Remerciements
Je remercie
mes directeurs de recherche pour leur soutien tout au long de cette
année universitaire calme, ainsi que le personnel de la
bibliothèque, pour leur aide si particulière ...
Je tiens également à exprimer ma gratitude
envers Justine Roland et Frédérique Liévin, pour leur
soutien psychologique, Thomas Gutleben pour son soutien logistique, ainsi que
toute l'équipe de relecture et de correction : Maelle Le
Ligné, Laure Sablayrolles, Laura Jegou, Tom Le Grusse et Damien Troy.
Enfin, je remercie tout l'équipe du foyer d'Histoire
pour son accueil chaleureux et sa bonne humeur tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
Sommaire
Introduction
générale..............................................................................
p 4
I) étude
générales...............................................................................
p 8
Bibliographie...............................................................................
p 9
Historiographie.............................................................................
p 26
Présentation des
sources.................................................................. p
38
Approche
méthodologique................................................................
p 47
Problématique..............................................................................
p 49
II) Etude de
cas...................................................................................
p 50
Introduction.................................................................................
p 51
1) Un domaine
sinistré.....................................................................
p 52
2) Un environnement
réorganisé.........................................................
p 77
3) Un milieu
réformé......................................................................
p 97
Conclusion..............................................................................
p 117
III)
Annexes....................................................................................
p 118
Table des
illustrations............................................................................
p 142
Introduction Générale
Jean Zay est né le 6 août 1904 à
Orléans d'un père juif et d'une mère protestante. Il est
gagné rapidement par la passion de la culture à travers le
domaine littéraire, lieu de vraies réussites pour sa
génération.
Mais face à la tentation d'une carrière
littéraire, l'appel de la politique est trop fort. Il approche
très tôt ce domaine grâce à son père,
directeur du quotidien radical-socialiste local. Il fréquente les
cercles républicains, devient membre de la Ligue des Droits de l'Homme,
responsable de la Ligue de l'enseignement, et entre à la loge
maçonnique en 1926.
En 1928, il devient un avocat aux talents oratoires
reconnus1(*) : sa passion
pour la culture est reflétée dans l'exercice de sa profession.
Néanmoins, il n'en oublie pas pour autant sa vocation politique et met
sa carrière professionnelle au service de son ambition. Ainsi, en
1932, il est élu député d'Orléans,
représentant du parti radical et plus particulièrement des «
Jeunes Turcs » - avec Pierre Cot ou Pierre Mendès France - qui
poussent à gauche le vieux parti des notables. Les élections
législatives d'avril-mai 1936 donnent à la gauche une large
majorité à la chambre parlementaire. Pour la première fois
en France, le gouvernement sera dirigé par un socialiste, Léon
Blum. C'est le début du Front populaire, époque d'espoir dans de
nombreux domaines, mais aussi de désillusions...
Réélu député en 1936, Jean Zay est
choisi par Léon Blum car, selon lui, « il faut un jeune
à l'éducation nationale »2(*). Effectivement, à la
tête de ce ministère auquel est rattaché le
secrétariat des Beaux Arts, Jean Zay devient, à 32 ans, le plus
jeune ministre de la troisième République. Il reste à son
poste sous les divers gouvernements qui se succèdent jusqu'à sa
démission le 2 septembre 19393(*) afin de rejoindre l'armée combattante.
« S`il n` y a pas d'art d'État, l'État
doit faire que l'art touche le plus grand nombre possible de Français
».
Cette phrase est prononcée non pas en 1936, mais en
1951 par André Malraux dans ses Voix du silence publiées
cette même année. Malraux, déjà spectateur en 1936
du mouvement du Front populaire résume la pensée
générale de l'époque d'avant-guerre.
En effet, le gouvernement du Front populaire s'est
attaché à la démocratisation de l'art et à la
popularisation du savoir, exprimées aussi bien par l'action des
différents mouvements associatifs que par les mesures
gouvernementales4(*). Cet
élan collectif fut accompagné par la « défense
de la culture » à travers une politique de la « main
tendue » par les socialistes, thématique antifasciste par
excellence, fortement mobilisatrice. En juin 1937, Georges Huisman, directeur
général des Beaux-arts sous le gouvernement d'Edouart Daladier
rappelle dans la revue Europe la nécessité de « faire
pénétrer la culture artistique et technique dans les foules
populaires qui en furent trop ou longtemps privées ».
Cependant, en complément de la philosophie du mouvement
du Front populaire, il ne serait pas pensable de tenter d'expliquer l'action de
Jean Zay sans la replacer à travers l'idée qu'il a lui-même
de l'action politique.
« Pour Jean Zay, la République repose
avant tout sur le civisme et l'intelligence des citoyens, c'est-à-dire
sur leur éducation intellectuelle et morale. [...] Contre la
conservation sociale, mais aussi contre les utopies révolutionnaires, la
politique est ce mouvement par lequel l'humanité s'approfondit et
devient en quelque sorte plus digne d'elle-même.»5(*)
Dès sa majorité, en effet, il estime que
« l'intellectuel ne peut pas ne pas prendre parti dans la
controverse qui chaque jour sur le forum dresse les citoyens les uns contre les
autres »7(*) Ainsi, homme d'action ayant «la passion de
tous les arts » 8(*), Jean Zay mène de nombreuses initiatives
innovantes - mais lourdement critiquées car en adéquation avec
ses valeurs politiques - dans tous les domaines culturels, en prenant en compte
les arts anciens - littérature, sculptures, architecture - comme les
arts émergents - cinéma, nouveaux médias.
Ces initiatives composent une réponse au rude
contexte culturel auquel fait face le ministre lors de sa prise de fonction.
En effet, la crise économique générale et
ses répercussions néfastes donnent au tableau du monde culturel,
vers 1936, ses couleurs les plus sombres.
En plus de celle-ci, de nouveaux modèles culturels
à travers les États-Unis ou l'Union Soviétique font de
l`ombre aux vieilles cultures européennes et un fort volontarisme
culturel venant des pays autoritaires étrangers met à mal le
rayonnement français.
Enfin, l'Europe est en retard dans la prise en
considération des nouvelles technologies telles que le disque
phonographique et la radio diffusion qui modifient considérablement le
domaine culturel à l`époque.
La radio a néanmoins un rôle primordial pour le
Front populaire. C'est à l'antenne de « Radio Paris » que
Maurice Thorez, le 17 avril 1936, prononce son discours historique de la «
main tendue », accompagné de slogans classiques tel que «
pain, paix, liberté » et évoquant la réconciliation
du peuple de France derrière la campagne électorale
amorcée qui fait un usage actif de la T.S.F.
L'utilisation de ce média de masse a une profonde
importance dans tout un pan de l'action culturelle du gouvernement et Jean Zay
utilise efficacement ce moyen de communication, tout comme ses retombées
économiques nouvelles. « La radio est le plus récent des
moyens d'expression modernes et est arrivée au monde toute nue sans
répertoires et sans artistes. [...] Elle puise largement dans la
richesse artistique du pays telle qu'elle l'a trouvée»9(*). Ainsi, celui-ci pallie le
manque de budget des Beaux Arts en prélevant du budget de la radio -
relevant du ministère de La Poste - un crédit pour subventionner
les théâtres et concerts indépendants.
Malgré ce point positif, la radio reste une
sévère concurrence aux spectacles plus traditionnels.
Ces nouveaux médias sont accompagnés par une
crise culturelle spécifique aux années trente due aux
répercussions de la crise économique. Que le cinéma
lui-même dans une conjoncture techniquement florissante - avec
l'avènement du cinéma parlant - n'a pas complètement
réussi à échapper aux difficultés
économiques est déjà un signe.
La production nationale baisse quantitativement : de 156 films
en 1933, elle est passée à 128 en 1935, le chômage augmente
et les salles sont fragilisées par une baisse du public10(*).
Hors du cinéma, la crise est encore plus brutale : avec
un franc surévalué depuis 1931, toute l'exportation
française se trouve pénalisée. Dans le monde du spectacle,
la semaine de 40h par la loi de 1919 ne se met pas en place et les travailleurs
intellectuels sont fortement touchés ou menacés par le
chômage.
C'est dans ce contexte de crise culturelle que Jean Zay n'a
de cesse de mettre en oeuvre une politique dynamique. Concernant les
musées et le patrimoine, il renforce les mesures de protection des
bâtiments, créé le musée d'art moderne et celui des
arts traditionnels et populaires. Le théâtre voit ses subventions
augmenter et connait une réunion des théâtres nationaux
permettant d`insuffler un renouveau national.
Quant au septième art, il n'est pas en manque avec le
lancement d'une profonde réforme qui aurait du permettre
l`assainissement de certaines de ses sections - comme le milieu de la
production - une professionnalisation, un meilleur soutien de l`Etat. Le
ministre jette également les bases d'une définition légale
du droit d'auteur. Il porte notamment un regard particulier sur l'Art en
permettant la prise en compte de l'art moderne accompagné par une
valorisation des artistes.
Malgré toutes ces idées, rares sont celles qui
voient réellement le jour et aboutissent vu le manque de temps, de
moyens financiers et de volonté politique autre que celle d'un seul
homme et de sa petite équipe. Mais, la mise en oeuvre de ces mesures,
avec une vue d'ensemble, reflète pour certains les prémices d'une
réelle politique culturelle. De fait, le côté visionnaire
de Jean Zay s'est illustré à travers la
récupération de ses projets par différents gouvernements
tels que Vichy qui reprendra son statut sur le cinéma ou encore Malraux
qui a continué sa logique environnementaliste en ce qui concernant la
prise en compte du patrimoine. C'est à travers cet aspect visionnaire
que j'ai choisi ce sujet qui plus est en rapport direct avec mes motivations
professionnelles. En effet, j'ai toujours été
intéressée par le monde culturel et notamment le septième
art, d`où l`intérêt pour mon étude de cas qui
portera sur la réforme du domaine du cinéma que prévoyait
Jean Zay.
De plus, même si le milieu de la recherche ne me
déplait pas, j'aimerais vivement l'an prochain intégrer un master
professionnel ayant trait au domaine de la gestion, de l'administration
culturelle.
I
Etudes générales
Bibliographie
I) Sur mon sujet
1) Ouvrages généraux sur l'Histoire culturelle
du Xxème siècle
1.1) Ouvrages sur les relations entre l'Etat et la culture
au vingtième siècle.
Dubois V., La politique culturelle : genèse d'une
catégorie d'intervention publique, Belin, Paris, 1999.
Ce livre est la synthèse de la thèse que
l'auteur a soutenue en 1994. Il tâche d'élucider la genèse
de « la formation de la culture comme catégorie d'intervention
publique en France » (p. 8). Il s'agit donc d'éclairer non
seulement la manière dont la culture est construite comme objet de
politiques publiques, mais aussi les conditions historiques
particulières (structuration du champ artistique, rapport entre l'Art et
l'État, configurations institutionnelles) qui ont rendu pensable et
possible une telle élaboration de la politique culturelle comme
catégorie légitime d'action publique. À ce titre, l'auteur
se questionne sur la période du Front Populaire afin de savoir si les
actions culturelles entreprises par ce gouvernement constituent le début
d'une réelle politique culturelle.
.
Fumaroli M., L'État culturel : une religion
moderne, Librairie générale française, Paris,1992.
Sous la direction de Gentil G. et Poirrier P., La
politique culturelle en débat : anthologie, 1955-2005 la
Documentation française, Paris, Comité d'histoire du
Ministère de la culture, 2006.
Ce livre est une sélection des textes
emblématiques ayant pour thème la politique culturelle mise en
oeuvre par l'État depuis la création du ministère de la
Culture jusqu'à nos jours, avec une décentralisation de plus en
plus forte. Cet ouvrage, avec une forte perspective chronologique,
reflète l'influence des mesures culturelles mises en place sous le Front
populaire sur les politiques culturelles effectuées au cours du dernier
demi-siècle.
Sous la direction de Girard A. et Gentil G, Les Affaires
culturelles au temps d'André Malraux, 1959-1969, Paris, La
Documentation française, 1996.
Ory P, « L'État et la culture, de la
Révolution à 1959 » dans Perret Jacques et Saez Guy (dir.),
Institutions et vie culturelles, Paris, La Documentation
française, 1996.
Poirrier P., L'État et la culture en France au XXe
siècle, Librairie générale française, Paris,
2006.
Cet ouvrage revisite l'idée commune de la forte
implication de l'État dans les domaines culturels qui est souvent
présentée comme une singularité française. L'auteur
propose une synthèse qui permet de comprendre les principales ruptures
qui ordonnent cette histoire sans négliger la continuité. Ainsi,
Philippe Poirrier retrace les jalons et les bilans successifs de la prise en
compte -du temps du Front populaire- et de la prise en charge de la culture par
l'État.
Sous la direction de Saez G., Institutions et vie
culturelles, la Documentation française, Paris, 2005.
Urfalino P., L'invention de la politique culturelle,
Hachette Littératures, Paris, 2004.
L'auteur, dans cet ouvrage, retrace l'histoire à la
fois intellectuelle, administrative et politique, qui permet de mieux cerner la
singularité de ce que nous entendons intuitivement en France par
«politique culturelle». Celle-ci ne se réduit pas à une
addition de politiques publiques de la culture, qui l'ont
précédée et qui lui survivront. Elle suppose au moins une
«philosophie d'action» prêtant un sens et quelques
finalités à un ensemble de mesures. Trois de ces
« philosophies » se sont succédé rue de
Valois en une trentaine d'années depuis que le Ministère de la
Culture a été créée, philosophies qui nous
permettent de voir en quoi les actions initiées au temps du Front
populaire ont été reprises, continuées voir
renforcées dans certaines domaines.
Urfalino P., «L'histoire de la politique
culturelle », article tiré de Pour une histoire
culturelle, sous la direction de Rioux et Sirinelli J-F., p 311 à
324.
Philippe Urfalino expose ici différentes approches de
l'étude de la politique culturelle et de sa mise en place, l`auteur
faisant remarquer au passage que cette notion est souvent antérieure aux
structures administratives et politiques. Ainsi, cet article complète
parfaitement l'ouvrage mentionné plus haut de Vincent Dubois.
Sous la direction de Waresquiel E. avec l'aide du
Comité d'histoire du ministère de la Culture, Dictionnaire
des politiques culturelles de la France depuis 1959, Larousse, CNRS
Editions, Paris, 2001.
A l'heure où la culture s'est implantée dans la
vie publique et politique, ce dictionnaire monumental -110 auteurs historiens
ou non, 340 articles très denses avec présentation
précises de domaines, secteurs, lieux, acteurs de la culture- est le
bienvenu. Soutenu par le comité d'histoire du ministère de la
culture, il comporte de nombreuses entrées par mots clés
renvoyant à des thématiques voisines et à une
bibliographie pointue et éclairée sur les sujets particuliers,
accompagnés en annexes par les textes les plus symboliques
évoquant la politique culturelle.
1.2) Ouvrages sur l'historiographie de l'Histoire
culturelle
Chartier R., «Histoire intellectuelle et histoire des
mentalités. Trajectoire et question », Revue de
synthèse n° 111, 1983, p 277 à 307.
Dubois V., «Politiques culturelles et polémiques
médiatiques, lectures croisées en guise
d'introduction », article tiré de Politix, 1993, vol
n°6, n° 24, p 5 à 19.
Graziani S., « La politique culturelle comme objet de
recherche », Quaderni, 2004, vol 54, pp 5-13.
Ory P., «L'histoire culturelle de la France
contemporaine, question et questionnement », article tiré de
20ème siècle revue d'histoire, 1987, vol 16 n°1, p
67 à 82.
Cet article central de Pascal Ory constitue une mise au point
sur le regard de l'historien face à l'histoire culturelle.
Définition de celle-ci, pratiques de l'historien, mais aussi approches
disciplinaires différentes sont détaillées avec soin pour
éclairer le champ de recherche de l'histoire culturelle.
Poirrier P., Les enjeux de l'histoire culturelle,
Éd. du Seuil, Paris, 2004
L'histoire culturelle émerge comme
méthode historique mais suscite encore de nombreuses réticences.
L'ouvrage de Philippe Poirrier tente donc de faire le point sur cette notion
multiforme à travers l'adoption d'une démarche objective qui se
veut la plus exhaustive possible pour aborder les divers domaines de l'histoire
culturelle entre l`étude des modalités d`émergence de
cette notion, des «territoires fondateurs » et
l`étude transversale envers les autres disciplines
Poirrier P., L'histoire culturelle : un "tournant mondial"
dans l'historiographie ?, Éd. universitaires de Dijon, Dijon,
2008.
Poirrier P., «L'histoire des politiques culturelles : un
territoire pour l'historien », article tiré de
Bibliographie de l'histoire des politiques culturelles : France, XIXe-XXe
siècles, Poirrier P., Comité d'histoire du Ministère
de la culture, Paris, 1999, p7 à 27.
Philippe Poirrier dans cet article synthétise parfaite
la justification du rôle de l'historien envers la prise en compte et
l'expansion de l'étude de l'histoire des politiques culturelles. Du
temps des essayistes au temps de l'institutionnalisation en passant par les
enjeux disciplinaire, il fait un état des lieux efficace de la
question.
Prost A, «Sociale et culturelle
indissociablement », article tiré de Pour une histoire
culturelle sous la direction de Rioux J-P., Sirinelli J-F. Éd. Du
Seuil, Paris, 1997, p131 à 146.
Cet article d'Antoine Prost évoque le rapprochement
entre histoire culturelle et sociale, ou comment la première s'est
inspirée et nourrie de la seconde afin de trouver sa propre
originalité, à travers ses propres objets et méthodes de
travail.
Sous la direction Sirinelli J.F, et Sot M., «L'histoire
culturelle«, article tiré de L'histoire et le métier
d'historien en France : 1945-1995, Ed. de la Maison des sciences de
l'homme, Paris, 1997, p 339-349.
Urfalino P., « L'histoire culturelle : programme de
recherche ou grand chantier ? » Article tiré de
20ème siècle revue d'histoire, janvier - mars n°
57, 1998, p115 à 120.
2) Ouvrages généraux sur la politique
française des années 1930
2.1) Ouvrages sur la Troisième République
Borne D., Nouvelle histoire de la France contemporaine,
vol 13, la crise des années 30 1929-1938, éditions du
Seuil, Paris, 1989.
Crise, réactions politiques face à celle-ci,
histoire du Front populaire et évolution de la société
française : tout cela est parfaitement résumés dans
ce livre de synthèse, treizième volume d'une collection
dirigé par Dominique Borne et qui propose un point de vue nouveau via 21
historiens retraçant l'histoire de la France contemporaine.
Bonnefous E., Histoire politique de la troisième
République. Tome sixième. Vers la guerre ; du Front
populaire à la conférence de Munich, Presses universitaires
de France, Paris, 1965.
Chastenel J., Histoire de la troisième
république volume 6, éditions Hachette, Paris, 1974.
Delporte C., La Troisième république, volume
3 1919-1940 : de Pointcarré à Paul Reynaud,
éditions Pygmalion, Paris, 1998.
Siegfried A., De la IIIe à la IV e
République, Grasset, Paris, 1956.
Weber E., La France des années 30 : tourments et
perplexités, éditions Fayard, Paris, 1994.
Cet ouvrage se propose de butiner tous les faits et gestes des
français lors des années 1930 et dépend une couleur
sombre qui entouré la population de l'époque. Même si le
livre s'attarde peu sur l'évolution des structures et des institutions
de l'époque, il permet d'illustrer concrètement le contexte de
crise dont cette décennie s'est emparée.
2.2) Ouvrages sur l'histoire de la gauche dans les
années 1930
Berstein S., « La nature du radicalisme dans la
France de l'entre-deux-guerres », dans Berstein S. et Ruby M.,
(dir.), Un siècle de radicalisme, coll. Histoire et
civilisations, Presses universitaires Septentrion, 2004.
Becker JJ, Candar G., Histoire des gauches en France,
Volume 2 : XXe siècle à l'épreuve de l'histoire,
édition La découverte, Paris, 2005.
Somme de 80 contributions, répartis sur deux volumes,
cette ouvrage fait le point synthétique sur l'histoire du mouvement
politique de gauche, son identité, sa diversité des courants et
de ses formations politiques qui se sont réclamés d'elle, parfois
en quête d'unité, souvent en cultivant leurs différences,
en plus d'analyser les valeurs, les traditions, les références,
les comportements et les sociabilités des hommes et des femmes de
gauche.
Gogel F., la politique des partis sous la IIIe
république, le Seuil, Paris, 1958.
Lefranc G, Les gauches en France : 1789-1972,
éditions Payot, Paris, 1973.
3) Ouvrages sur le Front populaire
3.1) Ouvrages généraux
Delperrié de Bayac J., Histoire du Front
populaire, éditions Fayard, 1972.
Kergoat J., La France du Front populaire,
éditions La Découverte, Paris, 2003.
Lefranc G., Histoire du Front populaire 1934-1938,
éditions Payot, Paris, 1974.
Margairaz M, et Tartakowsky D., L'avenir nous
appartient ! Une histoire du front populaire, éditions
Larousse, Paris, 2006.
Wolikow S. Le Front populaire en France,
Éditions Complexe, Paris, 1996.
De façon vivante, ce livre retrace les
différentes dimensions du Front populaire en s'attachant au contexte qui
l'a vu naitre. Les réalisations et les difficultés, les espoirs
comme les désillusions dans de nombreux domaines ne sont pas
ignorés dans cet excellent ouvrage de synthèse.
3.2) Ouvrages sur les mesures culturelles prises par le
gouvernement du Front populaire
Ory P, La belle illusion, culture et politique sous le
signe du Front Populaire, 1935-1938, éditions Plon, Paris, 1994.
Cette thèse d'État, véritable symbole de
l'Histoire culturelle touche directement tout ce qui a trait à la
culture et au Front populaire. Pascal Ory décortique le programme,
l'action et les conséquences de la politique du gouvernement socialiste
en matière de culture. On trouve bien évidemment dans cet ouvrage
des traces des projets de Jean Zay et son action politique, mais peu de
détails.
Ory P. «la politique culturelle avant la lettre : trois
lignes françaises, de la révolution au Front
Populaire », sous la direction de Moulin R., Sociologie de
l'art, L'Harmattan, Paris, 1999.
Cet article met en lumière, un peu caricaturalement, la
politique culturelle du Front populaire sous différentes lignes de
conduite politiques : le gouvernement a appliqué une ligne
libérale (projet de loi sur le droit d'auteur visant à renforcer
les droits de celui-ci face à son éditeur) et
démocratique, sans pour autant oublier quelques principes forts
d'autorité rappelant la monarchie ( renforcement de l'autorité
directoriale avec l'appel d'éléments extérieurs concernant
la réforme de la Comédie Française).
Ory P. « L'action culturelle du Front populaire »,
Les Cahiers de l'animation, 1981, no 32, p. 17-27.
Prost A., Autour du Front populaire aspects du mouvement
social au XXe siècle, éditions du Seuil, Paris, 2006.
Sous la direction de Rioux J-P, Le Front populaire,
éditions Tallandier, Paris, 2006.
A l'occasion des 70 ans du Front populaire, Jean Pierre Rioux
a regroupé différents articles de la décennie
précédente évoquant cet évènement historique
dans toute sa dimension politique, économique, sociale et culturelle.
3.3) Ouvrages sur les Beaux Arts sous la IIIe
République et le Front populaire
Alain, «Système des Beaux arts », in
Les arts et les dieux, Pléiade, édition Gallimard,
Paris, 1958.
Durupty M., L'Etat et les Beaux arts, thèse,
Bordeaux 1964.
Genet-Delacroix -M.C, Arts et État sous la IIIe
République : le système des beaux-arts : 1870-1940,
Publications de la Sorbonne, Paris, 1992.
L'Etat a depuis toujours entretenu avec l'art un rapport
privilégié. Mais l'Etat républicain se veut respectueux de
la liberté de la création -artistique et intellectuelle- :
peut-t-il avoir une politique de l'art, voire une esthétique qui inspire
son mécénat ? C'est à travers cette interrogation que
l'auteur décortique le fonctionnement institutionnel, les moyens et les
actions des Beaux-arts, très « impérial »
sous la IIIe République.
Genet-Delacroix M.C, « Le Conseil supérieur des
Beaux-arts : histoire et fonctions, 1875-1940 », Le Mouvement
social, 1993, no 163
Genet-Delacroix M.C, « La richesse des Beaux- Arts
républicains » dans Rioux Jean-Pierre et sirinelli Jean-
François (dir.), Pour une histoire culturelle, Paris, Seuil,
1997
Hautecoeur L., Les beaux arts en France,
éditions Picard, Paris, 1948.
Laurent J., La République et les Beaux-Arts,
édition Julliard, Paris, 1955.
Laurent J., Arts et pouvoirs en France : de 1793 à
1981, histoire d'une démission artistique, CIEREC,
Saint-Étienne, 1983.
À contrario du précédent ouvrage,
celui-ci constitue une critique véhémente envers le
système des Beaux-arts. L'auteur critique l`archaïsme et la
tyrannie de cette institution sur l'art moderne qui n'a pu se développer
selon elle dans sa plus grande liberté.
Monnier G., L'art et ses institutions en France : de la
Révolution à nos jours, Gallimard, Paris, 1995
3.4) Ouvrages sur Jean Zay, ses idées politiques et
ses projets
Abdi N., droit d'auteur : Jean Zay le visionnaire,
libération.fr, article datant du 23 Juillet 2009.
Aguinalin P-O. maîtrise sous la direction d`Antoine
Prost, « le barreau au service d'une ambition politique :
maître Jean Zay à Orléans dans les années
trente », Paris, 2000.
Bersntein S., les radicaux, in Becker J-J., Candar G.,
Histoire des gauches en France. Volume 2 . XXe siècle, à
l'épreuve de l'histoire, la Découverte, Paris,
2005.
Grisard E., sous la direction de Halperin J.-L., La
société des gens de lettres sous le front populaire et le projet
de loi du ministre Jean Zay sur le droit d'auteur et le contrat
d'édition, Lyon, 1995.
Peyrouzere F., sous la direction de Monnier G., Le
musée en partage : État et musée sous le ministère
Jean Zay (1936-1939), Paris, 1999.
Prost A. (dir.), Jean Zay et la gauche du
radicalisme, Presses de Sciences Po, Paris, 2003.
Aujourd'hui que le radicalisme est en passe de
disparaître de l'échiquier politique français, il est
particulièrement important de rappeler le rôle de premier plan
qu'il a joué dans l'édification de la démocratie
française. Le recueil d'articles publié sous la direction
d'Antoine Prost, révoquant les images d'Épinal et les vulgates,
fait apparaître le radicalisme de l'entre-deux-guerres sous un jour
renouvelé. La troisième partie de l'ouvrage touche directement le
thème de ma recherche en mettant en lumière la figure de Jean Zay
qui est, selon Antoine Prost, la « figure emblématique d'une gauche
authentique ». De fait, on y retrouve son parcours politique, ses
idées et son rôle majeur au sein du Parti radical.
Prost A., Jean Zay, in Sirinelli J-F, Dictionnaire
historique de la vie politique française au XXe siècle,
PUF, Paris, 1995.
Ruby M., la vie et l'oeuvre de Jean Zay, Librairie
gedalge, Paris, 1969.
Cette thèse, éditée en 1969, est la seule
et unique biographie complète sur Jean Zay. De ses premières
années en politique à son avènement à la tête
du ministère de l'Éducation jusqu'à ses années
d'emprisonnements et sa mort, Marcel Ruby retrace sa vie. Malheureusement, son
rôle et ses actions à la tête du secrétariat des
beaux arts se sont décrits que dans une partie assez minime du livre.
Le Front populaire et l'art moderne : hommage à
Jean Zay, catalogue de l'exposition au Musée des beaux-arts du 11
mars au 31 mai 1995, Orléans 1995.
II) Ouvrages sur mon étude de cas :
L'action de Jean Zay
dans le domaine cinématographique
1) Ouvrages sur l'approche méthodologique de
l'Histoire du cinéma et son historiographie
Benghozi J-P, Delage C., « Regards
croisés sur l'histoire économique du cinéma
français », Vingtième siècle revue
d'histoire n°51, 1996, p144 à 146.
Choukroun J., « Pour une histoire économique
du cinéma français », vingtième
siècle, revue d'histoire, n°46, 1995, p 176 à 182.
Cet article détaille l'évolution de
l'intérêt des chercheurs historiens envers l'histoire
économique du cinéma. à cause d'un manque certains de
sources, les études sont assez faibles sur ce thème. On retrouve
des fragments de cette histoire économique dans certaines thèses
ou travaux retraçant la vie économique de certains studios, ou
encore l'exploitation économique d'un film accompagné par une
focalisation excessive sur un secteur de l'industrie : la production de
films. L'auteur termine en soutenant que l'étude de l'histoire du
cinéma est un chantier à peine ouvert pour les historiens.
Lagny M., De l'histoire du cinéma, méthode
historique et histoire du cinéma, éditions Armand Colin,
Paris, 1992.
Pithon R., « Cinéma et histoire :
bilan historiographique », Vingtième siècle revue
d'histoire n°46, 1995, p 5 à 13.
2) Ouvrages sur le droit cinématographique
Douin J-L, Dictionnaire de la censure, éditions
PUF, Paris, 1998.
Forest C., Les dernières séances : cent
ans d'exploitation des salles de cinéma, édition du CNRS,
Paris, 1995.
Afin d'essayer de comprendre la place que pourrait continuer
à occuper dans nos cités le cinéma, le présent
ouvrage fait le point sur les forces et les faiblesses de l'exploitation des
salles en France après nous en avoir présenté le panorama
historique, avec à l'appui témoignage face à la crise des
années trente et les statistiques de l'exploitation des films de
l'époque.
