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Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun

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par Dieudonne Desire ELANGA
Universite de Douala Cameroun - DEA 2004
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

Le système financier international a connu au cours de ces trois dernières décennies, d'importantes mutations accélérées notamment par l'essor des technologies de l'information et de la communication, qui ont profondément modifiés les modalités de formulation et de mise en oeuvre des politiques économiques. Ces mutations désignent la profonde évolution des systèmes financiers amorcée dès les années 1970 dans les pays anglo-saxons, les années 1980 pour les pays européens et les années 1990 dans beaucoup de pays émergents (Romey,2004). Il s'agit d'une évolution relative à la conjoncture actuelle qui trouve son explication dans le rétablissement des équilibres macroéconomiques et l'ajustement financier. A cet effet, le passage aux changes flottants à partir de 1973, le changement de contexte macro-économique (chocs et contre chocs énergétiques, ralentissement de la croissance, creusement des déficits publics),ont conduit à partir du début des années 1980, les pouvoirs publics à modifier le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. C'est ainsi que les missions des banques centrales, des banques de second rang, mais aussi des institutions financières internationales se sont modifiées progressivement. Aussi, on est passé dans de nombreux pays, d'un système financier centralisé à un système financier décentralisé. Cette dernière évolution s'est traduite par l'apparition des marchés émergents dans de nombreuses économies en développement .Les pays développés se sont orientés vers l'économie de marché en s'engageant dans la désintermédiation, tandis que les pays en développement parachèvent la libéralisation financière.

Dès lors, il s'est observé dans la sphère financière internationale, deux faits majeurs qui ont particulièrement marqué son évolution.

Il y a, d'une part, la globalisation financière qui s'est accompagnée d'une libéralisation des systèmes financiers nationaux. Cette libéralisation se caractérise par ce qu'il est convenu d'appeler le phénomène des trois « D » : décloisonnement, désintermédiation, dérèglement.

Il y a, d'autre part, l'accélération des innovations financières dont, le développement ne s'est pas effectué partout au même rythme. Les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Angleterre) ont été leaders en la matière avec notamment la création du Nasdaq en 1971, celle des marchés organisés d'options à Chicago en 1973 et à Londres en 1978 (Romey, 2004).Les pays européens ont suivi dans les années 1980, puis les pays émergents dans les années 1990.A l'origine de cette transformation, deux types d'initiatives, l'initiative privée, surtout dans le cas des pays anglo-saxons, avec une accélération sans précédent d'innovations financières introduites le plus souvent par les institutions financières (Silber, 1983)1(*). L'initiative publique a dominé notamment dans les pays européens soucieux de rattraper le retard de leur place financière par rapport aux pays en avance. Progressivement, les marchés financiers se sont développés, les banques ont suivi le même mouvement en formant des conglomérats2(*) financiers multispécialisés. La banque est devenue une industrie et se préoccupe non seulement de sa fonction d'intermédiation, mais aussi de la tenue de ses marges et de son taux de profitabilité Bekolo Ebé (1998). Elle est passée de la banque universelle à la banque éclatée incluant à cet effet la sous traitance.

Aussi, le Cameroun n'a pas été épargné par cette évolution de la structure financière. L'intérêt porté par les autorités de ce pays à modifier le cadre institutionnel mis en place au lendemain des indépendances est apparu clairement au début des années 1990, et motivé par la crise économique qui a frappé les pays de la CEMAC3(*) en général, et le Cameroun en particulier. A cet effet, le système financier camerounais, dont les défaillances ont été révélées en 1987 par la crise économique, a subi de profondes mutations au cours des années récentes. Les marchés financiers étant inexistants, ces mutations ont porté essentiellement sur le système d'intermédiation bancaire. Les autorités publiques ont joué par là un rôle essentiel dans ces changements et cela pour un certain nombre de raisons : la crise économique qui a frappé les pays de la CEMAC en général et le Cameroun en particulier a eu pour conséquence la faillite outre des banques commerciales, mais des institutions financières spécialisées dans le financement à long terme. Il s'en est suivit une détérioration des termes de l'échange provoquant la chute des recettes d'exportations, un important déséquilibre des finances publiques qui augmentaient d'années en année, une dégradation du solde budgétaire primaire en rapport au PIB jusqu'en 1995 tel que l'ont montré (Avom et Gbetnkom, 2003). Ce ratio est passé de -0,4% en 1985 à -6,7% en 1993. Il a été également observé une élévation du ratio dette publique extérieure/ PIB allant de 33,9 en 1985 à 108,0 en 1994, une baisse de la croissance allant de 20,5% en 1985 à -6,7% en 1990 (Banque de France, 1991-1996-1997-1998). Ainsi, pour juguler cette crise, les pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre de reformes financières visant à stabiliser et à assainir l'environnement macroéconomique. Ces reformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, en une restructuration du système bancaire par le biais des liquidations, de fusions, ou de recapitalisation de certaines banques. Une autre politique générale et non la moindre mise sur pied au début des années 1990, a consacré à n'en point douter la création de la COBAC4(*) dont l'objectif est de contribuer à l'assainissement du système bancaire par un contrôle régulier et une supervision des établissements de crédit.

En effet, les banques camerounaises ne bénéficiant plus des situations de rente, et soumises à une réglementation, ont encore en mémoire la situation de détresse à laquelle leurs actifs ont fait face durant la crise. Ce qui les a poussé à opter pour le rationnement du crédit limitant ainsi les ressources des agents qui en exprimaient le besoin. C'est dans cette optique que le système financier camerounais a connu une mutation importante. Cette mutation s'est traduite par un développement remarquable des institutions de micro-finance, une émergence de nouveaux établissements financiers, une innovation financière quoique faible, une libéralisation du secteur financier et des reformes financières adoptées par les pouvoirs publics.

Bien plus, les besoins de financement se sont révélés de plus en plus importants. L'alternative des banques de développement écartée, celle qui a reçu une grande adhésion a été la mise sur pied d'une bourse de valeur mobilière, dont les activités tardent à démarrer jusqu'ici. C'est ainsi aussi que, sous l'angle monétaire, le marché monétaire a été créé et rendu opérationnel à partir du 1er Juillet 1994. Ces changements se sont opérés dans le cadre de la stabilisation macroéconomique et de l'ajustement financier.

Dès lors, le problème consiste à se demander si au Cameroun les mutations financières ont favorisé une allocation efficiente des ressources au secteur productif. Autrement dit ont-elles dans une certaine mesure contribué à rendre le fonctionnement du système financier efficient quant à la mobilisation de l'épargne nécessaire au financement de l'économie ?

Au demeurant, le problème se ramène aux conséquences des récentes mutations financières sur les circuits de financement de l'économie. De manière subsidiaire, quelles ont été leurs implications en terme de politique économique quant à l'orientation du financement de l'économie ?

Ainsi, l'objectif général de ce travail est d'évaluer la contribution des mutations financières au financement de l'économie camerounaise. Plus spécifiquement, il s'agira de savoir si les mutations financières se sont accompagnées d'une allocation efficiente des ressources financières dans l'économie. C'est en répondant à cette question que nous pouvons poser de nouvelles hypothèses de départ permettant une orientation des futures changements opéres pour stabiliser l'environnement macroéconomique.

Ce travail est d'autant plus digne d'intérêt qu'il apporte une contribution au débat dont fait l'objet actuellement le concept de mondialisation financière.

Dans la littérature existante, l'influence des mutations financières sur les circuits de financement a donné lieu à de nombreux travaux.

Les analyses théoriques sur l'innovation financière ont été faites par Silber (1975). Pour cet auteur, l'innovation financière est à l'origine des transformations du système financier, et deux types d'initiatives peuvent être associées en l'occurrence l'initiative privée et l'initiative publique. Cette innovation financière est comprise comme le produit d'une contrainte exogène qu'il s'agit de contourner. L'idée était déjà présente chez Gurlez et Shaw (1960) pour qui : « Dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour échapper aux contraintes déjà existantes ». Les analyses de Silber (1975,1983) et Kane (1983,1988) confèrent d'intéressants fondements théoriques aux innovations de contournements, notamment celles introduites par les institutions financières afin de relâcher la contrainte de la réglementation. Kane (1988) va élaborer un schéma de la dynamique innovation réglementation réductible à deux enchaînements :

1) Réglementation ? contournement par l'innovation ? adaptation de la réglementation.

2) Innovation ? adaptation de la réglementation ? contournement par l'innovation.

Cette innovation se développe pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des instruments supposés correspondre à ses besoins. Pour Bourguinat (1992), ce développement constitue une conséquence de la mondialisation des marchés et de la globalisation financière. Il va analyser la finance internationale en insistant sur le fait qu'il existe de nos jours un vaste marché financier international dont, les parties sont étroitement solidaires et interdépendantes. Dans la même optique, Bekolo-Ebe (1998) estime que les économies contemporaines s'engagent au renforcement des interconnexions et à une unification du marché qui s'homogénéise par de-là les Etats-nations.

Par la suite, les études de Sandretto et Tiani (1993), Tamba et Tchamanbe Dine (1995), Bekolo-Ebe (1996), relèvent les changements de la sphère financière sur le plan global en s'interrogeant sur l'origine de la crise et sur l'efficacité des mesures correctives. Pour Bekolo-Ebe (2001) et Joseph (2001), les reformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, avec l'adoption de la programmation monétaire, mais aussi en la mise en place d'un cadre prudentiel et en une restructuration du système bancaire, et en la création du marché monétaire. Ce qui permet aux banques secondaires de recourir à la technique de l'open Market pour se refinancer.

Aussi, Hugon (1996) va analyser les innovations financières de la part des institutions officielles. Ces innovations concernent les nouveaux produits, les nouveaux circuits, les nouvelles organisations mais également les nouvelles réglementations, et les changements de politique économique.

Les travaux de Joseph.A (2000) montrent à travers le test de Granger que la sphère financière n'a pas d'influence sur la sphère productive. Les canaux de transmission entre ces deux sphères étant la part de l'épargne collectée par les banques et effectivement allouée aux investissements. Les banques vont donc rationnées. Mais ces travaux ne tiennent pas compte de la finance informelle dont l'influence sur la sphère réelle est indéniable au Cameroun. A cet effet, certaines études ont montré que 49% des activités sont financées par le système informel. Aussi, Eboué (1996) estime que c'est le rationnement bancaire de la demande privée de crédit qui explique le dynamisme de la finance informelle.

De même que le concept de finance informelle a émergé pendant les années 1980, le concept de micro-finance a émergé pendant la décennie suivante. Lelart (2002) élabore les facteurs à la base de l'essor de la micro-finance et pense que l'émergence de la micro-finance est une manifestation de la vitalité de la finance informelle. Dès lors, la finance informelle contribue certes au financement de l'activité économique, en particulier au sein des familles et de micro-entreprises, et elle le fait efficacement. Mais elle n' y contribue que faiblement, pour des montants limités et pour des durées courtes. De nombreuses études Nzemen (1988), Lelart (1989) montrent que les mécanismes informels sont de puissants instruments de mobilisation de l'épargne et de financement d'activité tant formelle qu'informelle. Il n'en demeure pas moins vrai qu'ils font face à des contraintes qui en limitent l'incidence positive. Aussi, le partitionnement des circuits financiers relève du dualisme financier dans les pays en développement, composés d'une part, d'un système informel plus adapté aux structures et aux besoins des populations. D'autre part, d'un système financier formel déconnecté des structures économiques internes.

C'est ainsi aussi que, Lelart (2002) va analyser les conséquences de l'évolution de la finance informelle sur l'évolution des systèmes financiers et trouve qu'il est possible que le système financier ne comporte plus qu'une seule catégorie d'institutions. On serait en présence d'un système unifié. Romey (2004) définit les grands traits de la mutation financière et pense que la globalisation financière et l'accélération des innovations financières en constituent les deux principaux piliers.
Demartini (2004) va quant à lui analyser les conséquences de la mutation financière et trouve qu'en favorisant une allocation des capitaux, la mutation financière a sans doute contribué à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires plus efficient. Seulement, ce gain d'efficience s'est opéré au prix d'une instabilité accrue.

Il faut tout de même noter que, depuis les travaux de Goldsmith (1969), il est reconnu qu'il existe un lien entre le taux de croissance à long terme de l'économie et le niveau d'évolution du secteur financier. Seulement, cette hypothèse est galvaudée dans les économies en développement lorsqu'on tient compte des restrictions réglementaires introduites par les politiques gouvernementales. Aussi Guillaumont et Kpodar (2004) relèvent que l'instabilité du développement financier croit avec celui-ci, tout en montrant l'effet favorable du développement financier sur la croissance économique et l'effet défavorable des crises financières.

Les approches théoriques des origines des mutations financières nous permettrons de poser le cadre théorique. Par la suite, nous analyserons les conséquences des mutations financières sur les circuits de financement dans une démarche empirique. Il s'agira d'abord d'évaluer la solidité financière du système bancaire, laquelle s'appréciera à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC, les indicateurs de rentabilité et les autres indices de performance. A cet effet, il sera calculé les ratios de solvabilité, de liquidité et les indicateurs de rentabilité. Ensuite, il sera évalué la politique de crédit entre 1972 et 1990 (année qui marque le début des réformes). Les résultats seront donnés sous formes de graphiques et de tableaux explicatifs des évolutions observées. Enfin, il sera évalué la politique de crédit élaborée entre 1990 et 2003. A cet effet, il sera décelé l'évolution des tendances. Or, la connaissance des tendances est essentielle à la politique dès lors que celle-ci tend à s'appuyer sur des prévisions. L'objectif de la politique économique sera dans cette optique d'encourager ou de contrarier les tendances spontanément observées dans l'économie. C'est pourquoi nous tenterons, d'interpréter les évolutions observées et d'en dégager quelques implications.

Par ailleurs, notre étude utilise les données relevées depuis 1972, mais s'étend beaucoup plus sur la période comprise entre 1990 à 2002. Période concentrant à notre avis les récents bouleversements observés sur la sphère financière Camerounaise.

C'est ainsi que ce travail sera organisé en deux parties. Dans la première partie, il sera présenté les fondements théoriques des origines des mutations financières. A ce niveau, nous présenterons au chapitre 1 les origines internationales des mutations financières et, au chapitre 2 les origines internes des mutations financières. Dans la deuxième partie, nous analyserons les conséquences des mutations financières sur les circuits de financement au Cameroun. Ici, le chapitre 1 présentera l'évaluation de l'impact des mutations financières sur le financement de l'économie au Cameroun et, au chapitre 2 il sera analysé les implications de l'évolution des circuits de financement.

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ORIGINES DES MUTATIONS FINANCIERES

L'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication a contribué à accélérer le phénomène de mutation observé dans la sphère financière internationale. Il s'agit d'une évolution relative au processus de mondialisation des marchés et de globalisation financière, dont le rythme tend à s'accélérer et à se propager à l'ensemble des économies. Cette évolution résulte de plusieurs faits majeurs qui ont particulièrement affecté le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers nationaux et internationaux, dont deux nous paraissent pertinents pour notre propos.

Il y a, d'une part, le passage aux changes flottants à partir de 1973. En effet, à partir du moment où les banques centrales non Américaines ont été conduites en février-mars 1971 à ne plus intervenir aux marges de fluctuation du dollar Américain telles qu'elles avaient été fixées (#177; 4,5%) par l'accord de l'Institut Smithonian de décembre 1971, le mouvement était engagé (Bourguinat, 1992). On s'orientait vers l'abandon du gold exchange standard au profit d'un système de cours de change déterminé au jour le jour, par le marché.

Il y a, d'autre part, le changement du contexte macroéconomique. Il s'est agit ici des chocs et contre chocs énergétiques en l'occurrence, de l'avènement du premier et du second choc pétrolier ; du ralentissement de la croissance ; et du creusement des déficits publics.

En effet, les innovations financières ne se sont pas développées partout au même rythme et, à la même manière . Elles ont initialement été amorcées par le secteur privé surtout dans les pays anglo-saxons, avec une accélération sans précédent d'innovations financières, introduites le plus souvent par les institutions financières (Silber, 1975)5(*). Elles ont également été initiées par le secteur public notamment dans les pays européens soucieux de rattraper le retard de leur place financière par rapport aux autres pays en avance. Aussi, d'importantes réformes financières ont dès lors été entreprises par les pouvoirs publics, visant à décloisonner les marchés nationaux de capitaux, à les étendre et à en faciliter l'accès, ainsi qu'à libéraliser l'activité des banques et à favoriser l'essor de nouveaux intermédiaires financiers.

Progressivement, à l'échelle internationale, les marchés des capitaux se sont standardisés (mêmes produits, mêmes segments de marchés, mêmes procédés, mêmes intervenants), et interconnectés jusqu'à créer un vaste marché mondial des capitaux (Romey, 2004).

Le rôle des marchés des capitaux s'est ainsi considérablement accru, aussi bien au niveau des modalités du financement des entreprises, qu'au niveau des possibilités de placements des ménages.

A cet effet, à partir du début des années 1980, les pouvoirs publics ont modifié le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Les conséquences de cette modification sont allées au delà du cadre national et, se sont répercutées même dans les pays ayant connu un retard dans leur décollage.

Ainsi, le système financier camerounais dont, les défaillances ont été observées au milieu des années quatre-vingt a subi de nombreuses mutations traduites par une émergence de nouveaux établissements financiers, un essor remarquable de la micro-finance, un passage de l'illiquidité à la surliquidité des banques et l'adoption des réformes financières. Les mutations du système financier camerounais ont été initiées par les pouvoirs publics avec l'appui des institutions financières internationales, BEAC, FMI, Banque Mondiale qui ont mis en place un ensemble de mesures sur le plan financier, monétaire et juridico institutionnel en vue de rétablir l'équilibre financier des banques et permettre une meilleure allocation des ressources à l'économie.

L'objectif de cette partie est d'apporter des éclaircissements sur les fondements théoriques des origines des mutations financières. Pour cela, il sera présenté au premier chapitre les origines internationales des mutations financières et le deuxième chapitre analysera les origines internes des mutations financières.

CHAPITRE I

LES ORIGINES INTERNATIONALES DES MUTATIONS FINANCIERES

Au cours de ces trois dernières décennies, le système financier international a subi des mutations profondes. Ces mutations ont été accélérées par l'essor de nouvelles techniques (progrès technique en matière d'information et de communication) et de nouvelles pratiques financières, mais aussi par des développements théoriques qui ont permis de mieux saisir la relation existant entre les phénomènes réels et les phénomènes financiers.

Les mutations du système financier international ont porté autant sur la structure de celui-ci que sur le rôle des principaux acteurs. En ce qui concerne la structure, il convient de souligner que l'on est passé depuis 1973 d'un système de change fixe à un système de change flottant. De même, on est passé dans de nombreux pays, d'un système financier centralisé à un système financier décentralisé. Cette dernière évolution est consacrée par l'apparition de marchés émergents dans de nombreuses économies en développement ou en transition.

En ce qui concerne le rôle des acteurs, les missions des banques centrales, des banques de second rang, mais aussi des institutions financières internationales se sont modifiées progressivement. Ces différentes évolutions ont contribué à définir peu à peu le champ de la macroéconomie financière internationale.

Suite à l'apparition des besoins de plus en plus importants des capitaux, les marchés financiers vont se développer avec une diffusion internationale. Les économies contemporaines vont s'engager dans un processus de mondialisation des marchés et de globalisation financière dont, le rythme tend à s'accélérer (Bekolo-Ebé, 1998). Aussi, les banques vont suivre ce mouvement en diversifiant les services financiers à la disposition des agents économiques. Ces évolutions ont affecté tous les pays industrialisés et vont toutes dans le sens d'un accroissement de la part des marchés dans le financement des économies.

L'analyse des origines internationales des mutations financières nécessite la compréhension du processus de globalisation financière (section 1) et celui de l'accélération des innovations financières (section 2).

