Les enjeux de la transmission dans la prise en charge de l'enfant en CMP: la construction de sens( Télécharger le fichier original )par Camille PATRY Université Paris Descartes, Institut Henri Piéron - Master 2 pro psychopathologie et psychologie clinique 2010 |
2/ La transmission du clinicien à la famille et la construction de sensIl me parait utile d'approfondir ce qui se joue à travers ce lien si fort entre l'enfant et ses parents, et les aspects dysfonctionnels qu'il peut revêtir, notamment lorsque l'on considère celui-ci comme une interaction entre plusieurs fonctionnements psychiques, chacun tributaire de ses propres mécanismes inconscients, fantasmes et angoisses. A/ Les interventions du psychologue en consultations parents-enfants :Je pars du principe que la consultation parent-enfant va permettre que se transpose la dynamique familiale sur l'espace thérapeutique en y incluant le clinicien. Celui-ci va alors pouvoir observer les éléments inconscients sous-jacents aux échanges qui s'opèrent dans la réalité externe de la consultation et les répercussions que cela sous-entend sur la scène psychique de chacun. Manzano, Palacio-Espasa & Zilkha (1999), lorsqu'ils évoquent l'impact des fantasmes parentaux sur l'enfant, nous disent que « les fantasmes et rôles imaginaires inconscients déterminent non seulement la représentation de soi (self) des parents mais également les conduites qu'ils ont avec leurs enfants dans le sens général du terme : attitudes et comportements verbaux et infraverbaux, expressions d'affect, omissions, etc. »10(*). En ce sens, on comprend que l'enfant réagisse à ces « pressions fantasmatiques » selon ses propres motivations, et notamment son besoin d'attachement. Dès lors, le consultant, par son interprétation, devrait pouvoir intervenir dans l'espace de « reprise transformatrice » (selon l'expression de Kaës) de la transmission intersubjective. Toutefois, ses interventions doivent être pensées et mesurées ; elles s'inscrivent dans certaines conditions afin de ne pas effracter l'appareil à penser des patients et peuvent prendre plusieurs formes. Tout d'abord, le clinicien doit avoir construit un cadre dans lequel puissent se déposer les angoisses et fantasmes de chacun, dans un espace « sécure ». Poussin (1994) compare la tâche du psychologue à la fonction alpha maternelle que décrit Bion. Il considère par là que le clinicien doit recouvrir une fonction contenante pour permettre au sujet de passer des éprouvés à la représentation. Dans ces conditions, l'interprétation peut réaliser une véritable transformation. Manzano, Palacio-Espasa & Zilkha (1999) expliquent ce processus : « le thérapeute modifie la partie du patient qui a été déposée en lui par identification projective grâce à son « insight » et à l'activité mentale qui l'accompagne »11(*). Néanmoins, il est essentiel de tenir compte des écarts qu'il y a entre les références théoriques du clinicien et les théories personnelles et familiales afin que chacun puisse se reconnaitre dans les représentations qui apparaissent. Si l'on se resitue dans le cadre des consultations parents-enfants, j'estime qu'il est indispensable d'user de représentations et d'un langage qui soit adapté à l'enfant et aux parents. En effet, si nous envisageons les processus de transmissions subordonnés aux interventions du psychologue, il faut que l'acte de transmettre de celui-ci englobe le désir de voir l'autre s'approprier ce qu'il lui apporte.
Cas clinique 3 : Alexis, âgé de 3ans, vient en consultation avec sa mère en raison d'angoisses de séparation entrainant l'impossibilité de mettre en crèche. La maman d'Alexis se plaint de son caractère « dur », nous expliquant qu'il est opposant et agressif à la maison, qu'il se met très souvent en colère, casse des objets volontairement... Elle se montre dépassée par les comportements de son fils ; Elle ne témoigne que des aspects difficiles et négatifs de ses comportements. Au fil de la consultation, elle ajoute qu'Alexis ressemble beaucoup à son père physiquement alors que son ainé ressemble davantage à elle-même. Elle nous a également expliqué qu'elle avait porté plainte contre Monsieur suite à des violences conjugales qui ont eu un effet traumatogènes. La consultante perçoit que pendant que nous nous entretenons, Alexis s'arrête parfois dans ses débordements et est réactif à ce qui se dit entre elle et sa mère. L'une de ses interventions consiste alors à faire remarquer à madame que son fils peut être à l'écoute de ce qui se passe et que ses réactions n'ont pas rien avoir avec ce qui se passe dans son environnement. Elle signifie alors qu'Alexis n'est pas que dans une destructivité et que ce petit garçon, bien qu'il soit « dur », reste un petit garçon qui a besoin d'être rassuré et qui est sensible à ce qu'il se passe en ce moment. Il me semble que dans cette situation, le lien mère-enfant est teinté du prisme fantasmatique de la mère. Son enfant, par sa ressemblance physique au père sur laquelle l'entourage insiste beaucoup apparemment, lui rappelle peut-être trop la violence angoissante de celui-ci. Par ailleurs, Alexis nous a montré plusieurs fois en consultation ses interrogations sur le lien de filiation qui l'unit à son père et son besoin d'identification à la figure paternelle. Je présume que, par son intervention, la clinicienne a pu mettre en sens ce que l'enfant exprimait par son comportement et peut éventuellement modifier la perception que la mère a de lui, et introduire un ajustement du lien mère-enfant en en relevant les aspects cachés. En effet, « ce que l'enfant fait et dit, ce qui lui est interprété constituent une surprise pour la mère et peuvent déclencher en elle un travail psychologique »12(*). Qui plus est, souligner le vécu de l'enfant amène un soulagement chez l'enfant qui se sent compris et chez la mère qui comprend mieux son enfant. Ceci pourra ouvrir la porte à de nouvelles associations qui permettront peut-être de relancer la narrativité familiale dont parait avoir besoin Alexis.
* 10 Manzano, J., Palacio-Espasa, F., Zilkha, N. (1999). Les scénarios narcissiques de la parentalité. Paris, PUF. p. 7. * 11 Ibid. p. 26. * 12 Chiland, C. Op. Cit. p. 87. |
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