Gilles P-L, la contribution du régime de Vichy au
statut juridique contemporain du cinéma français,
Thèse imprimée, université des sciences sociales,
Toulouse, 2003.
Lyon-Caen G., Traité théorique et pratique du
droit du cinéma français, Librairie général du
Droit et de la jurisprudence, Paris, 1950.
Ces deux tomes constituent une base juridique essentielle,
même si ce travail semble dater. L'auteur fait le point sur un contenu
juridique devenu assez vite très riche entre les années 1940 et
1950. Le droit cinématographique s'est construit sur tous les
terrains : droit commercial pour l'exploitation d'un film, droit public et
administratif pour l'intérêt que porte nécessairement
l'Etat au 7ème art, droit fiscal pour les taxes face aux spectacles ou
encore droit international, illustrant la facilité de transport et
d'exploitation du film au delà des frontières où il est
nait.
MAAREK P-J., La censure cinématographique,
Librairies Techniques, Paris, 1982.
Montagne A., Histoire juridique des interdits
cinématographiques en France (1909-2001), éditions
l'Harmattan, Paris, 2007.
Censures économiques, politiques, religieuses, groupe
de pression privés et publics, toute cette montagne d'interdit
écrasant les films est détaillée dans cet ouvrage
permettant d'éclaircir les textes juridiques et jurisprudentiels
produits par les institutions et qui ne cessent de frapper le film, en partant
de la circulaire de 1909 jusqu'à l'aube du XXI e siècle. Pour ce
qui est de la période des années 1930, et notamment la
période du Front populaire, la censure est présente mais peu
active...
Raynal J., Le droit du cinéma, Colin, Paris,
1962.
Valter G, Le régime de l'organisation
professionnelle de la cinématographie : du corporatisme au régime
administratif, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, Paris, 1969.
3) Ouvrages et articles généraux sur
l'histoire économique du cinéma
Bardèche M et Brasillach R, histoire du
Cinéma, tome II « Le cinéma parlant »,
Livre de poche, Paris, 1966.
Benghozi J-P, « Stratégie individuelle
ou mimétisme. L'organisation des studios de cinéma »,
Vingtième siècle revue d'histoire, n°46, 1995, p 84 à
97.
Jean Pierre Benghozi dans cet article relate
l'évolution de l'organisation des studios de cinéma en expliquant
la mutation de ces structures face à la révolution du parlant et
à l'évolution de la technologie. Concernant mon étude de
cas, cet article a été fort utile pour avoir un aperçu du
fonctionnement des studios dans les années trente et leur tentative de
renouveau face à la crise.
Benghozi J-P, Delage C., Une histoire économique du
cinéma français 1895-1995, L'harmattan, Paris, 1997.
Cet excellent livre est la retranscription des actes d'un
colloque qui, selon Pascal Ory dans la préface, « fera date
dans l'historiographie ». En effet cet ouvrage a pour but de
rééquilibrer l'histoire du 7ème art, trop souvent
axé selon les auteurs sur l'histoire esthétique. S'ensuit donc
des articles fructueux des principaux historiens spécialiste de
l'économie du cinéma (Benghizi J-P, Delage C., Choukroun J. etc)
sur certains pans du domaine cinématographique tel que l'histoire
économique des studios, de la technique, des corporations etc.
Bonnel R., la vingt cinquième image : une
économie de l'audiovisuel, éditions Gallimard, 2006.
Creton L., « Retour sur les origines du
système d'aide à la production cinématographique en
France », Quaderni n°54, 2004, p109 à118.
Cet article forme une bonne synthèse de l'histoire de
l'institutionnalisation de l'aide de l'Etat envers le 7ème art, fort
utile pour une mise en contexte générale de mon étude de
cas. Celle ci commence dés les années trente par quelques mesures
et crédits pour enfin aboutir quelques années après
à la création du CNC et à une véritable politique
de soutien au domaine cinématographique
Garçon F., La distribution cinématographique
en France, 1907-1957, éditions du CNRS, Paris 2006.
Hamelin H., L'industrie du cinéma,
Société Nouvelle Mercure, Paris, 1954.
Leveratto J-M, « Histoire du cinéma et
expertise culturelle », Politix vol 16, 2003.
Virenque A., Industrie cinématographique
française, Presse Universitaire de France, Paris, 1990.
4) Ouvrages sur l'histoire politique du cinéma
Bimbenet J., Film et histoire, Edition Armand Colin,
Paris, 2007.
Jérôme Bimbenet nous propose ici une
synthèse chronologique et cognitive sur la naissance, le
développement et l'enracinement de la propagande auxquels le
cinéma a largement contribué au XXe siècle. Il y traite de
la représentation du pouvoir et de l'interaction entre film et histoire.
Fort intéressant dans le cas du Front Populaire, auquel de nombreux
réalisateurs ont adhéré tel que Renoir, qui a su se mettre
en valeur via le cinéma.
Dubois R., Une histoire politique du
cinéma : Etats-Unis, Europe, URSS, éditions Sulliver,
Arles, 2007.
Sadoul G., histoire générale du
cinéma, éditions Denoel, 1951
Vernier J-M., l'Etat français à la recherche
d'une politique culturelle du cinéma : de son invention à sa
dissolution gestionnaire, article paru dans Quaderni n°54,
printemps 2004, vol 54, n°1, p 95 à 108.
Jean Marc Vernier retrace l'évolution des rapports
qu'ont entretenus l'Etat français et le domaine cinématographique
français. En passant par les prémices d'une politique de soutien
au cinéma sous la IIIème République, jusqu'à
l'institutionnalisation de la culture et bien plus,
Vernier J-M « Avant-propos : la boîte à
outils de la politique cinématographique ». Quaderni. N. 54,
Printemps 2004. Cinéma français et État : un modèle
en question. pp. 65-66.
« La politique du
cinéma », Politix. Vol.16, n°61.
Premier trimestre 2003. pp. 51-80
5) Ouvrage sur l'histoire de la politique
cinématographique de la IIIème République jusqu'à
la Libération
Darmon P., Le monde du cinéma sous l'occupation,
éditions stock, Paris, 1997.
Garçon F., De Blum à Pétain :
cinéma français et société française
(1936-1944), Edition du Cerf, Paris, 2008.
Ce livre traite principalement du secteur
cinématographique et des films de fiction réalisés en
France de 1936 à 1944. L'exploration de la matrice de leur conception et
de leur accueil renseigne sur la fabrique sociale dont ils sont issus et
l'idéologie qu'ils véhiculent, à savoir une banalisation
de l'antisémitisme et de l'anglophobie avant la guerre et une
imprégnation fascisante à partir de 1943. à travers cette
étude, il apporte certains renseignements non négligeable sur le
contexte de l'institutionnalisation et le contrôle de l'Etat sur ces
films.
Guillaume Grimaud G., le cinéma du Front populaire,
éditions Lherminier, Paris, 1896.
Dans cet ouvrage, Geneviève Guillaume Grimaud fait le
point sur l'état du cinéma durant la période du Front
populaire à travers ses problèmes économiques et la
situation de l'industrie cinématographique, ses acteurs -syndicats,
producteurs, distributeurs etc- et les films, symboles d'un
évènement politique qui a aussi touché le grand
écran.
Jeannes R., Ford C., Histoire encyclopédique du
cinéma, volume 4, le cinéma parlant : 1929-1945,
éditions Laffont, Paris, 1958.
Jeancolas J.P, Le cinéma des français :
15 ans d'années trente : 1929-1944, éditions Stock,
Paris, 1983.
Les films ne sont pas seulement des fictions : ils esquissent
une autre histoire de la France et des Français. Et dans cette
période si mouvementée, qui voit à la fois la
montée des fascismes, le Front Populaire et l'Occupation, le
cinéma devient parlant et le réalisme poétique s'affirme.
Dans cet essai longtemps indisponible qui compte parmi les grands classiques du
genre, Jean-Pierre Jeancolas montre, que les années trente sont les plus
brillantes du cinéma français et que leurs auteurs prestigieux
(Clair, Duvivier, Renoir, Carné...) et leurs acteurs mythiques (Gabin,
Raimu, Michèle Morgan...) en ont marqué l'histoire.
Leglise P., Histoire de la politique du cinéma
français, le cinéma et la Troisième
République, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, Paris, 1970.
Cet ouvrage, extrêmement difficile à trouver,
retrace l'histoire de la politique du cinéma sous la Troisième
république, en évoquant la crise économique qui touche ce
domaine et les tentatives de l'Etat afin de venir en aide au milieu. Avec en
annexes, le projet de loi du Statut de Jean Zay, il est l'une des
références sur le sujet de mon étude de cas.
Leglise P., Histoire de la politique du cinéma
français, le cinéma entre deux républiques, 1940-1946,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris,
1977.
Mitry J., Histoire du cinéma, volume 4, les
années 30, éditions universitaires, Paris, 1980.
6) Ouvrages sur la création du Festival de
Cannes
Bessy M., Cannes : trente-cinq ans,
édité par le Festival de Cannes, Paris, 1982.
Billard P, D'or et de palmes, le festival de Cannes,
éditions Gallimard, Paris, 1997.
Philippe C-J, Cannes, le Festival, éditions
Nathan, Paris, 1987.
Planel A, Quarante Ans de Festival, Londreys, Paris,
1987.
Latil L., Le festival de Cannes sur la scène
internationale, éditions Nouveau monde, Paris, 2005.
Ce livre, loin des paillettes du festival, trace le portrait
politique de l'histoire du festival, de sa création mouvementée
à son ère la plus récente et propice. Le Festival,
c'est-à-dire le cinéma, affronte ici de manière quasi
permanente les vicissitudes mondiales, ruse avec les traquenards diplomatiques,
contourne les explosions de mécontentement, triomphe lorsque la partie
semble compromise. Concernant mon étude de cas, Loredana Latil
évoque parfaitement la naissance du festival, idée de Jean Zay
afin de concurrencer la Biennale de Venise et de redorer le blason du milieu
cinématographique français.
Historiographie
« L'Histoire culturelle, bruit de mille
nouveautés, s'annonce comme l'histoire de demain, celle qui convient
à un temps plus désenchanté et narcissique. C'est en elle
que nos contemporains pensent trouver réponses satisfaisantes à
leurs curiosités les plus fondamentales. Ils attendent d'elle une
approche globale et lui demandent d'éclairer le sens même de notre
temps, et de l'évolution qui y conduit ».
Antoine Prost11(*)
1) L'histoire culturelle et ses voisines
En réalité, l'histoire culturelle n'est pas
vraiment une nouveauté même si elle ne peut revendiquer qu`un
demi-siècle d`existence12(*). Fille de l'histoire des mentalités, elle a un
parcours original accompagné d'une expansion au fil du temps. Jadis, des
éléments de celle-ci étaient déjà
présents dans l'anthropologie, dans la promotion des
« mentalités » et de « l'outillage
mental » à l'instar de Lucien Febvre, Robert Mandrou ou
Philippe Ariès, dans l'histoire des idées et l'histoire de
l'art.
C'est seulement dans les années 60 que l'histoire
culturelle émerge comme le reflet d'un domaine de l'histoire qui sera
par la suite un des plus innovateurs et un des plus fréquentés.
Elle naît en reprenant, pour les transposer, les problématiques et
les méthodologies qui ont assuré le succès de domaines
voisins tel que l'histoire sociale ou l'histoire économique. Tout en se
rapprochant de l'histoire sociale auquel elle se réfère tout au
long de son avancée13(*), elle prend comme objet d'études l'ensemble
des représentations collectives propres à une
société, unité de référence de la recherche,
tout du moins implicite.
Jean François Sirinelli a proposé naguère
une définition de l'histoire culturelle14(*) dont le contemporanéiste et tout autre
historien d'une autre période peuvent mettre à son profit :
« L'histoire culturelle est celle qui s'assigne
l'étude des formes de représentations du monde au sein d'un
groupe humain dont la nature peut varier -nationale ou régionale,
sociale ou politique-, et qui en analyse la gestation, l'expression et la
transmission.
Comment les groupes humains représentent-ils et se
représentent-ils le monde qui les entoure ? Un monde figuré
ou sublimé -par les arts plastiques ou la littérature-, mais
aussi un monde codifié -les valeurs, la place du travail et du loisir,
la relation à autrui-, contourné -le divertissement-,
pensé -par les grandes constructions intellectuelles- expliqué
-par la science- et partiellement maitrisé -par les techniques-,
doté d'un sens -par les croyances et les systèmes religieux ou
profanes, voire les mythes-, un monde légué, enfin, par les
transmissions dues au milieu, à l'éducation et à
l'instruction. »
En cela, l'histoire des représentations
constitue le champ d'action de ce domaine riche en découvertes, dans
lequel l'historien enrichit sa boite à outils. En effet, celui-ci
emprunte à ses disciplines voisines différentes méthodes
d`approches, ce champ de recherche étant déjà
déblayé par la sociologie de l'art et l'ethnologie,
accompagnées par des méthodes et observations beaucoup plus
précises que celle des historiens. Par exemple, l'ethnologue aura appris
à l'historien la nécessité d'interroger les objets de
recherche, de les prendre au sérieux avec une importance donné
à la parole, à la posture et au comportement communautaire.
Outre une histoire des mentalités -dont elle s'est
séparée depuis quarante années environ- l'histoire
culturelle se trouve aussi à la charnière de l'histoire
intellectuelle. Cette dernière a su porter un regard attentif envers les
intellectuels et a servi, de fait, de passerelle vers l'histoire culturelle
à des historiens venus de l'histoire politique.
L'histoire culturelle a ainsi pour but de s'interroger, entre
autres, sur l'articulation, dans la société, entre les
pensées construites et des perceptions individuelles ou collectives qui
relèvent de registres plus ou moins élaborés.
Ainsi définie, l'histoire culturelle s'installe en
position névralgique, entre l'histoire politique, qu'elle peut irriguer,
et l'histoire sociale qu'elle peut compléter.
Jean Zay, ses actions en tant que ministre des beaux arts et
les mesures culturelles prises par le Front populaire, rentrent parfaitement
dans ce cadre. Ce sujet est en effet à la croisée de l'histoire
culturelle -plus particulièrement l'histoire des politiques et des
institutions culturelles- et l'histoire politique.
Sur Jean Zay en lui-même, hormis la thèse de
Marcel Ruby et trois mémoires sur des thématiques
particulières -l'un sur son activité d'avocat et son ambition
politique, les deux autres respectivement sur la réforme des droits
d'auteur et son action envers les musées-15(*) peu de choses ont
été écrites. Antoine Prost l'évoque comme
modèle de la gauche du radicalisme,16(*) mais s'attache peu à ses initiatives
culturelles.
Presque rien, hormis la thèse d'État imposante
de Pascal Ory, la belle illusion, culture sous le Front populaire de 1935
à 1939. Même si cet ouvrage retrace les mesures prises par le
secrétariat des Beaux Arts, il s'attarde peu sur la personne du
ministre. Néanmoins, il représente la référence
capitale sur mon sujet et domaine principal de ma recherche : l'histoire
culturelle qui s'est intéressée de prés au mouvement du
Front populaire.
2) Le Front populaire en tant
qu'évènement ; de la mémoire militante à la
mémoire savante
Cette période tient une place indéniable dans
l'histoire française, mais sa définition reste
incertaine17(*). Suivant
les travaux et le thème d'étude en rapport avec celle-ci,
plusieurs délimitations de l'évènement sont possibles et
sa nature même peut être modifiée.
Ce n'est qu'à partir des années soixante
seulement que les premiers travaux historiques voient le jour sur ce
thème.
Dans tous les cas, le Front populaire est reconnu en tant
qu'évènement fondamental, à savoir « ce qui rompt
la répétition et la reproduction à l'identique des formes
politiques et sociales et qui constitue un moment historique d'innovation et
dans le cadre duquel le dispositif social est modifié ».
L'histoire du Front populaire, dans les années 1960,
s'écrit dans un climat politique marqué par le rapprochement
entre les familles politiques de gauche, leurs débats autour d'une
alliance possible et la perspective d'une prochaine expérience
gouvernementale.
L'implication militante des historiens alimente leurs
réflexions et analyses de cet évènement, tel que Georges
Lefranc18(*), ancien
syndicaliste et enseignant. Différents colloques comme celui
consacré au gouvernement Blum en 1966 contribuent également
à revaloriser cette expérience gouvernementale
décriée par tant de déçus de gauche, et par des
politiques qui ont insisté sur l'échec économique de ce
gouvernement. Durant les deux décennies suivantes, la question de la
place des communistes dans le Front populaire fut essentielle en histoire
politique, suivant la lecture officielle donnée par le PCF, en ces temps
de guerre froide. Ce n'est qu'au cours de la décennie 1970 que les
recherches d'histoire sociale, rangées au côté de
l'histoire ouvrière, s'attachent à illustrer les pratiques
culturelles au temps du Front populaire.
Un colloque tenu en 1986 permit de rassembler ces divers
travaux sous une même problématique du mouvement social, faisant
du Front populaire un moment essentiel de la modernisation de la
société française.
Tout ceci est également accompagné par des
recherches engagées sur les intellectuels, leurs implications et leurs
attitudes faisant partie du champ de l'histoire sociale.
De fait, c'est un moment incontournable pour toutes les
histoires -sociale, économique, politique et bien évidemment
culturelle- mais étudié de manière fragmentée dans
une logique de champs disciplinaires. Cette fragmentation s'est
déployée suivant le sens de l'espace chronologique, plus ou moins
long et suscitant un découpage historique au profit d'objets
spécifiques.
Néanmoins, à l'occasion de l'année 2006,
70ème anniversaire de l'évènement, les
publications font la part belle aux synthèses et aux mises en
perspectives en s'appuyant sur des recherches déjà
existantes19(*). Ainsi,
l'intérêt d'un retour critique sur l'évènement
historique à travers l'approche historique avec d'autres sciences
humaines voit le jour petit à petit.
Entre histoires politique, sociale et culturelle, le
thème de ma recherche, inclus dans ce moment particulier de l'histoire
politique du XXe siècle, se trouve à la croisée des
chemins de l'étude de l'histoire politique -institutions, prises de
décisions, actions politiques-, de l'histoire sociale -contexte de la
culture de masse qui se met en place, changement profond de la
société française avec la mise en oeuvre d'une politique
de loisirs- et de l'histoire culturelle -émergence d'une prise en compte
dans la culture par l'État-.
3) L'histoire des politiques culturelles : un
territoire pour l'historien
Avec cette dernière idée, on touche à
l'étude d'une catégorie particulière de l'histoire
culturelle : l'étude des politiques et institutions culturelles.
À la charnière de plusieurs champs historiques, celle-ci
apparaît bien actuellement comme un des secteurs en pointe de l'histoire
culturelle.
En effet, parallèlement à l'observation de la
montée en puissance d'une culture de masse, le rôle culturel de
l'État est, pour les historiens contemporains, un réel objet
d'histoire qui du reste a déjà suscité de féconds
débats entre les chercheurs. Pour l'heure, cette histoire
privilégie le découpage chronologique afin d'étudier le
rôle culturel de l'État tout au long du XXe siècle, mais
également l`étude des institutions, comme l'illustre la
thèse de Marie Claude Genet-Delacroix, Arts et État sous la
IIIe République : le système des beaux-arts : 1870-194020(*).
Mais avant même que cette histoire «
s'institutionnalise » et s'élargisse à des horizons de
recherche plus larges, Jean Zay et ses actions en tant que ministre sous le
Front populaire a été évoqué à plusieurs
reprises.
Dans les années 1960, l'action culturelle du Front
populaire est évoquée dans un contexte où la politique
culturelle de la IVe République est en berne.
En 1955, Jeanne Laurent publie La
république et les beaux arts 21(*) et dresse un bilan réquisitoire
accablant. Le libéralisme culturel est dénoncé. Seule la
politique théâtrale de Jean Zay échappe au ton
énonciateur.
En 1956, Robert Brichet, haut fonctionnaire au
secrétariat d'État aux arts et aux lettres publie l'article
« pour un ministère des beaux
arts »22(*)
où il stigmatise l'incurie de la IIIe république pour son manque
de politique face à la culture. Jean Zay est crédité de la
mention de « ministre providentiel » pour son volontarisme dans le
domaine du théâtre dramatique et lyrique.
Le progressisme culturel de Malraux fait un usage très
sélectif de l'idéal de l'éducation populaire. Celui-ci
rend hommage à cet évènement, mais prend aussi une
certaine prise de distance, la République gaullienne n'étant pas
celle du Front populaire. De fait, toutes dimensions éducatives,
civiques et citoyennes sont absentes des prises de position du ministre.
Après 1968, le recours au Front populaire est
mobilisé par le parti socialiste lorsqu'il s'agit de définir sa
propre politique culturelle dans le cadre du son programme
électoral ; le Front populaire est à la fois
présenté comme le moment de l'alliance de la classe
ouvrière et des intellectuels. Cet usage accompagne, et permet de
légitimer par le recours à l'histoire, la manière dont le
PCF se positionne par rapport à la « culture
nationale » et par rapport à la question de
l' « héritage culturel ».
Le parti socialiste mobilise également l'exemple du
Front populaire lorsqu'il s'agit de définir sa politique culturelle.
Cette démarche militante, qui caractérise l'investissement des
questions culturelles par les socialistes, vise à conforter la
légitimité du PS sur un terrain peu arpenté par l'ancienne
SFIO, et où les positions du PCF sont alors
hégémoniques.
Plusieurs historiens, dès le milieu des années
1970 s'approprient avec conviction cette « mémoire politique
et culturelle » en l'évoquant au coeur du territoire de
l'histoire culturelle afin d'en faire l'objet de leur recherche. Dans ce
cadre-là, Pascal Ory, assurant un lien entre le Secrétariat
national à l'action et la Nouvelle revue socialiste afin de
faire sa thèse, joue un rôle moteur. Il est également un
des historiens23(*) dans
la mise en oeuvre en mars 75 le colloque intitulé
« Léon Blum et la culture » au Sénat. Au
cours de la décennie 1980, une appropriation historienne, savante et
académique s'impose progressivement.
Néanmoins, en ce qui concerne l'histoire culturelle, en
1981, Pascal Ory propose un état de la question qui révèle
un bilan maigre24(*).
Ce même auteur s'est intéressé à la
politique culturelle des pouvoirs publics au-delà de la seule
époque du Front populaire, accompagné par d'autres historiens
tels que Philippe Poirier qui s'est spécialisé dans ses
recherches sur l'histoire des politiques publiques de la culture et sur
l'histoire des sciences sociales, notamment l'histoire culturelle.
. L'histoire des politiques et des institutions culturelles
enregistre une forte expansion au cours des deux dernières
décennies. Jusqu'à la fin des années 1980, elle ne
mobilisait guère d'historiens, mais plutôt les sociologues qui
n'inscrivaient que rarement leur démarche dans la durée. Le
colloque de Bourges en 1964 intitulé « recherche scientifique
et développement culturel », animé par Augustin Girard
expose les premiers résultats de recherche dans ce champ historique. La
sociologie de l'art était bel et bien présente avec la
prédominance du courant « bourdieusien » qui se
consacre plus à l'étude des pratiques culturelles et laisse
l'étude des politiques culturelles publiques à d'autres
écoles sociologiques. De fait, sur ce chantier déjà
ouvert, la complexité d'étude de ce thème pour les
historiens est d'ordre méthodologique : faut-il inventer des
méthodes d'approches ? Faut-il parler de « politique
culturelle » au singulier ou au pluriel ? S'en tenir à
l'approche institutionnelle ou rappeler l'initiative sociale ?
Mon sujet renvoie à toutes ses questions d'ordres
méthodologiques essentiels dans le cadre de l'histoire culturelle.
4) Le temps de l'institutionnalisation de l'histoire
culturelle
Cette histoire des politiques culturelles connaît un
tournant dans les années 90 avec la commande du ministère de la
Culture à l'IHTP du CNRS d`un rapport sur « l'histoire culturelle
de la France contemporaine », tout en créant une mission permanente
des Archives nationales installée au sein même du
ministère. Cet état des lieux est orchestré par Jean
François Rioux qui souligne que « l'histoire des institutions et
des politiques culturelles est bien lancée ».
Elle constitue une préoccupation publique autour de
laquelle s'organisent des actions et s'alimente le débat politique, car
touchant à de nombreux domaines tels que le social, l'éducation,
la recherche, l'économie, les relations extérieures ou la
diplomatie. Ses démarches et méthodes se situent à la
croisée de l'histoire politique et de l'histoire culturelle. La
réhabilitation de l'objet politique offre la possibilité
d'interroger les politiques publiques sur un mode qui dépasse la seule
histoire administrative afin de restituer l'image d'une action globale
construite et cohérente représentée par une politique
publique. Philippe Poirrier, afin d'établir des rivages sûrs sur
ce terrain délicat évoque l'interdisciplinarité
nécessaire à l'écriture de cette histoire via
différentes approches : par politiques sectorielles, par
référentiels ou pas missions25(*).
En 1989, Jean François Rioux et Jean François
Sirinelli ouvrent un séminaire s'intitulant « politique et
institutions culturelles de la France contemporaine » :
l'institutionnalisation de cette histoire est née. Une appropriation
historienne, savante et académique s'impose progressivement dont le
moment clé reste la soutenance de la thèse d'État d'Ory,
La belle illusion, culture et politique sous le signe du Front populaire,
1935-1938.
En 1990, dans un contexte de remise en cause de la politique
culturelle mise en oeuvre par la gauche depuis une décennie, la notion
culturelle autour de la période du Front populaire est mobilisée
par un des principaux contempteurs de la politique culturelle, Marc Fumarolli.
Dans L'État culturel : une religion
moderne, il dresse un portrait très positif du Front populaire :
« dirigistes donc, mais avec tact et modération, Jean Zay et
Léo Lagrange a eux deux formèrent pendant trois brèves
années le plus complet des « ministères de la culture de la
IIIe république »26(*). Jean Zay est présenté comme
l'incarnation de la république athénienne. Cette apologie est
pointée selon certains comme un « avantage
polémique » permettant de diviser les adversaires politiques
de l'auteur27(*). Mais il
ignore l'historiographie disponible ou en fait un usage très
sélectif et l'insuffisance de son argumentation est implicitement
soulignée en 1994 dés l'introduction de la version publiée
de la thèse d'État d'Ory. De fait, en ce qui concerne le
thème de ma recherche, on peut se demander si le Front populaire
n'inaugure pas la mise en place réelle d'une politique culturelle avant
l'heure de la création du Ministère de la Culture.
Celui-ci montre d'avantage un mouvement, qui emporte en
même temps l'impulsion du gouvernement et les nombreuses initiatives
d'une partie de la société, qu'une politique culturelle tel que
nous l'entendons depuis l'existence du ministère. Le Front populaire
représente donc une prise en compte d'un secteur culturel, mais pas
encore de « prise en charge » même si la
création d'un ministère est réclamée de
manière récurrente déjà à cette
époque28(*). Une
seule personnalité va assurer la liaison entre 1936 et 1959 et non des
moindres : André Malraux.
Pour Philippe Urfalino, lorsqu'une autorité politique
se saisit d'un problème ou d'un phénomène social et quand
cet « intérêt politique » produit des mesures
qui affectent des groupes sociaux. L'histoire et la sociologie de l'art
étudiant les différents domaines d'interventions ont
précédé l'histoire des politiques culturelles publiques.
Ainsi, ces actions envers le monde culturel sont souvent antérieures aux
structures administratives et politiques.
En ce sens, le Front populaire et ses actions envers le monde
culturel relève de cette idée29(*).
Le politiste Vincent Dubois précise également
que « plus que la mise en forme d'une « politique
culturelle », cette conjoncture particulière permet une convergence
sans précédent entre mouvements culturels [...], intellectuels
mobilisés [...] et représentants des institutions d'État ;
convergence qui, si elle produit objectivement des effets sociaux, est propice
à la mythification rétrospective d'un gouvernement de gauche
donnant la culture au peuple plus qu'elle ne conduit directement à la
construction de la « politique culturelle comme catégorie de
l'intervention publique.
Dans le cadre politique, on évoque
également cette période, la personne de Jean Zay et l'action
culturelle du Front populaire : Lang l'évoque comme l'homme qui «a
inventé une véritable politique culturelle», Catherine
Trautmann lors de sa prise de fonction en 1997 lui rend hommage au même
titre que Malraux... L'écho de l'empreinte du Front populaire faiblit,
mais ne disparaît pas : les mesures prises par Zay et Lagrange sont
évoquées, mais il faut se rappeler qu'à l'époque le
gouvernement se gardait bien de parler de « politique
culturelle ».
En 2006, les ébauches respectives des programmes des
partis socialistes et communistes pour les élections
présidentielles consacrent quelques développements à la
politique culturelle, sans jamais évoquer le précédent du
Front populaire, et ceci malgré la conjoncture commémorative. Le
Front populaire semble appartenir à l'Histoire.
La reconnaissance de l'histoire du temps présent rend
désormais légitime un questionnement qui porte sur les
dernières décennies du siècle dernier. Plusieurs facteurs
externes confortent cet air du temps historiographique : la visibilité
de la politique culturelle de la gauche au pouvoir et les sollicitations des
pouvoirs publics et des institutions culturelles. Ainsi, l'expansion de
l'histoire culturelle, de par son objet étudié, sa
« jeunesse » se traduit par de multiples méthodes,
empruntées à des domaines variés tels que l'ethnologie, la
sociologie de l'art ou encore le droit.
