nous disons que le passage de la religion naturelle à la religion déterminée aboutit enfin à la religion accomplie, celle qui exprime, sous forme de représentation, le même contenu absolu que la philosophie. HEGEL montre aussi que seul le christianisme reconnaît que l'homme est libre et doué de raison.

    II.3. Le sens de l'entreprise hégélienne

    Nous avons défini l'homme comme un animal raisonnable en quête de l'Absolu et que chez HEGEL la religion a pour fondement universel la rationalité. Tout être religieux doit ainsi se poser la question de savoir quelle est la raison de sa foi et être capable de rendre rationnellement compte de tout acte qu'il pose.

    II.3.1. Les rapports entre raison et foi

    Comme n'importe quel philosophe traitant de la religion, HEGEL se préoccupe en premier lieu des rapports entre la raison et la foi qui sont en d'autres termes les rapports entre la philosophie et la religion.

    Pour HEGEL, nous l'avons déjà vu au premier chapitre de ce travail, la vérité est une. Sa position par rapport à la théorie averroïste de la double vérité, à savoir qu'une proposition peut être vraie au point de vue religieux et fausse, voire absurde au plan philosophique, est évidente. Il ne peut que la rejeter. Cette théorie, explique-t-il, semble subordonner la raison à la foi79(*).

    Dans sa façon de concevoir les rapports entre la raison et la foi, HEGEL écarte également la thèse de ceux qui voudraient tenir la philosophie et la religion dans une sorte d'indifférence réciproque. D'après le commentaire de Raymond VANCOURT, HEGEL n'est pas d'accord avec toute

    « attitude du croyant qui serait en même temps philosophe, mais ne tenterait en aucune manière de concilier dans sa conscience la foi et la raison, chacune allant son chemin sans se préoccuper de l'autre. Cette situation est pour Hegel, impossible ; philosophie et religion ayant le même objet, l'esprit ne peut s'accommoder d'un simple divorce entre elles ; ou il sacrifiera l'une des parties, ou il les réconciliera  »80(*).

    Dans cette logique, la philosophie et la religion ne se contredisent pas et sont compatibles puisque la raison et la foi n'expriment qu'une seule et même vérité.

    HEGEL rejette aussi la position thomiste sur les rapports entre la raison et la foi. Selon le thomisme, dit-il, il existe une distinction entre vérités naturelles accessibles à la raison et d'autres qui la dépassent et proviennent d'une source supérieure, les vérités surnaturelles. Il assimile curieusement cette conception thomiste à la position averroïste et affirme que l'expression « double vérité » pourrait aussi s'appliquer à ce cas81(*). Pour comprendre cette position hégélienne vis-à-vis du thomisme, on doit se rappeler que pour HEGEL, « la raison ne peut tolérer rien d'autre à côté d'elle et encore moins au dessus d'elle »82(*). Son interprétation s'oriente toujours à satisfaire la raison et donc la philosophie, car

    « la philosophie est capable de situer la religion dans l'activité générale de l'esprit ; de montrer qu'elle est nécessaire pour que le vrai soit accessible à tous les hommes. Mais inversement, la religion n'est pas capable de, selon Hegel, ni de se penser elle-même, ni de penser la philosophie, encore moins la diriger. Il n'y a donc pas à chercher la place de la philosophie à l'intérieur du domaine de la religion, mais plutôt de la religion à l'intérieur de la philosophie. Plus exactement, à l'intérieur de la religion, il y a déjà la vérité philosophique puisque la vérité est une »83(*).

    En somme, nous pouvons remarquer que chez notre auteur, en dépit de la compatibilité entre la raison et la foi, la pensée doit parvenir à une élaboration rationnelle libre, créatrice d'elle-même et capable de se réaliser sans se référer toujours à une norme quelconque. En effet, les preuves de l'existence de Dieu nous paraissent comme un lieu privilégié pour établir les droits de la raison et de la foi dans le problème de Dieu.  

    II.3.2. Le sens des preuves de l'existence de Dieu

    Chaque religion, chaque croyant a sa manière propre de parler de Dieu. Comme personne ne l'a jamais vu, nous sommes obligés d'emprunter des mots, des images, des représentations.

    A partir du moment où les hommes ont commencé à se poser des questions sur l'existence de Dieu, plusieurs philosophes ont essayé d'y répondre par une démonstration. Même aux athées les plus sceptiques, il fallait prouver, au moyen de la raison, que Dieu existait.

    HEGEL s'inscrit dans cette tradition. Puisque tous les hommes sont doués de raison, et que celle-ci est le fondement de la religion -religion absolue-, alors, prouver l'existence de Dieu ne poserait plus de problème.

    Cependant, peut-on démontrer l'existence de Dieu par la raison ? Cette remarque de Jean-Marie PLOUX nous parait assez pertinente :

    « Quoi qu'il en soit, aucune démonstration n'a jamais convaincu personne. D'ailleurs, si l'on pouvait prouver l'existence de Dieu par la raison, il n'y aurait que des imbéciles pour ne pas croire. Or parmi les athées, il y a des scientifiques, des artistes, des philosophes et bien d'autres hommes tout à fait intelligents ! Et puis, en supposant que l'on puisse arriver à Dieu par le raisonnement [...] ce serait un Dieu qui s'imposerait à l'homme par la force de la raison »84(*).

    Pourtant, en concevant comme fondement de l'expérience religieuse une sorte de pensée pré-réflexive, spontanée et implicite, qui traduit une sorte de fusion avec l'Absolu, HEGEL a voulu montrer la portée et la signification de la preuve de l'existence de Dieu85(*). Elle est une prise de conscience réflexive de notre rapport à Dieu. En l'esprit se produit l'union du fini et de l'infini, qui nous fait accéder à l'esprit absolu, car l'unité de la nature divine et de la nature humaine constitue précisément l'esprit absolu86(*). Lorsque la référence de l'être fini à l'être infini s'actualise, elle prend la forme de la preuve.

    « Prouver consiste uniquement, écrit Hegel, à prendre conscience du mouvement propre de l'objet lui-même. Si appliquée à d'autres objets, cette pensée se heurte à des difficultés, ce n'est pas le cas pour le nôtre - l'élévation de l'esprit à Dieu - qui n'est pas un objet en repos, mais au contraire un mouvement subjectif, une activité, une évolution, un processus, qui renferme en lui-même la marche nécessaire, qui caractérise la démonstration, et n'a qu'à être réfléchi pour se transformer en démonstration »87(*).

    Dans cette perspective, l'argument ontologique est la preuve par excellence, aux yeux de HEGEL comme chez plusieurs philosophes, celui dans lequel les autres88(*) s'intègrent et trouvent leur unité. C'est pourquoi il constitue, selon la remarque de Raymond VANCOURT, le point culminant de la pensée hégélienne à partir duquel on entrevoit ce qu'est, pour HEGEL, l'Absolu89(*).

    Pour comprendre mieux la signification de la preuve ontologique chez notre auteur, il serait important pour nous de la replacer dans son contexte historique. Voici la manière dont Saint ANSELME de Cantorbéry, inventeur de cet argument, l'a formulée : la représentation de Dieu exige qu'il soit parfait. Si nous ne retenons de Dieu que sa représentation, ce qui est ainsi représenté n'est pas la plus haute perfection ; car le parfait n'est pas seulement ce qui est représenté, mais qui existe véritablement. Ainsi, Dieu qui est parfait n'est pas une simple représentation, mais il doit posséder aussi la réalité90(*). Pour Saint ANSELME, nier l'existence de Dieu serait antinomique en soi puisqu'il est possible de concevoir l'être parfait, et par là même fournir la preuve indubitable de l'existence de Dieu. Cet argument ne sera pas admis par Emmanuel KANT.

    Emmanuel KANT est celui qui a qualifié d'ontologique cet argument, désignant par là une « preuve par concepts ». Il réfute cet argument en critiquant Saint ANSELME. Il sépare l'existence du concept et voit dans cette manière de tirer l'existence de Dieu du concept de perfection une pure production de la subjectivité : tout ce que l'homme pense n'est pas réel par le seul fait qu'il le pense. Du point de vue de l'essence, cent thalers possibles, pour reprendre l'exemple que KANT emprunte à BERING, sont les mêmes que les cent thalers réels. On peut donner parfaitement raison à KANT, tant qu'il s'agit, dans l'argument ontologique ainsi interprété, d'une tentative de déduire la réalité d'un objet de son concept. Mais la question est de savoir si cette manière courante d'interpréter l'argument ontologique est juste ou valable. Ne suppose-t-elle pas une scission radicale entre la pensée et l'être ou entre le concept et la réalité de son objet ? C'est ici qu'intervient la position de HEGEL91(*).

    Ainsi, pour notre auteur, Emmanuel KANT a méconnu la nature de la pensée qu'il croit radicalement différente de l'être.

    « Certes, dans les êtres finis, l'existence ne correspond jamais pleinement au concept ; mais, même à ce niveau, l'opposition n'est pas absolue : le concept sans existence est unilatéral, l'existence sans concept est inconcevable. En tout cas, en Dieu, cette hétérogénéité disparaît : Il est la Totalité qui ne peut être pensée que comme réelle et dont la notion même renferme l'existence »92(*).

    HEGEL réhabilite l'argument ontologique qui, pour lui, repose sur le fait que la notion d'existence est l'existence effective dans le concept, et non pas l'existence comme réalité extérieure ; ce qui l'amène à considérer comme ridicule la réfutation kantienne de cet argument à partir de l'exemple de cent thalers.

    Dieu apparaît enfin chez HEGEL comme « absolue totalité, immanente essence de tout » qui, à travers la religion, régit toute société à travers ses institutions.

    II.3.3. Religion, philosophie et Etat

    Très souvent, nous entendons dire que la religion s'occupe du spirituel, aide l'homme à atteindre la transcendance, l'au-delà. L'Etat, quant à lui, vise à satisfaire les besoins temporels de ses citoyens. A première vue, on ne perçoit aucun rapport entre ces deux entités. Mais, à bien y regarder, le spirituel et le temporel sont étroitement liés. En quel sens ?

