Université de Nouakchott
Faculté des Sciences Juridiques et
Économiques
Département : DROIT
PRIVÉ
Option : DROIT DES AFFAIRES
THÈME :
CRISE FINANCItRE
MONDIALE
ET
BANQUES ISLAMIQUES
Présenté par Yacouba SIBI Sous la
direction de Son Excellence Dr. Ahmed O/ Bah
Année universitaire : 2009 -2010
@i Au nom d'Allah,
L'infiniment Miséricordieux,
Le
Très Miséricordieux ~
Déclaration
Ce travail est réalisé dans le cadre de l'examen
final de l'Université de Nouakchott, en vue de l'obtention de la
Maitrise en Droit, option Droit des Affaires. L'étudiant accepte, le cas
échéant, la clause de confidentialité. L'utilisation des
conclusions et recommandations formulées dans ce mémoire, sans
préjuger de leur valeur, n'engage ni la responsabilité de
l'auteur, ni celle de son directeur.
« J'atteste avoir réalisé seul le
présent travail, sans avoir utilisé des sources autres que celles
citées dans la bibliographie. »
Fait à Nouakchott, le 28 mai 2010
Yacouba SIBI
Je dédie ce travail aux trois femmes de ma
vie, ma chère et tendre mère Mariam Cissé, ma
grand-mère Fatimetou-Aly Sibi pour son enseignement spirituel, et ma
tante Mme HAIDARA Mantchita Cissé pour son soutien et ses
conseils.
REMERCIEMENTS
Pour écrire ce mémoire il a fallu s'adonner
à milles et une nuit de labeurs cadencés, de douleur, de bonheur,
oublieux de tout. Ce travail est le fruit de mon effort personnel mais il a
bénéficié des contributions de plusieurs acteurs. Je
voudrais les remercier tous, mais ne pouvant le faire nommément je me
contenterai d'évoquer ceux à qui je suis particulièrement
reconnaissant. Tout d'abord, je tiens à remercier ma mère Mariam
Cissé, Chaque jour je puise ma force dans l'espoir que tu fondes en moi.
Tu es celle qui m'a fait naître tu es mon deuxième créateur
; Du plus profond de mon être, je te remercie pour TOUT.
Je remercie ma mère spirituelle (Allah saxè)
Fatimetou Sibi pour sou soutien et ses bénédictions. Mon
père Aliou Sibi, homme de caractère qui constitue
incontestablement et en tout point un modèle pour moi.
Son Excellence M. Ahmed Ould Bah, en plus de bien connaitre le
sujet, il a le don rare de savoir ce que quelqu'un veut dire et de pouvoir
l'aider à le dire correctement. Travailler avec lui a été
un honneur. Merci Excellence.
Grand merci à M. Mohamed O/ Mahmoud de
l'établissement EL WATANI (Opérations Islamiques) pour son apport
documentaire et ses conseils pratiques.
Je tiens à saluer également M. Tidiane DIAGANA
(Sahabé) pour son hospitalité et ses conseils, et son aimable
épouse Maimouna.
Une pensée particulière va à tous mes
frères et soeurs, surtout à Makhadja Fatim et à Cheickna
L'ensemble du corps professoral pour la richesse et la qualité de son
enseignement.
Je veux exprimer ici ma reconnaissance à Elmamy Tidiane
Diagana pour son soutien indéfectible et son amitié. Je tiens
aussi à remercier chaleureusement PaCheckhena Marega, Inspecteur en
Douanes pour sa fraternité.
Sans oublier toutes les personnes qui ont de près ou de
loin, directement ou indirectement apportés particulièrement une
aide quelconque à l'élaboration et à la perfection de ce
travail, mais aussi toutes celles que j'ai rencontré en Mauritanie et
qui ont contribué à rendre mon séjour plus
agréable.
À tous ceux-là et aux autres qui se
reconnaîtront, j'exprime ma gratitude.
Mais, « À DIEU seul revient ma gratitude
en premier et dernier lieu.»
Liste des abréviations
· AAOIFI : Accounting and Auditing
Organization for Islamic Financial
· BCE : Banque Centrale Européenne
en charge de la monnaie unique européenne
· CDO : Collateralized Debt Obligation, en
français obligations adossées à des actifs
· FED : La Réserve
fédérale (Federal Reserve System), appelée
souvent Federal Reserve, c'est la banque centrale des
États-Unis
· IASB : Bureau des standards comptables
internationaux, plus connu sous son nom anglais d'International Accounting
Standards Board (IASB)
· IFI : Institution Financière
Islamique
· IFRS : International Financial Reporting
Standards ou les normes internationales d'information financière
· IFRS : International Financial
Reporting Standards sont des normes comptables,
élaborées par le Bureau des standards comptables
internationaux
· IFS : Institutions Financières
Spécialisées
· IIFM : International Islamic Financial
Market
· Insead : Institut européen
d'administration des affaires
· MEDAF : Le Modèle
d'évaluation des actifs financiers (MEDAF), traduction approximative de
l'anglais Capital Asset Pricing Model (CAPM)
· PSL : Paix Et Salut Sur Lui,
utilisée par les musulmans à chaque énonciation du
Prophète de l'Islam
· RAROC : Risk Adjusted Return On Capital
; permet de mesurer la performance des opérateurs en confrontant le
niveau des marges avec celui des risques encourus
· SICAV : Société
d'Investissement à Capital Variable
· VaR : de l'anglais Value at
Risk, mot à mot : « valeur sous risque »
Glossaire des termes de la finance islamique
utilisés dans le présent mémoire
· Bai' al-manfa : vente d'utilité d'une
chose.
· comité de conformité religieuse :
comité de spécialistes de l'Islam fournissant des conseils
à une institution financière islamique pour le
développement de produits conformes à la Shari'a.
· Fatwa : décret religieux.
· Fiqh : jurisprudence islamique. Science de la
Shari'a. C'est une source importante de l'économie et de la finance
islamiques.
· Gharar : l'une des interdictions fondamentales en
finance islamique. C'est un concept complexe qui recouvre certains types
d'incertitudes ou d'imprévus liés à un contrat.
L'interdiction du gharar sert souvent de fondement aux critiques des pratiques
financières classiques telles que la spéculation et les produits
dérivés.
· Halal : permis, licite. Antonyme du mot Haram,,
il définit ce qui est permis pour le musulman.
· Haram : définit ce qui est un
péché et ce qui sacré, donc illégal.
· Ijara : contrat aux termes duquel la banque
achète un bien pour un client puis le loue en crédit-bail pour
une période déterminée.
· Ijma : unanimité, consensus. Il est
généralement compris comme celui des Oulémas (savants)
spécialistes domaine dont il est question.
· Mouchâraka : partenariat d'investissement
dans lequel les conditions de partage des pertes et des profits sont
proportionnelles au montant investi, c'est une forme de
capitalinvestissement.
· Moudhâraba : partenariat d'investissement.
Technique de financement utilisé par les banques islamiques dans
laquelle le capital est intégralement fourni par la banque tandis que
l'autre partie assure la gestion du projet. Les bénéfices sont
partagés selon une clé de répartition fixée au
préalable et les pertes éventuelles sont supportées par
l'investisseur.
· Moudhârib : entrepreneur
· Mourâbaha : forme de crédit qui
permet au client d'effectuer un achat sans avoir à contracter un emprunt
portant intérêt. La banque achète un bien puis le vend au
client en différé.
· ra's oul mâl : dans un contrat de
Moudhâraba, personne qui assure la gestion du projet.
· Rabb-oul- mâl : dans un contrat de
Moudhâraba, la personne qui investit les capitaux.
· Riba : l'une des interdictions fondamentales
en finance islamique. Techniquement c'est toute augmentation au tout avantage
obtenu par le prêteur et constituant une condition du prêt. Tout
taux de rendement sans risque ou garanti sur un prêt ou un investissement
relève de la riba.
· Shari'a : ensemble des prescriptions et des
règlementations auxquelles le musulman doit se soumettre et qui portent
à la fois sur ses actes cultuels mais aussi sur ses rapports sociaux.
Corpus juridique en Islam.
· Shirkah : participation ou association, base
étymologique de Mouchâraka.
· Sunna : ensemble des us et coutumes des nations.
C'est aussi la tradition de l'Islam rapportant les faits et les gestes de
Muhammad(PSL) considérés comme complétant le coran.
Sommaire
Introduction
PARTIE I :
CRISE FINANCIERE MONDIALE ou CRISE BANCAIRE : causes
et origines
Chapitre 1 : De la crise financière à la
crise des banques SECTION 1 : la crise financière
Paragraphe I l'explication par les subprimes
Paragraphe II l'exces des risques
Paragraphe III l'explication par la speculation
SECTION 2 : la crise des banques ou l'effet
domino
Paragraphe I Manifestation de la crise
Paragraphe II La spéculation bancaire
Paragraphe III Crises antérieures
Chapitre 2 : La gestion des risque dans la banque
conventionnelle
SECTION 1 : les risques dans la banque
conventionnelle
Paragraphe I le risque de marche (risque de taux, risque de
change, risque de
position)
Paragraphe II le risque de credit Paragraphe III le risque
operationnel
SECTION 2 : les méthodes de calcul des
risques ou les règles prudentielles conventionnelles (de la convention
de Bâle I à Bâle II) Paragraphe I Bale
I
Paragraphe II La refonte de Bale I
A. Pilier I Exigences minimales en fonds
propres-renforcées-
B. Pilier II Processus de surveillance prudentie
lle
C. Pilier III Discipline du marché
PARTIE II :
BANQUES ISLAMIQUES : REFERENT RELIGIEUX ET LOGIQUE
COMMERCIALE
Chapitre 1 Fondement religieux de la banque islamique
SECTION 1 : Fondement de la notion de banque en
général
SECTION 2 : Bases théologiques de la banque
islamique Paragraphe I Le Coran
Paragraphe II La Sunna
Paragraphe III La Shari'a
Paragraphe IV Riba et thésaurisation
Chapitre 2 Banque islamique et logique
commerciale
SECTION 1 : les caractéristiques de la
banque islamique Paragraphe I Identification d'un
etablissement bancaire
Paragraphe II Forme juridique d'un etablissement bancaire
islamique Paragraphe III Reglementation juridique des etablissements bancaires
islamiques
SECTION 2 : Les principes directeurs de la banque
islamique
Paragraphe I Principe 1 : pas de riba (intérét -
usure)
Paragraphe II Principe 2 : pas de gharar ni de maysir
(incertitude - speculation) Paragraphe III Principe 3 pas de haram (secteurs
illicites comme l'alcool, le jeu et la pornographie)
Paragraphe IV Principe 4 : obligation de partage des profits et
pertes
Paragraphe V Principe 5 : principe d'adossement a un actif
tangible
SECTION 3 : Les produits de la banque islamique
Paragraphe I Le Mouchâraka
Paragraphe II Le Moudhâraba ou L'association dans le
profit
Paragraphe III Le Mourâbaha ou l'achat-revente avec marge
bénéficiaire
Paragraphe IV Ijara
Paragraphe V ANALYSE COMPARATIVES DES PRODUITS Banques islamiques
et Banques conventionnelles.
SECTION 4 : De la transposabilité du
système bancaire islamique au monde Paragraphe I Du
point de vue historique
Paragraphe II Du point de socio-économique Paragraphe III
Le contexte juridique
Paragraphe IV De la détermination politique
Conclusion
Introduction
Le choix du thème de cette étude est loin
d'être le fruit d'un hasard. Crise économique, crise
financière, crise bancaire, échec du capitalisme ... Ce sont
là autant d'appellations, autant de termes utilisés pour
décrire la situation difficile que le monde traverse de nos jours.
En effet, depuis bientôt 5ans, les économies, et
par-delà les sociétés sont toutes en proies à une
qui crise touche l'économie mondiale, entrainant l'entrée de la
plupart des pays en récession. Cette crise qui, en réalité
est une crise financière a son origine dans des prêts imprudents
à l'habitat consentis aux États-Unis d'Amérique dit «
subprimes1».
En effet, en 2002 pour relancer l'économie
américaine, le gouvernement a proposé les crédits
hypothécaires dédiés aux ménages les plus pauvres :
les subprimes. Durant 4 ans une véritable bulle financière
immobilière s'est formée : beaucoup de ménages à
faibles revenus se sont endettés.
Suite à l'éclatement de cette bulle (fin 2006), les
ménages endettés se sont retrouvés en possession de biens
immobiliers valant moins que la valeur d'achat. Ces biens étant acquis
à l'aide de Subprimes, les emprunteurs ont vu le coût de leur
crédit s'envoler (taux variables).
La forte hausse des saisies de logements par les banques a
causé la faillite en masse de plusieurs entreprises de prêts
hypothécaires à risque (les biens saisis ne valant plus le prix
initialement investi) conduisant à l'effondrement du prix des actions de
l'industrie du crédit . Les secteurs des banques et des assurances sont
particulièrement touchés car ils ont investi dans ces subprimes
par l'intermédiaire de la titrisation de ces crédits à
risque.
Les acteurs boursiers ayant perdu confiance, les banques ne
trouvent plus d'investisseurs pour entrer dans ces fonds adossés aux
crédits hypothécaires. Les investisseurs sont inquiets, ils ne
connaissent pas l'exposition aux subprime des différents acteurs
financiers, ils n'apportent/ne prêtent plus d'argent aux banques,
celles-ci se retrouvent alors en manque de liquidités pour assurer leur
fonctionnement.
Ainsi, par l'effet de la causalité, et du fait des
liens étroits de fonctionnement qui existent, entre la sphère
bancaire, la sphère financière et le système
économique, l'on assistera à un phénomène qui
prendra une ampleur mondiale, ayant des conséquences sans
précédent dans l'histoire des sociétés
contemporaine.
1 Ces prêts sont accordés par un
institut de crédit spécialisé ou par une banque
commerciale. Ils sont garantis par une hypothèque. les premières
années les mensualités de remboursement sont peu importante. Mais
très rapidement le taux s'élève et peut atteindre 18 %.
les salariés pauvres ne peuvent plus alors payer leurs
mensualités.
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
Toutefois, dans ce contexte de crise
généralisé, le système bancaire islamique
s'est démarqué en étant peu ou presque pas
touchée.
Ce système bancaire islamique, repose en effet sur un
mode de fonctionnement atypique avec des règles de fonctionnement dont
les principes sont tous tirés du Coran, de la Shari'a et de la Sunna.
Dans ce système le référentiel est l'ISLAM.
Plus généralement, dans le système
financier islamique on retrouve donc des sujets aussi variés que la
fiscalité, les dépenses publiques, l'intérêt, la
propriété foncière, les ressources naturelles, les taux de
salaires ou encore les finances.
Mais dans le cadre de cette étude nous mettrons
essentiellement et uniquement l'accent sur la banque islamique
La particularité de ce type de banque réside
essentiellement dans trois aspects:
· la favorisation de la participation;
· l'utilisation des méthodes de financement
très peu connues par les banques classiques
· le système de partenariat oblige les deux parties
à courir ensemble les risques en partageant les pertes et les
profits.
Ainsi, les banques islamiques attirent de plus en plus
l'attention2, et pas seulement dans le monde
arabo-musulman3.
Elles respectent à la lettre ce qu'interdit l'islam sous
le terme générique de riba4, à savoir la
combinaison de trois éléments : l'engagement à terme, la
condition aléatoire et la rémunération
prédéterminée du capital, combinaison que le mot «
intérêt » ne traduit qu'imparfaitement. Les banques et
établissements islamiques pratiquent de nombreuses formes d'exercices,
toutes consignées dans le Fiqh islamique qui régit la vie des
hommes dans tous les domaines. Si les banques n'ont pas le droit de percevoir
des intérêts, elles fonctionnent sur le principe d'un
système associatif : elles participent avec leurs déposants dans
des projets et s'engagent à partager avec eux les risques de financement
; Si la banque islamique propose comme les banques conventionnelles de simples
comptes de dépôt pour les particuliers, dont les
frais de gestion sont acquittés par les déposants, elle propose
surtout des services financiers destinés à tous
et qui prennent habituellement les formes suivantes :
2 La Tribune, quotidien algérien en date du 8
novembre 2009 : Développement du secteur bancaire privé - finance
La islamique peut-elle apporter un nouveau souffle ?
3 -Vers l'implantation de banques islamiques en
France.
Reportage France 2 du 14 octobre 2009 ;
-A l'Ecole de management de Strasbourg, un cycle ouvert fin
janvier enseigne la gestion d'actifs selon les préceptes de la
charia.
-Existence au royaume uni de l'ISLAMIC BANK of BRITAIN (IBB).
4 L'une des interdictions fondamentale en finance
islamique ; toute augmentation ou tout avantage obtenu par le préteur et
constituant une condition du prêt .Tout taux de rendement sans risque ou
« garanti » sur un prêt relève de la riba
· Moudhâraba ou partenariat
passif 5
· Mouchâraka ou partenariat
actif6
· Mourâbaha ou financement
commercial avec marge bénéficiaire7
· Ijara
De ce qui précède l'on voit que le système
bancaire islamique a ses règles, ses principes et propose des produits
qui lui sont propres, et qui diffèrent largement de ceux du
système classique ou dit conventionnel.
Ce qui soulève un certain nombre de questions :
· Comment dans un système basé
essentiellement sur la recherche effrénée du profit et
de
l'intérêt( interdit par l'islam), la banque islamique peut-elle
exister et résister ?
· Quels sont le mode de fonctionnement de ce
système, ses principes et les valeurs qui le sous-tendent ?quelle est sa
finalité ?
· Comment le système bancaire islamique a
résisté à la crise financière mondiale dite aussi
la crise bancaire ?
· Ce système est -il infaillible
?
· Le système bancaire islamique peut-il
constituer une alternative dans un système tout en crise.
· Ce système est-il transposable partout et
à tous ?
C'est dans ce contexte que m'étant
spécialisé en Droit des Affaires j'ai souhaité aborder
cette question, qui comme prévu s'est présentée
intéressante à plus d'un titre. Le thème de mémoire
est le suivant :
« BANQUES ISLAMIQUES ET CRISE FINANCIÈRE
MONDIALE. » Cette étude nous permettra de mieux cerner ce
phénomène, la crise financière d'une part, ses
origines, pourquoi parle-t-on de crise bancaire ?comment
a-t-elle été gérée ? (Partie I) et le
système bancaire islamique de l'autre, ses fondements, ses
critères et caractères, principes et la possibilité de son
extension au monde entier comme expédient au système actuel
(Partie II) . Nous tirerons les conclusions des problèmes ci-dessus
posés.