De fait, l'essor de cette histoire reflète un
décloisonnement essentiel entre les différentes sciences humaines
et une pluridisciplinarité capitale pour l'étude de ce
thème comme l`illustre la dernière partie de l`ouvrage de
Philippe Poirrier : Pour une histoire culturelle30(*).
Ainsi, l'historien de demain pourra aisément distinguer
dans cette configuration historiographique la montée en puissance des
différentes formes d'histoire culturelle témoignant de la
pluralité et de l'éclectisme qui caractérise en ce
début du 21e siècle, l'école historienne
française.
Les sources
1) Sur mon sujet de master
Les sources concernant mon sujet sont de multiples natures.
1.1) Les sources imprimées
Tout d'abord, sur Jean Zay en lui-même, Souvenirs et
solitude constitue la source littéraire incontournable étant
donné qu'il l'a écrite lui-même lors de ses
dernières années d'emprisonnement. Dans ce livre, il tente
d'expliquer, à travers ses souvenirs, sa vie politique de 1932 à
1939 et ses actions. Outre cette source, d'autres documents
édités évoquent de manière indirecte mon sujet.
C'est le cas de Memoriam of Marcel Abraham. Cet
ouvrage est une compilation de textes et de discours décrivant l'action
du chef de cabinet de Jean Zay, l'entente entre les deux hommes étant
excellente. Jean Zay est évoqué également à
travers un recueil de discours de personnalité dans Hommage
à Jean Zay imprimé en 194731(*).
1.2) Les archives privées
Hormis ces quelques sources littéraires, les archives
personnelles de Marcel Abraham, chef du cabinet Zay disponibles au centre
d'accueil et de recherches des archives nationales recèlent
d'informations sur mon sujet. Ces archives se composent de 19 cartons
composés de documents multiples et variés qui permettent de voir
le parcours professionnel de ce fonctionnaire.
Ce fond d'archive se présente comme tel :
312AP/1 à 312AP/4 : papiers de
carrière et de correspondance de 1929 à 194032(*).
312AP/5 : documents concernant la réforme de
l'enseignement.1936-1941
312AP/6 Films, bibliothèques,
Ecoles normales, professeurs et
Étudiants. 1932-1939. Carton le plus intéressant
concernant mon étude de cas33(*)
312AP/7 Institut de coopération intellectuelle,
Recherche scientifique et Beaux-arts. 1924-1939
312AP/8 Personnel et budget de l'Education
nationale. 1936-1940
312AP/9 Discours de Jean Zay et
pièces imprimées relatives à ce ministre. 1936- 1939
312AP/10 à 312AP/13 Enseignement français
à l'étranger. 1933-1940
312AP/14 Enseignement français outre-mer et Unesco.
1950-1954
312AP/15 Rédaction de l'Encyclopédie
française.
312AP/16 Procès d'Abel Bonnard et de Jean Zay,
divers. 1936-1956
1.3) Les archives publiques
Outre les archives privées, les archives publiques du
secrétariat des Beaux-arts, cataloguées dans la série
F², indexés et disponible aux archives nationales, recèlent
d'informations sur l'action des Beaux arts depuis leur création
jusqu'à leur institutionnalisation. Ci-dessous, quelques cartons plus
particulièrement intéressants pour mon sujet mais la liste est
loin d'être complète.
1.3.1) organisation de l'administration des Beaux
arts.
F² 4711 : Historique et organisation de
l'administration des Beaux arts.
F²3971 : Dossier papier des directeurs et sous
directeurs des Beaux arts, notamment Georges Huisman, sous directeur de 1934
à 1940.
F²3978 : Archives Georges Huisman.
1.3.2) Commissions, conseils, comités
F²3982 à 3985 : Comités, commissions,
conseils dépendant de la direction des Beaux arts.
F²4712 : Le conseil des Beaux arts (1875-1940),
règlement, nomination, candidatures, procès verbaux..
F²4758 à 4760 : Création des
commissions, sous commissions, délégations, d'achats d'oeuvres
d'arts aux artistes (procès verbaux, listes des peintres, prix des
oeuvres).
F²4709 : Action artistique à
l'étranger, propagande (1818-940)
1.3.3) Budget
AD XIX H 156 : Budget du ministère de
l'Instruction publique et des Beaux arts (de 1870 à 1943).
F² 557 à 563, 588, 2770 à 2782, 4721 :
Documents budgétaires concernant l'administration des Beaux arts.
1.3.4) « Protection » des artistes
par l'Etat
F² 4766 : Documents sur la protection
financière, économique et commerciale, protection des artistes
contre le chômage, le 15% de Jean Zay, les Grands travaux de
1936-1937.
F² 4718 : Documents sur la propriété
littéraire artistique en France et à l'étranger,
protection juridique.
1.3.5) La « protection » du
patrimoine
F² 4351 0 4356, 4347, 4768 à 4769, 3987 :
attributions des oeuvres d'arts, don et legs à l'Etat (1876 à
1941), exportation/importation des oeuvres.
1.4) Textes législatifs
Du côté des sources juridiques officielles, les
principaux textes de décrets et de loi sont disponibles dans quelques
journaux officiels et couvrent l'ensemble des domaines culturels touchés
par les mesures du gouvernement du Front Populaire. Je ne cite ici que deux
exemples34(*) parmi tant
d'autres.
Concernant le milieu théâtral, la loi du 14
janvier 193935(*)
créait la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux
(RTLN), établissement public chargé de la gestion tout à
la fois financière et artistique des deux salles lyriques nationale (la
salle Garnier et l'Opéra Comique).
Autre domaine, autre texte de loi : dans une logique
continue de mise en valeur des arts et des traditions populaires, le
décret du 8 octobre 1936 alourdit les exigences de protections de sites
classés en ce qui concerne la protection du patrimoine36(*).
2) Sur mon étude de cas
L'équipe du secrétariat des Beaux arts sous la
direction de Jean Zay a touché pendant trois années les
principaux domaines culturels de l'époque, notamment un domaine en plein
essor : le cinéma. En effet, à l'aube des années
1930, le film se dote d'ailleurs de la parole et les oeuvres se diversifient
rapidement pour satisfaire tous les goûts.
Entre des actions favorisant l'exportation du cinéma
français -notamment au sein de la première puissance mondiale,
les Etats-Unis, l'entrée du septième art dans le domaine scolaire
ou encore une tentative de législation du secteur, ce domaine est un
exemple des actions culturelles dirigées sous la houlette de Jean Zay.
Les sources concernant mon étude de cas sont majoritairement
constituées par différents documents trouvés dans les
archives privées de Marcel Abraham, chef du cabinet Zay.
2.1) Les sources imprimées
En ce qui concerne les sources imprimées, elles sont de
deux ordres : article de presse datant des revues de
références à l'époque et une enquête
publié faisant état de la situation du cinéma dans les
années 1930.
Où va le cinéma français37(*) du parlementaire
Renaitour qui, à la tête d'une commission parlementaire, a fait
une enquête du milieu en interrogeant tous les acteurs de ce domaine afin
de remédier à la crise : producteurs, réalisateurs,
acteurs, distributeurs et autres personnes travaillant sur un film donnent leur
témoignage et apportent leurs solutions.
Cependant ce groupe et ses objectifs sont ambigus, à
commencer par son président, Jean Marie Renaitour, exemple typique de
parlementaire ambitionnant une carrière artistique38(*), pouvant faire difficilement
passer cette juxtaposition de points de vue pour la « Charte des
revendications du cinéma français ». Jean Zay
évoque dans Souvenirs et solitude cette commission39(*) :
En l'occurrence, la « commission du
cinéma » de la Chambre n'était même pas un
organisme officiel ; elle s'était recrutée elle-même,
au gré des inscriptions. Son enquête faisait défiler, pour
son plus grand amusement, metteurs en scène, auteurs, directeurs de
salles et stars. La comédie eût pu durer des
années... »
Néanmoins malgré les dires de Jean Zay,
certaines propositions de ce groupe parlementaire seront reprises dans son
projet de statut du cinéma. De plus cette source a le mérite de
révéler la situation de crise dans laquelle le domaine
cinématographique se trouve à cette époque.
Plusieurs revues cinématographiques se rajoutent
à cette source :
La cinématographie française, revue
spécialisée dans l'économie du cinéma même si
elle se place « hardiment » du côté patronal.
Son directeur Paul Auguste Harlé, connait bien les problèmes de
la profession, en particulier ceux de la production et de l'exploitation des
salles. Ses collaborateurs font paraitre des enquêtes économiques
intéressantes, notamment dans des numéros
spécialisés semestriels.
Ci-joint l'inventaire des numéros
utilisés :
Pour l'année 1935 : numéros du 13 juillet,
14 et 30 aout, 14 octobre, 20 septembre, 12 novembre.
Pour l'année 1936 : numéros du 2, 8 et 29
février, 18 et 28 mars, 4 avril, 7 et 16 mai, la plupart des
numéros du mois de juin -relatifs à l'élection du front
populaire et aux grèves-, 4, 7 et 17 juillet, 5, 12 et 19 septembre,
19, 20 et 26 décembre.
Pour l'année 1937 : numéros du 12
février, 11 et 27 juin, 3 juillet, 24 septembre.
Pour l'année 1938 : numéros du 4 et 11
mars, 16 mai, 5 aout, 30 septembre, 28 octobre et 11 novembre.
Pour l'année 1939 : numéro du 29
juillet.
De plus, les articles de la cinématographie
française auraient pu être complétés
par Comoedia, qui, de son côté, se veut en 1936 le
quotidien du spectacle dont une partie de ses pages sont consacrées au
cinéma sous la plume du journaliste Jean Paul Liausu qui étudie
particulièrement l'évolution de la profession
cinématographique. Le titre peut se lire Ciné-Comoedia
du 27 janvier 1928 au 1er juin 1936 et Ciné-radio-Comoedia du 2
juin à décembre 1936. Mais touchée par la crise des
quotidiens, cette revue disparait en 1937 et réapparait seulement en
1941. Elle devient par la suite l'un des magazines culturels les plus actifs et
les plus prisés de l'Occupation.
Malheureusement, ce quotidien n'étant seulement
disponible qu'en microfiches40(*) difficilement lisibles, cette source se
révèle inutilisable.
D'autres revues complètent la première
mentionnées tel que la critique cinématographique
(numéros d'octobre 1936, février et mars 1937), ou encore
ciné-liberté, revue sympathisant envers le Front
Populaire mais qui n'a connu que 4 numéros (20 mai, 20 juin, 20juillet,
20 novembre 1936).
Toutes ces revues sont disponibles à la
Cinémathèque de Toulouse, forte de plus de 14 000 ouvrages, de
3000 titres de revues et de 71 000 dossiers de presse couvrant l'ensemble de
l'histoire du cinéma des origines à nos jours.
2.2) Les archives
Que ce soit dans les archives publiques ou privées,
les documents et rapports sur ce thème ne manque pas.
En ce qui concerne les archives privées, certaines
correspondances datant déjà de 1932-1933 entre personnels
administratifs41(*)
préconisent déjà une législation claire du domaine
cinématographique. Le carton 312 AP/6 contient en revanche des sources
plus nombreuses et exploitables : des rapports réalisés par
des ambassadeurs basées aux États-Unis afin de faire le point sur
la diffusion du cinéma français outre atlantique à des
notes internes préconisant l'introduction du cinéma dans le
milieu scolaire et de réaliser des films éducatifs, à un
mémorandum sur les travaux mixte d'auteurs et industriels
cinématographiques sur des revendications touchant le secteur, tous les
problèmes auquel est confronté le gouvernement face à un
art en plein essor sont évoqués.
Les archives publiques recèlent surement d'informations
complémentaires mais la série de cartons correspondant à
ce thème -soit les cartons allant de F² 4691 à 4698- sont
actuellement en cours de restauration donc non communicables au public.
En ce qui concerne le festival de Cannes, les archives
concernant la création de la première édition de celui-ci
sont regroupées à la Cinémathèque française
sous les côtes suivantes :
Création du festival Carton FIFA 1 B1
Comité d'organisation. Budget FIFA 2 B1
Notes et correspondance avec le ministère de
l'éducation nationale FIFA 3 B1
Préparation FIFA 4 B1, FIFA 5 B2
Invitations et participations FIFA 6 B1
Actions menées par le secrétaire technique et
suites du festival annulé FIFA 7 B1 Comptabilité FIFA 8 B3
à FIFA 11 B3
2.3) Textes législatifs
Les décrets, lois et autres journaux officiels sur le
cinéma sont peu nombreux mais précieux.
A commencer par le projet de loi connu sous le nom de
« projet Jean Zay » constituant une synthèse des
conclusions retenues sous la IIIe République afin d'établir un
statut général du cinéma français42(*). Par son contenu (certaines de
ses dispositions seront plus tard reprises dans le droit positif du
cinéma français) et par sa date (aboutissement de longs travaux
entrepris sous la III e République), ce document mérite
d'être analysé consciencieusement. Hélas, aucunes
traces de ce texte n'a été retrouvé dans les débats
parlementaires de l'année 1939, année ou la plupart des acteurs
politiques préparaient plus ou moins officiellement une guerre
imminente. Le texte du projet relatif aux contrôles des recettes a
été cependant appliqué en décret juste avant la
guerre43(*)
Le décret sur la règlementation du
contrôle cinématographie, autrement dit la censure, datant du 8
mai 193644(*), qui
institut une nouvelle commission de censure, composée de vingt membres
et comprenant dix représentants des ministères, et de dix
personnalités choisies par le ministère de l'Education
nationale...en dehors de la profession cinématographique. De plus l'avis
confirme de la commission n'est plus obligatoire, le ministre pouvant ne pas le
suivre.
Enfin le Rapport Carmoy, adopté le 17 juillet 1936 par
le Conseil national économique présent dans le Journal officiel
du 18 aout 193645(*) fait
une synthèse assez complète de l'état du domaine
cinématographique de l'époque, tout comme le rapport Petsche
présenté devant la Chambre des Députés en 1936 mais
non mentionnés dans les journaux officiels.
Approche Méthodologique
Mon approche méthodologique, se développant tout
au long de cette année, a été très
diversifiée suivant le travail réalisé sur les
différentes parties de mon mémoire.
L'histoire culturelle est un domaine très
présent sur le devant de la scène historique actuellement. De
fait, j'ai pu facilement effectuer l'historiographie générale de
mon thème étudié grâce à de nombreux articles
et à la constitution de ma bibliographie.
En ce qui concerne mon sujet, portant sur une
thématique large dans une durée temporelle assez courte, il
regroupe de nombreux domaines dans lesquels Jean Zay a mis en place ses actions
gouvernementales. Ces multiples pans culturels (domaine théâtral,
musical, cinématographique, patrimonial etc) m'ont permis d'être
face à de nombreuses sources, toutes aussi variées les unes que
les autres, y compris pour mon étude de cas. Ceci m'a donc amené
à avoir une approche méthodologique variée lors de mes
recherches sur le domaine cinématographique.
.
Les idées essentielles tirées de mes sources
(notes d'archives, rapports etc), ont majoritairement constitué la
matière première de mon mémoire, du moins de mon
étude de cas. Ce développement est appuyé par les articles
de presse (majoritairement issus de la Cinématographie
Française) puis complété par certaines
réflexions tirées des ouvrages de ma bibliographie.
Néanmoins, en ce qui concerne ces derniers, une difficulté de
taille s'est imposée : celle de trouver des ouvrages, dans un
premier temps, sur l'histoire politique du domaine cinématographique
puis, dans un second temps, sur la période historique de mon
sujet46(*). Les seuls
articles et ouvrages consultés sur la méthodologie de l'Histoire
du cinéma et sur son historiographie47(*) ont permis d'éclairer et d'affiner ma
recherche.
Hormis quelques historiens spécialisés48(*), collaborant à une
collection particulière des éditions du CNRS49(*), peu d'écrits
historiques existent. L'ensemble de l'oeuvre de Paul Leglise reste
indétrônable sur le sujet, même si elle commence à
dater50(*). De fait, afin
de compléter les données essentielles recueillies au sein des
sources de mon étude de cas, une approche diversifiée et
interdisciplinaire51(*) a
été nécessaire.
Outre les seuls ouvrages trouvées sur l'histoire
politique et l'histoire des institutions du cinéma, des écrits
sur l'histoire des branches de cette industrie (tel que la production,
l'exploitation ou la distribution) ont été essentiels,
accompagnés par une approche, nouvelle pour ma part, du droit
cinématographique52(*). Les prémices de celui-ci apparaissent dans
les travaux de la IIIe République (projet de Jean Zay, rapports et
études), sous Vichy et au moment de la Libération. De fait,
seuls les ouvrages assez anciens possèdent une trace du droit relatif
à ma période étudiée. De plus, les seuls articles
de sociologie de l'art53(*) que j'ai pu traiter m'ont
révélés que cette matière 54(*) permettait d'éclaircir
certaines données -économiques par exemple55(*)-.
A part ces quelques difficultés
bibliographiques56(*)
renforcées par le manque de temps, une bonne organisation dans ma
méthode de travail et dans l'analyse de mes découvertes m'a
permis d'aller au bout de ma tâche.
Problématisation
Comme on l'a aperçu en introduction, le monde de la
culture dans les années 30 est profondément bouleversé et
en crise à la vue de la conjoncture mondiale. Dans ce
contexte-là, le Front populaire est une parenthèse d'espoirs dont
Jean Zay fait partie. Ainsi en quoi ses initiatives dans des domaines aussi
variés que les musées, le patrimoine, le théâtre ou
encore le monde du livre constituaient-elles une réponse originale
envers la crise dans ces milieux ? À travers les réformes qu`il a
voulu mettre en place, en quoi cet homme était-il un visionnaire pour
son époque ?
Comment ce ministre, avec son parcours, ses idées et
ses actions, a-t-il influencé le monde culturel à travers ses
projets, aboutis ou non ? En quoi son rôle dans la prise en compte de la
culture par l'État français a été essentiel ?
Comment a-t-il soutenu et accompagné la démocratisation
culturelle et la popularisation de l'art voulu par le Front populaire ?
II
Etude de cas
Introduction
Les années trente sont un tournant pour le
7ème art à tous les niveaux. Au niveau artistique, le
parlant entre en scène avec toutes ses contraintes et normes techniques
innovantes, révolutionnant la réalisation d'un film et permettant
une conjoncture technique florissante57(*). Mais au niveau économique, une crise sans
précédent frappe un domaine sans organisation professionnelle
réelle et laisse la porte ouverte à de nombreux maux tels que la
baisse de fréquentation, la baisse de la production des films58(*) et de nombreuses faillites et
scandales - touchant les petites comme les grandes entreprises.
Face à cela, une intervention étatique se met en
place. Tout ce qui a trait au cinéma est pris en charge par le
secrétariat des Beaux arts rattaché au ministère de
l'Education nationale. Mais cette structure a des moyens dérisoires face
au besoin d'une prise en compte du domaine culturel et d'une culture de masse
en plein essor. « Les services des Beaux Arts et de l'Education
nationale trouvaient dans ces grandes entreprises une tâche de longue
haleine »59(*). Jean Zay joue un rôle déterminant
dans les initiatives qui permettront au domaine cinématographique de se
relever un tant soi peu de la crise et de se munir d'une organisation de la
profession, qui se fera, paradoxalement, sous les Années Noires de
l'Occupation.
Ainsi, quelles sont les mesures et initiatives prises par le
ministre des Beaux arts sous cette parenthèse d'illusion qu'est le Front
populaire face à un 7ème art en crise ?
Un état des lieux du domaine cinématographique
sinistré révèle un intérêt nouveau de l'Etat
pour cet art. Par la suite, Jean Zay, grâce à une
stabilité ministérielle longue de trois années60(*), va tenter de
réorganiser et de réformer le domaine cinématographique.
La seconde Guerre Mondiale sonnera le glas de ses tentatives qui ne seront que
des essais. Ce n'est que sous Vichy qu'un de ses inspirateurs mettra à
l'oeuvre ses projets, paradoxalement au service d'une idéologie
contraire à celle du ministre de la rue Grenelle.
1) Un domaine sinistré
« La situation du cinéma
français est telle qu'elle présente à la fois
l'inconvénient redoutable d'une faillite quasi générale et
aussi cette espèce de chance de salut paradoxale que,
précisément, la crise et les mécomptes financiers ayant
fait table rase sur le marché du cinéma, le Parlement et le
gouvernement sont à même d'envisager des mesures d'ensembles sur
un terrain déblayé »61(*)
C'est par ces mots que Jean Zay, en 193662(*), résume la situation du
domaine cinématographique. Celui-ci, au centre d'une révolution
technologique, est touché par une crise économique
révélant son manque d'organisation, ce qui n'est pas sans
susciter un intérêt grandissant de l'État.
1.1) L'avènement du parlant et une crise
économique malvenue...
1.1.1) Du silence à la parole
C'est face à une situation économique sombre que
le domaine cinématographique découvre le son.
« Les progrès de la technique ont été
véritablement foudroyant »63(*) s'exclame Jean Zay. Peut-être trop
foudroyant pour le cinéma français. En outre, la mutation du muet
au parlant ne se fait pas sans mal. La révolution du parlant est en
effet une révolution technique, économique, esthétique,
sociale et mentale qui modifie rapidement le milieu cinématographique et
ses protagonistes : acteurs, exploitants, producteurs et
techniciens64(*).
Grâce à celle-ci, le cinéma s'installe comme une industrie
essentielle, sinon la principale industrie, du divertissement et de la
communication.
Face à cette révolution de la parole, les
acteurs ont du se mettre au diapason. Malheureusement, bon nombre de visages
photogéniques, éclipsés par des voix affreuses,
échouent à l'examen du son et l'ensemble des musiciens qui
accompagne les muets se retrouve remercié.
Les palaces du parlant, rivalisant d'abord en luxe et
démesure en mariant follement velours et or, ont du se mettre aux
nouvelles normes et s'adapter aux multiples exigences techniques fort
onéreuses, tant au niveau de la sécurité des spectateurs
que du matériel et des salles.
Lorsque la vogue des films parlants déferle en Europe,
seuls les studios britanniques sont équipés en raison de luttes
d'intérêts qui se jouent en coulisse depuis la fin des
années 20. Ainsi, les premiers films parlants français, tel que
les trois masques65(*), sont tournés à Londres.
Les professionnels du cinéma, et notamment les
exploitants de salles, préfèrent parler de « film
sonore ». « Par film sonore, il faut entendre tout film
comportant des paroles, des chants, de la musique ou tous autres sons, quelle
que soit leur nature, enregistrés soit sur la copie positive du film,
soit sur des disques ou tous autres systèmes enregistreurs de sons
distincts de la copie positive et destinés à être
utilisés en synchronisation avec elle »66(*).
La précision dans la formulation répond à
un souci commercial. Il s'agit d'éviter à la fois des tensions
entre professionnels (loueurs ou distributeurs et exploitants) et les tensions
entre ces derniers et les consommateurs (exploitants et spectateurs). Cette
définition du « film sonore » met moins l'accent sur
le mode technique d'enregistrement et de diffusion du son que sur le principe
de l'adéquation entre les images projetées dans la salle et leur
sonorisation originelle. Ainsi, ce principe oblige donc l'exploitant à
louer, en plus du fil, le son qui va « avec ».
Néanmoins la France s'équipa assez vite une fois
la certitude acquise que le muet avait fait son temps. L'État recense
officiellement en juin 1935, 3023 salles équipées en
cinéma sonore sur un total de 760967(*). À l'évidence, le chiffre traduit la
résistance des petites et moyennes exploitations
cinématographiques à la conversion au nouveau principe de
sonorisation des films. Cette réticence ne s`explique pas seulement
mécaniquement par le coût considérable de
l'équipement d'une salle en projection de films sonores, ou par la perte
potentielle du public populaire via une augmentation inéluctable des
prix d'entrées. Mais le triomphe du cinéma parlant et
l'adhésion du public au nouveau principe de
« synchronisation » balaieront les dernières
réticences des directeurs de salles.
De fait, l'effet esthétique produit par ces nouveaux
objets68(*),
combiné à l'action des personnes69(*) , contribue à la transformation progressive
d'un spectacle local et de l'exhibition de films en spectacle
cinématographique national.
« Le cinéma constitue un art jeune, dont
la croissance a été extrêmement rapide »70(*). En effet, en
quelques mois, le divertissement urbain et populaire des trente
premières années du siècle devient une industrie
culturelle de masse et la forme idéale du spectacle moderne, en lieu et
place du théâtre qui constituait jusqu'aux années 30 la
sortie par excellence. Ainsi, les recettes du domaine cinématographique
dépassent largement les recettes des autres divertissements, preuve le
schéma ci dessous71(*).
Malgré la baisse de fréquentation due à
la crise qui sévit entre 1931 et 1934, à l'aube du Front
populaire, les recettes ne cessent d'augmenter pour atteindre lors de
l'année 1936 395 millions de francs.
Le passage du muet au parlant entraine, à
côté de l'élimination culturelle de bien des acteurs et des
metteurs en scène, celle de maint producteurs indépendants et ou
secondaires, au profit de quelques grandes sociétés
généralement trans-nationales. S'en suivent des manifestations
industrielles nouvelles comme la création de la
Société des films sonores Tobis créée pour
la production de films enregistrés sur Tobis-Klang (février
1929)72(*). Elle fit
l'acquisition de studios qu'elle réaménagea pour les modifier et
les remettre à neuf.
Des collaborations furent mise à jour à travers
la formation de nouveaux groupes industriels : Pathé-Natan
ou Gaumont-Franco Flim-Aubert.qui, nous le verrons plus tard,
auront une courte vie.
L'apparition du cinéma parlant s'accompagne donc de la
transformation des salles et des studios, mais aussi de la construction de
nouveaux cinémas fastueux, dont le Rex demeure à Paris un des
rares exemples préservés. Mais cette révolution endette
malheureusement toute la profession qui fait face également à une
crise économique sans précédent.
1.1.2) Difficultés économiques
La grande dépression n'atteint la France qu'en 1932.
Le cinéma n'est pas à l'abri, d'autant que des caractères
spécifiques le fragilisent plus que d'autres secteurs d'économie.
Deux rapports révèlent le mauvais état du
cinéma dans ces années : le rapport Petsche et le
rapport Carmoy, que je mentionnerais plus loin même si la plupart des
statistiques économiques sont tirées de ces travaux.
Après le « boom » du parlant et le
sommet de 193173(*) (937
millions), les recettes diminuent avec la crise, 1934 (834 millions) marquant
le creux de la vague. L'exploitation vit la première baisse importante
de sa fréquentation et de ses revenus : une perte de 20% sera
enregistrée de 1931 à 1936 passant ainsi de 937 millions à
750 millions de recette en 36. Cette baisse de revenus intervient alors que les
besoins de financement (liés à l'introduction du parlant
mentionné plus haut) augmentent. Les liquidations et faillites n'ont de
cesse de se multiplier : 62 en 1932, 86 l'année suivante, 95 en
1934. Cette année là, plus de 350 salles (7,5% du parc) restent
fermées74(*), la
baisse des prix de places n'arrivant pas à provoquer une remontée
de la fréquentation. Même si le phénomène est
international, le cinéma français est celui qui souffre le plus
de cette conjoncture.
À titre de comparaison, les salles françaises
comptent 6 700 000 spectateurs par an pour cent salles par million
d'habitants contre 19 500 000 dans le Royaume-Uni, pour une
proportion analogue75(*).
Cependant, Guy de Carmoy ne s'inquiète pas -contrairement à
Maurice Petsche- de la baisse des recettes dans les salles de cinéma
depuis 1931, baisse moins catastrophique (4%) par exemple que pour les
théâtres (31%). Il en trouve les causes générales
dans la réduction du pouvoir d'achat et dans la diminution du prix des
places.
Face à cette crise, des moyens d'empêcher la
venue de nouveaux entrants sur le marché des salles voient le
jour ; soit en s'opposant à la construction de nouvelles salles,
soit en instituant une licence pour exploiter. Les pratiques individuelles de
guerre des prix ou de braderie de services offerts sont
dénoncées.76(*) Mais Gaumont lance le mouvement sur la capitale
à l'automne 1934 (-40% au Gaumont-palace) et la concurrence devient
acharnée entre les exploitants ne sachant plus comment maintenir leurs
niveaux de recettes. Ce n'est que quelques années plus tard, sous le
Front populaire, mais sans être la cause de mesures particulières,
que la reprise s'installe et que le retour des spectateurs au cinéma
incite les producteurs à accroitre les tournages.
Néanmoins, la crise reste économique et
sociale : la Loterie nationale fait rêver et prélève
des ressources au détriment des spectacles. La TSF incite les gens
à se divertir chez eux et empiète tout doucement sur le
théâtre77(*).
Ce qui est vrai pour le théâtre est vrai pour le cinéma et
« ce n'est pas sans une certaine ironie que nous voyons surgir
cette nouvelle concurrence au moment même ou après tant de
difficultés les salles de cinéma ont procédé au
rajustement du prix des places »78(*).
Outre la conjoncture économique temporelle, le
cinéma souffre de la part importante de taxes qui lui est
attribuée. Les rapports Carmoy et Petsche sont concordants sur ce
problème : les charges fiscales, d'État ou municipales,
générales ou spécifiques, sont effectivement très
lourdes. Suivant les calculs, elles varient de 15 % jusqu'à 40% pour
certains, mais la plupart des chiffres trouvés donnent en moyenne 17%
comme part totale des recettes, plus que pour la T.S.F ou la Loterie nationale,
les théâtres, cabarets et cirques79(*).
Une taxe fut particulièrement décriée et
originale, car elle remontait à une ordonnance de ...Charles VII (1407).