    HEGEL répond en soutenant que la religion, la philosophie et l'Etat sont fondés sur les mêmes vérités fondamentales. Il affirme : « L'Etat a le même principe que la religion ; la religion ne vient pas de l'extérieur pour régler le mécanisme intérieur de l'Etat, la conduite des individus et leurs rapports avec lui. Bien au contraire, la religion est la première intériorité : celle qui se détermine et agit en eux »93(*).

    La religion et la philosophie attribuent à l'homme la raison et la liberté. Ces deux attributs humains demeurent encore sur le plan théorique ; ils ne se traduisent pas encore dans la réalité, dans l'organisation de la vie en société. C'est précisément l'Etat qui incarne dans notre existence la raison et la liberté, qui crée un monde où les rapports entre les humains, régis par la raison, permettront le développement moral de la liberté94(*). HEGEL lui-même dira que « la pensée comme lois [...] n'est pas un mécanisme mais la vie raisonnable de la liberté consciente de soi, le système du monde moral. Par la suite, la disposition morale et la conscience qu'on en prend des principes sont un moment essentiel de l'Etat réel »95(*). L'Etat nous apparaît donc comme celui qui veut être rationnel et jouer le rôle de réalisateur de la liberté des citoyens, et seule la religion chrétienne est capable de faire de la liberté, l'essence de l'Etat. Le commentaire d'Eric WEIL, dans l'une de ses conférences dans Hegel et l'Etat, le prouve : « Puisque le christianisme est fait de liberté et de vérité, un Etat qui ne serait pas chrétien dans ses fondements ne serait pas Etat de liberté »96(*). Un tel Etat, avant le christianisme, n'était pas possible. C'est à juste titre si Marcel GAUCHET pense que le christianisme est bien « la religion de la sortie de la religion » selon une logique conduisant à l'autonomie et à l'individualisme des démocraties modernes97(*). Cette autonomie de la raison a été mise en exergue par la Réforme et non là où le christianisme se conserve lui-même en sa pureté, favorisant la primauté du spirituel en vertu d'un pouvoir de médiation transcendant tout ordre temporel. Heureusement, la philosophie a réagi en faisant comprendre que la raison et la liberté doivent être le fondement de tout Etat rationnel98(*). Ce raisonnement va dans le sens des critiques que HEGEL a formulées contre le catholicisme.

    Pour conclure, nous disons que la conception hégélienne des rapports entre la religion, la philosophie et l'Etat se résume dans cette belle phrase : « La première [la religion] exprime, à l'aide d'images, de sentiments, de représentations, la dignité infinie de l'homme, raison et liberté, dignité que le philosophe traduit en termes de pensée pure, et que l'Etat essaie de faire respecter dans l'organisation sociale »99(*). Il est en effet important pour chaque pays, d'une part, de distinguer nettement le spirituel du temporel, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse à ses citoyens que la responsabilité de l'Etat envers eux, et d'autre part, de prendre conscience de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et sa contribution à la création d'un consensus éthique fondamental dans la société.  

    CHAPITRE III

    APPRECIATION DE LA PENSEE HEGELIENNE ET QUESTIONS RELIGIEUSES EN AFRIQUE NOIRE

    « Peut-être la prétention de l'Afrique à être "incurablement religieuse" devra-t-elle être démystifiée : nos sociétés ne sont plus à l'abri de la sécularisation, de l'athéisme ou de l'indifférence religieuse ».

    Jean-Marc ELA, Ma foi d'Africain, Paris, Karthala, 1985, p. 207.

    Puisque la philosophie fait appel à l'esprit critique, nous avons voulu réserver la première partie de ce dernier chapitre à l'évaluation critique de la pensée religieuse de HEGEL. La deuxième et la troisième partie consisteront respectivement en l'examen de la question de l'existence de la religion chez le Négro-africain et en l'analyse du problème de l'athéisme en Afrique.

    III.1. Evaluation critique de la pensée religieuse hégélienne

    Commençons par reconnaître le mérite de HEGEL pour avoir contribué à l'établissement des rapports entre la philosophie et la religion. Cependant, l'ambiguïté de ses conceptions religieuses a suscité chez ses disciples des interprétations contradictoires. Aussi bien chez Bruno BAUER, représentant de la droite hégélienne, que chez les hégéliens de gauche, dont le plus célèbre est Karl MARX, on a observé une attitude hostile à la conscience religieuse qui les a conduits à l'athéisme. Tous ces auteurs -y compris HEGEL- pétris de l'idéalisme, semblent déprécier le donné de la révélation que ne le fait la philosophie réaliste.

    III.1.1. La critique de la conscience religieuse

    HEGEL a décrit la religion comme l'une des activités spirituelles supérieures de l'homme. Celui-ci exprime, à travers la religion, qu'il est raisonnable et libre. La philosophie doit s'efforcer de le ressaisir sous la forme de la pensée rationnelle. Chez notre auteur, cela n'implique aucun renoncement au religieux. Ses disciples n'étaient pas d'avis et sa philosophie les a plutôt conduits à se libérer de la religion.

    Pour Bruno BAUER, HEGEL a développé une philosophie à l'intérieur de laquelle la théologie s'est sentie mieux à l'aise que dans son propre domaine. Il estime que HEGEL a ramené l'idée de la religion chrétienne au panthéisme et est, par là même, un athée, puisque l'idée de la religion n'est pour ce dernier qu'un produit de l'Esprit au même titre que l'art et la science. Fidèle à une certaine tradition idéaliste du protestantisme, BAUER soutient qu'il n'y a rien dans la religion qui ne soit produit par l'homme100(*). Nous pouvons faire un parallèle entre ce raisonnement et ce qu'Alexandre KOJEVE écrit à propos de HEGEL : « Il [HEGEL] construit dans cette histoire des diverses Théologies successives. Il montre donc que ces Théologies sont des oeuvres humaines et que, par conséquent, l'Etre révélé par elles ne peut être que l'être humain »101(*). BAUER s'efforcera aussi de montrer le caractère aliénant de la religion, car Dieu est la perte totale de l'homme.

    Dans l'Introduction à la critique de la philosophie du Droit chez Hegel, Karl MARX s'attaque aussi à la conception hégélienne de la religion. Contrairement à BAUER, plus modéré dans sa critique de la religion, MARX - et avec lui les autres hégéliens de gauche - veut radicalement s'opposer à HEGEL. A la suite de FEUERBACH, il s'attaque tout d'abord à la question de la divinité. Il montre comment l'homme se dépouille de ses propres qualités pour les attribuer à un être appelé Dieu. Pour lui, les preuves de l'existence de Dieu ne révèlent rien d'autre que le sujet pensant. Par conséquent, on doit se dispenser de poser la question de l'existence de Dieu parce que ce dernier n'existe pas. C'est pourquoi il affirme que

    « les preuves de l'existence de Dieu ne sont rien d'autre que des preuves, des explications logiques de l'existence de la conscience de soi réelle de l'homme. Par exemple, la preuve ontologique. Quel est l'être qui est immédiatement présent quand on le pense ? C'est la conscience de soi. En ce sens, toutes les preuves de l'existence de Dieu sont des preuves de son inexistence, des réfutations de toutes les représentations d'un Dieu »102(*).

    Chez MARX, l'idée-mère de sa critique de la religion se formule comme suit : « l'homme est pour l'homme l'être suprême » et Dieu n'est l'être générique de l'homme.

    Selon MARX et Friedrich ENGELS, bien que BAUER ait discrédité la pensée hégélienne, il identifie cependant la conscience religieuse avec la conscience du peuple. De ce fait, il ne s'élève pas contre cet ordre social, mais contre les idées dominantes103(*). Pour cela, ils proposent une explication matérialiste de la source de la foi et de la religion des masses. C'est ainsi que MARX déclare : « La misère religieuse est d'une part l'expression de la misère réelle, et d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, le coeur d'un monde sans coeur comme elle est l'esprit d'un temps sans esprit. Elle est l'opium du peuple »104(*).Comme l'opium, la religion plonge l'homme dans un monde onirique et dans l'illusion, elle le maintient dans des paradis artificiels. Elle donne au monde une explication qui n'en n'est pas une, non scientifique et qui tient du mythe. Elle maintient l'homme en référence à un Dieu qui n'est que la projection de ce que l'homme est fondamentalement.

    Le marxisme voit dans la religion un simple désir de dépendance. Voilà pourquoi il se fixe pour objectif de libérer l'homme de la conscience religieuse mystifiée, pour le rendre à lui-même, le réconcilier avec les autres et avec la nature.

    Il s'ensuit qu'au nom d'un certain humanisme, la critique marxiste de la religion professe une anthropologie athée qui repose sur une double vision de l'homme. Cette double vision est celle de l'ensemble des rapports qui existent entre l'homme et la nature et entre l'homme et la société105(*).

    Par ailleurs, on peut remarquer que MARX ne traite de la religion que d'une manière occasionnelle. Sa critique de la religion ne s'est faite que dans le but d'exalter sa doctrine matérialiste. On peut alors comprendre pourquoi il pense que « la critique de la religion est la condition préliminaire de toute critique »106(*). A propos de la religion, MARX semble davantage viser les comportements que l'on attribue couramment à la conscience religieuse de l'époque plutôt que l'attitude spirituelle de foi dans laquelle les croyants se reconnaissent eux-mêmes. Son intention se dévoile comme une volonté d'extirper définitivement toute racine du phénomène religieux dans la conscience de ses contemporains107(*).

    Pour Roger VERNEAUX, la critique marxiste contre HEGEL ne peut justifier sa prétention à l'objectivité. A cet effet, nous ne devons pas croire que « le matérialisme dialectique ait éliminé toute trace de panthéisme puisqu'il confère à la matière les mêmes caractères et les mêmes pouvoirs que Hegel attribuait à son Absolu. Mais comme on n'a pas coutume d'appeler Dieu la matière, Marx fait profession d'athéisme »108(*).

    III.1.2. La critique thomiste des rapports entre raison et foi

    Nous voulons aussi relever quelques limites d'un autre aspect de la pensée religieuse de HEGEL. Il s'agit, bien entendu, des rapports entre la raison et la foi. Sans être hâtif, disons que la critique que HEGEL formule à l'encontre de la conception thomiste des rapports entre la raison et la foi est illégitime et nécessite des éclaircissements.