5 La banque finance entièrement l'entrepreneur
et partage les bénéfices (s'il y en a) avec celui-ci selon un
pourcentage fixé à la signature du contrat. La seule source de
revenue possible pour l'emprunteur est sa part de bénéfice (il ne
reçoit aucun salaire) et la banque prend à son entière
charge les pertes éventuelles.
6 La banque agit dans ce type de contrat comme un
actionnaire, profits et pertes étants partagés entre elle et
l'emprunteur, selon les proportions de leurs parts respectives dans l'actif de
l'entreprise.
7 La banque acquiert une marchandise pour le compte
de son client, moyennant une marge bénéciaire fixée
à la signature du contrat. Le banque transfert la
propriété de la marchandise à son client une fois qu'il a
payé le prix de celle-ci ainsi que la marge fixée à la
signature. Ce type de contrat diffère du prêt à
intérêt car la marge est fixe et n'augmente pas avec le
délai de paiement.
PARTIE I :
CRISE FINANCIÈRE MONDIALE ou
CRISE BANCAIRE : causes et origines
Depuis la fin de l'année 2007 le monde est en proie
à une crise qui, par un effet domino touche toutes les sphères de
la société active. De l'économie, à la finance, en
passant par les banques. Encore heureux qu'elle n'ait pas entrainé de
crise politique, bien qu'elle ait engendré des remous et des
protestations dans les sociétés, revêtant plusieurs
aspects.
Dans ce contexte généralisé de crise, les
banques ont été pointées d'un doigt accusateur, notamment
à travers les risques inconsidérés pris par les banquiers,
et aussi à travers le système prudentiel qui devait, à
défaut de prévoir, permettre d'éviter l'embourbement de la
finance internationale dans un tel engrenage.
C'est pourquoi, afin de mieux comprendre ce qui s'est produit
nous envisageons une étude de la gestion des risques dans la banque
conventionnelle en ayant préalablement pris le soin d'expliquer la crise
financière elle-même. Tenter donc de comprendre l'origine de la
crise (Chapitre 1) et voir ensuite les règles prudentielles dans le
système bancaire en général (Chapitre 2).
Chapitre 3 : De la crise financière à la
crise des banques
En occident comme en Amérique et même dans les pays
du sud, l'on est unanime sur un fait : la crise financière mondiale
(chapitre1) fut à l'origine causée par les crédits
hypothécaires à taux variables « subprimes » (section
1-I) accordés aux ménages moyens aux États-Unis. Les
banquiers et/ou les traders8 qui ont effectué sur ces
crédits une spéculation excédant la mesure (section 1-III)
en prenant des risques excessifs (section 1-II) et qui, incidemment, ont par un
effet de contagion enrayé le système bancaire international
(section-2).
SECTION 1 : la crise
financière
De prime abord une crise se définit comme un changement
subit, souvent décisif, favorable ou défavorable du cours d'une
maladie9. Cette définition bien que générale
nous permet tout de même de définir la crise financière qui
est l'objet de notre étude.
En effet la crise financière10,
assimilée à tort ou à raison à la crise
économique, survient lorsqu'il se produit un déséquilibre
entre la sphère réelle (biens et services) et la sphère
financière (banques et bourses). Au risque de faire de la tautologie on
dirait bien qu'il s'agit d'une maladie, car il y a bien un déphasage,
une déconnexion des entités. Alors que la crise
économique, elle, a pour origine une rupture dans les relations qui
unissent les différents éléments du système
économique, la finance y compris.
Dès lors se pose une question fondamentale : qu'est ce
qui est la base, ou qui est coupable de ce déséquilibre entre
sphère réelle et sphère financière ? Comment en
sommes-nous arriver à une rupture des liens ? Est-ce un fait
endogène au milieu, qui en est à la base ou y a-t-il des causes
exogènes ?
Afin de répondre à ces questions nous
étudierons cette crise au regard de trois éléments qui
nous semblent déterminants : les subprimes (paragraphe I), les risques
dans la finance (paragraphe II) et la spéculation (paragraphe III)
Paragraphe I L'explication par les
subprimes
Mécanisme simple pour un besoin simple voire
élémentaire, dirait-on. Un ménage pauvre qui veut
acquérir un logement, sans en avoir les moyens. Les banquiers et les
courtiers proposent alors des crédits11 qui, plus tard feront
basculer, le monde.
Tout commence aux États-Unis
8 Et/ou pour exprimer les opinions divergentes sur
les « coupables » réels du déclenchement de cette
crise
9 Le Petit Larousse Illustré 2009, Larousse,
Juillet 2008
10 La finance est entendue comme gestion des
patrimoines individuels, des patrimoines d'entreprises, et des deniers publics.
C'est donc l'ensemble des professions qui ont pour objet l'argent (exemples :
banques, bourses)
11 La banque accorde à ses clients des
prêts
En effet, les prêts immobiliers12 sont
ventilés en trois catégories : « subprime », «
non-prime » et « prime ». La catégorie des «
subprime » correspond au niveau de solvabilité le plus bas de
l'emprunteur, le plus souvent des salariés pauvres.
Ces prêts sont accordés par un institut de
crédit spécialisé ou par une banque commerciale. Ils sont
garantis par une hypothèque et fonctionnent comme un véritable
piège : les premières années les mensualités de
remboursement sont peu importantes. Mais très rapidement le taux
s'élève et peut atteindre les 18 %. Nombre de salariés
pauvres ne peuvent plus alors payer leurs mensualités. C'est un
système qui ne fonctionne qu'au détriment des salariés
pauvres, mais qui profite à la banque et cela dans un contexte de hausse
des biens immobiliers.
La conjoncture économique entraine une hausse des taux de
la FED qui passent de 2 à 5,75%. Conséquence immédiate,
les taux des prêts, indexés sur celui de FED augmentent et
entrainent à leur tour la cessation des paiements des mensualités
par les emprunteurs qui sont désormais incapables d'effectuer les
remboursements. Leurs logements sont saisis et vendus aux enchères.
Cette situation ne fera qu'accentuer la baisse des cours de l'immobilier.
Les banquiers et les courtiers qui avaient tablé sur une
hausse des prix de l'immobilier sont pris au dépourvu et la
bulle13 immobilière qu'ils ont créé se
dégonfle peu à peu.
Afin de trouver une issue favorable à cette situation et
se sortir de cette passe difficile dans laquelle elles se trouvent, les
traders, organismes financiers et banquiers vont prendre des risques
inconséquents.
Paragraphe II L'explication par les
risques
Lorsqu'ils ont créés les emprunts « subprimes
», les banquiers avaient pris le soin, ou du moins commis le forfait de ne
pas les garder dans le bilan de leurs organismes. Ces prêts ont
été titrisés14 et regroupés avec
d'autres créances sur un instrument financier, le CDO15, et
mis en vente sur les marchés financiers. Il faisait ainsi partie de la
grande famille des ABS (Asset Backed Securities, en français «
valeurs mobilières adossées à des actifs »).
Ces titres ont été plutôt bien notés
par les organismes de notation16 et ont été
achetés par des fonds de placement partout dans le monde. Toutes les
entreprises ou organismes qui ont acquis ces CDO l'ont fait en toute
connaissance de cause : ils voulaient « doper » le rendement de leurs
produits grâce aux intérêts exorbitants payés par les
emprunteurs du secteur des « subprime ». Ces titres se sont
même retrouvés dans de très nombreuses SICAV17
qui les ont présentées comme « sans risque » à
leurs souscripteurs aux fins de les disséminer dans la finance mondiale.
Ainsi quand les ménages modestes n'étaient plus en mesure de
rembourser, les préteurs se sont tournés vers la clientèle
« ninja » (no-income, no-job, no-asset, « pas de revenu, pas de
travail et pas patrimoine »). Tout cela s'est fait alors même que la
plus élémentaire des règles de protections du consommateur
aurait dû bannir.
Les organismes de prêts hypothécaires à
risque (tel l'American Home Mortgage) ont été les premiers
touchés par l'augmentation rapide des non remboursements de prêts
« subprime » : il leur devenait difficile de continuer leur
activité. Les fonds de placement ont suivi dans de nombreux autres pays,
aux États-Unis, en Allemagne, en Australie, en France où,
BNP-Paribas décidait de
12 Un prêt garanti par une hypothèque
sur un bien immobilier (la garantie), qui oblige l'emprunteur à
effectuer une série de paiements prédéterminés.
13 Une situation dans laquelle le prix des titres se
meut, d'une manière significative, au-dessus de sa vraie valeur.
14 La logique de la titrisation est de transformer une
créance bancaire en un titre pouvant faire l'objet de transactions,
Alternatives économiques N° 274 de novembre 2008
15 Collateralized Debt Obligation, en français
obligations adossées à des actifs
16 Moodys's, Standard and Poor's ou Fich.
17 Société d'Investissement à
Capital Variable. Elle fait partie de la famille (OPCVM) Organismes de
Placement Collectif en Valeurs Mobilières. Elle a pour objectif
principal de gérer un portefeuille collectif de titres pour le compte de
ses souscripteurs
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
suspendre le calcul de la valeur liquidative de trois de ses
fonds qui venaient de perdre plus de 20 % en un peu moins d'une semaine.
Certaines banques utilisent aussi un mécanisme
appelé l'effet levier dans lequel la banque tente de dégager des
rentabilités très élevées à partir d'un
capital de base limité.
À titre illustratif prenons le cas d'une
banque dispose d'un capital de base de 2 millions. Elle emprunte 8 millions au
taux de 5%. Avec les 10 millions réunis elle se lance dans une
opération hautement risquée, mais qui lui rapporte 10%, soit 1
million. Une fois payés les intérêts de 0,4 millions, il
lui reste 0,6 millions à rapporter à son capital de base, ce qui
fait une rentabilité de 30% sur capitaux propres.
Quand le risque se concrétise, non seulement la
rentabilité n'est pas au rendez-vous mais elle ne peut plus être
à même de rembourser ses emprunts. C'est la faillite.
En analysant on se rend compte que les risques pris par les
banques mais aussi par les organismes de notations et les courtiers sont hors
mesure et tombent sous le coup de la censure. Mais ceux-ci dans le fond
n'avaient aucune raison de ne pas faire. On se pose dès lors la question
de savoir pourquoi ?
En effet, le processus de titrisation est un mécanisme de
transfert de risque, car dès lors qu'on a une créance douteuse,
on l'adosse à un actif afin qu'il fasse l'objet de transactions et que
le risque soit partagé par tous acteurs aux mains desquels ils passent.
C'est une faille du système que les banquiers exploitent. Ils se
débarrassent de tout ce qui peut leur nuire.
Ils entrainent ou poussent à la spéculation sur
des titres qu'ils savent de peu de valeur. D'où la
nécessité de l'explication de cette crise par la
spéculation.
Paragraphe III L'explication par la spéculation
La spéculation se définit comme le fait d'acheter
soi-même ou faire acheter par quelques correspondants, soit pour son
propre compte, soit en participation, certaines marchandises, dans le temps
qu'elles sont au-dessous de leur prix ordinaire, pour les revendre ensuite,
soit dans le même endroit où l'achat est fait, soit en les faisant
passer en d'autres endroits18 . Cette définition nous permet
au mieux de comprendre que la spéculation constitue une cause de la
crise financière.
En effet, les crédits hypothécaires aux USA ne
constituent pas la seule cause de cette crise. Car au coeur même de ces
crédits, il y a la spéculation, c'est-à-dire faire des
prêts, en tablant, dans un futur proche ou lointain sur d'énormes
profits. La notion d'intérêts, même si elle est interdite
dans système bancaire islamique, puisqu'il constitue la base des
échanges dans le système conventionnel n'est pas en soi
répréhensible, dès lors qu'il obéit à des
règles précises et qu'il est encadré. Mais lorsque
celui-ci est la base d'injustice et de situation pouvant conduire au
chaos19 alors on comprend mieux l'interdiction20 du riba
(intérêt) par l'islam comme préalable à tout
échange de quelque nature que ce que soit. Ce qui constitue certainement
un des atouts majeurs de la banque islamique.
Si l'on a eu peur que cette crise financière ne devienne
économique c'est bien parce qu'il existe une interdépendance
entre économie et finance, de même qu'il en existe une entre les
banques et la finance, et entre la banque et les bourses etc.
Ces différentes connexions, qui font craindre le
pire21 ont tout de même eu des effets non moins dommageables
dans chacune des sphères prises individuellement. C'est ainsi que les
subprimes, et les risques qui s'y rapportent et la spéculation
exagérée faites sur ces actifs, ont entrainé une crise
bancaire.
18 P. GIRAUDEAU, la Banque rendue facile, p.
Y.
19 Il faut dire qu'avec cette crise financière
mondiale, tous les secteurs de la vie active ont été
touchés on pour certains analystes on a frôlé de peu le
chaos
20 Cf. interdiction du riba partie I
21 La notion de pire est relativisée car pour
certains analystes, le fond a été atteint lors de cette crise.
SECTION 2 : la crise des banques ou l'effet domino
Paragraphe I Manifestation de la crise
Et la crise bancaire apparut !
Cette expression parait journalistique mais elle traduit la
surprise du monde entier de voir combien le système bancaire
américain (puisque c'est de là-bas qu'est partie la crise)
était aussi lézardé. De nombreuses thèses
évoquent la pusillanimité de la FED qui a mal
géré la venue de la crise. Cette grande banque centrale continua
à agir à contretemps après le déclenchement de la
crise. Les critiques considèrent qu'elle aurait dû alimenter
massivement les banques en monnaie-banque centrale au lieu de maintenir la
ligne de conduite orthodoxe qui proposait moins de laxisme plutôt qu'une
inondation de crédits.
« Too big to fail », c'est cet adage anglo-saxon qui a
amené les banques centrales22 à soutenir les
établissements bancaires au bord de l'effondrement en mettant à
leur disposition plus de 400 milliards d'euros23. C'est
particulièrement vrai en Europe où l'engagement des banques
allemandes dans les crédits américains à risque
menaçait d'effondrement le système bancaire allemand d'abord,
européen, ensuite.
Les banques centrales ont joué leur rôle de «
prêteur en dernier ressort » afin d'éviter une crise
systémique, un effet domino généralisé. La BCE a
accordé 300 milliards d'euros de crédit aux banques. La FED a non
seulement mis plus de cent milliards de dollars de liquidités à
la disposition des banques, mais elle a baissé son taux de
réescompte, leur permettant ainsi un refinancement permanent à un
taux inférieur de 0,5 point. Elle a même été
jusqu'à accepter en garantie, en contrepartie des liquidités
prêtées aux banques, une large gamme de produits financiers, y
compris des prêts hypothécaires et des actifs qui y sont
liés. C'est-à-dire qu'elle a encouragé les banques
à se débarrasser d'une partie des crédits
hypothécaires à risque. Dès lors les banques ne se sont
plus gênées ; elles ont continué à prendre les
mêmes risques puisqu'elles savaient que leurs pertes seraient, de toute
façon, limitées par l'intervention des banques centrales.
Paragraphe II La spéculation
bancaire
Un autre point à souligner dans cette crise c'est que la
spéculation ne s'est pas produite à la Bourse mais dans les
banques. Et là, la spéculation fut extrêmement dangereuse
en raison de la faiblesse de leurs capitaux propres (exigences en fonds propres
que Bâle II va dans une certaine mesure exigée24).
C'est la raison pour laquelle presque toutes les grandes crises
financières des 200 dernières années sont des crises
bancaires25. Cette instabilité du modèle bancaire est
facile à
22 Établissement qui, dans un État, est
chargé en général de l'émission des billets de
banque et du contrôle du volume de la monnaie et du
crédit. En France, c'est la Banque de France qui assume ce
rôle sous le contrôle de la Banque Centrale
Européenne.
23 Jean-Jacques Chavigné, extrait de son
article paru sur
http://www.democratie-socialisme.org,
en date du samedi 25 Aout 2007
24 Voir plus loin Pilier 1 de Bâle II
25 Les Échos, hebdomadaire français en
date du 15 Avril 2009. Article d'Harald Hau, professeur associé de
finance à l'Insead
comprendre : une banque fait de gros investissements avec peu
de capitaux propres et énormément d'argent emprunté. Cela
est loin d'être normal et fausse ainsi les règles du jeu de la
finance.
En cela l'on peut voir aussi le manque de déontologie
financière, car si celle-ci se définit comme l'ensemble des
règles de conduites individuelles ou collectives qui visent à
garantir le respect de certains principes dans le comportement quotidien des
entreprises et de leurs collaborateurs26, l'on peut affirmer qu'il a
beaucoup manqué aux sociétés bancaires.
Paragraphe III Crises antérieures
Pour mieux comprendre la crise des banques,
intéresserons-nous aux crises bancaires des vingt dernières
années.
En effet, Les crises bancaires des années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix ont été étudiées par
différents courants de la pensée économique. Chaque
école essaie de tirer des enseignements d'une crise bancaire et peut
influencer les acteurs politiques du moment. Les solutions proposées
sont des choix politiques et constituent en ce sens un enjeu essentiel de la
vie sociale.
L'école des marchés parfaits et des anticipations
traditionnelles base son analyse des crises bancaires en particulier, sur les
problèmes dus aux chocs exogènes aléatoires, donc sur une
difficile prévisibilité des phénomènes. Ils
introduisent le concept de rationalité et en particulier celui des
anticipations rationnelles. Il est difficile pour un individu intervenant sur
un marché de connaître l'ensemble des informations, par contre on
peut essayer de prévoir à l'aide de calculs de
probabilités les chances de connaître une crise
financière.
L'école monétariste qui s'inscrit dans ce courant
de pensées donne une explication des crises bancaires par le risque de
liquidité des banques. Après un choc exogène, les
épargnants voudront retirer leurs dépôts et cela d'autant
plus vite que la confiance diminuera. La crise actuelle peut dans une certaine
mesure s'expliquer par cette approche car lorsque les clients des banques, et
les banques elles même ont pris conscience de la gravité de la
crise, elles ont arrêté de prêter aux clients et de se
prêter entre banques, créant de facto une crise de
liquidité. Les banques ayant des avoirs en change inférieurs aux
dépôts. Le rationnement27 ou le « crédit
crunch » se fait par les quantités plutôt que par les prix.
