Mémoire Professionnel présenté par Camille
PATRY
En vue de l'obtention du Master 2 Pro de Psychologie
Clinique
N° étudiant : 20909629
Les enjeux de la transmission dans la prise en
charge de l'enfant en CMP : la construction de sens
Dirigé par Mlle Sarah VIBERT, Maitre De
Conférence à l'Université Paris V
Co-encadré par Mme Marion PERUCHON, Maitre De
Conférence à l'Université Paris V
.
Université Paris Descartes - Centre Henri
Piéron
Département de Psychologie Clinique et
Psychopathologie
Année 2009-2010
SOMMAIRE
1ère Partie : Le cadre du
stage
Introduction
2
I/ Présentation de l'institution
2
1) Le CMP au sein du secteur de psychiatrie
infanto-juvénile 2
2) Fonctionnement et missions du CMP
3
II/ Le rôle du psychologue
5
1) Les activités du psychologue
5
2) Le cadre réglementaire d'intervention
6
III/ La place du stagiaire psychologue
7
Problématique
9
2nde partie : Les enjeux de la transmission
dans la prise en charge de l'enfant en CMP : la construction du
sens
I/ La transmission au sein de l'espace
thérapeutique
12
1/ Le lien parents-enfant : les enjeux de la filiation et
de la différenciation 12
2/ La transmission du clinicien à la famille et la
construction de sens 17
A/ Les interventions du psychologue en consultations
parents-enfants 17
B/ La transmission du « savoir »
professionnel : l'exemple des bilans psychologiques 19
II/ La transmission au sein de l'équipe et la
prise en charge en institution 23
III/ La constellation autour de l'enfant : le
travail de liaison du consultant 28
1/ L'appréhension clinique de
l'enfant dans les équipes éducatives
29
2/ Le décryptage des enjeux relationnels
30
3/ Réflexion personnelle sur la transmission informative
entre professionnels 32
Discussion
34
Conclusion : mon expérience de stagiaire
37
· Références
bibliographiques
· Index onomastique
· Glossaire des sigles
1ere Partie :
Le cadre du stage
Introduction
Ce stage se déroule au sein d'un Centre
Médico-Psychologique pour enfants qui accueille une population
âgée de 0 à 18 ans. Suivant les considérations de
Winnicott selon lesquelles « un bébé tout seul
ça n'existe pas », on comprend alors que le
développement de l'enfant est toujours tributaire des qualités du
lien de l'enfant à son entourage. Les soins s'effectuent donc
auprès des enfants, mais intègrent aussi la plupart du temps les
parents.
Ayant effectué mes stages de Master 1 auprès
d'une population adulte, j'ai voulu approfondir mes connaissances dans le
milieu de la clinique infantile. Je désirais appréhender la
dynamique spécifique de l'entretien clinique de l'enfant, ainsi que les
différentes modalités de prise en charge thérapeutique et
d'interventions auprès de l'enfant et de sa famille.
Dans cette première partie, je présente
l'institution dans laquelle j'interviens, son fonctionnement et ses missions.
Dans un second temps, j'évoquerais le rôle du psychologue au sein
de la structure, puis la place du stagiaire-psychologue.
I/ Présentation de l'institution
1) Le CMP au sein du secteur de psychiatrie
infanto-juvénile
Le CMP enfants de Châtillon dépend de
l'Etablissement Public de Santé Mentale Erasme qui ouvrit ses portes en
1982 et doit son nom au célèbre auteur de l'éloge de
la folie. La psychiatrie infanto-juvénile est répartie selon
trois secteurs, et comprend 18 CMP, 5 hôpitaux de jour et 5 CATTP. Au
sein de l'intersecteur auquel est rattaché le CMP de Châtillon,
plusieurs structures complètent la mission de soins proposée, et
ce afin de pouvoir adapter la prise en charge au plus près des besoins
de la population. Ainsi, Une Unité Mobile d'Urgence et de Psychiatrie
Périnatale en Maternité, crée en 2007, est disposée
à intervenir à la demande des professionnels des
maternités. L'aubier, Centre de Soins et de Recherche en
Psychopathologie Périnatale qui a ouvert ses portes en 1991, s'adresse
aux parents qui rencontrent des difficultés dans les relations avec leur
bébé et les soutient également pendant la grossesse.
Depuis 2004, un Centre de Soins en Psychopathologie pour les 15-25 ans propose
une prise en charge ambulatoire adaptée à une population
adolescente et jeune adulte. De plus, une unité d'hospitalisation
spécialisée pour les 12-18 ans est en cours de création et
devrait ouvrir ses portes d'ici juin 2010.
Du fait des prises en charges spécifiques, le CMP
reçoit des enfants qui ont entre 6 et 10 ans pour la plupart, et
secondairement les enfants entre 11 et 15 ans. Il accueille 300 à 400
enfants par an environ. L'équipe pluridisciplinaire intervient
auprès des enfants et des parents préoccupés par les
difficultés psychologiques de ceux-ci dans le domaine du langage, du
sommeil, du comportement ou de la scolarité. Elle prend en charge les
pathologies qualifiées de « sévères »
(organisations psychotiques, autistiques et déficitaires, pathologies
limites), les organisations névrotiques, les pathologies
réactionnelles (dont le diagnostic est souvent provisoire) et les
diagnostics symptomatiques. Le CMP héberge également
l'association SUROYA, qui propose des consultations ethnopsychiatriques
à visée thérapeutique pour les familles migrantes en
grande difficulté, et a élargi son action aux situations
multi-partenariales bloquées.
D'autre part, le manque de structures proposant une prise en
charge intensive astreint le CMP à ajuster ses interventions face
à une population qui aurait dû bénéficier de
celle-ci. On ne trouve, au sein du secteur, ni internat thérapeutique,
ni hôpital de jour, et aucun CATTP. Ainsi, les problèmes
d'orientation vers des soins intensifs donnent lieu à des montages au
sein desquels la prise en charge s'organise autour d'un consultant
référent et à partir de la mise en commun des ressources
de chaque établissement médico-social du sud 92, par la mise en
place de groupes thérapeutiques notamment. Actuellement, des rencontres
entre les institutions de l'intersecteur sont organisées dans le but de
promouvoir une réflexion commune sur les différents groupes
thérapeutiques mis en place, qui sera inclut dans le projet de service
et devra ouvrir sur des perspectives de soins tenant compte de cette
particularité. De plus, les milieux scolaires sont sollicités
dans le cadre des Projets Individuels d'Intégration Scolaire et les CMP
proposent un suivi psychothérapeutique en ambulatoire renforcé.
2) Fonctionnement et missions du
CMP
L'équipe du CMP comprend différents
professionnels, et ceci afin de pouvoir offrir une prise en charge la plus
complète. Elle se compose de deux pédo-psychiatres, dont l'un est
médecin responsable du CMP, de deux psychologues, deux orthophonistes,
une psychomotricienne, une assistante sociale et une secrétaire
médicale. La plupart des parents consultent d'eux-mêmes.
Néanmoins, les demandes émanent parfois du milieu scolaire, des
centres de Protection Maternelle et Infantiles ou des praticiens qui exercent
en libéral.
C'est à ce niveau que l'on mesure d'autant plus
l'importance de l'entretien d'accueil proposé pour chaque demande de
prise en charge. Celui-ci a pour objectif non seulement d'évaluer la
situation de l'enfant et de sa famille, mais également d'accompagner les
parents dans la démarche de consultation, d'amorcer une relation de
confiance et de faire émerger une demande propre. Il me semble toutefois
que ces deux derniers points sont à travailler tout au long du suivi. Ce
travail d'accueil est réalisé par deux intervenants, si possible
ne risquant pas d'être impliqués dans les soins ultérieurs
pour l'enfant, et le(s) parent(s) est invité à venir sans
l'enfant. En effet, il s'agit d'un entretien à visée plus
exploratrice que clinique et la dimension d'évaluation qu'il implique
donne lieu à une orientation, à partir de laquelle commencera le
véritable travail thérapeutique. Cet entretien entre aussi dans
les dispositifs mis en place face à l'acuité de la demande qui
dépasse les capacités d'accueil de l'institution. De cette
façon, les parents et/ou les partenaires sont assurés que leur
demande est entendue, et les situations les plus urgentes sont prises en
charges rapidement.
Selon le projet de soins, l'enfant et sa famille peuvent
bénéficier de divers cadres d'intervention. L'évaluation
des troubles de l'enfant peut être affinée par des consultations,
des bilans psychologiques, psychomoteurs ou orthophoniques.
Les soins dispensés comprennent des suivis individuels
et familiaux, tels que des consultations thérapeutiques parents et/ou
enfants assurées par un psychiatre ou un psychologue, et l'enfant peut
bénéficier d'un suivi psychothérapeutique d'orientation
analytique, de médiation corporelle (assuré par la
psychomotricienne), et d'un travail sur les processus de langage et de
communication (assuré par une orthophoniste).
Les enfants pourront aussi intégrer des groupes
thérapeutiques. Un groupe travaille la question des limites à
travers la situation de jeux ; il est conduit par la psychomotricienne et
une orthophoniste sensibilisée à l'approche analytique. Pour les
pré-adolescents, il est proposé un psychodrame de groupe,
animé par un pédo-psychiatre et une psychologue. Qui plus est,
un groupe transitionnel pour les 3-4 ans devrait se mettre en place au cours de
l'année 2010, et oeuvrera au niveau des processus de
séparation-individuation.
L'activité du CMP est coordonnée par le
médecin-responsable. C'est au cours de la réunion de
synthèse hebdomadaire que l'ensemble des professionnels se réunit
afin partager les informations sur différentes situations, de
présenter les nouvelles demandes ainsi que de trouver la manière
d'y répondre au mieux, et d'élaborer entre les différents
intervenants sur des situations problématiques. Les professionnels qui
collaborent sur une même situation ont la possibilité
d'approfondir leurs réflexions communes au cours d'un temps
aménagé et appelé mini-synthèse. Ce temps de
partage est indispensable à la cohérence de la prise en charge
pour un patient, mais aussi au maintien d'une identité et d'un
fonctionnement clair au sein de la structure. En effet, ces points me semblent
essentiel pour que l'institution puisse adopter une fonction contenante et
pare-excitatrice face à des familles généralement
débordées par les difficultés qu'elles traversent.
Par ailleurs, il est important que le projet de soins
concernant l'enfant soit coordonné dans son ensemble. L'enfant peut
bénéficier d'interventions ou de soins extérieurs au CMP,
de par le travail de réseau entre les différentes structures,
mais aussi de par le rôle de l'école qui ne se limite pas aux
apprentissages mais tient une place centrale dans la vie et le
développement de l'enfant. Le CMP doit donc nécessairement
s'ouvrir aux institutions qui peuvent le relayer, et c'est l'assistante sociale
qui a pour fonction de maintenir le lien entre les différentes
institutions. Elle se déplace lors des synthèses
extérieures qui concernent un enfant pris en charge au CMP et pourra
transmettre ces informations au consultant ou à l'équipe lors des
réunions de synthèse.
II/ Le rôle du psychologue
1) Les activités du
psychologue
Les consultations sont l'occasion de resituer la place du
symptôme dans la dynamique familiale. Elles sont par là un lieu
propice à la mise en mots de ce qui ne peut se dire dans le quotidien
familial. Il s'agit, d'après moi, d'un partage dans lequel le consultant
utilise ses savoirs et son analyse de la situation pour ouvrir sur une
élaboration commune dans le but de mettre du sens sur les
difficultés rencontrées par la famille.
Généralement, le consultant commence par recevoir l'enfant seul
lorsque c'est possible (il est nécessaire que les résistances ne
soient pas trop fortes, du côté de l'enfant comme du parent), afin
que l'enfant puisse faire part de ce qu'il ressent de sa situation en ce
moment, ou d'évènements, de ressentis dont il n'ose parler
à ses parents, et ce dans le but de pouvoir lui proposer un travail de
médiation notamment. Le consultant peut ainsi saisir ce que l'enfant a
vécu d'important et qui passe souvent inaperçu de ses
parents ; il est alors question de s'intéresser à la
subjectivité de l'enfant plus qu'aux faits objectifs. Ensuite, le(s)
parent(s) sont intégrés dans la consultation, ce qui permet
l'observation directe des interactions entre les différents membres de
la famille et de travailler sur les représentations intra-familiales.
Enfin, il arrive que le consultant reçoive le parent seul, notamment
lorsque celui-ci éprouve le besoin de soutien dans son rôle
éducatif (guidance parentale) ou dans son vécu propre des
troubles de son enfant et leurs influences sur sa vie personnelle. C'est le
travail de l'ensemble de ces dimensions qui accordent une valeur
thérapeutique à ces consultations. Il s'agira alors pour le
clinicien de faire preuve de souplesse en s'identifiant à la fois
à l'enfant et au(x) parent(s).