    Nous avons déjà évoqué l'unicité de la vérité chez HEGEL. Quand il assimile la distinction que le thomiste fait entre la vérité naturelle et la vérité surnaturelle, il ne comprend pas qu'elles expriment une seule et même vérité. Tout en soulignant le caractère surnaturel de la foi, Saint Thomas D'AQUIN n'y sépare pas le sens de sa rationalité. Il reconnaît que la nature, l'objet propre de la philosophie peut contribuer à la compréhension de la révélation divine. La foi et la raison ne sont donc pas incompatibles. Cependant, la foi suppose et perfectionne la raison. Cette dernière, éclairée par la foi est libérée des fragilités et des limites qui proviennent de la désobéissance du péché, elle trouve la force pour s'élever jusqu'à la connaissance du mystère de Dieu Un et Trine109(*).

    Rien ne nous empêche d'éclairer que HEGEL s'est approprié cette conception car, bien avant lui, Saint Thomas a prouvé qu'il existe une vérité qui est niée par les Sophistes. Il faisait ce raisonnement fort pertinent :

    « L'existence de la vérité est connue par elle-même. En effet, qui nie la vérité, dit qu'elle n'existe pas ; mais si la vérité n'existe pas, le fait de sa non-existence est vrai, et s'il est quelque chose de vrai, la vérité est. Or Dieu est la vérité même, comme l'atteste cette parole de saint Jean : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". Donc l'existence de Dieu est connue par elle-même »110(*).

    Saint Thomas reconnaît que l'existence de Dieu est évidente ; il ne s'arrête cependant pas là. Si l'esprit ne peut démontrer que Dieu existe ; alors, l'existence de Dieu n'est pas connue par elle-même. En soutenant la preuve ontologique, HEGEL assume la pensée de Saint ANSELME selon laquelle la connaissance de l'existence de Dieu est naturellement inscrite en tous. Or, ce que nous connaissons par nature relève d'une connaissance spontanée et immédiate. Par contre, le thomisme professe que Dieu est accessible à la raison humaine à partir des choses créées.

    La critique de l'argument ontologique par Saint Thomas peut se résumer en trois points. Primo, il doute de l'universalité du Nom. Secundo, il lui dénie toute valeur probante pour établir l'existence de Dieu, car le raisonnement ne suffit pas à produire par lui-même l'existence réelle. Tertio, Saint Thomas reconnaît à l'argument une certaine valeur pour démontrer, une fois que l'on sait que Dieu existe. C'est ce qui l'a amené à entreprendre la démonstration par les cinq voies, c'est-à-dire par cinq démonstrations, aboutir à l'existence de Dieu111(*).

    La critique hégélienne du christianisme primitif, c'est-à-dire avant la Réforme luthérienne, avec lequel il pense qu'un Etat rationnel n'est possible, est une application de sa conception des rapports entre raison et foi. Il croyait en la toute puissance de la raison sans savoir que cette dernière aller connaître une faillite. L'Etat de liberté qu'il professe l'a plutôt amené à concevoir un Etat totalitaire et divinisé qui doit assujettir les citoyens. C'est dans la même optique que Jacques MARITAIN lui fait cette critique :

    « L'Etat n'est pas la suprême incarnation de l'Idée, comme le croyait Hegel ; l'Etat n'est pas une espèce de surhomme collectif ; l'Etat n'est qu'un organe habileté à employer un pouvoir de coercition, et composé d'experts ou de spécialistes de l'ordre et du bien-être publics - un instrument au service de l'homme. Mettre l'homme au service de cet instrument est une perversion politique. La personne humaine en tant qu'individu est pour le corps politique, et le corps politique est pour la personne humaine en tant que personne. Mais l'homme n'est à aucun titre pour l'Etat. L'Etat est pour l'homme »112(*).

    En somme, nous disons qu'en refusant de concilier la raison et la foi, HEGEL n'a pas pu échapper à deux écueils. Appliquer sa pensée à la question de l'existence de Dieu et à l'Etat ne peut que conduire respectivement au fidéisme et au rationalisme.

    III.1.3. Evaluation critique

    On ne saurait nier qu'à HEGEL revient le mérite d'avoir reconnu que la philosophie et la religion ont une profonde affinité de par leur objet commun et leurs rapports ; et que la religion, qui a commencé avec l'homme, est la conscience essayant de réfléchir sur son propre mystère et de découvrir ce qu'est Dieu et ce qu'est l'homme.

    Toutefois, HEGEL rejette successivement toutes les religions et leurs diverses représentations de Dieu pour y substituer la sienne. Il tient, à cet effet, le luthérianisme comme la seule et véritable religion. C'est dans ce contexte qu'il faut saisir le sens de la pensée religieuse de HEGEL, c'est- à- dire au sein du protestantisme tel que ce dernier l'a connu. Déjà avec KANT, on a pu déceler la tendance à évacuer du message chrétien tout ce qui est surnaturel pour n'en retenir que l'aspect éthique. Si c'est l'homme qui donne à la religion son contenu, il faut considérer la religion comme l'expression de la conscience de soi de l'homme. Malencontreusement, dans la religion, la conscience se présente autre qu'elle-même. Il faut donc dépasser la religion dans la philosophie, transcrire les représentations religieuses en des concepts philosophiques. Ces idées exposées par HEGEL sont reprises chez ses disciples113(*).

    HEGEL a bien compris que le problème de la destinée individuelle ne peut, en aucune façon, se séparer du problème de la destinée collective114(*). D'une part, il est kantien pour oublier que la personne humaine est une « fin en soi » et qu'elle a une valeur infinie, d'autre part, il est opposé à l'individualisme car, pour lui, la société l'emporte sur l'individu et l'Etat sur la religion.

    MARX, nous l'avons dit, a réagi violemment contre cette conception hégélienne de la destinée humaine. L'idéalisme hégélien a été supplanté par un matérialisme économique et social qui ne se soucie ni de l'existence de Dieu, ni de l'immoralité personnelle. Bien plus, le marxisme combat, comme des adversaires, non seulement le catholicisme, mais aussi toutes les religions.

    Cependant, l'erreur fondamentale de MARX a aussi été rendue évidente. Il supposait simplement que l'homme et le monde auraient finalement vu clair en eux-mêmes. Il aurait oublié que la liberté demeure toujours liberté, même pour le mal ; et que l'homme n'est pas guéri uniquement par les conditions économiques favorables115(*).  

    Si HEGEL a dénié la religiosité au Négro-africain, le marxisme, quant à lui, n'aurait-t- il pas profondément marqué ce dernier ?

    III.2. Le Négro-africain est-il homo religiosus ?

    Dans cette partie, nous allons examiner le problème de la religion en Afrique noire. Peut-on, oui ou non, conférer à l'homme africain l'attribut d'être religieux? Nous allons répondre à la question posée en partant de la conception de HEGEL sur les religions africaines traditionnelles. Nous ne manquerons pas aussi de jeter un regard sur l'état actuel de la religion sur le continent noir.

    III.2.1. Le déni hégélien de toute religion au Négro-africain

    En examinant toutes les grandes religions du monde, HEGEL n'a pas manqué de se pencher plus particulièrement sur ce qu'il appelle la religion de l'Africain.

    D'après la définition qu'il donne au concept religion, le fait proprement religieux c'est que l'homme reconnaisse un Etre Suprême, un pouvoir supérieur par rapport auquel il est quelque chose de plus faible et de plus bas. En appliquant cette définition au système de croyance du Négro-africain, HEGEL n'a pas hésité à dénier à ce dernier l'attribut d'être religieux. C'est ce qu'il affirme lui-même en ces termes : « La religion commence avec la conscience de l'existence de quelque chose qui soit supérieur à l'homme. Cette forme d'expérience n'existe pas chez les nègres »116(*). Selon CHINDJI-KOULEU, cette affirmation de HEGEL signifie qu'il n'existe, à proprement parler, ni religion, ni Dieu chez les Négro-africains. Ici, il convient d'entendre par religion, un ensemble de croyances ayant Dieu pour objet. Si le Nègre n'a pas l'idée de Dieu, c'est parce que cette idée est trop élevée pour que la pensée des primitifs puisse l'atteindre ; par conséquent, le Nègre est un athée invétéré117(*).

    En effet, pour HEGEL, le principe religieux du Négro-africain se résume ainsi : « En Afrique, tous les hommes sont des magiciens »118(*). La magie dont parle notre auteur est le pouvoir que l'homme s'arroge sur la nature ; ce dernier ne connaît que la nature comme opposé à lui-même. Toute sa pensée, croit-on, est cosmocentrique. Dans la magie, Dieu est absent, puisque c'est l'homme qui représente la puissance suprême. Normalement et même logiquement, un vrai croyant ne devrait plus croire en la magie, car ce serait nier la toute-puissance de Dieu. La magie apparaît comme un pouvoir capable de contrecarrer toute puissance de Dieu. Si donc le Nègre croyait en Dieu, il n'aurait pas si souvent recours à la magie pour résoudre des petits problèmes quotidiens119(*).

    C'est à juste titre si Marc AUGE déniait aux croyances africaines la légitimité aussi bien religieuse que philosophique. Il affirmait à ce propos qu'« il n'y a jamais eu en toute rigueur, dans cette perspective, de "religion" africaine : ou bien, trop soumise aux affaires des hommes, engagée dans la définition de leurs rapports et la maîtrise de leur histoire, elle se dégrade en magie ; ou bien, la réflexion sur l'univers de l'humanité en général, elle acquiert la dignité abstraite de philosophie »120(*).

    L'autre aspect de la religion du Négro-africain consiste, selon HEGEL, en un culte de fétiche, c'est-à-dire que ce dernier fait de son pouvoir un objet de représentation, extérieur à la conscience et lui donne une figure. « Ils [les Africains] élèvent à la dignité du génie toute chose qu'ils imaginent avoir de la puissance sur eux, animaux, pierre, figurines de bois. Les individus se procurent de semblables objets en se les faisant donner par les prêtres. C'est en cela que consiste le fétiche »121(*). Il ne peut donc y avoir aucun rapport de dépendance dans cette religion puisque le fétiche semble manifester une autonomie face au libre vouloir de l'individu. 