SECTION I : LA GLOBALISATION FINANCIERE

La globalisation financière est un concept associé à la mutation financière, et apparaît comme le dénominateur commun à l'ensemble des transformations qui ont affecté le fonctionnement des systèmes financiers (Romey, 2004). Depuis les années 1980, on assiste à ce qu'on appelle le "big bang financier" qui donne naissance à une explosion des marchés dont l'ampleur, le volume et la nature des transactions sont aujourd'hui caractéristiques de la mondialisation financière. La globalisation financière résulte des progrès techniques en matière de communication, mais elle procède aussi des décisions politiques (Romey, 2004). Elle s'est ainsi accompagnée d'une libéralisation des systèmes financiers nationaux.

Cette section vise à montrer que la globalisation financière est à l'origine des mutations financières. Pour cela, il convient de présenter d'une part, les composantes de la globalisation financière (I), et d'autre part, la règle des trois D (II).

I. LES COMPOSANTES DE LA GLOBALISATION FINANCIERE

Les économies contemporaines sont aujourd'hui engagées dans un processus de mondialisation dont le rythme tend à s'accélérer. Cette mondialisation s'analyse en une globalisation dans laquelle les diverses économies tendent à s'intégrer et à former une totalité marquée par un renforcement des interconnexions et à une unification du marché qui s'homogénéise par delà les Etats-nations (Bekolo-Ebe, 1998). Les firmes et organisations appréhendent ainsi le marché comme une totalité de moins en moins contrainte par les réglementations nationales et déterminent leurs implantations et leurs placements par rapport au marché mondial traité comme un tout ,parce que celui-ci est de plus en plus unifié et intégré (Bourguinat, 1997). Telle est la condition préalable de la globalisation.

Plus précisément, du point de vue des firmes, on admet aujourd'hui qu'il existe trois conditions, préalables à cette évolution (Bekole-Ebé, 1998).

- Que le produit ait un caractère global, c'est-à-dire universel, à même d'être identifié et demandé à l'échelle du monde entier par le consommateur. Ce caractère global n'empêche pas des spécificités qui peuvent prendre place dans un processus de segmentation où dans un produit-système, les éléments secondaires sont alors, déglobalisés, permettant de donner aux produits génériques une touche finale locale.

- L'activité du groupe pour être dite globale doit impliquer, ainsi que le relève Porter (1996) que la "position de concurrence stratégique des concurrents dans les zones géographiques ou sur les marchés nationaux, soit fondamentalement affectée par leur position globale". En matière bancaire par exemple, la crédibilité, sur le plan de la solvabilité dans un pays est fortement tributaire de la structure de son bilan consolidé.

- L'équitraitement des moyens impliquant une absence de préférence opérationnelle pour le pays ou la zone géographique originelle. En d'autres termes, la firme ne se détermine que par rapport aux conditions de coûts et de rendements, lesquels déterminent la localisation du moment, mais aussi les décisions éventuelles de délocalisation d'un espace à un autre.

Le phénomène touche aussi bien la sphère réelle de production de biens et services que la sphère financière, et au regard des évolutions actuelles et de l'ampleur du phénomène, on est tenté de penser que la finance est le lieu par excellence de cette globalisation des transactions (Bekolo-Ebe, 1998).

Le produit financier tend en effet à prendre rapidement un caractère mobile, ubiquiste, parce qu'à même de se déplacer avec des coûts de transferts extrêmement faibles, d'autant qu'il prend rapidement un caractère standardisé, et du fait que les risques y attachés tendent à s'atténuer ou sont susceptibles d'être assurés par des procédures de plus en plus diversifiés (Bourguinat 1997 ; Aglietta, 1990). Ces conditions se trouvent aujourd'hui de plus en plus souvent réunies car les interconnexions entre économies obligent les gouvernements à adopter des mesures de convergences juridiques et fiscales et à s'engager toujours plus avant dans un processus d'unification des procédures et de banalisation des techniques monétaires et financières entre les pays dont les systèmes économiques voient leur interdépendance accrue (Bekolo-Ebé, 1998).

Au total, si la finance se globalise dès lors qu'elle est unifiée à l'échelle du monde entier, il convient encore d'invoquer à son propos la règle des trois « D » qui définit les caractéristiques de cette évolution, décloisonnement, déréglementation, désintermédiation.

II. LA REGLE DES TROIS D

Les cycles de négociation de l'Uruguay-round (négociations multilatérale au sein du GATT6(*) de 1986 à 1994 en vue d'achever la libéralisation du commerce international et qui ont débouché sur l'institution de l'OMC à la suite du traité de Marrakech en avril 1994) sur les services financiers ont contribué à polariser l'attention sur le fonctionnement du marché, sur la différence entre libre mobilité des capitaux et non discrimination sur les marchés, sur l'avantage de la libre concurrence entre institutions financières nationales et étrangères, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement (Bekolo-Ebe, 2002). L'évolution des marchés et le processus de mondialisation financière se sont accompagnés d'une libéralisation des systèmes financiers (Romey, 2004). Cette libéralisation se caractérise par ce qu'il est convenu d'appeler le phénomène des "3 D" : décloisonnement, désintermédiation et déréglementation que nous analyserons.

II.1 Le décloisonnement des marchés

Les conditions nécessaires de la globalisation financière sont non seulement l'ouverture des marchés nationaux, mais aussi, à l'intérieur de ceux-ci, l'éclatement des compartiments préexistants (Bourguinat, 1992). La fin des compartiments signifie que les marchés se déspécialisent, les intermédiaires exerçant tous types d'activités. Ainsi, des distinctions traditionnelles séparant aux Etats-Unis banques commerciales et, investments banks spécialisées dans le placement des valeurs mobilières s'estompent. Ce décompartimentage a été consacré par le "big bang" d'octobre 1986 qui a conduit à la confusion des fonctions de contre partistes et courtiers. De même s'installe une sorte de continuum qui fait passer sans distinction de la finance indirecte à la finance directe, avec une prédominance de plus en plus forte de cette dernière (Bekolo-Ebe, 1998).

Les dispositions mises en place dans la plupart des pays au début des années 1970, notamment en France, se caractérisaient par de fortes limitations du jeu des forces du marché, au moyen notamment de contrôles des prix ou du volume des opérations des institutions à l'accès au marché. En France, par exemple, le décloisonnement a consisté à réduire le nombre de marchés spécifiques (circuit bancaire et du trésor, réseaux mutualistes ou caisses d'épargne) afin de constituer un vaste marché des capitaux permettant une régulation monétaire plus efficace et plus conforme aux règles de la concurrence. L'ouverture du marché monétaire en 1985 va donc marquer la première étape du processus de décloisonnement.

L'introduction des titres de créances négociables (TCN) et des bons du trésor négociables participe à la mise en place du chaînon manquant entre le marché interbancaire et le marché obligataire. La seconde étape du processus de décloisonnement a été réalisée par la levée progressive de l'encadrement du crédit entre 1985 et 1987, complété par une plus grande égalité dans les conditions de collecte des ressources et d'octroi de financement.

La décennie des années 1980 est aussi celle de la réhabilitation des marchés boursiers dans le financement de l'économie. Cette réhabilitation s'est accompagnée, en France, d'une modernisation des structures institutionnelles et d'une transformation des techniques de marché avec l'information des échanges. Le décloisonnement s'est aussi accompagné d'une internationalisation des marchés.

II.2 La déréglementation

Le mouvement de déréglementation entrepris dans l'ensemble des pays industrialisés, dès la fin des années 1970, a comporté principalement deux volets : une "déréglementation des volumes" (suppression du contrôle des changes levée des mesures d'encadrement du crédit). Et une "déréglementation des prix (libéralisation des tarifs bancaires, des taux créditeurs et débiteurs) (Romey, 2004). L'évènement le plus emblématique a été le big bang imposé par l'Angleterre à son système financier en Octobre 1986. Celui-ci conduisit non seulement à la confusion des fonctions de contre partistes et des courtiers, mais aussi permit aux non-résidents d'être co-chefs de file dans les émissions étrangères.

Ce mouvement de déréglementation a accentué la concurrence entre les banques sur tous les segments du marché du crédit. Il s'est agit d'une adaptation de la réglementation existante conduisant à éliminer certaines réglementations et à les remplacer par d'autres jugées plus efficaces. Il ne s'agit donc pas de laisser le marché à lui-même ; le mouvement va de paire avec la libéralisation. Il s'agit de laisser plus de liberté aux différents acteurs, d'autoriser un vaste menu de transactions avec des contrôles moins impulsifs. C'est aux Etats unis que le mouvement s'est amorcé avec un ensemble de mesures destinées à encourager la concurrence sur les marchés financiers. En l'occurrence la poursuite de l'élimination des plafonds de taux engagée au milieu des années 1970, l'élimination en 1984 de la retenue à la source de 30% sur les intérêts des obligations souscrites aux Etats-Unis par des étrangers.

La reforme bouleverse les conditions de concurrence sur les places financières et pousse les autres places financières à engager des reformes et à s'inscrire dans le mouvement de déréglementation. Ce mouvement a été amplifié par l'Union Européenne avec la création du marché unique qui portait notamment sur la libéralisation des mouvements de capitaux, la suppression du contrôle de change, le libre échange, des services financiers. Il s'observe à cet effet des marchés émergents dans nombre de pays en développement qui ont libéralisé leur marché pour attirer les investissements étrangers.

On retrouve là une des conséquences de développement de l'analyse théorique qui, surtout dans les années 1980 et 1990 s'est intéressé au rôle du développement de la finance dans le processus de croissance, prolongeant les travaux des théoriciens de la répression financière. Bien plus, les restrictions concernant certaines opérations, ou le fonctionnement des comptes ont progressivement disparu, ainsi qu'on a pu voir aux Etats-Unis, où l'apparition des comptes NOW7(*), Super Now, ATS8(*) a levé la distinction compte à vue, compte à terme. Ce qui donnait l'exemple d'une volonté poussée de déréglementation par les autorités Américaines.

La déréglementation se traduit aussi par l'allégement de la tutelle de l'Etat avec la disparition des diverses contraintes pesant sur ces marchés, par une ouverture des marchés aux intervenants étrangers et un élargissement du jeu de la concurrence qui favorise le développement des innovations financières destinées notamment à couvrir contre les nouveaux risques (Bekolo-Ebe, 1998). Au système compartimenté et spécialisé, s'est substitué un modèle de "Banque Universelle". Le mouvement similaire s'observe aux Etats-Unis avec la remise en question de la distinction traditionnelle séparant banques commerciales et "Investment Banks" spécialisées dans le placement des valeurs mobilières (Romey, 2004).

II.3 La désintermédiation

La désintermédiation a été l'une des premières conséquences visibles du décloisonnement des marchés (Romey, 2004). Elle traduit schématiquement le passage d'une situation qualifiée de "finance indirecte ou intermédiée", dans laquelle les entreprises sont essentiellement financées par les banques au moyen de crédits bancaires classiques, à une situation de "finance directe", dans laquelle les entreprises se financent davantage par apport de fonds propres, ou par émission de titres de créances négociables sur les marchés financiers. En fait, la notion de désintermédiation qu'on associe à l'expansion des marchés financiers ne signifie donc pas disparition des intermédiaires financiers, mais mutation de leur rôle, l'intermédiation financière naît des imperfections sur les marchés des titres primaires (Leland et Pyle, 1977). Cette désintermédiation rend compte de ce que la finance directe devient prépondérante au détriment de la finance indirecte par monnaie de crédit. Les institutions financières jouent désormais un rôle d'agence, mettant en place un système d'information, permettant de réduire les effets d'asymétrie informationnelle générateurs d'aléa moral (Diamond et Dybvig, 1983). Ceci explique les transformations que connaît la fonction d'intermédiation des banques. S'il est vrai depuis les travaux de Gurley et Shaw (1960) et la distinction faîte par Hicks (1974) que la finance directe est opposée à la finance indirecte, il reste que les préférences des portefeuilles des échangistes sont en règle différente que même dans la finance directe, il y a toujours place pour les intermédiaires financiers. Bien que les financements de marché tendent à supplanter les financements bancaires traditionnels, on constate dans le même temps, que les banques ne se désintéressent pas, loin s'en faut, du développement du marché des capitaux. Au contraire, elles ont tendance à accentuer leurs interventions sur ces marchés, en émettant elles-mêmes des titres ou en souscrivant à des actifs émis sur les marchés monétaires et financiers. C'est cette présence accrue des banques sur le marché des capitaux qui a entraîné une "marchéisation" des conditions bancaires des opérations traditionnelles (Romey, 2004).

La désintermédiation apparaît dès lors comme une conséquence de cette évolution et la situation s'analyse en une tendance à la modification et à la mutation du rôle des intermédiaires, en particulier les banques, et ce, du fait du développement de la finance directe. Les banques ont pu par ce biais soustraire de leur bilan, le maximum de créances douteuses et sans grand avenir, en se faisant alors intermédiaires pour les placer auprès d'emprunteurs finals, sous forme d'effets renouvelables et de ce fait, à taux variables.

La globalisation financière, en favorisant le développement des marchés financiers a permis aux banques de faire valoir leur expertise financière et proposer à leurs clients une vaste gamme de services financiers. Dès lors, le développement des innovations financières trouve là leur explication.

SECTION II : L'ACCELERATION DES INNOVATIONS

FINANCIERES

La mondialisation des marchés et la globalisation financière, ont pour conséquence le prodigieux développement de l'innovation financière. Libres et mondialisés, les marchés sont en effet devenus particulièrement concurrentiels, ce qui les a engagés dans une course constante à l'innovation. Ces innovations ne se sont pas développées partout au même rythme. Les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Angleterre) ont d'abord été leaders en la matière avec notamment la création du Nasdaq en 1971, celle des marchés organisés d'option à Chicago en 1973 et à Londres en 1978. Ensuite ont suivi les pays Européens dans les années 1980, puis enfin les pays émergents dans les années 1990. A mesure que les innovations se développent, leur diffusion s'accélère. Les pays suiveurs ont de ce fait pu facilement rattraper leur retard (Romey, 2004).

L'objet de cette section est triple. D'abord donner une justification des innovations financières (I), ensuite faire leur typologie (II), enfin présenter les théories explicatives de l'innovation financière (III).

I. DEFINITION ET JUSTIFICATION DES INNOVATIONS FINANCIERES

L'innovation financière désigne la nouveauté dans la production sous forme de produit nouveau, de procédé de fabrication nouveau, de l'usage de nouveaux produits financiers (Lexique d'économique, 2002).

Depuis les années 1980, l'innovation financière connaît un développement fulgurant, élargissant considérablement le menu des instruments financiers à la disposition des acteurs, investisseurs, spéculateurs ou trésoriers d'entreprises. Parallèlement au mouvement de libéralisation et aux mutations des régimes de change, le progrès des technologies de l'information et de la communication facilite de plus en plus les montages et les transferts financiers internationaux. La finance est en effet liée au traitement et à la collecte de l'information.

L'innovation financière se développe d'abord pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des instruments supposés correspondre au plus près à ses besoins. Ainsi sont apparus une panoplie d'instruments qui d'ailleurs ont accéléré le décompartimentage des marchés. La sophistication de ces instruments et produits offerts est en effet telle que le même instrument peut revêtir des caractéristiques aussi bien du compartiment court, que du compartiment long du marché (Bekolo-Ebé, 1998).

L'innovation se développe ensuite pour permettre aux clients de faire face aux risques attachés à l'incertitude grandissante, liées à la levée des contrôles et règlements. Il en est particulièrement ainsi de tous ces instruments destinés à couvrir les intervenants des risques liés à la mobilité des taux et à la possibilité désormais offerte d'opérer dans une optique multidevise.

Les nouveaux produits, dont la plupart doivent d'ailleurs leur existence à des mutations souvent faites in fine, ont ainsi une triple vocation :

- Gérer l'instabilité des taux et des changes

- Permettre le passage facile et rapide d'un compartiment à l'autre du marché (taux variables, taux fixes, comptant, terme)

- Permettre facilement et rapidement le passage d'une devise à l'autre (Bourguinat, 1992)

L'innovation financière facilite ainsi l'activité économique et l'allocation des ressources.

Si l'innovation financière joue un rôle central dans l'analyse de la mutation financière, sa description est rendue malaisée par les nombreuses formes qu'elle peut prendre. La typologie généralement adoptée est basée sur celle utilisée par J.A. Schumpeter pour les innovations industrielles.

II. TYPOLOGIE DES INNOVATIONS FINANCIERES

La description de l'innovation financière peut être faite par analogie avec la théorie de l'innovation industrielle de Schumpeter. A cet effet, on peut établir une typologie des innovations financières en distinguant :

- Les innovations de procédé qui comportent une dimension technologique : introduction de la télématique dans les services bancaires et financièrs, monnaie électronique, dématérialisation des titres financiers.

- Les innovations de produits qui se caractérisent soit par l'apparition de nouveaux produits, soient par la modification des caractéristiques de produits déjà existants. On peut citer le titre de créances négociables (introduits en France en 1985 avec la reforme du marché monétaire), les produits dérivés de type contrats à terme fermes ou option, ou encore les SICAV (Sociétés d'Investissement à Capital Variable).

- Les innovations de marché qui se traduisent par l'ouverture d'un marché ou l'exploitation d'un nouveau segment de marché pour le cas français, on peut citer l'ouverture du second marché en 1983, à destination des entreprises de taille moyenne, le MATIF (Marché à terme d'instruments financiers) en 1986 et le MONEP (Marché des Options Négociables de Paris) en 1987, ainsi que les compartiments Next Tract, dédiés aux trackers (fonds indiciels cotés), et Next Warrants consacré aux bons d'options (Warrants) en 2001.

- Les innovations provenant de l'émergence de nouvelles organisations. Citons les multilatéral trading facilities, nouveaux types de bourses entièrement automatisées qui concurrencent les places de marché traditionnelles, ou encore la bancassurance qui réunit les activités bancaires et d'assurance.

Toutefois, l'analogie entre innovations financières et innovations industrielles est imparfaite en raison des spécificités inhérentes aux premières. Tout d'abord, une innovation financière n'est jamais pure, et se révèle le plus souvent de nature hybride. La plupart des nouveaux produits financiers résultent, au moins partiellement d'innovations de processus. Les innovations de marché induisent les innovations de produits. Par exemple, les trackers constituent à la fois une innovation de produits, de processus (nouvelles technologies de la communication qui permettent l'achat ou la vente de titres en temps réel), et de marché (création du segment Next Tract d'Euronex).

A la différence des innovations industrielles, la création de nouveaux produits financiers vient étendre la gamme des produits existants sans forcément rendre ces derniers obsolètes. Aussi, même si ses déterminants initiaux ne sont plus d'actualité, l'innovation financière ne disparaît pas (cela rend d'ailleurs le cycle de vie des produits financiers assez particulier, ces derniers se caractérisent par une très longue phase de maturité). Il existe des effets de cliquet tels que la plupart des produits financiers, une fois entrés dans la pratique financière n'en sortent plus. Par exemple, alors que les Money Market Mutual Funds (MMMF) ou les SICAV monétaires sont nés en période d'inflation élevée pour diminuer le coût de détention des encaisses monétaires, ces dispositifs associant rendement et liquidité n'ont pas disparu avec la désinflation. Enfin, l'innovation financière ne peut pas être protégée par un brevet, la carte à puce étant l'une des rares exceptions. En règle générale, une modification marginale des caractéristiques du produit (taux d'intérêt, échéance, etc.) suffit à se différencier du produit initial. Facilement copiable, l'innovation financière ne procure à l'entreprise innovante qu'un avantage compétitif de courte durée. Par ailleurs, alors que l'innovation industrielle est inhérente au changement technique et se produit quelles que soient les conditions économiques générales, l'innovation financière est liée à des changements contingents aux conditions macroéconomiques qui provoquent une adaptation des méthodes de financement, avec un retour ultérieur possible aux instruments précédents. L'innovation financière ne présente donc pas de trajectoire technologique (Aglietta, 1991).