Lorsque cela s'avère possible et que le consultant
perçoit que cela peut être profitable à l'enfant, celui-ci
peut bénéficier d'un travail psychothérapeutique. Il est
essentiel que le petit patient comprenne que l'espace
psychothérapeutique est un lieu qui lui appartient à lui seul,
indépendamment de ses parents. Il doit pouvoir être assuré
du caractère confidentiel que revêtent ses dires, et y trouver une
écoute bienveillante qui se dégage de l'asymétrie
habituelle des relations entre adulte et enfant. Il est donc indispensable que
le psychothérapeute soit une autre personne que le consultant afin que
soit préservé cette intimité.
De plus, le consultant est le garant, et le coordinateur du
projet de soins. De ce fait, il pourra, d'après les repérages
qu'il fait de la situation de l'enfant, adresser l'enfant pour des prises en
charges complémentaires. Selon la nécessité, il peut faire
des indications de bilans, de suivi orthophonique, psychomoteur etc. mais aussi
orienter vers des praticiens extérieurs au CMP avec qui il devra
travailler en collaboration.
2) Le cadre réglementaire
d'intervention
Toute prise en charge par le CMP donne lieu à la
constitution d'un dossier-patient. Ce dossier permet à l'administration
de l'EPS d'être informé de la prise en charge de chaque patient
qui se trouve enregistrée sur le logiciel Lisia. Il retrace les
éléments essentiels à la prise en charge du patient et
à son suivi : identité, soins appliqués, diagnostics
codés selon les classifications de la CIM 10 et de la CFTMEA. Le
psychologue se doit donc de réviser ces informations
régulièrement. De plus, Le CMP possède un dossier papier
pour chaque patient. Ce dossier doit être mis à jour par les
soignants ; il indique les modalités de prise en charge (mode,
fréquence) et donne un compte-rendu de l'évolution des soins et
des difficultés rencontrées. Dans le cadre des
réglementations communes à l'ensemble des professionnels, les
écrits doivent être lisibles, indélébiles,
signés, datés et permettre l'identification du patient. Le
psychologue quant à lui, s'en remet au code de déontologie des
psychologues. Il se doit ainsi de communiquer les informations utiles pour la
prise en charge partagée entre les différents professionnels.
Toutefois, il reste le seul responsable de ces écrits et s'oblige
à les rédiger de façon adaptée à chaque
interlocuteur en prenant soin de préserver le secret professionnel. Il
me semble que le psychologue doit faire preuve d'une véritable
réflexion quant à la rédaction de ces écrits. En
effet, dans le cadre de la loi du 04 mars 2002, le patient, ou dans notre cas
les tuteurs légaux de celui-ci, ont un droit d'accès à
leur dossier médical en suivant une procédure spécifique
à l'hôpital. Il donc nécessaire de garder à l'esprit
cette possibilité et de rédiger nos notes en mesurant l'impact
qu'elles peuvent avoir si le patient y a accès. Par conséquent,
le psychologue doit s'assurer qu'elles ne puissent être
préjudiciables au patient. A cet effet, le dossier-patient contient une
enveloppe distincte qui ne sera pas transmise au patient lors de la remise de
son dossier. Elle comprend les informations obtenues par des tiers,
excepté les parents de mineurs. Le psychologue peut également
user du droit à rédiger des notes personnelles qui ne seront pas
incluses dans le dossier et ne seront de ce fait pas accessibles. C'est
à mon sens ici que le psychologue peut inscrire ses élaborations
personnelles et ses hypothèses concernant le fonctionnement psychique du
sujet. Il les gardera pour son usage propre et se doit de les détruire
en fin de prise en charge. Néanmoins, il devra là aussi faire
preuve d'une certaine réserve puisque ces notes peuvent quand même
être saisies lors de procédures judiciaires.
Par ailleurs, chaque professionnel doit à
présent justifier de ses actes auprès de l'administration de
l'EPS. En conséquence, il inscrit ceux-ci sur son agenda professionnel
en respectant une codification établie, et la secrétaire les
saisit sur un logiciel interne à l'EPS. Cette démarche aboutit
notamment à la distribution budgétaire de l'établissement.
Elle pose cependant la question de la valeur de « l'acte »
dans le soin psychique et des difficultés à rendre compte des
spécificités de notre profession.
III/ La place du stagiaire-psychologue
L'une des conditions lors de mon recrutement pour ce stage
était ma présence lors réunions de synthèse. Comme
je l'ai déjà mentionné, celles-ci garantissent la
cohérence du cadre d'intervention du CMP. J'ai pu apprécier la
dimension focale du travail pluridisciplinaire. Ma présence est donc
nécessaire afin que je puisse penser ma propre expérience de
stage en cohérence avec le travail d'équipe qui s'inscrit dans ce
cadre institutionnel. C'est également l'occasion d'être
informée des prises en charge en cours et de m'insérer dans
celles-ci auprès des différents professionnels lorsque c'est
possible. Je dispose ainsi d'une certaine autonomie par rapport ma
référente, bien qu'elle me supervise dans mes élaborations
et mes actes, ce dont j'éprouve le besoin. D'autre part, j'ai la chance
d'effectuer ce stage dans une structure habituée à recevoir des
stagiaires ce qui, je pense, a t facilité mon intégration au sein
de l'équipe.
J'ai la possibilité d'assister à des
consultations thérapeutiques menées par différents
consultants. Je peux donc observer les façons de mener un entretien
variant selon le « style » propre à chacun. J'ai
saisi l'importance d'être à l'aise dans sa pratique, ce qui ne va
pas sans un regard critique sur cette manière d'être afin d'en
dégager les effets potentiels. De même, il me parait
nécessaire de faire preuve de créativité pour favoriser
les conditions d'une réelle rencontre avec l'enfant et ses parents afin
que la consultation puisse être féconde. Il m'est parfois
demandé de rédiger les comptes-rendus d'entretien, ce qui me
permet de me pencher sur le travail de rédaction et la réflexion
auquel il donne lieu. Cela ouvre aussi sur un travail commun
d'élaboration entre ma référente et moi.
J'ai également eu l'occasion de mener des entretiens
d'accueil en collaboration avec l'assistante sociale. A travers ceux-ci, j'ai
appréhendé la valeur de l'écoute lors de ce qui constitue
la première rencontre des parents avec le CMP. Il s'agit bien de les
accueillir dans un climat de bienveillance, et au-delà de la
visée prospective de cet entretien, de pouvoir présenter le cadre
d'intervention de l'institution à laquelle ils s'adressent et les soins
qu'elle propose.
Par ailleurs, je suis sollicitée pour réaliser
des bilans psychologiques auprès de certains enfants. Outre
l'application de mes enseignements sur les tests psychologiques que m'offre cet
exercice, cela me confronte seule à la pratique auprès de
l'enfant. Il s'agit donc d'une mise en situation professionnelle au travers de
laquelle je m'efforce d'adopter une véritable pratique réflexive
sur l'ensemble de la situation ; que ce soit quant aux conditions de la
demande, à ce qu'elle peut impliquer pour les parents et l'enfant, sur
ce qui se joue lors de la passation elle-même ou lors de l'entretien de
restitution.
Enfin, J'ai régulièrement assisté aux
consultations menées dans le cadre de l'association SUROYA. Etant
sensibilisée dans mon parcours universitaire à la psychologie
interculturelle, ces consultations me fournissent l'opportunité
d'approfondir cette approche. J'ai pu y saisir l'influence de la culture et de
la migration dans la psychopathologie, dans l'étiologie que la famille
lui donne et dans les modalités de prise en charge ; ainsi qu'une
appréhension idiosyncrasique du sujet. J'ai approché les
particularités des consultations menées avec un médiateur
culturel, les éclairages que cela pouvait apporter mais aussi les
écueils desquels il est nécessaire d'essayer de se
préserver. D'autre part, j'ai aussi assisté à des
concertations cliniques autour de situations dites
« bloquées ». Ce fut l'occasion d'aborder le travail
en réseau et les enjeux sous-jacents. Il s'agit principalement d'une
méthode d'éclaircissement sur le rôle de chaque institution
dans la situation et de réflexion sur la façon de trouver,
où de retrouver une complémentarité dans leurs
différentes fonctions. En effet, j'ai observé, entre autres, que
la plupart des situations dont nous traitions engageaient un faisceau
d'institutions telles que l'ASE, les structures sociales etc., et que des
difficultés à penser des perspectives communes
s'établissent souvent à l'image des familles concernées
qui apparaissent éclatées. Ces interventions m'ont
sensibilisé à la complexité de la clinique groupale, que
cela concerne les phénomènes inconscients de groupe, le
décryptage des enjeux relationnels sous-jacents à la situation
traitée, ou l'art de mener une consultation de groupe.
Problématique
A travers ce stage, j'ai l'occasion d'appréhender les
différentes dimensions de l'exercice du psychologue clinicien en CMP
pour enfants. En prime abord, cela me permet d'approcher les
spécificités de l'intervention auprès de l'enfant. Le
petit patient que nous rencontrons est un sujet en pleine évolution, et
ce à travers un processus de développement qui n'est pas
linéaire. Dès lors, les symptômes peuvent faire partie des
aléas du développement, et nécessitent une aide afin que
les difficultés puissent être dépassées. Outre la
souffrance qu'ils provoquent, il s'agit de faire au mieux afin qu'ils ne
mettent pas en péril le processus développemental dans son
ensemble.
Qui plus est, cette expérience me sensibilise à
la complexité de la prise en charge d'un sujet aux prises directes avec
son environnement. Comme l'énonce Houzel (2004), « la famille
est à la fois le lieu d'inscription de l'enfant dans une
généalogie et dans une filiation, inscription nécessaire
à la constitution de son identité et à son processus
d'humanisation et le lieu de confrontation aux trois différences
fondatrices (...) : la différence de soi et de l'autre, la
différence des sexes et la différence des
générations »1(*). Dès lors, le développement de l'enfant
dépend étroitement des qualités de son lien à
l'environnement, et en premier lieu à la famille. C'est par ce lien que
s'effectuent les transmissions qui font le lit de la construction psychique de
l'enfant. Qu'il soit dysfonctionnel et les transmissions seront
brouillées, amenant ou renforçant la souffrance de l'enfant. On
comprend ainsi, et c'est bien l'une des particularités du soin des
enfants, qu'il est impensable d'envisager la prise en charge sans y inclure la
famille.
A partir de ce constat, comment le clinicien peut-il se
positionner par rapport à la transmission afin de favoriser une mise en
liens créatrice de sens ? A travers la transmission, son rôle
ne serait-il pas de soutenir les liens entre les différents acteurs de
la vie de l'enfant en miroir à l'importance des liens familiaux pour
l'enfant ?
Avant tout, il me semble important de signifier le sens que
revêt le terme de transmission. Approfondissant la définition
commune de faire passer ce que l'on possède en la possession d'un autre,
Sassolas (2009) insiste sur l'attitude active de l'ensemble des sujets
impliqués dans ce processus. Il implique une véritable
appropriation de ce qui se transmet par le sujet récepteur
« cocréateur de ce qui lui est transmis », à
hauteur des processus engagés dans l'identification. A travers les
transmissions verbales, corporelles, émotionnelles ou autres,
Grange-Ségéral (2009) affirme que « la transmission
s'effectue par des opérations psychiques en grande partie inconscientes
dans un double mouvement des données parentales sur les enfants et des
données en provenance des enfants sur les parents »2(*).
Alors, l'une des fonctions du clinicien consistera à
analyser le lien parents-enfant afin qu'il puisse se modifier, et ce en partie
à travers la transmission de sa compréhension de la dynamique
familiale.
Néanmoins, comme pour tout patient, nous devons le
secret professionnel à l'enfant ; et c'est parce qu'il nous fait
confiance qu'il pourra externaliser ce qu'il ressent, que cela soit en mots, ou
à travers ses comportements ou ses jeux. Ainsi, quels sont les enjeux de
l'appréciation de ce qui doit être communiqué ou non entre
les parents et l'enfant ?
Nous avons remarqué préalablement que la prise
en charge au sein du CMP fait intervenir plusieurs professionnels. Il s'agit
donc de concevoir le rôle du psychologue au sein d'une équipe
pluridisciplinaire, en plus de sa fonction thérapeutique pour l'enfant.
Or, l'exercice de ces différentes fonctions se doit bien
d'être cohérent, ce qui m'amène à me questionner sur
les aspects de cette prise en charge pluri-focale, mais aussi l'impact de la
transmission des informations avec l'équipe, toujours dans une
perspective de « mise en sens ».
Enfin, il est admis que le 2nd lieu d'inscription
pour l'enfant, après la famille, est l'école. C'est d'ailleurs
souvent par le biais de celle-ci que la demande de soin s'effectue. Ce fait
témoigne bien de ce que la souffrance de l'enfant s'exprime aussi
à l'école, et qu'elle y est prise en compte. De même, quand
ce n'est pas l'école, cela peut être toute autre institution
recevant l'enfant, lieu qui se trouve parfois dépourvu face au
fonctionnement de l'enfant et/ou de la famille. Ceci est d'autant plus
d'actualité depuis l'application de la loi du 11 février 2005
favorisant l'intégration des élèves handicapés en
milieu scolaire ordinaire, mais laissant parfois les enseignants
démunis. En conséquence, dans quelles mesures le clinicien,
mandaté par le CMP, peut-il restituer sa compréhension de la
personnalité de l'enfant auprès des autres institutions et quelle
en est la portée pour le bien-être de l'enfant ?