    Sommairement dit, selon HEGEL, il n'existe, à proprement parler, ni religion, ni Dieu dans la conscience négro-africaine. Il taxe la « religion africaine » de magie et de fétichisme. N'était-ce pas là moins une tentative réelle de compréhension du phénomène religieux du Négro-africain qu'une satisfaction intellectuelle du rationalisme hégélien ?

    III.2.2. Le Négro-africain « incurablement religieux »

    Dans son ouvrage Religion, culture et politique en Afrique noire, Maurice AHANHANZO GLELE remarque la confusion qui existe entre religion et religiosité lorsqu'on parle de la foi naturelle des Africains. La religiosité est une attitude de l'homme envers le sacré et la religion dénote d'une relation de l'homme à Dieu. En un mot, le concept de religieux renvoie à la religiosité et à la religion122(*).

    Partant de cette remarque, nous pouvons poser la question de savoir si HEGEL a raison de dire qu'il n'existe ni religion, ni idée de Dieu chez les Africains. La réponse que donne l'historien voltaïque Joseph KI-ZERBO à cette interrogation est fort pertinente.

    « Je pense pour ma part, écrit-il, que ces religions, ces croyances qui existaient dans les traditions africaines sont effectivement des religions. Si l'on entend par religion la croyance à un être transcendant auquel on est lié par des devoirs, par des droits aussi, auquel on a des comptes à rendre, qu'on invoque, auquel on fait des sacrifices, qu'on implore pour telle ou telle chose et qu'on remercie, alors il y a des religions dans l'Afrique traditionnelle. Ces religions, comme on l'a dit, croient presque toutes en un Dieu suprême, un être suprême, qui est souverain absolu en ce qui concerne le cosmos, l'humanité entière, aussi bien la nature que les êtres vivants, les animaux, etc. »123(*).

    A la suite de plusieurs ethnologues et anthropologues, africanistes et spécialistes des religions, ainsi que des hommes de culture, nous pouvons dire que le Négro-africain est profondément, voire incurablement religieux. Le professeur Louis-Vincent THOMAS écrit dans le Socialisme et l'Afrique : « L'Afrique [...] est incurablement religieuse »124(*). Ceci s'explique par le fait qu'en Afrique noire, « aucune institution n'existe, que ce soit dans le domaine social ou dans le domaine politique, voire même en matière économique, qui ne repose sur le concept religieux ou qui n'ait la religion pour pierre angulaire. Ces peuples, dont on a parfois nié qu'ils aient une religion, sont en réalité parmi les plus religieux de la Terre »125(*).

    Par opposition à HEGEL qui nie la présence de toute idée de l'Etre suprême dans la pensée du Négro-africain, Alassane NDAW pense, quant à lui, que ce dernier pratique volontiers un polythéisme liturgique dont bénéficient les dieux secondaires gérant une parcelle de la puissance suprême. Mais il n'en reste pas moins vrai que l'approfondissement des structures de son univers religieux révèle la présence d'un monothéisme ontologique. Ainsi, les Africains reconnaissent la présence d'un Dieu souverain et la nécessité de se soumettre à lui126(*).

    Dans le même sens, le philosophe de la religion congolais Hippolyte NGIMBI NSEKA écrit :

    « Quand, en 1977, nous débutions nos enseignements sur ce qu'on appelait alors la théodicée, un étudiant nous opposa, dès les premiers cours sur les preuves de l'existence de Dieu : "A quoi bon cette longue chaîne de raisonnements autour d'une réalité aussi évidente qu'est pour nous Africains l'Etre Suprême. Il me suffit à moi qui habite près de la mer de voir l'immensité de celle-ci pour conclure, sans détour, à l'existence de cet Etre" »127(*).

    Aux Rencontres internationales de Bouaké en 1965 et au Colloque sur les religions à Abidjan en 1961, les participants se sont penchés sur la question de la légitimité des religions négro-africaines traditionnelles. L'accord a été général pour préférer l'appellation « religion africaine » à celle imprécise, voire péjorative d'animisme. Il faut par ailleurs noter que ces rencontres ont beaucoup contribué à réhabiliter les religions africaines en ceux qui, comme HEGEL, dénient au Négro-africain l'attribut d'être religieux.

    Pour Amadou HAMPATE BA, ce que les autres qualifient de magie est pour les Africains une religion car, affirme-t-il, « il faut distinguer dans la société africaine, entre le sorcier et le magicien : le sorcier est mauvais tandis que le magicien est parfait »128(*). Quant au fétichisme, « le terme, dit Herskovits, nous a importunés pendant des années, étant indifféremment appliqué à des divinités aux amulettes magiques ou bien aux ancêtres »129(*). On ne doit pas ignorer que le culte des ancêtres est, en quelque sorte, le centre de gravité de l'univers religieux africain.

    De tous ceux qui, comme HEGEL, ont nié l'existence de la religion et de la religiosité en Afrique traditionnelle, on peut constater simplement une répugnance consciente à conférer à ces systèmes de croyance le statut de religion valable. Certaines des affirmations excessives proviennent du fait que leurs auteurs parlent de l'Afrique comme d'un élément très simple. Pourtant, à y voir de près, l'Afrique traditionnelle était déjà très religieuse, bien avant l'arrivée des religions étrangères.

    III. 2.3. L'état religieux de l'Afrique contemporaine

    Nous avons montré que le Négro-africain était profondément religieux. Tous les différents aspects de sa vie sont imprégnés du religieux. Etre pour l'homme, c'est être religieux au sein d'un univers religieux. Cette notion philosophique est à la base des mythes, des coutumes, des traditions, des croyances, de la morale, des actes et des relations sociales des Africains130(*). Mais, jusqu'ici, nous n'avons parlé que des religions africaines traditionnelles. Notre approche serait incomplète si elle faisait abstraction des religions telles le christianisme, l'islam ainsi que les sectes qui prolifèrent sur le continent noir.

    L'idéologie de la quête de nouvelles valeurs, des nouveaux fondements d'une identité nouvelle qui habite le Négro-africain a eu pour corollaire, chez ce dernier, la perte de son attribut d'être profondément ou incurablement religieux. L'Africain se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins ; ceci manifeste sa religiosité diffuse. Bien que convertis à l'islam ou au christianisme, certains Africains gardent à coeur un attachement secret pour les valeurs religieuses traditionnelles qui se traduit aux moments de crise131(*). Mais en réalité, ces soi-disant convertis le sont-ils vraiment ?

    Le philosophe kenyan John MBITI affirmait déjà qu'

    « À propos de la rencontre entre le christianisme occidental et les sociétés traditionnelles, nous avons évoqué le processus qui consiste à donner à demi et à recevoir à demi, à conserver une part et à rejeter l'autre. Les cultures et les institutions islamiques n'ont pas suivi exactement le même processus ; mais les musulmans Africains ont ou bien rejeté complètement, ce qui, dans l'islam semble menacer leur sécurité, ou bien ne l'ont accepté que partiellement, avec des modifications en particulier pour l'adapter à des intérêts personnels »132(*).

    Le fait que les Africains se font adeptes de plusieurs religions à la fois n'est qu'un syncrétisme religieux qui a pour conséquence une religiosité de façade. Ce type de religiosité n'a ni profondeur, ni forme ; on ne peut même le qualifier de paresse religieuse. John MBITI le désigne par l'expression « concubinage religieux », en lequel il tire la conséquence d'une acculturation progressive. Il fait à ce propos une remarque judicieuse : « La religion diffuse promet d'avoir le plus d'influence sur les Africains. Ici, la religion devient de plus en plus uniformité sociale, sans profondeur théologique, sans engagement personnel ni martyrs. Elle est simplement « là », quelque part dans le noyau des croyances individuelles, que l'individu soit conscient ou non d'être religieux »133(*).

    Non seulement certains Africains convertis à l'islam ou au christianisme ne pratiquent pas leur religion avec ferveur ; d'autres se font des adeptes des sectes de toutes origines et des sociétés secrètes qui ont envahi les grandes villes. Ils profitent de la misère de ces derniers pour leur proposer de nouvelles certitudes, des communautés de vie fraternelle et d'entraide, des moyens efficaces de réussite matérielle134(*). Cette propagande utilisée par les sectes connaît un énorme succès et serait l'une des raisons qui expliquent l'indifférence religieuse en Afrique noire contemporaine.

    De tout ce qui précède, nous pouvons aujourd'hui constater que la thèse selon laquelle le Négro-africain est incurablement religieux semble tomber en désuétude. On observe chez la majorité des adeptes des différentes religions une perte du sens religieux de la vie. Mais cette attitude n'aurait-elle pas aussi pour cause un athéisme dont personne n'ose parler quand il s'agit de l'Afrique?

    III.3. L'athéisme négro-africain et ses implications religieuses

    Avant d'être érigé en occident en une doctrine philosophique, l'athéisme était avant tout un phénomène mondial, aussi vieux que les religions. La croyance des Négro-africains en un Dieu unique n'a pas été, de tout temps, aussi évidente qu'on ne le laisse croire. On note des cas d'incroyance dans les sociétés traditionnelles et il existe une tradition de pensée critique à l'égard de la religion. Ainsi, on ne voit pas comment cette critique n'aurait pas conduit à l'athéisme et à l'indifférence religieuse.

    III.3.1. L'athéisme dans les religions négro-africaines traditionnelles

    Comme nous l'avons vu précédemment, le Négro-africain, adepte de la religion traditionnelle, ne s'adresse à Dieu qu'occasionnellement, réservant ses prières, supplications, offrandes et sacrifices aux esprits ancestraux ou aux dieux secondaires. Dans la majorité des cas, explique Amadou HAMPATE BA, l'Etre suprême est considéré comme trop éloigné des hommes pour que ceux-ci lui rendent un culte direct135(*).

    Pour le chercheur camerounais Eloi MESSI METOGO, l'étude de l'éloignement de Dieu dans les religions négro-africaines traditionnelles fournit des exemples admirables de respect de l'être et de la liberté vis-à-vis de Dieu. Ce dernier laisse l'homme libre de telle sorte qu'il « peut s'en remettre au dessein éternel et immuable du créateur ; il peut être indifférent à son égard ou prendre sa place après avoir proclamé sa mort »136(*). De ces déclarations, nous pouvons déduire que les religions africaines traditionnelles ont un caractère anthropocentrique.