Les innovations financières, à travers le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) se sont internationalisées. Elles permettent une interconnexion des places boursières (GLOBEX)9(*), une diffusion plus rapide et moins coûteuse de l'information (systèmes Reuters, Telerate, Fininfo) et l'automatisation des processus de traitement de cette dernière. C'est ainsi qu'en Europe, l'Union Economique et Monétaire et la création de l'Euro ont conduit à l'émergence d'un vaste marché unifié des capitaux.

En définitive, les innovations financières revêtent un caractère spécifique, qu'il convient maintenant de présenter les théories explicatives de leur existence.

III. LES THEORIES EXPLICATIVES DES INNOVATIONS FINANCIERES

La spécificité des innovations financières nécessite le développement des théories appropriées (Geoffron, 1992). Selon une approche empruntée à la théorie des cycles, le processus d'innovation financière se compose de phases successives d'"accélération" et de "digestion". Si ces phases sont largement tributaires des changements dans les conditions économiques et financières, il n'existe pas de théorie expliquant formellement l'incidence de la conjoncture sur l'incitation à innover. L'histoire financière nous renseigne peu sur les raisons du passage d'une phase à une autre. En revanche, les théories dédiées plus spécifiquement aux innovations financières ont permis d'appréhender certains facteurs généralement reconnus comme ayant encouragé le processus de l'innovation financière.

Les analyses de Silber (1975, 1983) et Kane (1983, 1988) confèrent d'intéressants fondements théoriques aux innovations de contournement, notamment celles introduites par les institutions financières afin de relâcher la contrainte de la réglementation. A côté de ces analyses orientées du côté de l'offre, d'autres analyses comme celle de Desai et Low (1987) mettent davantage en avant le rôle de la demande, expliquant bien la recherche d'instruments de placement et de financement destinés à satisfaire une demande de combinaisons nouvelles des caractéristiques existantes en termes de rendement, risque et liquidité (Romey, 2004).

III.1. La théorie de la contrainte et de la dialectique réglementaire

Innovation financière et réglementation entretiennent une dynamique et des relations complexes. Leur dialectique apparaît ainsi comme une conséquence de l'évolution des marchés et, rend difficile de savoir si les mouvements observés sont dus aux décisions des gouvernements ou à la dynamique des marchés. Silber (1975) est le premier à avoir élaboré un schéma interprétatif original, en mettant l'accent sur trois types de contraintes qui ont joué un rôle central dans l'accélération de l'innovation financière. Il s'agit :

- Des contraintes réglementaires.

- De l'intensification de la concurrence.

- De la montée des risques liés à la volonté accrue des taux d'intérêts et des taux de change depuis les années 1970.

Ce modèle convient plus particulièrement à l'étude des stratégies des intermédiaires bancaires. Les contraintes subies par les institutions engendrent des innovations destinées à gagner des degrés de liberté. L'innovation financière est donc considérée comme le produit d'une contrainte exogène qu'il s'agit de contourner (Romey, 2004).

Cette idée était déjà présentée chez Gurley et Shaw (1960). « Dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour échapper aux contraintes déjà existantes ». Mais la paternité de la dynamique innovation-réglementation revient véritablement à Kane. Autour de cette dynamique, il élabore le concept de dialectique réglementaire réductible à deux enchaînements :

1) Réglementation ? contournement par l'innovation ? adaptation de la réglementation

2) Innovation ? adaptation de la réglementation ? contournement par l'innovation

Selon ce schéma, les agents sont incités à contourner la réglementation dès lors que le solde coût/avantage de l'adhésion de l'agent à la contrainte réglementaire devient négatif. (Romey, 2004). Cette dialectique met en lumière l'interaction entre deux types d'agents : les agents privés assujettis à la réglementation et les pouvoirs publics qui la mettent en oeuvre. Chacun modifiant son comportement en fonction des actions constatées ou anticipées de la part de l'autre. Les rapports de force sont toutefois inégaux. D'une part, il faut moins de temps pour contourner la réglementation qu'il n'en faut pour réglementer. Et d'autre part, plus la réglementation est efficace, moins vite elle sera contournée.

Ce type d'analyse est particulièrement bien adapté au cas des pays anglo-saxons où l'initiative des innovations financières a surtout appartenu aux agents privés de la sphère financière, lesquels ont trouvé par l'innovation les moyens de desserrer certaines contraintes pesant sur eux. Des contraintes d'ordre réglementaire ont amené les banques à développer des formules leur permettant de contourner par exemple les interdictions ou les plafonnements de taux créditeurs ou bien encore de créer de nouveaux produits échappant à l'assiette des réserves obligatoires. Dans le cas des Etats-unis par exemple, l'écart croissant entre les taux d'intérêt administrés (réglementation Q ) et le taux de marché a été le principal déterminant de l'innovation financière au début des années 1970. La titrisation est une autre illustration du contournement de la réglementation. Elle consiste à transformer des actifs ou des créances peu ou pas négociables (crédits bancaires) en titre aisément négociable sur des marchés secondaires. Par l'intermédiaire d'une entité juridique (ou véhicule) ad hoc (Romey 2004) les établissements de crédit peuvent alors améliorer la liquidité de leur bilan et réduire leurs besoins en capitaux propres.

La concurrence entre institutions constitue un autre type de contrainte. Même si on ne peut breveter un produit financier, l'innovation assure à son créateur un bénéfice en termes d'image de marque. Eventuellement, le temps d'adaptation des concurrents peut procurer à l'entreprise innovante un monopole de courte durée et stimuler l'investissement en recherche et développement (RD). Cette concurrence amène également les établissements bancaires à compresser au maximum les coûts subis par leurs clients, notamment grâce au retour à Internet, donnant lieu au développement de la banque directe. Cette dernière permet d'effectuer toutes les opérations bancaires courantes (gestion de moyens de paiement, crédits, épargne) en remplaçant la relation bancaire en agence par une relation avec une plate-forme téléphonique associée à un système d'information performant.

Un troisième type de contrainte, est la montée des risques et la nécessité d'y parer. Ceux-ci explique par ailleurs le développement par les banques de produits dérivés (contrats à termes fermes, optionnels SWAPS) négociés dans un premier temps de gré à gré sur des marchés organisés.

L'initiative de l'innovation n'appartient pas toujours à la sphère privée (Artus et de Boissieu, 1995 ; de Boissieu, 1998). Ainsi dans les pays Européens, en situation de rattrapage par rapport aux pays anglo-saxons, l'initiative a plutôt appartenu aux pouvoirs publics qui, aux moyens d'importantes réformes financières, ont d'eux-mêmes créé de nouveaux marchés ou introduit de nouveaux produits. Les contraintes à l'origine de ces innovations d'origine publique étaient essentiellement de deux ordres : le financement des déficits aux entreprises nationales ; la compétitivité externe des places financières.

L'innovation financière française par exemple, a ainsi été conduite par l'initiative des pouvoirs publics, soucieux de moderniser la gestion des déficits publics et de rattraper le retard notable du pays en matière de développement financier.

On peut également retenir dans le cas français l'importance de l'incitation fiscale comme déclencheur d'innovations financières au cours des années 1980. les produits issus de ces innovations ont permis de répondre aux contraintes de financement spécifiques des entreprises françaises, encore largement dominées dans les années 1980 par de nombreuses PME à caractère familiale et par de grandes entreprises nationalisées, et à qui, il fallait donner un accès aux capitaux tout en garantissant le maintien de la structure du pouvoir dans l'entreprise.

En définitive, l'innovation financière n'est pas seulement orientée du côté de l'offre. Elle peut également être appréhendé vers la recherche d'instruments de placement et de financement destinés à satisfaire une demande de combinaisons nouvelles des caractéristiques existantes en termes de rendement, risque et liquidité, qu'il convient maintenant d'analyser.

III.2 La demande de nouvelles combinaisons de caractéristique

Contrairement aux analyses de Silber et de Kane qui caractérisent l'innovation comme une réponse de l'organisation (essentiellement les institutions financières) aux contraintes qui pèsent sur elle, et dont les coûts deviennent exorbitants, l'approche par la demande (Desai et Low, 1987), inspirée par les travaux de Lancaster (1966, 1971) portant sur la demande de caractéristiques, met en avant la volonté de la part de l'agent qui innove de répondre à une demande latente des consommateurs.

Pour Lancaster (1971)10(*), les biens sont dotés de caractéristiques dans les proportions fixes et, c'est sur ces caractéristiques, et non sur les biens eux-mêmes, que le consommateur exerce ses préférences. Le consommateur a une variété idéale et choisit sur le marché le produit qui s'en rapproche le plus. Plus la distance est grande entre la variété de marché qui est proposée et la variété idéale du consommateur, plus le potentiel d'innovation est grand, car il existe une demande latente non "assouvie". Desai et Low (1987)11(*) ont transposé ce schéma à l'innovation financière. Plus les consommateurs seront nombreux à souhaiter des titres présentant des caractéristiques intermédiaires en terme par exemple de rendement et de liquidité, qui puissent maximiser leur utilité, plus l'innovation sera profitable. Autoriser des transferts d'un compte à vue vers un compte d'épargne (et inversement) sans délai ni coût, permet aux clients d'optimiser la gestion de leur trésorerie et répond ainsi à leur demande latente de solidarisation des comptes. Les banques Américaines ont donc rivalisé d'imagination pour offrir à leurs clients ce type de service. Complémentaire de celle développée par Silber, cette théorie se révèle néanmoins plus étroite. Elle s'applique en effet facilement aux innovations de produits, mais reste difficilement transposable aux innovations de processus.

Le présent chapitre avait pour objet d'analyser les origines internationales des mutations financières. Pour ce faire, il a fallu non seulement présenter les faits précurseurs de ces changements, mais aussi, étudier les origines proprement dites des mutations financières à l'échelle international. Au terme de ce chapitre, il apparaît que les mutations financières trouvent leurs origines internationales dans la prise en compte de deux processus qui constituent les deux piliers majeurs.

Il y a, d'une part, La globalisation financière qui apparaît comme le dénominateur commun à l'ensemble des transformations qui ont affecté le fonctionnement des systèmes financiers. Cette globalisation a résulté non seulement des progrès techniques en matière de communication, mais aussi des décisions politiques. Elle s'est accompagnée de la libéralisation des systèmes financiers nationaux se caractérisant par la règle des trois « D ».

Il y a, d'autre part, l'accélération des innovations financières, dont, l'initiative relève aussi bien du secteur privé surtout dans les pays anglo-saxons, que des pouvoirs publics, en particulier dans les pays européens. La mondialisation des marchés a aussi favorisé l'accélération des innovations financières.

Aussi, les caractéristiques structurelles des systèmes financiers vont continuer de varier selon les pays de façon notables, particulièrement en ce qui concerne l'importance relative des marchés de titres, des banques et des autres institutions financières comme source de financement. Toutefois, avec l'assouplissement des contraintes imposées aux différentes formes de financement, les structures financières semblent se rapprocher.

Ces mutations ont eu une diffusion internationale et ont par là même affecté le système financier camerounais. Il convient à ce niveau d'étudier les origines des mutations financières au Cameroun.

CHAPITRE II

LES ORIGINES INTERNES DES MUTATIONS FINANCIERES AU CAMEROUN

Le système financier Camerounais dont les défaillances ont été observées au milieu des années quatre-vingt est sujet à de nombreuses mutations. Ces mutations désignent les changements observables sur la sphère financière, et se sont traduites par une émergence de nouveaux établissements financiers, un essor remarquable de la micro-finance, un passage de l'illiquidité à la surliquidité des banques et la mise en place des mesures d'ajustement financier. L'explication de ces changements réside dans un certain nombre de faits criants, dont deux paraissent pertinents pour être évoqués pour notre propos. Il s'agit d'abord de la crise économique qui a profondément affecté les banques, limitant ainsi leur rôle d'intermédiation financière. Ensuite le rétablissement des équilibres macroéconomiques, et enfin, l'apparition des besoins de plus en plus importants des ressources pour le financement des activités de production. Contrairement aux évolutions observées dans les systèmes financiers anglo-saxons, pour lesquelles l'initiative relevait du secteur privé, celles du système financier Camerounais se sont réalisées par l'initiative des pouvoirs publics, qui étaient soucieux de rétablir l'équilibre financier détérioré par la crise. Ils ont ainsi mis en place d'importantes réformes. L'objectif de ces réformes était de donner au système bancaire une solidité financière et une capacité à mobiliser les ressources financières, et à les affecter dans les secteurs productifs de l'économie.

A cet effet, à partir de la fin des années 1980 et le début des années 1990, les pouvoirs publics camerounais, avec l'appui des bailleurs de fonds internationaux : Banque Mondial, Fonds Monétaire International et Banque des Etats de l'Afrique Centrale ; vont dans le cadre des plans d'ajustement structurel enrichir leur thérapie habituelle par des restructurations bancaires. Ainsi, une nouvelle organisation va être donnée au système bancaire sur le plan technique se traduisant par le désengagement de l'Etat du capital des banques au profit des intérêts privés.

L'objet de ce chapitre est double. Il apporte une explication aux origines internes des mutations financières via d'une part, la crise de l'intermédiation financière et, d'autre part, les mesures d'ajustement financier. Il importe dès lors de revenir sur la crise de l'intermédiation financière (section1), avant d'aborder les mesures d'ajustement financier au Cameroun (section2).

SECTION I : LA CRISE DE L'INTERMEDIATION

FINANCIERE

La crise économique du milieu des années quatre-vingt a révélé les difficultés de l'intermédiation financière au Cameroun. Ces difficultés étaient liées aux causes multiples : notamment l'omniprésence de l'Etat qui permit aux entreprises publiques de bénéficier des concours bancaires pour assurer leurs équilibres (Pelletier, 1993), les erreurs de gestion (Mathis, 1992), les difficultés conjoncturelles, le faible degré d'approfondissement financier, l'inadéquation des structures bancaires aux habitudes des populations, et à l'orientation des financements vers les secteurs d'exploitation. Il s'agit d'une  carence quasi congénitale que l'évolution n'a pu malheureusement lever (Bekolo-Ebe, 1996)

Dans cette situation asphyxiante, les banques ne pouvaient plus assurer leur rôle d'intermédiation financière, compromettant ainsi le processus de croissance et développement économique. L'objet de cette section est de montrer en quoi est-ce que la crise de l'intermédiation a contribué aux mutations financières. Pour cela, il sera présenté dans un premier temps les explications théoriques des causes de la crise (I), et dans un second temps ,les caractéristiques de la crise de l'intermédiation financière (II).

I. LES EXPLICATIONS THEORIQUES DES CAUSES DE LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE

Les causes12(*) de la crise de l'intermédiation financière peuvent être distinguées en deux catégories : les causes nées de l'absence de relations structurelles entre la banque et l'économie et, des causes introduites par les politiques économiques. Ces causes seront successivement présentées à la suite de ce travail.

I-1 LA FAIBLESSE DES RELATIONS STRUCTURELLES ENTRE LA BANQUE ET L'ECONOMIE.

La faiblesse des relations structurelles entre la banque et l'économie peut s'apprécier à travers deux critères principaux. Il y a d'une part, la logique de l'implantation bancaire au Cameroun et, d'autre part, l'existence d'asymétries d'information.

I-1-1)-La logique de l'implantation bancaire au Cameroun

L'appréciation de l'influence des intermédiaires bancaires sur l'évolution de l'économie camerounaise, ne peut se faire sans une analyse historique des origines et des motivations qui ont sous-tendu leur mise en place.

L'installation des banques au Cameroun est très ancienne et, obéit à une logique coloniale. Toutes les relations seront dès l'origine dominées par la prééminence de la métropole sur les colonies. Ainsi, les banques sont apparues largement tributaires de celles de la métropole qui avaient déjà des structures bien organisées. Ces institutions apparaissent en conséquence en avance par rapport aux structures économiques et, ont été imposées sans tenir compte des réalités économiques culturelles et sociales. Leur rôle était de prendre en main le développement des échanges commerciaux au profit de la métropole. Et c'est du développement de ces échanges que dépendra le rythme d'installation des guichets de banque.

Au moment où le Cameroun accède à la reconnaissance internationale, on s'attendait à ce que cette logique soit infléchie ou alors totalement inversée. Mais il n'en ait rien été parce que, la structure de l'économie des colonies n'avait pas elle même fondamentalement changé. Elle est restée pour l'essentielle basée sur la production et l'exportation des matières premières.

Dans la période d'euphorie qui a suivie les indépendances, les banques se sont développées de façon désordonnée et imprudente avec l'aide des banques étrangères dont elles étaient généralement des filiales. N'ayant pas l'expertise nécessaire et n'ayant pas été incitées à l'acquérir, les banques ont préféré prospérer dans les activités peu risquées de financement de l'import-export, et des entreprises publiques détenant les monopoles dans l'exploitation des produits primaires.

L `environnement a continué à être caractérisé par de fortes asymétries d'information.

I-1-2) Les asymétries d'information et l'environnement juridico- institutionnel

Les développements de la théorie de l'intermédiation financière appuyés par ceux de la théorie des contrats et de la théorie de l'agence, ont montré l'importance de la maîtrise de l'information par les banques.

En effet, Gurley et Shaw (1960), définissent les intermédiaires financiers comme des agents transmettant les excédents des agents à capacité de financement vers les agents à déficit de financement. Ceci serait vrai si l'information était disponible pour tous dans la réalité. Or, sur les marchés en général (Akerlof, 1970), et sur le marché du crédit en particulier, les emprunteurs ont une meilleure appréciation de leur capacité de risque que les prêteurs. D'où deux types d'asymétries d'information. La sélection adverse ou type caché, lorsque le marché pur aboutit à consentir des prêts aux mauvais emprunteurs et, le hasard moral ou comportement caché lorsqu'il est impossible pour le prêteur de vérifier les conditions d'utilisation du crédit.

Ainsi, (Leland et Pyle, 1987) aboutissent à la conclusion que, la banque comme intermédiaire financier, gère mieux les asymétries d'information en réduisant de façon institutionnelle les coûts d'acquisition et de gestion de l'information. Dans le même sens, Diamond et Dybvig (1983) perçoivent la banque comme « l'institution déléguée » qui gère les risques liés aux relations de crédit avec l'entreprise.

Cependant, après l'indépendance, l'Etat a participé au capital des principales banques, et a cherché à orienter les ressources vers les activités qu'il jugeait prioritaires, tout en rendant le crédit bon marché par un contrôle administratif des taux d'intérêt. Dans un environnement juridique peu porteur et un contrôle bancaire peu strict, les crédits improductifs aux secteurs désignés par le gouvernement étaient reconduits puisqu'en cas de défaut, les banques avaient en principe le recours de la garantie de l'Etat. Garantie dont, la couverture n'était d'ailleurs pas clairement définie. Cette situation a contribué à dégager les banques de toute préoccupation quant au contrôle de la bonne utilisation des crédits et à la bonne connaissance de leurs contreparties dans la relation de crédit.

De la même manière, fournies en abondance de l'épargne publique, les banques ne se sont pas préoccupées de la collecte de l'épargne et notamment de l'épargne longue. Ces erreurs de gestion ont rendu les banques incapables de faire face au retournement de tendance qui a entraîné les retraits massifs des dépôts étatiques.

Après les indépendances, la gestion des banques qui avait été pour la plupart nationalisées, a éloigné les banques plutôt que de les rapprocher des structures économiques nationales.

En définitive, les relations entre les banques et l'économie sont restées très superficielles ; les banques se contentant de fournir les financements sans se soucier de leur utilisation et, ne s'intéressant pas aux informations comptables et financières sur l'activité passée et future de l'entreprise.