2nde Partie :
Les enjeux de la transmission dans la prise en charge de
l'enfant en CMP : la construction du sens
I/ La transmission au sein de l'espace
thérapeutique
Qu'on se le dise, le CMP pour enfants a pour mission le soin
psychique des enfants. Les professionnels doivent donc placer l'enfant au
centre de leurs réflexions et de leurs interventions. Toutefois, comme
je l'ai déjà mentionné, l'adhésion des parents
à la prise en charge est essentielle pour qu'un processus de changement
puisse s'amorcer ; et il est difficile de penser la souffrance de l'enfant
en dehors d'une dialectique dynamique avec la souffrance des parents, quelle
soit en partie cause ou conséquence du mal-être de notre patient.
Il s'agit alors de ne pas tomber dans l'écueil inverse qui consisterait
à placer les parents au centre du dispositif de soin, ce qui pourrait
prendre la valeur de conduites d'évitement de l'enfant malade selon
Lustin (2004) [Le fait que le CMP adulte soit situé juste en face du CMP
enfant ne renforce-t-il pas cette signification ?]. C'est sur la base de
ces réflexions que je me suis questionnée sur la place de chacun
dans le cadre de la consultation thérapeutique.
1/ Le lien parents-enfant : les enjeux de la
filiation et de la différenciation
Réfléchissant sur les consultations
thérapeutiques en ambulatoire, Matot (2007) nous dit que « le
patient est, en fait, presque toujours l'enfant et sa famille, ce qui implique
(...) que la construction de l'espace thérapeutique doit tenir compte de
la nécessité d'accueillir la souffrance de l'enfant et celle de
ses parents, tout en préservant la possibilité d'une
différenciation des espaces psychiques des parents et de
l'enfant »3(*).
Comment le cadre instauré par le clinicien peut-il appuyer cet
« entre-deux » entre le travail sur les liens familiaux et
le maintien des espaces psychiques subjectifs ?
En effet, « tout sujet se trouve pris par essence
dans un enchevêtrement d'intérêts et de pactes inconscients
auxquels il adhère et participe à son insu ; la reprise de
cette continuité préexistante détermine et conditionne ses
possibilités d'existence, son narcissisme et ses modalités de
structuration psychique (...) C'est pourquoi, en raison de cette
nécessité de faire corps avec ce qui nous précède
et nous soutient, se transmettront aussi des tendances à réduire
les différences et les oppositions entre les générations,
les sexes, les êtres dans une « mêmeté »
indifférenciée»4(*). Dans ce contexte, la place donnée à
l'enfant dans l'espace thérapeutique est précieuse pour
réamorcer ce travail de différenciation au sein de la famille.
C'est en partie par là que le secret professionnel
vient prendre toute sa valeur en plus du respect que nous devons à
l'enfant. Selon Moi, cela nécessite une réflexion constante
puisqu'il me semble qu'instinctivement, nous, professionnels, avons du mal
à considérer l'enfant comme sujet à part entière et
avons tendance à moins y faire attention que lorsque nous travaillons
avec des adultes. Il faut pouvoir s'identifier à l'enfant, se resituer
à son niveau, avoir conscience de ce qui constitue son quotidien, et
donc faire appel à l'infantile en nous. En effet, Chiland (1983)
rappelle que « l'évènement n'existe pas à
l'état brut. Il est ce que chacun en fait et supporte d'en dire (...).
L'évènement manifeste peut avoir été sans
importance réelle et la source du traumatisme avoir été
inaperçue de l'entourage. La vérité objective importe
moins pour nous que la vérité subjective »5(*). C'est ainsi qu'un
événement vécu par l'enfant peut paraitre anodin aux yeux
des adultes, qui plus est de ses parents, et avoir une forte
répercussion sur le psychisme de l'enfant qui lui accorde une grande
importance. Les parents, projetant leur mode de pensée sur l'enfant,
auront tendance à ne pas prendre la mesure de l'impact de
l'évènement sur leur enfant, voir à minimiser celui-ci. Le
rôle du psychologue peut alors être de partager le récit de
cette expérience avec l'enfant en lui restituant toute sa valeur
affective.
Cas clinique 1: Magalie est
une fillette de 11 ans, suivie au CMP depuis des années en raison de son
développement dysharmonique. La consultante la reçoit
régulièrement avec sa maman avec qui elle vit seule. La relation
est assez fusionnelle et difficile entre elles deux ; Madame n'a pas
refait sa vie et il manque un peu d'espace entre elle et sa fille. Lors de
l'une des consultations mère-fille à laquelle j'assiste, Magalie
évoque vaguement un évènement qui s'est
déroulé au collège et qui l'a beaucoup touché.
Madame montre son étonnement, et lorsque sa fille replace
l'évènement qui est en faite connu de sa maman, celle-ci
s'exclame : « oh, c'est juste ça ! » avec
un sourire en coin pendant que le visage de sa fille exprime de la tristesse.
Magalie exprime le souhait de parler seule avec la consultante, ce qu'elle
accepte. Pendant ce temps, nous sortons sa mère et moi en salle
d'attente ; madame me confie, toujours en souriant, que ce n'est rien et
me raconte alors ce qu'il s'est passé, à l'instar de ce que sa
fille fait au même moment avec la consultante. Il me parait que
l'épisode tel que le décrit madame d'une manière
banalisée, peut prendre une signification singulière dans les
rouages des troubles de Magalie. La consultante nous fait signe de revenir afin
que nous puissions terminer la consultation. Sans revenir sur l'exposé
que Magalie lui a fait de son vécu, elle mentionne quand même les
questions que cela a pu soulever chez la fillette.
Je pense qu'en accordant de l'importance à ce que
pouvait ressentir l'enfant et en faisant sortir la mère, la clinicienne,
intervenant sur le cadre de la consultation, a pu donner sens à la
subjectivité de la petite patiente. De plus, en respectant le secret de
ce qui a était déposé dans leur tête à
tête, elle a marqué la différenciation des espaces
psychiques de la mère et de la fille, ce que madame semble avoir du mal
à penser.
Frisch-Desmarez et De Buck (2007) insistent sur l'accord entre
l'enfant et le clinicien de ce qui pourra être communiqué aux
parents : « certains éléments livrés par
l'enfant sont parfois essentiels à la poursuite du traitement : il
peut être discuté avec l'enfant de l'opportunité d'en
parler avec ses parents ou de l'aider, dans un second temps d'entretien,
à leur en parler lui-même »6(*). Effectivement, la
différenciation des espaces psychiques doit se faire en tenant compte de
l'importance des liens familiaux pour l'enfant, que se jouent dans la
réalité pour lui. On ne peut nier la dépendance au milieu
familiale dans laquelle il est inscrit, et nous devons veiller à
conserver, voire à favoriser ces liens, et à ne pas se substituer
aux parents dans leurs fonctions parentales. Il n'est pas non plus de notre
ressort de servir de « prothèse
communicationnelle » entre l'enfant et les parents, mais bien de
soutenir les échanges au sein de la famille.
Cas clinique 2 : Dès
la première rencontre, Eric se saisit directement de l'espace
thérapeutique que le consultant et moi lui proposons ; il
l'investit d'ailleurs uniquement par la parole, ce qui nous étonne
compte tenu de son âge. Il est à noter qu'Eric a
déjà était suivi en CMP auparavant, ce qui explique
probablement son aisance à s'engager dans le soin. Il dévoile
rapidement son vécu affectif, parle de ses relations conflictuelles
à la maison et à l'école. Lorsque nous lui proposons de
discuter de certains aspects avec sa mère qui l'accompagne au CMP, Eric
acquiesce, mais exprime le souhait d'attendre en salle d'attente pendant que
nous nous entretenons avec sa maman. Il répètera cette
configuration durant plusieurs consultations. Après réflexion,
nous lui demandons de rester lorsque nous recevons sa mère.
Il me semble que ce jeune patient, manifestant par
ailleurs consciemment des désirs d'indépendance surprenants pour
son âge, nous ai attribué un rôle de médiateur (que
j'aurais presque envie de qualifier de « facteur ») entre
lui et sa mère tout en se maintenant lui dans une certaine
passivité. Son désir de prise de distance par rapport à sa
mère peut se comprendre ; Madame semble avoir eu du mal à
considérer Eric dans sa place d'enfant et parait avoir partagé
beaucoup de « choses » de l'intime de sa vie de femme avec
lui. Ainsi, je considère qu'il est important de travailler sur le lien
entre eux et les places respectives de chacun, sans pour autant répondre
à la demande de notre patient qui s'apparente à une distanciation
complète. Il s'agit alors de faire comprendre à Eric qu'il peut
déposer des choses qui lui appartiennent en consultation, mais qu'il est
aussi utile qu'il échange avec sa mère et que nous allons
travailler ensemble dans ce sens et avec son accord sur ce qui sera transmis.
A l'inverse, il arrive que le consultant reçoive le(s)
parent(s) seul(s) dans certaines situations. Comment se positionner avec
l'enfant dans cette configuration ? Que lui transmettre de ce qui se dit
afin qu'il ne pense pas que nous soyons de connivence entre adultes ?
Par exemple dans le cas de Magalie (cas clinique 1), la
consultante reçoit régulièrement la mère de
l'enfant seule. Je n'ai pu assister à ces entretiens, mais elle m'a
expliqué qu'il s'agissait principalement de soutenir Madame dans
l'exercice de sa parentalité. La Mère de Magalie peut alors
évoquer, plus librement qu'en présence de sa fille, son
vécu par rapport aux troubles de celle-ci, et leurs répercussions
sur sa vie de femme et de mère. Je pense alors que cela correspond en
aucun point à une psychothérapie, mais à un travail de
soutien, qui sera bénéfique indirectement pour Magalie.
Néanmoins, Vibert, Morel et Flaig (2007) admettent que « pour
soutenir et enrichir les capacités de pensée des parents, il est
nécessaire que cette dimension pédagogique, afin qu'elle reste
pertinente et recevable, s'articule à une écoute qui prenne en
compte à minima la dimension fantasmatique liée à la
singularité de l'histoire de chacun des parents »7(*) . Compte-tenu de cette
conjoncture, Il est important d'accueillir la parole des parents dans un espace
où ils pourront avoir confiance et eux aussi, être assurés
de la confidentialité de ce qui s'y déroule. Revenant à
Magalie, même si nous ne pouvons savoir directement ce qui se dit ou se
joue de ce dispositif entre la mère et la fille au foyer, il ne me
semble pas que cela interfère avec le travail de consultation entrepris
avec cette famille. Il faut dire que ce cadre est posé depuis un certain
temps, et que Magalie bénéficie de son côté d'une
psychothérapie avec un pédopsychiatre du CMP. Il est d'ailleurs
parfois nécessaire de lui rappeler qu'elle dispose de cet espace
personnel afin qu'elle comprenne que celui-ci et la visée des
consultations thérapeutiques ne sont pas superposables.
Pour ma part, il m'est arrivé de recevoir les parents
seuls dans le cadre d'entretiens d'accueil et de les revoir après avec
la consultante et leur(s) enfant(s). En effet, nous convions parfois le(s)
parent(s) pour un premier entretien sans la présence de leur(s) enfants,
notamment lorsque nous pensons que la demande ou la situation doit être
éclaircie avant d'entamer une prise en charge ; dans d'autres cas,
il s'agit d'une demande « urgente », dans le but de
clarifier l' « urgence ». A ce sujet, Chiland (1983)
affirme que « s'il nous est utile de connaitre l'histoire de la
famille et de l'enfant pour commencer de pressentir où se situe le
problème vécu par l'enfant, nous ne pouvons faire dans
l'entretien avec l'enfant qu'un usage limité ou aucun usage de ce que
les parents nous ont dit. Ce qui sera utile pour l'enfant, c'est ce qu'il
pourra nous communiquer de sa propre vie »8(*). Dans certains cas où le
parent se montre dépassé par ses angoisses, cet entretien est
l'occasion de l'encourager à communiquer avec son enfant ; car il
arrive que le parent espère que l'on puisse le remplacer
complètement dans ses fonctions parentales. Ainsi, un père est
venu nous voir pour son fils sans avoir pris l'initiative d'introduire
lui-même la discussion avec son fils, notamment concernant
l'hospitalisation de sa mère.
Qui plus est, il s'agit généralement de
contextes au sein desquelles les parents eux-mêmes sont dans une
situation complexe. Il convient donc d'offrir la possibilité aux parents
de parler en toute liberté de ce qu'ils vivent afin de pouvoir mieux
situer les enjeux de la souffrance de l'enfant que nous allons recevoir
ultérieurement.