    Si la transcendance divine est pratiquement étrangère au Négro-africain, sa religion n'est pas la volonté de se relier à un principe premier, à un Dieu impersonnel, mais en un ensemble de moyens et d'actions sur le monde, d'interprétation de l'événement, de la maîtrise de l'histoire. Marc AUGE se demande si, en tant que « construction du monde », « mises en place anthropocentrées » essentiellement matérialistes, les polythéismes ne conduisent pas, comme à leur vérité ultime, à l'athéisme137(*). Dans le même sens, Eloi MESSI METOGO pense aussi que « la mentalité magique solidement ancrée en Afrique, qui repose sur la conception d'un ordre immanent du monde sur lequel l'homme veut agir en découvrant ses lois, semble annoncer "le positivisme et l'athéisme technique plutôt que l'attitude religieuse vraie, puisque seule compte l'efficacité, l'appropriation par l'homme de la vie" »138(*). A côté du caractère anthropocentrique de ses religions qui peut conduire à l'athéisme, il faut aussi noter que l'Afrique traditionnelle n'ignorait pas la critique de la religion.

    Il ne fait pas de doute que l'Afrique traditionnelle ait connu une tradition critique à l'égard de la religion. Selon Jean-Marc ELA, la perte de la foi en l'Etre suprême dans les sociétés traditionnelles est due au fait que l'homme accuse Dieu d'être la cause de son malheur. Le Négro-africain, confronté à la famine, à la sécheresse, à la maladie et au poids des injustices et des frustrations profondes, adoptait une attitude hostile envers Dieu. L'expérience missionnaire que ce prêtre camerounais a vécue au Nord de son pays le démontre bien. Il raconte :

    « Il y a plus de dix ans, je me trouvais dans un village, le soir. J'avais la prétention d'aller dire la Parole de Dieu aux gens. Des jeunes m'avaient annoncé en disant : "Voilà le fils de Baba Simon qui arrive, l'homme qui vient ici parler de Dieu". Au moment où j'avais commencé à parler de Dieu, un vieillard m'a arrêté : "Autrefois, m'a-t-il dit, Dieu a parlé aux hommes, maintenant il s'est tu, laissant les hommes en proie à la faim, à la maladie et à la mort" »139(*).

    Nous pouvons en conclure que certains Africains veulent bien de telle divinité, mais à condition qu'elle les comble de bienfaits. D'autres encore, plus radicaux, excluent toute référence à une telle divinité.

    En quelques mots, nous pouvons dire que l'éloignement de Dieu, la mentalité magique ou anthropocentrique et la critique de la religion due à la détresse sont des phénomènes religieux de l'Afrique traditionnelle qui annonçaient l'athéisme pratique plutôt que la soumission religieuse. Cette indifférence va s'affermir avec l'influence des philosophies athées venues de l'Occident et dont le plus marquant est le marxisme.

    III.3.2. Le marxisme face aux religions de l'Afrique contemporaine

    On observe dans les sociétés africaines contemporaines un recul sensible des pratiques magiques. En ville surtout, les gens utilisent la technique occidentale pour se mettre à l'abri du besoin et de l'insécurité matérielle140(*). Une telle attitude a été favorisée par les philosophies occidentales qui ont tendance à mettre l'homme au centre de la vie et ne dépendre que de lui-même.

    L'enseignement de l'athéisme dans les lycées, les universités et les grandes écoles d'Afrique n'est pas resté sans effet sur un certain nombre de jeunes. Pour Eloi MESSI METOGO, l'école et la ville défient aussi bien l'islam que le christianisme. Les élèves des classes supérieures du secondaire, étudiants et intellectuels n'ignorent rien de la critique de la religion dans l'histoire de la philosophie occidentale depuis les premiers philosophes grecs jusqu'à Sigmund FREUD en passant par MARX. Ce dernier est celui qui a le plus marqué les Africains par son humanisme athée et son message de libération. Si la crise de la métaphysique et la critique bourgeoise de la religion conduisent au scepticisme et à l'indifférence, c'est la critique sociale de l'idée de Dieu initiée par MARX qui semble rencontrer la plus large audience dans une Afrique en proie à l'impérialisme des grandes puissances par les régimes autoritaires interposées. Dieu apparaît à beaucoup d'intellectuels africains comme le garant de l'ordre établi qu'invoquent les autorités en place pour consolider leur pouvoir et la religion comme l'opium destiné à endormir les Africains au profit de leurs exploiteurs141(*).

    Plusieurs auteurs s'accordent à affirmer l'influence considérable qu'a exercé le marxisme sur les religions de l'Afrique contemporaine. AZOMBO-MENDA et MEYONGO affirment :

    « C'est sous l'influence de Karl Marx que de nombreux intellectuels africains se déclarent athées en s'appuyant sur ce qu'ils appellent l'absurdité du christianisme et de toute religion dite révélée [...]. Confondant bien souvent la question de Dieu et le problème que connaît le christianisme depuis des siècles, la classe des "Evolués" africains considère [...] Karl Marx comme révélateur d'une tendance et d'un esprit chrétiens qu'ils doivent combattre »142(*).

    Le sénégalais Babakar SINE, dans son ouvrage intitulé Le marxisme devant les sociétés africaines contemporaines, pense pour sa part que la théorie matérialiste s'applique aussi à l'Afrique. Il s'interroge à ce sujet en ces termes : Si « l'Afrique capitaliste ou néocoloniale n'échappe pas aux lois générales du développement du monde de la production capitaliste [...] en quoi serait-elle fermée à l'approche marxiste » ? Invoquant le postulat du Négro-africain essentiellement religieux que le socialisme africain de Léopold SEDAR SENGHOR oppose au marxisme, Babakar SINE souligne que l'opposition doctrinale de l'idéologie religieuse ne se traduit pas au plan politique par une guerre systématique et aveugle contre la religion143(*).

    L'athéisme professé par les Africains ne peut donc pas être superficiel comme le pensent beaucoup d'africanistes. Cette conception est déjà caduque. Nous l'avons démontré par le fait qu'un Africain ne peut pas être athée tout simplement parce qu'il est marxiste ; sa religion traditionnelle portait déjà en elle les germes de l'indifférence religieuse.

    III.3.3. Indifférence religieuse et athéisme

    L'indifférence religieuse, telle qu'elle est vécue aujourd'hui sur le continent africain, a été en grande partie l'oeuvre des idéologies venues de l'Occident. L'athéisme apparaît à plusieurs comme la voie de la liberté par opposition à l'esprit de dépendance qui est l'essence même de la religion. Le marxisme, que nous avons évoqué par exemple, professe la libération de l'homme « par » la religion.

    Si l'athéisme est la condition d'une existence de l'homme libre et si l'indifférence religieuse est refus de reconnaître un Dieu suprême et tout-puissant devant qui on éprouve un sentiment de dépendance par l'observance de ses lois, alors nous pouvons dire qu'il y a une relation étroite entre ces deux concepts. Certains auteurs les considèrent comme des synonymes. Eloi MESSI METOGO, lui, utilise indistinctement les deux termes144(*). La sécularisation exprime radicalement cette autonomie : l'homme se pense et se construit sur lui-même. En ce sens, la perspective religieuse ne peut être fondatrice des valeurs, car celles-ci relèvent du choix de l'individu. Dans la mesure où la liberté est constitutive de l'homme, le projet anthropologique n'est plus structurellement d'une instance supérieure. L'attitude religieuse n'est pas de l'ordre de la nature humaine, à l'ontologique. En revanche, l'indifférence religieuse est dans l'ordre des choses145(*).

    Cependant, certains partisans de l'indifférence religieuse refusent de l'assimiler à l'athéisme, estimant qu'il n'y est question que de libre pensée qui n'a rien à voir avec l'indifférence religieuse. Peut-on leur donner raison ?

    Nous voyons qu'en Afrique, la propagande antireligieuse est menée par des philosophes et universitaires imbus des philosophies athées comme celles de MARX, de SARTRE ou de NIETZSCHE. Et si nous considérons la logique selon laquelle la croyance en Dieu implique nécessairement la pratique religieuse, nous ne pouvons dissocier radicalement l'athéisme de l'indifférence religieuse.

    Mais, il faut également reconnaître avec Eloi MESSI METOGO que l'indifférence religieuse et l'incroyance qui existent dans les sociétés africaines contemporaines sont d'origine traditionnelle que philosophique. Elles se rencontrent 

    « non seulement parmi les lycéens, les étudiants et les intellectuels, mais aussi parmi les cadres, les commerçants, les employés dont la plupart n'ont pas fait beaucoup d'études. Les devoirs religieux sont habituellement négligés, la religion a peu de place dans les préoccupations de la vie quotidienne, et les vérités de foi fondamentales sont mises en question. Romanciers, sociologues, philosophes d'obédience marxiste ou non, présentent la religion comme une mythologie périmée, un frein au progrès de l'humanité, un instrument de domination et d'exploitation ou, tout simplement, comme une absurdité »146(*).

    Nous ne voulons pas par là insinuer que le Négro-africain n'a aucune idée de Dieu, comme le soutient HEGEL. Il s'agit simplement de montrer que la plupart de ceux qui se disent croyants ne le sont pas vraiment. A regarder de près, on s'aperçoit que la plupart des Négro-africains qui ne se reconnaissent pas encore comme tels, sont des athées par leur indifférence envers la religion.

    CONCLUSION GENERALE

    Au terme de notre travail, il convient de rappeler ce en quoi il a consisté. Notre recherche a été guidée par la question de savoir si la raison (philosophie) comme condition d'une humanité totalement libre peut-elle exister sans aucune référence à la transcendance (religion) ?