Cette habitude a entraîné la défaillance dans la mesure du risque du côté de la banque, tandis que du côté des emprunteurs, s'est installé une habitude de falsification des documents comptables favorisée par la faiblesse de l'appareil judiciaire.

La politique monétaire pour sa part, a introduit d'autres distorsions.

I-2) LES DISTORSIONS INTRODUITES PAR LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE.

Selon cette catégorie de justification, la politique gouvernementale a un effet sur le comportement bancaire, dans la fonction d'intermédiation financière. Cette politique, bien que menant pour des raisons politiques à une gestion hasardeuse des établissements bancaires, peut aussi introduire une répression financière, ou introduire un dualisme financier.

I-2-1) -La théorie de la répression financière

La répression financière désigne les obstructions réglementaires de toute nature qui contrarient les activités des intermédiaires financiers et entravent le développement de l'épargne (Mc Kinnon, 1970 ; Shaw, 1973). Elle consiste à fixer des taux d'intérêt en dessous de leur valeur d'équilibre, à orienter administrativement le crédit, à fixer les réserves obligatoires à un niveau élevé, et à limiter la concurrence au sein du système bancaire.

Cette théorie découle de l'approche néo-classique du financement du développement qui suppose l'épargne préalable à l'investissement. Celle-ci est une fonction croissante au taux d'intérêt réel. Selon les conclusions de Mc Kinnon, la répression financière empêche l'économie d'atteindre son taux de croissance optimal.

A la suite de Mc Kinnon, des travaux plus récents, réalisés par Eboué C (1990) intègrent le taux d'intérêt informel comme variable déterminante de la répartition du portefeuille des agents économiques en économie réprimée. Dans un tel contexte, la politique monétaire a un effet sur le comportement des banques en les obligeant à revoir leur fonction d'intermédiation financière.

Ainsi, pour stimuler l'investissement, il faut décourager la détention de la monnaie. De cette mécanique, découle une politique monétaire qui conduit à un certain nombre de restrictions que Mc Kinnon (1991)13(*) appelle « instruments de répression financière ».Ces instruments sont :

- La rétention importante des réserves obligatoire sur les dépôts pour lutter contre l'inflation.

- Les restrictions sur les taux d'intérêt : administration des taux (plafonnement, pratique des taux préférentiels ou de faveur pour certains secteurs).

Pour des taux fixés à des niveaux faibles, le plafonnement a conduit à des taux d'intérêts réels négatifs sur les dépôts, si l'on tient compte du niveau du taux d'inflation et des taux d'intérêt rémunérateurs sur les crédits14(*).

En définitive, l'utilisation des instruments de la répression financière conduit à réduire l'attraction de détenir des créances sur le système bancaire.

Par ailleurs, les institutions financières sont obligées de pratiquer une politique de rationnement de crédit, ce qui prive l'accès d'une bonne partie de la population au marché des fonds prêtables et se traduit par la segmentation des marchés des capitaux domestiques. Ainsi, il résulte de la répression financière, une réduction du flux des fonds prêtables dans le système financier, obligeant d'une part, les banques à rationner le crédit et d'autre part, !les emprunteurs potentiels à s'appuyer davantage sur l'autofinancement ou sur les circuits financiers parallèles.

En cela la répression financière génère un dualisme financier dans l'économie.

I-2-2) -Le dualisme financier

Les économies Africaines sont caractérisées par l'existence d'un dualisme financier qui constitue théoriquement un obstacle au développement financier (Hugon, 2001). Dans l'optique néoclassique, le développement financier est préalable à l'investissement, puisque le dualisme financier contribue à évincer le système financier formel des circuits de collecte d'épargne. Dans l'optique de Shaw (1973), le circuit formel de financement est le meilleur. Les intermédiaires financiers permettent en effet de mieux orienter l'épargne car, recevant plusieurs demandes de financement, ils peuvent opérer un choix sur une gamme de projets assez large. Cette possibilité est réduite pour « l'épargnant investisseur »qui n'a généralement qu'une opération unique et propre à financer.

Deux théories s'opposent sur l'origine du dualisme financier. La première considère que la présence du dualisme financier s'explique par les carences du système financier formel, lesquelles résulte de la répression financière. A ce propos, Eboue C (1990) recense trois propositions permettant de formuler la répression financière comme cause du dualisme financier.

- Insuffisante intermédiation du côté des marchés de capitaux officiels et inexistence des marchés de fonds prêtables. Désarticulation et segmentation du processus de collecte de l'épargne du côté des «  marchés souterrains ».

- Bas niveau des taux d'intérêt sur le marché officiel qui entraîne la baisse de l'incitation au placement bancaire en causant le renforcement du rationnement de l'offre de crédit.

- Niveau élevé des taux d'intérêt sur le plan informel.

En définitive, les agents dont le niveau d'accumulation est contraint sur le plan formel se reportent sur le marché informel.

La seconde thèse considère que le dualisme financier s'explique par l'hétérogénéité intrinsèque des structures économiques et sociales des pays en développement et par l'attachement des individus à leurs valeurs et coutumes traditionnelles. Cette approche structurelle intègre des normes sociales et complémentaires justifiant par exemple l'existence du financement informel au sein des groupes immigrés dans les pays développés. Il peut dès lors être présenté les caractéristiques de la crise de l'intermédiation financière.

II. LES CARACTERISTIQUES DE LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE

La crise de l'intermédiation financière présente un certain nombre de caractéristiques. D'abord, une dégradation des dépôts, ensuite un rationnement bancaire du crédit, et enfin une mutation de la carte bancaire se traduisant par une concentration géographique des guichets dans les zones urbaines.

II-1)- LA DEGRADATION DES DEPOTS

Les dépôts ont progressé régulièrement jusqu'en 1985.Cette progression des dépôts jusqu'au milieu des années quatre-vingt n'est pas liée au taux d'intérêt réel négatifs15(*) durant toute cette période, elle s'explique par des effets d'offre avec la multiplication des agences bancaires dans un climat de croissance économique.

Entre 1985 et 1987, les dépôts à terme et les dépôts à vue ont chuté de plus de 32%(soit 45% en volume) et 22% (soit 36%en volume) ; cette baisse aurait été beaucoup plus importante si les banques n'avaient pas limité le montant des retraits (Joseph A, 2000).

La chute des dépôts s'explique par le déclenchement de la crise économique. Le manque de confiance dans le système bancaire pourrait être à l'origine de ce phénomène. C'est ainsi que Joseph A. (2000), a montré en effectuant le test de Chow qu'il existe une rupture de tendance dans la relation entre les dépôts et le PIB avant et après 1986. à partir de cette année, les dépôts observés évoluent plus irrégulièrement que les dépôts prévus, et sont inférieurs à ceux-ci. Ce retrait des dépôts illustre un phénomène de désintermédiation bancaire et de fuite des capitaux. Les banques quant à elles ont adopté le rationnement du crédit.

II-2)-LE RATIONNEMENT DU CREDIT

La relation entre banque et emprunteur est empreinte d'asymétries d'information. En raison de ces asymétries, et de l'univers incertain dans lequel s'exerce son activité, la banque est soumise à un risque de retrait et de non-remboursement des crédits. L'asymétrie d'information supportée par la banque dans son activité d'octroi de crédits explique le phénomène de rationnement de crédit de cette dernière. Le rationnement du crédit se définit comme le refus par une banque de prêter aux conditions de quantité et de taux demandées (Joseph. A, 2000).

Le fait stylisé à expliquer est le suivant : Lorsque le niveau de risque du débiteur augmente, les banques n'augmentent pas le taux d'intérêt qu'elles exigent, mais préfèrent rationner le crédit, c'est-à-dire refuser le prêt (Stiglitz et Weiss, 1981). Ce concept de rationnement de crédit est en contradiction avec la théorie néoclassique d'équilibre des marchés des prix.

Certains auteurs, en l'occurrence Cukierman (1978), Keeton (1979), Jaffee et Modigliani (1969) ont élaboré des modèles de rationnement de crédit en tenant également compte des imperfections du marché. Aussi, la carte bancaire a connu une profonde mutation.

II-3)- MUTATION DE LA CARTE BANCAIRE.

La mutation de la carte bancaire se rapporte à l'ensemble des changements survenus dans la répartition géographique des établissements bancaires sur le territoire national. Cette mutation s'est traduite au Cameroun par deux mouvements. En premier lieu, une mutation de la structure des établissements bancaires, marquée par le retrait de certains établissements bancaires et la restructuration d'autres. En second lieu, une concentration géographique des banques dans les agglomérations urbaines telles que Yaoundé, Douala, Bafoussam.

II-3-1)- Mutation de la structure des établissements bancaires

Suite aux difficultés économiques du pays, certaines banques ont été retirées du paysage bancaire. C'est ainsi que les banques telles que la Banque Camerounaise de développement (BCD), la Cameroon Bank, la Banque Paribas Cameroun, la Bank of America, la Boston Bank, ont été fermées.

Sous un autre aspect, les banques viables ont subi des restructurations et des privatisations. A cet effet, le Crédit Agricole du Cameroun (CAC) a connu une restructuration qui a abouti à la privatisation après assainissement de son bilan.

C'est ainsi que la Société Camerounaise de Banque (SCB) est devenue Société Commerciale de Banque -Crédit Lyonnais Cameroun (SCB-CLC) après scission, dissolution et acquisition des actifs saints par le Crédit Lyonnais (1989).La BICIC est devenue la BICEC le 14 mars 1997 à la suite d'une restructuration interne. La Commercial Bank of Cameroon (CBC), a pris les intérêts du Crédit Agricole du Cameroun et de la BMBC.

Ces changements constituent les résultats des mesures financières adoptées dans le cadre du programme d'ajustement financier. Aux disparitions de certaines banques émergent d'autres nouvelles banques dont leur structure sera évoquée plus tard.

II-3-2)- Modification géographique des guichets bancaires

La crise bancaire avait été attribuée en partie aux erreurs de gestion des banques liées aux effectifs pléthoriques et aux charges excessives. Leur retour à l'exploitation bénéficiaire impliquait dans la quasi totalité des banques, une forte réduction des charges qui passait notamment par la fermeture des points de vente déficitaires. Il s'agissait beaucoup plus des guichets de campagne qui subissaient les effets de la baisse des prix des produits de base.

Aussi a t-on assisté à un redimentionnement du réseau bancaire en faveur de la réduction du nombre de guichets permanents d'une part, et de la concentration des guichets dans les zones urbaines d'autre part. A cet effet, la plupart des banques sont installées dans les grandes villes, notamment Douala, Yaoundé, et Bafoussam, et quelques chefs lieux de province. C'est ainsi que, des 186 guichets16(*) que comptait le système bancaire en 1987, 96 se trouvaient dans les seules villes de Douala, Yaoundé et Bafoussam et 90 seulement pour l'ensemble des autres villes.

Cette situation a affecté les marges bénéficiaires dans les grandes villes, et a également conduit à soulever le débat sur la surbancarisation au Cameroun. Cette surbancarisation se traduit par la concentration des guichets dans les zones urbaines.

Pareil débat met en lumière, l'incapacité des banques à recevoir de bonnes informations sur l'état de l'économie nationale.

Il faut tout de même noter que la disparition des guichets des zones rurales soulève des interrogations sur le lien entre l'efficacité des banques et leur éloignement de leurs champs d'activité. Ce qui a nécessité la mise en place des mesures d'ajustement financier.

SECTION II : LES MESURES D'AJUSTEMENT FINANCIER AU CAMEROUN

La crise financière ayant considérablement endommagé la situation des banques, il est apparut important pour les autorités de remettre en cause l'orientation donnée jusque là, à l'activité bancaire. Cette intervention des autorités se justifie théoriquement par le fait que le marché seul ne pouvait parvenir à corriger les déséquilibres constatés.

Pour ces raisons, des autorités ont été obligées d'intervenir dans le cadre de l'ajustement financier pour restructurer les établissements en détresse. L'ajustement financier ne peut être défini uniquement comme un ensemble de changements dans la politique financière.

Toutefois, les objectifs fondamentaux d'un programme d'ajustement sont claires : augmenter l'efficacité avec laquelle le système financier doit assurer ses fonctions essentielles de mobilisation et d'allocation des ressources, permettre aux institutions de réagir avec davantage de souplesse et par là même, promouvoir la stabilité du secteur financier.

Généralement, l'augmentation de l'efficacité de l'intermédiation s'effectue par des mesures de décentralisation, de libéralisation et de levée des contrôles. La politique mise en place consiste par exemple à ouvrir le système à une grande concurrence grâce à la réduction des barrières à l'entrée, à la suppression des contrôles sur les taux d'intérêt ou à l'élimination progressive des restrictions de crédit.

Pour le cas du Cameroun, l'amélioration des performances du système financier au niveau de l'allocation des ressources a été particulièrement importante et difficile puisqu'il était entrepris en même temps d'autres ajustements visant à rendre le système plus sensible aux signaux donnés par les prix et aux forces du marché .

Dans le cadre du programme de stabilisation, un ensemble de mesures monétaires et fiscales étaient destinées à réduire la demande globale afin de lutter contre l'inflation ou contre le déséquilibre de la balance des paiements. Certains de ces changements touchent aux instruments et à leur utilisation, d'autres concernent les mécanismes et règles de contrôles, une troisième catégorie concerne la détermination de la masse monétaire et donc la définition des agrégats (Bekolo-Ebé, 2001)

Le programme de stabilisation lancé devait s'attaquer aux déséquilibre budgétaire par la réduction de la taille du domaine public ou par l'élimination des distorsions de prix qui constituent des obstacles au commerce international en particulier et à une répartition efficace des ressources en général. Ces mesures devaient parvenir à obliger le système financier à redistribuer les ressources de manière efficace et souple, en fonction des signaux toujours fluctuant que renvoie le marché.

Cependant, l'ajustement financier a impliqué également en contre partie des mesures de décentralisation et de déréglementation : La mise en place d'une nouvelle réglementation et l'amélioration du dispositif de surveillance des institutions. Des politiques d'ajustement17(*) ont été mises en place à partir de 1987.Elles ont été adoptées de manière autonome par le gouvernement, puis par l'appui des institutions internationales à partir de 1988. De ces mesures découlent les reformes qui ont comporté en leur sein des restructurations bancaires, des réformes juridico - institutionnelles, et les changement de politique monétaires.

L'objectif de cette section est double. Il présente les objectifs des mesures mises en place au Cameroun, puis les différentes réformes engagées à partir de la fin des années quatre-vingt.

I. LES OBJECTIFS DES MESURES D'AJUSTEMENT MISES EN OEUVRE AU CAMEROUN.

Au lendemain de la crise, le Cameroun se trouvait dans une impasse financière, économique, et budgétaire. Cette situation a été aggravée par l'apparition d'importants déséquilibres des finances publiques, qui augmentaient d'année en année, une dégradation consécutive des taux de croissance, et par un tarissement des flux des bailleurs de fonds et par une moindre compétitivité des produits en raison de leur surévaluation. Les mesures d'ajustement à travers la mise en place des réformes, sont clairement apparues comme l'une des meilleures thérapie du système bancaire visant à créer un environnement macro-économique sain, nécessaire pour un fonctionnement efficient du système financier.

Ainsi, les mesures mises en oeuvre par le programme d'ajustement financier peuvent être regroupées en deux principaux groupes d'objectifs : Un objectif sectoriel et un objectif global.

I-1) - L'OBJECTIF SECTORIEL

Il était question à ce niveau d'assainir le système bancaire de manière à le rendre plus performant. Il s'agissait de rendre le système plus souple dans l'allocation des ressources, de donner au système bancaire une nouvelle organisation sur le plan technique se traduisant par le désengagement des pouvoirs publics du capital des banques au profit des intérêts privés, de permettre une adéquation du système bancaire au financement de l'économie.

En effet, la politique monétaire deviendra un instrument central de régulation et d'ajustement, contraignant d'ailleurs l'utilisation des autres instruments tels que la politique budgétaire et de répartition dont l'utilisation désormais est fortement tributaire de leur capacité à faciliter la manipulation de la variable monétaire. Il sera donc assigné à la politique monétaire un objectif d'ajustement interne, avant qu'elle ne soit utilisée pour l'ajustement externe, avec le changement de la parité intervenu en 1994.

La mise en place effective du marché monétaire à partir de juillet 1994, a achevé de compléter le processus de refonte de la politique monétaire. Un des objectifs visés par la création du marché monétaire, est de modifier les conditions de refinancement, en mettant la banque centrale plus en retrait.

C'est dans ce dessein que toute la caravane des réformes aussi bien sur le plan monétaire, financier et institutionnel a été mise sur pied. Il a également été entrepris des politiques de libéralisation financière et de réglementation. Cette dernière s'inscrivant dans l'optique de ce qu'il est convenu d'appeler « filet de sécurité ».

D'autre part, le redressement du système bancaire doit aider à renverser la tendance régressive de l'économie nationale : c'est la préoccupation de l'objectif global.

I -2) -L'OBJECTIF GLOBAL

De manière explicite, l'objectif global vise le rétablissement à moyen terme d'un taux de croissance positif de l'économie nationale. Les perspectives de développement interne ayant été hypothéquées par la crise économique du milieu des années quatre vingt. Sur cet objectif, les mesures entreprises rentrent dans le cadre plus global des programmes d'ajustement structurels adoptés depuis l'exercice budgétaire 1988-1989.

En conséquence, l'effet recherché sur le secteur bancaire par les mesures d'assainissement, est la remise en meilleur état des capacités d'intermédiation du système bancaire, afin de lui permettre de répondre de façon optimale aux multiples besoins engendrés par la mise en oeuvre du processus de transformation économique.

Aussi, les programmes d'ajustement financier adoptés comportaient un ensemble de réformes, qu'il convient maintenant d'évoquer.

II- LES REFORMES FINANCIERES AU CAMEROUN.

Les banques de la sous région en général, et celles du Cameroun en particulier ont été profondément touchées par la crise économique qui a frappé les états au milieu des années quatre-vingt. A cet effet, même les banques de développement créées pour assurer la gestion des fonds venant de l'extérieur destinés au financement des projets nécessaires au développement économique n'ont pas résisté au désastre et se sont trouvées dans une situation de totale illiquidité (A le Noir,1989).

Dans cette situation asphyxiante, les banques ne pouvaient plus assurer leur rôle d'intermédiation financière, compromettant ainsi le processus de croissance et de développement économique. Pour éradiquer cette crise financière, les pouvoirs publics en collaboration avec les bailleurs de fonds internationaux ; Banque Mondiale (BM), Fonds monétaire international (FMI) et la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) ont mis en place des réformes financières. Elles peuvent être regroupées en trois catégories. D'abord la restructuration du système bancaire, ensuite la mise en oeuvre des mesures monétaires, et enfin les mesures juridico-institutionnelles.

II -1)- LA RESTRUCTURATION BANCAIRE.