Les enjeux sont importants dans ce cas-là puisque le rationnement par
les quantités conduit à une restriction drastique des
crédits. La pénurie de capitaux entraîne un fort
ralentissement de l'économie.
L'analyse en termes d'asymétrie d'information
complète ces explications. La mauvaise connaissance de l'ensemble des
informations du système et de ses acteurs crée une incertitude
sur les marchés. Les coûts de transaction étant importants,
un acteur non solvable peut perturber l'ensemble du marché. Une crise
bancaire peut survenir suite à la méconnaissance de l'ensemble de
ces informations.
C'est ainsi que dans de nombreuses crises bancaires, on remarque
souvent la formation de bulles spéculatives. Dans de telles situations,
les analyses de Keynes28 sur l'économie-casino peuvent
26 Le Marché financier, Structures et acteurs,
Alain Choinel et Gérard Rouyer, Collection Banque ITB,
6ème Ed.
27 En comptabilité et finance, le rationnement
est l'ensemble des contraintes portant sur les sommes à effectuer
à l'acquisition d'immobilisations, imposées par la direction lors
de l'établissement du budget des investissements.
28 John Maynard Keynes est à la source
d'une importante évolution de la science économique avec son
oeuvre principale, la Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie (The General Theory of
Employment, Interest and Money) parue en 1936. S'il a posé les
fondements de l'analyse macroéconomique comme branche spécifique
de l'analyse économique, il ne fait pas l'unanimité chez les
économistes. Juste à la veille de la mort de Keynes, Joseph
Schumpeter disait déjà que la Théorie
générale de Keynes était fondamentale bien que
déjà dépassé.
s'appliquer. Selon cette thèse, les agents du
système font des choix identiques afin que lorsque survient une crise,
ils partagent et la responsabilité et les pertes dûes à la
crise. Ce fut exactement le cas dans la crise bancaire car l'ensemble des
banquiers, naïvement ou sciemment se sont détaché de la
connaissance de la valeur réelle des actifs pour ne s'intéresser
qu'à la rentabilité des placements boursiers. Engageant une
spéculation hors-norme29.
La bulle spéculative peut constituer un moyen
d'explication de cette crise bancaire dans la mesure où elle a
entraîné une diminution progressive des fonds propres et une
augmentation des crédits. Il y a eu alors une déconnexion entre
sphère réelle et sphère monétaire. On constate une
augmentation de la vitesse de circulation de la monnaie, ou pour les
Anglo-Saxons, l'apparition d'un phénomène d'overtrading. La
circulation monétaire augmente dans les marchés financiers et
diminue dans la sphère réelle. La capitalisation boursière
augmente et de facto, fait diminuer le pouvoir d'achat du stock de monnaie, le
prix des titres des sociétés cotées s'enflamme par rapport
aux liquidités réellement disponibles. Les liquidités
deviennent de plus en plus rares relativement aux apparences données par
l'activité des marchés financiers. Au départ, le service
de la dette est couvert par les revenus d'exploitation des banques, puis dans
un second temps il ne couvre que le paiement des intérêts, le
remboursement du capital ne se fait que par la vente d'un actif ou d'un nouveau
prêt. On assiste à la montée en puissance de
mécanismes pyramidaux, le processus ne peut se poursuivre que dans la
mesure où de nouveaux entrants accèdent au marché. La
confiance finit par diminuer, la bulle éclate, "les intervenants veulent
retrouver leur capital et la panique s'installe. Dès lors les banques
les plus solides peuvent se maintenir mais les plus fragiles doivent cesser
leurs activités.
On ne peut éluder une question essentielle dans
l'étude des crises bancaires qui est celle de l'évolution
exponentielle des acteurs du système (naissance de très
nombreuses banques), entrainant une difficile compréhension et gestion
de ceux-ci. De plus, le développement de l'informatisation,
l'interconnexion des bourses financières, une monnaie fiduciaire et
scripturale, la multiplicité des régimes de change rendent le
système monétaire international instable et celui bancaire
imprévisible.
Toutefois la création du comité de Bâle en
1974 qui a à son actif les accords de Bâle I et Bâle
II30 redonnent du souffle au secteur bancaire.
Son but était d'éviter les crises bancaires
à travers de mécanismes de prévention de risques et
l'élaboration de normes prudentielles.
Il existe beaucoup d'initiatives à son actif, on peut
citer notamment : en 1992, l'instauration de normes minimales pour le
contrôle de groupes bancaires internationaux et aussi un amendement
à l'accord sur les fonds propres de 1988, en 1992.
Outre cette situation les banques font face à un manque
accru du contrôle des dirigeants des banques par les actionnaires. Bien
que ces dirigeants soient responsables, au plan purement juridique,
vis-à-vis des propriétaires, c'est-à-dire des
actionnaires, ils ne sont pratiquement jamais contrôlés.
De ce qui précède on voit que ce qui est la
base de ce déséquilibre entre sphère réelle et
sphère financière c'est l'imprudence des banquiers. Ils ont
profité des failles d'un système en manque de véritable
organe régulateur pour se débarrasser à tout prix des
actifs jugés toxiques. Parmi ces failles il y a le système de
gestion des risques.
29 Voir la crise par la spéculation, partie 2
(1-1-3)
30 Voir supra La gestion des risques 2-2 les
méthodes de calcul des risques ou les règles prudentielles
conventionnelles (de la convention de Bâle I à Bâle II)
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
Chapitre 4 La gestion des risque dans la banque
conventionnelle
La crise monétaire et financière et la crise
économique qui découlent de la crise bancaire sont de nature
conjoncturelle, elles passeront. Par contre le problème de fond qu'elles
posent est d'ordre structurel. Si l'on désire éviter qu'elles ne
réapparaissent rapidement, il va falloir changer les règles de
fonctionnement du système bancaire. Elles devront permettre un meilleur
contrôle des prises de risque par les banques. Cela ne va pas être
simple non plus, car il s'agit de limiter les excès de la recherche du
profit, laquelle recherche de profit constitue le socle du capitalisme.
Dans ce système capitaliste donc, la modération de
la soif du profit est un problème permanent. Pour que ce système
fonctionne sans crise majeure des règles publiques contraignantes
doivent être mises en place, la seule autorégulation des
marchés a montré ses limites.
Le risque peut se définir comme un danger éventuel
plus ou moins prévisible. La caractéristique propre du risque est
donc l'incertitude temporelle d'un évènement ayant une certaine
probabilité de survenir et de mettre en difficulté la banque. Le
risque inhérent au secteur bancaire se distingue par sa
multiplicité et par son caractère multidimensionnel ne pouvant
être mesuré par un seul indicateur.
SECTION 1 : Les risques dans la banque
conventionnelle
L'étude du risque ou de sa gestion plus
précisément ne date pas d'aujourd'hui et de la crise que l'on
traverse. Elle a débuté dans la deuxième moitié du
vingtième siècle.
L'article séminal de Markowitz(1959) a montré que
la sélection d'un portefeuille était un problème de
maximisation des gains (anticipés) et des minimisations des risques.
Ainsi le problème de l'investisseur est de trouver un équilibre
optimal entre gains et rapport aux risques. Son analyse a montré les
composantes systématiques31 et non
systémiques32 des risques. À sa suite de nombreuses
méthodes et techniques ont vu le jour : le Modèle
d'Évaluation des Actifs Financiers(MEDAF)33, le modèle
de risque à facteur unique34, le modèle de facteurs
multiples35, la méthode de la valeur de marché sous
risques ou la VaR (Value At Risk), le RAROC (Risk Ajusted Return On Capital)...
Autant de mécanismes qui ont tous pour but une meilleure
prévisibilité des risques afin de les éviter ou de mieux
les gérer lorsqu'elles sont incontournables.
C'est tout de même l'industrie des services financiers qui
est pionnière en matière de gestion des risques car elle est
particulièrement sensible à ce qui peut arriver à ses
avoirs en numéraire. Beaucoup de banques se sont concentrées ces
dernières années sur le développement de
méthodologies pointues de gestion des risques et ont prolongé
leur réflexion au-delà du thème classique du risque de
crédit en abordant d'autres thèmes, comme les risques de
marché ou les risques opérationnels. En fait, actuellement, les
experts considèrent que les trois plus grands risques pour les
sociétés financières sont le risque de marché
(paragraphe I), le risque de crédit (paragraphe II) et le risque
opérationnel (paragraphe III).
31 Celles qui reposent totalement sur
l'investisseur
32 Celles qui peuvent être
atténuées par la diversification des avoirs
33 Appelé aussi Capital Asset Princing
Model(CAPM) en anglais (1964)
34 Aussi appelé Single- Factor Models of Risks
en anglais
35 Multiple Factor model
Paragraphe I Le risque de marché (risque
de taux, risque de change, risque de position)
Le risque de marché constitue un corollaire
incontournable aux activités bancaires en général car les
matériaux dans ce domaine (les titres, la monnaie) ont ceci de
particulier que rien n'est fixe. Tout change, tout évolue. Les banques,
du fait de leurs activités subissent ce qu'on appelle les impasses de
maturité36.
Le risque de marché37 intéresse les
activités de négociation sur les marchés de capitaux face
à une variation des prix de marché. Il intègre de ce fait
plusieurs autres risques corollaires notamment le risque de taux
d'intérêt qui est défini comme l'éventualité
pour un établissement de crédit de voir sa rentabilité
affectée par l'évolution des taux d'intérêts. C'est
aussi le taux d'un actif financier dont la variation du prix ou de la
valorisation de cet actif résulte d'une variation des taux
d'intérêt. Le risque de taux de change est lié à
la possession par la banque d'actifs ou de contrats en monnaie
étrangère et résulte des variations des cours des devises(
avec la possibilité d'une évolution défavorable des
marchés financiers ex : hausse des taux
d'intérêts, variation d'une parité de change,
augmentation du prix de la liquidité).
Dans l'économie moderne, ce risque est
généralement mesuré en fonction d'une donnée
statistique dite volatilité du marché, laquelle ne peut
toutefois totalement traduire toutes les incertitudes propres aux
marchés et encore moins à l'économie en
général. Ainsi pour un actif donné (titre), il est
appelé aussi risque systématique, en tant que risque
greffé à la volatilité de l'ensemble du marché. Le
risque de marché est exprimé par une prime de risque pour
le marché en général et/ou par le coefficient
bêta pour l'évolution des cours d'un actif en particulier par
rapport au marché.
Ce risque peut dans une certaine mesure être réduit
voir exclu lorsque par anticipation, l'on diversifie le portefeuille. Ainsi
lorsqu'on dispose de plusieurs titres on se met à l'abri des tendances
oscillatoires du marché car généralement les fluctuations
du marché entrainent la hausse du prix d'un produit par rapport à
un autre et non de tous les produits simultanément.
Paragraphe II Le risque de crédit
Le risque de crédit ou le risque de contrepartie est
le risque par lequel le débiteur ne respecte pas ses engagements. Il
affecte l'ensemble des activités de la banque. Il apparait lorsque le
créancier se trouve dans l'incapacité d'assumer ses obligations
(de remboursement) à la date prévue.
Il est très lourd de conséquence pour la banque et
pour tout autre organisme de crédit car le non remboursement de la dette
constitue une perte sèche.
À ce risque on associe la qualité des actifs et la
probabilité de défaillance du débiteur. Le risque de
crédit peut conduire à une incertitude générale de
la valeur marchande des actions (ou du capital
36 Pour une échéance donnée, les
actifs et les passifs ne sont pas de même montant.
37 Equivalent anglais :market risk, systematic
risk
propre) émanant du non remboursement ou du report du
paiement du principal et des intérêts afférents à la
dette.
Comment apprécier la capacité d'un emprunteur
à rembourser le crédit ?
Le volet du risque de crédit constitue un domaine auquel
les normalisateurs comptables et les superviseurs prudentiels se sont
particulièrement intéressés. Il existe des normes dans ce
domaine38auxquelles désormais les banques se
réfèrent lors de l'évaluation ou de la
détermination de leur profil risque. Pour ce faire elles se posent en
premier la question de la solvabilité du client considéré,
laquelle solvabilité dépend à la fois des
éléments internes (lorsqu'il s'agit d'une entreprise), mais aussi
d'éléments contextuels comme l'emploi, la situation
géographique39, la situation économique globale et les
perspectives d'évolution sectorielle. L'ensemble de ces
éléments constitue la ligne de crédit sur laquelle la
banque se fonde pour attribuer ou non un crédit. Le système de
contrôle vérifie alors en permanence que l'exposition totale se
situe en deçà des limites autorisées (contrôle en
temps réel).
Enfin, la montée de l'endettement des pays en voie de
développement ou de pays de l'Est au cours de la décennie
soixante-dix a conduit les banques à étudier le risque-pays et
à développer des instruments d'analyse de ce risque d'une nature
tout à fait particulière.
Une mauvaise mise en oeuvre processus ci-dessus expliqué
conduit inévitablement à un risque opérationnel.
Paragraphe III Le risque opérationnel
Selon la l'approche bâloise le risque opérationnel
est défini comme étant les pertes dues à une
inadéquation des procédures, des ressources humaines ou des
systèmes d'information.
Assez différent des autres formes de risques, le risque
opérationnel prend en compte les accidents ou erreurs humaines et
techniques. C'est le risque qui est directement lié au processus
internes non appropriés ou défectueux, de personnel, de
technologie ou d'évènements extérieurs. Le personnel, dans
sa dimension humaine est pris dans le système car il peut être
incompétent ou malveillant. La technologie prise dans sa dimension de
chose est aussi prise en compte car d'elle peuvent surgir
des défaillances et certains programmes souvent
inappropriés. Pour ce qui est du processus, il peut y avoir des erreurs
de spécifications de modèles, une exécution
imprécise des transactions et/ou une violation des règles de
contrôles des opérations.
On se rend compte qu'il existe une multitude de faits et d'actes
(au sens du droit) que l'on ne peut ignorer dans l'activité bancaire.
Les banques ont de l'argent pourquoi, elles ne le prêtent
pas ? Voilà le genre de phrase qu'on entend en général.
Voilà aussi que cette étude, à travers les risques
encourus dans ses activités par la banque nous permet de voir que les
choses ne sont pas aussi simples. La banque dispose de fonds, des fonds qui ne
lui appartiennent pas et qu'elle doit être en mesure de restituer des
lors qu'on le lui demande. Elle va même jusque dans certaines mesures
être condamnée au comblement de passif40 lorsqu'elle
accorde des crédit à des entreprises en sachant que ceux-ci ne
peuvent pas rembourser 41. Il est donc extrêmement important voire
même vital qu'une banque envisage autant que possible les risques.
38 IAS : International Accounting Standards
IFRS : International Financial Reporting Standards
39 Pour aider à apprécier la
qualité du contexte géographique d'une entreprise, les
principales agences de notation financière (comme Standard &
Poor's), les assurances et les grandes banques d'investissement publient des
"ratings" où chaque pays se voit attribuer une note (chiffre ou lettre)
synthétisant les données jugées pertinentes.
40 Remboursement de toutes les dettes d'une
entreprise
41 On parle dans ce cas de crédit abusif
SECTION 2 : les méthodes de calcul des risques ou
les règles prudentielles conventionnelles (de la convention de
Bâle I à Bâle II)
Dans un souci d'efficacité des systèmes de
prévention et de gestion des risques, en 1988 les banquiers à
travers l'accord de Bâle I, ont mis sur pied un ensemble de dispositions
(paragraphe I). Toutefois celles-ci se sont avérées insuffisantes
et ont connu des réaménagements (paragraphe II). Ainsi, les
règles prudentielles sont définies comme « des règles
ayant la double finalité de permettre un contrôle opérateur
par opérateur et de mesurer le niveau de sécurité globale
du marché.42 »
Paragraphe I Bâle I
Dès 1988, un ratio international de solvabilité
nommé ratio Cooke43, est appliqué par les banques. Il
définit les exigences en fonds propres que celles-ci doivent respecter
en fonction des risques pris. Il constate le rapport entre le montant des fonds
propres et celui des encours de crédit. Les établissements de
crédit et les compagnies financières doivent déclarer les
encours de crédit assujettis à ce ratio sur une base
consolidée au 30 juin et au 31 décembre de chaque
année.
Pour le calcul du ratio Cooke, on retient :
- les fonds propres (FP) répartis selon trois grandes
masses :
* le noyau dur ou TIER 1
* les fonds propres complémentaires ou TIER 2
* les fonds propres surcomplémentaires ou TIER 3
- les encours de crédit, les engagements bilantiels et
hors bilan pondérés selon leur nature. Le rapport Fonds propres /
encours pondérés doit être égal ou supérieur
à 8 % avec un minimum de 4 % sur le TIER 1.
Ce ratio a permis de définir un minimum
réglementaire commun de fonds propres en utilisant un système
simplifié d'évaluation du risque mais ce système
présentait quelques faiblesses :
· Ce ratio ne prenait pas en compte de manière
pertinente la probabilité de défaut de la contrepartie,
l'évolution dans le temps et ne semble plus être adaptée
aux nouveaux instruments financiers.
· Le capital réglementaire ne reflétait
plus le capital économique, qui était calculé par les
banques pour mesurer les risques réels. Le calcul du capital
économique était donc fondé sur les probabilités de
défaillance.
Ces limites d'un accord censé édicter des
règles qui permettent de prévoir les risques posent alors la
question de son réaménagement, de sa révision.
42 Le Marché financier, Structures et acteurs,
Alain Choinel et Gérard Rouyer, Collection Banque ITB,
6ème Ed.
43 Le ratio Cooke est un ratio de
solvabilité bancaire qui est recommandé par le
Comité de Bâle dans le cadre de ses premières
recommandations. Il tient ce nom de Peter Cooke, un directeur de la
Banque d'Angleterre qui avait été un des premiers à
proposer la création du Comité de Bâle et fut son
premier président.