Par exemple, l'assistante sociale et moi avons reçu en
entretien d'accueil une maman ayant demandé un rendez-vous pour ses deux
enfants en expliquant qu'ils ne voyaient plus leur père depuis plusieurs
mois et que celui-ci ne pouvait s'engager dans la prise en charge à
cause de mesures judiciaires. Nous avons donc ressenti le besoin d'investiguer
ce qui se cacher sous cette absence brutale du père. En recevant Madame
seule, elle a pu exposer la situation sous laquelle se cacher un vécu
traumatique pour elle en raison des violences conjugales qu'elle a subi et qui
ont donné lieu à un jugement à la cour d'assise pour
Monsieur. Il me semble alors que ce qui relève de l'intime du couple, et
dans ce cas, de violence effractante, tient une place importante dans la
dynamique familiale mais ne peut être transmis tel quel aux enfants.
Pourtant, il est nécessaire que le clinicien en ait connaissance afin de
pouvoir travailler sur un plus long terme ce côté de l'histoire
familiale.
Nombre d'auteurs dans la lignée des travaux de R.
Kaës (1993) soulignent actuellement que la transmission psychique
s'effectue aussi à partir du « négatif »,
c'est-à-dire que « c'est à partir de ce qui est non
seulement faille et manque que s'organise la transmission, mais à partir
de ce qui n'est pas advenu, ce qui est absence d'inscription et de
représentation, ou de ce qui, sur le mode de l'encryptage, est en stase
sans être inscrit »9(*).
C'est sur la base de ces réflexions que je me suis
interrogée sur les processus à l'oeuvre dans la transmission et
la fonction du clinicien face à eux.
2/ La transmission du clinicien à la famille et la
construction de sens
Il me parait utile d'approfondir ce qui se joue à
travers ce lien si fort entre l'enfant et ses parents, et les aspects
dysfonctionnels qu'il peut revêtir, notamment lorsque l'on
considère celui-ci comme une interaction entre plusieurs fonctionnements
psychiques, chacun tributaire de ses propres mécanismes inconscients,
fantasmes et angoisses.
A/ Les interventions du psychologue en consultations
parents-enfants :
Je pars du principe que la consultation parent-enfant va
permettre que se transpose la dynamique familiale sur l'espace
thérapeutique en y incluant le clinicien. Celui-ci va alors pouvoir
observer les éléments inconscients sous-jacents aux
échanges qui s'opèrent dans la réalité externe
de la consultation et les répercussions que cela sous-entend sur la
scène psychique de chacun. Manzano, Palacio-Espasa & Zilkha (1999),
lorsqu'ils évoquent l'impact des fantasmes parentaux sur l'enfant, nous
disent que « les fantasmes et rôles imaginaires inconscients
déterminent non seulement la représentation de soi (self) des
parents mais également les conduites qu'ils ont avec leurs enfants dans
le sens général du terme : attitudes et comportements
verbaux et infraverbaux, expressions d'affect, omissions,
etc. »10(*). En
ce sens, on comprend que l'enfant réagisse à ces
« pressions fantasmatiques » selon ses propres motivations,
et notamment son besoin d'attachement. Dès lors, le consultant, par son
interprétation, devrait pouvoir intervenir dans l'espace de
« reprise transformatrice » (selon l'expression de
Kaës) de la transmission intersubjective. Toutefois, ses interventions
doivent être pensées et mesurées ; elles s'inscrivent
dans certaines conditions afin de ne pas effracter l'appareil à penser
des patients et peuvent prendre plusieurs formes. Tout d'abord, le clinicien
doit avoir construit un cadre dans lequel puissent se déposer les
angoisses et fantasmes de chacun, dans un espace
« sécure ». Poussin (1994) compare la tâche du
psychologue à la fonction alpha maternelle que décrit Bion. Il
considère par là que le clinicien doit recouvrir une fonction
contenante pour permettre au sujet de passer des éprouvés
à la représentation. Dans ces conditions, l'interprétation
peut réaliser une véritable transformation. Manzano,
Palacio-Espasa & Zilkha (1999) expliquent ce processus :
« le thérapeute modifie la partie du patient qui a
été déposée en lui par identification projective
grâce à son « insight » et à
l'activité mentale qui l'accompagne »11(*). Néanmoins, il est
essentiel de tenir compte des écarts qu'il y a entre les
références théoriques du clinicien et les théories
personnelles et familiales afin que chacun puisse se reconnaitre dans les
représentations qui apparaissent. Si l'on se resitue dans le cadre des
consultations parents-enfants, j'estime qu'il est indispensable d'user de
représentations et d'un langage qui soit adapté à l'enfant
et aux parents. En effet, si nous envisageons les processus de transmissions
subordonnés aux interventions du psychologue, il faut que l'acte de
transmettre de celui-ci englobe le désir de voir l'autre s'approprier ce
qu'il lui apporte.
Cas clinique 3 : Alexis,
âgé de 3ans, vient en consultation avec sa mère en raison
d'angoisses de séparation entrainant l'impossibilité de mettre en
crèche. La maman d'Alexis se plaint de son caractère
« dur », nous expliquant qu'il est opposant et agressif
à la maison, qu'il se met très souvent en colère, casse
des objets volontairement... Elle se montre dépassée par les
comportements de son fils ; Elle ne témoigne que des aspects
difficiles et négatifs de ses comportements. Au fil de la consultation,
elle ajoute qu'Alexis ressemble beaucoup à son père physiquement
alors que son ainé ressemble davantage à elle-même. Elle
nous a également expliqué qu'elle avait porté plainte
contre Monsieur suite à des violences conjugales qui ont eu un effet
traumatogènes. La consultante perçoit que pendant que nous nous
entretenons, Alexis s'arrête parfois dans ses débordements et est
réactif à ce qui se dit entre elle et sa mère. L'une de
ses interventions consiste alors à faire remarquer à madame que
son fils peut être à l'écoute de ce qui se passe et que ses
réactions n'ont pas rien avoir avec ce qui se passe dans son
environnement. Elle signifie alors qu'Alexis n'est pas que dans une
destructivité et que ce petit garçon, bien qu'il soit
« dur », reste un petit garçon qui a besoin
d'être rassuré et qui est sensible à ce qu'il se passe en
ce moment.
Il me semble que dans cette situation, le lien
mère-enfant est teinté du prisme fantasmatique de la mère.
Son enfant, par sa ressemblance physique au père sur laquelle
l'entourage insiste beaucoup apparemment, lui rappelle peut-être trop la
violence angoissante de celui-ci. Par ailleurs, Alexis nous a montré
plusieurs fois en consultation ses interrogations sur le lien de filiation qui
l'unit à son père et son besoin d'identification à la
figure paternelle. Je présume que, par son intervention, la clinicienne
a pu mettre en sens ce que l'enfant exprimait par son comportement et peut
éventuellement modifier la perception que la mère a de lui, et
introduire un ajustement du lien mère-enfant en en relevant les aspects
cachés. En effet, « ce que l'enfant fait et dit, ce qui lui
est interprété constituent une surprise pour la mère et
peuvent déclencher en elle un travail psychologique »12(*). Qui plus est, souligner le
vécu de l'enfant amène un soulagement chez l'enfant qui se sent
compris et chez la mère qui comprend mieux son enfant. Ceci pourra
ouvrir la porte à de nouvelles associations qui permettront
peut-être de relancer la narrativité familiale dont parait avoir
besoin Alexis.
B/ La transmission du « savoir »
professionnel : l'exemple des bilans psychologiques :
La situation de l'examen psychologique m'apparait être
paradigmatique des effets que l'on peut attendre de la transmission de la
compréhension de la problématique sur l'élaboration des
sujets. Qui plus est, ayant réalisé plusieurs bilans
psychologiques durant mon stage, c'est une expérience que j'ai pu
pratiquer directement.
En fait, j'ai eu l'occasion de constater que certains parents
ne sont pas prêts à élaborer sur leurs propres perceptions
et les retentissements de celles-ci sur leurs enfants. Il me semble que les
tests peuvent alors constituer une médiation intéressante pour
l'ouverture des réflexions à condition que les transmissions
auxquelles ils donnent lieu soient raisonnées. Il y a des familles qui
ont du mal à entrevoir le sens d'un travail psychologique ; nous
sommes alors face à des entretiens très factuels au sein desquels
il est difficile de faire ressortir la dynamique. Ce sont
généralement des parents qui perçoivent la prise en charge
de leur enfant dans une visée éducative ou
rééducative. Dans ce contexte, le pragmatisme des bilans est
généralement bien accueilli et peut permettre de créer une
alliance qui a du mal à se déployer. Cependant, il ne s'agit pas
de répondre de manière plaquée à la demande (qui
s'apparente parfois même à une commande) des parents, mais
d'utiliser cet outil pour essayer de faire émerger un autre type de
demande, d'où l'importance de prendre le temps d'introduire une telle
démarche. Roman (2007) déclare qu'il convient de dégager
l'enfant de la place qui peut lui être assigné dans le discours
parental.
Cas clinique 4 : La
mère de Kilian prend rendez-vous au CMP dans l'optique précise
d'effectuer un bilan psychomoteur et de poursuivre un suivi orthophonique qui
se faisait jusqu'à présent en libéral. Kilian
présente des difficultés scolaires et sa mère le trouve
peu tonique. Depuis plus d'un an qu'il est pris en charge au CMP, il
bénéficie d'un suivi orthophonique en raison d'un défaut
d'attention et de difficultés de compréhension qui ont
été mises à jour par le bilan orthophonique, mais
démontrant qu'il n'y avait pas de défaillances
spécifiques. La consultante ayant effectivement observé une
apparence hypotonique chez Kilian à également demandé un
bilan psychomoteur. De ce dernier, la psychomotricienne insiste surtout sur les
aspects de tristesse et de dévalorisation que sur de réels
troubles. La consultante me demande de réaliser un bilan psychologique
avec Kilian afin d'approfondir la compréhension de son organisation
psychique. Elle me précise qu'elle se questionne sur l'implication de la
dynamique affective sur son fonctionnement cognitif. Elle me fait
également part de sa difficulté à travailler la dynamique
familial en consultation, qui, pourtant, mériterait d'être
explorée. La mère de Kilian a pu dire qu'elle avait donné
naissance à deux enfants mort-nés avant Kilian ; de ce fait
la grossesse de celui-ci a été très surveillée dans
une atmosphère probablement chargée d'angoisse. Toutefois, elle
ne peut creuser cela en consultation. En miroir, de sa mère, Kilian
parait peu accessible en consultation. La proposition de bilan psychologique
est bien acceptée par la mère et son fils. La consultante et
moi-même leur présentons le bilan comme une aide pour
réfléchir ensemble sur la manière d'être de
Kilian ; nous reprenons la signification clinique des résultats qui
seront appréhendés autrement que comme une simple mesure
chiffrée.
N'ayant pas encore effectué l'entretien de restitution
de ce bilan, ma réflexion concernant ce cas est peut-être
illusoire. Cependant, j'ose espérer que la démarche dans laquelle
s'inscrit ce bilan et la façon dont il a été
présenté aient un effet mobilisateur sur l'élaboration de
la position subjective dans laquelle se trouve Kilian. Il me semble en tout cas
que nous avons essayé d'ouvrir l'espace entre les deux démarches
décrites par Lam, Deconinck et Cailliau (2007) : « la
démarche linéaire classique de type médicale :
analyse-diagnostic-prescription ; et la démarche de type
circulaire, participative, intégrant les aspects subjectifs et
interactifs de la relation et du fonctionnement propre »13(*). Ces
auteurs évoquent l'aspect dynamique et potentiellement mobilisateur
de la situation de bilan. Ils citent ainsi plusieurs processus que le bilan
peut amorcer, comme le début d'une réappropriation du champ de
pensée, des bénéfices narcissiques liés à la
considération positive pour l'enfant, des bénéfices
cognitifs liés aux prises de conscience métacognitives, et des
bénéfices relationnels engendrés, entre autres, par une
meilleure démarcation des zones où se joue la
problématique.
En fait, nous le voyons, c'est surtout dans le contenu de la
restitution du bilan et ce que l'on transmet dans ce cadre que se placent les
possibilités d'une transformation. Evoquant ce moment, Vibert, Morel et
Flaig (2007) mentionnent qu'il doit avoir pour but de favoriser la rencontre du
sujet avec son monde interne « à la manière dont la
médiation thérapeutique le permet », et qu'il peut
être l'occasion d'une « amorce d'insight ». En ce
sens, l'utilisation du bilan psychologique permet de rendre compte du
fonctionnement psychique de l'enfant en s'appuyant sur les exemples concrets de
ses productions, initiant une expérience partagée entre le
clinicien et lui qui dépasse la transmission d'un savoir
unilatéral. Au niveau de ce que peuvent en retirer les parents de
l'enfant, Debray (2000), quant à elle, envisage que la restitution du
bilan permette à ceux-ci de formuler ce qu'ils éprouvent
vis-à-vis de leur enfant, leurs attentes, éventuellement leurs
déceptions, leurs peurs etc. Il s'agit donc de faire de cet entretien un
moment riche de réflexions partagées plutôt que celui d'une
simple retranscription des « résultats » obtenus.