Afin d'éviter l'effondrement du système bancaire Camerounais, un plan de restructuration fut élaboré en 1989.Théoriquement, l'objectif de ces mesures financières était de résoudre les problèmes d'illiquidité et d'insolvabilité. La première tâche des experts fut de réécrire les bilans bancaires. Les créances douteuses égales à 253 milliards de FCFA au 30 juin 1988, selon les documents comptables produits par les banques, ont été réévaluées à 489 milliards. Par conséquent les 104 milliards de provision pour dépréciation ont dû être multipliés par trois. De ce fait, les créances saines à l'économie furent réduites de 823 à 588 milliards. La totalité des actifs bancaires diminua passant de 1400à 1150 milliards de FCFA.18(*) Quant aux capitaux propres égaux à -26 milliards de FCFA selon les états fournis par les banques, ils représentaient en fait -282 milliards de FCFA. Le résultat net, déjà négatif selon les résultats fournis par les banques (-150 milliards de FCFA), a été revu à la baisse (-14.5 milliards de FCFA). Car les provisions ont augmenté et les intérêts fictifs n'ont plus été comptabilisés. En fonction de leur situation, les banques ont été recapitalisées, liquidées ou fusionnées. Pour récupérer les créances, le gouvernement créa en août 1989 la Société de Recouvrement des Créances (SRC) dont l'objet principal est la reprise de l'actif et du passif de la partie obérée de la Société Camerounaise de Banque19(*).Elle a également en charge le recouvrement des créances douteuses des banques liquidées et d'une partie des créances des banques restant en activité. Elle est aussi chargée d'indemniser les déposants. Pour ce, la SRC bénéficie du privilège du trésor. La nouvelle composition du bilan doit permettre d'assurer la stabilité financière de la banque. Pour cet objectif, les actions ont porté sur le passif et sur l'actif du bilan des banques ; toutefois, ces actions diffèrent selon que les banques sont dissoutes ou liquidées, ou que les banques sont à réhabiliter.

Tableau 1 : Créances transférées à la SRC en millions de FCFA

Banques

Montants

Dates

SCB

164 000

( juin 1990)

CAMBANK

31 030

(juin 1992)

BCD

40300

( juin 1992)

PARIBAS

18 000

(juin 1992)

BCCC

8145

(juin 1992)

BIAOC

88400

(avril 1991)

FONADER

16400

(décembre 1992)

Transfert d'actifs compromis des banques en activité (SGBC, BICIC)

76900

(date non précisée)

Total

443 195

(date non précisée)

Source : Rapport d'activité 1993/1994 de la COBAC

II-1-1)-Action sur le passif

Dans le cas des banques dissoutes, il était question d'apurer les engagements desdites institutions par l'indemnisation progressive des déposants. Cette indemnisation a été financée par trois mécanismes :

- L'abandon des dépôts et des créances du gouvernement et de certaines entreprises publiques20(*).

- De nouveaux prêts à l'image du prêt-relais du Crédit Lyonnais au gouvernement : 16 milliards de FCFA.

- Le rééchelonnement de tous les engagements des banques dissoutes vis-à-vis de l'institut d'émission et des prêts garantis par l'Etat en faveur de la Société Camerounaise de Banque (SCB) et de la Banque de Paris et des Pays-bas (Paribas).

Dans le cas des banques à réhabiliter, il a été question d'accroître des fonds propres, de stimuler les dépôts et de refinancer les dettes existantes.

L'augmentation des fonds propres s'effectue suivant trois modalités :

- La capitalisation des bénéfices normaux pendant une période donnée (cas de la BICIC en 1988).

- L'accroissement du capital par souscription à l'émission obligatoire des nouvelles actions.

- L'abandon des fonds propres et des créances publiques dont le montant est aujourd'hui estimé à 186 milliards de FCFA.

Pour stimuler les dépôts, les autorités monétaires ont opté pour une libéralisation des taux d'intérêt créditeurs à partir d'un certain seuil de 3 millions de FCFA. Il fallait également éviter les retraits massifs. L'Etat a contraint certains organismes parapublics à stabiliser leurs dépôts dans les établissements de crédit (Joseph.A, 2000).

Concernant le refinancement des dettes existantes, il a été conseillé de procéder à leur allègement au moyen des concessions sur le taux d'intérêt ou de l'allongement des échéances. C'est en ce sens que la BEAC a rééchelonné ses créances sur une période de quinze ans avec un différé de trois ans au taux de 3%. De même les créances en souffrance essentiellement des crédits de campagne de la BEAC ont été consolidées sur l'Etat à 3% sur quinze ans.

II-1-2)- Action sur l'actif

Une banque en difficulté peut améliorer son portefeuille d'actif soit directement en échangeant ou en passant par pertes et profits des créances douteuses ou recouvrables, soit indirectement en aidant par exemple les entreprises débitrices à restructurer. Au Cameroun, l'amélioration du portefeuille d'actifs n'a pas été laissée à la seule initiative de la banque. En fait, l'Etat à travers la Société de Recouvrement des Créances (SRC) a repris le portefeuille non productif des banques sinistrées.

Les créances douteuses contentieuses et impayées (CDCI), reprises ainsi par la SRC sur l'ensemble des établissements financiers ont été importantes à tel point qu'en Décembre 1996, la SRC était devenue le premier établissement de crédit du pays avec 700 milliards de créances douteuses à recouvrir.

Vu l'ampleur de la crise financière observée au Cameroun, la restructuration des banques n'a été qu'un des éléments du programme de redressement qui devait comprendre également des mesures visant une mobilisation et une allocation efficace des ressources ; d'où les mesures sur les plans monétaire et juridico-institutionnel.

II-2 -LE CHANGEMENT DE POLITIQUE MONETAIRE

Les restructurations bancaires de la fin des années quatre-vingt ont été accompagnées d'une modification de la politique monétaire régionale. Les mesures monétaires entreprises devaient permettre de combattre les distorsions structurelles de l'économie. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une libéralisation financière, aspect fondamental des programmes d'ajustement structurel du FMI. La politique monétaire d'inspiration Keynésienne appliquée avant 1990 a été remplacée par une politique fondée sur les théories de Mc Kinnon et Shaw (1973). Il ne s'agit plus d'impulser la collecte de l'épargne, étape préalable à l'investissement.

Ces mesures constituent l'ossature de la nouvelle politique monétaire de la BEAC et peuvent être regroupées en trois groupes. D'abord la programmation monétaire, ensuite la libéralisation des taux d'intérêt et, enfin la mise en place du marché monétaire.

II-2-1)- Adoption de la programmation monétaire et suppression du plafond de refinancement des crédits

L'adoption de la programmation monétaire aligne en effet la nouvelle politique sur la politique des normes de progression de la monnaie en fonction du taux de croissance de l'économie (Bekolo-Ebé, 2001, P16). Depuis Septembre 1991, la détermination des plafonds de réescompte n'est plus uniquement fondée sur les besoins prévisionnels des banques : elle procède de la programmation monétaire. Lors de la première phase de cette programmation, les autorités monétaires prévoient l'évolution du PIB, des finances publiques et de la balance des paiements. Dans une deuxième phase, elles établissent en fonction des agrégats précédents, les objectifs monétaires : masse monétaire, avoirs extérieurs, crédit intérieur et refinancement de la Banque Centrale. Les plafonds de réescompte des banques auprès de la BEAC ont été maintenus jusqu'à la création du marché monétaire en juillet 1994. Cependant, leurs seuils ont été abaissés pour qu'ils puissent jouer véritablement leur rôle. Le plafond de réescompte à court terme est passé de 258 milliards de FCFA en 1990 à 276 en 1991. Il a ensuite été abaissé à 71 milliards de FCFA en 1992 et 1993. Depuis 1994,le plafond de réescompte maximum a été remplacé par un objectif de refinancement . Ce dernier ne devient impératif que lorsque le taux de couverture extérieur des engagements à vue de la Banque Centrale est inférieur au minimum statutaire de 20%. Par ailleurs, un nouveau système d'accord de classement a été mis en place. Il ne fait plus l'objet de limites individuelles et permet à la BEAC de sélectionner les signatures sur la base d'un système de cotation.

II-2-2)- La libéralisation des taux

Depuis 1990, la politique des taux bas et différentiés a été abandonnée au profit d'une gestion plus souple et plus rationnelle. Le niveau des taux d'intérêt est désormais fixé de manière à maintenir un différentiel de taux favorable avec la France, afin d'éviter les sorties de capitaux. Le taux d'escompte préférentiel a été supprimé et le taux des avances au trésor a été relevé progressivement pour égaliser le TEN en 1993. Le gouverneur de la BEAC a désormais les compétences pour modifier les taux d'escompte. De ce fait, il n'y a pas unicité des taux d'intérêt dans la zone BEAC.

Au niveau des banques, les taux ont été libéralisés, seuls restent fixés un taux débiteur maximum et un taux créditeur minimum. Le taux créditeur minimum ne concerne que les petits épargnants : il s'applique uniquement aux dépôts d'épargne ou aux livrets dont le montant est inférieur à 5 millions de FCFA. Quant au taux débiteur maximum, depuis novembre 1995, il est égal au taux de pénalité des banques majoré d'une marge de 7%.

II-2-3)- La mise en place du marché monétaire.

L'instauration du marché monétaire en juillet 1994 constitue l'aboutissement des réformes de la politique monétaire. Les opérations sur ce marché sont les demandes de refinancement des crédits à court et à moyen terme. Ce marché est composé de deux compartiments ; le premier est un marché interbancaire, le second permet à la BEAC de ponctionner ou d'injecter les liquidités.

Les banques interviennent sur le premier compartiment pour échanger des liquidités à des conditions de montant, de taux et de durée librement définies. A partir des interventions sur le marché monétaire, la BEAC calcule quotidiennement le taux d'intervention moyen pondéré (TIMP). En raison du manque de confiance entre les banques, en1997, les montants échangés sur ce marché sont pratiquement nuls. Les banques possédant des liquidités excédentaires préfèrent les placer à la BEAC (en 1997, les dépôts spéciaux représentent en moyenne 45 milliards de FCFA par mois).

Le guichet A est le canal principal du deuxième compartiment du marché monétaire. Il est constitué d'appels d'offres à l'instigation de la BEAC et de prise en pension à la demande des banques. Pour les appels d'offres, la BEAC sert à la limite du volume de monnaie centrale tout une partie des demandes à un taux unique. Celui-ci est arrêté par le gouverneur de la Banque Centrale en fonction de la conjoncture interne et externe. Les prises en pension à l'instigation des banques concernent une période de deux à sept jours. Le taux d'intérêt des prises en pension (TIPP) est égal au TIAO majoré de 1.5 à 2 points. Le TIMP fluctue entre le TIAO et le TIPP. Aux appels d'offres et aux prises en pension, il convient d'ajouter les interventions ponctuelles de la BEAC. Celle-ci peut effectuer des avances lorsque les montants injectés sur le guichet A excédent l'objectif de refinancement maximum de ce guichet. Si une banque a des difficultés à rembourser les échéances sur le guichet A, si elle a enfreint la législation, la BEAC lui consent des avances au taux de pénalité.

Le guichet B se situe hors marché. Il a été maintenu pour le refinancement des anciens crédits à moyen terme (dits irrévocables), et pour les nouveaux crédits d'investissement du secteur productif, suivant la procédure de mobilisation en compte courant.

Afin de ponctionner la liquidité excédentaire des banques, des dépôts spéciaux avaient été instaurés en 1994. Ils étaient rémunérés et ouverts à la demande des banques. Ils ont été supprimés le 08/02/01996 et remplacés par les appels d'offres négatifs prenant la forme de placement à 7 ; 28 et 84 jours. Les trésors nationaux sont autorisés à soumissionner aux appels d'offres négatifs. Tout comme les établissements de crédit, ils, ne peuvent soumissionner que s'ils sont au préalable désendettés vis-à-vis de la BEAC. Les placements sont effectués sous la forme d'acquisition de certificats de placements qui sont négociables librement sur le marché interbancaire, mais uniquement entre les banques titulaires d'un compte à la BEAC. Le taux servi cherche à fixer les liquidités dans la zone BEAC sans gêner les placements sur le marché interbancaire.

Cependant, même dans le cas où les deux premières mesures parvenaient au redressement du système bancaire, il convient de se demander pourquoi les organismes de contrôle bancaire n'ont pas détecté les signes de détresse plus tôt. D'où les mesures juridico-institutionnelles qu'il convient d'étudier maintenant.

II-3 - LES MESURES JURIDICO-INSTITUTIONNELLES

Une fonction essentielle des banques est de contrôler le comportement des emprunteurs. Mais qui contrôle le contrôleur ? Les déposants n'en ont pas la compétence. C'est pourquoi la fonction de contrôle doit être déléguée à un organisme supra national.

La réglementation et la supervision des banques sont considérées comme les deux instruments fondamentaux pour prévenir ou tout au moins limiter les dommages qu'entraîne une mauvaise gestion de ces instruments. La réglementation bancaire définit les « règles du jeu » tandis que la supervision permet de s'assurer du respect de ces règles.

Ces réformes ont à ce niveau, consisté à faire le toilettage des texte de base, en particulier, les divers textes qui, dans les pays de la CEMAC, fixent les conditions d'exercice de la profession bancaire et le fonctionnement des établissements de crédits (Bekolo-Ebé, 2001, P12). De nouveaux seuils minima ont été fixés, s'agissant du capital minimum requis pour la création d'une banque. Dans la réglementation bancaire, le capital social des banques au Cameroun a été relevé à un minimum de 1 milliard contre 300 millions par le passé, pour permettre aux banques de posséder un niveau de fonds propres appréciables.

Concernant la supervision bancaire, sa nécessité tient au fait qu'elle commande l'efficacité de la réglementation bancaire. La supervision des banques a pour objectif de faire en sorte que les institutions financières gèrent leurs prêts et leurs bilans de manière prudente. Cette volonté de supervision a consacré la création le 16 Octobre 1990 de la Commission bancaire d'Afrique Centrale (COBAC) dont les attributions sont de quatre sortes :

- Attribution administrative : elle délivre les agréments aux établissements de crédit.

- Attribution normative : elle définit les procédures comptables et les règles prudentielles.

- Attribution de contrôle : elle contrôle les établissements assujettis.

- Attributions juridictionnelle : elle peut retirer les agréments aux établissements de crédit et prendre des sanctions contre les dirigeants des banques et les commissaires aux comptes.

La COBAC est opérationnelle depuis 1992, et elle s'est dotée en Mars 1993 de deux instruments ; des normes de solvabilité et des normes de liquidité21(*). La solvabilité s'entendant comme l'aptitude d'un établissement de crédit à faire face en toutes circonstances à ses engagements au moyen de ses ressources propres. Tandis que la liquidité d'un établissement de crédit est sa capacité à honorer ses engagements à vue ou à très court terme. Ainsi une banque doit être en mesure de restituer à la première demande les dépôts de la clientèle (rapport d'activité 1992/1993 de la COBAC).

L'objet de ce chapitre était d'étudier les origines internes des mutations financière au Cameroun. L'issue de cette analyse conduit à révéler que les origines internes des mutations financières trouvent leur explication à travers deux éléments majeurs. D'une part, la crise de l'intermédiation financière et, d'autre part, les mesures d'ajustement financier. La crise de l'intermédiation financière a été marquée par la dégradation des dépôts, le rationnement bancaire du crédit et, la mutation de la carte bancaire. Ses causes peuvent être approchées théoriquement en distinguant pour ce qui est de leurs effets sur la sphère Camerounaise, les causes nées de l'absence de relations structurelles entre banques et l'économie, des causes introduites par la politique économique. Les mesures d'ajustement financier ont été mises en place par les pouvoirs publics, à la suite des problèmes causés par la crise financière sur l'économie et, à cause de l'inefficacité du marché à résorber les déséquilibres constatés. Le gouvernement a été obligé d'intervenir avec l'aide des bailleurs de fonds pour mettre en place un programme d'ajustement financier. De ce programme, a résulté des mesures monétaires, des mesures financières et des mesures juridico-institutionnelles.

Cet ensemble de mesures a probablement eu un impact sur les circuits de financement qu'il convient d'évaluer dans la seconde partie de cette étude.

DEUXIEME PARTIE

LES CONSEQUENCES DES MUTATIONS FINANCIERES SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE AU CAMEROUN

Concept étroitement associé aux processus de globalisation financière et, d'accélération d'innovations financières, les mutations financières sont à l'origine des profondes transformations qu'ont connues les systèmes bancaires et financiers depuis les années 1970. L'abaissement de barrières réglementaires et techniques a en particulier favorisé l'émergence de nouveaux acteurs et, durci les conditions de la concurrence au sein de la sphère bancaire et financière. Parallèlement, l'accélération du processus d'innovations financières a largement contribué à améliorer la complétude des marchés et l'adéquation entre les besoins et capacités de financement des agents économiques (Demartini, 2004). Ainsi, la mutation financière a dans une certaine mesure contribuée à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers plus efficient. Pour autant, l'analyse du phénomène par Demartini (2004) révèle très rapidement que ses conséquences sur la sphère financières sont loin d'être univoques, les gains d'efficience ainsi obtenus ayant eu pour contre partie une instabilité accrue. Demartini (2004) va élaborer des éléments susceptibles d'étayer cette thèse. En particulier, si de nombreuses innovations financières ont répondu à une demande latente de couverture des agents économiques contre les risques, force est de constater qu'en pratique, loin d'avoir disparu, ces derniers se sont simplement déplacés.

Par ailleurs, dans un contexte de mobilité croissante des capitaux, l'augmentation du degré de concurrence entre les institutions financières au niveau international, induite par le mouvement de libéralisation et de déréglementation, a parfois pu conduire à des prises de risques excessives, notamment de la part des banques, alimentant l'instabilité financières (Demartini, 2004). Ainsi, les changements intervenus dans la sphère financière camerounaise à la suite de la crise économique ont un certain nombre de composantes principales : un essor de la micro finance, une crise de l'intermédiation bancaire et une tendance à l'innovation financière quoi que peu diversifiée et de qualité médiocre. Ces principales composantes traduisent globalement un recul de la banque dans son rôle d'intermédiaire financier et une émergence d'adaptations inspirées des habitudes sociales des populations. Les mutations ayant dès lors affectées le fonctionnement du système financier camerounais, il sera question dans cette partie de savoir si le financement de l'économie s'est amélioré. Pour cela, avant d'analyser l'évolution du financement de l'économie ainsi que les implications de politique économique (chapitre IV), il sera évalué l'impact des mutations financières sur le financement de l'économie (chapitre III).

CHAPITRE III

EVALUATION DE L'IMPACT

DES MUTATIONS FINANCIERES SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE AU CAMEROUN

L'étude de la croissance des pays industriels a permis de prendre conscience de la relation étroite, on pourrait dire du lien causal fort existant entre le trend ascendant de l'économie et, le développement de l'intermédiation financière. Comme le relève Bekolo-Ebe (2002), tout au long du XXè siècle, l'expansion des entreprises s'accompagne d'une forte expansion des marchés financiers et d'un développement particulièrement rapide des institutions financières, notamment s'agissant de la multinationalisation des entreprises, l'internationalisation du capital productif et marchant allant de paire avec l'internationalisation du capital financier. Ainsi, en favorisant une allocation plus efficace des capitaux, les mutations financières ont sans conteste contribué à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers internationaux plus efficients (Demartini, 2004). Comme un "effet de caillou dans l'eau", les mutations financières internationales ont affecté les circuits de financement de l'économie camerounaise, à l'initiative des pouvoirs publics soucieux de rendre leur économie plus dynamique. L'ensemble des mesures ainsi adoptées par les autorités, a eu une incidence sur le système financier. Il convient dès lors de mesurer cet impact par une évaluation de la solidité financière du système bancaire (section 1), ainsi que celle de la politique de crédit entre 1972 et 1990 (section 2) puis de 1990 à 2003 (section 3).

SECTION I : EVALUATION DE LA SOLIDITE

FINANCIERE DU SYSTEME BANCAIRE

La solidité du système bancaire camerounais s'apprécie à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC (I) et, les indicateurs de rentabilité (II).

I. REFORMES FINANCIERES ET RESPECT DES NORMES PRUDENTIELLES

Le dispositif prudentiel mis en place par la COBAC depuis 1993, sert d'instrument privilégié de la surveillance des banques de l'ensemble de la sous-région Afrique Centrale, en matière des garanties de solvabilité et de liquidité. L'objectif visé étant de sécuriser les dépôts et de veiller à une gestion optimale des crédits. Les banques sur lesquelles portera cette évaluation sont celles qui ont été en activité au Cameroun entre l'exercice 1995/1996 (période de mise en place de la deuxième génération des réformes) et l'exercice 1998/199922(*). Elles seront appréciées d'une part par rapport au respect des normes de solvabilité et d'autre part par rapport au respect des normes de liquidité.