Celle-ci prescrit des quêtes pour les hôpitaux à l'occasion
des noces. Si elle fut généralisée sous Louis XIV et
pèse uniquement sur les spectacles, c'est comme tribut à
l'honorabilité. Les hôpitaux étaient tenus par des
religieux et l'Église excommuniait les comédiens. Ceux-ci, par
une sorte de mesure expiatoire, versaient de l'argent aux hôpitaux.
Depuis la Révolution, l'Assistance publique est chargée de
recueillir les fonds. Aussi ce droit
« périmé » est-il particulièrement mal
supporté.
Jean Zay précise plus particulièrement le
problème :
« Les salles de cinéma supportent [...]
une triple taxation : la taxe d'État qui est variable suivant la
nature du spectacle, le droit des pauvres de 10% et la taxe municipale
facultative, mais qui est appliquée à peu près
généralement.
Pour prendre l'exemple de Paris, dans les 68 millions qu'a
produit sur l'année 1935 cette fiscalité sur les spectacles,
prés de 21% ont été imposés au cinéma, alors
que pour les théâtres, je ne parle pas des théâtres
subventionnés, qui ont un régime spécial, la charge a
été de 10%. ».80(*)
En plus de ces taxes importantes, la concurrence
étrangère au niveau de la production cinématographique
envahit le marché français qui a comme règle sur ce sujet
là le protectionnisme. Avec le contingentement, le nombre de films
étrangers pénétrant en France chaque année
après paiement d'un droit de douane se trouve limité81(*). La production
française est également protégée par une taxe sur
le doublage. Si quinze salles parisiennes sont spécialisées dans
la « V.O », le grand public, par indifférence ou
paresse, boude souvent cette version originale. Malgré la taxe presque
tous les films étrangers sont exploités en version
doublée : quelle concurrence pour le cinéma
français !
« Il faut au marché français -je
prends les chiffres de 1935- environ 400 films par an. Or, en 1935, l'industrie
française a produit 120 films : cela signifie que les trois quarts
des films projetés en France sont des films étrangers. [...] en
1934, il y a eu 143 films étrangers doublés, 153 films
étrangers en version originale, 31 films de version française
tournés à l'étranger et par conséquent
étrangers, et seulement 103 films français. »
dixit Jean Zay, exposant les motifs de la crise connue par le
cinéma82(*).
L'organisation commerciale de la distribution ne favorise pas
la diffusion des films français, 5 sociétés
américaines distribuant, en 1935, 136 films américains, 11 films
français et 3 d'origines diverses, 4 sociétés
françaises distribuant 48 films américains et seulement 14 films
français83(*) ! La production étrangère demeure
maitresse, en France, de la distribution de ses propres films en particulier
les Etats-Unis, première puissance cinématographique mondiale.
Comme le révèle ce tableau récapitulatif
du cout d'un long métrage84(*), un film reste cher à produire et ce
coût n'a de cesse d'augmenter dans les années trente face à
l'amélioration de la technique et production dû à
l'avènement du parlant.
De 1,6 million en moyenne en 1935, il passe les trois
années suivantes à 1,9 ; 2,5 et 2,95, soit une
augmentation nettement supérieure à l'inflation de 85% en quatre
ans. L'application des 40h est beaucoup trop rapide face à une industrie
qui ne peut pas travailler à heures fixes (tout dépend de la
scène, du temps, et du nombre de figurants85(*) provoque aisément
l'augmentation du cout de film, accompagné par l'augmentation du cout
des matières premières (pellicules)).
Les plateaux français sont peu compétitifs, les
devis jusqu'à 30% plus élevés qu'à
l'étranger. Les interprètes représentent près du
quart du budget, deux fois plus que le personnel technique qui est à
égalité avec les concepteurs (mais ceux-ci sont moins nombreux).
Pour être amorti, un film doit rapporter cinq fois son coût en
neuf-dix mois (le producteur n'est pas le seul à investir). Dans les
années 30, le sixième seulement des films français a
permis un réel bénéfice ; un quart connaît une
carrière très difficile. En fait, les producteurs ne couvriraient
pas leurs frais sans le recours au crédit. De fait, pendant toutes ces
années, le cinéma français est porté à bout
de bras par des entreprises fragiles, parfois des sociétés
« au coup par coup », créées pour la
production d'un film unique, répertoriées en
général dans la rubrique « Liquidations et
faillites » de la Cinématographie française.
En 1933, les faillites se multiplient, et deux tristes
feuilletons commencent : les effondrements parallèles de Gaumont et
de Pathé, qui s'étireront jusqu'à la fin de la
décennie, reflet d'un manque flagrant d'organisation et de
législation de la profession.
1.2) Face à une absence d'organisation de la
profession
Si la profession a du mal à faire face à cette
crise économique et à l'avènement d'un nouveau mode de
production, c'est parce qu'elle est elle-même peu ou pas
organisée.
De fait, elle ne peut pas non plus
« s'autogérer » ou « s'auto
administrer » vu la désorganisation, la concurrence et les
mésententes profondes entre les différents syndicats. Jean Zay,
lors de l'évocation de sa réforme, sera face à une
opposition farouche, notamment des syndicats patronaux, ce qui nuira
considérablement à ses projets.
L'exemple le plus symbolique de cette désorganisation
peut se représenter par le nombre de faillites considérables face
à la crise, faute d'innovations pour faire face à celle-ci.
Sans rentrer dans les détails, c'est en juillet 1934
que Gaumont -Franco Film-Aubert dépose son bilan dans un climat malsain
de scandales et d'affaires, malgré le renflouement des caisses par
l'Etat deux ans plus tôt.
On évoque même au temps du Front populaire la
nationalisation de la firme à la marguerite. Cette initiative reste sans
suite et après étude par Commission et sous-commissions, Gaumont
est mis en liquidation en 1938.
Quant à Pathé, cette firme a une
évolution similaire et encore plus sordide. Elle est rachetée en
1929 par Bernard Natan, dont les difficultés s'accumulent dans une
grande confusion que la presse à scandale attise et colore
d'antisémitisme. Faillite, inculpation, puis arrestation de Natan
termine d'anéantir ce qui avait été le puissant empire du
maître de Vincennes.
1.2.1) La production, le domaine le plus en
difficulté
Des trois branches du domaine cinématographique
(production, distribution et exploitation), c'est la première qui est la
plus touchée par la crise économique et la plus
désorganisée. Guy de Carmoy explique la crise de la production
par une surenchère entre les différentes catégories de
sociétés productrices, les petites S.A.R.L ayant des
facilités de crédit auprès des distributeurs
régionaux soucieux d'écarter la tutelle des grosses
sociétés à concentration verticale. Jean Zay confirme
cette hypothèse : « En 1935, il s'est
constitué 158 sociétés nouvelles qui représentaient
17 millions de capital; en 1936, il s'en est constitué 175, soit
beaucoup plus, mais qui ne représentaient plus que 12 millions de
capital, soit 5 millions de moins : c'est l'indication formelle de la
multiplication des sociétés et de la réduction des
capitaux sociaux, par conséquent de l'objectif limité des
sociétés qui se forment »86(*). Ainsi les faillites se
multipliaient de tous les côtés.
En ce qui concerne le rôle du distributeur, il est
essentiel dans la réussite d'un film car il décide de la date de
sortie et du choix des salles qui le projettera. Ainsi, la distribution loue
les copies aux exploitants et perçoit environ 10% des recettes. La
liaison avec l'exploitant doit être constante. Pour M. de Carmoy,
l'exploitation possède « un meilleur équilibre
financier que les autres branches de l'industrie ». On peut en
juger par le nombre croissant de salles équipées et la
stabilité relative des recettes d'exploitations ». La
Cinématographie française en convient parfois, optimiste
assez rare, car le jeu des professionnels est plutôt de se plaindre pour
attirer l'attention compatissante des pouvoirs publics. Cependant,
l'exploitation d'un film en compense les débours de production et de
distribution, cet à-coup risque d'être particulièrement
grave87(*).
Même si les rentrées de location d'un film
s'étalent en moyenne sur 12 ou 18 mois, la trésorerie de la
production est si serrée qu'un nouveau film est toujours produit avec
les recettes d'un précédent film en cours d'exploitation. La
distribution des films, principale cliente des usines de tirage, pourrait
être, entre le producteur et l'exploitant, l'ultime élément
stabilisateur. Mais malheureusement, les commerçants du film ont
déjà épuisé leurs réserves de crédit
au cours des années de crise. Ainsi le cinéma ne vivait que sur
des anticipations de recettes. On assurait le plus souvent le financement d'un
film -selon le rapport Petsche- par des traites tirées par les
distributeurs sur les exploitants et escomptées par les producteurs
avant toute mise en train du film. Le rapport Carmoy sur cette question fait
état des mêmes problèmes : le distributeur
étendit sa compétence en consentant des avances sur des films non
terminés et, pour se couvrir, tenta lui-même d'obtenir des avances
d'exploitants, pratique nuisible qui se voyait composer de charges
financières extrêmement lourdes.
Quant à la branche de la production dans les
années trente, elle est ternie par une mauvaise image. Différents
évènements ont légitimé la stigmatisation raciale
du producteur juif étranger avide de profit comme le scandale
Pathé-Nathan mentionné plus haut, les tensions engendrées
par la reconversion industrielle de la production et de l'exploitation
cinématographiques ou encore les actions publiques des
réalisateurs français pour faire reconnaître leurs droits
d'auteur. Cette idée reçue du « producteur
arnaqueur »88(*)
résulte d'abord du comportement des producteurs eux-mêmes.
L'exercice du métier, au début de l'industrie du parlant, impose
conjointement la valorisation de l'importance des sommes manipulées
-constituant une preuve de réussite professionnelle et un moyen
d'attirer des financements- et la rétention d'informations sur des
méthodes de production pouvant être utile à leurs
concurrents.
Selon certains tel que A-P Richard dans un article de la
Cinématographie Française du 4 juillet 1936,
« un producteur indépendant pénètre dans
l'engrenage industriel avec la mentalité du monsieur pour lequel tout
doit converger vers un but unique : son film. Pour lui les équipes
doivent épouser ses idées, ses conceptions, sa foi, ses
qualités et ses défauts. [...] Son film achevé, il laisse
là toute la charpente technique laquelle resservira presque
immédiatement à un autre producteur, lequel exigera d'être
servi comme son prédécesseur. »
La communication entre ces trois branches est loin
d'être évidente : nombre d'associations, de groupements, de
syndicats sont présents, mais ne sont guères efficaces pour
organiser eux même la profession. Cette mésentente entre
professionnels du domaine cinématographique et certaines méthodes
de travail douteuses est accompagnée par un désordre syndical qui
ne permet pas au cinéma de réajuster si possible ses
déboires. La syndicalisation des métiers du cinéma est
d'ailleurs contemporaine de l'émergence d'un marché du film
parlant. Elle voit le jour en même temps que les premières
idées de protection des auteurs face notamment à certains
producteurs, idée chère à Jean Zay qui la renforcera dans
son statut du cinéma.
Ce schéma 89(*) reflète bien l'importance et la multitude de
personnes nécessaires afin de faire un film. Personne aux
compétences et aux idées différentes quant à une
éventuelle mis en place de syndicalisation étant donné
leurs intérêts différents.
Cette même syndicalisation, qui débute à
peine, contribue à souligner la différence professionnelle entre
le « chef cinéaste » (ou réalisateur) et l'
« auteur » (c'est-à-dire le
« scénariste ») tout en favorisant la
« reconnaissance » artistique de certains metteurs en
scène via leur intégration, à titre
« d'auteurs », au sein de la SACD (Société
des auteurs et compositeurs dramatiques).
1.2.2) Le monde syndical en pleine ébullition
Le Front populaire va-t-il favoriser l'union syndicale dans
une profession où la désunion est la règle, tant chez les
patrons que chez les salariés ?
Depuis des années les patrons n'ont pas réussi
à assainir la profession; l'État a dû intervenir pour
limiter les compétences des faillites ou imposer la recherche des
conventions collectives. En juin 1936, les patrons établissent entre eux
un contact permanent rue de Messine, au siège du Syndicat des
distributeurs. Ils ne trouvent pas mieux que de proposer une union corporative
verticale90(*) entre
employeurs et employés, ambition totalement illusoire, car les ouvriers
n'en veulent pas et, en 1936, moins que jamais !
Faisons un état des lieux de ce « melting
pot » syndical :
Deux grands mouvements syndicalistes patronaux s'opposent
chacun pour avoir le privilège de pouvoir représenter le
cinéma français.
La chambre syndicale de la cinématographie
française constitue un syndicat puissant, devenant la
fédération des syndicats de l'industrie cinématographique
française, puis la fédération des chambres syndicales de
la cinématographie française91(*). D'autre part, il existe le comité du
film92(*). Ce
comité intersyndical constitue, dixit le communiqué de presse,
« la représentation la plus large de l'industrie
cinématographique et l'élément le plus actif tant par le
nombre de films produits annuellement que par la qualité des films
distribués sur le marché français et par le nombre de
théâtres cinématographiques exploités ».
Le but de ce comité est d'organiser la profession avec
une intervention gouvernementale de l'État dans la seule mesure ou le
Comité la solliciterait. « Nous qui représentons
les éléments patronaux de la corporation ne pouvons pas nous
soumettre à une intervention systématique des autorités de
l'État ».93(*)
Même si ces reformations complexes du milieu
syndicaliste du cinéma n'aboutissent pas, un texte fut
créé par la chambre syndicale de la cinématographie en
193594(*). Celui-ci
stipule les conditions générales de location de films, contrat
type qui est toujours en usage. Ce texte précise les conditions de
formation du contrat (définition de la location, catégorie des
films, privilèges de location, rédaction du bon de commande,
condition et prix de la location), il fixe les modalités
d'exécution du contrat (lieu, date et délais de passage des
films, transfert de la location , utilisation des films et des articles de
publicité, cas de force majeure et cas de révision
éventuelle des contrats, clause pénale) ; il établit
enfin un droit de juridiction de la corporation (clause compromissoire :
conciliation et arbitrage).
De plus, les deux syndicats principaux
(récapitulés dans le tableau représentatif95(*) ci-contre) vont jouer un
rôle important dans la création ou les projets de création
d'institutions nationales du cinéma lors des dernières
années de la troisième République. A l'aube de la prise
de pouvoir de Jean Zay rue Grenelle, on peut représenter ceux-ci comme
ci-dessous :
Fédération des chambres syndicales de la
cinématographie française
|
Comité du film
|
1) Chambre syndicale des producteurs français du film
2) chambre syndicale des distributeurs
3) chambre syndicale française des directeurs de
cinémas
|
1) chambre syndicale française des producteurs de films
(ex Union syndicale des producteurs de films)
2) chambre syndicale française des distributeurs de films
(ex union générale (ex Union générale des
distributeurs de films)
3) Union des chambres syndicales françaises des
théâtres cinématographiques et industries annexes (à
cette Union était notamment affilié le syndicat français
des directeurs de théâtres cinématographiques)
4) Chambre syndicale des industries techniques de la
cinématographie.
|
Le patronat est donc profondément divisé entre
des branches dont les intérêts divergent: production,
distribution, exploitation. A l'intérieur de chaque branche, les
sociétés se livrent à une concurrence acharnée. Il
parvient cependant en septembre 1936 à réunir les chambres
syndicales représentant les trois branches, plus celles des industries
techniques, dans une Confédération Générale de la
Cinématographie (C.G.C) affiliée à la
Confédération Générale du Patronat Français
(C.G.P.F). Elle gère une Caisse centrale de la Cinématographie
que l'on espère voir garantir la salubrité financière de
la profession. Cette unité au moins de surface, amorcée sous la
pression des évènements, n'empêche pas chacun à
continuer à défendre ses intérêts propres.
Le Comité du film, fort d'une recommandation
internationale et de ses ententes avec l'organisation corporative mena des
actions habiles pour prendre la tête et l'exclusivité du mouvement
corporatif français et pour donner à son organisme une puissance
officielle et indiscutable. Ses adhérents préconisaient donc
auprès des membres du Conseil national économique d'instituer un
organisme professionnel doté de pouvoirs régaliens. Le
Comité s'apprêtait de la sorte à recueillir le fruit de ces
vastes et délicates négociations en créant, au moment
opportun, une Confédération générale du
cinéma.
Les organisations ouvrières sont également
divisées. Par exemple, au sein de la C.G.T, le Syndicat
Général des Travailleurs de l'Industrie du Film (Robert Jarville)
est rattaché au Syndicat des Produits chimiques et non à la
Fédération du Spectacle. Celle-ci accueille en juillet 1936
l'Union des Artistes, la date étant révélatrice du grand
mouvement syndical provoqué par les grèves.96(*)
La Fédération Nationale des Syndicats d'artisans
français du Film suit le même chemin que l'Union des Artistes.
Dés juin on y parle d'adhésion à la C.G.T, chose faite en
décembre97(*).
Là encore, l'affiliation se fait auprès de la
Fédération du Spectacle.
Le « Travailleur du Film »,
journal du syndicat de R. Jarville98(*) prône l'union entre les techniciens et les
travailleurs intellectuels : « le scénariste, le
metteur en scène, l'opérateur de prise de vues,
l'ingénieur du son, les ouvriers des laboratoires font des images qui
parlent au peuple de France. » Rivales entre elles, les
organisations cégétistes doivent aussi lutter contre les
syndicats « libres ». Ainsi lorsque l'Union des artistes
rejoint la C.G.T, se forme un syndicat professionnel du Spectacle99(*). Bref, on est loin des voeux
du Travailleur du Film » : « il n'y a
qu'un seul camp chez les travailleurs : le camp des exploités en
lutte contre les exploiteurs. Il ne peut donc y avoir qu'un seul syndicat
s'appuyant sur la grande C.G.T ». Mais le milieu
cinématographique bouillonne et la C.G.T, malgré ses divisions,
reste bien le syndicat le plus puissant.
C.G.T
|
Syndicat Général des Travailleurs de l'Industrie du
Film (rattaché au Syndicat des Produits chimiques)
|
- l'Union des Artistes
-Fédération Nationale des Syndicats d'artisans
français du Film
|
- Syndicat des Artisans du Film
|
En juin 36, les grèves déclenchées par la
C.G.T, après la victoire du Front Populaire aux dernières
élections, touchent les entreprises de cinéma. Les organisations
ouvrières se regroupent et fusionnent au sein de la C.G.T dans le
même temps que les patrons parachèvent leur unité.
Du côté du gouvernement,
Cinémonde100(*) révèle le désir de celui-ci
de créer un Office cinématographique de l'État et
l'intention qu'a Léon Blum de créer un sous-secrétariat de
la radio et du cinéma et de confier ce poste à Rivers,
député socialiste de l'Allier.
Suite à la grève s'éparpillant durant
tout le mois dans les studios, certains demandent des Etats
généraux du cinéma face aux transformations profondes que
connaît la profession. Aussitôt émise comme idée,
celle-ci fut aussitôt abandonnée.
Certains plébiscitent plutôt une Union
corporative de toutes les branches de la profession. Au lendemain des
grèves de Juin 36, P-A Harlé101(*) consent qu'il faudrait chercher et trouver des
revendications « sur un plan particulier à la corporation,
et non dans une opposition des intérêts ouvriers et
patronaux ». Selon lui, le Front populaire
-« expérience aléatoire où le pays vient de
s'engager »- permettra une certaine cohésion sociale et
une véritable union de tous les travailleurs du métier
cinématographique. Petit à petit, une notion nouvelle, celle de
la propriété du métier de chaque travailleur, avec ses
droits et ses devoirs à l'égard des autres travailleurs de la
même branche industrielle, s'introduit dans les consciences.
« Voilà l'esprit même de la
collaboration, de la corporation, de l'union des intérêts dans un
même métier, que nous avons toujours espéré voir
naitre. »102(*)
Sous l'égide du gouvernement, les organisations
syndicales, patronales et ouvrières, effectuent alors un travail
qu'elles veulent ouvrir sur l'avenir : les premières conventions
collectives voient le jour, les congés payés sont accueillis avec
la même ferveur que dans tous les autres domaines. En revanche,
l'application des 40h se heurte avec les particularités de l'industrie
cinématographique : le cinéma ne peut envisager le travail
à heure fixe, dépendant de la scène, du nombre de
figurants etc. La profession cinématographique qui se plait à
défendre sa liberté, est prise entre deux dangers :
« la banque capitaliste et bourgeoise »103(*) ayant
précipité la chute de Pathé en lui coupant les
vivres104(*) et le
spectre d'une reprise en main de l'État. Ainsi les corporatistes
réclament l'aide de l'Etat mais s'alarment dés que celui-ci fait
mine de bouger... Jean Zay devra faire face à ce problème lorsque
les voix s'élèveront contre son projet de réforme
Mais pour l'heure, cette institutionnalisation du
cinéma et la création d'une législation du domaine ne se
fera pas sans mal, mais en partie grâce à l'aide de l'État
qui s'intéresse depuis quelques années à ce milieu.
1.3) Les inspirateurs de Jean Zay : Maurice Petsche
et Guy de Carmoy
« Il est à mon sens indispensable de
centraliser les attributions cinématographiques [...] qui se trouvent
disséminées entre une quantité de
Ministères. » manifeste Jean Zay face au groupe
Renaitour.105(*)
Il est vrai que sous la IIIème République, le
cinéma dépend concomitamment de quatre ministères (la
direction générale des Beaux Arts du ministère de
l'Education nationale pour les questions administratives, le ministère
des affaires étrangères pour les productions françaises
à l'étranger, le ministère du commerce pour l'exportation
et la présidence du conseil pour chapeauter le tout) dont les nombreuses
interactions paralysent lentement mais surement toute initiative d'actions
voire même d'étude sur le domaine cinématographique !
Ceci n'empêche pas toutefois l'État de s'intéresser au
7ème art en plein essor et dépourvu de toute
règlementation sérieuse, intérêt
représenté par deux rapports importants réalisés
-non sans mal- en 1935 et 1936.
1.3.1) Le rapport Petsche ou les solutions
étatistes
Le 28 juin 1935, le député Maurice
Petsche106(*)
présente son rapport, le premier consacré au cinéma,
à la commission des Finances du cinéma : l'état de
santé de l'industrie cinématographique et les causes de la crise
qu'elle traverse sont analysés. Il importe de préciser son plan,
car il a considérablement influé sur l'orientation de la vie
corporative et sur les projets gouvernementaux -donc ceux de Jean Zay-
jusqu'à la guerre de 1939. On retrouvera ces mêmes principes dans
les institutions de soutien de l'industrie cinématographique
créées en 1959.
Après un bilan détaillé des ressources du
cinéma et de ses principaux dysfonctionnements, des solutions
énergiques sont avancées. Le mal étant, le seul
remède curatif proposé est une réorganisation profonde et
complète des structures du cinéma français, car il
faut :
« Protéger la production française
contre la production étrangère, c'est non seulement la
défendre, mais encore et surtout la replacer dans une position qui lui
permette d'affronter, à égalité de chances, la
compétition internationale, d'abord sur son propre marché ensuite
sur les marchés extérieurs ; c'est l'alléger de
toutes les charges parasitaires, dues à une mauvaise organisation
économique : taux usuraire des intérêts, prix
excessifs de la matière première et des instruments de
production, frais abusifs de courtage. C'est compenser l'inégal
amortissement des films présentés sur le marché national,
c'est étendre des débouchés de cette industrie tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est, enfin,
rehausser la valeur culturelle de nos créations
cinématographiques. »107(*).
Le projet essentiel108(*) est la création d'un fonds national du
cinéma, organisme de financement et de crédit qui, sous l'alibi
d'une règlementation financière, s'avère être une
mise sous contrôle étatique du marché et apparait comme une
nationalisation pour les professionnels du milieu.
Ce fonds109(*) aurait consisté en un organisme de
financement et de crédit ayant pour objet de procurer, à un taux
normal du crédit à la production et à l'exploitation. Le
financement aurait été assuré par l'octroi d'un
privilège d'importation et de distributions des films étrangers
en France par une taxe de 10% sur les royalties, par une taxe sur les licences
d'exploitation des salles. Ce fonds accorderait des crédits à
l'exploitation, en vue d'équiper en sonore de nombreuses salles et
à la production sous trois formes pour cette dernière : sur
un film terminé110(*), sur un projet de film111(*) et enfin sur un film
à exporter112(*)
afin de garantir la bonne santé des films français
destinés à d'autres marchés.
L'institution de ce fonds national aurait pu permettre, selon
Maurice Petsche, d'exercer sur ceux qui en bénéficieraient un
contrôle, voire une pression, en vue de régulariser et rendre
saine leur gestion.
D'autres mesures de réorganisation sont
préconisées dans le rapport, telles que la révision du
barème servant de base à l'évaluation des films
étrangers importés ou encore la définition précise
du film français avec précision afin de mieux le protéger.
Pour un minimum de protection de l'exploitation, la solution
préconisée est de mettre fin à la concurrence
désordonnée des salles par discipline professionnelle ou par
création d'une licence d'exploitation.
Enfin Maurice Petsche termine son étude en demandant au
Gouvernement de décider une politique forte, cohérente et
générale à l'égard du cinéma tout en
centralisant lui-même dans un service unique les attributions
cinématographiques réparties entre plusieurs ministères.
Ce rapport est la clé de voûte des institutions
contemporaines du cinéma, encore plus que le rapport Carmoy. Mais il
contient bien trop de dispositions explosives pour l'époque et les
esprits ne sont pas encore prêts pour ses mesures étatiques dans
un domaine bien libéral. En octobre 35, les syndicats patronaux
déclenchent de véhémentes protestations113(*) contre ce projet, soutenu
par les sociétés d'auteurs et la C.G.T.
Le rapport est bel et bien été enterré
à ce moment là mais Jean Zay le reprendra deux ans plus tard,
sous une forme atténuée dans son projet.
1.3.2) Le rapport Carmoy ou les solutions corporatistes
Depuis 1931, le Conseil National Economique avait entrepris
une vaste enquête sur la situation des principales branches de
l'économie nationale. La direction de l'enquête en ce qui concerne
celle du cinéma fut confiée à un inspecteur des Finances,
Guy de Carmoy, dont le rapport aujourd'hui est toujours cité et mis en
avant. Ce rapport contrairement à celui de Petsche offre à un
organisme corporatif unique des pouvoirs normalement dévolus à la
puissance publique. Ce n'est pas un hasard si les tumultes et les remous des
syndicats patronaux afin de former un organisme majoritaire tel que le
Comité du film est concomitant de l'élaboration des travaux du
Conseil national économique. Ceci est révélateur à
merveille de l'adroite négociation menée par les nouveaux
dirigeants de l'industrie cinématographique pour prendre eux-mêmes
en mains les destinées de leurs industries et y établir leurs
propres règles, même à l'égard des professionnels
indépendants ne désirant pas adhérer à la nouvelle
organisation syndicale. Mais cette idée ne fait pas unanimité
loin de là, à commencer par le gouvernement et Jean Zay, à
la tête du ministère des Beaux arts à l'aube de l'adoption
à l'unanimité du rapport Carmoy.
Le Conseil économique approuva ce rapport et mit en garde
la profession114(*) :
« La situation alarmante d'une industrie qui
tient aujourd'hui une place importante dans l'activité
économique, et dont l'influence sur les moeurs et la culture a conduit
le Conseil National Economique à préconiser des mesures de
redressement exceptionnelles comportant l'intervention marquée de
l'État dans le cas où la profession ne se
révèlerait pas capable d'accomplir les réformes
nécessaires ».
Ce deuxième rapport115(*), présenté au Conseil national
économique, est plus pessimiste que le premier. Il en reprend la
mauvaise organisation du cinéma français (production et surtout
distribution) et l'abondance des films étrangers :
« L'industrie cinématographique
française est, depuis plusieurs années, nettement
déficitaire [...] cette situation ne tient pas seulement à la
diminution des ressources, à l'exagération du coût de
production des films, à l'absence de capitaux et aux
procédés onéreux du financement qui en sont la
conséquence. Elle résulte de l'état du marché
français : le trop grand nombre de films étrangers est un
obstacle à l'amortissement normal de la production nationale et à
la rentabilité d'une industrie dont l'organisation est au demeurant
défectueuse ».
L'idée de Guy de Carmoy peut se résumer
parfaitement dans l'exposition qu'en fait Jean Zay devant le groupe
Renaitour :
« Le Conseil National Economique suggère
de créer un organisme patronal unique et un organisme syndical unique,
et la formation de ce qu'il appelle le comité central du cinéma.
[...] Il serait alors envisagé de donner à cet organisme des
pouvoirs assez grands qui pourraient aller jusqu'à l'entente
industrielle [...] c'est-à-dire la possibilité pour les
industriels intéressés, de prendre, sur la production des
dispositions d'ensemble. »116(*)
En effet, le noeud de la réforme
préconisée par Carmoy consiste en la création d'un
groupement unique des chambres syndicales patronale jouissant d'attributions
d'ordre régalien sous le contrôle de la puissance publique
(limitation de la mise en distribution des films d'exploitation
générale, limitation de l'ouverture de nouvelles salles etc.)