    Le premier chapitre a consisté en la définition des deux notions qui embrassent la totalité de la vie d'abord. La philosophie étant une réflexion rationnelle et critique sur l'homme et ses expériences, la religion, qui repose sur un ordre des choses et des êtres plus ou moins hiérarchisés, ne pouvait échapper à la démarche philosophique. Philosophie et religion ont un même contenu, toutes les deux ont l'Absolu pour objet. Cependant, elles diffèrent par leur forme qui est de l'ordre pratique pour la religion, car elle est la pratique de la foi et de l'ordre théorique pour la philosophie qui recourt à la spéculation rationnelle.

    Si nous reconnaissons à la philosophie le droit de fonder toute expérience humaine dont l'expérience religieuse fait partie intégrante, alors la philosophie de la religion devient une critique rationnelle du donné religieux. Elle accomplit sa tâche en orientant toute adhésion religieuse. Elle éclaire ce qui est antérieur à la foi effective et qu'une critique rationnelle peut et doit connaître. Cette démarche vise à ce que tout croyant puisse être capable de rendre compte de sa foi.

    Ensuite, dans le deuxième chapitre, HEGEL conçoit la religion comme la prise de conscience par l'homme de Dieu et de lui-même ; à travers elle se réalise l'esprit. A cet effet, il trouve que le fondement universel des religions, c'est la raison. La religion exprime sous la forme de représentation (image, sentiment) le même objet Absolu que la philosophie exprime sous la forme de la pensée pure. Voilà pourquoi elle doit s'efforcer à la ressaisir sous la forme de la pensée rationnelle. Cela implique que la foi n'est pas au dessus de la raison, car cette dernière est la condition d'une humanité libre. Les diverses religions s'enchaînent les unes aux autres dans l'histoire d'une manière hiérarchique et orientée vers ce que HEGEL considère comme la religion la plus accomplie. Cette religion n'est autre que le christianisme et plus précisément le luthérianisme qui, mieux que n'importe quelle religion, enseigne que tout homme est raison et liberté.

    Enfin, dans le troisième et dernier chapitre, nous avons reconnu à HEGEL le mérite d'avoir établi les rapports entre la philosophie et la religion et partant entre la raison et la foi. Il s'inscrit en faux contre ceux qui pensent que la philosophie et la religion évoluent chacune dans une indifférence totale l'une de l'autre. Fidèle à la tradition de l'idéalisme protestant, HEGEL respecte moins les données de la révélation que ne le fait la philosophie réaliste et plus précisément le thomisme selon lequel il n'y a pas d'incompatibilité entre la foi et la raison et que les deux se complètent. Si la raison est un don de Dieu à l'homme, elle a besoin de la foi pour être totalement elle-même : raison et foi ont besoin l'une de l'autre pour réaliser leur véritable nature et leur mission147(*).

    La pensée religieuse de HEGEL a influencé négativement ses disciples et a provoqué chez eux une attitude hostile à l'égard de la religion. Pour ces derniers, l'homme devait se réapproprier les attributs dont il avait été dépouillé au profit de la divinité aliénante. L'humanisme athée a été érigé par Karl MARX en une véritable religion nouvelle. Sans doute, le matérialisme scientifique a moins servi la raison et la liberté qu'il ne le promettait.

    Nous avons montré comment HEGEL n'a pas hésité à dénier toute religion aux Négro-africains. Dans sa logique, la religion se fonde sur la relation à la transcendance, à une puissance supérieure à l'homme. Cette attitude, pense-t-il, est absente chez le Négro-africain puisque sa mentalité "magique" ne voit que la nature comme opposée à lui-même. Notre auteur prétend que le Négro-africain n'adore pas le vrai Dieu mais rend un culte aux fétiches. Cette religion en manque d'explication rationnelle serait donc à la mesure de l'ignorance dont fait preuve l'Afrique tout entière.

    Plusieurs spécialistes des religions, anthropologues et même des philosophes africanistes se sont inscrits en faux contre HEGEL. Les arguments invoqués dans notre travail tendaient aussi à démontrer que le Négro-africain est un être essentiellement, voire « incurablement religieux ». D'où l'impossibilité d'évacuer de la conscience négro-africaine l'idée de l'Etre suprême, car Dieu a toujours été premier balbutiement de la pensée humaine.

    En outre, nous avons voulu savoir où on en est aujourd'hui par rapport à la place de choix qu'occupe l'Etre suprême dans la conscience du Négro-africain, lorsqu'on on constate, avec Eloi MESSI METOGO, qu'en Afrique aussi Dieu peut mourir148(*). Il suit de là que c'est tout à fait incorrect de parler indistinctement du Négro-africain « incurablement religieux ». Jean-Marc ELA faisait déjà remarquer que les sociétés africaines ne sont plus à l'abri de la sécularisation, de l'athéisme et de l'indifférence religieuse.

    Notre démarche n'a pas consisté à démontrer, comme HEGEL, que l'Africain n'a ni religion, ni idée de Dieu. Nous cherchions simplement à mettre en évidence la logique selon laquelle l'Afrique n'est pas restée en marge du phénomène mondial du « désenchantement » ou du désintéressement vis-à-vis de la religion. Malencontreusement, ce problème a été, plus ou moins, occulté par le souci de montrer que l'Africain croit aussi en Dieu et qu'il est par conséquent un être « essentiellement religieux ».

    Si nous pouvons aussi qualifier les sociétés africaines de sociétés post-religieuses, c'est parce que la perte du sens de l'Absolu a provoqué chez plusieurs Africains la perte du sens de l'autre. Dieu seul sait jusqu'où s'étend en Afrique l'espace géographique des foyers de tension, de conflits sanglants où l'autre est littéralement ignoré ou nié dans son être149(*).

    Somme toute, nous devons noter que la pensée de HEGEL sur l'attitude philosophique face à la religion a plus ou moins contribué au passage d'un état religieux à un état séculaire. En ce sens, l'athéisme, signe de cette sécularisation inachevée, aurait conduit à l'indifférence religieuse. Notre réflexion comptait ainsi apporter une contribution à la réorientation d'une vie plus épanouie dans la religion. On n'y résiste pas, la quête humaine de l'Absolu le prouve :

    « La religion, dans l'histoire, est un phénomène humain riche et complexe. Son histoire assez mouvementée comporte bien des métamorphoses. Autant l'Homme s'efforce de lui tourner le dos, autant il se retrouve dans un inconfortable face à face avec lui ; mieux on l'approche dans une attitude sincère, simple et éclairée, mieux on s'en trouve équilibré et comblé parce qu'on accède à une maîtrise de soi qui transforme la vie ; ou alors... Tant et si bien que toute la vie devient, si on en prend garde, une explication permanente avec la religion »150(*).

    BIBLIOGRAPHIE

    1. Ouvrages de HEGEL

    HEGEL Georg Wilhelm Friedrich, Principes de la philosophie du droit, trad. de l'allemand par André KAAN, Paris, Gallimard, 1940, 247 p.

    Leçons sur la philosophie de la religion, trad. de l'allemand par J. GIBELIN, Paris, Vrin, 1959, 262 p.

    Esthétique, t. 1, trad. de l'allemand par J. GIBELIN, Paris, Aubier-Montaigne, 1964, 227 p.

    La raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de l'histoire, trad. de l'allemand par Kostas PAPAIOANNOU, Montréal, Collège Saint Jean-Vianney, 1965, 311 p.

    Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1970, 252 p.

    Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 2, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1970, 248 p.

    Phénoménologie de l'esprit, trad. de l'allemand par Bernard BOURGEOIS, Paris, Vrin, Coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 2006, 701 p.

    2. Ouvrages sur HEGEL

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    PAPAIOANNOU Kostas, Hegel, Paris, Serghes, Coll. « Philosophes de tous les temps », 1962, 206 p.

    RONDET Henri, Hégélianisme et christianisme. Introduction théologique à l'étude du système hégélien, Paris, P. Lentielleux, Coll. « Théologie, Pastorale et Spiritualité », 1965, 158 p.

    VANCOURT Raymond, La pensée religieuse de Hegel, Paris, P.U.F., Coll. « Initiation philosophique », 1965, 136 p.

    WEIL Eric, Hegel et l'Etat. Cinq conférences, Paris, Vrin, 2002, 123 p.

    3. Autres ouvrages

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    AUGE Marc, Génie du paganisme, Paris, Gallimard, Coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1982, 336 p.

    AQUIN Thomas de, Somme théologique, t. I, Paris, Cerf, 1997, 270 p.

    AZOMBO-MENDA S. & MEYONGO P., Précis de philosophie pour l'Afrique, Paris, Nathan, 1981, 171 p.

    BENOIT XVI, Sauvés dans l'espérance. Lettre encyclique Spe Salvi sur l'espérance chrétienne, du 30 novembre 2007, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2007, 80 p.

    BERGER Peter, La religion dans la conscience moderne. Essai d'analyse culturelle, trad. de l'anglais par J. FEISTHAUER, Paris, Centurion, Coll. « Religion et Sciences de l'homme », 1971, 287 p.

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    COLLECTIF Colloque sur les religions, Abidjan, Avril 1961, Paris, Présence Africaine, 1962, 240 p.

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    DESCHAMPS Hubert, Les religions de l'Afrique noire, Paris, P.U.F., Coll. « Que sais-je ? », 1965, 126 p.

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    ELIADE Mircea, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1965, 186 p.

    La nostalgie des origines, Paris, Gallimard, 1970, 276 p.

    GAUCHET Marcel, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985, 306 p.

    GIRARDI Jules, L'athéisme dans la vie et la culture contemporaine, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, 503 p.

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    JASPERS Karl, Introduction à la philosophie, trad. de l'allemand par Jeanne HERSCH, Paris, Plon, 1950, 190 p.

    JEAN-PAUL II, La foi et la raison. Lettre encyclique Fides et Ratio sur les rapports entre la foi et la raison, du 17 septembre 1998, Paris, Centurion/Cerf/Mame, 1998, 143 p.

    LE SENNE René, Introduction à la philosophie, Paris, P.U.F., 1949, Coll. « Logos », 476 p.

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    MARX Karl & ENGELS Friedrich, Sur la religion, Paris, textes traduits et annotés par G. BADIA et alii, Ed. Sociales, 1960, 353 p.

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    PLOUX Jean-Marie, Dieu n'est pas ce que vous croyez !, Paris, Bayard, 2008, 141 p.