I.1 Le respect des normes de solvabilité

Deux principaux ratios retiendront notre attention : le ratio de couverture des risques et le ratio de couverture des immobilisations

I.1.1 Le ratio de couverture des risques

A travers ce ratio encore appelé ratio de solvabilité minimum, la COBAC oblige les établissements de crédit à justifier en permanence que leurs fonds propres nets couvrent au moins 5% de leurs concours financiers, y compris ceux accordés à l'Etat. L'intérêt de ce ratio est d'obliger les banques à disposer d'un volume des fonds propres assez important par rapport à leurs concours et engagements. Les données du tableau 2 permettent de relever qu'au 30 juin 1995, seules la CCEI Bank et Amity Bank disposaient des ratios satisfaisants de 8.63% et de 7.65% respectivement. Toutes les autres banques affichaient des ratios inférieurs aux normes. Cette contre performance est particulièrement imputable à l'accumulation des besoins en fonds propres. Les banques qui présentent des situations plus critiques sont la BICEC et la SCB-CL avec des besoins en fonds propres de 24.8 milliards et de 15.11 milliards respectivement.

Tableau 2 : Evolution du ratio de solvabilité minimum des banques camerounaises (en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

Std bank

4.4

13.6

10.5

-5.8

-5.3

-0.73

4.26

7.26

-10

Amity bank

7.65

-1.3

-7.31

-11.31

-6.34

-6.01

-0.44

-5.01

-4.11

Sgbc

2.63

2.74

-3.56%

8.32

7.33

12.06

10

18.48

13.92

Ccei

8.63

5.57

4.39

5.71

5.76

4.04

4.74

8.18

5.66

Bicec

-15.14

-18.13

-18.94

-6.05

-5.4

5.2

6.04

7.45

7.17

Scb-cl

-15.43

-25.86

-34.9

-45.9

7.3

10.72

10.43

6.44

7.28

Source : Commission Bancaire de l'Afrique centrale : Secrétariat Général

L'évolution de ce ratio sur la période d'étude permet de noter au 30 juin 1999, que la Standard Charttered Bank et Amity Bank qui disposaient de meilleurs ratios au 31 décembre 1995 ont enregistré d'importants besoins en capitaux permanents qui se chiffrent respectivement à 2.26 milliards et à 4 milliards. Ce qui justifie des ratios respectifs de -10% et de -4.11%. En revanche, le comportement de la BICEC et de la SCB-CL reste satisfaisant. Ces deux banques ont pu, au regard des réformes, améliorer leurs ratios qui sont respectivement de 7.17% et de 7.28%. En ce qui concerne la SGBC et la BICEC, elles ont maintenu une certaine stabilité tout au long de la période d'analyse avec des ratios oscillant autour de 5%.

I.1.2 Le ratio de couverture des immobilisations

L'intérêt de ce ratio est de contraindre les établissements de crédits à n'utiliser que les capitaux permanents pour le financement de l'actif immobilisé. C'est pourquoi la COBAC exige que celui-ci soit financé au moins à 100% par les fonds permanents. Les données du tableau 3 qui donnent l'évolution de ce ratio pour les six banques de notre échantillon permettent de noter que la CCEI et la BICEC sont les seules à avoir respecté ce ratio au cours de la période d'analyse. Les ratios de la Standard et Amity se sont dégradés considérablement du 30 juin 1996 au 30 juin 1999. Ils sont passés respectivement de 88% à -188% et de 75.71% à -46.65%. Cette évolution est liée à l'accumulation des besoins en capitaux permanents. Ceux de la Standard qui étaient de 30 millions au 30 juin 1995 sont chiffrés à 2.3 milliards au 30 juin 1999, et ceux de Amity sont passés de 818 millions à 4.6 milliards au cours de la même période.

En revanche, on note un redressement impressionnant du ratio de la BICEC et de la SCB-CL. Ils sont respectivement à 132.23% et à 67% au 30 juin 1999, au lieu de -215.23% pour la BICEC et -90.9% pour la SCB-CL quatre ans plus tôt. Les besoins en ressources permanentes qui se chiffraient à 27.3 milliards pour la BICEC et à 15.88 milliards pour la SCB-CL se sont progressivement comblés.

Tableau 3 : Evolution du ratio des couvertures des immobilisations (en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

STD BK

88

241

311.56

-209.6

-122.8

-22.36

-5.18

108

-188.6

AMITY BK

75.71

23.12

-60

-66.5

-26.82

-35.14

14.57

-49.25

-46.66

SGBC

635.32

811.67

240

12.96

871.15

347

349.26

342.22

256.24

CCEI

161.6

109.29

82.57

9.18

69

92.77

212

140.52

128.56

BICEC

-215.2

-304

-282.5

-16.88

-13.9

133

166.5

136.82

132.25

SCB-CL

-90.9

-189.9

-274.7

-47.56

39.82

66.6

73.68

53.5

67

Source : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale : Secrétariat Général.

I-2 Appréciation des Banques par rapport au respect des normes de liquidité

Dans le souci de protéger les dépôts de la clientèle et de favoriser une saine gestion des ressources financières, la COBAC a contraint les établissements de crédit au respect des ratios visant à limiter à des proportions raisonnables, l'affectation des ressources à court terme à des emplois à long terme. Ces deux normes sont les ratios de liquidité générale et le ratio de transformation à long terme.

I.2.1 Le ratio de liquidité générale

A travers ce ratio encore appelé rapport de liquidité, la COBAC oblige les banques au respect permanent d'une couverture minimum de 100% de leurs dettes à échoir dans un délai d'un mois au plus par les ressources immédiatement disponibles. A travers le tableau 4, nous pouvons noter que toutes les banques de l'échantillon présentent des ratios satisfaisants au 30 juin 1999. On peut remarquer que la SCB-CL et la BICEC qui éprouvaient de sérieuses difficultés au 31 décembre 199523(*), ont réalisé des progrès remarquables dans la stabilité de leur trésorerie.

Tableau 4 : Evolution du ratio des liquidités minimum ( en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

Std bank

239.56

257.6

272.83

264.46

319.35

220.23

166.6

150.6

118.5

Amity bank

214.8

358.53

298.35

200.7

332.7

290.17

271.48

199.63

160.6

Sgbc

162.85

137.8

100.74

225.5

381.87

280.14

155.35

99.84

137.7

Ccei

223.44

152.25

217

105.66

196.32

157.78

141.34

110.11

173.6

Bicec

27.83

26.02

54.27

62.17

89.14

87.27

105

84

144

Scb-cl

85

45.9

86.9

77.43

109.48

55.36

84.55

40.4

104.75

Source : Commission bancaire de l'Afrique Centrale : Secrétariat Général

I.2.2 Le ratio de transformation à long terme

Ce ratio qui se détermine par le rapport entre les ressources de plus de 5 ans et les emplois et engagements de même terme a pour but de dissuader les établissements de crédit d'utiliser trop de ressources de court terme pour des emplois longs. La COBAC exige pour ce ratio un minimum de 50%.

Tableau 5 : Evolution du ratio de transformation à long terme (en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

STD BanK

189.57

224.48

142.48

-69.5

-45.9

-7.72

-001

37.78

-83.76

AMITY BanK

78.85

-9.6

-20.46

-39

-59.56

-13.18

-1.58

6.7

20.32

SGBC

7.13%

17.78

2.56

151.47

12.18

185.8

178.26

21.17

196.26

CCEI

31.28

20.85

17

8.57

9

12.6

11.6

20.74

19

BICEC

-50.36

-24.75

-50.32

-9

-2

18.03

22.32

25.3

27.98

SCB-CL

-21.5

-62.5

-71.7

-115

13.76

27.28

28.6

30

8.26

Source : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale : Secrétariat Général

Il peut être relevé à partir du tableau 5 que seule la SGBC parvient à respecter ce ratio au 30 juin 1999. Pour les autres banques, d'importantes proportions de ressources courtes sont utilisées pour des placements longs. Pour la SCB-CL par exemple, 8.26% seulement des emplois et engagements à plus de 5 ans sont constitués des ressources de même terme. Ce qui signifie que près de 92% sont puisés des ressources de moins de 5 ans. Cette proportion est de 81% pour la CCEI et de 80% pour Amity Bank. Cette utilisation d'importantes proportions des ressources courtes pour des emplois longs expose les banques camerounaises à un risque permanent d'illiquidité.

II. REFORMES FINANCIERES ET ANALYSE DE LA RENTABILITE DU SYSTEME BANCAIRE CAMEROUNAIS

Les différents soldes de gestion qui s'en déduisent permettent de déterminer les principaux coefficients d'exploitation et de rentabilité. Toutes ces données sont récapitulées par le tableau 6. Il peut donc être relevé que les produits et charges d'exploitation ont enregistré un repli entre juin 1995 et juin 1997. Les produits d'exploitation sont passés de 75.4 milliards à 56.7 milliards et les charges d'exploitation de 36.6 milliards à 14.9 milliards. Ce repli se justifie par la liquidation de la BIAO MERIDIEN BANK et le Crédit Agricole au cours de l'exercice 1996/1997. Au cours de deux derniers exercices de la période d'analyse, on note un accroissement sensible de ces deux encours qui ont augmenté de 30 milliards pour les produits d'exploitation et de 8 milliards pour les charges d'exploitation. Cela peut s'expliquer par la création de nouvelles banques telles que la C.B.C. et la CITY BANK. Les frais généraux ont connu la même évolution en passant de 37.7 milliards à 21.4 milliards entre juin 1995 et juin 1997 avant de se porter à 40.4 milliards en juin 1999. En revanche, les produits accessoires ont enregistré une évolution en dents de scie, avec un niveau impressionnant de 14.5 milliards en juin 1997 contre 4.6 milliards seulement un an plus tôt24(*).

L'évolution de tous ces encours influence celle des différents soldes de gestion. C'est ainsi que le Produit Net Bancaire (P.N.B)25(*) qu'on assimile à la valeur ajoutée, a enregistré un repli entre juin 1996 et juin 1997 en passant de 46 à 41 milliards avant de se porter à 73.6 milliards deux ans plus tard. Il est important de souligner que la CCEI Bank, LA BICEC et la SCB-CL ont plus contribué à sa formation avec des proportions respectives de 22.222%, 30.24% et 18.8% au 30 juin 1999.

L'analyse du PNB par rapport aux différents types d'opérations permet de noter que la marge sur opérations avec la clientèle contribue pour plus de 60% à sa formation. Cela signifie que les activités des banques camerounaises sont plus concentrées sur les opérations de mobilisation de l'épargne et de distribution des crédits à la clientèle. La BICEC et la CCEI présentent les marges les plus impressionnantes avec des proportions respectives de 37.8% et de 33.25% par rapport à celle de l'ensemble du système bancaire.

Quant à la marge sur opérations diverses, elle représente environ 30% du PNB au cours de toute la période d'analyse. La SGBC a réalisé la marge la plus importante au cours des trois derniers exercices avec une proportion de 29.66% au 30 juin 1999 par rapport à celle de l'ensemble du système bancaire.

La marge sur opérations financières s'est considérablement améliorée ces dernières années. Elle est passée de 918 millions en juin 1996 à 5.17 milliards 3 ans après. Cette embellie est tributaire à la hausse des intérêts et dividendes produits par les placements financiers des banques. Cependant, sa proportion dans la formation du PNB reste encore très faible. Elle est de 6.8% au 30 juin 1999. Il en est de même de la marge sur opérations de trésorerie qui contribue pour environ 3% seulement à la formation du P.N.B.

L'amélioration du P.N.B. se fait simultanément avec la maîtrise de frais généraux. C'est ainsi que le coefficient net d'exploitation est passé de 97.4% à 54.8% entre juin 1995 et juin 1999. La BICEC dont le coefficient est passé de 122.53% à 29.67% est plus concernée par cette amélioration. Alors que pour la CCEI et la SGBC dont, les coefficients respectifs sont de 73% et de 65.2%, de nombreux efforts restent encore à faire.

Le résultat net qui était déficitaire de 50 milliards au 30 juin 1995 s'est considérablement amélioré en se portant à 17.5 milliards au 30 juin 1999. Cela est imputable non seulement à la maîtrise des frais généraux mais aussi à la faible dotation aux comptes de prévoyance26(*). C'est ainsi que le ratio comptes de prévoyance / résultat brut d'exploitation est passé de 810.17% à 50% entre juin 1995 et juin 1999. La Standard et Amity Bank disposent encore des ratios très élevés qui sont respectivement de 106.8% et de 143.15% au 30 juin 1999. Ce qui signifierait que les concours et engagements de ces institutions sont orientés vers les secteurs les plus risqués.

Tableau 6 : Synthèse du compte de résultat et des coefficients de rentabilité du système bancaire camerounais, (montants en millions de FCFA).

 

30/06/95

30/06/96

30/06/97

30/06/98

30/06/99

A- Produits d'exploitation

75.458

70.930

56.779

82.151

96.668

B- Charges d'exploitation

36.681

24.744

14.991

17.829

22.998

C- Frais Généraux

37.785

30.506

21.411

32.779

40.432

D- Produits accessoires

5.716

4.642

14.501

686

1.811

E- Dotations comptes de prévoyance

55.508

19.600

20.845

17.228

17.535

F- Impôts sur les sociétés

910

1.870

1.828

347

846

G- Fonds propres nets (F.P.N.)

24.295

-501

28.139

48.830

55.841

H- Total du bilan

809.708

751.530

516.635

778.020

880.740

I- Frais et pertes nets

-1322

-1191

233

5514

-773

1- PNB = A-B

38777

46186

41788

64322

73670

2- RBE = PNB + D - C

6728

20322

34878

32229

35049

3- RNE = RBE - E

-47780

3422

14033

15001

17514

4- R, Net = RNE+I-F

50012

361

12436

17368

15891

5- Coefficient brut = B + C

d'exploitation A + D

91.70%

73.1%

51%

61%

64.4%

6- Coefficient = C

d'exploitation P, N, B

91.39%

66.0%

51.2%

50.9%

54.8%

7- Comptes de prévoyance / RBE

810.17%

83.1%

59.7%

53.4%

50.0%

8- Coefficient de R, N

rentabilité F, P, N

-205.85%

-72.0%

44.2%

35.5%

28.4%

9- Coefficient de = RN

rendement Total bilan

-6.18%

0.05%

1.74%

2.23%

1.80%

Source : Commission Bancaire d'Afrique Centrale : Secrétariat Générale

En ce qui concerne le coefficient de rentabilité, il est autant influencé par les fonds propres nets que par le résultat net de fin d'exercice. Son niveau le plus élevé de 44.2% au 30 juin 1997 correspond à un résultat net de 12.4 milliards pour 28 milliards des fonds propres nets. Le meilleur ratio est celui de la BICEC. Il est de 168.4%, correspondant à un résultat net de 5 milliards. Ce qui représente un motif de satisfaction et de motivation pour les actionnaires de cette banque.Au 30 juin 1998, ce coefficient enregistre un repli en se portant à 35.5%. il est essentiellement imputable à un accroissement de 20 milliards des fonds propres. Puisque le résultat net s'est accru de 4 milliards, suite au bon comportement de la SGBC, la BICEC, la CCEI et la SCB-CL qui ont enregistré un résultat net de 5.193 milliards, 5.081 milliards, 4.4477 milliards et 3.16 milliards27(*) respectivement. Au 30 juin 1999, le coefficient de rentabilité enregistre un repli en se portant à 28,46% à la suite d'une contraction du résultat net. Ce repli est particulièrement imputable à la SGBC dont le résultat net a chuté de 2 milliards et à Amity Bank qui a enregistré un déficit de 1.228 milliards28(*).

SECTION II : EVALUATION DE LA POLITIQUE DE CREDIT

DE 1972 A 1990

L'objectif déclaré de la politique camerounaise de crédit de 1972 à 1990 était le financement du développement Touna Mama (2002). En effet, l'un des quatre objectifs des conventions de coopération monétaire signées à Brazzaville les 22 et 23 Novembre 1972 respectivement entre les Etats membres de la BEAC et entre ces états et la république Française, était précisément de renforcer le rôle de la Banque Centrale dans le financement du développement. Pour chercher à atteindre cet objectif, les pouvoirs publics camerounais s'étaient donné un ensemble de moyens (I) que nous allons d'abord rappeler avant de présenter les résultats (II).

I. LES MOYENS DE LA POLITIQUE DE CREDIT APPLIQUEE DE 1972 A 1990

Il sera présenté ici les moyens dans le cadre institutionnel, les acteurs et les instruments de cette politique.

I-1 - Le cadre institutionnel.

Le cadre institutionnel est constitué d'organes ayant chacun des compétences spécifiques dans la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire en général et de la politique du crédit en particulier. Ces organes sont :

- Le comité d'administration de la BEAC,

- Le comité Monétaire National.

- Le conseil national de crédit

- Le ministère chargé de la monnaie et du crédit.

Le conseil d'administration de la BEAC arrête les plafonds globaux de réescompte, des avances et autres facilités à court terme pouvant être accordé par la BEAC à l'économie de chaque Etat membre.

Le comité Monétaire National procède, selon les directives du conseil d'administration de la BEAC, à l'examen des besoins généraux de financement de l'économie nationale et détermine les moyens propres à les satisfaire (plafond de réescompte, avances et autres facilités susceptibles d'être octroyées aux entreprises).

Le conseil National du crédit participe, à titre consultatif, à l'élaboration des conditions de banques qui doivent être arrêtées par le Ministre chargé de la monnaie et du crédit, qui en est du reste le président.

Le Ministre des finances, puisqu'il s'agit de lui, est l'autorité qui est en charge de l'élaboration et de la conduite de la politique monétaire et du crédit.

I-2 - Les acteurs.

Le système financier Camerounais jusqu'en 1990 était composé selon la BEAC de :

Ø Douze banques commerciales : Cameroun Bank, Paribas, BCCC, BIAOC, BICIC, CCEI, IBAC, SCB, Standard et Chartered Bank, SGBC, Chase MANATHAN Bank, BOSTON BANK ;

Ø Deux banques de développement : la banque Camerounaise de développement (BCD) et le fond national de développement rural (FONADER) ;

Ø Trois établissements publics à caractère bancaire :

§ Le crédit foncier du Cameroun (CFC), le centre des chèques postaux (CCP) et la caisse d'épargne postale, le fond de garantie aux petites et moyennes entreprises (FOGAPE) ;

Ø Quatre établissements financiers spécialisés (SOCCA, SCCA Bail, SCE, National Financial Crédit) ;

Ø Une société d'Etat, chargée du financement du haut de bilan : la Société Nationale d'investissement (SNI).

L'ensemble du système comptait alors 180 guichets. L'un des traits caractéristiques du système bancaire en cette période était la très forte présence de l'Etat dans les multiples aspects de son organisation. En effet, l'Etat était omniprésent à tous les niveaux (l'Hériteau, 1991).

Une ordonnance de 1973 fixait sa participation à 35% dans le capital des banques. Lors des premières restructurations en 1989, il possédait au moins 60% du capital des quatre banques liquidées. (JOSEPH. A, 2000). L'Etat assumait à la fois les rôles d'acteur, de régulateur et de contrôleur de tout le système (Touna Mama, 2002).

I-3 - Les instruments de la politique de crédit

Les instruments proprement dits de cette politique étaient de deux ordres ; les instruments d'ordre quantitatif qui devaient influencer le volume des crédits et les instruments d'ordre qualitatif qui devaient influencer l'orientation des crédits.

I.3.1 Les instruments quantitatifs.