D'autres parts, le Conseil National préconisait de
compléter l'organisme professionnel par une série d'interventions
législatives portant sur : la définition des termes
d'auteurs de films, producteurs de film, films français,
étrangers, La création d'un visa pour l'exportation, des mesures
pour aider l'assainissement moral de l'exercice de producteur et de
distributeur, et l'extension à l'industrie du cinéma de certaines
dispositions du code de travail relatives à l'hygiène et à
la sécurité des travailleurs. En termes de protection
douanière, un aménagement des contingences et des droits de
douane, complété par l'institution d'une taxe sur le doublage
serait effectué. Sur le plan fiscal, l'allègement des taxes
d'État est également adopté. Guy de Carmoy oublia tout
système de crédit en faveur de l'exploitation, réduisant
à des cas particuliers les encouragements de la qualité. Selon
certains, le seul mérite du Conseil National Economique fut de supprimer
la notion d'intervention directe de la puissance :
l'État n'intervient plus que pour sanctionner les
décisions adoptées par l'organisme professionnel. Mais les
intérêts généraux de l'État
cèderaient-ils le pas devant des intérêts purement
professionnels face à un domaine cinématographique en piteux
état ?
1.3.3) Un cinéma sous tutelle de
l'État ?
Face à la situation accablante de l'industrie
cinématographique, de nombreuses voix s'élèvent et
s'inquiètent. « Un ministre de l'avant-dernier
ministère a répondu un jour : le Cinéma ne
m'intéresse pas. En sera-t-il de même aujourd'hui ? Le
gouvernement français comprendra t il enfin que son devoir est de
quitter la tour d'ivoire chère à ses prédécesseurs
ou laissera t il périr cet élément indispensable de notre
prospérité. » S'exclame un journaliste de la
Cinématographie française117(*) . Une lettre ouverte est même adressée
à Jean Zay avec une récapitulation des revendications du
milieu118(*) où
l'espoir est là :
« Les précédents gouvernements ne
se sont pas occupés sérieusement de notre industrie. Ils ne se
sont pas souciés de ses aspirations, de ses besoins économiques,
de la grande valeur de cet instrument de propagande nationale.
L'arrivée au pouvoir d'un gouvernement
réformiste, qui veut modifier l'ordre établi en ne
séparant pas, dans sa sollicitude, l'évolution économique
du mouvement social, peut apporter au Cinéma Français des
avantages très importants. »
Mais tout en demandant l'aide de l'assistance publique et en
ayant des espoirs sur un gouvernement différents des
précédents, la peur d'une étatisation est bel et bien
présente :
« Si le ministre qui se penchera sur nos
problèmes de travail sait mesurer la vanité des interventions
étatistes dans une profession artisanale et pour laquelle les
initiatives individuelles sont indispensables, l'occasion est bonne pour
créer dans le pays une belle et utile organisation du cinéma
français. » Explique un journaliste de la
cinématographie française119(*).
Le problème de la
« nationalisation » est évoqué, Léon
Blum le prononçant souvent. Si le programme de Rassemblement populaire
ne l'évoque que pour l'armement, Paul Faure, second leader du parti
S.F.I.O120(*) le
proclame haut et fort.
Il est vrai que beaucoup souhaitent la création d'un
ministère de l'Art et de la Propagande comme en U.R.S.S, en Italie, ou
en Allemagne. Ce ministère permettra ainsi à tous les modes
d'expression de servir à « l'exaltation du sentiment national
et à la diffusion à l'étranger du film
français » (grandeur et exportation font bon ménage).
« Jamais sans doute le besoin de communier dans une même
foi n'aura été plus vif qu'au lendemain de la poussée
populaire qui a hissé au pouvoir les forces de
gauche ».121(*) En mai 36, au printemps du Front populaire, la
« propagande » et les
« modèles » totalitaires n'ont pas encore une grande
force de repoussoir.
Les chambres forment un Groupe de Défense du
Cinéma présidé par le sénateur Lancien et le
député maire d'Auxerre Jean Michel Renaitour qui rassemblera le
compte rendu des travaux. Ils élaborent une charte de
revendication122(*). En
décembre 1936 encore, le député Gaston Gérard
demande au gouvernement de na pas oublier théâtre, radio et
cinéma lors de la discussion budgétaire123(*). Mais tous ces projets ne
font pas long feu. De l'idée d'un Office cinématographique
comparable à l'Office du blé, à celle d'un sous
secrétariat d'État au Cinéma124(*), on en reste à la
tutelle du ministre de l'éducation nationale. Jean Zay d'ailleurs
s'intéresse vraiment au cinéma125(*) mais son projet de statut n'aboutira pas.
Cependant, face aux nombreuses inquiétudes d'une
étatisation du cinéma, voici sa réponse se voulant
rassurante :
« Je crois que dans ces conditions il n'est
personne qui ne reconnaisse que les principes du libéralisme pur et
simple, total, et le désintéressement absolu de l'État en
face d'un problème aussi capital, puissent se poursuivre et qu'il ne
soit nécessaire pour lui de prendre des responsabilités. Je pense
pourtant que l'État doit laisser à l'industrie
cinématographique, notamment pour des raisons d'ordre artistique,
l'indépendance et la liberté nécessaires, et que des
formules de tutelle, que personne ne demande d'ailleurs, pourraient être
redoutables »126(*).
Ainsi, à l'aube de ces 3 ans de gouvernance à la
tête de l'industrie cinématographique, Jean Zay a tous les
matériaux -rapports, avis de chacune des branches de l'industrie etc-,
afin d'élaborer une véritable politique permettant de construire
les premiers plans d'une organisation du cinéma pour sortir le
7ème art du sinistre qui le touche...
2) Un environnement réorganisé
Parallèlement à la construction de son projet
de « statut du cinéma », Jean Zay initie et met en
place quelques solutions afin de résoudre les problèmes de
l'industrie cinématographique. Celle-ci manque de prestige, dû en
particulier à la « qualité médiocre des
films »127(*), mais le milieu cinématographique manque
aussi généralement de promotion. C'est face à ce
problème, et face à la Biennale de Venise que Jean Zay va initier
ce qui est devenu une des plus prestigieuses compétitions
cinématographiques au monde. En parallèle de cette promotion du
cinéma français, il va tenter tant bien que mal de
protéger celui-ci face à l'invasion sur grand écran des
Etats-Unis et d'anticiper le besoin du 7ème art dans
l'éducation, domaine qui lui est cher.
2.1) Redorer le blason du cinéma
français : zoom sur le Festival de Cannes
« Nous préparions pour septembre
-hélas !- le Festival de Cannes, destiné à
concurrencer par une manifestation française la fameuse Biennale de
Venise, seule rencontre internationale du cinéma. Pour Cannes
s'étaient inscrites déjà plus de nations et plus d'oeuvres
que pour Venise. Notre festival, organisé avec le concours de
« l'Action Artistique », aurait fait de la France chaque
année le centre mondial du cinéma ; la Côte d'Azur
aurait vu se dérouler à cette occasion des fêtes de
qualités, qui eussent servi du même coup les intérêts
du cinéma français et les intérêts du tourisme
français. »128(*)
2.1.1) La Mostra Internazionale d'Arte
Cinematografico de Venise en crise.
La préhistoire de la création du festival de la
croisette se situe à Venise.
Forte de son succès depuis sa création en 1895,
la Biennale d'Art de cette ville rajoute à son programme le
cinéma en 1932, en reconnaissant ce divertissement populaire comme art
autonome. Mais l'initiateur du festival de Venise n'est autre que Giuseppe
Volpi Di Misurata, principal dirigeant d'une société
d'hôtels de luxe.
De fait, la crise américaine puis européenne des
années trente entrainant une mutation sociale et la diminution du
« tourisme d'élite », le Festival de Venise se
préoccupe moins de hausser le prestige du cinéma que de
démocratiser l'hôtellerie de luxe en y attirant la bourgeoisie
aisée, tout en présentant les oeuvres italiennes à un
public international, l'Italie n'exportant que très peu de
films129(*).
« La Biennale devient une véritable Bourse du film.
Beaucoup d'affaires y sont traitées et il est indispensable que les
producteurs aient sur place des représentants autorisés à
discuter leurs intérêts »130(*).
La politique entre en jeux au fil du temps : lorsque Jean
Zay prends ses fonctions, la Mostra de Venise se déroule dans un climat
relativement tendu, en particulier l'édition d'Aout 1938 (face au sort
de la Tchécoslovaquie qui est en train de se jouer)131(*). Les deux principaux prix
s'intitulent « coupe Mussolini » et « Coupe du
parti national fasciste », ce qui n'est pas du goût de tout le
monde. Les pays démocratiques (en particulier la France, la Grande
Bretagne et les Etats-Unis) protestent contre l'attribution ex aequo du Grand
Prix à un film supervisé par le fils de Mussolini et au film
allemand de Leni Riefenstahl sur les jeux Olympiques, initiant un
esthétisme cinématographique
« fasciste »132(*), esthétique du cinéma qui est vue d'un
mauvais oeil en France133(*)
Dans ces conditions, pas question pour la France de revenir
l'année suivante et murit l'idée selon laquelle il faut s'opposer
au festival de Venise, plus spécialement aux tournures fascisantes que
celui-ci prend ...Ce processus va conduire à la création du
Festival de Cannes.
2.1.2) Le « Festival du monde
libre » : une opportunité soutenue par Jean Zay
Si Venise est en crise, la France, pays démocratique de
grand cinéma, n'est il pas le mieux désigné pour reprendre
le flambeau et manifester aux yeux du monde l'équité de ses lois,
la vitalité de sa culture et la qualité de son accueil ? Par
la création de son festival, la France peut espérer
réduire les tentatives hégémoniques de l'Allemagne et de
l'Italie en matière de culture.
Un homme en particulier souffle l'idée à Jean
Zay de la création d'un festival de cinéma : Philippe
Erlanger, historien et responsable du bureau des activités
artistiques134(*),
chargé des échanges artistiques avec les pays étrangers.
Celui-ci s'appuie sur une campagne de presse montrant le désastre de
Venise pour alerter le ministre qui lui accorde pleinement son soutien en
s'emparant de l'affaire135(*). Jean Zay, ardent défenseur du cinéma
français ne pouvant tolérer l'attitude du régime italien
lors de la récente édition vénitienne, donne sa
réponse favorable le 26 décembre 1938. Celui-ci voit dans cette
manifestation culturelle l'occasion d'un encouragement envers l'industrie
française dans son besoin d'expansion de sa production
cinématographique vers l'étranger.
En 1938, l'industrie cinématographique nationale est
dans une phase de développement ; elle est sortie de la crise et se
place même en première position dans sa production annuelle de
longs métrages par rapport à ses pays voisins136(*). Développement
largement encouragé par les pouvoirs publics, initiant
déjà en 1937, lors de l'Exposition universelle de Paris,
l'expérience d'une première compétition internationale
cinématographique. La récompense officielle, créé
par le ministère rue de Grenelle, est un « Grand Prix du
cinéma » auquel s'ajoute un prix décerné par les
journalistes : le prix « Louis Delluc ». Cette
idée a une continuité nationale et Jean Zay crée et prend
ainsi la direction d'un concours cinématographique national qui
s'échelonne sur toute l'année137(*).
Mais seule la Mostra de Venise permet la promotion des films
français à l'étranger. Ainsi, afin d'assurer cette
publicité cinématographique, Jean Zay soutient la mise en place
d'organismes et de structures inhérents à la création du
festival qui constitue une étape essentielle dans le
développement du cinéma national, lui permettant ainsi
d'accroitre son importance et ses moyens de distribution.
Une bataille politique s'engage alors entre les
« culturels », qui voient dans ce projet une
opportunité de servir le prestige national, et les
« diplomates » conduits par le ministre des Affaires
étrangères, Georges Bonnes, pour qui l'essentiel est d'assurer la
neutralité de l'Italie dans les conflits qui s'annoncent, en veillant
à ne lui faire nul affront.
Ce soutien du ministère sera renforcé dans
l'ombre par les élus locaux et régionaux, et les syndicats de
l'hôtellerie très actifs. On peut voir là les
prémices d'une parfaite collaboration entre le pouvoir central
(secrétariat des Beaux Arts) et les collectivités locales.
Cependant, la question du festival est discutée tout l'hiver au Conseil
des ministres, ne trouvant un aboutissement qu'en mai 1939, de peur d'une
riposte de Mussolini, vu les tensions politiques particulièrement vives
entre les deux Etats138(*).
Une collaboration entre pouvoirs centraux et pouvoirs locaux
commence rapidement. L'action décisive des directeurs de palace permet
au gouvernement de se prononcer en faveur de Cannes et s'accompagne de
propositions fortement attrayantes à la charge de la ville. Ainsi une
close du contrat donne la responsabilité du Festival à Cannes et
prévoit en outre que la municipalité s'engage à
héberger gracieusement les délégués, les
invités et les journalistes. En contre partie la ville obtient certaines
garanties : les subventions de l'Etat et du département des Alpes
Maritimes d'une part et le produit des recettes de l'autre, l'ensemble devant
servir à amortir les coûts.
Etant donné que la création du Festival touche
les relations diplomatiques entre la France et l'Italie, c'est sous la tutelle
du ministère des affaires étrangères139(*) que celui-ci se met en
place, en collaboration avec le sous secrétariat des Beaux Arts.
Enfin les services des Postes, Télégraphes et
Téléphone (P.T.T) sont en charge de la promotion de
l'évènement, soit sous la forme d'émissions publicitaires
banales, soit sous la forme de déclarations ou d'interviews. Un
« gala du film » est organisé durant
l'été 1939 à Paris, sous l'égide de Jean Zay, afin
d'annoncer l'ouverture des festivités à Cannes.
Cette manifestation représentative de la place
prépondérante que tend à prendre les échanges
cinématographiques, est donc organisée par les pouvoirs publics
dans leur ensemble, une première en matière culturelle ! Ce
festival constitue bel et bien pour la France une étape
supplémentaire dans l'élaboration de sa politique culturelle qui
va véritablement s'affiner et s'affirmer qu'après la Seconde
Guerre Mondiale.
Afin d'aider à la création de ce festival, il
est prévu de créer une nouvelle association chargée de la
mise en place du Festival. Faute de temps, c'est l'Association française
d'action artistique dont Philippe Erlanger est le directeur
général qui reçoit la charge de former un Comité
d'organisation chargé de l'exécution. De droit, la
présidence de ce Comité est concédée à
Georges Huisman, dirigeant du secrétariat des Beaux arts et proche de
Jean Zay. Les attributions de ce comité sont multiples :
établir le budget, fixer les rémunérations et
indemnités des fonctionnaires ainsi qu'approuver les plans
établis pour le Festival.
Deux autres Comités accompagnent celui-ci : un
Comité d'accueil et un autre « purement cannois »,
tous d'eux chargés de l'organisation locale, toutes ses structures
travaillant main dans la main au fil de l'été 1939.
Seul ombre au tableau - reflet des problèmes auxquels
devra faire face Jean Zay dans l'application de ses projets principaux- :
les finances insuffisantes140(*). La ville de Cannes141(*), dont les investissements
constituent déjà la majeure partie du budget, ne peut augmenter
sa participation. Le surplus des dépenses à engager doit
être couvert par le Conseil général des Alpes-Maritimes.
Pour faire face à ce problème, l'Etat doit diminuer les
crédits accordés à certains postes financiers, une
dégrève de l'ensemble des frais de douanes touchant les oeuvres
étrangères etc...Mais même en résolvant le
problème financier, un autre nuage assombrit l'horizon du festival comme
nous le verrons plus tard : le contexte international.
Pour l'heure et malgré celui-ci, de nombreux pays
pensent participer aux festivités françaises. Certains Etats,
pour des raisons politiques refusent tel que l'Italie et l'Allemagne mais une
majorité de pays acceptent de prendre part au festival cannois. Ces
participations étrangères n'ont cependant pas toutes le
même poids. Pour certaines, les enjeux sont plus importants : l'U.R.S.S
a droit à quelques faveurs, tout comme les Etats-Unis dont la
présence apparait déterminante dans la réalisation du
Festival. D'ailleurs, la France multiplie ses efforts diplomatiques afin
d'accélérer la décision définitive des
Américains. Cette participation américaine au Festival de Cannes
reste« capitale » principalement parce que les Etats-Unis
demeurent la plus grande des puissances cinématographiques mondiales.
2.2) protéger le cinéma français
Les États-Unis, même si leur présence est
essentielle afin de promouvoir le cinéma français via le Festival
de Cannes, n'amènent pas que des avantages. Le contrôle des
importations américaines -laissant peu de places au cinéma
français sur ses propres écrans- est essentiel afin
d'améliorer l'économie cinématographique nationale. Ce
contrôle peut passer par un outil étatique essentiel : la
censure. En effet, celle-ci, avec la création d'un « visa
d'exploitation », est amenée à contrer la position du
cinéma américain qui était la plus
assurée142(*) ,
comme expliqué dans la partie précédente. Face à
cette invasion, les trois États totalitaires que sont l'Allemagne,
l'Italie et le Japon ont rapidement restreint l'importation des films
« Made In USA ». Le cas de la France est à part,
étant plus proche politiquement de son voisin outre-Atlantique et
voulant s'implanter aux U.S.A.
2.2.1) Une censure nécessaire
« La censure fleurit sur la pellicule comme le
gui parasite sur le pommier, elle est là, on ne sait pas trop pourquoi,
on interroge et on vous répond :
- Il faut toujours craindre un abus143(*) »
La censure a toujours été présente sur
les écrans français dès l'apparition des premiers films et
celle-ci fut renforcée dans les années trente144(*). En 1931, le ministre
Maurice Petsche, du temps où il était Sous-secrétaire
d'État aux Beaux-arts, créé un « Conseil
supérieur du cinéma », de 87 membres, intégrant
la Commission de Contrôle dont le pouvoir fut renforcé145(*) (44 membres au lieu de 32).
En mars 1933, la Commission, dont le ministre de l'information avait perdu le
contrôle au bénéfice du ministère des Beaux Arts,
passa officiellement sous la direction de celui-ci. Sur simple décret,
la commission instaurée en 1928 interpréta assez souvent de
façon très large les critères qui lui étaient
fixés, comme en témoignent ces mots d'Edmond Sée, son
président en 1933 :
« Pour les films qui peuvent créer des
troubles et nuire au maintien de l'ordre, l'avis des représentants des
ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères a
force de loi. Leur véto est en somme sans
appel »146(*).
Quant à la pratique, en 1933, sur 572 films
présentés à la commission, 38 sont assortis de coupures,
et 11 interdits, pour des raisons allant de l'érotisme à
l'antimilitarisme en passant par l'atteinte aux personnalités
étrangères ou...au corps enseignant.
La commission qui suit fut (encore) instaurée par un
simple décret, datant du 7 mai 1936, aux dispositions nettement plus
restrictives, ce qui fait écrire à Paul Leglise que l'on retourne
du contrôle à la censure. Ce décret est
hérité par le gouvernement Blum, car signé in extremis par
Albert Sarraut147(*).
Cependant, une note adressée par les Beaux Arts148(*) au secrétaire
général de la Présidence du Conseil, datée du
29 mai 36, donc antérieure de quelques jours à la passation de
pouvoirs, précise clairement que cette nouvelle règlementation
est l'oeuvre du ministère de l'Intérieur et se heurte, ne
serait-ce que par le flou de ses définitions, aux réserves
expresses des Beaux arts et dudit secrétariat
général149(*).
Composée de vingt membres, la nouvelle commission
comprend désormais dix représentants des ministères, et
dix personnalités choisies par le ministre de l'Education Nationale en
dehors de la profession cinématographique. « La
commission de la censure se réunit deux fois par jour. Elle examine un
nombre films considérable. Elle est composée soit de
fonctionnaires, soit d'écrivains, soit de
journalistes »150(*). Néanmoins, comme le
« jeton de présence était dérisoire
et les films à subir bien souvent assommants, lesdites
personnalités artistiques venaient rarement. »151(*) Cette même
commission accorde un visa. Pour la délivrance de celui-ci,
« la commission prend en considération l'ensemble des
intérêts nationaux en jeu et spécialement
l'intérêt de la défense des bonnes moeurs et du respect des
traditions nationales ».152(*) Pour recevoir le visa légal, tout film
doit recueillir l'approbation unanime, de sorte que l'opposition du
délégué du ministère de la Marine ou de celui de la
Sureté nationale suffit pour emporter un véto qui
nécessite l'arbitrage du ministre.
« Celui-ci se devait d'être consciencieux
et de se procurer une opinion personnelle, car les producteurs du film ne
manquaient pas de l'avertir qu'il y allait de leur ruine »153(*).
Bien évidemment, le visa donné par la censure
appelle des critiques, certains se plaignant que celle-ci laisse trop peu de
films ou bien qu'elle censure de manière trop arbitraire. À
partir du moment où un film reçoit au ministère de
l'Education le visa, et qu'il prend son essor à travers le pays, il
échappe complètement à la compétence du
Ministère de l'Education Nationale et ne relève plus que des
pouvoirs de police du ministre de l'Intérieur, du Maire ou du
Préfet qui peuvent l'interdire ou non s'ils estiment qu'il est
susceptible de provoquer certains troubles.
La preuve avec un film censuré sur la délicate
question des frontières au Mexique durant le mois de février
1939154(*) où la
réalisatrice, Md Titayna, se plaint auprès du ministère du
retrait de son film des écrans d'une résidence universitaire.
Marcel Abraham, directeur du cabinet Jean Zay, lui rappelle que
« si ce visa équivaut à une
« autorisation » de présentation, il ne constitue
nullement un « droit » à la
présentation : un directeur de salle peut être amené
à renoncer à la projection d'un film s'il s'aperçoit que
ce film ne convient pas à sa clientèle. Quand il s'agit d'une
salle telle que celle de la Cité Universitaire, où les
règles de la courtoisie internationale doivent être
scrupuleusement observées, il est absolument normal que la Direction de
la salle évite de provoquer le mécontentement de tel ou tel
membre de la Cité. Dans ses conditions, M. Honnorat avait, non
seulement le droit, mais encore à mon avis, le devoir de céder
à la demande du ministère du Mexique de ne pas diffuser le
film ».
2.2.2) Une position partagée.
Jean Zay a un point de vue partagé sur la question de
la censure cinématographique. Dans une note des archives du cabinet
Abraham155(*) , le
ministre de l'Education nationale réagit à une enquête sur
le sujet menée par la revue Ciné-Monde.
Il résume parfaitement les deux positions qui n'ont de
cesse de s'affronter :
« Non ! Disent les uns. Il n'existe aucune
raison valable pour refuser au cinéma la liberté dont jouit le
livre, la presse ou le théâtre. Les mesures de police suffiraient
pleinement à réprimer les excès ou les causes de troubles.
[...] La liberté est la première condition de l'art. Les
Français sont majeurs et désirent voir sur leurs écrans
tous les films présentés sans entraves dans d'autres pays. A bas
la censure ! »
« -Attention ! Répliquent les
autres. Nous vivons dans une époque où les gouvernements n'ont
pas le droit de se dessaisir d'armes qui, après tout, doivent servir
l'ordre public. [...] La censure empêche par sa seule existence la
confection de films bassement pornographiques, qui, sans elle, inonderaient
certains écrans, en provenance souvent de l'extérieur de nos
frontières. Sa suppression, c'est la licence de toutes les propagandes
et nous ne pensons pas qu'aux propagandes politiques. Dans un autre temps, soit
aujourd'hui, gare ! La censure est un mal
nécessaire ».
A priori, le ministre de la rue Grenelle est favorable
à une censure. En effet, selon lui :
« À partir du moment où, soit au
point de vue social, soit au point de vue politique, le régime de la
liberté totale serait substitué à ce contrôle
imparfait, mais réel, on peut se demander si les salles de
cinématographe ne deviendraient pas rapidement des champs clos dans
lequel des publics différents, devant des films d'inspirations
totalement diverses, échangeraient des controverses qui pourraient
être particulièrement risquées »156(*).
Néanmoins, il admet qu'un certain nombre de
modifications et d'améliorations ayant été
réclamées de tous les côtés sont à prendre en
considération.
« C'est ainsi qu'il parait normal que la
censure s'exerce non pas sur le film une fois réalisé,
c'est-à-dire à un moment où on peut risquer de ruiner les
producteurs de bonne foi, mais préalablement sur le scénario
[...]. On peut veiller ensuite à ce que les indications qui ont
été données aux producteurs soient respectées. On
n'hésiterait pas à l'interdire si à l'aboutissement du
travail, on n'avait pas respecté les précisions
données »157(*).
Cependant, il n'est pas particulièrement fervent
partisan d'une censure à tout prix, se plaignant même des
associations de « défense de famille » qui
« réclament énergiquement leur place pour
représenter la moralité publique, ce qui n'eût pas pu
contribuer à aigrir les conflits »158(*) alors qu'en
réalité selon les dires d'Edmond Sée159(*), président de la
commission de censure, les offenses à la moralité constituent les
motifs d'interdiction les moins habituels, le cinéma français
étant en réalité un des plus pudiques.
À la question de la mise en place d'un contrôle
autre que la censure, comme en Belgique160(*), Jean Zay est très sceptique sur des mesures
de cet ordre, car il considère « comme infiniment
difficile de dire quels films, quelles salles conviennent aux enfants, et
à quel âge il est souhaitable ou non de leur en permettre
l'accès.
En vérité, c'est un domaine où la
confiance que l'on est obligé de faire aux parents qui sont responsables
est particulièrement justifiée »161(*). Toutefois,
malgré son scepticisme concernant les modes de fonctionnement des autres
pays, le ministre avait demandé à Marcel Abraham d'enquêter
sur ce qui se passe, au point de vue de la censure cinématographique,
dans les pays étrangers libéraux tels que la Belgique,
l'Amérique, l'Angleterre, etc...162(*)
En revanche, les questionnements les plus sérieux
constitués par la censure concernent à l'époque
majoritairement les films étrangers. Jean Zay avoue
lui-même163(*) que
les films russes sont ceux qui posent le plus de problèmes, étant
toujours « des oeuvres de grande qualité artistique, mais
d'où la propagande soviétique est rarement
absente ».
Guerre, Marine et Intérieur y opposent leur
véto, tandis que les Affaires étrangères, soucieuses
d'éviter les incidents, réclament le visa
D'autres films, évoquant le contexte étranger,
sont censurés durant le mandat de Jean Zay à l'Education
Nationale et aux Beaux arts comme « les marchands de
mort », préfacé par le président
Roosevelt164(*), ayant
fait en effet l'objet de l'avis défavorable de la commission de la
censure, par suite de l'opposition formelle manifestée par le
Département de la Guerre.
La censure s'effectue également sur les bandes
d'actualités que le ministère de l'Intérieur peut
aisément modifier165(*). Bref, si le gouvernement n'applique pas la censure
à l'exportation, il n'allège nullement le dispositif
général. Ainsi, dans une lettre ouverte à Jean Zay, A-P
Harlé crie sa déception « « Front
populaire, il m'est pénible de constater que les plus gros attentats
commis contre la liberté de penser aient été l'oeuvre de
tes amis »166(*)
Si le gouvernement ne peut appliquer le visa
« d'exportation », c'est pour diverses raisons comme
notamment les pressions de l'industrie hollywoodienne, menaçant de
quitter la France.
2.2.3) La machine Hollywood en marche face à
un débouché pour le cinéma français.
« Notre meilleur agent de publicité, c'est
le film »
Roosevelt
L'application du visa de la censure permet le contingement de
certains films étrangers afin de permettre au cinéma
français de s'épanouir sur ses propres écrans.
Il convient de remarquer que la question du visa
spécial à l'exportation est très étroitement
liée à la question de la censure cinématographique en
général et du maintien ou de la suppression de ce service.
En effet, le décret datant du 7 mai 1936167(*) portant sur la
réglementation du contrôle cinématographique prescrit la
création d'un visa spécial pour les films destinés
à être exportés : cette création avait paru
depuis longtemps nécessaire. En effet, il est des films qui peuvent
être projetés sans inconvénient sur les écrans
nationaux, mais qui risquent de produire des réactions fâcheuses
et de nuire au bon renom de la France lorsqu'ils sont présentés
à l'étranger.
Les professionnels du Cinéma américain admettent
parfaitement que la France a le droit d'imposer une censure pour tous les films
montrés sur son territoire, mais ne peuvent absolument pas accepter un
décret permettant à la Censure française d'interdire tous
les films d'une Compagnie ou d'une personne si ceux-ci ne sont pas au gout de
la commission. Ce nouveau décret causa une vive sensation dans les
milieux cinématographiques américains168(*).
À New York, les Distributeurs se sont réunis en
hâte pour étudier comment ils pourraient lutter contre cette
clause. Ceux-ci protestent également contre le contrôle des films
exportés hors de France et ne peuvent admettre qu'une licence
d'exportation soit nécessaire pour les films qu'ils font rentrer en
France pour le doublage ou le sous-titrage.
Cette clause rend, en effet, possible le contrôle par le
gouvernement français de tous les films américains
exploités en Europe Continentale, dont Paris est le centre, pour le
tirage, le titrage et le doublage. Les Distributeurs et Producteurs
américains suggèrent même, en signe de protestation, que
les actualités américaines ne présentent plus aucune bande
sur la France, et que les producteurs américains ne tournent plus des
adaptations de livre ou pièce française.
Ils sont même prêts à demander l'appui au
Département d'État (State departement) qui aurait agi en
leur nom auprès du gouvernement français.