Force est de constater que cela implique que ce que nous transmettons puisse
être entendu, intelligible et prendre sens dans l'historicité de
l'enfant.
Cas clinique 5 : Clarisse
est une jeune fille diagnostiquée dyslexique depuis plusieurs
années ; elle est régulièrement reçue en
consultations thérapeutiques au CMP. Le collège
spécialisé qu'elle va intégrer à la rentrée
prochaine demande à ce que soit effectué un bilan
psychométrique afin de confirmer qu'il s'agit bien d'un trouble
instrumental et non d'une déficience intellectuelle. En dehors de la
commande institutionnelle qu'il incarne, ce bilan est l'occasion d'approfondir
le fonctionnement cognitif de Clarisse et son vécu en rapport à
celui-ci. Lors de la restitution, après avoir évoqué les
difficultés de cette jeune fille, je signale ses compétences dans
certains domaines et la créativité dont elle fait preuve ;
je dévoile, à l'aide d'exemples concrets, les stratégies
qu'elle met en oeuvre spontanément pour soutenir ses processus de
pensée. Clarisse se saisit de cela pour étoffer mes
réflexions par d'autres exemples sortant de la situation de bilan. En ce
sens, j'entrevois qu'elle s'approprie les élaborations que je lui
transmets. La mère de Clarisse quant à elle, après avoir
déclaré qu'elle ne doutait pas des capacités de sa fille,
exprime toutefois ces inquiétudes quant à son avenir.
A travers cet exemple, on peut visualiser les
bénéfices narcissiques que l'enfant peut retirer de la
restitution du bilan. Je pense que le rappel de ses difficultés a
permis la reconnaissance de la souffrance de Clarisse. L'éclairage sur
les spécificités de son fonctionnement enclenche une prise de
conscience de ses possibilités de manoeuvre concernant son
fonctionnement cognitif. Debray (2000) affirme que « la prise de
conscience par rapport à ce qui se joue dans « l'en dedans
psychique est capitale si l'on vise un réinvestissement des
démarches intellectuelles »14(*) ; elle ajoute que l'examen psychologique est une
expérience de choix pour favoriser une telle réflexion
après-coup. De plus, ce moment à été l'occasion
d'une reprise associative par la mère de cette patiente. Elle a pu
verbaliser ses inquiétudes qui pourront probablement être reprises
par le consultant ultérieurement.
Nonobstant, je souhaite faire remarquer que la passation et la
restitution du bilan de Clarisse s'est faite dans des conditions relativement
aisées puisque cette jeune fille faisait preuve de ressources
personnelles particulièrement développées. J'ai dû
pratiquer des restitutions qui me paraissaient autrement plus complexes.
L'examen psychologique peut parfois être angoissant pour l'enfant et ses
parents, et bien que l'on puisse généralement s'appuyer sur des
points forts, leurs faire accepter les difficultés et les souffrances de
l'enfant n'est toujours facile. Il est des situations où la
renarcissisation passe davantage par la reconnaissance de la souffrance de
l'enfant, et où l'enjeu principal est alors de faire comprendre aux
parents les bénéfices d'un travail de consultations
thérapeutiques, voire de psychothérapie.
Par les différents points abordés
précédemment, j'ai retracé les différentes formes
de transmissions qui se déroulent au sein de l'espace
thérapeutique, entre l'enfant, les parents et le clinicien. De fait,
j'ai présenté des considérations dont on peut tenir compte
afin de penser la dialectique entre les transmissions intrafamiliales et les
transmissions entant qu'outil du psychologue pour l'acte thérapeutique.
Or, les consultations en CMP s'incluent dans une prise en charge
institutionnelle qui englobe souvent plusieurs intervenants. Par surcroit,
même lorsque la famille ne rencontre qu'un seul professionnel, la
fonction de celui-ci s'inscrit bien dans un mandat institutionnel et à
l'origine, la demande est bien adressée à l'institution CMP avant
d'être reprise dans la relation thérapeutique.
II/ La transmission au sein de l'équipe et la
prise en charge en institution
Le travail d'équipe n'est pas réductible
à la somme de ce que chacun fait. L'équipe du CMP se compose de
plusieurs professionnels ayant chacun des fonctions différentes, mais
porteur d'un mandat institutionnel commun à travers lequel ils se
retrouvent autour de préoccupations communes pour un enfant
donné. Par le fait d'échanger des informations, ils vont pouvoir
mettre en évidence certains aspects du fonctionnement de l'enfant et/ou
de la famille et redonner un aspect dynamique aux élaborations propres
à chacun. Pourtant, Lustin (2004) nous dit que « la
coexistence de diverses catégories professionnelles ne peut se faire
qu'au prix de conditions contradictoires : le respect de l'identité
et de la spécificité technique de chacun, le respect de
l'intimité et du secret de chaque prise en charge »15(*). Dès lors, il parait
nécessaire de soupeser convenablement ce qui sera les informations
transmises lors des échanges.
Pour introduire ce questionnement, je vais reprendre la
démarche de la demande adressée à l'institution. Beaucoup
de parents prennent rendez-vous sur l'incitation, voire l'injonction, d'une
autre institution (PMI, école...). Ils s'adressent quelques fois au CMP
comme à une « entité » mal identifiée,
sans savoir vraiment ce qu'ils peuvent y trouver ni comment celui-ci
fonctionne. Dans ces conditions, il est précieux de pouvoir clarifier
notre mission et de s'assurer que nous pouvons répondre à leur
demande. Il peut aussi s'agir de travailler cette demande et de
l'éclaircir. La réalisation d'entretiens d'accueil me semble
être une procédure intéressante en ce sens qu'elle peut
servir de sas entre la prise de contact et l'engagement dans une
démarche thérapeutique. C'est dans cette optique que les
entretiens d'accueil sont, lorsque c'est possible, effectué à
deux et par des intervenants qui ne s'engageront pas dans le suivi
thérapeutique de l'enfant ensuite. Il est question de
différencier le cadre de l'entretien d'accueil et de l'espace
thérapeutique. On peut imager l'utilité de ce dispositif par
l'exemple des demandes « urgentes ». A ce sujet, Bastin et
Matot (2007) affirment que la demande urgente contient
généralement un paradoxe puisque souvent «celle-ci ne
traduit pas une demande de changement mais plutôt une demande de retour
à l'état antérieur à la crise ». Ils
ajoutent que « ces demandes en urgence se soldent pour la plupart, si
aucun décalage ne peut y être apporté, par des
premières rencontres sans lendemain »16(*). En conséquence, cette
prise de contact avec le CMP permet de différer l'engagement
thérapeutique qui peut « effrayer » les parents et
de favoriser le commencement de l'élaboration qui s'effectue autour de
la demande, dans un espace temporel qui y est propice et nécessite un
décalage entre la demande et la réponse.
Force est de constater qu'il est utile de porter à la
connaissance du futur consultant certains éléments recueillis.
J'ai relevé précédemment le cas des situations où
l'enfant évoluait dans un environnement familial conflictuel ou violent.
Je pense que le clinicien qui s'engagera dans le suivi thérapeutique de
l'enfant aura tout intérêt à connaitre la situation afin de
pouvoir envisager les enjeux de celle-ci dans la problématique de
l'enfant. Dans ce contexte, il parait nécessaire d'informer le parent de
la transmission à laquelle donnera lieu notre entretien en
évoquant le secret partagé. Cela peut être l'occasion de
témoigner de la complémentarité et du travail de liaison
sous-jacent à la prise en charge en institution. Qui plus est, les
répercussions sont moindres puisque nous ne sommes pas encore
engagés dans un processus thérapeutique avec la notion de contrat
entre le patient et le thérapeute qui est son corollaire.
Néanmoins, nous devons prendre en considération les effets que la
transmission peut avoir sur le clinicien qui prend en charge l'enfant. Nous
sommes face à la dialectique énoncée par Chiland :
« Si l'on ne sait rien de l'enfant avant de le voir, on est tout
à fait disponible. Mais on peut aussi ne pas s'apercevoir de
l'importance de ce que dit et ne dit pas l'enfant »17(*). En effet, ne risque-t-on pas
d'influencer le clinicien au dépit de son écoute clinique ?
Je crois que dans cette configuration, il est important de s'en tenir aux
objectifs de l'entretien d'accueil, c'est-à-dire, d'amener des faits
réalitaires qui peuvent éclaircir la situation de l'enfant, et de
restituer en quoi consiste la demande des parents, à quel niveau elle se
situe pour le moment. Pour cela, on doit être en mesure d'identifier ce
qui est de l'ordre de la réalité psychique et des fantasmes des
parents dans les mailles de leur discours, mais aussi ce qui tient de notre
propre élaboration des faits. Bien évidemment, il est trompeur de
croire que l'on puisse avoir une maitrise complète de ces
éléments, mais il importe d'être conscient de ces
phénomènes pour les contrôler à minima.
Par ailleurs, si l'on sort du cadre particulier des entretiens
d'accueil, les échanges concernant les élaborations des
différents intervenants auprès de l'enfant me paraissent
être riches de sens ; ils peuvent insuffler une
créativité dynamique. La pluralité de regards sur l'enfant
amène des possibilités qui ne peuvent se présenter dans un
suivi isolé. Villand (2009) conçoit le travail d'équipe
comme « différentes chambres d'élaboration,
séparées les unes des autres, et en communication
articulée »18(*). Dans ma position de stagiaire, j'ai surtout
été amené a explorer ce point par la réalisation
des bilans psychologiques et le travail de collaboration qui s'y rattache avec
le consultant à l'origine de la demande. S'agissant d'un travail entre
professionnels, les échanges autour de la situation de bilan n'auront
pas les mêmes fonctions que la restitution faite à l'enfant et ses
parents que j'ai évoqué auparavant. En rapport à cela,
Lam, Deconinck et Cailliau (2007) déclarent que « la
transmission et la discussion des résultats n'apparaissent non pas comme
une réponse formelle mais comme un passage entre l'analyse d'une demande
et la mise en place d'un cadre thérapeutique »19(*). On convient donc qu'il n'y a
pas lieu de se contenter de la remise d'un diagnostic ou d'une figuration
figée du fonctionnement psychique de l'enfant. Au-delà de ces
aspects qui sont généralement à l'origine de la demande du
consultant, on procède à une véritable discussion sur les
caractéristiques soulevées par la passation du bilan. Ceci permet
notamment de confronter une perception nouvelle et momentanée de
l'enfant à celle du consultant qui se situe dans la temporalité
régulière des consultations. Cela peut relancer les processus
d'élaboration de ce dernier en sortant d'une perception univoque du
patient qui conduit parfois à un essoufflement des pensées. Ces
effets se surajoutent aux perspectives mêmes du bilan psychologique quant
à la mise au jour de certains aspects cachés du fonctionnement
psychique.
Qui plus, le soin psychique dans une approche clinique est
loin d'être une démarche linéaire. Le clinicien travaille
avec des hypothèses, en avançant et en reculant, ce qui va avec
une dose d'incertitude et parfois un sentiment d'impasse. Supporter et
accueillir les mouvements transférentiels des patients n'est pas
toujours aisé. En cela, le travail dans une équipe
institutionnelle engendre plusieurs mouvements qui pourront favoriser la prise
en charge et la compréhension de la problématique, pour peu
qu'ils puissent donner lieu à des discussions entre ses
différents membres. C'est principalement au sein des réunions de
synthèse que ces points là pourront être abordés
dans une forme constructive. Celles-ci sont dirigées par le
pédopsychiatre, dans son rôle de chef de service. Il a pour
tâche de réguler les échanges dans lesquels chaque membre
de l'équipe est implicitement invité à s'exprimer et peut
inscrire une situation à l'ordre du jour. En dehors des informations
dont il a besoin et qu'il peut recueillir auprès de ses collègues
spécialisées, les transmissions peuvent donner lieu à une
aide précieuse, que ce soit par la confrontation des mouvements
contre-transférentiels des soignants ou par le regard extérieur
de ceux qui ne sont pas personnellement engagés dans la prise en charge
de l'enfant. Villand (2009) considère que la parole doit être
libre au maximum mais à un moment et dans un lieu donnés afin
d'assurer un effet de contenance. Car il est nécessaire que la parole
soit contenue pour mettre en oeuvre la transformation visée par les
transmissions. Comprenons bien, il n'est pas question de se décharger de
manière cathartique d'un sentiment trop lourd, mais de pouvoir reprendre
ce vécu pour le penser et le mettre en sens, ce qui aura indirectement
des effets de levier thérapeutique. A ce moment là,
l'équipe « métabolise, symbolise, joue le rôle
d'appareil psychique groupal »20(*).
Cas clinique 6 : l'une des
psychologues de l'équipe fait part de son questionnement quant à
l'utilité de poursuivre une psychothérapie.