Paragraphe II LA REFONTE DE BÂLE I
La logique de cette refonte est toute simple et se fonde sur
le principe de la perfectibilité continue de l'action humaine. Le ratio
Cooke est une méthode purement quantitative et forfaitaire et Bâle
II suggère le passage à une méthode qui intègre le
qualitatif au quantitatif et qui crée un système plus sensible
à la qualité des risques44. C'est une
réconciliation entre la notion de capitale économique et celle du
capital règlementaire. Le ratio McDonough (du nom du
président du comité de Bâle à ce moment-là,
William J. McDonough et de la Fédéral Reserve Bank of New York)
remplacera le ratio Cooke dès 2005.
Le nouveau dispositif prend en compte trois piliers :
Les établissements devront disposer d'un montant de
fonds propres(Pilier I) au moins égal à la somme
des montants calculés selon l'une des méthodes proposées
pour chacune des catégories de risques
1' Risques de crédit
1' Risques de marché
1' Risques opérationnels (la prise en compte des
risques opérationnels constitue l'aspect novateur de Bâle II en ce
qu'il ne se limite plus aux seuls risques « classiques », mais prend
désormais en compte les risques d'erreurs ou de fraude) ;
Les autorités disposeront de pouvoirs renforcés
à travers un processus de surveillance prudentielle
(Pilier II) et pourront en particulier imposer, au cas par cas, des exigences
de fonds propres supérieures à celles résultant de la
méthode utilisée
Les établissements étant soumis à
« la discipline de marché » (Pilier III),
seront tenus de
publier des informations très complètes sur la
nature, le volume, et les méthodes de gestion
de leurs risques ainsi
que sur l'adéquation de leur fonds propres.
A. Pilier I : Exigences en fonds
propres-renforcées-
Le nouvel accord prend en compte une règle
déjà préexistante, mais procède à un
réaménagement. La logique dans le fond demeure la même
quant à la question du calcul du ratio Cooke selon lequel l'exigence des
fonds propres est fixée à 8%.Toutefois l'on note une
évolution dans l'appréciation et le calcul des fonds en question
car désormais, il y aura une prise en compte des techniques de
réduction de risques. Leur connaissance est souhaitée.
Aussi, en plus de distinguer les formes de risques(le risque de
crédit, le risque de marché et le risque opérationnel),
l'accord propose deux méthodes fondamentales d'évaluation de
ceux-ci :
Pour le risque de crédit45 il
existe deux approches
i. L'approche standard
Selon cette méthode il faut recourir à des analyses
effectuées par des tiers, notamment les agences de rating, qui une fois
validées par la réglementation prudentielle, serviront de base
à la mise en oeuvre des exigences de fonds propres dans le cas d'un
concours bancaire accordé à l'emprunteur faisant l'objet de
l'évaluation. Elle se fonde sur plusieurs raisons pour adopter un tel
choix, notamment que ces agences de rating, externes, disposent d'un large
accès aux bases de données historiques sur les emprunteurs et
aussi qu'elles présentent l'avantage de fournir des
éléments quantifiés sur le risque des emprunteurs en se
fondant sur les bases de données, mais aussi sur ses analyses
comparatives.
44 Annexe tableaux n° 5 et n° 6
45 Pour la définition du risque de
crédit voir infra, paragraphe II section 1 chapitre 2
Ainsi il existe des engagements repartis en fonction des
catégories d'actifs, classées dans des catégories ou
classes de risques ; on parle de pondération de risque :
1. Pour les états le taux de
pondération se fonde sur les valeurs suivantes : 0%, 20%, 50%, 100%,
150% et s'appuie sur les notations des agences spécialisées
(agences de rating, notation ...).
2. Pour les banques le comité de
Bâle choisira parmi 2 options :
- un risque unique et collectif lié au risque du pays,
- un risque individuel dissocié du risque du pays.
3. Pour les collectivités
publiques le risque est identique à celui des banques avec
toutefois une pondération privilégiée accordée par
les autorités du pays et pouvant être prise en compte.
4. Pour les entreprises le taux de
pondération prend les valeurs suivantes :
20%, 50%, 100%, 150%.
Une approche de portefeuille est appliquée à la
mesure du risque, les actifs étant classés en quatre
catégories (0%, 20%, 50% et 100%), selon la nature du débiteur.
Cela signifie que certains actifs (essentiellement créances sur
l'État telles que bons et obligations du Trésor) ne justifient
aucune exigence de fonds propres, tandis que celles sur les banques sont
pondérées à 20%, ce qui se traduit par une exigence de
fonds propres correspondant à 1,6% de la valeur de la créance.
Pour les créances sur le secteur privé non bancaire, l'exigence
de fonds propres correspond, à de rares exceptions près, au ratio
standard de 8%.
ii. L'approche fondée sur la notation interne
Cette approche est toute particulière et son application
comporte un aspect éclectique dans la mesure où les banques sont
désormais amenées à développer des
mécanismes internes de mesure, de gestion voire d'anticipation des
risques. On aboutit ici à une responsabilisation des banques, et cela
n'est pas si simple car la sphère bancaire est très complexe et
les organisations diffèrent d'une banque à une autre.
Pour le risque de marché on peut citer
entre autres, parmi les instruments de réductions de risques les
sûretés financières, les garanties, la compensation. Ce
point comporte aussi un aspect relatif car les banques ont le loisir de choisir
les approches adaptées à leur besoins.
Pour le risque opérationnel c'est
là qu'on perçoit véritablement l'aspect novateur car sous
Bâle I le risque opérationnel n'était pas envisagé
distinctement mais de manière implicite. Désormais, il constitue
un risque à part entière qui prend en compte le risque lié
au facteur humain. À cet égard le risque opérationnel,
devrait représenter 20% du ratio de 8%.
Le comité propose trois solutions pour ce risque
i. L'approche « Indicateur de Base
»(BIA46)
L'approche BIA consiste à calculer les fonds propres au
prorata du produit bancaire global en utilisant un coefficient de
pondération forfaitaire (de 15% fixé par le comité) au
produit net bancaire.
EFP (exigence fonds propres) = produit net bancaire total
x 15%.
46 Based Indicator Approach
ii. L'approche « standard »(TSA) L'accord
envisage 8 lignes de métiers47 et y affecte des
pondérations :
Lignes de métiers
|
Pondération
|
|
|
Finances d'entreprises
|
18%
|
Activités de marché (compte propre)
|
18%
|
Banque de détail
|
12%
|
Banque commerciale
|
15%
|
Activités de paiement et de règlement
|
18%
|
Services d'agence et de conservation
|
15%
|
Gestions d'actifs
|
12%
|
Activités de marché (compte de tiers)
|
12%
|
EFP (exigence fonds propres)= produits nets bancaires
métiers X facteurs de pondération.
iii. L'approche « Mesures Avancées
»(AMA48)
Cette approche repose sur des formes d'analyses scénario
avec une évaluation des risques d'intensité. Elle se base aussi
sur des évaluations de l'environnement et du système de
contrôle interne. Le recours à cette approche nécessite une
approbation de la part du superviseur. Dans le cadre de cette approche
permettant moins d'exigences en fonds propres, on respecte les critères
suivants49 :
> Un critère général : l'approbation
préalable de l'autorité de supervision
> Des critères qualitatifs :
Fonction « gestion Risque Opération »
indépendante
Implication des dirigeants
Intégration de la gestion des risques au quotidien
Reporting régulier des expositions et des pertes
Programme régulier d'analyse de scénario
Documentation sur les procédures, contrôles
Audits internes et/ou externes
> Des critères quantitatifs
Prises en compte des pertes sévères mais rares et
calibrage à partir des pertes attendues et inattendues
Processus de gestion et bases de données avec la
définition du Risque Opérationnel Système d'information
approprié
47 En anglais, il s'agit de: corporate finance,
trading and sales, retail banking, commercial banking, payment and settlement,
agency services, asset management and retail brokerage.
48 Advanced Measerement Approach, c'est une approche
très complexe et réservée aux établissements
bancaires les plus avancés et les plus exposés aux risques.
49 La reforme Bâle2, décembre 2004,
document du CLUB DE LA SÉCURITÉ D'INFORMATION FRANÇAIS :
www.clusif.asso.fr
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
|
Procédures en cas de changement de taille
Procédure pour l'usage des données d'origine
externe
Revue périodique des méthodologies et
paramètres
Historique de données sur 5ans
Reconnaissance possible des corrélations, assurances et
ajustements qualitatifs (tenant compte de la qualité des contrôles
et/ou de l'environnement économique)
|
En plus de renforcer les exigences en fonds propres, le nouvel
accord prévoit la mise au point d'un processus de surveillance.
B. Pilier II Processus de surveillance
prudentielle
Ce point traite des organes et autorités de surveillance
bancaire et les moyens et mode dont ils disposent pour exercer leur
contrôle. Ils existent de ce fait des superviseurs désormais
chargés de vérifier et les systèmes de contrôles et
de s'assurer que le capital d'une banque soit effectivement proportionnel
à son profil du risque comme envisagé par Bâle I et
Bâle II. Ces superviseurs disposent de nombreuses prérogatives et
exercent des tâches diverses notamment l'analyse du profil risque des
établissements, l'appréciation des fonds propres des banques, le
contrôle des procédures internes d'affectation des fonds
propres...
Ils peuvent dans certains cas intervenir directement ou imposer
des exigences individuelles en se fondant sur les pondérations et le
profil des établissements en question.
C. Pilier III : Discipline du
marché
Par ce que l'information est très importante dans le
secteur bancaire, Bâle II invite des banques à publier
périodiquement les informations quantitatives et qualitatives
détaillées sur leurs risques et l'adéquation de leurs
fonds propres. C'est le principe du Reporting qui se fonde sur la notion de
transparence en vue d'aboutir à un système sain et sûr.
On se pose alors la question de savoir si les banques sont
censées publier toutes informations mentionnées dans le cadre de
ce pilier ?
En effet même si l'accord pose le principe de la
communication financière, cela relève du domaine de simples
recommandations et non d'exigences. Ainsi les fonds propres devront couvrir
tous les risques (de crédit, de marché et les risques
opérationnels).
Ration McDonough = Fonds propres / Risques crédit
+ marché + opérationnels
PARTIE II :
BANQUES ISLAMIQUES : RÉFÉRENT
RELIGIEUX ET LOGIQUE
COMMERCIALE
Fondement religieux de la banque islamique
SECTION 1: Fondement de la notion de banque en
général
Avant de parler de la banque islamique il faut préciser
que la banque en général peut être comprise sous trois
abords, les point étymologique et historique, et l'approche
légale.
Étymologiquement, le mot banque vient de "banca" qui
désignait le banc ("banco" en italien actuel) puis la table ou le
comptoir des négociants et changeurs italiens qui vinrent exercer leur
activité en France. Lorsqu'un négociant était en faillite,
sa "banca" était rompue ("banca rotta" a donné banqueroute). De
ce point de vue le banquier est celui qui reçoit, qui gère, qui
distribue.
Dans l'antiquité, 3000 ans avant J.-C., on trouve des
traces d'activités bancaires en Mésopotamie. Par exemple, dans la
ville d'Ur c'est le Temple qui joue le rôle de banque et les
prêtres et prêtresses celui de banquier en acceptant les
dépôts d'argent et en prêtant de l'argent au souverain puis
aux marchands.C'est ensuite à Rome que les activités bancaires se
sont vraiment développées et que les bases juridiques des
opérations financières ont été posées.
Au Moyen-Âge, Au Moyen-Âge, chaque grand seigneur
ou chaque grande ville avait le droit de frapper sa propre monnaie. Des
monnaies différentes étaient donc en circulation dans un
même pays. Le rôle du changeur était de changer (moyennant
paiement) la monnaie de celui qui arrivait de l'extérieur de la
ville contre de la monnaie utilisée dans la ville.
Les fondements de la banque moderne se mettent en place à
partir de la période de la Renaissance. Les premières banques
publiques et les premières bourses apparaissent, tandis que les banques
privées connaissent une expansion en Europe.
À partir du 17ème siècle la naissance du
papier-monnaie révolutionne le monde de la banque et de la finance. Les
banques centrales comme la Banque d'Angleterre font leur apparition pour
financer les États et pour contrôler l'émission d'argent.
Peu à peu leur rôle a été précisé et
elles sont devenues en quelque sorte la banque des banques dans chaque pays.
La Banque de France a été créée le 18
janvier 1800 par le Premier Consul Napoléon Bonaparte. Le 19ème
siècle est l'âge d'or des banques. Le 19ème siècle
est une période de croissance et de stabilité des banques. C'est
à cette période que vont se développer la monnaie
fiduciaire et la monnaie scripturale.
Après la guerre 1914-18, l'histoire de la banque est
conditionnée par le développement de l'économie et
l'organisation des systèmes bancaires. Les États jouent un
rôle de plus important dans le système bancaire.
Depuis cette époque la banque est un établissement
de crédit pouvant effectuer toutes opérations de banque :
recevoir des dépôts, accorder des crédits à tout
type de clientèle et pour toute durée, mettre en place et
gérer des moyens de paiement, effectuer des opérations connexes
à son activité principale.
Pour ce qui de la définition de la banque c'est la loi
qui nous en donne une définition non point exhaustive, mais assez
complète : « Les établissements de crédit sont des
personnes morales effectuent à titre de profession habituelle, des
opérations de banques (réception de fonds public,
opérations de crédit, ainsi que la gestion de
moyens de paiement). » article 1er de la loi bancaire du
24/01/1984 modifiée50.
Ainsi, la banque est définit comme une entreprise qui se
consacre au commerce de l'argent et des titres. Il facilite les paiements entre
les acteurs de la vie quotidienne. Il existe en effet plusieurs
catégories de banques. Ainsi, une banque qui exerce les activités
des banques d'affaires et de banques commerciales est dite banque universelle.
Elle est dite commerciale lorsqu'elle exerce les activités de banque de
dépôt et d'affaires et enfin, de non commerciale lorsqu'elle est
un institut d'émission ou une banque non-inscrite sur une liste
officielle.
Chaque banque procède d'un système bancaire propre.
La dénomination de la banque ou sa catégorisation dépend
étroitement de la nature de ses opérations. Ainsi, la banque
islamique se définit a priori comme la banque dont la nature des
opérations est islamique et/ou a un rapport direct avec l'islam.
On se pose alors la question de savoir quelles sont les
fondements réels de la banque islamique ?
SECTION 2 : Bases théologiques de la banque
islamique
Parler de banque islamique c'est se situer dans la
sphère de l'Islam mais aussi de la finance, car ce terme « banque
islamique » est la juxtaposition de deux mots qui recouvrent des
définitions propres mais aussi qui viennent de domaines très
différents.
L'Islam ne fait pas de distinction entre la religion et la vie,
car rien n'est exclu de la religion ou ne se situe en dehors ou à
côté d'elle. La religion englobe non seulement tous les aspects de
la vie spirituelle et cultuelle de l'homme mais aussi la vie sociale du
croyant, instituant des principes aussi bien pour le rapport de l'homme
à Dieu qu'en ce qui concerne ses rapports sociaux et notamment les
transactions commerciales. Dans ce domaine, le principe fondamental est celui
de l'équité et de la transparence.
Dieu, par l'intermédiaire de son prophète, a
prescrit certaines pratiques qui tirent leur sources dans Coran (paragraphe I)
et dans la Sunna (paragraphe II) qui constituent la loi fondamentale : Shari'a
(paragraphe III); mais il a aussi proscrit des actes tels que le riba et la
thésaurisation (paragraphe IV)
Paragraphe I Le Coran
Le coran est le livre sacré51 en islam. Il est
considéré comme dicté et non inspiré52.
Il régit toute la vie de l'homme dans ses actes quotidiens notamment
dans ses échanges avec les autres. Il constitue le fondement de la
société musulmane (culte, droit, rapports sociaux, familiaux et
internationaux). Le coran est la source première des principes et des
règles de fonctionnement (voir infra) de la banque islamique que nous
détaillerons plus loin dans notre étude.
En plus du coran, la sunna constitue une autre source des banques
islamiques.
Paragraphe II La sunna
La sunna, littéralement en arabe « coutume ou
usage». C'est l'ensemble des us et coutumes des nations.53C'est
aussi la tradition de l'Islam rapportant les faits et les gestes de
Muhammad(PSL) considérés comme complétant le coran. La
sunna constitue, après le Coran, la deuxième source écrite
de la foi et de la loi musulmanes. Elle fut établie, entre autres, par
AlBoukhari (810-870), qui passa six cent mille traditions au crible de sa
critique pour n'en conserver
50 Eric TACCONE, Techniques Bancaires, le
marché des particuliers, Casteilla, édition 2006, septembre
2006
51 Le Petit Larousse Illustré 2009, Larousse,
Juillet 2008
52 Dictionnaire historique de l'islam, Dominique et
Janine sourdel, PUF, octobre 1996
53 Dictionnaire encyclopédique de l'Islam,
Cyril GLASSE, Ed. BORDAS, septembre 1991 p.381
qu'un peu plus de sept mille. Cette coutume du prophète
est constituée par ses dires, ses actes mais aussi ses
silences54.Ainsi, à l'instar du droit général
qui tire certaines de ses sources dans la coutume et dans les
traditions55, le système bancaire islamique tire ses sources
dans les actes du prophète notamment en ce que celui-ci était
commerçant et conduisait des caravanes jusqu'en Syrie56.
La sunna fournit donc un complément décisif au
coran au point qu'il existe des cas isolés où, de fait, la sunna
semble prévaloir sur le coran. En effet, il existe des cas qui ne sont
pas envisagés par le Coran ; c'est alors que la sunna prévaut.
Son autorité s'appuie sur la parole du Prophète en tant que
fondateur de l'islam, et les actions de Muhammad(PSL) étant
considérées comme inspirées, elles servent d'exemple et de
modèle. L'importance de la sunna repose sur la fonction du
prophète comme fondateur de la religion, d'où la nature normative
de ses actions ainsi que l'injonction du coran de se modeler sur
lui.57
Cette sunna diffère fortement de la Shari'a qui, elle est
la loi de l'Islam.
Paragraphe III La Shari'a
« Ordonner- prescrire » voilà ce que veut
dire sunna en arabe. La Shari'a ou loi de l'Islam c'est l'ensemble des
prescriptions et des règlementations auxquelles le musulman doit se
soumettre et qui portent à la fois sur ses actes cultuels mais aussi sur
ses rapports sociaux.