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    4. Articles

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    PIETRI Gaston, « L'indifférence religieuse : un aboutissement », in Etudes, octobre 1989, pp. 371-383.

    SALTEL Philippe, « Evolutionnisme et histoire des religions. Analyse de la philosophie de la religion de Jean-Marie Guyau (1855-1888) », in Revue d'histoire et de philosophie religieuses, N° 2, 2008, pp. 173-187.

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    TRAN VAN TOAN, « La critique de la religion par Marx », in Revue philosophique de Louvain, N° 97,1970, pp. 55-78.

    VIEILLARD-BARON Jean-Louis, « La philosophie et la religion », in André JACOB (sous la dir.), Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV : Le discours philosophique, Paris, P.U.F., 1998, pp. 2457-2471.

    5. Dictionnaires et encyclopédies

    HUISMAN Denis (sous la dir.), Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F., 1984.

    JACOB André (sous la dir.), Encyclopédie philosophique universelle, vol. II : Les notions philosophiques, Paris, P.U.F., 1990.

    Encyclopédie philosophique universelle, vol. III : Les oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F., 1992.

    Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV : Le discours philosophique, Paris, P.U.F., 1998.

    LENOIR Frédéric & TARDAN-MASQUELIER Ysé (sous la dir.),

    Encyclopédie des religions, vol. 1 : Histoire, Paris, Bayard, 1997.

    Encyclopédie des religions, vol. 2 : Thèmes, Paris, Bayard, 1997.

    BERSANI Alain (sous la dir.), Encyclopaedia universalis, Paris, Encyclopaedia universalis Editeur, 1996.

    6. Sources électroniques

    - http:// fr. wikipedia. org/wiki/Pens%C3%A9e_h%C3%A9g%C3%A9lienne.

    - http:// fr. wikipedia. org/wiki/Philosophie.

    - http:// fr. wikipedia. org/wiki/Non_religieux.

    - « Hegel, Georg Wilhelm Friedrich ». Microsoft® Études 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.

    - Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2007.

    TABLE DES MATIERES

    Dédicace ............................................................................................................................i

    Remerciements ...................................................................................................................ii

    INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................... 1

    CHAPITRE I : PHILOSOPHIE ET RELIGION ........................................................................... 4

    I.1. Généralités sur la philosophie ...........................................................................................5

    I.1.1. Qu'est-ce que la philosophie ? 5

    I.1.2. L'objet et la méthode de la philosophie . 7

    I.1.3. Le rôle de la philosophie ..... 8

    I.2. De la religion ..................................................................................................................9

    I.2.1. Définition..................................................................................................................... 9

    I.2.2. Les fondements de la religion ........................................................................................12

    I.2.3. Identité et différence entre philosophie et religion............................................................... 13

    I.3. La philosophie de la religion 15

    I.3.1. Définition 15

    I.3.2. La tâche de la philosophie de la religion 16

    I.3.3. La méthode de la philosophie de la religion 17

    CHAPITRE II : LA CONCEPTION HEGELIENNE DE LA RELIGION ........................................... 19

    II.1. Le concept de religion 20

    II.1.1. Définition 20

    II.1.2. Le fondement universel des religions 21

    II.1.3. Représentation religieuse et concept philosophique 22

    II.2. La hiérarchie entre les religions 24

    II.2.1. La religion naturelle 24

    II.2.2. La religion déterminée 26

    II.2.3. La religion accomplie ..................................................................................................28

    II.3. Le sens de l'entreprise hégélienne 29

    II.3.1. Les rapports entre raison et foi 29

    II.3.2. Le sens des preuves de l'existence de Dieu 30

    II.3.3. Religion, philosophie et Etat 33

    CHAPITRE III : APPRECIATION DE LA PENSEE HEGELIENNE ET QUESTIONS RELIGIEUSES EN AFRIQUE NOIRE ............................................................................................................... 35

    III.1. Evaluation critique de la pensée religieuse hégélienne 36

    III.1.1. La critique de la conscience religieuse 36

    III.1.2. La critique thomiste des rapports entre raison et foi 38

    III.1.3. Evaluation critique 40

    III.2. Le Négro-africain est-il homo religiosus ? 41

    III.2.1. Le déni hégélien de toute religion au Négro-africain 41

    III.2.2. Le Négro-africain « incurablement religieux » 42

    III. 2.3. L'état religieux de l'Afrique contemporaine 44

    III.3. L'athéisme négro-africain et ses implications religieuses 45

    III.3.1. L'athéisme dans les religions négro-africaines traditionnelles .............................................46

    III.3.2. Le marxisme face aux religions de l'Afrique contemporaine ................................................47

    III.3.3. Athéisme et indifférence religieuse ...............................................................................48

    CONCLUSION GENERALE ................................................................................................. 50

    Bibliographie.....................................................................................................................53

    Table des matières.............................................................................................................59

    * 1 H. RONDET, Hégélianisme et christianisme. Introduction théologique à l'étude du système hégélien, Paris, P. Lethielleux, Coll. « Théologie, Pastorale et Spiritualité », 1965, p. 51.

    * 2 « Animal religieux ». La traduction est de nous.

    * 3 Cf. CHINDJI-KOULEU, Négritude, philosophie et mondialisation, Yaoundé, CLE, 2001, p. 96.

    * 4 Cf. R. VANCOURT, La pensée religieuse de Hegel, Paris, P.U.F., Coll.  «  Initiation philosophique », 1965, p. 1.

    * 5 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, « La philosophie et la religion », in A. JACOB (sous la dir. de), Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV : Le Discours philosophique, Paris, P.U.F., 1998, p. 2457.

    * 6 L'expression a été accréditée par HEGEL dans son ouvrage Leçons sur la philosophie de la religion. Une longue période de tâtonnement aura été nécessaire pour que la philosophie de la religion se constitue en une discipline spécifique, pourvue d'un objet matériel et d'un objet formel nettement définis. Cependant, il y a une distinction à faire entre philosophie religieuse et philosophie des religions. La philosophie religieuse désigne toute philosophie qui présuppose la révélation qu'elle tient pour vraie et qu'elle traite philosophiquement ; elle peut être soumise à une théologie. On la retrouve chez des philosophes tels Saint Thomas d'Aquin, Averroès, Maimonide, Jacques Maritain, Gabriel Marcel, Teilhard de Chardin, Maurice Nédoncelle, etc. Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2464. La philosophie des religions, quant à elle, s'étend à toutes les religions et les étudie chacune d'une manière particulière en cherchant à savoir les réponses qu'elles apportent aux questions ultimes de l'homme.

    * 7 Cf. J. VIALATOUX, L'intention philosophique, Paris, P.U.F., Coll. « SUP », 1973, pp. 5-22.

    * 8 Cf. J. LEFRANC, « Philosophes et Philosophie », in Encyclopaedia universalis, Corpus 18, Paris, Encyclopaedia universalis, 1996, p. 69.

    * 9 K. JASPERS, Introduction à la philosophie, Paris, Plon, 1950, p. 11.

    * 10 G. W. F. HEGEL, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques, in L. HANSEN-LOVE & F. KHODOSS (sous la dir.), Philosophie : Terminale ES, Paris, Hatier, 1999, p. 488.

    * 11 Cf. Encyclopédie philosophique universelle, vol. II : Les Notions philosophiques, Paris, P.U.F., 1990, p. 1936.

    * 12 K. JASPERS, op. cit. pp. 10-11.

    * 13 Pour ce paragraphe, nous nous sommes inspirés de J. LEFRANC, loc. cit., pp. 70-71.

    * 14 G. W. F. HEGEL, cité par H. NGIMBI NSEKA, Dieu à l'horizon de l'acte philosophique. Propos sur l'argument ontologique et ses conséquences dans la vie spirituelle, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2002, p. 10.

    * 15 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2460.

    * 16 J. VIALATOUX, op. cit., p. 66. C'est nous qui soulignons.

    * 17 O. REBOUL, La philosophie de l'éducation, Paris, P.U.F., 1989, p. 3.

    * 18 K. JASPERS, op. cit., p. 10.

    * 19 A. MEN, Les sources de la religion, trad. de René MARICHAL, Paris, Desclée, 1991, pp. 112-120.

    * 20 Cf. M. AUGÉ, Génie du paganisme, Paris, Gallimard, Coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1982, p. 20.

    * 21 Ibidem, p. 19.

    * 22 J. NABERT, cité par H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 180.

    * 23 Cf. M. AUGÉ, op. cit., pp. 28-29.

    * 24 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2459.

    * 25Le numineux est un néologisme, qui vient du latin numen, « le divin » pour distinguer cette pure émotion d'avec les croyances, les jugements moraux, les spéculations théologiques, associées au concept du sacré. Cf. R. OTTO, Le sacré. L'élément non rationnel dans l'idée du divin et sa relation au rationnel, Paris, Payot, 1949, p. 28.

    * 26 Nous dégageons ici l'idée du sacré en référence à l'ouvrage susmentionné de R. OTTO.

    * 27 M. ELIADE, La nostalgie des origines, Paris, Gallimard, 1970, p. 9.

    * 28 La conception du sacré selon Mircea ELIADE, dans Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1965.

    * 29 E. DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, P.U.F., 1968, p. 51.

    * 30 Cf. E. B. TYLOR, La civilisation primitive, Paris, Reinwald, 1876.

    * 31 R. VANCOURT, op. cit., p. 44.

    * 32 Nous nous sommes largement inspiré de l'ouvrage de R. VANCOURT, op. cit., pp. 43-61.

    * 33 R. LE SENNE, Introduction à la philosophie, Paris, P.U.F., Coll. « Logos », 1949, p. 348.

    * 34 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 2, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1970, p. 218.

    * 35 Ibidem, p. 219.

    * 36 Cf. G. W. F. HEGEL, Esthétique, Paris, P.U.F., Coll. « Les grands textes », 1954, p. 200.

    * 37 G. W. F. HEGEL, cité par E. BRITO, La christologie de Hegel, Paris, Beauchesne, Coll. « Bibliothèque des archives de philosophie », 1983, pp. 251-252.

    * 38 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 186.

    * 39 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1954, pp. 221-222.

    * 40 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 183.

    * 41 Cf. http: //fr. wikipedia. org/wiki/Philosophie.