Frédéric présente une psychose infantile ; il est
scolarisé sur des temps séquentiels très réduits
car les situations de collectivités sont effractantes pour lui. Le reste
du temps, il est à l'hôpital de jour, et suit une
psychothérapie au CMP ; des consultations parents-enfant ont
également lieu régulièrement. Le père de
Frédéric ne reconnait pas les troubles de son enfant, et
manifeste son projet d'arrêter l'hôpital de jour. De même, il
n'investit pas le CMP et ne s'est rendu que 2 fois en consultation depuis des
années que la prise en charge est enclenchée, lorsqu'il
était question d'orientation. La psychologue évoque les
difficultés auxquelles elle se confronte dans la psychothérapie.
Le consultant, lui, signale qu'il voit une évolution au sein des
consultations : Frédéric peut parler de sa détresse
en consultation désormais. A ce moment, la thérapeute modifie
quelque peu sa perception et ajoute qu'effectivement, des progrès sont
quand même apparus malgré sa difficulté. Elle reprend que
les débuts ont été très difficiles, elle-même
se éprouvant de la colère dans son contre-transfert, mais
qu'après avoir échangé à plusieurs reprises avec sa
collègue, ce sentiment de colère a pu être apaisé,
ce qui permit à Frédéric d'entrer davantage en relation
avec elle. Toutefois, il ressort de la discussion que cet enfant peut davantage
mettre des mots sur son désarroi en consultations, qui se font en
présence de sa mère. La psychologue informe alors l'équipe
que Frédéric parle beaucoup des sorties qu'il fait avec ses
grandes cousines et qu'il investit affectivement. Un des membres de
l'équipe partage son impression que cet enfant a l'air moins malade
quand il est avec les femmes de sa famille, en l'occurrence sa mère et
ses cousines. Le consultant ajoute qu'il parait moins
« fou » lorsqu'il est aux Antilles, terre d'origine des
parents, donc lorsqu'il se situe dans une aire maternelle. Serait-ce la folie
du père qu'il faut traiter ? Peut-on poursuivre un travail soutenu
par la mère mais rejeté par le père ? Dans ces
conditions, Frédéric peut-il vraiment investir le cadre
psychothérapeutique ? Les attaques de ce cadre qu'il faisait au
début de la thérapie consistaient probablement en la mise en
scène de ce rejet, ce à quoi la thérapeute a pu
résister. Cette famille pourrait-elle bénéficier des
consultations ethnopsychiatriques proposées au CMP ? Quoiqu'il en
soit, cet enfant a besoin d'être pris en charge et l'équipe
s'accorde à dire que si la psychothérapie ne peut se poursuivre,
il faut bien proposer un projet à cette famille. Nous devons donc
convier les parents de Frédéric afin de discuter de cela et nous
verrons si Monsieur vient et s'ils arrivent déjà à
s'accorder entre eux. Effectivement l'un des pédopsychiatres fait
remarquer que dans notre discussion, nous n'avons cessé de dissocier Mr
et Mme.
Cette mise en parole de la situation nous montre la richesse
du travail de co-élaboration. Tout d'abord, la manière dont nous
nous entendons parler des parents laisse entrevoir les contradictions qui
règnent au sein de la famille et dans lesquelles se trouvent pris
Frédéric. La thérapeute a pu se dégager son
impression d' « échec » pour entrevoir les
aspects positifs de son accompagnement. Qui plus est, la confrontation des
éléments de la consultation et de la thérapie mettent en
lumière certains aspects du fonctionnement de l'enfant et de la
problématique familiale. Sur ces faits, nous percevons la portée
des capacités de réaménagements internes et de la
plasticité nécessaires aux soignants pour l'appréhension
clinique du patient, tels que ces points sont évoqués par Vibert,
Morel et Flaig (2007). Cela permet, entre autres, d'envisager d'autres
perspectives d'interventions thérapeutiques.
Pourtant, au niveau éthique, Racamier (1973) soutient
que « la situation psychothérapeutique représente le
seul cas où le secret vis-à-vis des autres éléments
traitants peut être promis au patient »21(*). Je n'ai pas été
personnellement dans ce cas où je pense, la réflexion concernant
l'utilité de la transmission à l'équipe doit être
doublée. Mais le clinicien ne peut contester que, même au sein des
consultations thérapeutiques, ce qui se dit de l'intime peut justement
se dire parce qu'il y règne un climat de confiance et de
confidentialité. Je reconnais donc que tout ne peut pas se partager avec
l'équipe. Pour cela, il me suffit d'imaginer ce que la famille
ressentirait s'ils assistaient au débat les concernant. Outre le fait
d'annoncer aux parents que la situation va être discutée en
équipe, notamment lorsqu'il est question d'orientation ou
d'évolution du projet thérapeutique, il convient justement dans
toutes transmissions de garder à l'esprit le but thérapeutique de
celles-ci. La parole doit être proportionnée selon ce qui
relève de l'intimité du patient et ne servirait pas la
compréhension globale de la situation et ce qui doit être
communiqué afin de ne pas tomber dans les biais de
« l'information perdue » décrit par Racamier lorsque
pour divers raisons, celle-ci se trouve prise dans le jeu du transfert
institutionnel.
De plus, concernant le cas clinique précédent,
la psychologue a mentionné les effets de ses échanges avec sa
collègue sur l'avancée de la psychothérapie. On remarque
là les avantages de la supervision. En revanche, cela pose le
problème du fait qu'elle se fasse à l'intérieur même
de l'institution, puisque la collègue en question peut être
amenée à croiser cette famille, et à traiter avec eux
à un moment où un autre.
III/ La constellation autour de l'enfant : le
travail de liaison du consultant
Dans la présentation de ce stage, j'ai
évoqué le rôle de coordination du consultant par rapport au
panel des soins qui concernent l'enfant. En effet, le CMP se trouve
généralement être la structure pivot des différentes
aides dont bénéficie la famille de l'enfant en souffrance
psychique. Si l'on comprend la mission de soin comme d'aider l'enfant à
aller mieux sur les plans de son équilibre psychoaffectif et de son
développement, alors je considère que le rôle du consultant
dépasse ici la simple fonction organisationnelle. Il me semble
indispensable de procéder à un travail commun avec les
différents intervenants auprès de l'enfant. La plupart des
enfants que nous recevons au CMP sont scolarisés. Force est de constater
que l'école prend une place considérable dans la vie de l'enfant,
particulièrement puisqu'elle est l'institution qui relaie les parents
dans leurs fonctions éducatives et socialisantes. A ce sujet, Botbol et
Lecoutre (2004) stipulent qu'à l'instar de la famille
« l'école répond à un besoin universellement
reconnu à l'enfant, celui de voir prises en compte son immaturité
et sa dépendance pour préparer son avenir en développant
ses compétences cognitives et sociales, dans une institution susceptible
d'assurer sa sécurité affective et physique »22(*). Alors, comment peut-on
étayer l'école dans ces missions ?
1/ L'appréhension clinique de l'enfant dans les
équipes éducatives
Au premiers pas de la sectorisation de la psychiatrie,
Paumelle (1973)23(*)
énonçait les actions d'informations qu'il incombait au psychiatre
dans le but d'intégrer la dimension psychiatrique dans la pratique des
institutions de la communauté. Or, la problématique psychique de
l'enfant a fréquemment des incidences sur le rapport de l'enfant aux
apprentissages, et donc au milieu scolaire. Le rôle de l'instituteur
n'est pas de se faire thérapeute de l'enfant. Néanmoins, les
transmissions du consultant, en restituant des éléments du
fonctionnement de l'enfant, permet de le replacer dans sa subjectivité
souvent oubliée par le milieu scolaire, au sein duquel le
pédagogue s'occupe de l'enfant dans une collectivité et, on le
sait bien, a à faire avec un nombre important d'élèves. Il
s'agit donc de pouvoir éclairer les professionnels de l'école sur
ce qui se joue dans l'espace scolaire et rétroactivement, de leur donner
les moyens de mieux accompagner l'enfant dans ses apprentissages. A eux de
transformer ces renseignements pour envisager d'autres moyens d'approcher leur
élève, dans la limite de leurs missions bien sûr.
Cas clinique 7 : Nous
sommes conviés à l'équipe éducative qui se tient
autour de Raphael, scolarisé en CE2. Elle réunit le consultant,
les professionnels qui interviennent auprès de Raphael à
l'école et ses parents. Raphael obtient de faibles résultats
scolaires et se montre très discret à l'école, voire
souvent « dans la lune ». Il répond peu aux
sollicitations de son institutrice, et n'a pas investit non plus
l'accompagnement mis en place un moment par une intervenante du RASED, sans
toutefois le refuser. A la maison, les parents expliquent qu'il comprend les
exercices, mais qu'il faut insister et l'accompagner pour qu'il fasse ses
devoirs. Le consultant verbalise son impression d'une forte mobilisation de la
part de tous autour de cet enfant comme une « agitation »
qui appelle à la mise en place de moyens spécifiques
d'accompagnement alors que Raphael, lui, se laisse aller à ceux-ci dans
une sorte de passivité. Il fait le lien avec le passé de Raphael
qui est un grand prématuré et qui a été lourdement
assisté pour être maintenu en vie durant les semaines qui
suivirent sa naissance. Cet enfant aurait donc mobilisé ce type de
configuration dès la première enfance. Par ailleurs, le clinicien
fait part de son sentiment de tranquillité, mentionnant la grande la
curiosité Raphael pour les domaines qui l'animent, bien qu'il ne puisse
encore être autonome par rapport aux apprentissages scolaires. Il a de
grandes connaissances en entomologie et en mythologie par exemple, ceci
témoignant de la mise à l'oeuvre des pulsions
épistémophiliques. C'est ainsi qu'il soumet l'idée que de
relâcher un peu les inquiétudes ouvrirait peut être sur une
autonomie de la part de Raphael. En tout les cas, tout le monde s'est
accordé à dire qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter
quant aux capacités intellectuelles de ce garçon, ce qui a pu
donner une note positive à la réunion et a gratifier les parents.
A la suite de cet exemple, on entrevoit
l'intérêt d'un travail transversal de réseau. L'attitude de
Raphael a était réintégrée dans son
historicité. Il me semble que le fait que les parents soient
présents lors de ces échanges les campe comme véritables
acteurs dans les dispositifs qui sont mis en oeuvres et valorise par
conséquent leur parentalité. Cela oblige l'ensemble des
professionnels à adopter une position déontologique en veillant
à ne pas atteindre la dignité des parents. D'autre part, on peut
de souligner la réciprocité de tels échanges. Le
consultant ne vient pas simplement déposer son
« savoir » sur l'enfant, mais par le partage des
expériences, il peut enrichir son appréhension de la
problématique de l'enfant et de sa famille. L'enfant est parlé
par d'autres personnes que les parents et cela peut mettre en lumière
des modes d'être différents. A l'inverse, dans le cas
précédent, Il a pu observer l'effervescence demeurant autour de
son petit patient, à l'image de ce qu'il avait remarqué du
fonctionnement familial. Par surcroit, il est question d'améliorer la
cohérence des discours et la continuité entre les personnes qui
représentent les sphères principales de la vie de l'enfant.
2/ Le décryptage des enjeux relationnels
Continuant à illustrer ma pensée sur le cas de
Raphaël (cas clinique 7), j'ai remarqué la complexité des
interactions entre l'école et les parents. En paraphrasant Botbol et
Lecoutre (2004)24(*), il
s'agit d'envisager les relations entre les parents et les enseignants en
articulation avec le narcissisme familial et celui de chacun des parents, mais
aussi avec leur propre histoire. Dans cette configuration, les divergences qui
s'expriment admettent un sens caché qu'il est utile d'analyser pour que
l'enfant ne se sente plus pris dans un conflit de loyauté entre ses
parents et l'investissement de la sphère scolaire. Les désaccords
entre les parents de Raphaël et l'école (dans son ensemble) sont
explicites et occupent une place prégnante depuis plusieurs
années, quelque soit les professionnels intervenant auprès de cet
enfant. Un événement se situant dans ces interrelations insiste
dans le discours de la maman de Raphael et semble avoir réactivé
un conflit non résolu chez elle, dans une logique d'après-coup.
Que ce soit au cours des consultations auxquelles j'ai assisté ou lors
de l'équipe éducative, Madame rappelait avec émotion que
quelques jours après l'entrée au CP de Raphael, l'institutrice
lui aurait dit qu'on « ne pourrait rien tirer de cet
enfant » ; ces propos ont fait violence et la cassure des
relations entre les parents et l'institution scolaire se situe à ce
niveau. Si l'on reprend l'histoire de la relation mère-enfant, on peut
se référer au fait qu'en plus de « représenter
une situation de stress traumatique, l'accouchement prématuré
réactive des angoisses de séparation et de perte des
parents »25(*).