L'aspiration à opérer un retour à une
société plus modelée sur la religion, à
redécouvrir des modèles politiques, économiques et
juridiques plus conformes aux valeurs islamiques conduit, de nos jours de
nombreux politiques à faire des gestes en direction d'un retour vers la
loi islamique. Cela se traduit entre autres par la naissance et
l'évolution d'une finance islamique calquée sur les
préceptes de l'Islam.
Toutefois, l'application de la loi islamique dans son
intégralité, est de nos jours problématique, et cela pour
de nombreuses raisons, car cela ne peut se faire sans compromettre
l'acceptation d'idées modernes perçues comme évidentes et
sans passer par le biais d'une remise en cause totale de certains usages et
pratiques. Chose qui est très difficile quand on sait que les
sociétés contemporaines sont dites et considérées
comme très évoluées voire parfaites.
N'est-ce pas la même idée traduite par un
aphorisme du prophète de l'Islam selon lequel « au début, si
quelqu'un oublie un dixième de la loi, il sera puni, mais à la
fin des Temps, celui qui accomplit un dixième des commandements sera
sauvé »58.
Toutefois ces idées ne constituent pas moins un motif
de futur échec de la finance islamique naissante qui n'en est pas moins
valable et moins efficace, comme en témoigne son évolution
exponentielle.
On retiendra que dans la Shari'a on retrouve le coran et la
sunna. L'activité bancaire islamique de ce fait, a une source
varié mais édicte des règles précises de
fonctionnement. En témoigne l'interdiction de la riba et de la
thésaurisation
Paragraphe IV Riba et thésaurisation
54 Dictionnaire historique de l'Islam, Op.cit. P774
55 Argument sujet à polémique mais
parfois admis comme en droit constitutionnel, où les constitutions
coutumières
sont formées par la pratique et essentiellement
composées de règles non-écrites (coutumes, usages,
conventions), comme c'est le cas en Angleterre
56 Dictionnaire historique de l'Islam Op.cit. P595
57 « Vous avez un excellent exemple dans votre
prophète » (XXXIII, 21)
58 Dictionnaire encyclopédique de l'Islam ,
Op.cit. de C. GLASSE
L'Islam combat très vigoureusement le Riba. Du point de
vue étymologique, le mot ribâ (nom arabe masculin) vient du verbe
rabâ & arbâ qui signifie augmenter et faire accroître une
chose à partir d'elle-même. A partir même de cette
définition de la racine arabe on perçoit immédiatement
l'idée d'interdiction d'une augmentation et d'une croissance
illégale de tout ou partie du patrimoine. L'Islam a annoncé
à celui qui pratique le riba, la guerre de la part d'Allah et de son
messager et lui promet de se tenir le jour du jugement dernier comme celui que
le toucher de Satan a bouleversé59. Au début de
l'Islam déjà, le problème de l'intérêt
était soulevé car il était lié à certaines
activités d'échanges simples.
Illustration: dans le passé, la coutume
de troquer des dattes pas encore mures encore sur l'arbre contre des dattes
faisait était courante. Elle se fondait sur la spéculation du
prix futur des dattes non mures. À cette pratique, les juristes
répondirent que c'était de l'usure.
Cependant Malik ibn Anas60 fit une exception arguant
que cela représentait à une nécessité sociale et
une pratique établie.
A l'opposé de la pensée musulmane dans laquelle il
n'existe aucune distinction entre ces deux termes, il existe traditionnellement
une distinction entre "usure" et "prêt à intérêt".
L'usure étant un prêt à un intérêt très
fort. Même si de tout temps il y eût des penseurs, philosophes et
économistes pour défendre l'utilité de la pratique de
l'intérêt, il convient de rappeler que cette pratique fût
également critiquée tout au long de l'histoire.
En voici quelques exemples.
Qualifiée de détestable par Aristote (384, m.322
av. Jésus-Christ) la pratique du prêt à
intérêt consiste à créer de la monnaie à
partir d'elle-même61. Ce procédé selon lui est
haïssable dans la mesure la monnaie fut créée pour
l'échange et non pour se servir elle-même. Aristote accepte le
commerce lorsqu'il sert à échanger les biens, mais il
considère que cette activité est condamnable dès lors
qu'elle vise exclusivement l'enrichissement. L'on se demande bien comment
serait compris Aristote dans le monde d'aujourd'hui, quand on sait que tout ,
absolument tout est fait en vue d'enrichissement et d'intérêts
?
Les traditions monothéistes aussi ont un point de vue
convergent sur la notion d'intérêt, notamment la tradition juive
qui condamne également et clairement la pratique. le Tabrit (un mot
hébreux désignant la pratique de l'usure) était interdit
entre juifs mais pas entre juifs et non juifs ». L'ancien testament
permet, en effet, aux créanciers juifs de pratiquer un taux usuraire
lorsqu'il s'agit d'un prêt accordé aux étrangers de la
communauté juive62.
L'église catholique quant à elle fut dans un
premier temps opposé à la pratique de l'intérêt en
fondant sa position sur des sources bibliques. Cependant Sous l'impulsion de
Calvin (au XVIe siècle) l'autorisation fût
donnée aux protestants, et par la suite la pratique se répandit
à l'ensemble de la communauté chrétienne, cependant qu'il
fallait respecter une limite morale et ne pas pratiquer un taux
d'intérêt trop fort(?).
59 « Ceux qui mangent [pratiquent] de l'intérêt
usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui
que le toucher de Satan a bouleversé.
Cela, parce qu'ils disent: "Le commerce est tout à fait
comme l'intérêt" Alors qu'Allah a rendu licite le commerce, et
illicite l'intérêt ». Coran, Sourate Al-BAQARAH (LA VACHE),
verset 275.
60 716-796 fondateurs de l'école juridique
malikite. Son approche du droit canon repose essentiellement sur les usages
coutumiers de Médine en utilisant le consensus et l'opinion.
61 Alternatives économiques No 276 de janvier
2009, p.75
62 « Tu n'exigeras de ton frère aucun
intérêt, ni pour l'argent, ni pour vivre, ni pour aucune chose qui
se prête à intérêt, pour l'étranger tu
pratiqueras l'usure ; mais envers ton frère, pas d'usure, pour que Dieu
ton Élohim, te bénisse de tout envoi de tes mains sur la terre,
là où tu viens, pour en hériter). (Deutéronome,
XXIII : 19-21).
Si ton frère devient pauvre et que sa main s'affaiblit
prés de toi, tu le soutiendras, afin qu'il vive prés de toi, ne
tire de lui aucun intérêt, ni profit, crains ton dieu et que ton
frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à
intérêt et tu ne lui donneras pas tes vivres pour en tirer profit.
Lévitique, XXV 35-37, cité dans le dictionnaire de
théologie, Paris 1947, colonne 2325.
En islam, le point de vue est tout autre et la position est
constante : la richesse loin de constituer un élément de
puissance économique, doit permettre de servir les autres et leur
permettre également de gagner63.
De nombreux intellectuels ont de leur côté
fustigé l'usure, en argumentant que celui-ci dissuade l'investissement
en ce qu'il n'est pas directement et certainement rentable, même si cet
investissement a une importance sociale (développement des
infrastructures, éducation, etc.). L'économiste et philosophe
Adam Smith (1723,-1790 après. Jésus-Christ.) estima pour sa part
que par l'usure "le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme
l'assureur de celui qui prête".
On voit clairement que l'usure et le prêt à
intérêt recouvrent une même notion, celle d'une monnaie qui
se sert elle-même. C'est pourquoi l'Islam ne fait aucune distinction
sémantique entre ces deux notions et condamne très vigoureusement
la pratique.
À travers toutes ces interdictions l'Islam met l'accent
sur le travail de l'homme comme source de réalisation et de richesse. Il
doit travailler et engager pleinement son intelligence et son énergie
« l'homme ne possédera que ce qu'il acquiert par ses
efforts »64.
Si le système bancaire islamique a des sources
différentes des banques conventionnelles65, elle ne se
comporte pas moins comme une institution financière. Il a un mode de
fonctionnement qui diffère de système bancaire conventionnel,
d'où l'étude caractérielle et systémique de la
banque islamique.
Banque islamique et logique commerciale
Si les termes de banques et finances islamique sont nouveau
pour certains, il le sont moins pour une bonne partie de l'opinion à
cause de la crise de Dubaï qui fit les grands titres de nombreux
quotidiens et hebdomadaires dès la deuxième quinzaine du mois
novembre 2009.Encore qu'il faille lever un amalgame , Dubaï n'est pas
représentatif de toute la finance islamique encore moins de
son système bancaire. Cela dit les problèmes
suivants se posent : qu'est ce qui caractérise la banque islamique
(section 1), quels sont ses principes (section 2) et quels sont les produits
qu'elle propose (section 3) ?
SECTION 1 : Les caractéristiques de la banque
islamique
Se poser la question de la caractéristique d'un
élément c'est insidieusement se poser la question de sa
particularité, de son caractère distinctif (paragraphe I) par
rapport à un ensemble : quelle est sa forme (paragraphe II) et quelle
sont les lois auxquelles elle obéit (paragraphe III) ? Toutefois pour
répondre à ces différentes interrogations nous choisirons
d'étudier d'abord la banque conventionnelle au regard de la loi bancaire
française du 24/01/1984 modifiée pour ensuite traiter de la
banque islamique.
63 Coran, Sourate AT-TAWBAH (LE DÉSAVEU OU LE
REPENTIR) Verset 34
64Coran, Sourate 53 : AN-NAJM (L'ÉTOILE) verset
39
65 Banque conventionnel ou système bancaire
conventionnel c'est toute banque ou système, par opposition à
l'et fondé sur le principe de l'intérêt
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
Paragraphe I Identification d'un
établissement bancaire
L'article 1er de la loi bancaire du 24/01/1984
modifiée définit in extenso les établissements bancaires
(du point de vue de la loi française). Selon cette loi : « les
établissements de crédit sont des personnes morales qui
effectuent à titre de profession habituelle, des opérations de
banques (réception de fonds public, opérations de crédit,
ainsi que la gestion de moyens de paiement). » Elle énumère
ensuite, à son article 5 l'ensemble des opérations liées
à leur activité :
« les établissements peuvent également
effectuer des opérations connexes à leur activité telle
que :
· Les opérations de change,
· les transactions sur or, métaux précieux et
pièces,
· le placement, la souscription, l'achat, la gestion, la
garde et la vente de valeurs mobilières de tout produit
financière,
· le conseil et l'assistance en matière de gestion
de patrimoine,
· le conseil et l'assistance en matière de gestion
financière,
· les opérations de location simple et de biens
mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités
à effectuer des opérations de crédit-bail. »
On dira, en nous fondant sur la définition de la loi
Française qu'un établissement bancaire islamique est un
établissement qui effectue tout ou partie des activités
prévues par la loi susmentionnée à la seule et
fondamentale différence qu'il agit selon les règles et les
principes de la loi islamique. Il a donc une teinture religieuse.
Paragraphe II Forme juridique d'un
établissement bancaire islamique
Les établissements de crédit au regard de la
loi66 revêtent plusieurs formes : elles peuvent être
affiliées à l'association française des banques AFB, en
ayant une structure juridique de société de capitaux
(Société Générale, Crédit Lyonnais,
BNP,...). Elles peuvent opter pour le choix de banques coopératives ou
mutualistes (Crédit Mutuel, Banques Populaires, Crédit Agricole,
Caisse d'Épargne).
Dans un tout autre registre, elles peuvent exister sous le sceau
des IFS: « ce sont des établissements de crédit auxquels
l'État a confié une mission permanente d'intérêt
public67. » Ces sociétés financières ont
une activité très spécialisée qui consiste par
exemple à octroyer des crédits de bail mobilier (DIAC...).
Il existe l'ensemble des autres établissements non
définit par la loi mais qui effectuent des actes de crédits et
jouent le rôle d'intermédiaire tel que défini par l'article
premier de la loi bancaire, notamment les caisses de dépôts, les
caisses de consignation, le crédit municipal.
Il existe plusieurs formes de banques (commerciales,
universelles, d'investissements68...), dont les plus usitées
nous semblent être les banques commerciales et les banques
universelles.
La banque commerciale, elle est plus restrictive et existe
généralement dans les pays anglosaxons. Une telle banque repose
sur un système d'intermédiation financière pure au sein
duquel la
66 Loi française susmentionnée
67 Article 8 de la loi bancaire du 24/01/1984
modifiée
68 Un intermédiaire financier
spécialisé dans l'offre d'une multitude de services. Il
intervient comme courtier dans les transactions d'actions et d'obligations,
dans la sous-participation aux émissions de nouveaux titres, dans les
réorganisations de sociétés. Il favorise notamment les
fusions, accorde des prêts à long terme et/ou des capitaux, etc...
plutôt que de prêter sur ses fonds propres. D'une façon plus
spécifique, le terme se réfère aux banques
américaines telles que : Merrill Lynch, Goldman Sachs et
Lehman Brothers qui souscrivent dans les transactions sur des titres, mais qui
ne prennent pas directement des dépôts émanant du public.
En Grande-Bretagne les banques d'investissements sont fréquemment
connues sous l'appellation de Merchant banks.
banque mobilise les fonds pour les prêter aux entreprises
et aux particuliers. La banque tire essentiellement ses profits de la
différence entre les taux d'intérêts créditeurs et
débiteurs. Il leur est interdit de faire le commerce.
Par ailleurs, dans la banque universelle, le champ d'action de la
banque est plus large dans la mesure où il lui est autorisé de
faire du commerce, de l'assurance et de prendre des participations en capital
dans les entreprises qu'elle finance (système d'actionnariat). Ce
système d'actionnariat leur permet d'intégrer les conseils
d'administration de ces entreprises.
Il en découle que les banques islamiques sont des banques
universelles et ce d'autant plus que la nature de ses produits (que nous
verrons plus loin) conviennent à une telle configuration.
Ainsi Mabid Ali Al-Jarhi et Munawar Iqbal nous donnent une
définition de la banque islamique « la banque islamique est une
institution qui reçoit des dépôts et mène toutes les
activités bancaires à l'exception de l'opération de
prêt et d'emprunt à intérêt.69 »
Paragraphe III Règlementation juridique des
établissements bancaires islamiques
Le secteur bancaire connait une règlementation dense qui
encadre le niveau des fonds propres, les rapports entre les grandes masses du
bilan , la qualité des dirigeants, la solidarité entre les
établissements. Tout cela dans le but d'assurer sa stabilité et
de garantir en partie la valeur de sa monnaie70.
Si les banques islamiques sont classées parmi les
universelles, il est tout même important de se demander à quelles
contraintes sont soumises les activités bancaires d'un tel
système au plan externe et au plan interne ?
A. AU PLAN EXTERNE
La réglementation et la gestion de l'industrie bancaire
islamique représentent un souci politique majeur, ce qui a conduit
à la création de trois organisations internationales
créées afin d'harmoniser les pratiques bancaires islamiques:
l'Accounting & Auditing Organization of Islamic Financial Institution
(AAOIFI), fondée à Bahreïn en 1991, a pour mission
d'harmoniser les règles comptables des banques islamiques; l'Islamic
Financial Services Board (IFSB), créé en 2002 par plusieurs Etats
musulmans, a pour rôle de rechercher des voies d'intégration de la
finance islamique à la finance internationale; l'International Islamic
Financial Market (IIFM), fondé à Bahrein en 2002, a pour objectif
de concevoir de nouveaux mécanismes et instruments de marché
compatibles à la fois avec la Shari'a et un développement rapide
de la banque islamique. Le Fonds Monétaire International (F.M.I.) a
émis à plusieurs reprises des recommandations aux banques
islamiques en vue d'une mise en conformité de leurs normes comptables et
prudentielles aux référentiels de Bâle (1et 2) et du
Comité IAS/IFRS d'où la standardisation des normes comptables
islamiques
Les institutions financières islamiques se distinguent des
institutions conventionnelles dans leurs structures, leurs fonctionnements et
leurs objectifs concernant la divulgation d'information. Ces obligations ont
amené le monde financier islamique à se réunir afin
d'uniformiser sa comptabilité. Cela a abouti à la création
de AAOIFI, organisme que nous présenterons ci-après.
69 Périodique n°4 de 2001 de la banque
islamique de développement (BID) ; rubrique réponses à
des questions fréquemment posées
70 Eric TACCONE, Techniques Bancaires, le
marché des particuliers,Casteilla, édition 2006, septembre
2006
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
L'Accounting and Auditing Organisation for Islamic
Financial Institutions
(AAOIFI)
Le 26 février de l'année 1990 a vu la
création de la Financial Accounting Organisation for Islamic Banks and
Financial Institutions (FAOIBFI) à Bahreïn. Elle n'exista que peu
d'années sous cette appellation pour ensuite être
rebaptisée Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial
Institutions (AAOIFI).
Le premier principe de la AAOIFI est que toutes les institutions
financières islamiques devraient appliquer, par condition de
normalisation ou de Shari'a, les normes publiées par l'AAOIFI si de
telles normes sont disponibles. S'il n'y a aucune norme spécifique,
l'institution financière islamique peut employer des normes autres que
ceux publiées par AAOIFI, dès lors que celles-ci ne sont
considérées comme appropriées, et ne violent pas les
règles et les principes de la Shari'a.
Elle a aussi pour objet d'harmoniser, voire d'unifier les normes
comptables de la finance islamique. L'organisation développe des normes
dans différents domaines comme l'audit, la gouvernance d'entreprise, la
comptabilité, les codes de conduites ainsi que la conformité avec
les principes de la Shari'a.
Selon les textes de l'institution, elle aspire à :
« Développer des normes pertinentes pour les
Institutions Financières
Islamiques. Diffuser les normes de comptabilité et d'audit
aux IFI par le biais de
formations, de séminaires, la publication de bulletins
d'informations périodiques
et enfin l'exécution et la mise en oeuvre de la recherche
appliquée. Préparer et
interpréter les normes comptables et d'audit pour les IFI.
Examiner et modifier
les normes comptables d'audit pour les IFI ».
De plus, elle vise à :
« Améliorer la confiance des utilisateurs des
rapports financiers des banques
islamiques dans l'information fournie sur ces IFI. Ceci afin
d'encourager les
investisseurs à déposer leurs fonds dans des IFI et
utiliser leurs services71 »
L'AAOIFI se compose de 200 membres, représentant 45
pays72. Depuis sa création, elle aurait émis
énormément de standards dont un certain nombre en
comptabilité, en audit, en gouvernance d'entreprise, codes de conduites
et finalement des standards concernant le respect de la Shari'a. D'une
manière générale, l'AAOIFI essaie de se conformer aux
IFRS(International
Financial Reporting Standards) afin d'être en
adéquation avec les normes comptables internationales. Elle adopte dans
certains cas toutefois ses propres standards.