Face à ces pressions américaines, le texte en
question n'entrera jamais en vigueur et une note du secrétariat des
Beaux arts envers la Présidence du Conseil169(*) détaille les
problèmes rencontrés concernant l'application de ce
décret, notamment par les services des Douanes et fait remonter les
vives réclamations de la part des intéressés, les
producteurs américains, affirmant que cette réglementation
entrave le fonctionnement de leur industrie. De plus, les succursales de
sociétés américaines - particulièrement en cause-
font courir le bruit qu'elles abandonneraient la France pour transporter leurs
bureaux dans d'autres pays où elles rencontreraient moins de
difficultés dans l'exercice de leur activité. L'application de ce
texte est dons mis en sommeil comme le signale la cinématographie
française du 4 juillet 1936 et un nouveau décret rentre en
application le 1er juillet 1937 afin de réajuster le tir. En
effet, celui-ci stipule que « les films étrangers sont
soumis au même régime que les films produits en France, en
particulier en ce qui concerne l'application du visa par le service du
contrôle cinématographique »
Si la France cède face aux pressions
américaines, c'est aussi parce qu'elle voit dans le marché
américain d'importants débouchés. Le cinéma est
indiscutablement une des armes les plus puissantes de propagande et
d'expansion. Il est possible et même il serait facile avec un peu de
compréhension de la part des intéressés (dont le premier
est l'État) d'intensifier la diffusion du film français aux
U.S.A. Cela suppose naturellement une amélioration de la qualité
de la production cinématographique française, qui est encore et
toujours un des principaux défauts de l'industrie
cinématographique à l'époque.
Sur ce sujet, trois rapports trouvés dans les cartons
des archives du cabinet Abraham font le point sur la situation de la diffusion
du film français aux États-Unis et sur les mesures qu'il
conviendrait de prendre pour que celui-ci prenne son envol dans la
première puissance mondiale. Ces rapports ont été
envoyés à la presse170(*) et aux services concernés ; le
ministère des Affaires étrangères et le ministère
de l'Education nationale, plus précisément le secrétariat
des Beaux arts. Ils proviennent de la même source : la
société France-Amérique-Films, spécialiste dans ces
questions.
Un rapport intitulé « l'avenir du Film
français aux U.S.A » datant du 24 septembre 1936 donne
quelques chiffres clés sur à propos du public
américain qui s'intéresse aux films français :
certaines villes du Nord des États-Unis comptent de 30 à
60 000 habitants pour lesquels le français est la langue maternelle
et on compte 14 000 professeurs de français qui permettent à
de nombreux spectateurs passionnés d'étudier la langue
française, et donc susceptible d'être intéressés par
les films français.
Les atouts espérés pour attirer le public sont
les suivants :
- montrer aux Américains qu'ils retrouveront les
qualités qu'ils aiment en nous, notre gout, notre esprit et notre
culture dans des films typiquement « français ».
- Ne pas confondre le soin de défendre cette propagande
ardente à de simples mercenaires pour lesquels le film français
n'est qu'une « marchandise » comme les autres,
« comme ces bouteilles de nos grands crus que l'on importe là
bas, et parfois frelatées ».
Hélas, les films de langue anglaise
bénéficient d'un débouché considérablement
plus étendu que ceux de langue française171(*). Cette
infériorité tient essentiellement à l'inexistence
d'organismes de diffusion et à l'absence totale de politique
française d'expansion et de propagande dans ce domaine. Lorsque les
auteurs du rapport ont commencé le travail de diffusion exposé
plus loin, les plus grandes difficultés qu'ils ont eu à surmonter
provenaient souvent soit de ceux qui aux U.S.A, ont pour mission d'assurer la
propagande française, soit de ceux auxquels la diffusion du film
français devait apporter un débouché nouveau.
Autre rapport datant du 15 juin 36 mais cette fois-ci
confidentiel : une note pour Mr Bonnet, ambassadeur de France à
Washington, sur « la propagande et la diffusion par le film
français aux U.S.A »172(*).
Celui-ci expose les derniers progrès de la promotion du
cinéma français au sein de la première puissance mondiale.
Sur le plan moral, l'attribution en 1936 d'une distinction importante à
un film français, « La kermesse
héroïque » qui a été classé par
le « National Board of review » comme le meilleur
film étranger présenté aux U.S.A, tout comme en 1934 avait
été classé le film de Jean Renoir « Madame
Bovary » et en 1935 le film de Jean Benoit Levy
« La maternelle », est venu renforcer la position
de la production cinématographique nationale vis-à-vis de la
clientèle américaine.
Une liaison établie avec les maisons d'édition
telles que Heath, appleton, et Century,
spécialisées dans la littérature française permet
d'avertir d'une façon régulière les librairies et les
professeurs de français des films édités aux
U.S.A173(*) en leur
rappelant l'intérêt que présente pour eux l'utilisation de
ces films comme éléments complémentaires de leur
enseignement et de leur vente de livres.
L'exploitation des films français aux U.S.A
présente un intérêt indiscutable au double point de
vue : commercial au bénéfice de l'industrie
cinématographique française, moral au bénéfice de
l'influence française et de l'expansion touristique.
Le rapport mentionne en particulier à l'ambassadeur
l'intérêt d'une liaison plus étroite entre l'Ambassade, les
Consuls et Attachés commerciaux et les organisations privées qui
entreprennent la diffusion du film français aux U.S.A174(*).
Cependant, à la base de toute action se trouve une
condition essentielle : l'amélioration de la qualité du film
français. L'insuffisance de la production française à
l'époque est évidente, même si des efforts sont faits, et
il est pratiquement impossible de constituer un programme de diffusion
comportant une vingtaine de films par an, ce qui est nécessaire au
développement du « circuit » à constituer
pour la production française aux U.S.A.
Pour les auteurs du rapport, la création d'un visa
d'exportation peut favoriser l'image des films français Outre
Atlantique. Jean Zay l'évoque devant la commission Renaitour175(*) :
« On souhaite de divers côtés
[ ...] l'existence d'une sorte de visa à l'exportation qui
permettrait au gouvernement responsable d'exercer parfois sur des films qui
servent plus ou moins le prestige français à l'étranger,
un contrôle qui, jusqu'ici, n'existe pas et qui doit être
minutieusement adapté soit à la nature du film, soit au pays dans
lequel va ce film ».
D'autres parts, les auteurs176(*) du rapport n'hésitent pas à donner
leur opinion sur « l'affaire » du visa de censure touchant
directement leurs homologues américains :
« La création envisagée d'un visa
spécial de censure pour l'exportation semble devoir supporter un moyen
de pression sur les producteurs. Les protestations récemment
émises par les dirigeants de certaines organisations corporatives contre
cette mesure ne résistent pas à l'examen. Ne
prétendaient-elles pas que ce visa spécial empêcherait la
vente à l'Étranger avant achèvement des films ? Mais
le visa normal de censure ne peut il déjà par arrêter la
sortie d'un film ? Et n'est il pas nécessaire de faire
réfléchir un producteur sur sa responsabilité avant la
mise en circulation d'une oeuvre susceptible de faire le plus grand bien, ou le
plus grand mal à l'expansion française ».
Autre question du rapport : le gouvernement n'a-t-il pas
le devoir impérieux d'empêcher la diffusion à
l'étranger de certains « navets » qui même
sans renfermer d'idées subversives ou dangereuses sont un
déshonneur pour l'esprit français ? En effet, il n'est pas
rare à cette époque de voir fréquemment projeter sur les
écrans américains des films « dits
français » inconnus dans leur soi-disant pays
d'origine177(*). Leur
origine reste, ce qui a pour conséquence des incidents : certaines
salles passant comme films français des versions françaises
réalisées en Allemagne ont dû fermer leurs portes puis en
venir aux films français réels. Jean Zay, afin de contrer ces
films, a comme idée d'un examen préalable sur le scénario,
avec un contrôle sur son exécution, afin de créer ensuite
une « sorte d'estampille d'honneur » appelé
« Films-France » et qui confère aux projets qui en
aurait été reconnues dignes un certain nombre d'avantages de
nature diverse, par exemple une facilité d'exportation178(*).
Néanmoins, le Gouvernement Blum, et en particulier
l'équipe de Jean Zay, n'a pas su ou pu exploiter toutes ces
données afin de faire un quelconque pas vers une expansion du
cinéma français aux États-Unis, l'industrie
cinématographique ayant d'abord besoin d'une sérieuse
« épuration » selon P-A Harlé.
Malgré tout, même si Jean Zay n'a pas su profiter
de l'opportunité d'exporter le cinéma français, il a su
anticiper en faisant une promotion importante du cinéma éducatif
au sein des collèges et lycées où de futures
générations de cinéphiles étudiaient.
L'Education Nationale qui chapeaute les Beaux Arts et le
Musée Pédagogique favorisa en effet le cinéma
éducatif et « sain », tout en renouvelant les
équipements éducatifs.
2.3) Anticiper : le cinéma
éducatif
«Nous avons eu, au ministère de l'Education
Nationale, autour du Musée pédagogique, fait un effort qui a
déjà été très important et qui, notamment
pour les sociétés postscolaires, met à leur disposition un
certain nombre de films dignes d'intérêt. Cet effort est
très inférieur à ce qu'il pourrait être, et,
d'accord avec le ministre des Finances, j'envisage les conditions dans
lesquelles il pourrait être amplifié »179(*).
En effet, hormis quelques réunions d'une grande
Commission qui siège au Musée Pédagogique180(*) se réunissant pour
étudier tous les problèmes du Cinéma à
l'École ou au lycée (choix des formats d'aquarelles,
méthode de production des films éducatifs, programmes,
subventions, etc...), peu d'actions réelles alliant ce nouvel art en
plein expansion et l'éducation sont entreprises. La direction
générale des Beaux arts est représentée à
cette commission et y intrevient dans la mesure où l'enseignement de
l'histoire de l'art a sa place dans les programmes scolaires. C'est dire
qu'elle n'y collabore que de manière assez limité.
Cependant, Jean Zay va prendre compte la question du
cinéma via sa grande réforme de l'enseignement181(*), en tant que contemporain
d'une révolution audiovisuelle.
Une note du cabinet Abraham datant du 12 février
1937182(*)
précise que la Direction Générale des Beaux arts a
hérité du dernier gouvernement une Commission
spéciale183(*)pour encourager « par tous les moyens
dont elle dispose (ils sont hélas ! peu nombreux) »
pour aider à la production de films documentaires de caractère
artistique. Malheureusement, celle-ci ne bénéficie d'aucun
crédit pour aider à la production ou à l'achat de bandes.
Toutefois, elle offre sa collaboration aux producteurs par la
libre entrée dans les Musées et Monuments, la dispense de taxes
pour prises de vues et surtout les conseils de ses techniciens, conservateurs
de Musée, Inspecteurs de Monuments historiques, Architectes etc... On
souligne là l'effort effectué pour ouvrir la culture au plus
grand nombre d'élèves et accessoirement à une population
toujours plus nombreuse, thème cher au Front populaire et à Jean
Zay.
Si les autres mesures envers l'industrie
cinématographique manquent de budget, ce n'est pas le cas pour les
actions envers l'Education Nationale. En effet le montant des crédits
inscrits au budget de celui-ci pour l'année 1938, au titre des
subventions aux Communes et des subventions aux Associations postscolaires,
cercles, et patronages postscolaires, pour l'achat de cinématographe
s'élève à 399 000 francs184(*), somme assez
considérable. Ces subventions portent, non seulement sur les appareils
de projections animées (cinématographe), mais encore sur les
appareils de projections fixes. En ce qui concerne les appareils de projections
animées, les subventions peuvent être accordées en principe
pour les appareils sonores ou muets, des formats 35 mm. (format des salles
d'exploitation) et 16 mm. (format réduit). Toutefois, dans la pratique,
les subventions sont demandées pour acheter du 16 mm., le 35 mm.
étant beaucoup plus cher et les disques étant d'un
approvisionnement difficile en raison de leur prix et de leur
encombrement185(*).
Bien évidemment, les subventions ne peuvent être accordées
qu'aux appareils de projections fixes ou animées qui sont reconnus par
la Commission spéciale comme satisfaisant aux exigences
particulières de la projection scolaire ou parascolaire.
Avec l'arrivée de Jean Zay, trois sous commissions se
mettent en place, armées de toutes ses subventions, afin de faire
évoluer la question de l'utilisation du 7ème art dans
l'Education.
La première concerne les questions techniques, la
seconde sur les questions d'ordres pédagogiques et enfin la
dernière sur les questions commerciales et douanières. Ainsi, les
travaux de ses trois commissions 186(*) aboutissent à la publication de listes
d'appareils agréés, mais aussi de films selon les cas
« approuvés et recommandés »,
« approuvés non recommandés » ou non
approuvés.
Ce nouveau dynamisme du sous-secrétariat des Beaux arts
est accompagné par l'Union française des offices du cinéma
éducateur laïc (UFOCEL), branche spécialisée de la
Ligue de l'enseignement187(*). Le principal enjeu à cette époque est
constitué par la place théorique et pratique qui doit être
impartie à ce nouveau média, et des difficultés
découlant de la conviction, désormais partagées par le
ministre et son équipe, de l'importance de langage, « le
plus simple et le plus accessible à tous »188(*).
Néanmoins, les restrictions financières de 1937
ne peuvent permettre l'aboutissement total de l'ensemble de la modernisation du
circuit scolaire et seule une circulaire du 25 juin 1936 lançe
réellement une enquête sur l'état exact de
l'équipement cinématographique des établissements
scolaires, n'aboutissant qu'à la veille de la chute du gouvernement et
se retrouvant noyée dans le naufrage général des grands
travaux.
Outre ses mesures sur l'environnement de l'industrie
cinématographique, Jean Zay a comme objectif de réformer
entièrement celle-ci, de l'épurer afin qu'elle renaisse, et de
lui donner une législation claire. En effet, comme le précise les
auteurs du rapport sur la diffusion du film français aux Etats Unis
concluent dans le même sens, en précisant que « si
l'industrie cinématographique française cesse d'être
livrée à la fantaisie et à l'imprévoyance elle sera
capable, en augmentant ses ressources, de servir la cause de la propagande
française à l'étranger. »
Jean Zay va donc tenter de supprimer la fantaisie et
l'imprévoyance et du cinéma français, en tentant une
réforme profonde de toute la profession.
3) Un milieu réformé
Outre les mesures secondaires évoquées
plus haut, l'action principale de Jean Zay envers le domaine
cinématographique se révèle dans son projet de
réforme et de statut, surnommé tout simplement « Projet
Zay ». Mais comment celui-ci a-t-il été
créé ? Quels sont ses objectifs principaux et en quoi, pour
certains, est-il une réforme
« révolutionnaire » (dixit Pascal
Ory) ? Nous verrons également les raisons de l'échec de cet
ultime projet - déposé devant la chambre parlementaire en mars
1939 - et des autres mesures, avant que certaines idées de Jean Zay
resurgissent et soient utilisées paradoxalement sous le régime de
Vichy.
3.1) Le Statut Zay
« Notre projet de statut entendait
épauler l'effort de l'industrie cinématographique
française, en en respectant la liberté, mais en y apportant
l'ordre et l'harmonie que chacun réclamait. Il éliminait les
éléments douteux et garantissait la moralité des studios
et des conseils d'administration en créant la carte professionnelle. Il
comportait l'organisation du crédit par l'instauration d'un institut
bancaire spécial, doté des fonds nécessaires,
contrôlé par l'État, et qui eût mis fin à de
mauvaises moeurs financières. Il définissait l'auteur du film. Il
établissait la perception dans les salles. Par la suppression du
« double programme », c'est-à-dire des deux grands
films au même spectacle, il permettait la résurrection des films
de court métrage, documentaires, bandes scientifiques, auxquels le gout
français excellait. »189(*)
Tels sont les souvenirs de Jean Zay, « du fond
de ma retraite »190(*) comme il le dira lui-même, à
savoir de la prison de Riom où il fut emprisonné durant la
guerre. Souvenirs écrits sans archives sous la main, ce qui joue
considérablement des tours à sa mémoire. De son projet, il
ne retiendra en effet que cinq stipulations, dont deux seulement sont exactes
stricto sensu : la création de la carte professionnelle et
la définition de l'auteur du film, preuve s'il en est de l'importance
qu'il accorde au titre VII191(*) (« des auteurs des films »).
Mais il parle par ailleurs de l'institution de la
« perception dans les salles », là où il n'y
eut finalement qu'un simple contrôle du « double
programme ». Il expose également la création d'une
« organisation du crédit par l'instauration d'un
institut » bancaire spécial, doté des fonds
nécessaires, contrôlé par l'Etat. En d'autres termes, le
ministre reconstitue son projet de 1939, depuis sa prison, aux couleurs d'une
version plus radicale, plus Front populaire, où il faut sans doute voir
dans la forme, sur le fond de son voeu intime, l'essentiel du projet.
Conformément à la philosophie politique du Rassemblement
populaire, l'Etat régulateur clarifiait et démocratisait, en un
mot « moralisait », mais ne se substituait ni aux
propriétaires, ni aux employés, en adéquation avec les
attentes de la profession192(*).
3.1.1) Les apports du Statut
Le projet de Jean Zay de statut de cinéma193(*) déposé en mars
1939 contient des dispositions sur de nombreux domaines : le
contrôle des films - en considération l'ensemble des
intérêts nationaux en jeu et spécialement
l'intérêt de la défense des bonnes moeurs et du respect des
traditions nationales -, le contrôle des producteurs, des mesures
empêchant les fraudes, etc.
Certains titres, comme celui sur les prises de vues
cinématographiques (titre III) rendent obligatoires l'obtention d'une
carte d'identité professionnelle pour celles-ci dans les lieux publics
quand elles sont entreprises dans l'intention d'une projection publique et dans
un intérêt commercial. Les infractions sont passibles de sanctions
pénales et d'une saisie de la pellicule.
Autre titre tout aussi important, même s'il ne fait que
quelques lignes, le titre VII sur « des auteurs de films ».
Celui-ci précise que sont considérées comme auteurs de
films « toutes les personnes physiques qui ont participé
à la création intellectuelle du film en tant qu'il constitue une
oeuvre originale » (article 46) alors que le producteur était
seul ou prédominant selon les jurisprudences, comme le
réclamaient les organisations professionnelles de la production.
Ce titre est sans doute celui qui situe le mieux ce projet
dans la ligne de la réflexion entreprise depuis 1936 en vue de la
reconnaissance des droits des travailleurs intellectuels sur leurs oeuvres.
Une autre originalité pour l'époque, peu
remarquée, tient dans le titre IV et cinq articles sur la question des
« clubs cinématographiques ». L'intention du
législateur de donner un statut à ces institutions se base sur un
échange clair de droits et d'obligations. Le texte de loi prévoit
une déclaration spéciale auprès de la préfecture du
siège social et la limitation de l'accès aux séances,
obligatoirement gratuites, aux cotisants annuels. En satisfaisant à ces
conditions, strictes mais cohérentes avec l'état du droit
français à l'époque, les ciné-clubs se voient en
fait reconnaitre la faculté, jusque-là exercée sans
garantie, de projeter tout film, quel qu'il fût, même interdit.
D'autres dispositions assez diverses touchant la projection
(titre IX), complètent le statut tel que les modifications
portées à l'interdiction de location « à
l'aveugle » prévue à l'article 4 du décret du 25
juillet 1935, l'interdiction de la pellicule inflammable pour les films d'un
format inférieur à 35 mm. Les sanctions pénales
s'appliquent à l'Algérie, aux colonies et aux pays de
protectorat.
L'essentiel du statut se révèle à
travers certains titres tel que le II qui pose des règles rigoureuses
à « l'exercice de la profession de producteur,
distributeur et exploitant de film et aux conditions de travail ». Il
s'agit bien évidemment de codifier une législation et une
jurisprudence souvent lacunaires ou obscures dans le sens de la protection des
intérêts et des préteurs et des salariés. Le
compromis Zay peut s'interpréter comme l'échange entre une
série de concessions faites par les entrepreneurs. Ainsi, les points
capitaux du projet concernent l'assainissement moral de la profession et
l'organisation du crédit.
Le titre VI (« de la publicité des contrats
et des nantissements en matière de films
cinématographiques »), avec sa position centrale et sa
longueur remarquable (24 articles) est le plus important du statut. La
résolution du problème de financement y est proposée dans
une perspective morale, toutes les stipulations ayant pour objet de
réduire à néant les risques d'escroquerie et
d'atténuer ceux issus d'une mauvaise gestion. Comme le précisa
Jean Zay devant la commission Renaitour194(*)
« Il est souhaitable, alors que l'accès
des professions du cinéma est librement ouvert sans réserve et
sans sanctions, que certaines garanties de moralité puissent être
exigées ; il peut être souhaitable que lorsque les casiers
judiciaires de certaines personnes portent des condamnations pour certains
délits déterminés : faillites frauduleuses,
émissions de chèques sans provision, etc... l'accès de la
profession cinématographique, soit interdit »
Effectivement, le projet interdit l'exercice de la profession
aux personnes ayant subi certaines condamnations ainsi qu'aux faillis non
réhabilités et aux anciens administrateurs ou gérants de
sociétés ayant été déclarés en
faillite au cours des cinq dernières années. Des peines sont
d'autre part prévues à l'encontre des préposés du
producteur ayant reçu ou prélevé pour une cause quelconque
une partie des sommes destinées à la rémunération
du personnel engagé pour la réalisation du film, le producteur
lui-même pouvant être poursuivi comme complice. Tout ceci a pour
but d'éliminer les éléments douteux du domaine
cinématographique dénoncés dans la première partie
de mon étude de cas. De multiples précautions sont prises pour
prémunir à un bout de la chaîne les organismes
prêteurs, à l'autre les salariés, contre les
détournements de fonds.
Le verrou central du dispositif moral est le
nantissement195(*) de
contrats successifs du film, depuis l'adaptation éventuelle d'une oeuvre
jusqu'à l'exploitation en salle, permettant une organisation du
crédit. Celle-ci se fonde sur un encouragement des établissements
de crédit à prendre une part plus active au fonctionnement de
cette industrie par ces mesures et à la publicité des
opérations concernant les films. A cet effet, un service du registre
central de la cinématographie aurait été institué
auprès de l'Office national de la propriété industrielle.
Avant le commencement des prises de vues, le producteur est tenu de
déclarer l'état-civil de son film avec dépôt
d'attestation de l'auteur de l'oeuvre préexistante ou du
scénario, d'une copie du scénario ainsi que « tous
actes concernant sa propriété et son exploitation »
(article 27). Le film terminé, le producteur doit compléter
l'état civil de son film (longueur de celui-ci, auteur du
découpage et des dialogues, etc.).
Ces mêmes déclarations incombent également
aux importateurs de tout film étranger. Ainsi se trouve garantie la
publicité des opérations financières, condition du projet
présente dans l'article 30, qui reconnait à la créance de
salaires des « collaborateurs manuels, artistiques et techniques qui
ont loué leurs services pour la production d'un film, y compris le
metteur en scène », un « privilège
spécial sur le film réalisé » et les recettes
provenant de son exploitation, dès lors qu'ils sont inscrits eux aussi
sur le Registre central. Ce titre rejoint la proposition de Jean Zay196(*) de
« créer pour les films une obligation de
dépôt légal »197(*).
Enfin, autre titre important, et non des moindres, celui qui
concerne le « contrôle des recettes » titre VIII.
Celui-ci vise à organiser la fabrication et la diffusion des rouleaux
des tickets d'entrée et envisage qu'ils « soient avant leur
utilisation, soumis au visa du Service du registre central de la
cinématographie » (article 49). Les exploitants deviennent
donc comptables des sommes représentées. Ce texte deviendra un
décret en vertu des pouvoirs spéciaux, à la date du 29
juillet 1939198(*),
à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Paul Reynaud, ministre des
Finances, a résolu le problème par une application à ce
cas précis de l'esprit de compromis qui inspire tout le texte de
Zay : en échange de cette soumission au contrôle des
recettes, ainsi que d'un relèvement des prix des places au-dessus d'un
certain seuil, les exploitants obtenaient un sensible allègement des
taxes d'État, et par voie de conséquence, de celles de la ville
de Paris.
Ce décret prévoit, et jusqu'à
aujourd'hui, que les exploitants français se soumettent à un
contrôle centralisé de leurs recettes, par le biais de
l'utilisation exclusive de billets normalisés en attendant que
« lors de la création d'un organisme central professionnel de
contrôle et de statistique de l'industrie
cinématographique » une marque spéciale puisse
être apposée sur les billets d'entrée dans les salles de
spectacles cinématographiques. D'autre part, un arrêté peut
exiger que les duplicatas de déclaration de profession et de livraison
des billets soient transmis à cet organisme. En attendant cette
création, le décret soumet déjà les fabricants,
importateurs et marchands de billets à certaines formalités de
déclaration et, en particulier, à l'inscription obligatoire du
nom de fabricant ou de l'importateur sur le billet même.
Le décret ajoute que les exploitants deviennent
comptables des recettes représentées par les billets reçus
et qu'ils doivent déclarer leur stock de billets par catégorie,
dans les huit jours de la publication du décret.
Un échange réciproque de renseignements sur les
recettes des salles est envisagé entre les agents chargés de
percevoir l'impôt, d'une part, et les sociétés d'auteurs ou
de distributeurs et l'organisme professionnel d'autre part. Une ère
nouvelle s'ouvre ainsi dans le domaine du commerce des films mais le
décret demeure encore très imprécis sur la nature
juridique de l'organisme à créer...
Si le statut donne certaines bases juridiques et
financières du domaine cinématographique, il reste toutefois
silencieux sur de nombres points...
3.1.2) Les lacunes du projet
Même si le projet a le mérite d'exister, il
comporte quelques défauts, à commencer par les dispositions sur
le contrôle des recettes qui restent encore vagues. Quant à
l'organisation du crédit, si elle institue un remarquable instrument de
publicité des actes et conventions passés par les professionnels
du cinéma, elle n'apporte cependant pas de solution vraiment
concrète au problème en lui-même du crédit
cinématographique. On reste quand même bien en deçà
des propositions fouillées et constructives d'institutions de fonds ou
de caisse du cinéma que l'on trouvait dans les rapports Petsche ou de
Carmoy. Enfin, créer un nouveau service du cinéma à
l'Office national de la propriété industrielle aurait
contribué encore à la dispersion des services
cinématographiques de l'Etat, ce qui était contradictoire avec le
voeu de Jean Zay de regrouper tout ce qui a trait au domaine
cinématographique et de rattacher le tout à son ministère.
Le projet est également silencieux sur les questions
plus strictement artistiques (formation et cinémathèque), faisant
essentiellement le point sur les solutions face au marasme économique du
cinéma français plutôt que sur son expansion et sa mise en
valeur. Autre point non mentionné dans le statut : la suppression des
taxes, tant décriées par la profession et dénoncées
par Jean Zay devant la commission Renaitour199(*). Enfin, le flou sur la censure règne encore
même si l'article 4 de 1939 crée un visa provisoire « du
scénario et du découpage de films n'existant encore qu'en
projet », rendu « obligatoire pour les films
destinés à l'exportation », autant dire pour presque
tous.
Sans doute la question n'est-elle pas tranchée de
manière bien nette, puisque, dans le même temps, l'article 2,
reprenant les termes du décret du 7 mai 1936, renvoie à un
décret spécial les conditions de l'octroi du fantomatique visa
spécial à l'exportation. Sans doute aussi une partie de ces
stipulations vise-t-elle en fait200(*), à protéger les techniciens et les
artistes, puisque le producteur doit joindre à sa demande une
attestation du paiement ou de la consignation de toutes les
rémunérations réputées payables et exigibles.
Demeure l'autocensure des auteurs et producteurs au regard de la
« défense des bonnes moeurs » et du
« respect » des « traditions
nationales », dans la continuité, cette fois, du décret
Herriot, se trouve ainsi renforcée dans des proportions
considérables. La comparaison des formulations des trois textes montre
d'ailleurs que la nouveauté, sur le fond, tient surtout au poids accru
des délits liés à la conjoncture internationale.
Comme on le devine à la seule lecture des dates, c'est
au bout du compte cette dernière qui conduit à l'enterrement du
projet, renvoyé pour examen devant la commission de l'enseignement et
des beaux arts de la Chambre d'où il ne revient jamais.
3.2) Les causes d'un échec
Septembre 1939 : c'est à cette date que tous les
projets de Jean Zay dans le domaine cinématographique restent en
suspens...à commencer par le festival de Cannes. La suppression de la
première édition est à l'image même de tous les
autres projets empêchés par la conjoncture internationale, la
grève des finances, ou encore les pressions décidément
trop fortes de certains syndicats...
3.2.1) Le contexte international
En juin 1939, à bord du
« Normandie », Alvarez Del Vayo, ex-Ministre des Affaires
Etrangères, se rendant en exil en Amérique, déclare
à Jean Zay : « Le prologue est terminé. Le
drame va maintenant se nouer »201(*). La prédiction était exacte :
moins de trois mois après, la France était en guerre avec
l'Allemagne.
Aout 1939 : à Cannes, les
évènements s'enchainent, les dernières préparations
sont achevées pour l'ouverture du premier festival de la croisette
début septembre. Mais les négociations germano-italiennes
s'intensifient brusquement, la France, la Grande Bretagne et l'Italie
espérant encore sauver la paix.
Le 22 aout, le département met en place des dispositifs
militaires. Le jour suivant, sur les murs de la ville, entre les affiches du
Festival, on peut voir des panneaux blancs rappelant sous les drapeaux les
premiers contingents de réservistes202(*).
Le lendemain, les touristes séjournant à Cannes
décident de partir203(*). Il est prévu, pour l'ouverture du festival,
de nombreuses cérémonies officielles : la
délégation française doit recevoir ses homologues
étrangers, cette entrevue étant fixée au 2 septembre.
Pourtant Hitler réalise son projet et ses troupes
rentrent en Pologne le 1er septembre, jour où doit
débuter le festival. Celui-ci est cependant reporté de dix jours
sous l'ordre de Georges Huisman204(*), en raison des circonstances. On pense encore une
fois à une crise passagère car le 8 septembre, la Biennale de
Venise s'ouvre. Le palmarès ne sera connut que deux ans plus tard. Tous
les efforts fut vains car le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne
déclarent la guerre à l'Allemagne, celle-ci n'ayant pas
répondu à leur ultimatum. Après cinq ans de silence, la
reprise du festival205(*) ne fut envisagée qu'à la fin du
conflit.