    * 42 H. DUMERY, Critique et religion. Problèmes de méthode en philosophie de la religion, Paris, SEDES, Coll. « Pensée », 1957, p. 10.

    * 43 ALAIN, Propos sur la religion, Paris, Rieder, 1938, p. 8.

    * 44 Cf. H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 185.

    * 45 R. LE SENNE, op. cit., p. 348.

    * 46 H. DUMERY, op. cit., p. 32.

    * 47 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 185.

    * 48 E. BRITO, op. cit., p.253.

    * 49 H. DUMERY, op. cit., p. 29.

    * 50 Ibidem, p. 222.

    * 51 Dans ces deux derniers paragraphes, nous avons suivi de près Henry DUMERY dans son ouvrage susmentionné.

    * 52 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2465.

    * 53 G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, trad. par J. GIBELIN, Paris, Vrin, 1959, p. 64.

    * 54 Cf. ibidem, p. 63.

    * 55 H. DUMERY, op. cit., p. 231.

    * 56 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. 1, op. cit., p. 194.

    * 57 G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., pp. 76-77.

    * 58 R. VANCOURT, op. cit., pp. 60-61.

    * 59 Ibidem, p. 115.

    * 60 Pour ce paragraphe et celles qui précèdent, nous nous sommes inspirés de R. VANCOURT, op. cit., pp. 114-118.

    * 61 G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 246.

    * 62 Ibidem, p. 70.

    * 63 Cf. E. BRITO, op. cit., p. 247.

    * 64 J.-L. VIEILLARD-BARON, « Philosophie de la religion », in A. JACOB (sous la dir.), Encyclopédie philosophique universelle, vol. III : Les oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F., 1992, p. 1827.

    * 65 G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 105.

    * 66 Ibidem, p. 251.

    * 67 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 115.

    * 68 Pour ce développement sur l'animisme, nous nous sommes inspirés d'E. B. TYLOR, op. cit., pp. 1-20.

    * 69 R. VANCOURT, op. cit., pp. 29-30.

    * 70 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de l'histoire, trad. par K. PAPAIOANNOU, Montréal, Collège Saint-Jean-Vianney, 1965, p. 254.

    * 71 Cf. G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 67.

    * 72 E. BRITO, op. cit., pp. 254-255.

    * 73 G. W. F. HEGEL, cité par R. VANCOURT, op. cit., pp. 31-32.

    * 74 Pour ce paragraphe, cf. ibidem, pp. 35-38.

    * 75 Cf. E. BRITO, op. cit., p. 256.

    * 76 G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 70.

    * 77 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 38.

    * 78 Ibidem, pp. 40-41.

    * 79 Ibidem, p. 107.

    * 80 Ibidem, p. 108.

    * 81 Ibidem, p. 109.

    * 82 G. W. F. HEGEL, Leçons sur l'histoire de la philosophie, op. cit., p. 176.

    * 83 R. VANCOURT, op. cit., p. 111.

    * 84 J.-M. PLOUX, Dieu n'est pas ce que vous croyez ! , Paris, Bayard, 2008, pp. 34-35.

    * 85 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 63.

    * 86 Ibidem, p. 80.

    * 87 G. W. F. HEGEL, Les preuves de l'existence de Dieu, cité par H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 5.

    * 88 Ces autres preuves de l'existence de Dieu chez HEGEL sont : la médiation immédiate, la preuve cosmologique, et l'argument physico-théologique.

    * 89 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 79.

    * 90 Cf. G. W. F. HEGEL, Leçons sur la philosophie de la religion, op. cit., p. 186.

    * 91 Pour rédiger ce paragraphe, nous nous sommes inspirés de R. VANCOURT, op. cit., pp. 3-5.

    * 92 R. VANCOURT, op. cit., p. 78.

    * 93 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 155.

    * 94 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 129.

    * 95 G. W. F. HEGEL, Principes de la philosophie du droit, trad. par A. KAAN, Paris, Gallimard, 1940, p. 269.

    * 96 E. WEIL, Hegel et l'Etat. Cinq conférences, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2002, p. 48.

    * 97 Cf. M. GAUCHET, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985, p. 133.

    * 98 Cf. R. VANCOURT, op. cit., p. 130.

    * 99 Ibidem, p. 131.

    * 100 Cf. TRAN VAN TOAN, «  La critique de la religion par Marx », in Revue philosophique de Louvain, N° 97 (1970), p. 58.

    * 101 A. KOJEVE, Introduction à la lecture de Hegel, cité par TRAN VAN TROAN, loc. cit., p. 65.

    * 102 K. MARX, Manuscrits de 1844, cité par TRAN VAN TROAN, loc. cit., p. 62.

    * 103 Cf. K. MARX & F. ENGELS, Sur la religion, Textes traduits et annotés par G. BADIA et alii, Paris, Editions Sociales, 1968, p. 59.

    * 104 K. MARX, Introduction à la critique de la philosophie du droit chez Hegel, cité par R. COFFY, Dieu des athées : Marx, Sartre, Camus, Paris, Chronique sociale de France, Coll. « Le fond du problème », 1963, pp. 41-42.

    * 105 Cf. V. TONYE BAKOT, « Le défi de la religion », in G. MENDO ZE (sous la dir.), 20 défis pour le millénaire. Bâtir un nouvel humanisme, Paris, François-Xavier de Guibert, 2002, p. 313.

    * 106 K. MARX & F. ENGELS, op. cit., p. 41.

    * 107 Cf. V. TONYE BAKOT, loc. cit., p. 313.

    * 108 R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, Paris, Beauchesne, 1960, p. 14.

    * 109 Cf. JEAN-PAUL II, La foi et la raison, Paris, Centurion/Cerf/Mame, 1998, p. 58.

    * 110 Th. D'AQUIN, Somme théologique, t. 1, q. 2, art. 1.

    * 111 Pour les deux derniers paragraphes, nous nous sommes largement inspirés du syllabus du cours de théodicée de l'Institut Catholique de Toulouse (France). Nous nous contenterons seulement de quelques aspects de la pensée thomiste qui nous permettront de critiquer HEGEL. Pour approfondir les cinq voies, cf. ibidem, art. 2.

    * 112 J. & R. MARITAIN, « L'Homme et l'Etat », in OEuvres complètes, Vol. IX, Fribourg/Paris, Ed. Universitaires/Ed. Saint-Paul, 1990, p. 495.

    * 113 Cf. TRAN VAN TROAN, loc. cit., p. 57.

    * 114 Cf. H. RONDET, op. cit., p. 82.

    * 115 Cf. BENOIT XVI, Sauvés dans l'espérance, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2007, pp. 34-35.

    * 116 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253.

    * 117 Cf. CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 96.

    * 118 HERODOTE, cité par G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253.

    * 119 Cf. CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 96.

    * 120 M. AUGE, op. cit., p. 32.

    * 121 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 255. C'est nous qui soulignons.

    * 122 Cf. M. AHANHANZO GLELE, cité par CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 90.

    * 123 J. KI-ZERBO, « Les religions africaines traditionnelles », in Tradition et modernisme en Afrique noire, cité par S. AZOMBO-MENDA & P. MEYONGO, Précis de philosophie pour l'Afrique, Paris, Nathan, 1981, p. 113.

    * 124 L.-V. THOMAS, cité par CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 92.

    * 125 M. DELAFOSSE, Les civilisations négro-africaines, cité par H. DESCHAMPS, Les religions de l'Afrique noire, Paris, P.U.F., Coll. « Que sais-je ? », 1965, p. 5.

    * 126 A. NDAW, « Dieu en Afrique noire », in F. LENOIR & Y. TARDAN-MASQUELIER (sous la dir.), Encyclopédie des religions, Vol. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 1441.

    * 127 H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 12.

    * 128 A. HAMPATE BA, in Les religions traditionnelles africaines, Rencontres internationales de Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 20.

    * 129 M. J. HERSKOVITS, « Structures des religions africaines », in Colloque sur les religions, Paris, Présence africaine, 1962, p. 72.

    * 130 Cf. J. MBITI, Religions et philosophie africaines, trad. par Christiane LE FORT, Yaoundé, CLE, 1972, p. 266.

    * 131 Cf. Les religions traditionnelles africaines, Rencontres internationales de Bouaké, op. cit., quatrième de couverture.

    * 132 J. MBITI, op. cit., p. 269.

    * 133 Ibidem, p. 280.

    * 134 Cf. E. MESSI METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l'indifférence religieuse et l'incroyance en Afrique noire, Paris/Yaoundé, Karthala/PUCAC, 1997, p. 82.

    * 135 A. NDAW, loc. cit., p. 1443.

    * 136 E. MESSI METOGO, op. cit., p. 45.

    * 137 Cf. M. AUGE, op. cit., p. 123.

    * 138 E. MESSI METOGO, op. cit., pp. 10-11.

    * 139 J.-M. ELA, op. cit., p. 125. Le récit date du début des années soixante dix.

    * 140 E. MESSI METOGO, op. cit., p. 13.

    * 141 Nous reprenons pour l'essentiel la thèse d'Eloi MESSI METOGO dans l'ouvrage susmentionné.

    * 142 S. AZOMBO-MENDA & P. MEYONGO, op. cit., p. 132.

    * 143 Pour ce paragraphe, cf. E. MESSI METOGO, op. cit., pp. 142-143.

    * 144 Cf. E. MESSI METOGO, op. cit., p. 9.

    * 145 Dans ce paragraphe, nous avons suivi Y. LEDURE, «  De l'athéisme à l'indifférence religieuse », in F. LENOIR & Y. TARDAN-MASQUELIER (sous la dir.), Encyclopédie des religions, vol. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 2353.

    * 146 E. MESSI METOGO, op. cit., p. 234.

    * 147 Cf. BENOIT XVI, op. cit., pp. 36-37.

    * 148 Cf. E. MESSI METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique ?, op. cit. . Au terme de ses recherches et enquêtes, l'auteur répond à la question posée par l'affirmatif.

    * 149 Cf. H. NGIMBI NSEKA, op. cit., pp. 12-13.

    * 150 V. TONYE BAKOT, loc. cit., p. 309.






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