B. AU PLAN INTERNE
Dans son application aux activités bancaires, la Shari'a
(notamment le riba) fait cependant l'objet de lectures différentes dans
le temps et dans l'espace, selon notamment les courants de pensée de
l'Islam (orthodoxes, modérés)73.
Les banques islamiques restent gérées à tous
les niveaux, de la direction générale à l'employé
de base, par des hommes ayant une formation classique en commerce et gestion,
obtenue parfois, aux plus hauts niveaux, dans des business schools
américaines74, et ayant souvent commencé leur
carrière dans des institutions conventionnelles75.
71
AAOIFI. www.aaoifi.com
72 Site internet précité
73 Les quatre écoles principales du sunnisme
sont la Chafiite, la Hanafite, la Malekite et la Hanbalite. L'école
majeure du chiisme est la Jafarite.
74 Cas de Fayçal
75 Cas de Mahmoud Helw, ex-gouverneur de la Banque
Faysal
Avec l'avènement des banques islamiques, en effet, des
oulémas (savants musulmans) se voient proposées des fonctions de
conseillers religieux ou de membres des bureaux de supervision religieuse
créés et intégrés à l'organigramme de ces
institutions.
· Le comité de surveillance ou le
comité de conformité religieuse
Les problèmes soulevés par l'application de la
Shari'a dans l'activité bancaire sont traités au sein de chaque
banque par des instances religieuses dont les appellations varient:
comités de la Shari'a, superviseurs, conseillers religieux,
assemblées générales islamiques...
Des instances fédérales diverses (cours islamiques
suprêmes, université Al-Azhar du Caire...) tranchent les
éventuels litiges entre interprétations de la loi.
Dans tous les cas, il s'agit là d'instances consultatives
chargées de donner leur avis sur la licéité islamique des
opérations de la banque, avis qui s'exprime le plus souvent sous la
forme d'une fatwa76, qui est en fait une réponse à une
question donnée posée par le conseil d'administration. Le
comité dit de surveillance ou comité de la Shari'a est donc une
entité indépendante de juristes
spécialisés dans le fiqh77 Al Mouamalat
(la jurisprudence commerciale islamique) qui est chargé de passer en
revue et de superviser les activités de la banque pour assurer leur
conformité avec les principes de la Shari'a islamique78. Ce
comité comprend en général de quatre à sept
membres.
L'existence de ce comité est justifiée par le fait
que les systèmes éducatifs musulmans actuels ont
été influencés par le système occidental qui
sépare vie civile et vie religieuse79. D'où la
nécessité pour le management, qui n'est pas de ce fait
versé en fiqh, de recourir à des fuqaha. Dans le cas d'un
État appliquant la Shari'a, un tel organe serait inutile, puisque
l'État aurait ses propres organes pour émettre les fatwas.
Toutefois, il se pose la question de l'indépendance de ces
organes car il faut noter que la réputation et l'intégrité
de ces comités n'est envisageable que dans la mesure d'une
entière indépendance de leur part. Dans certains cas, ceux-ci ne
sont pas rémunérés; ce qui renforce leur
légitimité. Dans d'autre cas, notamment lors d'audit pour les
opérations islamiques, ils sont payés par la banque. Cette
situation peut causer des conflits d'intérêts, notamment entre la
volonté de juger la conformité de la banque avec les principes de
la Shari'a et les exigences financières et organisationnelles des
banques.
Enfin, même en supposant l'indépendance
intellectuelle du fiqh, se pose toujours la question de sa capacité
d'intervention durant le déroulement de l'opération de
financement.
En fait, celle-ci reste limitée car peu nombreuses sont
les banques islamiques qui donnent à leurs conseillers religieux la
possibilité de suivre leurs investissements en détail, ce qui
supposerait l'accès permanent aux documents financiers et la
consignation des opinions émises -favorables ou non - pour
présentation devant le conseil d'administration. Par ailleurs, certains
fuqihs émettent eux-mêmes des doutes sur le respect de leurs
directives par les gestionnaires.
On retient que les dirigeants sont, de ce fait, soumis à
une double pression. D'une part, la pression du conseil d'administration qui
veut une amélioration du rendement par action et celle des clients qui
exigent des produits très compétitifs impliquant des marges de
plus en plus réduites pour la banque, et d'autre part la pression du
comité de la Shari'a qui leur impose de formidables contraintes de
conformité la Shari'a.
76 Décret religieux
77 Jurisprudence islamique, science de la Shari'a
78 Voir tableau N°1 Comité de la
Shari'a
79 Le même argument justifie la
création de centre de formation à l'économie islamique,
souvent par les fondateurs des banques eux-mêmes, comme le Centre Salah
Kamel (Banque d'investissement saoudo-égyptienne-Groupe Baraka), la
plupart des managers ou des employés ayant des formations
«séculières» en gestion/économie, et
étant supposés, de ce fait, posséder la mentalité
«usurière».
SECTION 2 : Les principes directeurs de la banque
islamique
Comme mentionné préalablement le système
bancaire islamique a ceci de particulier qu'il répond à des
règles différentes de ceux du système bancaire
conventionnel. Les principes de l'industrie bancaire islamique sont de divers
ordres. Ils sont classifiables en deux groupes :
Les principes positifs et les principes négatifs. L'on
compte entre autres :
Paragraphe I Principe N°1 (-): L'interdiction
de l'intérêt (riba, terme qui désigne à la
fois l'intérêt et l'usure).
Les jurisconsultes musulmans dans leur ensemble
considèrent que le riba ne se limite pas à l'usure, mais il prend
en compte les intérêts payés sur les prêts de toutes
sortes quels qu'en soient l'ordre de grandeur et l'usage auquel ils sont
destinés. Il faut noter que l'intérêt n'est pas
nécessairement connu d'avance. Il comporte une certaine
variabilité dans la mesure où il peut être
déterminé par référence à un certain taux
d'intérêt, prévalant à la date de remboursement. Il
n'empêche que même sous cette couleur, l'intérêt
demeure illicite car il est connu ex-post.
(Voir aussi INFRA et SUPRA)
Paragraphe II Principe N°2 (-): L'interdiction de
l'incertitude « Al-Gharar »
Le hasard (Al-Gharar) désigne les activités qui
présentent un élément d'incertitude,
d'ambiguïté ou de dol. Dans un échange commercial, il se
réfère à une tromperie ou à une ignorance entachant
le contrat, notamment l'incertitude sur l'objet de la transaction, sa
quantité, son prix, ou s'il sera possible de livrer ou non.
L'élément d'incertitude ne pouvant jamais être totalement
éliminé dans une transaction, le « gharar » est
considéré comme normal s'il n'est pas excessif et s'il ne
constitue pas un élément fondamental de la transaction. Par
exemple, les contrats d'assurance traditionnels sont la plupart du temps
considérés contraires à la Shari'a car le montant du
remboursement est incertain et dépend de la survenance
d'évènements spécifiques dans le futur. Selon le principe
de la certitude contractuelle, les droits et obligations des parties doivent
être clairement établis.
Paragraphe III Principe N°3 (-): pas de
haram (secteurs illicites comme l'alcool, le jeu et la
pornographie)
Terme utilisé par les jurisconsultes musulmans pour
désigner tout ce qui est illicite. Il est formé de la racine
hrm qui veut dire interdit, être interdit. Il doit etre d'une autre
forme d'interdiction nommée munkar qui veut dire
répréhensible qui se pose en dessous de lui dans l'échelle
de qualification des êtres humains établis par les
jurisconsultes.
Ce mot désigne aussi toute chose sacrée, dont le
fiqh définit cinq catégories s'y rapportant : les choses
interdites (haram), découragées (makruh),
neutres (mubah), recommandées (mutahab) et
obligatoires (fard)80.
80 Dictionnaire encyclopédique de l'Islam,
Cyril GLASSE, BORDAS, septembre 1991
Paragraphe IV Principe N°4 (+): l'obligation de
partage des profits et des pertes
Le principe de justice sociale de la Shari'a suppose que
l'emprunteur et le prêteur partagent de façon équitable
aussi bien les gains que les pertes, et que le processus de création et
de distribution des richesses dans l'économie soit représentatif
de la productivité réelle. Ce principe est fondamental et
très caractéristique de la finance islamique en
général et du système et des produis bancaires islamiques
en particulier. C'est dans ce principe que la notion de système
participatif trouve son fondement.
Paragraphe V Principe N°5 (+): le principe
d'adossement à un actif tangible
La matérialité des échanges ou la
nécessité d'un actif sous-jacent car une opération
financière doit reposer sur des biens réels et les transactions
bancaires considérées « halal » doivent correspondre
à des échanges tangibles. Cette nécessité constitue
l'un des points forts de l'économie islamique au regard de
l'économie dématérialisée.
SECTION 3 : Les produits de la banque islamique
a. Le Mouchâraka
b. Le Moudhâraba
c. Le Mourâbaha
d. Ijara
Paragraphe I Le Mouchâraka
Le Mouchâraka est un contrat par l'intermédiaire
duquel deux (ou plus de deux) parties associent leur capital (ra's oul
mâl) dans une entreprise commerciale81 ou un autre projet
financier, les profits obtenus étant répartis entre elles suivant
des proportions déterminées d'un commun accord dès le
moment où le contrat prend effet et les pertes étant
supportées par chaque partie à hauteur de son investissement. Le
mot Mouchâraka vient du mot arabe shirkah qui signifie participation ou
association. Les juristes musulmans indiquent que le fondement de ce contrat
réside dans les trois sources : le Coran, la sunna et l'Ijmaa
(consensus).
Il y a une association dans le but de participer au capital,
ainsi qu'aux bénéfices et pertes qui en résultent.
À la différence du Moudhâraba, ici, la banque ne peut
financer seule le projet. Elle fait appel à un ou plusieurs partenaires
qui font également des apports en numéraire ou en nature. Un tel
contrat confère à chaque associé plusieurs droits
notamment celui d'administrer les affaires de la société. Chaque
associé peut et doit exercer ce droit avec tous les autres
associés de manière conjointe.
Le Fiqh islamique distingue deux catégories de
Shirka82 : l'association de fait (Shirka Al Mulk) qui est une
propriété commune acquise de plein gré comme dans le cas
de deux personnes qi acceptent un même bien indivisible, et l'association
contractuelle (Shirka Al Aqd) qui est contrat dans lequel
81 Le fait pour la banque d'investir dans un projet
commercial justifie l'idée par nous soutenue et développée
tout au long de la première partie de notre recherche et dont le titre
est «banques islamiques: référent religieux, logique
commerciale».
82Introduction aux techniques Islamiques de
financement, Recueil des communications données dans le cadre du
séminaire conjointement organisé par l'Institut Islamique de
Recherches et de Formation et de la Banque Al-Baraka mauritanienne islamique
(5-9 décembre 1992 Nouakchott), Actes de séminaires N°37
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les partenaires acceptent de partager les risques. C'est dans
cette catégorie que se situe le Mouchâraka.
Le Mouchâraka est un contrat précis et sans
ambigüité qui détermine les droits et les obligations de
chaque associé. Ainsi, toute stipulation qui empêcherait un des
associés d'exercer, rend nul le contrat. Il en de même pour toute
clause qui affranchit l'un des associés de la contribution aux pertes(
clause compromissoire).
Le Mouchâraka se présente de deux manières
:
v' La Mouchâraka TABITA qui implique une participation
permanente et fixe
v' La Mouchâraka Moutanâqissa est une
Mouchâraka particulière à travers laquelle l'investisseur
participe au financement d'une opération commerciale avec l'intention de
se retirer progressivement de celle-ci par la vente de sa part à son
associé. Cette part du financier est ainsi divisée en un certain
nombre d'unités et il est convenu que l'associé (le « client
») achètera périodiquement celles-ci, augmentant de ce fait
sa propre part jusqu'à devenir le propriétaire unique de l'objet
de l'opération.
Cette technique, Mouchâraka Moutanâqissa
(dégressive est employée la plupart du temps dans le financement
immobilier, conformément à la procédure suivante :
· Établissement d'une Mouchâraka avec mise en
place d'une copropriété entre le financier et le client dans le
bien acquis.
· Location de la part du financier au client.
· Promesse du client d'acheter les unités
représentant la part du financier.
· Achat réel des unités à
différents termes.
· Ajustement de la location selon la part restante du
financier et du client dans la propriété. On retient que c'est
une forme de capital-investissement.
Paragraphe II Le Moudhâraba ou L'association dans le
profit
Le Moudhâraba est un contrat par l'intermédiaire
duquel un investisseur (rabb-oul-mâl) fournit des fonds à un
entrepreneur (moudhârib) afin que celui-ci puisse engager une
activité commerciale ou un autre projet, les profits obtenus
étant répartis entre eux suivants des proportions
déterminées d'un commun accord à l'avance et les pertes
étant supportés par chacun selon son propre
apport.83
Ce type de contrat correspond simplement à la
définition du commandite en droit français car il fonctionne
comme une société dans laquelle la procuration est donnée
par un capitaliste à une personne déterminée pour
fructifier des numéraires, ayant cours légal,
préalablement avancés et ne correspondant ni à une dette
ni à un gage. Cette technique d'investissement met en relation deux
parties : l'une fait un apport en industrie, et l'autre apporte le capital.
La banque islamique est commanditaire dans la mesure où
elle finance totalement ou partiellement le projet industriel ou commercial.
Les capitaux fournis par la banque représentent dans la plupart des cas
entre 75% et 95% du capital social. Le client lui apporte son travail et son
expérience. En cas de perte (qui ne serait due à une faute ou
à une mauvaise gestion) c'est la banque qui assumera le
préjudice. Dans le cas contraire, le client assume conjointement avec la
banque, sans avoir à dédommager cette dernière du
bénéfice escompté, mais non finalement
réalisé.
Cela explique la rigueur soutenue par la banque dans le cadre de
la sélection du client plutôt que du projet, compte tenu du risque
élevé de ce genre de financement pour la banque. C'est pourquoi
la technicité et l'expérience du client constituent une condition
nécessaire de l'octroi du financement. Certaines banques exigent une
expérience de 10 ans pour les diplômés et 15 ans pour ceux
ayant reçu leur qualification sur le tas.
83 Tableau N°2 Moudhâraba
La particularité de ce type de contrat réside
aussi dans le fait qu'il reste révocable à tout moment, tant que
le commandité n'a pas débuté son activité. Le cas
échéant, chacune des parties conservent le droit de rompre le
contrat, à condition d'en informer son partenaire84.
Un suivi minutieux des fonds est effectué et la banque
assiste de très près le client dans la mise en oeuvre de son
projet, en prenant soin de ne pas s'immiscer dans la gestion de
l'entreprise.
Dans la pratique, ces types de financement ne sont
utilisés que pour des projets à court terme.
Paragraphe III Le Mourâbaha ou l'achat-revente avec
marge bénéficiaire
Le Mourâbaha est un contrat de vente au prix de revient
majoré d'une marge bénéficiaire connue et convenue entre
l'acheteur et le vendeur.
Le terme Mourâbaha vient du mot Ribh qui selon la
jurisprudence islamique signifie bénéfice. Ce sens indique la
vente au prix de revient majoré d'une marge
bénéficiaire.
La banque achète pour le compte du client des produits
divers et les lui revend contre la perception d'un bénéfice
fixé à l'avance. Il est vivement critiqué par une partie
de la doctrine islamique à cause de ses similitudes avec le
crédit à intérêt classique, cela à tort, car
à travers une comparaison ponctuelle et se rend compte qu'il est
différent85. Ce genre d'opération a un terme qui varie
entre 6 et 18 mois et peut revêtir deux aspects :
1. Une transaction directe entre un vendeur et un acheteur.
2. Une transaction tripartite entre un acheteur final (ou
donneur d'ordre d'achat), un premier vendeur (le fournisseur) et un vendeur
intermédiaire (exécutant de l'ordre d'achat et financier). Cette
seconde formule a été retenue dans les opérations de
financements islamiques : l'organisme de financement intervient ainsi en
qualité de premier acheteur vis-à-vis du fournisseur et de
revendeur à l'égard de l'acheteur donneur d'ordre (le client).
À l'origine, le Mourâbaha est un type particulier de vente et pas
un mode de financement. Cependant, en considérant le fonctionnement du
système économique actuel, les experts contemporains du droit
musulman ont autorisé, sous certaines conditions, l'utilisation de la
Mourâbaha sur la base du paiement différé comme mode de
financement. Le recours à cet instrument doit néanmoins
constituer une mesure transitoire et devrait être évitée
lorsque l'utilisation de la Mouchâraka est possible.
Le Mourâbaha se situe aussi, sensiblement sur la ligne
de démarcation du caractère islamique d'un produit et de l'usure
interdit par l'islam. C'est pourquoi plusieurs dispositions sont prises afin
d'en éviter une mauvaise interprétation :
> Le prix d'acquisition doit être connu des deux
parties
> Le bénéfice à réaliser doit
être déterminé avec précision
> Le vendeur doit être réellement en possession
du bien lors de sa revente
> Le prix ne doit connaitre aucune modification en cas de
retard ou d'anticipation de paiement
> Le consentement des parties est nécessaire
84 Cette hypothèse est soutenue par courant
hanafite de l'Islam
85 Voir annexe N° tableau de comparaison
tiré de l'Introduction aux techniques de financement BID
Paragraphe IV Ijara
Contrat de crédit-bail au terme duquel la banque
achète un bien pour un client puis le loue en créditbail pour une
durée déterminée. C'est une vente à crédit
qui porte généralement sur les services rendus par un
équipement. Le Fiqh définit le louage (Ijar) comme la vente de
l'utilité d'une chose (Bai' al-manfa).
Il est d'autant plus important comme contrat que le code Ottoman
( majallat al-ahkam al-adlia), un des plus vieux codes du monde musulman
moderne lui consacre 93 articles (de 404 à 496). Toutefois il important
de préciser que ce contrat, tel qu'il était visé dans ces
articles ne portait que sur les immeubles à usage d'habitation ou
agricole, le louage des animaux, et le louage de services ou de travail.