Ils sont pour simplement les nommer :

- Les taux d'intérêt (différenciés et sélectifs)

- Les avances au trésor public (limitées à 20% des recettes budgétaires de l'exercice précédent).

- Les plafonds globaux de réescompte aux banques ;

- Le système de réserve obligatoire certaines rémunération, d'autre nom)

I.3.2 Les instruments qualitatifs.

Quant aux instruments qualitatifs, ils devaient jouer pour favoriser les secteurs ou les opérations jugés prioritaires pour le développement par les pouvoirs publics (P.M.E), agriculture, habitat social, coopératives). Ainsi, les taux d'intérêt préférentiel devaient leur être appliqués, ainsi que des plafonds de compte flexibles.

II. LES RESULTATS DE LA POLITIQUE DE CREDIT

Il convient de présenter d'abord les résultats de cette politique de crédit avant d'en donner une appréciation.

II-1- PRESENTATION DES RESULTATS

Compte tenu de l'objectif de cette politique de crédit qui était le financement du développement, les résultats doivent concerner :

- L'évolution des crédits à l'économie

- L'évolution des prix

- La croissance

II-1-1 Evolution des crédits à l'économie

Ils sont passés de 333 milliards de francs CFA en 1973 à 1297 milliards en 1983, soit un taux de croissance moyen de 15% l'an, en francs constants. Les crédits s'élevaient à 1100 milliards de francs CFA au 31 Décembre 1988. Alors que les dépôts bancaires étaient de 790 milliards, la différence étant financée par la BEAC.

Mais plus de la moitié de ces crédits ont été distribués aux secteurs de transport, transit, commerce et services, les activités agricoles et assimilées ayant eu autours de 5% seulement (Touna Mama, 2002)

Ces crédits constituent l'une des opérations au cours desquelles le système bancaire et la banque centrale créent la monnaie. A la lecture du graphique 1 ci-dessous, les crédits intérieurs ont crû jusqu'en 1990 année de la reforme de la politique monétaire, en raison de l'objectif du développement économique.

Les crédits intérieurs ont connu une augmentation relativement faible jusqu'en 1987 où ils atteignent environ 400 milliards de francs CFA. En suite du fait de la crise économique, ces crédits vont décroître

Source : Confert annexe n° 2

II-1-2 Evolution des prix.

Le taux d'inflation moyen a été environ de l'ordre de 10%. Le graphique ci- dessous permet d'observer une hausse plus importante de l'indice des prix entre 1973- 1975 et 1880- 1985 à cause respectivement du renchérissement des produits pétroliers et l'entrée du Cameroun dans la crise économique.

Source : Voir annexe 1.

Il faut noter globalement que le taux d'inflation va connaître une évolution en dents de scie tout au long de la période.

II-1-3 La croissance

Le taux de croissance moyen a été de 9.6% en francs constants jusqu'en 1988 (Touna Mama, 2002). Après avoir connu une croissance de 20,4% en 1985, le Cameroun va entrer dans un cycle d'évolution à la baisse du taux de croissance, jusqu'à atteindre son plus bas niveau de 2.2% en 1987.Le tableau ci-dessous permet de visualiser ces évolutions de croissance au Cameroun.

Tableau 7 : Evolution du taux de croissance au Cameroun

1985

1986

1987

1988

1990

1991

1992

20,4

6,8

2,2

7,9

6,7

3,9

3,0


Source : BEAC (1997,2000), Etudes et statistiques, N° 233 et 256. Commission Economique d'Afrique (2003, P. 198)

Aussi, l'investissement privé pour sa part a évolué en dents de scie . Tandis que l'investissement public a connu un accroissement régulier, passant de 105 à 351 milliards de FCFA entre 1973 et 1983 (Touna Mama, 2002). Mais l'investissement privé et l'investissement public n'ont été financés qu'à 30% par le crédit bancaire malgré son important accroissement dans la période. Le taux d'investissement intérieur brut moyen a été de 1973 à 1987 de 26.50%.

SECTION III : EVALUATION DE LA POLITIQUE DE CREDIT DE 1990 A 2003

A partir de 1998 déjà, la politique de crédit du Cameroun va connaître un changement radical. Avec la crise économique qui est officiellement déclarée en 198729(*), et la signature en 1988 d'un programme d'ajustement structurel avec le FMI, la politique camerounaise de crédit aura désormais comme objectif explicite la stabilisation des finances publiques et de façon générale la recherche des grands équilibres macroéconomiques et macro financiers, et comme objectif implicite la défense de la position extérieure de la monnaie.

Il convient dès lors de présenter les caractéristiques du système bancaire dans cette période (I) avant de présenter les résultats (II).

I. LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME BANCAIRE

Après la restructuration bancaire, le système bancaire camerounais comptait au 31 décembre 2002 (10 banques commerciales contre 12 précédemment) et huit établissements de crédit. Comme le relève (Avom, 2004), le système bancaire et financier camerounais présente trois caractéristiques importantes. Il s'agit d'abord de la très forte présence du capital privé dans le capital social des banques dont une part importante est d'origine étrangère, ensuite de l'absence de profondeur et d'innovations financières, enfin sa trop forte concentration.

Les données du tableau 8 ci-après permettent d'apprécier l'important recul de l'Etat dans le capital social des banques et, la forte présence du capital privé national et étranger. Tous ces établissements obéissent dorénavant à des stratégies et à des logiques d'opérateurs privés, et se doivent de respecter les règles de l'orthodoxie bancaire, c'est-à-dire faire des crédits sains, des crédits bancaires en principe basés sur des critères objectifs de rentabilité et non des critères politiques ou sociaux. Il apparaît donc que l'Etat présente désormais en moyenne 20.31% contre 31.20% pour les privés nationaux et 46.49% pour les privés étrangers.

Tableau 8: Répartition du capital social des banques en activité au Cameroun en %

Banques

Amity

Bicec

Cbc

Citi B

Cl

Eco B

Sgbc

Hcb

Std bk

Afb

Etat

0

80

0

0

35

0

25.6

0

0

0

Privé N*

53.28

20

100

0

0

0

16.3

100

0

75

Privé E*

46.8

0

0

100

65

100

58.3

0

100

25

Source : Rapport d'activité COBAC, 1998/1999, P. 73

* N = Nationaux, E = Etrangers

Le système financier au cours de cette période présente un autre visage avec notamment le mouvement de restructuration qui a été engagé.

II. PRESENTATION DES RESULTATS

Les résultats de cette politique peuvent s'apprécier par rapport aux objectifs recherchés. Il s'agissait de rechercher le retour aux grands équilibres macroéconomiques et si possible, de permettre la relance de l'économie nationale. Pour cela, on devrait procéder à la défense de la position extérieure de la monnaie et à la maîtrise de l'inflation.

S'agissant de la défense de la position extérieure de la monnaie qui s'apprécie à travers le taux de couverture de l'émission monétaire, il faut dire que ce taux s'est dégradé et resté largement en deçà de la norme de 20% exigée par les statuts de la BEAC. Cela traduit l'inefficacité de cette politique à améliorer les avoirs extérieurs nets du pays qui ont évolué de la façon suivante.

Graphique 3 : Evolution des avoirs extérieurs nets (1990-2002)

Le graphique 3 ci-dessus permet d'observer une évolution nette à partir de fin 1999. Cette évolution positive traduit les progrès réalisés dans la maîtrise des grands équilibres macroéconomiques dans le cadre du programme d'ajustement, appuyé par les institutions de Bretton Woods, le rapatriement plus important des recettes d'exportation pétrolière, ainsi que la mobilisation d'un volume croissant de ressources extérieures tant publiques que privées. Mais il faut tout de même remarquer que la période d'avant 1999 révèle une évolution relativement faible, avec une baisse entre 1994 et 1996, suite à la dévaluation intervenue le 12 Janvier 1994.

II.1 Evolution des prix

La lutte contre l'inflation est plus que jamais considérée comme un objectif de politique des autorités monétaires. En effet, la maîtrise des tensions inflationniste permet de relancer l'investissement et donc de favoriser la croissance économique. A cet effet, après le taux record de 33% de l'immédiat post dévaluation en 1994, le taux d'inflation a progressivement diminué. Contrairement à la période 1972-1990, où le taux d'inflation se situait autour de 10%, cette période correspond à un taux moyen qui tourne autour de 4%, ce qui traduit une maîtrise du phénomène au Cameroun.

Le graphique 4 ci-dessous permet de visualiser l'évolution des taux d'inflation mesuré par la variation de l'indice des prix à la consommation.

II.2 Evolution des crédits à l'économie de 1990 à 2003

La liquidation des banques et le transfert des créances douteuses des banques en activité à la SRC, ont entraîné une chute des crédits jusqu'en 1997, comme le montre le graphique ci-après.

Il s'observe dans le graphique 5 ci-dessus que les crédits d'une part diminuent progressivement jusqu'en 1994, d'autre part évoluent en dents de scie au-delà, mais se situent dans tous les cas loin du niveau de 1100 milliards de francs CFA atteint en 1988. Quoi qu'il en soit, malgré les reformes et la dévaluation, les banques s'engagent peu dans le financement de l'économie. Le ratio dépôts totaux / crédits à l'économie et à l'Etat atteint 103% en 1997 contre 84% en 1984, avant le déclenchement de la crise économique. La dévaluation n'a pas eu les effets escomptés, les crédits à l'économie ayant diminué de 43% en terme réels entre le 31 décembre 1993 et le 31 décembre 199730(*) (Joseph A., 2000).

Cette baisse des crédits illustre aussi le fait que suite à la dévaluation, l'Etat a apuré une bonne partie de ses arriérés de paiement auprès des entreprises qui ont donc moins sollicité les banques. Alors que les crédits à l'économie représentaient 32% du PIB en 1990, ce pourcentage n'est que de 8,2% en 1997. si une partie de cette diminution s'explique par l'apurement des bilans bancaires entre 1990 et 1992 (en 1992, les crédits à l'économie représentaient 15% du PIB), elle illustre également le manque de dynamisme du secteur bancaire dans le financement de l'économie.

Aussi, durant cette période, les banques s'engagent essentiellement à court terme pour financer des activités de commerce et de service. De 1997, période d'exploitation du pétrole à 1986 celle de la crise économique, la part des crédits à moyen et long terme était supérieure à 20% et elle a même atteint plus de 30% en 1980 et 1981 (Joseph A., 2000). Au contraire, à partir du déclenchement de la crise, la part des crédits à moyen et long terme est devenue inférieure à 20%. Devant l'augmentation des difficultés économiques, les banques sont sollicitées pour les besoins de liquidité à court terme. En revanche, elles sont plus "frileuses" pour prendre des positions sur le long terme. En raison de l'insolvabilité des banques de développement, leur suppression était nécessaire. Cependant, désormais, le financement du long terme pose problème, car ce rôle n'est pas dévolu aux banques commerciales. Jusqu'à ce jour, le Cameroun manque d'institutions spécialisées dans le financement du long terme.

Le tableau 9 ci-après permet de visualiser la répartition des crédits selon la durée. Il ressort de cette répartition que ces crédits sont en moyenne de 80,25%, 19,15%, 0,6% respectivement pour le court, le moyen et le long terme. Il peut être entendu que le système financier est loin de se préoccuper du financement des opérations de développement qui sont davantage de long ou tout au moins de moyen terme. Ni les restructurations qui ne sont pas achevées, ni le changement de politique monétaire, ni la dévaluation n'auront permis d'accroître de manière significative la part des crédits à long terme.

Tableau 9 : Répartition du crédit selon la durée au Cameroun en (%)

Année

Court terme

Moyen terme

Long terme

1990

86.86

13.0

0.14

1991

81.66

16.96

1.38

1992

79.65

20.29

0.06

1993

80.52

19.41

0.07

1994

93.13

16.64

0.23

1995

85.55

14.25

0.20

1996

77.00

22.80

0.20

1997

74.53

25.30

0.17

1998

71.33

23.69

4.98

1999

73.59

21.28

5.13

2000

75.36

19.63

5.01

2001

76.72

19.32

3.96

2002

74.39

21.95

3.66

Source : Calculs effectués à partir des statistiques, in BEAC études et statistiques, n° 253, novembre - décembre 1999, p. 307 et N° 267 janvier 2003.

II.3 Evolution des taux d'intérêt

La politique des taux d'intérêt devrait permettre d'après les statuts de la BEAC, de soutenir financièrement la relance économique, plus particulièrement les initiatives du trésor, des entrepreneurs et des particuliers nationaux.

La politique des taux d'intérêt fondée sur la conception Keynésienne, relance par les investissements, à savoir qu'un taux faible ou élevé les stimule ou les décourage. L'on comprend dès lors que la Banque Centrale ait opté pendant cette période pour une stratégie des taux d'intérêts bas et stables avec quelques aménagements pour tenir compte de l'environnement financier international. Aussi, l'écart entre les taux débiteurs et créditeurs au Cameroun a tendance à s'accroître, ce qui montre que malgré les mesures de libéralisation financière, la concurrence entre les établissements bancaires est limitée. Pour (Joseph A., 2000) entre 1989 dernière année avant la mise en place de la nouvelle politique monétaire et 1997, la différence entre le taux débiteur maximum pour les opérations à moyen terme de la clientèle ordinaire et le taux créditeur minimum sur les dépôts de 12 à 24 mois est passé de 8,9% à 17%. Alors, d'un point de vue théorique, la libéralisation financière est sensée accroître la concurrence entre les banques, et entraîner une diminution des marges d'intermédiation, tel n'a pas été le cas.

Graphique 6 : Taux débiteur et créditeurs

Le graphique ci-dessus montre que le taux débiteur et le taux créditeur évoluent au même rythme ce qui est contraire au résultat attendu compte tenu de la libéralisation financière.

L'objet de ce chapitre était d'apprécier l'impact des mutations financières sur le financement de l'économie. Pour cela, il a fallu d'abord mesurer la solidité du système bancaire, ensuite évaluer la politique de crédit mise en oeuvre avant et après les reformes.

Au terme de notre analyse, il apparaît un paradoxe. Celui d'un système bancaire liquide et d'une économie non financée. En effet, les réformes financières au Cameroun ont permis au système bancaire de présenter un degré de solidité financière satisfaisant. Les normes de solvabilité et de liquidité sont de plus en plus respectées. Les banques parviennent à maîtriser leurs charges d'exploitation, leurs frais généraux et à présenter de meilleurs soldes de gestion et des coefficients de rentabilité plus encourageants. Seulement les banques ne se sont pas impliquées activement dans le financement de l'économie. Elles se caractérisent à ce niveau, par une défaillance et, ne s'adaptent pas au besoin des investisseurs et des populations. Cette défaillance se traduit par une réticence des banques en matière d'octroi des crédits et s'explique entre autre par la volatilité de l'épargne, mais aussi par l'aversion aux risques des banques.

Cette situation permet de vérifier l'importance relative des mutations financières sur l'évolution des circuits de financements.

CHAPITRE IV

IMPLICATIONS ANALYTIQUES DE L'EVOLUTION DES CIRCUITS DE FINANCEMENT

L'appréciation de l'influence de l'évolution des intermédiaires financiers sur les économies camerounaises, a conduit à un paradoxe au chapitre précédent. Celui d'un système bancaire liquide et quasi assaini et l'absence de financement de l'économie. Il est à noter que, le système financier camerounais, à la suite des mesures d'ajustements financiers, s'est révélé assaini. Mais cet assainissement ne permet cependant pas de conclure à la capacité des banques à relever les défis de la mondialisation et de la globalisation financière, et des problèmes auxquels elles restent confrontées. La diversité d'évolution ainsi observée n'a pas entraîné une déconnexion des banques de leurs activités traditionnelles et, à l'aptitude à soutenir une véritable concurrence. Il s'agit d'une inadéquation du système financier aux impératifs de développement.

La période précédent la crise se caractérise par des institutions bancaires et, financières tributaires de celles de la métropole qui, avaient des structures déjà bien organisées. Ces institutions sont donc apparues en avance par rapport aux structures économiques et à leur niveau de développement ; et ont été imposées sans tenir compte des réalités culturelles et sociales. En effet, l'objectif déclaré de la politique de crédit en cette période était le financement du développement. C'est pourquoi, des niveaux plus élevés de crédits ont été observés. Seulement, ces crédits étaient octroyés par « clientélisme 31(*)» et parfois même sans garanties et, destinés plus aux secteurs de transport, transit, commerce et services, activités agricoles. La crise ayant profondément touché les banques, l'objectif prioritaire pour les autorités est devenu l'assainissement de l'environnement financier. Il s'est donc développé à côté du système financier formel, d'autres circuits de financement plus adaptés aux besoins des populations analphabètes et faisant concurrence aux banques, les incitant même à diversifier les instruments financiers. Aussi, la création de la bourse de valeurs dont les activités tardent encore à démarrer a reçu une grande adhésion, l'alternative des banques de développement ayant été écartée. Le système financier camerounais, malgré les mutations ne s'est pas adopté aux grands défis de la mondialisation. Il est resté peu dynamique et en déphase avec les besoins de l'économie.

Après avoir présenté les caractéristiques actuelles du système bancaire (section 1), une analyse des institutions concurrentes aux banques sera faite (section 2). Ensuite, il sera donné des recommandations de politique économique (section 3).

SECTION I : LES CARACTERISTIQUES ACTUELLES DE

L'INTERMEDIATION BANCAIRE AU

CAMEROUN

A la suite des réformes, il devait s'opérer des regroupements, des fusions et alliances stratégiques importants, permettant non seulement de renforcer la fonction d'intermédiation, mais aussi d'accroître les marges et taux de profitabilité. Aussi le nombre de banques du système bancaire est passé à 10 au 31 décembre 2003 contre 12 dans les années précédent immédiatement la dévaluation. Ainsi que le relève Avom (2004), le système bancaire compte également huit établissements de crédit auxquels il convient d'ajouter les sociétés d'assurance dont le rôle dans le financement de l'économie va considérablement se développer dans les prochaines années, car elles se présenteront comme des concurrentes sérieuses des établissements de crédit, notamment dans la collecte de l'épargne. A côté de ce secteur officiel, il se développe la microfinance, dont la progression a été remarquable au cours de la dernière décennie malgré sa disparité (Lelart.M, 2002).

A cet effet, le système bancaire et financier camerounais présente actuellement plusieurs caractéristiques dont, trois paraissent pertinentes pour qu'elles soient évoquées pour notre propos. Il s'agit d'abord de sa trop forte concentration (I),ensuite de la très forte présence du capital privé dans le capital social des banques, dont une part importante est d'origine étrangère (internationalisation) (II), et enfin de la faiblesse de profondeur et d'innovations financières (III).

I. UN SYSTEME BANCAIRE CONCENTRE

L'analyse de la concentration dans l'industrie bancaire permet de mettre en évidence les inégalités de taille entre établissements de crédit, mais également les tendances oligopolistiques qui se manifestent au sein de ce secteur. Au Cameroun, la concentration s'est traduite par deux mesures :

- Une concentration géographique ; celle-ci se caractérise par la réduction du nombre de banques (fusion et acquisition et fermeture)

- Une concentration économique ; il s'agit à ce niveau d'une concentration de l'activité bancaire en termes de dépôts / crédits et de part de marché.

I.1 Evaluation de la concentration économique

La diversité des produits ne permettant pas la définition d'une incidence composite de concentration dans le cas des banques, la concentration sera évaluée d'une part par les parts de marché, puis par le nombre de banques et d'agences.

I.1.1 La concentration par les parts de marché

Il sera évalué ici la concentration des dépôts et la concentration des crédits. A chaque fois, il sera dressé un tableau des parts de marché pour faire le calcul du taux de concentration pour l'année 2004. Il existe de nombreux indicateurs de concentration. Pour notre étude, il sera utilisé, l'indice de Hirchman-Herfindhal. Il est égal à la somme des carrés des parts de marché de toutes les firmes de la branche ou de l'industrie. Formellement, cet indice s'écrit comme suit :H=i/Q)²=i² Où qi représente la production de la firme i et Q la production totale de l'industrie. Il peut dès lors être évalué ces différentes concentrations.