Qui plus est, l'identification maternelle à la souffrance de l'enfant
peut conduire la mère à un comportement de surprotection. Or,
l'école est bien ce lieu qui symbolise l'ouverture de l'enfant hors du
milieu familial et mobilise les processus inhérents à la
séparation. On peut émettre l'hypothèse que la
scolarité de Raphael a rejoué quelque chose des premiers moments
difficiles de son existence pour ses parents. De plus, j'entrevois à
travers les paroles des parents, et principalement celles de la mère,
qu'ils se sentent sans cesse jugés dans l'exercice de leur
parentalité par l'école ; ce qui m'amène à
penser que, peut-être, la situation active un sentiment inconscient de
culpabilité qu'ils auraient pu ressentir à la naissance de
Raphael, celle-ci n'ayant pu être menée à terme et
remettant en question leurs capacités à être des parents
« suffisamment bons ». On peut envisager que ce sentiment
inconscient interfère dans les relations parents-école. Quoi
qu'il en soit, depuis cet évènement, les relations entre les
parents et l'école se présentent comme un affrontement
permanent (lors de la consultation ultérieure à la
réunion, Monsieur et Madame se représentaient la réunion
comme un « combat » dans lequel, les intervenants scolaires
« attaquaient » leur enfant et le consultant
« prenait sa défense »). Ces conflits se
matérialisent par des malentendus et ce que l'on peut entendre comme des
actes manqués. Par exemple, L'institutrice a indiqué aux parents
que Raphael n'avait pas rendu des travaux demandés alors qu'après
vérification, il les avait effectivement rendus, ce qui a
alimenté le sentiment des parents d'être stigmatisés. On
entre alors dans un véritable cercle vicieux rigidifiant les positions
de chacun.
Dès lors, comment le clinicien peut-il restituer sa
compréhension de la situation afin de désenclaver les
ruptures ? Outre le fait que les parents de Raphael ne soient pas encore
arrivés à un « insight » approchant la
dynamique familiale décrite ci-dessus, il n'est pas question que les
professionnels de l'école aient accès à ce degré
d'intimité concernant la famille. En effet, ces éléments,
s'ils doivent être repris, le seront dans l'espace de la consultation
thérapeutique. Mais je crois que de pointer les conséquences des
conflits sur les représentations et les actions de chacun, lors d'une
concertation commune autour de l'enfant (qui témoigne bien d'une
volonté de faire avancer les choses), permet de remettre en route
l'élaboration subjective et la prise de conscience de ce que chacun met
en jeu personnellement par ces attitudes. Il s'agit également de
replacer l'enfant dans cette dynamique interrelationnelle, d'où
l'intérêt de pouvoir signifier que les divergences le situent
probablement dans un conflit de loyauté qui le dessert.
3/ Réflexion personnelle sur la transmission
informative entre professionnels
Comme je l'ai déjà stipulé, la
présence des parents dans ce type de concertation oblige intuitivement
les professionnels à un positionnement déontologique qui est
parfois « oublié » lorsqu'ils sont absents. Bien que
l'intérêt de telles concertations ne soit pas à remettre en
question, le clinicien doit redoubler de vigilance quant aux informations qu'il
transmet pour ne pas se laisser à ce qui s'apparente, selon moi,
à des « conversations entre collègues » plus
qu'à une réflexion commune visant le mieux être de
l'enfant. J'ai pu entrevoir les biais de ce type de réunion lors d'une
CLE où l'assistante sociale du collège posait la question d'une
mesure éducative pour un jeune garçon présentant des
problèmes de comportement au collège. Ce dernier est en rupture
avec sa mère depuis quelques mois et vit depuis ce temps chez son
père qui avoue être débordé dans l'éducation
de son fils. Nous réfléchissions à ce que Monsieur figure
de son histoire dans l'exercice de sa parentalité lorsque certains
professionnels posèrent des questions sur le deuxième enfant de
Madame et la place de son père (différent du premier). Ayant
reçu une fois en consultation cet enfant et son père, Monsieur
m'avait exposé la situation familiale dans son ensemble et je
possédais donc ces informations. Toutefois, il ne m'a pas paru
nécessaire de partager celles-ci avec l'ensemble des intervenants
puisque nous cherchions à savoir quel sens pourrait avoir une mesure
éducative pour l'autre enfant. Cette partie de l'histoire familiale
n'aurait, à mon avis, pas éclairé davantage notre
réflexion mais aurait simplement répondu à la
curiosité des participants de la réunion. Il en aurait
sûrement été autrement si nous avions parlé de son
frère. Sans restituer les enjeux des conflits conjugaux des parents en
question, j'ai par contre jugé utile de faire savoir que Monsieur avait
conscience de l'importance de maintenir le lien entre son enfant et la
mère de celui-ci, et de sa préoccupation concernant les
difficultés de son fils, qui laissent envisager la coopération
que nous pouvons attendre de sa part si l'on met en place l'aide
éducative. Il s'agit donc bien de s'attacher à ne pas
déborder des missions qui nous sont attribuées par nos
professions.
Discussion :
Par les réflexions qui ont donné lieu à
cet écrit, il me semble pouvoir dire que la transmission, sous toutes
les formes qu'elle comprend et les processus qui y sont inhérents,
recouvre l'ensemble des pratiques du psychologue. Bien que la
problématique ait été analysée à travers les
missions du CMP, je suppose qu'elle est applicable dans beaucoup d'autres
champs d'interventions du psychologue, dans des modalités
différentes. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un véritable
exercice de réflexion à renouveler sans cesse en tenant compte de
la singularité de chaque situation.
Le clinicien est tenu de déterminer les
conséquences de ses paroles sur ses interlocuteurs et de respecter
l'intimité et l'intégrité de ses patients, ce qui englobe
ici l'enfant et sa famille et complexifie encore la tâche. Si l'on
examine les processus intrinsèques à la transmission, on
distingue qu'elle ne peut se résumer à un simple échange
linéaire, mais opère des transformations sur les
représentations de chacune des personnes qu'elle engage. Dès
lors, il parait indispensable que le psychologue ne se fige pas dans une
position de détenteur d'un savoir univoque ayant pour corollaire
l'illusion d'une « toute-puissance ». A l'inverse, il doit
faire preuve de plasticité et être prêt à remettre en
question ses propres représentations concernant le fonctionnement de
l'enfant et/ou la dynamique familiale. C'est par ces transformations
collectives créatrices de sens que pourra être resituée la
singularité de chaque situation. Et c'est bien, entre autres, l'un des
points constitutifs du travail en équipe. Si je repositionne mon
observation dans le cadre du soin de l'enfant, le fait est que la
problématique du petit patient s'inscrit directement dans la dynamique
familiale ; l'enfant est sensible à l'état interne dans
lequel est le parent qui s'occupe de lui, lui parle, et lui transmet
inconsciemment des éléments qui vont colorer son monde
intérieur. L'intervention clinique du psychologue se situe donc à
bout portant du jeu des relations intersubjectives. A l'instar de la dynamique
familiale, celles-ci pourront être transférées sur
l'institution soignante, et analysées par la co-élaboration en
équipe. C'est de la dimension clinique des réunions de
synthèse dont il est question.
Force est de constater que ce travail est tributaire du bon
fonctionnement même de l'équipe institutionnelle. Or, j'ai
remarqué que les questionnements de l'équipe sur le
fonctionnement de l'institution prennent actuellement une place importante dans
les synthèses, au détriment de la disposition de chacun à
l'élaboration des situations qui y sont rapportées. En effet, il
me semble que les réformes hospitalières en cours au sein de
l'EPS engendrent une remise en question des missions du CMP et de
l'identité professionnelle de chacun des membres de l'équipe.
J'ai l'impression que les discussions sur ce sujet donnent lieu à des
échanges effervescents où les professionnels s'impliquent
affectivement et personnellement avec peu de recul ; ambiance qui marque
parfois la totalité de la réunion. Il est possible que ces
remaniements institutionnels, qui dépassent le cadre du CMP, entrainent
un sentiment d'incertitude relatif aux perspectives de l'institution et des
activités de chacun, et qui affecte par là même le
dynamisme et la créativité de l'équipe. Mais à ce
moment-là, comment maintenir le sens de nos interventions malgré
ces faits sur lesquels nous n'avons que peu de prises ?
Pour finir, il me parait opportun d'évoquer la place
des transmissions écrites qui balayent l'ensemble des points que j'ai
parcouru. En effet, les écrits tiennent une place importante dans les
fonctions attribuées au psychologue ; qu'ils soient destinés
aux parents, aux institutions extérieures ou qu'ils constituent la trace
de la prise en charge dans le dossier patient. Navalet et
Guérin-Carnelle (1997) repèrent deux utilisations qui peuvent
être faites des écrits du psychologue : une utilisation
officielle, qui en fait un outil de réflexion, et une utilisation
sauvage, qui est susceptible d'en faire une arme. Le clinicien doit donc garder
à l'esprit ces deux versants. Il doit s'efforcer à une
véritable réflexion quant aux enjeux que ses écrits
peuvent représenter.
Mais, selon moi, les écrits remplissent d'autres
fonctions. Si l'on prend l'exemple de l'examen psychologique, au-delà du
code de déontologie stipulant le droit des patients d'obtenir un
compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, je
pense que ce type d'écrit permet de s'assurer que les informations
transmises pourront être bien comprises par la famille. J'ai
effectivement décrit ci-avant que les processus de la transmission
comprennent une réappropriation de l'information. En ce sens, il me
semble que le compte-rendu adressé à la famille permet, entre
autres, d'éviter les écueils d'une interprétation
hâtive ou pervertie des conclusions du psychologue. De plus, ces
écrits constitueront une trace durable de l'évaluation de
l'enfant à un temps donné et favoriseront une reprise en
après-coup des élaborations autour de celle-ci. Mais en ce sens,
cela oblige aussi à prendre la mesure des effets de ces conclusions sur
le long terme.
On peut ajouter, d'après les propositions de Roman
(2007), que tout écrit contraint le psychologue à la mise en
tension entre la nécessité de l'expression de ses
compétences spécialisées, impliquant le recours à
des notions complexes, et le souci d'un partage de sa compréhension de
la problématique incluant l'usage d'un langage accessible aux parents.
Le fait est que son compte-rendu doit pouvoir être adressé
à un collègue comme aux parents.
D'autre part, outre l'ordonnance légale exigeant une
traçabilité des soins et qui donne lieu à un archivage
réglementé, les écrits du psychologue dans le
dossier-patient peuvent être considérés comme garants de la
continuité des soins, mais ils doivent être rédigés
en tenant compte des diverses utilités qu'ils pourront avoir. Je pense
qu'ils sont ainsi au croisement même de la conciliation entre
l'utilité de la transmission et le respect du secret professionnel.
A la lumière de ces considérations, il me semble
que ces questions, bien que touchant de prêt le sujet de mon travail,
mériteraient d'être traitées indépendamment et
pourraient faire l'objet d'une élaboration théorico-clinique
à part entière.
Conclusion : mon expérience de
stagiaire
Tout au long de cette expérience, j'ai pu
appréhender les multiples facettes que comprend le travail du
psychologue en CMP enfants. Ce stage a été d'une grande richesse
pour la construction de mes représentations concernant ma future
profession. Je m'aperçois de cet évolution quand je compare mes
attitudes en début de stage et celles que j'adopte à l'heure
actuelle.
Mes expériences préalables se situaient
davantage auprès d'une population adulte ; ainsi, je me suis
confrontée à la complexité de la clinique infantile. Par
le fait que l'enfant soit en plein développement, il est plus difficile
d'établir des repères quant à la structuration psychique
et au développement psychoaffectif. Cela s'est confirmé, pour
moi, lorsque j'ai eu à analyser des bilans psychologiques et que j'ai
constaté plusieurs registres de fonctionnement, ainsi que le
chevauchement de différentes problématiques.
Qui plus est, je me suis rendue compte que le psychologue doit
faire preuve d'un grand sens clinique pour approcher la réalité
psychique de l'enfant, qui, ne possède pas toujours les capacités
de mentalisation que l'on peut attendre d'un adulte. En ce sens, il me semble
que le clinicien doit pouvoir faire appel à l'infantile en lui pour
développer une empathie nécessaire à la
compréhension de la dynamique psychique, et qui, je pense, passe par une
identification « maitrisée » à l'enfant. On
peut ajouter à cet aspect que l'engagement des parents dans le soin
complexifie encore ce travail empathique, puisqu'il faut se situer à
différents niveaux, celui de l'enfant et de chacun des parents. Cette
manoeuvre a été difficile pour moi et a donné lieu
à un cheminement tout au long de mon stage. Avec du recul, je reconnais
m'être un peu trop focalisée sur la réalité
psychique des parents au début de mon stage, au détriment de
celle de l'enfant, qui est pourtant le sujet que l'on estime souffrant. Je
présume qu'il était plus facile de m'identifier aux adultes.
Néanmoins, il m'apparait qu'à force de recevoir des enfants en
consultation, j'ai assoupli, au moins en partie, mon fonctionnement propre, ce
qui m'a permis de me défaire peu à peu de cette rigidité.