Aujourd'hui, avec l'évolution des sociétés,
et la complexe orientation des techniques de financements cette technique a
évoluée.
Il comporte une variante appelée Ijara Wa Iktina qui en
fait est similaire à l'ijara, à la différence près
que le client a la possibilité dans le second cas d'acheter le bien
à la fin du contrat. La location dans ce cas est alors assortie d'une
promesse de vente de l'équipement loué à la fin de la
période de location Il correspond au terme anglais de leasing que le Dr.
Abdessatar Kouidri définit comme « une location irrévocable
de bien d'équipement, ou de matériel d'outillage, ou d'immeuble
achetés, en vue de cette opération, par des entreprises
spécialisées qui en demeurent propriétaires, avec l'option
d'achat à l'échéance en faveur de l'utilisateur. Il s'agit
d'achat en vue de la location avec promesse de vente.86 »
C'est d'ailleurs la banque islamique qui fut la première a
financé une opération de leasing en Turquie, qui portait sur 13
millions $EU dans les années 80.
L'Ijara Wa Iktina peut être une location simple ou une
location-vente.
La banque islamique étant en plein essor il existe de
nombreux autres produits qui ont des similitudes mais qui, dans la plupart des
cas répondent à des besoins précis et demeurent
perfectibles. Cependant, au regard des recherches effectuées, nous avons
étudiés ceux qui nous semblent les plus importants et qui se
trouvent être de loin les plus usités.
Paragraphe V ANALYSE COMPARATIVES DES PRODUITS
Banques
islamiques et Banques conventionnelles
Comparer les produits islamiques et les produits de la banque
conventionnelle s'avère une tache assez difficile, eu égard la
particularité et la fluctuation des produits de chaque domaine.
Toutefois d'un point de vue général, et après étude
des quatre produits par nous étudiés de la finance islamique, on
retient une similitude dans les éléments constitutifs des
produits.
La différence fondamentale réside dans la mise en
oeuvre des principes énoncés de la finance
islamique : pas de riba, pas de gharar, pas de haram, obligation
de partage et des profits et le
principe d'adossement à un actif tangible.
Ainsi, le contrat Mouchâraka semble correspondre dans un
premier temps à la société à responsabilité
limité dans laquelle la base est constituée des capitaux et dans
laquelle la associés sont tenus qu'à concurrence de leurs
apports. La définition même du contrat Mouchâraka nous
conduit à une telle déduction « le Mouchâraka est un
contrat par l'intermédiaire duquel deux (ou plus de deux) parties
associent leur capital (ra's oul mâl) dans une entreprise commerciale ou
un autre projet financier, les profits obtenus étant
86 Introduction aux techniques islamiques de
financement, Banque Islamique de Financement, Actes de séminaires
N°37
répartis entre elles suivant des proportions
déterminées d'un commun accord dès le moment où le
contrat prend effet et les pertes étant supportées par chaque
partie à hauteur de son investissement. » Il y a ici, comme dans la
SARL une association dans le but de participer au capital, ainsi qu'aux
bénéfices et pertes qui en résultent.
Toutefois la variante de ce contrat peut nous conduire à
effectuer une autre correspondance, du moins elle remet en cause la
première ; c'est le Mouchâraka Moutanâqissa se
définit comme « une Mouchâraka particulière à
travers laquelle l'investisseur participe au financement d'une opération
commerciale avec l'intention de se retirer progressivement de celle-ci par la
vente de sa part à son associé. Cette part du financier est ainsi
divisée en un certain nombre d'unités et il est convenu que
l'associé (le « client ») achètera
périodiquement celles-ci, augmentant de ce fait sa propre part
jusqu'à devenir le propriétaire unique de l'objet de
l'opération. » Le caractère dégressive du contrat et
l'acquisition de la propriété éventuelle par une seule des
parties nous rappelle le contrat de Mourâbaha.
Cependant, qu'il s'agisse d'une correspondance ou d'une autre ,
l'idée essentielle demeure le partage des profits.
Le contrat de Moudhâraba lui s'assimile au commandite dans
la finance islamique. Tout comme ce dernier, dans la relation contractuelle
nous avons deux agents que sont le commandité, l'entrepreneur ou le
moudhârib en droit islamique et le commanditaire, l'investisseur ou le
rabb oul mâl. Dans cette relation il ne peut pas s'agir d'apport en
industrie pour l'investsseur qui doit obligatoirement libérer un apport
en capital. Il n'est responsable qu'à concurrence de ses apports ;
tandis que le rabb oul mâl a la possibilité de faire les trois
types d'apports dans le cadre de la constitution et du fonctionnement d'une
société prévus par le droit commun des
sociétés.
Le contrat de Mourâbaha rentre dans le cadre de la vente en
général dont la licéité est reconnue par le verset
275 Sourate Al-BAQARAH (LA VACHE)87.
De même que dans le contrat de vente, il y a conclusion de
contrat de Mourâbaha lors de la réunion des conditions suivantes
:
· Le consentement des deux parties, c'est-à-dire la
pollicitation de l'un et l'acception de l'autre
· Existence de deux contractants, le vendeur et
l'acheteur
· L'objet licite de la vente
Toutefois, la spécificité de ce contrat
dans la banque islamique repose en plus sur trois autres principes ou
règles :
· La connaissance parfaite du prix d'achat initial et des
charges additionnelles de la part de l'acheteur. Il a le droit de
dénoncer le contrat dans me cas contraire
· La connaissance parfaite du montant du
bénéfice qui fait partie de la vente
· La validité du premier acte d'achat
Ce contrat est tout de même objet de maintes
polémiques par les jurisconsultes musulmans pour diverses raisons :
certains estiment que ce contrat en comporte deux, la banque islamique qui
achète
87 LE CORAN, L'Appel, André CHOURAQUI, Ed.
Robert Lafont, mars1991
et qui vend à son tour ; alors que le Prophète de
l'Islam Muhammad(PSL) a interdit de conclure deux ventes en une seule. Aussi,
la banque dans une certaine mesure vend une chose dont elle n'est pas en
possession, elle vend donc ce qu'elle n'a pas, car le contrat entre la banque
et le client précède le contrat d'achat de la marchandise par la
banque.
Mais force est de reconnaitre que ce contrat demeure tout de
même valable, particulier, donc différent des services
proposés par le système conventionnel88.
Pour ce qui est du contrat IJARA il est dans un premier temps
assimilable au créditbail(Leasing) dans le système conventionnel
mais comporte de nombreuses variations89. C'est une vente à
crédit qui porte généralement sur les services rendus par
un équipement. Le Fiqh définit considère cette vente comme
celle de l'utilité d'une chose (Bai' al-manfa).
De l'étude qui précède on constate une
forte correspondance des contrats de la banque/ finance islamique et de ceux de
la finance conventionnelle. Il n'y a donc en réalité pas de
différence du point de vue des éléments de formations. Ce
qui diffère et qui est fondamentale c'est la base et l'objet.
En effet dans la finance islamique la base est
théologique, elle a donc une couleur religieuse même si des
non-musulmans peuvent y avoir recours, à la seule et unique condition de
respecter ses conditions. Aussi elles ont des objets fondamentalement
différents dans la mesure où les banques conventionnelles
n'existent que dans la mesure de la recherche de profits et
d'intérêts, ce que d'emblée l'Islam interdit. Elle a un
objet social qui tire son fondement dans le principe de partage des pertes et
des profits.
C'est donc la mise en pratique des conditions et principes
prévus par l'Islam à tout contrat de base conventionnelle qui
fera de celui-ci un contrat de la finance islamique. Non sans des modifications
de formes et de fonds.
Section 4 : De la transposabilité du système
bancaire islamique au monde
L'objet de ce mémoire porte sur les banques islamiques et
l'étude de la mesure selon laquelle elles pourraient pallier le
système bancaire actuel en crise, voir s'y substituer.
Cependant, une telle éventualité soulève de
nombreux problèmes. Après avoir donc étudié la
crise et décelé les maux dont le système conventionnel
financier souffre, la question suivante se pose tout naturellement : la finance
islamique (à travers ces banques) peut-elle remplacer le système
actuel ? Est- ce un système transposable à tous et exportable
partout ?
Répondre à de telles interrogations commande que
l'on analyse la question sous plusieurs angles.
Paragraphe I Du point de vue de l'histoire
La société islamique a connu une activité
économique depuis le jour où le prophète Muhammad (PSL)
est venu à Médine. Dans un système de Ville-État,
il a été ajouté un groupe d'opérateurs
expérimentés de la Mecque. Cinq siècles de
prospérité suivirent.
Au cours des années 1940, depuis le monde musulman, des
voix stridentes retentirent pour critiquer le capitalisme et demander le
passage à un système basé sur les injonctions islamiques :
modérations dans la consommation, la justice et l'équité,
l'aide au pauvre et l'interdiction de l'intérêt. Cela marque le
début de l'ère de la finance islamique moderne.
88 Voir Tableau N°3 Mourâbaha
89 Voir tableau N°4 Comparaison ILARA-LEASING
Ainsi, au milieu des années 1970, après la crise
pétrolière, il y eut la création des premières
grandes banques islamiques, notamment Islamic Development Bank, Dubaï
Islamic Bank et Albaraka Banking Group. Elles ont introduit toutes, à
grande échelle des moyens nouveaux de financements en conformité
avec la Shari'a.
Dans les années 1980 c'est l'extension géographique
de ces modes de financements, avec un début d'innovation
financière et une construction plus avancée des techniques de ces
institutions.
La croissance est fulgurante et très rapide, car avec des
principes raffinés et un foisonnement intellectuel la banque islamique
s'exporte en Europe, en Grande-Bretagne, en Suisse, au Canada. Elle atteint
l'âge mûr dans les années 2000. Son internationalisation
s'accélère. Elle atteint de nos jours les 1000 milliards de
dollars US d'actifs.
Ainsi, du cheminent qui précède il apparait que ces
banques sont encore jeunes, moins d'une cinquantaine d'années
d'existence. L'argument qu'on en tirerait serait la suivante : comment un
système jeune de moins de cinquante ans peut-il remplacer un
système existant depuis le moyenâge ? D'autant plus que même
dans les pays arabes, le changement n'est pas radical. Pour preuve au Qatar la
finance islamique représente 20% de l'activité bancaire.
Même si la transformation du système est
envisageable, la raison voudrait qu'on lui laisse plus de temps pour
mûrir pour ensuite réévaluer ses chances.
Paragraphe II Du point de vue socio-économique
Le choix de l'analyse combinée de ces deux
éléments se justifie par le contexte de la création de la
banque islamique. Comme son nom l'indique d'ailleurs, la banque islamique a vu
le jour dans un environnement social musulman. Elle est née de la
volonté de proposer aux musulmans des produits bancaire conformes
à leur société, à leur religion. De ce fait les
vingt première années d'existence de la finance bancaire
islamique se sont effectuées dans les pays musulmans.
Dans la mesure où ce système venait à
être transposé dans tous les pays, le problème qui se
poserait serait certainement celui de l'adhésion. Car dans la notion de
banques islamique, l'adjectif islamique qui fait référence
à la religion se butterait à certains esprits trop libres. Non
pas qu'il faille être musulman pour y adhérer ou pour
bénéficier des services de ces banques, mais parce que le
sentiment de peur qu'inspire l'Islam, né de la complexification de la
sphère géopolitique entretient et nourrit une telle
appréhension.
Aussi pourrait-on entrevoir une finance islamique autonome du
social dont elle est essentiellement subordonnée ? Cette question
mérite une analyse profonde car elle engage fortement les
intérêts des grandes banques conventionnelles qui, on le rappelle
sont nées dans un système et pour un système
d'intérêts, peu importe les moyens pour y parvenir. La crise dont
il est question dans cette étude à travers la prise des risques
inconsidérée n'en est-elle pas un exemple ?
Sous un autre angle, moins plausible, bon nombre de personnes
voit en la finance islamique une grande supercherie tendant à aspirer
des fonds au nom d'une pseudo-morale financière et bancaire. Ils y
voient en outre le bras séculier des organisations islamistes, qui
trouvent là le moyen de blanchir leur argent issu de pratiques hautement
contraires à l'islam qu'ils prétendent défendre, et
fructifient ainsi leurs biens afin de maintenir et de permettre à leur
organisations de survivre dans un contexte contemporain difficile.
Paragraphe III Le contexte juridique
« Ubi Jus Ubi Societas » : partout où il y a
Droit, il y a la société et partout où il y a
société il y a Droit. C'est dire que toute société
sans le Droit n'est pas envisageable. De même que toute activité
humaine est encadrée par des règles, l'activité bancaire
islamique ne saurait exister sans une législation qui envisagerait son
création (pour un État qu'il intègre) et son existence
(pour un État dans lequel il existe déjà).
Alors que les règles afférentes au commerce,
à l'économie, à la finance et aux banques sont
prévues pour le système conventionnel.
Parler de légiférer, c'est parler de techniciens du
droit, de spécialistes dans le domaine l'on souhaite créer une
loi, encore qu'il faille rappeler que ce n'est pas le juriste qui fait la Loi
(voir Introduction à l'étude du droit, processus
d'élaboration de la Loi). Mais l'apport des juristes qui l'appliquent et
le font respecter (juges, avocats, huissier...) n'est pas moins
négligeable. Il faut donc des acteurs formés et compétents
dans le domaine de la finance islamique. C'est ce qui explique l'ouverture de
filières spécialisées dans le domaine de la finance
islamique, dans les plus grandes universités 90et offerts par
de nombreux cabinets d'expertise à travers le monde.
Paragraphe IV De la détermination
politique
Le contexte politique a ceci de particulier qu'il pose plus de
problèmes que toutes les autres sphères réunies. En effet,
tout, dans le monde d'aujourd'hui doit avoir comme préalable une base
politique. Seule une volonté politique déterminée peut
permettre à un projet de voir le jour, en dépit de quelque
problème, de quelque nature que ce soit.
Dès lors pour ce qui est de la banque islamique comme
modèle et alternative, il convient simplement de se demander s'il existe
une volonté politique déterminée ? Autrement dit,
n'existe-til pas de blocages politiques ?
Cette problématique se pose à un niveau
international, voir mondial. Car la question de la crise économique a un
caractère mondial. Subséquemment le problème de
l'échec du système, plus particulièrement celui des
banques, comme nous l'avons vu tout au long de notre étude, a aussi un
caractère mondial.
D'emblée, il convient de dire qu'il n'apparait nulle
part, dans quelque écrit que ce soit, dans quelque déclaration
que ce soit, une volonté affichée et affirmée de changer
radicalement le système actuel. Si volonté de changement il y a,
c'est plutôt celle d'un changement mélioratif, dans le sens, au vu
des erreurs et de la crise, de parfaire le système dans lequel la
confiance demeure.
À certains moments l'on est allé au-delà
de l'échec du système pour étendre le problème
à toute la civilisation capitalisme et à son ensemble de valeur.
Dans cet élan on a estimé que la crise actuelle résultait
des perturbations financières qui accompagnent tout le cycle
d'innovation, participant ainsi du déséquilibre d'un
développement économique fondamentalement insoutenable.
Mais les valeurs adjacentes du capitalisme ont vite fait de
reprendre le dessus : la propriété privée, la recherche
effrénée de profit et surtout la liberté dans un tel
système. Aussi a-t-il une légitimité historique qui
empêche d'y porter des critiques objectives.
Cela dit, analysons la question de la volonté politique,
non plus en termes de changement, mais désormais en termes de
volonté de cohabitation, en termes de développement
parallèle de ce système, au plan régional.
Afrique-Asie-Europe-l `Amérique
90 Paris-Dauphine, École de Management de
Strasbourg, École de Management ESCA de Montpellier, Securities and
Investment Institute London, etc .
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
L'Afrique
La prise de conscience en Afrique du caractère porteur du
système bancaire est relativement récente. En effet bien que dans
des pays comme l'Algérie et l'Égypte, il existe depuis une
trentaine d'année quelques banques islamiques, le politique ne s'y est
que récemment intéressé. En Afrique du Nord, au Maroc les
banques islamiques peines à se développer, en Mauritanie, elles
sont très peu développées.
En janvier 2010 la CEDEAO à plancher sur la question, et
des pays comme le Sénégal y favorise la création de ce
genre d'instituions.
Le soudan dans l'Afrique sub-saharienne est le marché
phare avec 22 banques islamiques et près de $10milliards d'actifs
conformes à la Shari'a. Le politique a longtemps ouvert les portes du
pays et envisagé une réglementation conséquente. L'Afrique
australe est moins pragmatique. L'Afrique du Sud et le Kenya
s'intéressent au phénomène avec peu de banques dites
communautaires.
En dépit de cela, l'Afrique ne représente que 8% de
part marché dans la finance islamique mondiale avec 412 millions de
musulmans et 37 banques islamiques gérant environ $18 milliards.
C'est précisément dans l'Asie musulmane que la
volonté politique rime avec le développement du système.
La Malaisie est au coeur du processus de croissance dans la région car
les autorités y ont inauguré un canevas réglementaire
spécifique aux banques avec des objectifs spécifiques. 15 banques
islamiques y sont actives.
Le second acteur est Singapour dans l'Asie du sud-est avec la
Bank of Asia, dont les fonds propres au lancement s'élevaient à
$418 millions.
L'Indonésie aussi se présente comme un
marché potentiel mais peu dynamique et la Chine s'y intéresse
aussi.
L'Europe
Fait fort paradoxal mais relativement compréhensible,
l'Europe est une des régions la plus politiquement
déterminée à introduire le concept de banque islamique, et
par-delà le vaste marché des sukuks, malgré le taux
inférieur de musulmans y vivant par rapport aux autres régions.
Mais cela s'explique essentiellement par son intéressement certain,
lequel intéressement malgré tout, ne peut se réaliser en
dehors du cadre établit par cette finance, et respecter les principes
qui la déterminent.
Ainsi l'Europe représente $20milliards d'actifs
islamiques. La Grande-Bretagne est le leader avec une législation
islamique existante depuis 2003. L'Allemagne aussi s'intéresse mais
moins que la France qui elle aussi depuis quelques années se distinguent
par les nombreux appels de spécialistes
du système bancaires et aussi des politiques
français qui appellent à l'ouverture du marché. Mais pour
les raisons socio-économiques développées plus haut,
l'activité effective de ces banques tardent malgré son statut
particulier (les musulmans de France constituent la plus grande
communauté islamique d'Europe).