Cette période annonçait une nouvelle ère
pour le cinéma français et international ; la
réalisation de la manifestation française entre autres, en ouvrit
la voie.
En ce qui concerne le domaine cinématographique, c'est
principalement le contexte international et l'avènement de la guerre qui
a empêché la plupart des mesures comme les Festival de Cannes, la
limitation des exportations américaines -les Etats-Unis étant un
pays allié en plus de la première puissance mondiale- ou encore
le projet de Statut, qui n'avait pas terminé ses incessants
allers-retours entre la chambre parlementaire et les Beaux arts. Mais Jean Zay
a du abandonner certaines idées initiales de celui-ci à cause
d'une autre raison : les finances.
3.2.2) La restriction budgétaire
« Il vous était défendu de
critiquer la mystique de l'équilibre budgétaire sous peine
d'être considéré comme un traitre et accusé de
provoquer des catastrophes. Une puissante cohorte veillait jalousement sur le
respect de la sainte orthodoxie : au premier rang, se distinguaient la
presse et ses chroniqueurs spécialisés, les économistes,
les banquiers, les partis conservateurs.
Mais, derrière ces troupes de choc, se dessinait
toujours la toute puissante Inspection des Finances »206(*).
Conséquence de l'austérité
financière face à la crise des années trente et la crainte
de compromettre un équilibre budgétaire fragile,
« il était devenu impossible de réaliser la moindre
réforme, de faire aboutir la plus petite
innovation »207(*). Le « Directeur du Budget,
retranché rue de Rivoli dans son Blockhaus de papier, armé de ses
additions et de ses statistiques » refuse catégoriquement
tout versement de crédit car la situation financière ne le permet
malheureusement pas. On comprend toute l'amertume de Jean Zay lorsqu'on se
penche sur les budgets des Beaux arts208(*).
Au cours de la III ème République, la part du
budget des Beaux arts, par rapport au budget total de la France, passe en de
moyenne de 0,64% dans les années vingt à 0,20% en 39, soit 200
millions de francs seulement209(*). Le tableau suivant210(*) illustre l'évolution
du budget du sous secrétariat rue de Grenelle.
Cette restriction budgétaire reflète de nouveaux
rapports de forces politiques qui s'instaurent, sous le mandat de Jean Zay,
entre son ministère et le parlement, ce que dénonce Georges
Huisman dans son rapport de décembre 1937. Selon lui, ces rapports
portent atteinte à la séparation stricte des deux pouvoirs telle
qu'elle a été jusqu'alors observée. Les
empiètements du contrôle parlementaire par le biais du
contrôle budgétaire211(*), restreignent l'initiative de la
responsabilité ministérielle. La discussion concernant le budget
révèle également les différents enjeux
idéologiques et politiques qui rentrent en compte. Définissant
l'art, la liberté de l'art ou de la protection artistique, les
députés s'interrogent sur la nature des rapports entre Etat et
individus, entre Etat et société. Le budget des Beaux arts est
ainsi l'occasion d'un débat essentiel et central sur la réforme
des institutions et de l'Etat.
Selon un rituel aussi ordonné et respecté que le
précédent, les partisans du rôle bienfaisant et
nécessaire de l'intervention de l'Etat dans le développement du
sentiment, du gout, de l'éducation artistiques et ceux, qui, au
contraire, dénoncent les menaces qu'exerce cette intervention sur les
libertés individuelles, d'expression et de création, s'affrontent
chaque année.212(*) De fait, comment concilier des impératifs
aussi divergents que ceux qui régissent la gestion administrative, la
rentabilité financière et la productivité créatrice
du système des Beaux Arts ? Même si le gouvernement Blum a
augmenté quelque peu le budget de cette institution213(*), celui-ci ne suffit pas pour
mettre en place toutes les réformes de Jean Zay, en partie un soutien
à la production cinématographique en créant un organisme
de crédit pour encourager celle ci214(*). Le dénonciateur le plus virulent de cette
situation reste le rapporteur du Budget des Beaux Arts, Joanny
Berlioz215(*) . Pour
celui-ci, « il ne s'agit plus de développer seulement les
équipements de formation artistique et culturelle destinés
à perfectionner et à encourager individuellement les esprits,
selon leur gouts et leur dispositions, conception marquée par
l'élitisme aristocratique, mais d'agir sur le système de
production, de diffusion et de consommation culturelle, afin d'en
étendre l'action enrichissante à l'ensemble de la
collectivité »216(*), une conception en adéquation avec les
projets, en particulier cinématographique de Jean Zay, mais incompatible
avec la conjoncture financière de l'époque.
Enfin, dernier point qui a empêché le ministre
de l'Education Nationale et des Beaux Arts de venir à ses fins :
l'opposition farouche des professionnels du cinéma
3.2.3) Une opposition farouche des professionnels
Même si les premières collaborations entre
syndicats patronaux et ouvriers sur les conventions collectives, ou sur
l'impossibilité d'appliquer les 40h, voient le jour, cette entente est
loin d'être présente concernant le statut Zay !
Le projet avait déjà reçu l'approbation
de l'Union des artistes, du syndicat des techniciens de la production
cinématographique, de l'association des auteurs des films et de la
S.A.C.E.M217(*).
Le projet incluant la protection des travailleurs du milieu
n'a aucun mal à se faire accepter par la C.G.T et les autres syndicats
ouvriers.
En revanche, les syndicats patronaux, en particulier ceux de
l'exploitation étaient catégoriquement contre l'instauration du
contrôle des recettes. Des négociations entre les distributeurs et
les directeurs essayèrent de stopper le décret spécial mis
en place juste avant la guerre. Les directeurs reconnaissaient l'utilité
d'un contrôle des recettes et d'un organisme de contrôle
professionnel mais ils désiraient que la compétence de cette
institution s'étende à l'ensemble des branches de la corporation.
Ils approuvaient le label apposé sur les billets mais souhaitaient
cependant une étude approfondie et préalable du financement du
bureau de contrôle et de statistiques.218(*)
Enfin les syndicats patronaux s'insurgeaient
déjà contre l'invasion de l'Etat dans un milieu libéral
alors que la procédure de nantissement, coeur du projet Zay constitue la
solution la moins interventionniste et justement la plus libérale. Mais
les professionnels ne pouvaient pas imaginer un seul instant que l'Etat ait un
droit de regard sur la production et la fabrication d'un film. Tel est
là le paradoxe des professionnels de ce milieu : les
corporatistes219(*) de
la profession cinématographique se plaisent à défendre
leur liberté, mais réclament l'aide de l'Etat lorsqu'ils sont en
difficulté tout en s'alarmant dès que celui-ci fait mine de
bouger.
« Nous allons démonter le projet pierre
par pierre et en arracher, chacun, un morceau de son coeur avec
plaisir » précisait Harlé dans la
Cinématographie Française
Mais ils n'ont pas eu besoin de le faire, la guerre a
déjà sonné, et le texte, hormis quelques allers retours
entre la chambre parlementaire et le ministère sera rapidement
enterré.
3.3) Vichy ou le paradoxe de la continuité
« Dans la rage de dénigrement
antifrançais qui caractérisa le nouveau pouvoir au lendemain de
l'armistice, notre cinéma entre autres, fut pris comme cible. Il fallait
« purifier l'écran » : tous les films produits
en France avant la guerre étaient attentatoires à la morale ou au
patriotisme ; nos studios n'étaient que des repaires de gangsters
et de métèques. Voilà ce que nous lûmes pendant dix
huit mois.
J'observe depuis quelques temps un changement de ton.
Duvivier, Jean Renoir, Jouvet et tant d'autres ont gagné
l'Amérique et n'en sont pas revenus. On découvre à Vichy
qu'en 1939 le cinéma français occupait la seconde place dans le
monde. On s'aperçoit que la production moralisatrice de 1941 n'a
été qu'une succession de navets, à moins que le grand
effort de redressement n'ait abouti qu'à des collections de films
policiers. Du fond de ma retraite, je parle de cet état de choses
nouveau par ouï-dire, commun aveugle des couleurs, mais j'ai bien connu
l'état des choses ancien220(*).
Si Jean Zay est emprisonné suite à
l'épisode du Massilia221(*), ses idées font leurs chemins et
trouvent leur place paradoxalement sous les années noires de
l'Occupation.
Il évoque et critique ici la censure de Vichy mais non
la mise en place des premières institutions du cinéma, et pour
cause. Les idées développés dans son statut ont eu des
répercutions sous les années noires de l'Occupation et ont
été, pour les principales, appliquées et menées
à leur termes
En effet, face aux empiètements de la
réglementation allemande, Vichy réagit en dotant le cinéma
français de structures institutionnelles222(*). Ainsi l'occupant est ravi
car l'initiative s'intègre dans le cadre de sa politique
générale. Il va pouvoir imposer en douceur ses volontés
par l'intermédiaire d'une institution française fondée
à l'ombre du Maréchal et de sa Révolution
nationale223(*). Le
régime de Vichy (1940-1944) modifie profondément l'organisation
du cinéma. Ainsi, un décret du 2 décembre 1940 institue le
Service du cinéma et le Centre d'organisation de l'industrie
cinématographique, le COIC, dans le cadre de la loi d'aout 1940 sur
l'organisation corporative de la production industrielle. Le COIC une
organisation typique du régime qui structure toute l'industrie
française cinématographique. Elle est composée d'une
commission consultative de vingt membres représentants de la profession
et est subdivisée en cinq sous-commissions224(*) : industrie technique,
producteurs, collaborateurs de création, distributeurs, exploitants de
salles. Des embryons de cette organisation se trouvent, en fait, dans les
conclusions du rapport Carmoy et dans le décret sur le contrôle
des recettes, plusieurs mesures s'inspirant des nombreuses propositions
émises avant-guerre, notamment par Jean Zay.
Rien d'étonnant donc à ce que Guy de Carmoy soit
nommé commissaire du gouvernement auprès de
l'institution225(*),
avec à ses côtés, comme premier directeur du COIC, le
producteur Raoul Ploquin. Paul Leglise considère que ces deux hommes ont
été les artisans valeureux de la réorganisation de
l'industrie cinématographique française :
« Il semble bien que leur souci majeur ait
été de se mettre exclusivement au service des
intérêts supplémentaires du cinéma français
et de lui assurer, en toute dignité, un nouveau départ sur les
bases rationnelles »226(*).
Effectivement, en moins d'un an, les principes de
réorganisation de l'industrie cinématographique, longuement
élaborés sous la III e République, sont pour la plupart
appliqués : instauration d'un système d'avance à la
production cinématographique par l'intermédiaire227(*) du Crédit National,
mise en place d'un contrôle des recettes228(*) et réglementation de
la profession (cartes d'identité professionnelles, autorisations
d'exercice, location des films au pourcentage etc.). La triple taxe sur
l'exploitation est supprimée au profit d'un impôt unifié
sur les spectacles, et la formule du double programme est abolie.
De fait, le moment « Vichy » des rapports
de pouvoirs publics au cinéma s'est traduit par la concrétisation
de nombreux projets élaborés avant la guerre, avec toutefois une
structuration « corporatiste » de la profession. Le
paradoxe de la période vichyssoise est de mettre en oeuvre des
réformes modernisant et assainissant l'industrie qui paraissaient
nécessaires aux gouvernements précédents mais qu'ils
n'avaient réussi à mettre en oeuvre. Vichy est donc le
véritable premier acte d'une politique globale et centralisée du
cinéma229(*).
3.3.1) Une moralisation de la profession acquise
L'objectif prioritaire des nouvelles institutions tend
à la moralisation des activités de cette industrie nouvelle, le
cinéma s'étant organisé sur le tas, dans une
atmosphère plus ou moins frelatée. Comme rappelé dans la
première partie de l'étude de cas, le financement des films
donnait lieu aux tractations les plus louches. Il n'était pas rare qu'un
producteur s'évanouisse dans la nature après avoir perçu
une avance bancaire, qu'il vendre plusieurs fois les droits de distribution et
d'exportation d'un même film ou qu'il délègue à
plusieurs personnes les mêmes droit de priorité sur les
recettes.
L'ensemble des mesures mises en place par les nouvelles
institutions tarissent les sources d'escroqueries. D'amont en aval, les
modalités de la production cinématographique sont
profondément remaniées. Dés le mois de mars 1941, Carmoy
annonce la mise à l'étude d'un projet de registre de la
cinématographie.
La fameuse carte professionnelle citée dans le Statut Zay
est appliqué scrupuleusement.
Pour l'obtenir, il faut présenter un casier judiciaire
vierge, justifier de ses capacités et sa probité professionnelles
et bien sûr ne pas être juif230(*).
Comme en matière de conversion d'hypothèques,
tout film dont la production est envisagée sera inscrit sur un registre
public faisant état de son mode financement et des engagements
contractés. Ainsi seront neutralisées les malversations et les
escroqueries qui gangrenaient le cinéma d'avant-guerre. Afin de faire
respecter la législation qu'il met en place, le COIC est doté de
prérogatives de droit public et ses inspecteurs peuvent infliger des
amendes aux producteurs qui embauchent des travailleurs non titulaires d'une
carte ou aux exploitants contrevenant aux règles du contrôle de
recettes. La contrainte est exercée sans coup férir et certains
professionnels opposés à ces mesures ne peuvent faire pression
sur le gouvernement comme ce fut le cas avec Jean Zay. Ainsi, la loi du 22
février 1941 créé le « registre public de la
cinématographie », souhaité depuis longtemps.
Début 1944 est également créé l'Institut des hautes
études cinématographiques (IDHEC) réclamé depuis
les années 1920 par le metteur en scène Marcel l'Herbier.
Néanmoins, dés sa promulgation, le projet est
repoussé par l'occupant pour des raisons spécieuses.
« Les autorités allemandes, note Robert Buron, se sont
plaintes, en effet, d'avoir toujours à discuter, article par article,
des points de détail son importance, ce qui leur faisait perdre de vue
l'ensemble du projet qui s'avère être lourd. Les Français
auraient, parait il, l'esprit trop « juridique », voir
« bureaucratique »231(*).
Elles sont effrayées par les formalités qui sont
demandées aux producteurs et acceptent de revoir le texte proposé
à condition qu'il soit réduit à trois pages. Le registre
finira par voir le jour seulement le 22 février 1944.
3.3.2) Un assainissement financier
Autre modification du COIC, allant dans le sens des
réformes voulues par Jean Zay : le contrôle des recettes
envers l'exploitation.
La grande innovation réside dans le contrôle des
recettes, déjà imposé en 1939 mais jamais appliqué.
Des billets numérotés à l'estampille du COIC sont
distribués aux exploitants. Le spectateur est tenu d'en conserver une
partie qu'il doit, le cas échéant, présenter aux
contrôleurs du COIC, la souche étant gardée par
l'exploitant. La mesure, qui vise à normaliser les rentrées
fiscales et à faciliter le versement d'un pourcentage à la
production. La mesure, tout comme en 1939, est mal accueillie par les
directeurs de salle qui, une fois payée la location du film,
règnent en maitre sur les recettes. D'autant que toute infraction au
contrôle est sanctionnée par une amende pouvant s'élever
à 10 000, voire 20 000 francs.
La mesure est heureusement complétée par une
réforme fiscale qui facilite la tâche des directeurs de salle et
supprime les taxes. Pour rappel, l'ancien système, archaïque et
complexe, était leur casse tête quotidien. Jean Zay et son
équipe n'ayant pas touché aux taxes, celles-ci sont toujours au
nombre de trois : le droit des pauvres de 9,5% qui pesait sur les
spectacles depuis 1797, une taxe d'Etat de 2 à 17% et une taxe
municipale égale à la moitié de la taxe d'Etat.
L'exploitation est désormais soumise à une taxe unique variant de
2 à 25% des recettes selon les villes. Mais la situation se
dégrade à partir d'octobre 1942 avec la création d'une
taxe de luxe de 18% qui, également appliquée au cinéma,
provoque une flambée du prix des places et une baisse de la
fréquentation.
Autre loi importante sur le contrôle financier et l'aide
à la production : la loi du 3 novembre 1940 prévoit des
avances spéciales aux entreprises pour encourager la reprise de
l'activité économique. Le Crédit National232(*) est l'un des organismes
habilités à distribuer ces financements. La production
cinématographique figure, parmi tant d'autres, sur la liste des secteurs
pouvant en bénéficier. La décision d'accorder ces
financements est prise par un Comité d'attribution des avances
composé pour l'essentiel de hauts fonctionnaires et de financiers.
Il faut attendre le 19 mai 1941 pour que soit promulgué
le texte qui institue un système d'avances « aux entreprises
intéressant l'industrie cinématographique
française » et créé dans le même un
Comité d'attribution des avances au cinéma.
« Tout le monde est d'accord, je crois, pour
souhaiter la création d'un organisme qui mette dans certaines conditions
de sécurité et de contrôle, à la disposition des
entreprises qui le méritent, des possibilités de
financement ».233(*)
C'est chose faite avec la création d'une nouvelle
procédure de financement de la production cinématographique qui
permet que soient allouées des avances « consenties par
l'intermédiaire du Crédit National, dans la limite d'un maximum
de cinquante millions de francs pour prélèvement sur les
ressources visées à l'article premier de la loi du 3 novembre
1940 relative à l'utilisation sous forme d'avances à certaines
entreprises des ressources prévues par le décret du 23 octobre
1939 ». Quand aux garanties de l'avance, on retrouve la notion
de nantissement, chère à Jean Zay. Elles consistent en un
nantissement de premier rang sur le film234(*) ; en une délégation d'une partie
des recettes de films (75%) ; dans le dépôt du négatif
et de copie du film dans les blockhaus agréés par le
Crédit National -ou la désignation par le producteur d'une
caution personnelle, garantissant la bonne fin du film. Quand à la
durée de l'avance, il est prévu qu'elle devra être
remboursée dans un délai maximum de trois années. Le
remboursement est généralement fractionné et s'effectue
par délégation d'un pourcentage de recettes.235(*)
Les professionnels du cinéma ne sont que peu
représentés, et c'est la puissance publique qui contrôle
étroitement les processus de décision avec une
prépondérance des critères financiers. La profession ne
participe donc pas directement à sa propre institutionnalisation et n'a
en fait qu'un rôle consultatif. Le pouvoir régalien et
administratif prend toute la place, ce qui correspond bien à la
visée explicite de réorganisation du secteur et de contrôle
des corporations. Ainsi, les pouvoirs publics se mobilisant directement pour
soutenir et réorganiser le secteur du cinéma, le Crédit
National a une mission financière visant à favoriser la
production cinématographique.
Cependant, cette mise en place des mesures de
réorganisation qui étaient prônées depuis de
nombreuses années s'effectue au service d'une idéologie et d'un
contexte nauséabond.
« C'est un domaine dans lequel nous ne
souhaitons pas voir apporter la règlementation brutale et draconienne
que, dans certains pays, on a imposée, où le cinéma est
devenu un strict instrument de propagande à la disposition du
gouvernement ».
Précisa Jean Zay devant la commission
Renaitour236(*). C'est
pourtant ce à quoi le cinéma contribue sous le régime de
Vichy. Du fait de la mise en place de ce régime particulier, la
réorganisation du domaine cinématographique est en
conséquence fatalement entachée des ambigüités, des
obscurités et des compromissions qui caractérisent la
période mais, le cinéma français en sera pourtant
durablement marqué
En effet, la transition entre deux époques et deux
régimes, dans le domaine cinématographique, est
préparée longtemps avant la Libération. Les plans d'une
nouvelle politique du cinéma s'élaborent au sein du Comité
de Libération du cinéma français. Il s'agit tout d'abord
de poser les bases d'une organisation administrative obéissant à
des principes démocratiques et comportant un système de
concertation permanente avec la profession. Le COIC se transforme d'abord en
Office professionnel du cinéma. Puis la loi du 25 octobre 1946 institue
le Centre National de la Cinématographie qui préside encore
aujourd'hui les destinées du cinéma...
Jean Zay critiquait déjà à son
époque « l'éparpillement » des
compétences cinématographiques parmi différents
ministères et prônait déjà le rassemblement de ses
fonctions au sein du ministère de l'Education et des beaux
arts.237(*) C'est chose
faite seulement au temps de Malraux. Premier acte, le rattachement en 1959 du
CNC au ministère de la Culture, précédemment sous la
tutelle du ministère de l'Industrie. Par là, il est
signifié aux acteurs économiques du secteur que c'est
l'orientation culturelle qui prend les commandes.
Deuxième acte, les mécanismes d'aide
antérieurs ne sont pas remis en cause, mais complétés par
l'instauration de deux grandes mesures qui marquent que l'Etat français
considère officiellement le cinéma comme un art et pas simplement
comme une industrie du divertissement : la création de l'Avance sur
recettes et celle d'un soutien aux salles Art et Essai, qui récompense
les films de qualité, autre idée qui était chère
à Jean Zay :
« Ce qui est certain, et ça sera ma
conclusion, c'est que du point de vue de l'ingéniosité, du
talent, du concours des artistes, du point de vue de la valeur des
scénarios, des résultats techniques, le cinéma
français, contrairement à ce qu'on a parfois dit, dispose des
possibilités qui sont loin d'être inférieures à
celles des autres nations ».238(*)
Conclusion
Face à la première crise du septième art,
les règles d'organisation de l'industrie du spectacle, formulées
entre 1935 et 1939 par Jean Zay et son équipe, reflètent
largement la base de la politique cinématographique française
érigée au fil du temps. A travers la mise en place du
« Statut Zay », il s'agit d'instaurer des règles
communes de législations cinématographiques acceptées par
les professionnels et garanties par l'Etat, tout en préservant leur
initiative individuelle et collective.
Pendant cette période, se trament, grâce aux
initiatives du ministre de la rue Grenelle, des choix politiques et un corps de
doctrine qui seront au coeur du modèle français :
- Ne pas se satisfaire de la domination du cinéma
américain et afficher une double ambition industrielle et
culturelle ;
- Faire du cinéma une des grandes causes nationales,
propre à mobiliser - toutes tendances confondues - les hommes
politiques, les intellectuels, les artistes et l'opinion publique et permettre
que cet art touche un public toujours aussi nombreux.
- Enfin, concevoir un système marqué par la
mixité dans lequel l'Etat ne se substitue pas aux initiatives
privées, mais joue essentiellement un rôle de régulation,
faisant du cinéma un secteur pionnier pour penser des formes nouvelles
d'intervention de l'Etat.
Malheureusement, même si le mandat de Jean Zay est riche
de nombreux projets, il n'en résultera pratiquement aucune loi, aucun
statut, ni aucune institution en faveur du secteur
cinématographique : beaucoup de réflexions, de
débats, mais pas de décision ni d'action entreprises. Une
situation assez représentative de l'état de la France dans les
années trente : une conscience partagée des
dysfonctionnements, du marasme de l'imminence du désastre, et une
tragique incapacité à l'empêcher.
Paradoxalement, en ce qui concerne le milieu
cinématographique, bien des textes réglementaires et des
créations institutionnelles, basé sur le travail du sous
secrétariat des Beaux arts du Front populaire, verront le jour sous les
Années Noires de l'Occupation. Le régime autoritaire mis en place
a permis de mettre en application certaines idées de Jean Zay, mais au
service d'une idéologie catégoriquement opposée à
celle des années de belle illusions. Certains éléments de
cette organisation resteront en place, par la suite, après la
Libération, prémices d'un certain Centre National de la
Cinématographie et du droit positif cinématographique
français que l'on connait actuellement.
* 1 voir à ce sujet la
maîtrise de Pierre-Olivier Aguinalin sous la direction d`Antoine Prost,
« le barreau au service d'une ambition politique : maître Jean
Zay à Orléans dans les années trente », Paris,
2000. Selon celui-ci, Jean Zay « a su insuffler une
atmosphère théâtrale à ses procès,
grâce autant à son éloquence qu'à la force de
l'ironie, de l'indignation, de l'indulgence et du pathétique qui le
rendait incomparable. L'avocat Zay s'y révèle sous de multiples
facettes : juristes, enquêteur, confesseur, historien, moraliste voir
acteur ».
* 2 Zay J., Souvenirs et
solitude, p 282.
* 3 Une période
exceptionnellement longue pour un ministre de la IIIème
République.
* 4 Ory P, La belle
illusion, culture et politique sous le signe du Front Populaire, 1935-1938,
éditions Plon, Paris, 1994.
* 5 6 Prost A.
(dir.), Jean Zay et la gauche du radicalisme, Presses de Sciences Po,
Paris, 2003.
* 7 Phrase citée par
Nicole Debrand, « Jean Zay écrivain », dans le
fascicule de l'Association « Jean Zay au Pantéhon »
paru en avril 2007 et diffusé par le Grand Orient de France , p 17.
* 8 Ruby M., la vie et
l'oeuvre de Jean Zay, Librairie gedalge, Paris, 1969. p 303.
* 9 Zay J., souvenirs et
solitude, p 219.
* 10 Guillaume-Grimaud G.,
Le cinéma du Front Populaire, P. Lherminier, Paris, 1986,
p19.
* 11 Prost A.,
« sociale et culturelle indissociablement », in Rioux J-P,
Sirinelli J-F, pour une histoire culturelle, Ed. du Seuil, Paris,
1997, p131 à 146.
* 12 Sous la direction
Sirinelli J.F, et Sot M., « L'histoire culturelle »,
article tiré de L'histoire et le métier d'historien en France
: 1945-1995, Ed. de la Maison des sciences de l'homme, Paris, 1997, p
339-349.
* 13 Prost A., sociale et
culturelle indissociablement, in Rioux J-P, Sirinelli J-F, pour une
histoire culturelle, Ed. du Seuil, Paris, 1997, p131 à 146.
* 14 Sirinelli J.F,
histoire des droites en France, tome II culture, introduction,
Gallimard, Paris, 1992.
* 15 Ruby M., la vie et
l'oeuvre de Jean Zay, Librairie gedalge, Paris, 1969. p 303.Aguinalin P-O.
maîtrise sous la direction d`Antoine Prost, « le barreau au
service d'une ambition politique : maître Jean Zay à
Orléans dans les années trente », Paris,
2000.Grisard E., sous la direction de Halperin J.-L., La société
des gens de lettres sous le front populaire et le projet de loi du ministre
Jean Zay sur le droit d'auteur et le contrat d'édition, Lyon, 1995.
Peyrouzere F., sous la direction de Monnier G., Le musée en partage
: État et musée sous le ministère Jean Zay (1936-1939),
Paris, 1999.
* 16 Prost A. (dir.),
Jean Zay et la gauche du radicalisme, Presses de Sciences Po, Paris,
2003.
* 17 Voir à ce
sujet, Wolikow S., le front populaire : quel évènement ?
Historiographie et actualité des recherches, in Vigna X., Le pain,
la paix, la liberté : expériences et territoires du Front
populaire, Editions sociales, Paris, 2006, p 11 à 24.
* 18 Lefranc G., Le
Front populaire : 1934-1938, PUF, Paris, 1984.
* 19 Voir à ce sujet
Margairaz M, et Tartakowsky D., L'avenir nous appartient ! une
histoire du front populaire, éditions Larousse, Paris, 2006, Prost
A., Autour du Front populaire aspects du mouvement social au XXe
siècle, éditions du Seuil, Paris, 2006.
* 20 Genet-Delacroix M.C,
Arts et État sous la IIIe République : le système des
beaux-arts : 1870-1940, Publications de la Sorbonne, Paris, 1992.
* 21 Laurent J., Arts et
pouvoirs en France : de 1793 à 1981, histoire d'une démission
artistique, CIEREC, Saint-Étienne, 1983.
* 22 Article paru dans
Les cahiers de la République, décembre 1956, p 78-92;
quelques extraits sont proposés dans ., La politique culturelle en
débat : anthologie, 1955-2005 , Sous la direction de Gentil G. et
Poirrier P., la Documentation française, Paris, Comité d'histoire
du Ministère de la culture, 2006..
* 23 Aux côtés
de Daniel Mayer, Ernest Labrousse et Jacques Droz.
* 24 Ory P., L'histoire
culturelle de la France contemporaine, question et questionnement, article
tiré de 20ème siècle revue d'histoire, 1987, vol
16 n°1, p 67 à 82.
* 25 Voir à ce sujet
l'article de Graziani S., « La politique culturelle comme objet de
recherche », Quaderni, 2004, vol 54, pp 5-13.
* 26 Fumaroli M.,
L'État culturel : une religion moderne Librairie
générale française, Paris, 1992, p 101.
* 27 Dubois V., Politiques
culturelles et polémiques médiatiques, lectures croisées
en guise d'introduction, article tiré de Politix, 1993, vol
n°6, n° 24, p 5 à 19.
* 28 Voir l'introduction de
La belle illusion, culture et politique sous le signe du Front Populaire,
1935-1938, éditions Plon, Paris, 1994.
* 29 Cf l'article de
Philippe Urfalino, L'histoire de la politique culturelle, tiré
de Une histoire culturelle de Rioux J-F et Sirinelli J-F.
* 30 Poirrier P., Les
enjeux de l'histoire culturelle, Éd. du Seuil, Paris, 2004
* 31 Hommage à
l'occasion de la cérémonie du 27 juin 1947 au grand
amphithéâtre de la Sorbonne. - Date d'édition
déduite du contexte.
* 32 Quelques
correspondances révèlent l'intérêt
déjà grandissant pour le domaine cinématographique au
début des années 1930.
* 33 Contenu
détaillé plus loin dans ce dossier.