De même, il m'a fallu un certains temps avant de saisir
véritablement ce qui constitue le phénomène de
contre-transfert. Je pense que la reconnaissance de mon vécu
émotionnel a pu émerger conjointement à
l'établissement de mes repères au sein de l'institution et de
l'équipe. Il est possible que l'arrivée dans un lieu nouveau,
avec son histoire propre et ses modalités de fonctionnement groupal
notamment, me confronta à une dose d'inconnu et me campa sur un
fonctionnement trop défensif pour que je puisse m'impliquer
affectivement dans les situations, ou tout du moins en avoir conscience. Au fur
et à mesure, et en voyant ma référente partager son propre
vécu contre-transférentiel avec moi après les
consultations auxquelles j'assistais, je me suis autorisée à
ressentir des affects, à les identifier et à les nommer afin de
les inclure dans mes élaborations cliniques. Malgré tout,
j'envisage que ma position de débutante, et le fait de n'avoir
entamé mon travail psychothérapique personnel que trop
récemment, ne me permettent pas de maitriser suffisamment ces
phénomènes. J'ai pu m'en apercevoir, entre autres, lorsque je me
suis retrouvée en face de parents relatant une histoire violente lors
d'un entretien d'accueil qui, je pense, m'a effracté. Quand j'ai
restitué le contenu de l'entretien à la consultante, j'ai alors
eu du mal à produire un discours ordonné ; de la même
manière, en confrontant mes impressions avec l'assistante sociale qui
avait mené l'entretien en ma compagnie, j'ai constaté que j'avais
« oublié » certaines informations. A ce
moment-là, j'ai saisi l'impact des paroles de cette mère sur mon
fonctionnement psychique.
A l'instar des différents points abordés
ci-avant, j'ai conscience qu'il m'a fallut du temps pour être plus
à mon aise en consultations. Au départ, je me sentais un peu
comme une « intruse », surtout lorsqu'il s'agissait de
suivis thérapeutiques déjà engagés avant mon
arrivée en stage. J'avais l'impression que les patients donnaient leur
accord dans le but de satisfaire au désir des consultants, mais qu'il ne
s'agissait pas d'une décision totalement libre. Puis, je me suis dit que
mon sentiment de gêne devait se percevoir et que cela risquait
d'accentuer le leur. J'ai donc essayé de travailler ceci, et je me suis
progressivement permise de prendre une place active en témoignant de ma
réceptivité aux éléments amenés dans
l'espace thérapeutique, en m'autorisant à intervenir oralement
avec certains consultants lorsque c'était possible ou en jouant avec les
enfants. De plus, ma référente, auprès de qui j'ai le plus
travaillé, me présentait comme une étudiante en fin de
formation, ce que j'ai éprouvé comme une valorisation aux yeux
des patients ; j'estime que cela m'a aidée à admettre que
j'avais effectivement une place au sein du CMP. Par ailleurs, durant la
première période, il me semble que j'essayais de retirer un
enseignement peut être un peu trop technique et théorique. Cette
recherche prenait probablement un aspect défensif face à mes
incertitudes d'étudiante en situation préprofessionnelle. Or,
j'ai vite perçu que le savoir-faire clinique ne peut se transmettre tel
quel, et qu'il incombe à chaque personne de composer avec sa
personnalité et de créer sa propre manière de travailler.
A ce moment là, j'ai pu sortir de ce qui s'apparente à une
position d'identification adhésive au consultant, et je pense que mon
attitude a été plus naturelle ; ce point me parait
essentiel, et même inhérent, à la dimension clinique de
notre profession. Cependant, j'avoue que je manque encore de confiance et que
cela se traduit notamment par mes appréhensions concernant le regard du
professionnel expérimenté qui mène la consultation. Je
l'ai ressenti personnellement comme une position un peu surmoïque, bien
que je n'ai pas la sensation que les consultants mobilisent ouvertement cette
disposition.
Prendre la parole en réunion de synthèse reste
encore aujourd'hui l'une de mes principales difficultés. En effet,
là encore, je manque d'assurance et il sera nécessaire que je
m'applique à améliorer ce point dans mes futurs lieux de travail.
Sans doute ma position de stagiaire accentue cette difficulté en me
fixant à une place d'élève, dans laquelle je suis
là pour recevoir un enseignement. Pourtant, le médecin
responsable du CMP se montrait favorable aux interventions de l'interne et de
moi-même, stipulant qu'un regard neuf était porteur d'une
créativité qui a parfois tendance à s'essouffler avec
l'expérience. Je dois dire que j'ai l'impression de ne pas avoir pu
m'intégrer auprès de l'ensemble des professionnels. Le fait est
que la majeur partie d'entre eux travaille sur des temps partiels au CMP, et
que je n'ai pas eu l'occasion de travailler en collaboration avec certains. Je
crois que ma présence aux réunions de synthèse n'a pas
suffit à me manifester comme membre à part entière de
l'équipe. Toutefois, on peut retourner ce questionnement, car si je
m'étais plus exprimée durant celles-ci, je me serais
sûrement davantage incluse dans l'équipe.
Pour en revenir à la problématique de cet
écrit, j'observe qu'à la lumière des considérations
auxquelles il a mené, j'ai certainement transmis davantage
d'informations que je n'aurait dû. En effet, le besoin d'être
étayée dans mes élaborations m'a conduit à partager
beaucoup d'éléments avec ma référente ; je
pense notamment aux bilans psychologiques que j'ai réalisé
à sa demande, pour des enfants qu'elle suivait en consultation. En ce
sens, il m'a quelquefois était difficile de respecter le secret
professionnel concernant ce que l'enfant avait mis en jeu lors de nos
rencontres. Par contre, j'estime avoir fait en sorte de respecter la
dignité de l'ensemble des patients avec lesquels je me suis entretenue.
De même, au fur et à mesure de ma réflexion sur ce sujet,
je me suis efforcée de tenir compte des enjeux soulevés lorsque
j'ai eu à faire des restitutions, que ce soit à ma
référente, à l'équipe ou à
l'extérieur de l'institution.
A l'issue de cette expérience, je peux dire que je suis
globalement satisfaite de l'enseignement que j'en ai retiré, et qu'elle
a renforcé encore davantage mes aspirations à exercer le
métier de psychologue clinicienne. J'ai effectué un réel
travail de co-élaboration avec ma référente qui a
favorisé les échanges bilatéraux entre nous. J'ai
également éprouvé un grand attrait pour la clinique
infantile, bien que je sois consciente qu'il me reste beaucoup de domaines
d'intervention à explorer en tant que psychologue. A travers l'autonomie
dont j'ai pu profiter, notamment dans la passation des bilans psychologiques,
je pense avoir développé une certaine assurance qui m'a
donné l'envie de démarrer ma propre pratique. Enfin, de par cette
activité de terrain et l'enseignement théorique de
l'université, j'estime avoir posé les bases de mon
identité professionnelle. Je sais qu'elle sera sans cesse à
renouveler et j'espère pouvoir affiner mon positionnement à
mesure que j'acquerrais de l'expérience.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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(réédition 2007).
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à la période de latence. Paris, Dunod.
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entre générations. Paris, Dunod (réédition
2003).
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clinique infantile. In : J. Bergeret (dir.), Psychologie pathologique
théorique et clinique (240-324). Paris, Masson.
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scénarios narcissiques de la parentalité, clinique de la
consultation thérapeutique. Paris, PUF (réédition
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l'hôpital. Paris, In Press.
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divan. Paris, Payot.
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psychiques. Toulouse, Erès.
SOLIS-PONTON, L. (dir.) (2004), La parentalité,
Défi pour le troisième millénaire. Paris, PUF.
INDEX ONOMASTIQUE
· BASTIN, Thierry : 23
· BATISTA PINTO, Elizabeth : 31
· BION, Wilfred Ruprecht : 18
· BOTBOL, Michel : 29, 30
· CAILLIAU, Michel : 20, 21, 25, 26
· CHILAND, Colette : 13, 16, 19, 24
· DEBRAY, Rosine : 21, 22
· DE BUCK, Carine : 14, 26
· DECONINCK, Agnès : 20, 21, 25
· FLAIG, Eric : 15, 21, 27
· FRISCH-DESMAREZ, Christine : 14
· GUERIN-CARNELLE, Brigitte : 35
· GRANGE-SEGERAL, Evelyne : 10, 12
· HOUZEL, Didier : 9
· KAES, René : 17
· LECOUTRE, Caroline : 28, 30
· LAM, Hai : 20,21, 25
· LUSTIN, Jean-Jacques : 12, 23
· MANZANO, Juan : 17, 18
· MATOT, Jean-Paul : 12, 24
· MOREL, Alexandre : 15, 2, 27
· NAVALET, Claude : 35
· PALACIO, Francisco : 17, 18
· POUSSIN, Gérard : 18
· ROMAN, Pascal : 20, 35
· RACAMIER, Paul-Claude : 27, 28
· SASSOLAS, Marcel : 9
· VIBERT, Sarah : 15, 21, 27
· VILLAND, Michel : 25, 26
· ZILKHA, Nathalie : 17, 18
GLOSSAIRE DES SIGLES
· ASE : Aide Sociale à l'Enfance
· CATTP : Centre Thérapeutique à Temps
Partiel
· CFTMEA : Classification Française des
Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent
· CIM 10 : Classification internationale des
Maladies, 10e édition
· CLE : Concertation Locale Enfance
· CMP : Centre Médico Psychologique
· EPS : Etablissement Public de Santé
· PMI : Protection Maternelle et Infantile
· RASED : Réseau d'Aides
Spécialisées aux Elèves En Difficulté
* 1 HOUZEL, D (2004). Les enjeux
de la parentalité. In : L. Solis-Ponton (Dir), La
parentalité, Défi pour le troisième
millénaire. Paris : PUF. p. 70.
* 2
Grange-Ségéral, E (2009). Les « choses » de
la transmission. In : M. Sassolas (Eds), Transmissions et soins
psychiques. Toulouse : Erès. p. 190.
* 3 Matot, J.-P. (2007). Le
travail en réseau. In: J.-P. Matot, C. Frisch Desmarez et al. Les
premiers entretiens thérapeutiques avec L'Enfant et sa famille.
Paris : Dunod. p. 240.
* 4
Grange-Ségéral, E. Op. cit. p. 190.
* 5 Chiland, C. (1975).
L'entretien avec l'enfant. In : C. Chiland (Ed), L'entretien
Clinique. Paris : PUF. pp. 96-97.
* 6 Frisch-Desmarez, C., De
buck, C. (2007). L'entretien avec l'enfant. In: J.-P. Matot, C. Frisch Desmarez
et al. Les premiers entretiens thérapeutiques avec L'Enfant et sa
famille. Paris : Dunod. p. 108.
* 7 Vibert, S., Morel, A.,
Flaig, E. (2007). Psychologues cliniciens dans un service de psychiatrie de
l'adolescent. In : F. Marty (dir.), Le psychologue à
l'hôpital. Paris : In Press.
* 8 Op. Cit. p. 97.
* 9 Kaës, R et al. (1993).
Transmission de la vie psychique entre générations.
Paris : Dunod. p. 12.
* 10 Manzano, J.,
Palacio-Espasa, F., Zilkha, N. (1999). Les scénarios narcissiques de
la parentalité. Paris, PUF.
p. 7.
* 11 Ibid. p. 26.
* 12 Chiland, C. Op. Cit. p.
87.
* 13 Lam, H., Deconinck, A.,
Calliau, M. (2007). L'utilisation des bilans psychologiques, orthophoniques et
psychomoteurs. In: J.-P. Matot, C. Frisch Desmarez et al. Les premiers
entretiens thérapeutiques avec L'Enfant et sa famille. Paris :
Dunod. p. 118.
* 14 Debray, R. (2000).
L'examen psychologique de l'enfant à la période de
latence. Paris, Dunod. p. 111.
* 15 Lustin (2004). Op. Cit. p.
324.
* 16 Bastin, T., Matot, J.-P.
(2007). L'itinéraire de la demande. In: J.-P. Matot, C. Frisch Desmarez
et al. Les premiers entretiens thérapeutiques avec L'Enfant et sa
famille. Paris : Dunod. p. 48.
* 17 Chiland, C. Op. Cit. p.
95.
* 18 Villand, M. (2009). Le
soin : de la diffusion à la transmission. In : M. Sassolas
(Eds), Transmissions et soins psychiques. Toulouse : Erès.
p. 156.
* 19 Op. Cit. p. 126.
* 20 De Buck, C., Calliau, M.
Op. Cit. p. 234.
* 21 Racamier, P.-C. (1973).
Le psychanalyste sans divan. Paris, Payot. p. 410.
* 22 Botbol, M., Lecoutre, C.
(2004). Les parents, l'enfant et l'école. In : L. Solis-Ponton
(Dir), La parentalité, Défi pour le troisième
millénaire. Paris : PUF. p. 193.
* 23 Paumelle, Ph. (1973).
Psychiatrie de secteur, psychiatrie communautaire -espoir ou alibi. In :
P-C Racamier , le psychanalyste sans divan. Paris, Payot.
* 24 Op. Cit. p. 194.
* 25 Batista Pinto, E. et al.
(2004). Le bébé prématuré, les enjeux de la
parentalité. In : L. Solis-Ponton (Dir), La parentalité,
Défi pour le troisième millénaire. Paris : PUF.
p. 279.
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