Elle s'y intéresse moins, certainement par ce qu'elle
n'a pas finis de panser les plaies de crise et l'éventualité
d'une telle ouverture de leurs marchés leur semblent risqué.
À prendre aussi en considération la sensible nature des relations
du continent(Nord) avec toute activité à caractère
islamique depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Toutefois le Canada a quelques mécanismes prévus
pour les opérations de nature islamiques et le l'Amérique du Sud
ne présente pas d'intérêt manifeste pour le
système.
Conclusion
Tout au long de ce travail nous avons examiné les
questions de la crise financière mondiale et celle de la banque
islamique.
Dans un premier temps nous avons étudié la crise
financière et tenté de comprendre pourquoi elle fut
considérée comme une crise bancaire (à raison). Nous avons
vu ses origines qui résidaient dans les subprimes, l'excès des
risques et la forte et exagérée spéculation des banquiers.
Ce qui entrainé l'effondrement de tout le système. Nous avons
essayés de comprendre quelles étaient les mesures prévues
par le système pour parer à de telles crises, c'est-à-dire
les systèmes prudentiels.
Dans un deuxième temps nous avons étudié la
banque islamique en remontant à ses origines, en définissant ses
bases et ses principes. Nous avons envisagé les caractéristiques
de cette banque et passé à la loupe ses produits et offres qui
dans le fond ne diffèrent vraiment de ceux de la banque conventionnelle
que par leur finalité et l'application des principes de la Shari'a
à ces derniers.
Et pour terminer nous avons envisagé la
transposabilité de ce système bancaire nouveau, au monde entier,
vu que le système actuel est fortement défaillant. Mais les
problèmes qu'une telle approche ont soulevés ont vite fait de
nous convaincre de l'impossibilité d'une telle
éventualité
Au risque de nous répéter, nous avons vu que parmi
les principes de la banque islamique il y a le partage des pertes et des
profits. C'est certainement de là que découle sa finalité,
ou du moins dans un complexe de finalités de la banque islamique, c'est
ce principe qui nous y parait le plus important : le caractère
associatif de la banque islamique.
S'associer au client, qui n'en est plus un, car dans toutes les
formes de financements proposées par la banque islamique, il se
présente comme une partenaire. Le partenaire n'est plus que le seul
consommateur de la banque islamique, mais il est désormais un
consom-acteur. La banque du fait des intérêts ( au sens de la
finance islamique) et de son taux de participation dans tous les actes de son
partenaire, ne se cantonne plus dans une position passive d'attente des fonds
prêtés , mais s'implique aussi, directement ou in indirectement en
vue de la réalisation des projets de ce dernier. Cela constitue une
garantie à plus d'un titre pour le client, et pour l'ensemble des
marchés. Quand bien même le risque dans ce système est plus
à la charge de la banque pour ne pas dire dans tous les cas totalement
à sa charge. Car les cas dans lesquels le client est tenu de rembourser
sont ceux dans lesquels il doit prouver que la faillite de l'opération,
ne sont pas de son fait, ne sont pas dus à sa négligence ou
à sa mauvaise foi. On voit donc que les situations d'exonérations
de la responsabilité financière du client sont loin d'être
légion.
Mais, en dépit des garanties qu'offre la banque islamique,
elle est fustigée de toutes parts par les spécialistes, et de la
finance islamique, et de la finance conventionnelle.
Pour eux, la banque islamique n'investit pas dans les secteurs
les plus utiles au développement et dans l'industrie et dans
l'agriculture. Elle se cantonne, dans son domaine de prédilection qui
est celui des prêts pour petites activités, à court ou
moyens termes ou pour les achats des biens d'équipements. Dès
lors comment pourrait-elle rivaliser ou même remplacer les banques
actuelles ?
Mais ce que les critiques feignent d'ignorent c'est que la banque
islamique, bien que ayant une finalité sociale (caractère
découlant de la nature de ses produits et de sa finalité) n'est
pas une association caritative. C'est un élément non moins
négligeable de l'écorce économique, créateur
d'emplois et de devises.
Retenons simplement que la banque c'est de la finance et la
finance, dans une mesure ou dans une autre c'est gagner, gagner au moins plus
que ce que l'on possède afin de permettre de subsister dans un monde en
perpétuelle mutation mais quand la volonté de gagner devient une
fin à atteindre en dépit des moyens utilisés, alors il y a
problème, il y a véritable danger.
Les conséquences d'une telle situation sont de l'ordre de
la crise qui sévit toujours et dont on n'a pas véritablement
finis d'être surpris, par l'immensité et la complexité de
ces conséquences.
L'observation de la dynamique de la banque islamique comme
modèle montre qu'il est possible d'exister avec une éthique, une
éthique sociale, une éthique morale, une éthique
financière. Sous réserve bien sûr que soit renforcé
le système prudentiel et en laissant le temps à la finance
islamique de ce construire, non pas en fonction du système actuel, mais
en fonction de ses principes et de sa finalité ; encore qu'il faille
qu'elle adopte une méthodologie mondiale de finance et
d'économie, qu'elle limites les encours de crédits des banques et
leur taille .
Ceci nous conduit à la problématique suivante :
Shari'a et profits sont-ils compatibles ?
j ~ ./
Bibliographie
ENCYCLOPÉDIES
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BORDAS, septembre 1991 - Dictionnaire historique de l'islam, Dominique et
Janine Sourdel, PUF, octobre 1996 - Le Petit Larousse Illustré 2009,
Larousse, Juillet 2008
- LE CORAN, L'Appel, André CHOURAQUI, Ed. Robert Lafont,
mars1991
OUVRAGES
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financier, Structures et acteurs, Collection Banque ITB,
6ème Ed., 1996
-Pascal KEREBEL,Management des risques,inclus secteur Banque
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DÉVELOPPEMENT EN PAYS D'ISLAM, Edicef, 1995 -Jean-Pierre ALLEGRET,
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particuliers,Casteilla, édition 2006, septembre 2006
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Le fonctionnement des organisations dans les milieux de culture intense, le
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REVUES
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finance Islamique :l'éthique des affaires en Islam, publication de
la cellule du Fiqh du centre islamique(C.F.C.I) de la Réunion, Avril
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- Dossier spécial crise, Les dix chantiers de la
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N° 274, p 58-62, novembre 2008
-Gilles Dostaler , Aristote et le pouvoir corrosif de
l'argent ,Alternatives économiques No 276 p74- 76, janvier 2009
- La Tribune de l'Assurance (Algérie) : L'assurance
islamique gagne du terrain, N° 111, Avril 2007
- Harald Hau, Professeur associé de finance à
l'Insead, Les Échos( hebdomadaire français) en date du 15 Avril
2009 :
- Halsaâ BENZHA :, Le financement de la PME en Finance
Islamique, RIBH, 17 mars 2008 -PIERRE-YVES THORAVAL : le dispositif de
Bâle II : rôle et mise en oeuvre du pilier 2, Revue de la
stabilité financière, Banque de France n°9 décembre
2006
DOSSIERS DOCUMENTAIRES
- Institut Islamique de Recherches et de Formations(BID) :
Introduction aux techniques de islamiques de financement, Recueil des
communications données dans le cadre du séminaire conjointement
organisé par l'Institut Islamique de Recherches et de Formation et de la
Banque AlBaraka mauritanienne islamique (5-9 décembre 1992 Nouakchott)
actes séminaires n° 37
- Institut Islamique de Recherches et de Formations(BID) :
Tariqullah Khan et Habib Ahmed , LA GESTION DES RISQUES, Analyse de
certains aspects liés à l'industrie de la finance islamique,
document occasionnel n°5
- Institut Islamique de Recherches et de Formations(BID) : Cheikh
Saleh Kamel, Évolution des activités bancaires islamiques :
Problèmes et perspectives, série de conférences des
lauréats du prix de la BID, n°12
- Institut Islamique de Recherches et de Formations(BID)
:réponses à des questions fréquemment posées,
périodique n°4, 2001
A. WEBOGRAPHIE
B.
http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?auteur4
: Jean-Jacques Chavigné, La crise financière et ses
enseignements, 25 aout 2007(consulté le 16 mars 2010)
http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article1643,
Jean-Jacques Chavigné ; Chronologie de la crise financière
2007-2008 , 06/10/2008 (consulté le 15 mars 2010) ;
www.ifsb.org ;
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consulté le 25 janvier 2010) ;
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www.ribh.files.wordpress.com
( consulté tout au long de la rédaction du mémoire)
C.
D.
E. Vidéographie
F.
http://www.france24.com/fr/20091201-crise-bourse-dubai-finance-islamique-montrefaiblesses,
La finance islamique montre ses faiblesses, consulté
décembre 2009
http://video.coursgratuits.net/200/p-finance-islamique.php
: Les grands principes de la finance islamique, durée : 30mns,
consulté le 25 mars 2010
Sommaire annexes
v' Tableau 1 : Comité de la Shari'a
1' Tableau 2 : Moudhâraba
v' Tableau 3 : Comparaison Mourâbaha et crédit
à intérêt classique 1' Tableau 4: Comparaison Leasing
v' Tableau 5 : Annexe accord de Bâle II
v' Tableau6 : Fiche synthétique accord de Bâle II
Exemple d'une fenêtre islamique dans une banque
islamique et situation du comité de Shari'a
Cas de l'ABC Islamic Bank, filiale de l'Arab Banking
Corporation.
X
Marketing Crédit Opérations Recherche
Coordinateur
comité de la
Shari'a
X X
Directeur exécutif Division islamique
Comité de
Shari'a
X
Source : Lachémi Siagh, Le
fonctionnement des organisations dans les milieux de cultures intenses, le cas
des banques islamiques, Thèse de Doctorat en Administration,
École des Hautes Études Commerciales, Université de
Montréal, Septembre 2001
Profits
Moudhârib
Profits
Investisseur
(rabb oul mâl)
Schéma illustratif de la
Moudhâraba
Activité
économique
Investisseur
Financier
Capitaux
Capitaux
Comparaison Mourâbaha et crédit à
intérêt classique
Éléments de comparaison
|
Crédit à intérêt
|
Mourâbaha
|
|
|
|
Relations
|
Relation débiteur-créancier
|
Relation débiteur créancier
|
clients-banques
|
|
But de l'opération
|
Peu importe l'objet du financement
|
Élément important, déterminant dans la prise
de décision du financement
|
|
Objet de la relation Clients-
|
Crédit d'argent liquide pour la
plupart des cas sauf quelques financements pour le
développement à destination connue
|
L'existence d'un équipement ou d'une marchandise
spécifiée en possession du vendeur (banque) est
imprévue
|
banque
|
|
Rendement de la banque
|
Intérêt fixé en fonction du montant et de
sa durée et non du rendement de l'activité du client pour la
plupart des cas
|
Marge fixée en commun accord après connaissance
parfaite du prix de revient et ses
composantes. Les conditions du marché et de la
conjoncture sont prises en ligne de compte dans la fixation de cette marge
|
dans cette opération
|
|
Retard ou non-paiement à
|
Des intérêts de retards s'ajoutent à la
dette. Tous les moyens sont bons pour préserver l'intérêt
de la banque sans prendre en considération des
causes ou du retard ou du non-(déconfiture
paiement et ses mobiles
|
On distingue 2cas :
· Le non-paiement dû à des problèmes de
force majeure. Dans ce cas
ou faillite)
on doit accorder un délai au débiteur qui se
trouve dans la gêne.
· Le non-paiement dû à la mauvaise
volonté. La banque mettra tout en oeuvre pour faire
respecter ses droits.
|
terme échu
|
|
|
Élément fondamental pour une banque classique.
C'est ainsi qu'on classifie et évalue les crédits suivants les
garanties qui s'y attachent.
|
Les garanties doivent être exigées en fonction de
la capacité du client et de la nature de
l'opération et son objet. La moralité du client
est dans ce cas déterminante
|
|
|
Source : Introduction aux techniques islamiques de
financement, Banque Islamique de Développement, La Mourâbaha comme
mode d'intervention dans les banques islamiques, Mohameden O/ Sidi Mohamed,
Actes de séminaires N°37
Tableau N°4 IJARA
IJARA Leasing
Possibilité de se porter acquéreur du bien objet
du leasing.
Location simple
Opération de location conclue pour une courte
durée avec le risque considérable pour le bailleur de ne pas
trouver de nouveaux locataires à l'issue du contrat de location.
Montant des loyers élevés afin de permettre
l'acquisition du bien à valeur résiduelle. Les loyers
correspondent à une valeur d'appropriation.
Les loyers correspondent à une valeur de jouissance.
Promesse de vente unilatérale au profit du locataire.
Le contrat implique l'intervention d'une troisième
personne (entreprise de leasing qui achète d'abord le bien, pour ensuite
le revendre) une location de promesse-
vente.
IJARA Leasing
Location-vente
Promesse de vente synallagmatique. Le transfert de
propriété est différé mais inéluctable
|
Le contrat implique 2 personnes.
|
|
IJARA Leasing
Le transfert de propriété ne peut se faire qu'en
fin de bail. Transfert non automatique.
|
Vente à tempérament ou vente à
crédit
|
|
Le transfert de propriété se fait dès la
conclusion de l'opération et dès ce moment l'utilisateur du bien
en devient irrévocablement acheteur. Le vendeur perd tout droit sur le
la chose même si il n'a pas perçu la totalité du prix de la
vente.
Tableau N°5 Annexe accord de Bâle
II
1er pilier : exigences
|
2ème pilier : processus de
|
3ème pilier : discipline de
|
minimales en fonds propre
|
surveillance prudentielle
|
marché
|
Calcul des fonds propres
|
Marge d'appréciation des
|
Publications d'informations
|
réglementaires au titre du
|
autorités de surveillance
|
relatives à
|
risque de crédit
|
-Éléments qualitatifs
|
-Dotation en fonds propres
|
- Approche standardisé
|
-Méthodes d'évaluation du
|
-Risque de crédit
|
-Approche IRB
|
risque et normes
|
-risque de marché
|
*Approche IRB simple
|
|
-Risque opérationnel
|
*Approche IRB complexe
|
|
-Titrisation
|
Calcul des fonds propres réglementaires au titre
du risque opérationnel (nouveau)
|
|
-Méthodes d'évaluation des risques
|
-Approche de l'indicateur de base
|
|
|
-Approche standardisée
|
|
|
-Approche avancé (système de
mesure interne),
|
|
|
|
Trois piliers
· Exigences minimales de fonds propres
· Deuxième pilier: processus de surveillance
prudentielle
· Troisième pilier: discipline de
marché
Méthode de mesure de l'adéquation des
fonds propres
Fonds propres
Ration McDonough fonds propres (8%) = Risques crédit+
marché+ opérationnels
Menu d'options pour la mesure du risque de
crédit
· Approche standardisée (modifiée)
· Approche fondée sur les notations internes,
méthode simple
· Approche fondée sur les notations internes,
méthode complexe
Menu d'options pour la mesure des risques de
marché (sans changement)
· Approche standardisée
· Approche des modèles internes
Menu d'options pour la mesure du risque
opérationnel
· Approche de l'indicateur unique
· Approche standardisée
· Approche de la mesure interne
TABLE DES MATIÈRES
Dédicace
Remerciements
Table des abréviations
Glossaire des termes de la finance islamique Sommaire
Introduction
Partie I :
CRISE FINANCIÈRE MONDIALE ou CRISE BANCAIRE :
causes et origine.
Chapitre1 : De la crise financière à la crise des
banques Section1 :
La crise financière p5
§1 : L'explication par les subprimes
§2 : L'excès des risques
§3 : L'explication par la spéculation
Section 2: La crise des banques ou l'effet domino p9
§1 : Manifestation de la crise
§2 : La spéculation bancaire
§3 : Crises antérieures
Chapitre2 : La gestion des risques dans la banque conventionnelle
Section1 : Les risques dans la banque conventionnelle p13
§1 : Le risque de marché
§2 : Le risque de crédit
§3 : Le risque opérationnel
Section2 : Les
méthodes de calcul des risques ou les règles prudentielles
conventionnelles (de la convention de Bale I à Bale II)
p16
§1 : Bale I
§2 :La refonte de bale I
A. Pilier I : Exigences en fonds propres renforcées
B. Piler II : Processus de surveillance prudentielle
C. Piler III : Discipline du marché
Partie II :
BANQUES ISLAMIQUES : RÉFÉRENT RELIGIEUX ET
LOGIQUE COMMERCIALE
Chapitre1 : Fondement religieux de la banque islamique
Section1 : Fondement de la notion de banque en
général p24
Section 2: Bases théologiques de la banque islamique
.p25
§1 : Le Coran
§2 : La Sunna
§3 : La Shari'a
§4 : Riba et Thésaurisation
Chapitre2 : Banque islamique et logique commerciale
Section1 : Les caractéristiques de la banque islamique
p30
§1 : Identification d'un établissement bancaire
§2 : Forme juridique d'un établissement bancaire
islamique
§3 : Règlementation juridique des
établissements bancaires islamiques
Section2 : Les principes directeurs de la banque islamique
p36
§1 : Pas de Riba
§2 : Pas de Gharar ni de maysir
§3 : Pas de haram
§4 : Obligation de partage des pertes et des profits
§5 : Principe d'adossement à un actif tangible
Section3 : Les produits de la banque islamique p38
§1 : Le Mouchâraka
§2 : Le Moudhâraba ou l'association dans le profit
§3 : Le Mourâbaha ou l'achat-vente avec marge
bénéficiaire
§4 : Ijara
§5 : Analyses comparatives des produits banques
islamiques VS banques conventionnelles Section4 : De la transposabilité
du système bancaire islamique au monde ..p44
§1 : Du point de vue historique
§2 : Du point de vue socio-économique
§3 : Le contexte juridique
§4 : Le contexte politique
Conclusion p50
Bibliographie
Annexes :
1' Tableau 1 : Comité de la Shari'a
1' Tableau 2 : Moudhâraba
i' Tableau 3 : Comparaison Mourâbaha et crédit
à intérêt classique 1' Tableau 4: Comparaison Leasing
1' Tableau 5 : Annexe accord de Bâle II
1' Tableau6 : Fiche synthétique accord de Bâle II