* 34 Complété
par deux autres inclus dans mon étude de cas.
* 35 Journal
Officiel du 21 janvier 1939.
* 36 Journal
Officiel du 9 octobre 1936.
* 37 Renaitour J-M.,
Où va le cinéma français, éditions
Baudinière, Paris, 1937.
* 38 Sa bibliographie
comprend une trentaine d'ouvrages, appartenant à tous les genres
littéraires ; trois d'entre eux regroupent à eux seuls une
douzaine de pièces de théâtre.
* 39 Souvenirs et
solitude, p 203.
* 40
Référencé sous la côte MICR D- 69,
support : microfilm disponible au magasin
Rez-de-jardin de Tolbiac.
* 41 Lettres et notes
internes adressées à Marcel Abraham mais signatures difficilement
lisibles afin d'identifier les correspondants, carton 312 AP 3.
* 42 Texte
déposé devant la chambre parlementaire le 17 mars 1939 et
disponible en annexe de La politique publique du cinéma
français sous la IIIe République (vol 1) de Paul Leglise,
éditions Librairie générale de droit et de jurisprudence,
Paris, 1970.
* 43 Décret du 29
juillet 1939 relatif « aux contrôles des recettes des salles de
cinéma, Journal Officiel du 29 juillet 1939. Voir en annexe.
* 44 Texte publié
dans le Journal Officiel, Document parlementaire, Chambre, 8 mai
1936, n° 4762. Concerne la « règlementation du
contrôle cinématographique ». voir celui-ci en Annexe
* 45 p 636 et suivantes.
* 46 L'essentiel des
ouvrages sur l'histoire politique ou économique du cinéma ne
commençant qu'au moment de la libération, de la création
du CNC et du ministère de la culture de Malraux.
* 47 Voir référence dans la
bibliographie mais citons rapidement : Choukroun J., « Pour une
histoire économique du cinéma français »,
vingtième siècle, revue d'histoire, n°46, 1995, p 176
à 182. et Pithon R., « Cinéma et histoire : bilan
historiographique », Vingtième siècle revue d'histoire
n°46, 1995, p 5 à 13.
* 48 Laurent Créton,
François Garcon, Jean Marc Vernier, Jean Paul Benghozi, Jean Paul
Jeancolas...
* 49 La collection
« cinéma et audiovisuel » comporte des ouvrages
généraux extrêmement intéressant sur le sujet.
* 50 Leglise P., Histoire de
la politique du cinéma français, le cinéma et la
Troisième République, Librairie générale de droit
et de jurisprudence, Paris, 1970. Histoire de la politique du cinéma
français, le cinéma entre deux républiques, 1940-1946,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1977.
* 51 Particulièrement
riche en découverte et complètement en adéquation avec
l'idée que je me fais de l'histoire culturelle
* 52 Des ouvrages
plutôt anciens, comme Raynal J., Le droit du cinéma,
Colin, Paris, 1962.Lyon-Caen G., Traité théorique et
pratique du droit du cinéma français, Librairie
général du Droit et de la jurisprudence, Paris, 1950.
* 53 Leveratto J-M,
« Histoire du cinéma et expertise culturelle »,
Politix vol 16, 2003.
* 54 Etudes de la
réception de la population et des différents publics
(cinéphiles avertis, simples amateurs etc) face à la mise en
place de mesures politique modifiant le milieu culturel.
* 55 Pourquoi le
cinéma dans les années trente, et comme le prouvent les tableaux
de ces recettes est il un art en plein essor ? Qu'es ce qui fait son
attrait par rapport à ses concurrents tel que le
Théâtre ?
* 56 Qui auraient pu
être résolues avec un peu de temps. La bibliographie de mon
étude de cas étant « à part » de la
bibliographie générale de mon sujet, celle-ci a constitué
un travail supplémentaire.
* 57
Cinématographie Française du 5 aout 38.
* 58 De 1934 à 1938,
on tourne en moyenne moins de films que de 1931 à 1933.
* 59 Souvenirs et solitude,
p 205
* 60 Un ministre restant
à sa place durant une période aussi longue est exceptionnel pour
l'époque.
* 61 Où va le
cinéma français ? p 114.
* 62 Au groupe parlementaire
pour la défense du cinéma.
* 63 Ibid. p 115
* 64 « La
Révolution du parlant », Les Cahiers de la
Cinémathèque, n° 13, 14, 15, 1974.
* 65 Premier film
français parlant réalisé par André Hugon en
1929.
* 66 « Additif au
contrat type de la Chambre syndicale française de la
cinématographie concernant la location des films sonores ou
parlants », dans Le Tout Cinéma 1931-1932, Paris
Publications Filma, 1931, p.356.
* 67 Chiffres tirés
du rapport Petsche. À l'évidence le chiffre prend en compte
l'ensemble des points de projection y compris ceux des salles
équipées en 16 ou 17,5 mm (Pathé-Rural).
Le Tout Cinéma 1934-1935, Paris, Publication
Filma, 1934, p.635, identifie pour la France métropolitaine et ses
colonies d'Afrique du Nord 4586 salles dont 3023 équipées en
sonore, 1563 « muettes » et 129 établissements
fermés. Pour la seule France métropolitaine, l'annuaire compte
4348 salles dont 2868 sonores, 1489 muettes et 129 lieux de projection
fermés.
* 68 les « films
parlants »
* 69 qu'elle soit le fait de
l'État, des professionnels, ou des « simples »
spectateurs.
* 70 Ou va le ciné
français ? Discours de Jean Zay p 115
* 71 Tiré de la
Cinématographie Française du 30 septembre 1938.
* 72 Dubois R., Une histoire
politique du cinéma : Etats-Unis, Europe, URSS, éditions
Sulliver, Arles, 2007, p 111.
* 73 Chiffres tirés
de Guillaume Grimaud G., le cinéma du Front populaire,
éditions Lherminier, Paris, 1896, p 13.
* 74 Chiffres tirés
de Forest C., Les dernières séances : cent ans
d'exploitation des salles de cinéma, édition du CNRS, Paris,
1995, p 54.
* 75 Ory P, La belle
illusion, culture et politique sous le signe du Front Populaire,
1935-1938, éditions Plon, Paris, 1994. p35.
* 76 Exemples concrets de
ces mesures : à Dijon, sur la place du marché, la place du
cinéma était cédé en échange du prix d'une
pinte de bière, à Marseille, un cinéma offrait le repas
pour une place acheté ou bien proposait jusqu'à six grands films
pour le prix d'un seul...
* 77 Et empiétait
tout doucement sur le théâtre, Cinématographie
française du 5 aout 38.
* 78 Propos de Harlé
dans la Cinématographie française du 5 aout 38
* 79
Cinématographie Française n°920 du 20 juin 1936.
* 80 Jean Zay dans
Où va le cinéma français, p126.
* 81 Le rapport donne
quelques précisions sur ce problème.
* 82 Où va le
ciné français p 116.
* 83 Chiffres tirés du
rapport Carmoy
* 84 Tiré de la
Cinématographie Française du 11 juin 1937
* 85 « Mort de la
Production » selon les professionnels, C.F n°918 du 6 juin 1936
et du 5 février 1937, Critique cinématographique n°501,
1937.
* 86 Où va le
ciné français ? p 117.
* 87 Article de la
Cinématographie Française, 14 juin 36.
* 88 Voir à ce sujet
« histoire du cinéma et expertise culturelle » de
Jean Marc Leveratto dans Politix n°61.
* 89 Tiré de la
Cinématographie Française du 4 juillet 1936, tableau
réalisé par M. Jean Benoit-Levy et la Fédération
des Artisans du film français.
* 90
Cinématographie Française, 20 juin 1936.
* 91 Celle-ci regroupe la
chambre syndicale des producteurs de films et la chambre syndicale des
directeurs de cinéma.
* 92 Il regroupe la chambre
syndicale française des producteurs de films, la chambre syndicale
française des producteurs de films, la chambre syndicale
Française des théâtres cinématographiques et
industries et la chambre syndicale des industries techniques de la
cinématographie.
* 93
Cinématographie Française n°871 du 13 juillet
1935.
* 94
Cinématographie Française 14 aout 1935.
* 95 Tableau issu de Leglise
P., Histoire de la politique du cinéma français, le
cinéma et la Troisième République, Librairie
générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1970. p 119
* 96 Cinématographie
Française du 7juillet 1936.
* 97
Cinématographie Française du 20 juin et du 20
décembre 1936.
* 98 Saisi par les
autorités allemandes durant l'Occupation, ce mensuel est aujourd'hui
rarissime.
* 99 De façon
identique, le Syndicat des Artisans du Film concurrence la
Fédération nationale des Syndicats d'artisans français du
film, le premier se ralliant en 1937 à la C.G.T.
* 100 n° du 13 mai
1936.
* 101 Dans les divers
numéros de la Cinématographie Française de juin
36.
* 102 Comoedia, 2
juin 1936
* 103 Comoedia, 2
février 1936.
* 104
Cinématographie Française 28 mars 1936.
* 105 Où va le
cinéma français ? p 119
* 106 Qui fut de 1929
à 1932 sous secrétaire d'État aux Beaux arts sous divers
gouvernement, avant de devenir ministre des finances et affaires
économiques de 1949 à 1951.
* 107 Montagne A.,
Histoire juridique des interdits cinématographiques en France
(1909-2001), éditions l'Harmattan, Paris, 2007 p 39
* 108 Les détails de
celui-ci sont décrits et analysé dans Leglise P., op.
cit. p 129 et le numéro du 30 aout 1935 de la
Cinématographie Française.
* 109 Constitué en
société privilégiée d'économie mixte
placée sous le contrôle de l'État et assisté d'un
comité technique de 25 membres dans lequel toutes les branches du
domaine cinématographique auraient été
représentées.
* 110 En accordant au
producteur sa garantie de bonne fin à une partie des crédits
consentis par son banquier et gagés sur les recettes à provenir
de ce film
* 111 Sous la condition que
le producteur ait déjà réuni de 30 à 40% de fonds
nécessaires pour la réalisation du devis, les crédits
nécessaires à la production d'un film
* 112 Garantie de
crédit d'ordre financier et d'ordre technique et culturel
* 113
Cinématographie Française du 14 octobre 1935.
* 114
Cinématographie Française du 17 juillet 1936 qui publie
les grands lignes du rapport qui a su toutefois profité des
enseignements du rapport Petsche et a su présenté en termes
mesurés et nuancés des propositions de réforme
apparaissant alors comme les seules voies de salut.
* 115 Journal
officiel, 18 aout 1936, p 635 et suivantes
* 116 Où va le
cinéma français p121.
* 117
Cinématographie Française numéro du 15 juin
1936.
* 118
Cinématographie Française 7 juillet 1936 : sont
demandés : une réduction sérieuse des Taxes, une
ouverture de crédit à la production, un appui réel sur le
marché d'exportation, un équilibre corporatif sur le
marché national.
* 119
Cinématographie Française 7 juin 36.
* 120 Celui-ci a
déclaré à Cinémonde peu avant les
élections « Qu'un jour notre parti détienne la
totalité du pouvoir politique, il fera du cinéma une institution
d'État. Car il est impossible qu'un Gouvernement qui veut instaurer un
ordre nouveau laisse un moyen de propagande aussi puissant que le cinéma
aux mains de groupements qui peuvent avoir des intérêts
opposés aux siens ». Déclaration qui fera grincer
des dents dans le milieu cinématographique.
* 121 Comoedia du
16 mai 36, Jean de Rovéra
* 122 Publié sous le
titre Où va le cinéma français ?
* 123
Cinématographie Française 19 décembre 36
* 124
Cinématographie Française 16 mai 38
* 125
Cinématographie Française 27 juin 37
* 126 Jean Zay, ibid.
p 117-118.
* 127 Jean Zay devant la
commission Renaitour, op. cit. p 134.
* 128 Jean Zay,
Souvenirs et Solitude p 204.
* 129 Billard P, D'or
et de palmes, le festival de Cannes, éditions Gallimard, Paris,
1997 p 18.
* 130
Cinématographie française du 5 septembre 36.
* 131 Latil L., Le
festival de Cannes sur la scène internationale, éditions
Nouveau monde, Paris, 2005 p 13.
* 132 Le jury voulait
à la base récompenser un film américain mais les pressions
de Berlin sur tous les satellites de l'Axe furent si fortes qu'à la
dernière minute, le palmarès fut changé. Bimbenet J.,
Film et histoire, Edition Armand Colin, Paris, 2007 p 230.
* 133 La
cinématographie française du 11 mars 38 titrant
« le Cinéma, mauvais agent de la Politique ».
* 134 Ce service
coordonnait les actions culturelles de la France à l'étranger. Il
devient l'Action française d'action artistique (A.F.A.A) en 1938.
* 135 Comme l'illustre une
note tirée des archives du cabinet Marcel Abraham (carton AN 312 AP 6),
adressé à Georges Huisman, directeur des Beaux Arts qui met en
relation de beau monde, y compris Louis Lumière qui aurait du être
le président de la première édition du festival.
* 136
Cinématographie française du 5 aout 1938
* 137 Le jury de celui-ci,
issu de la Commission de contrôle de films, devait primer les cinq
meilleures oeuvres françaises. En 1938, Jean Zay modifia le
règlement car cinq films français furent primés selon leur
catégorie : fiction, documentaire, film d'actualité, film
pédagogique et film scientifique. (Note AN 312 AP 6)
* 138 Dubois R., Une
histoire politique du cinéma : Etats-Unis, Europe, URSS,
éditions Sulliver, Arles, 2007. p 130.
* 139 Des quatre
institutions qui régissaient le cinéma, celui-ci
contrôlait les importations et exportations, ainsi que toute action
culturelle orientée vers l'étranger.
* 140 Le montant total pour
organiser le festival correspondait à 995 500 F somme
considérable pour l'époque. Le détail des comptes dans
Leglise P., op. cit. . p196
* 141 Gagnantes face
à sa rivale Biarritz qui n'a pu surenchérir face à l'offre
de la Côte d'Azur en termes de participation financière,
facilité de séjour, salles et équipements mis à la
disposition du Comité.
* 142 Les films
américains représentent quasiment la moitié des oeuvres
projetées sur les écrans français, toute
nationalité confondue.
* 143 Tiré de
l'article « la censure est une catastrophe » par
Maurice M Bessy dans la rubrique Libres propos de la cinématographie
française du 4 mars 1938.
* 144 Voir à ce
sujet MAAREK P-J., La censure cinématographique, Librairies
Techniques, Paris, 1982,
* 145 44 membres au lieu de
22, commission de contrôle qui, à la base, était
créé depuis 1928 par Edouard Herriot alors ministre de
l'Instruction publique du gouvernement Pointcaré. Leglise P., op
cit, p 278.
* 146 Déclaration
à Pour vous, n° 234, 11 mai 1933
* 147 Celui-ci fut
président du Conseil et ministre de l'Intérieur du 24 janvier au
4 juin 1936.
* 148 Note Carton 312 AP 3
* 149 Cette même note
critique ouvertement un arrêté en date du 26 mai sur le
contrôle des films d'actualité
* 150 Jean Zay expliquant
le fonctionnement de la commission devant le groupe Renaitour, Où va
le cinéma français, p 128.
* 151 Zay J., Souvenirs et
Solitude, p 205.
* 152 Extrait de l'article
premier du décret de la règlementation du contrôle
cinématographique, journal officiel du 8 mai 136.
* 153 Zay J., Ibid, p
205.
* 154 Notre trouvé dans
carton AN 312 AP 3
* 155 Carton 312 AP 3
* 156 Où va le
cinéma français, p 129
* 157 Ibid., p
129
* 158 Zay J. Souvenirs
et solitude, p 205.
* 159 Interrogé par
Jean Zay lui-même, ibid.
* 160 Dans ce pays, point
de censure, mais l'accès des salles de cinématographe est
réglementé et certaines salles sont interdites aux enfants
au-dessous d'un certain âge.
* 161 Où va le
cinéma français, p130
* 162 Note Carton 312 AP 3
* 163 Souvenirs et
solitude p 206.
* 164 Une plainte des
J.E.U.N.E.S a été déposée à ce titre au
secrétariat des Beaux arts, note carton 312 AP 3.
* 165 Voir en annexe, le
décret concernant les films documentaires d'actualité datant du
26 mai 1936.
* 166
Cinématographier Française du 12 février 1937.
* 167 Décret paru dans
le Journal Officiel du 8 mai 1936, voir en annexes.
* 168
Cinématographie Française du 17 juin 1936.
* 169 Note carton AN 312 AP
6
* 170 Particulièrement
à la Cinématographie Française
* 171 Près de
30 000 salles passent des films en langue anglaise, contre 8000 au maximum
pour la langue française. Les statistiques américaines
début 1936 accusent un chiffre de 81 millions de clients par semaine
dans les seules salles des U.S.A Sur un marché américain en
particulier, la place du film françaisest infime jusqu'en 1935, on
compte 5 à 15 films français par an sur un total annuel de 100
à 200 de films étrangers projetés sur les écrans
américains.
* 172 À cette note est
joint un rapport établi par le Service des OEuvres Françaises
à l'Etranger en 1936.
* 173 La
société French Motion Picture qui dispose de 200
correspondants réguliers plus particulièrement dans les centres
universitaires.
* 174 En ce qui la
concerne, la société « France Amérique
Films » 43 avenue de l'Opéra à Paris et sa filiale
de New York, la « French motion picture » 126 West
46th street, se tient à la disposition de l'Ambassade pour toute
information ou intervention qui serait jugée dans l'intérêt
de la propagande française.
* 175 Où va le
cinéma français, p 130.
* 176Paul Charles Biver
société France-Amérique-films ; Jean Coupan,
service cinéma à la compagnie générale
transatlantique.
* 177 Les soi-disant films
documentaires-historiques tiennent une place importante dans cette
catégorie tels que « Louis XIV » ou
« Charlemagne ».
* 178 Où va le
cinéma français p 131.
* 179 Où va le
cinéma français ? p132.
* 180 Sous la
présidence de M. Barrier, adjoint au Directeur de l'Enseignement
Primaire.
* 181 Voir à ce
sujet la troisième partie de La belle illusion de Pascal Ory
et une grande partie de la thèse de Marcel Ruby., la vie et l'oeuvre
de Jean Zay, Librairie gedalge, Paris, 1969.
* 182 AN 312 AP 6
* 183 Celle-ci a
été créée par un simple arrêté du 2
décembre 1935.
* 184 Note
« subvention pour cinématographe », AN 312 AP 6
* 185 Quand au muet, il est de
moins en moins demandé car même s'il répond bien au besoin
de l'enseignement, il est déjà considéré comme
obsolète !
* 186 Pour plus de
détails, voir Ory P, op. cit. p 639.
* 187 Celle-ci encouragea
vivement et accélérait la modernisation des équipements
scolaires.
* 188 Note AN 312 AP 6
* 189 Jean Zay, Souvenirs
et solitude, p 204
* 190 Ibid. p
203.
* 191 Voir le projet en
détail en annexe
* 192 Voir en pièce
jointe un article de la Cinématographie Française
précisant les demandes de la profession envers le statut.
* 193 Description plus
précise du statut et le développement de sa création dans
Ory P, op. cit., p 436 et Leglise P., op. cit. , p 190.
* 194 Où va le
cinéma français ?, p 122.
* 195 « Le
nantissement est une sûreté conventionnelle. Le nantissement d'une
chose mobilière s'appelle un "gage" : c'est ainsi que s'exprime
l'article 2072 du Code civil. Le nantissement est donc l'appellation
générale que l'on donne aux sûretés portant sur des
choses mobilières. Le mot "nantissement" est plus communément
utilisé par les praticiens pour désigner les
sûretés
portant sur les fonds de commerce. Le propriétaire qui a consenti un
nantissement sur son fonds de commerce, conserve le droit de continuer à
gérer son entreprise, il est seulement empêché de le vendre
ou d'en faire l'apport en société sans l'accord du
créancier. »
Définition tirée de
http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/nantissement.ph
* 196 Où va le
cinéma français ? p 131
* 197 La question du
dépôt légal a été posée dès les
premiers temps du cinéma afin de s'attaquer à la
contrefaçon, mais que parmi les freins à ce projet l'on trouve
l'inquiétude de certains services vis-à-vis de leur grande
inflammabilité. Il fallu attendre la loi du 19mai 1925 pour que le
dépôt légal des films devienne obligatoire, cependant les
épreuves devaient être tirées sur papier et le
dépôt suffisait quand il ne comprenait qu'une image par sujet ou
par scène. En outre, il n'entrainait aucune implication juridique.
* 198 Journal
officiel du 29 juillet 1939, ce décret « relatif au
contrôle des recettes des salles de cinéma »
précise cette disposition du projet de loi dans son article 2 qui impose
« qu'une marque spéciale soit apposée sur la souche, le
billet et le coupon de contrôle ».
* 199 Voir le 1.1
* 200 Dans la
continuité des titres II, VI et VII
* 201 Souvenirs et
solitude, p 116
* 202 Latil L., Le
festival de Cannes sur la scène internationale, éditions
Nouveau monde, Paris, 2005. p 41.
* 203 Malgré la
situation, les organisateurs ne voulant pas abandonner, ils
organisèrent, à titre privé, la seule projection de film
que connut cette édition. Il s'agit d'un film américain en
compétition « Quasimodo » de William
Dieterle. D'ailleurs, pour sa promotion, une reconstitution -maquette en carton
pâte- de la cathédrale de Notre Dame de Paris avait
été édifiée sur la plage.
* 204 Celui-ci avait un
double rôle : en plus de ses fonctions habituelles au sous
secrétariat des Beaux arts, il était président du
comité du festival
* 205 Même si celle-ci,
pour des raisons patriotiques a tenté d'être mis en place durant
le conflit mondial.
* 206 Jean Zay,
Souvenirs et solitude, p 41.
* 207 Ibid p
41.
* 208 Voir à ce
sujet la thèse de Genet-Delacroix M-C, Arts et État sous la
IIIe République : le système des beaux-arts : 1870-1940,
Publications de la Sorbonne, Paris, 1992.
* 209 A titre de
comparaison, celui des Affaires étrangères est de 325 millions,
celui de l'Agriculture un demi milliard alors que celui de l'Instruction
publique dépasse les 3 milliards.
* 210 Tiré de
Genet-Delacroix M-C, ibid. p 260.
* 211 Tiré de
Genet-Delacroix M-C, op. cit.., p 103.
* 212Ibid p
282.
* 213 L'effort est
particulièrement pour certains domaines comme le théatre, seule
projet de réforme de Jean Zay qui a été mené
à bout: la dotation budgétaire passe en 1933 de 9,5% du budget
total à 14,8% en 1936 et 26,6% en 1937.
* 214 Comme le conseillait
Maurice Petsche dans son rapport.
* 215 Pour la
première fois sous la IIIe République, un député
communiste accède à ce poste.
* 216 Ibid, p
315.
* 217 Paul Leglise, op
cit, p 189.
* 218
Cinématographie Française 29 juillet 1939.
* 219 Tels que le
Comité du film, syndicat patronaux majoritaire à l'époque
* 220 Zay J, op cit,
p 203.
* 221 En juin 1940, le
gouvernement Paul Reynaud est replié à Bordeaux en raison de la
déroute de l'Armée française. La réquisition du
Massilia, paquebot de ligne, eu pour but de permettre à des hommes
politiques de quitter la France avec l'intention de constituer un nouveau
gouvernement en exil qui abandonnerait à l'Allemagne les territoires de
métropole afin de mieux reprendre l'offensive militaire à partir
des départements d'Afrique du Nord. Parmi les passagers les plus connus
se trouve Edouard Daladier, ancien ministre de la Guerre, Pierre Mendès
France, ancien sous secrétaire d'Etat au Trésor, lieutenant
d'aviation et Jean Zay, sous lieutenant à l'époque. À leur
arrivée à Casablanca, ceux qui étaient
considérés mobilisés comme officiers tel que Jean Zay sont
arrêtés le 31 août 1940, rapatriés en
métropole et traduits devant le Tribunal militaire de Clermont-Ferrand
pour « désertion devant l'ennemi ». Le piège
se referma et Jean Zay fut condamné à la déportation
à vie et à la dégradation militaire - Ses prises de
position très antimilitaristes et pacifistes avant la déclaration
de guerre n'étant sans doute pas étrangères à cette
sévérité et en faisait un « bouc
émissaire idéal » selon le spécialiste Loubes
O., « Jean Zay, Vichy et la Résistance », Revue
d'histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1996, p. 151-167
* 222 Parmi les facteurs
explicatifs d'une telle célérité, en plus de la
volonté de ne pas laisser les autorités allemandes prendre le
contrôle direct du secteur, la question de la propagande et du
« moral » des Français, la logique corporative qui
était préconisée dans le rapport Carmoy, et enfin l'action
de hauts fonctionnaires qui voient l'occasion de faire appliquer une
réorganisation du secteur jugée nécessaire depuis
longtemps. Leglise P., Histoire de la politique du cinéma
français, le cinéma entre deux républiques, 1940-1946,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1977
p 13.
* 223 Trente-cinq ans plus
tard, le producteur Roger Richebé, qui a été l'un des
directeurs du COIC, en fera l'aveu : « Ici apparaît la
malignité d'un occupant qui fait signer par d'autres,
c'est-à-dire par des Français, les décisions
insupportables qu'il prend ». Certes l'oeuvre du COIC n'a pas
toujours été négative puisqu'elle a en partie
survécu. Mais fallait-il, pour autant, la payer au prix fort ?
* 224 Ces cinq
« groupements d'exécution » à partir de
comités d'organisation professionnels par la loi générale
du 16 aout 1940
* 225Guy de Carmoy est
l'inspecteur des finances auteur du rapport éponyme rendu public en
1936. Pour rappel, ce rapport qui faisait la part belle à
l'organisation corporative patronale semble être plutôt dans la
tonalité du nouveau pouvoir ; en réalité
l'écart est profond entre un projet d'organisation du cinéma par
la profession elle-même et la mainmise du gouvernement de Vichy au
travers d'un dirigisme corporatif. De Carmoy sera écarté de la
direction du Service en septembre 1941, et déporté quelques mois
plus tard car trop « gênant » dans les relations
franco-allemandes.
* 226 Leglise P., op
cit p 48
* 227 Le terme
« intermédiaire » qui peut sembler un peu trivial ou
imprécis correspond en fait assez bien au coeur de métier d'un
établissement financier ou d'une banque, c'est-à-dire
l'intermédiaire entre des ressources financières
collectées ou empruntées et des emplois financiers sous formes de
crédit accordés aux agents économiques. Plus de
détails à ce sujet dans Valter G, Le régime de
l'organisation professionnelle de la cinématographie : du corporatisme
au régime administratif, Librairie générale de droit
et de jurisprudence, Paris, 1969.
* 228 Par
l'arrêté du 7 février 1941 et la décision
d'application n° 6 du COIC, est institué un contrôle des
recettes. La marque sur les billets d'entrée est celle du COIC.
L'exploitant est comptable des billets reçus
* 229 Voir à ce
sujet Vernier J-M., l'Etat français à la recherche d'une
politique culturelle du cinéma : de son invention à sa
dissolution gestionnaire, article paru dans Quaderni n°54,
printemps 2004, vol 54, n°1, p 95 à 108.
* 230 Mais sur ce dernier
point, le COIC institue une « commission consultative chargée
d'examiner les demandes des artistes étrangers ou juifs qui
désirent être autorisés à faire usage d'un
pseudonyme par dérogation à l'interdiction ». Edward
Turk précise : « Avec Raoul Planquin à sa
tête, le COIC met de l'ordre dans une industrie chaotique, mais il s'agit
clairement d'un instrument au service de la politique et de la philosophie de
Vichy. La première loi vichyste à traiter directement du
cinéma date du 26 octobre 1940 : il s'agit de la création
de la carte professionnelle d'identité qui a notamment pour but de
servir la politique antisémite du régime, la carte ne pouvant
être attribuée à des Juifs (Turk, B E, marcel
carné et l'âge d'or du cinéma français 1929
1945, traduit par Noel Burch, l'harmattan, coll « champs visuels
étrangers » paris, 2002, p 165.)
* 231
Creton L., Histoire Économique Du Cinéma
Français - Production Et Financement (1940-1959), Edition du CNRS,
Paris, 2004. p81
* 232 Explication du
rôle de celui-ci le chapitre VI de Creton L., Histoire
Économique Du Cinéma Français - Production Et Financement
(1940-1959), p 149 à 180 l'article « à l'origine
de l'inflation du cout des films. L'intervention du Crédit National dans
le cinéma français » par François
Garçon.
* 233 Jean Zay, Où
va le cinéma français p 124.
* 234 Ce qui signifie une
cession d'antériorité s'il y a un nantissement
antérieur
* 235 Explication plus
détaillé du fonctionnement de système dans le
Traité théorique et pratique du droit du cinéma
français tome II de Lyon-Caen G., Librairie général
du droit et de la jurisprudence, Paris, 1950. p 99 et pages suivantes.
* 236 Où va le
cinéma français ? p 133.
* 237 « On
s'occupe du cinéma au Ministère de l'Education Nationale
[ ...], à la Présidence du Conseil, au ministère du
Commerce, au ministère de l'économie nationale, au
ministère de l'Intérieur, au sous secrétariat des Loisirs
[...] on ne s'étonnera pas que si je dis qu'il y a un Ministère
qui me parait tout naturellement désigné pour être le
Ministère du Cinéma, c'est le Ministère de l'Education
Nationale [...] qui doit de façon plus complète centraliser tout
ce qui est la vie intellectuelle française. »
Où va le cinéma français ? p 119.
* 238 ibid, p 133.
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