I.1.1.1 La concentration des dépôts bancaires

Tableau 10 : Part de marché des dépôts 2004

Banques

Montant en millions de FCFA

Part en % simple

Part en % cumulé

SGBC

250780

22.92

22.92

BICEC

220301

20.14

43.06

SCBCL

161757

14.80

57.85

AFB

136257

12.46

70.31

SCBK

107814

9.86

80.16

CBC

95390

8.72

88.88

CITI BANK

45270

4.14

93.02

AMITY BK

25440

2.33

95.35

ECO BANK

36221

3.31

98.66

UNION BK

14674

1.34

100

TOTAL

1093301

100

/

(Source : Fichiers Garbis Iradian, FMI, 2004)

Le tableau souligne une forte concentration des dépôts. En effet, sur les dix banques en activité, deux à savoir, la SGBC et la BICEC contrôlent 43.06% des dépôts, alors que La moitié du système bancaire, constituée des cinq premières banques à savoir, la SGBC, la SCB-CL, la BICEC, la CCEI et la Standard, contrôle à elle seule 80.16% des dépôts. A partir de ces résultats, il peut être calculé l'indice H de concentration. Soit :

H = (0.2292² + 0.2014² + 0.1480² + 0.1246² + 0.0986² + 0.0872² + 0.0414² + 0.0233² + 0.0331² + 0.0134²) = 0.15.

En comparant cet indice à celui qui traduit l'égalité de tailles, qui est égal ici à, soit 0.1, il est claire que ces deux indices sont différents ; ce qui traduit alors les inégalités de tailles dans cette industrie. Puisque lorsque les firmes sont de tailles identiques, ces deux indices devraient être égaux. Cette inégalité de tailles traduit bien la concentration de cette industrie. Le graphique ci-après illustre cette situation.

I.1.1.2 La concentration des crédits

La concentration des établissements des crédits peut être également évalué à partir de l'activité de prêt. Le tableau ci-après permet de calculer le degré de concentration en 2004.

Tableau 11 : Part de marché de crédit 2004

Banques

Montant en millions de FCFA

Part en % simple

Part en % cumulé

SGBC

186575

22.00

22.00

BICEC

175177

20.67

42.67

SCBCL

116007

13.68

56.35

SCBK

102093

12.04

68.39

CBC

87265

10.29

78.68

AFB

79788

9.4

88.08

CITI

34042

4.01

92.09

ECO BANK

30698

3.62

95.71

AMITY

25998

3.07

98.78

UNION BANK

10244

1.21

100

TOTAL

847887

100

/

(Source : Fichiers Garbis Iradian, FMI, 2004)

Ce tableau souligne une forte concentration des établissements de crédit. Les deux premières banques à savoir la SGBC et la BICEC, contrôlent à elles seules 42.67%. Bien plus, en ajoutant la SCB-CL, la Standard Charttered Bank et, la CBC, la moitié du système bancaire distribue 78.68% de crédit. Il convient de remarquer que la Société Générale et la BICEC contrôlent le marché du crédit à hauteur de 42.67%. Il peut donc être calculé l'indice H.

H = (0.22² + 0.2067² + 0.1368² + 0.1204² + 0.1029² + 0.094² + 0.0401² + 0.0362² +0.0307²+0.0121²) = 0.14.

En comparant cet indice à celui qui traduit l'égalité de tailles, qui est égal ici à soit 0.1; il y a bien inégalité de tailles, puisque ces deux indices sont différents.

Le graphique ci-après permet également d'illustrer ce phénomène.

I.1.2 La concentration par le nombre de banques et d'agences

Le degré de concentration bancaire peut également être mesuré par le nombre de banques et d'agences. Plus ce nombre sera réduit, plus la concentration sera élevée. Cet aspect peut être apprécié à partir du tableau ci-après.

Tableau 12 : Evolution du nombre de banques et d'agences

Années

Nombre de banques

Nombres d'agences

1975

4

88

1980

11

143

1987

7

186

1992

11

84

1996

8

74

1999

8

74

2002

10

85

Source : Rapport annuel du Conseil National du Crédit

La lecture de ce tableau montre bien la concentration du système bancaire.

En effet, sur l'ensemble de la période étudiée, on observe non seulement qu'il y a un petit nombre de banques en activité, ce nombre qui tourne autour de 8 banques avec une augmentation plus importante en 1980, mais également, de période en période, on constate aussi une réduction des agences ; la réduction ainsi constatée commence après 1987, à cause peut être de la crise économique qui a affecté le système bancaire. Une reprise sera observée après 1999 avec l'entrée de deux nouvelles banques à savoir ECOBANK et Union Bank dans le système bancaire.

I.2 Evaluation de la concentration géographique

Les pays en développement sont caractérisés par un dualisme économique qui ne cesse d `influencer les niveaux de structure tant industrielles que sociale. Au Cameroun, à côté d'un secteur moderne qui, regorge les activités commerciales et industrielles modernes, il existe un vaste secteur traditionnel. Ces deux secteurs d'activité sont localisés dans les zones bien spécifiques. Alors que le secteur moderne se localise dans les agglomérations urbaines, telles que Yaoundé, Douala, Bafoussam, le secteur traditionnel, pour sa part, se situe dans des zones rurales. Cette structuration de l'économie camerounaise, expliquerait alors la concentration géographique du réseau bancaire. En effet, le secteur traditionnel manifeste une certaine aversion vis-à-vis des structures bancaires, et la structure des dépôts en subit donc les effets. Seul le secteur moderne influence de façon significative l'importance des dépôts et la structure des banques. Ce différentiel d'aversion de ces différents secteurs vis à vis des banques influence l'implantation des banque qui choisissent les grandes agglomérations au détriment des campagnes. Ainsi, la plupart des banques sont installées dans les grandes villes, notamment Douala, Yaoundé, Bafoussam, et quelques chefs lieux de province. Ce phénomène peut être visualisé à travers le tableau ci-après qui retrace le réseau bancaire camerounais.

Tableaux13 : évolution du réseau bancaire camerounais

Ville

1975

1983

1987

1994

1999

2002

Douala

17

27

47

9

8

16

Yaoundé

13

20

39

7

6

12

Bafoussam

5

7

10

6

5

9

Total

35

54

96

22

19

37

Autres

42

113

90

56

40

48

Total

87

167

186

78

59

85

(Source : rapports annuels du conseil national du crédit)

La lecture de ce tableau souligne bien l'importance du phénomène de concentration géographique du réseau bancaire autour des grandes agglomérations urbaines au Cameroun. En effet, il est à remarquer que sur l'ensemble de la période, les trois métropoles que sont Douala, Yaoundé et Bafoussam, ont la plus grande part des agences par rapport aux autres régions. Sur l'ensemble de le période étudiée, ces trois villes ont à elles seules, d'année en année, en moyenne 35% du nombre total d'agences. Ce phénomène s'est surtout accentué en 1987 où ces trois villes ont à elles seules plus de 51% des agences existantes. Il peut être attribué à cette situation la multiplication des guichets périodiques du milieu des années 1980.

Cette concentration géographique se traduit par le développement des comportements d'épargne informelle dans les zones rurales.

Aussi, des 85 agences bancaire que compte le système bancaire en 2002, un peu plus 80% sont regroupées dans les villes de Douala et Yaoundé. Ainsi, des 16 agences que compte la société générale de Banques au Cameroun (SGBC), dix sont situées dans les villes de Yaoundé (trois) et Douala (sept), et 6 dans le reste du Cameroun.

En somme, l'industrie bancaire est fortement concentrée, sur l'ensemble de la période. Sur le plan géographique, les agences des banques sont plus installées dans trois villes. Sur le plan économique, l'activité bancaire est contrôlée par cinq banques à raison de 85% pour les dépôts et 72% pour les crédits.

II . Un système bancaire internationalisé

Une des conséquences de la globalisation des marchés est l'intégration financière. Cette globalisation a entraîné un vaste marché financier mondial dont les parties sont solidaires et interdépendantes. La finance s'étant globalisée, le mouvement va se répercuter dans les systèmes bancaires. C'est dans cette optique que le système bancaire camerounais s'est également internationalisé. Cette internationalisation peut s'apprécier à travers deux critères principaux. Il y a, d'une part, l'implantation bancaire étrangères au Cameroun, et d'autre part, le développement de l'activité bancaire à l'étranger.

II.1 L'implantation bancaire étrangère au Cameroun

La présence des banques étrangères au Cameroun est très ancienne et remonte à la période coloniale. Les premières banques à s'installer étaient la Banque d'Afrique Occidentale (BAO) et la Banque Commerciale Africaine (BCA). Les banques étaient pour la plupart françaises, et leur rôle était de prendre en main le développement des échanges commerciaux avec la métropole. C'est du développement de ces échanges que dépendra le rythme d'installation des banques qui n'étaient que des filiales des banques étrangères. Au moment où le Cameroun accède à la reconnaissance internationale, on s'attendait à ce que cette logique soit infléchie ou alors totalement renversée ; mais il n'en ait rien été parce que, la structure de l'économie des colonies n'avait pas elle-même changé. Dans la période d'euphorie qui a suivie les indépendances, notamment à partir du milieu des années 1970, avec le boom des prix des matières premières (pétrole, cacao, café), les banques américaines, italiennes, espagnoles, vont également s'implanter. Une majorité se retirera progressivement par la suite au moment où, le Cameroun rentre dans une phase de récession à partir du milieu des années 1980.

Aujourd'hui, après les restructurations et les mutations qu'il a connu depuis le début des années 1990 et le retour à la croissance qui a suivi, on observe un léger mouvement de retour des banques étrangères vers le Cameroun à travers une prise de participation dans le capital social de plusieurs banques en activités.

II.2 L'implantation des banques camerounaises à l'étranger

Pour ce qui concerne l'implantation des banques camerounaises à l'étranger, deux banques en effet sont concernées par ce mouvement. Il s'agit d'Afriland First Bank32(*) et de la Commercial Bank of Cameroon. La première est la plus dynamique dans cette stratégie. Elle a en effet ouvert à la fin des années 1990 deux agences bancaires en Guinée-équatoriale et en France, puis en 2002, une succursale dans le port Congolais de Pointe Noire, ainsi qu'à Sao Tomé et Principe. Cette stratégie s'est poursuivie en 2003, par une prise de participation dans le capital de la banque omnifinance en Côte d'Ivoire. Bien plus, des nouveaux partenariats ont été mis en place dans trois pays d'Afrique. Il s'agit de la Banque de Développement du Tchad, de la Société Marocaine de Dépôts et de Crédit et enfin de la First Bank of South Africa. Ainsi, après la France, puis la Chine plusieurs autres partenariats lui assurent une représentation en Amérique et en Europe Occidentale (Avom, 2004).

La deuxième est beaucoup plus timide, et n'est présente qu'en République Centrafricaine à travers l'ouverture d'une agence.

Au total, l'internationalisation se traduit par une présence moins importante de l'Etat dans le capital social des banques (contrairement à la période précédant la crise où sa participation excédait 35%).

Dans l'ensemble du système bancaire, l'Etat n'est présent que dans trois banques, dont la BICEC où l'Etat est représenté à hauteur de 80% dans le capital ; c'est la participation la plus importante.

Les données du tableau 14 ci-après amènent deux observations importantes. Elles permettent d'apprécier l'important recul de l'Etat dans le capital social des banques et la forte présence du capital privé national et étranger. Il apparaît que l'Etat33(*) représente désormais en moyenne 20.31% contre 31.20% pour les privés nationaux et 46.49% pour les privés étrangers.

Tableau 14: Répartition du capital social des banques en activité au Cameroun en %

Banques

Amity B

bicec

cbc

citi ba

cl

ecobk

sgbc

hcb

stdbk

afbk

État

0

80

0

0

35

0

25.6

0

0

0

Privé N*

53.28

20

100

0

0

0

16.3

100

0

75

Privé N*

46.8

0

0

10

65

100

58.3

0

100

25

Source : Rapport d'activité COBAC, 1998/1999, P. 73

* N = Nationaux, E = Etrangers.

III . INSUFFISANCE DE PROFONDEUR ET D'INNOVATIONS FINANCIÈRES

III.1 La faible profondeur financière

Le terme profondeur financière renvoie généralement à la taille du secteur financier. Ainsi, l'appréciation de la taille du secteur bancaire dans une économie se fait à travers le ratio M2 / PIB en raison de sa simplicité, et sans qu'il soit l'indicateur le plus approprié34(*). Ce ratio mesure le pourcentage de la masse monétaire dans la richesse totale dans l'économie. L'interprétation de ce ratio est cependant biaisée par l'importance de la thésaurisation. En effet, dans la plupart des pays sous développés, une partie non négligeable de la quantité de monnaie en circulation échappe au circuit bancaire.

Le système bancaire camerounais malgré la restructuration est demeuré « frileux » et très peu développé du fait notamment de la répression financière, et du renforcement du dualisme financier. Cette faiblesse de la taille, peut être appréciée en observant l'évolution du ratio M2/PIB dans le graphique ci-après.

Ce graphique montre que le ratio M2/PIB est resté relativement stable et faible entre 1970 et 1975. Il a ensuite connu une évolution progressive jusqu'en 1985, consécutive au rythme de croissance de l'économie qui s'emballait pour atteindre les 24%, avant de connaître une baisse progressive, accélérée par la crise économique pour se situer en dessous de 20% en 1987 année officielle d'entrée du Cameroun dans la crise. Il y a, cependant, une reprise entre 1987 et 1989 portant le ratio au dessus de 20%,suite à un léger choc d'une hausse défavorable des prix des matières premières qui est resté très peu perceptible, à cause de l'ampleur de la crise dans laquelle se trouvait l'économie camerounaise. Après cette période, le ratio va connaître une évolution en dents de scie et relativement faible jusqu'en 1996. Une reprise relativement plus importante s'observera l'année d'après, pour atteindre le niveau jamais égalé en 2002. Cela peut s'expliquer par l'émergence de la microfinance qui s'est institutionnalisée et réduisant par là même la thésaurisation.

Mais paradoxalement le Cameroun reste encore un peu en marge de l'évolution des systèmes financiers internationaux, car l'intermédiation financière donne l'impression au Cameroun de ramer à contre courant, pour rechercher la petite taille et limiter le développement des opérations (Bekolo-Ebe, 1998).

III.2 Le manque des innovations financières

Une autre caractéristique actuelle du système bancaire camerounais est le manque d'innovations financières.

Il se traduit par une quasi-absence des services financiers. Alors que partout ailleurs et notamment dans les pays occidentaux et Européens, se développe l'innovation financière, dont le rythme tend à s'accélérer avec comme corollaire, l'expansion et la densification des marchés et pour conséquence, une plus grande capacité à répondre aux besoins et à offrir des opportunités d'investissement, (Bekolo-Ebé, 2002). L'intermédiation financière au Cameroun se caractérise par une pauvreté des instruments, souvent d'ailleurs inadaptés aux besoins, tant pour l'épargnant que pour l'emprunteur. Et lorsque ces instruments existent, ils sont très peu diversifiés et de qualité médiocre. Les conditions pour y accéder sont extrêmement malthusiennes et l'assurance de financement du fait de la fidélité des relations est pratiquement nulle (Bekolo-Ebé, 1998). La faiblesse de l'innovation explique ainsi pour une large part les difficultés des entreprises à trouver les financements adaptés au cycle de production, et la tendance des agents à agir en marge du système. C'est pourquoi les marchés y sont aussi peu développés, et l'intermédiation informelle y prend une telle ampleur, posant ainsi à l'intermédiation financière un problème d'adaptation.

Le système bancaire demeure fragmenté et élitiste, avec une exclusion du financement bancaire, d'une frange importante de la population, qui, pour résoudre ses besoins, recourt à la microfinance. En plus, il manque de souplesse, les démarches administratives sont toujours longues et fastidieuses pour l'ouverture des comptes, la réalisation des opérations de dépôts et de demandes de crédits (compte tenu des conditions exigées) (Avom, 2004). Bien plus, les rares services disponibles ne sont pas accessibles à tous les clients. Par exemple, l'existence des cartes bancaires et des guichets de distribution automatique de billet devenu depuis de nombreuses années des services ordinaires dans les pays développés et certains pays au Sud du Sahara comme l'Afrique du Sud et les pays d'Afrique du Nord demeure paradoxalement un grand luxe. Ainsi que l'a relevé Avom (2004), la SGBC et la BICEC ont été les premières à expérimenter le service de paiement par carte bancaire. Plus récemment, Afriland First Bank vient de mettre à la disposition du public un porte monnaie électronique (i-card) qui permet de réaliser les paiements sur l'ensemble du territoire, dans les surfaces disposant d'un terminal agréé. Elles ont mis à la disposition de leurs clients des cartes de retrait. Cependant, les distributeurs associés à ce service n'ont pas un fonctionnement permanent. Ils sont régulièrement en panne et de nombreux désagréments sont régulièrement signalés La monnaie demeure le seul actif financier le plus utilisé. Le chèque dont l'obtention nécessite une procédure longue (plus d'un mois) n'est pas totalement accepté comme moyen de mobilisation de la monnaie et de paiement. Au total, la banque apparaît depuis plusieurs décennies après l'indépendance et ce malgré les nombreuses restructurations et mutations, culturellement en déphase avec les réalités économiques et sociales. Les taux d'intermédiation bancaire c'est-à-dire le rapport entre le nombre de population pour un guichet de banque reste faible et se situe à environ un guichet pour 200000 habitants (COBAC, 2000) c'est ce qui explique par ailleurs sa très forte concentration. Aussi l'émergence de la micro finance qui est plus adaptée aux besoins des populations en majorité pauvre, trouve là son explication.

SECTION II : EMERGENCE DE LA MICROFINANCE

Le système financier formel du Cameroun présente dans les années 1990 des limites dans son fonctionnement. Ces limites sont dues au fait qu'il s'est développé culturellement en déphase avec les réalités économiques et sociales et ce, malgré les nombreuses restructurations et mutations. Certaines de ses caractéristiques actuelles, analysées dans les sections précédentes en l'occurrence, le manque de profondeur et d'innovations financières, sa trop forte concentration ont contribué à le rendre moins dynamique et inadapté aux besoins des populations. Aussi, à ces dysfonctionnements, se sont accompagnés les développements des circuits de financement parallèles, moins contraignants et, plus adaptés aux besoins des populations analphabètes. Il s'est agit de la finance informelle qui en se développant s'est institutionnalisée et a favorisé l'essor de ce qu'il convient d'appeler aujourd'hui la microfinance.

De nombreux facteurs se trouvent à l'origine de l'essor de la micro finance, et des innovations qui en résultent relèvent de sa capacité d'adaptation. Il convient dès lors de revenir sur les facteurs de développement, avant d'analyser les institutions de micro finance dans le paysage financier camerounais.

I. LES FACTEURS DE DEVELOPPEMENT DE LA MICROFINANCE

La microfinance constitue depuis la dernière décennie une composante importante du système financier camerounais. Son rôle dans la collecte de l'épargne, la distribution des crédits aux populations urbaines et rurales à faible et à hauts revenus, est indéniable. La micro finance s'est développée à la suite de la finance informelle, et ses pratiques se sont diversifiées. Ces pratiques, quoique parfois différentes de celles dont nous avons l'habitude, caractérisent néanmoins une forme originale et parfois sophistiquée de la finance. On peut donc considérer qu'il s'agit d'une véritable intermédiation financière, dans laquelle les coûts de transaction sont réduits, les risques moins grands, l'information plus symétrique. Contrairement au système bancaire qui est très concentré notamment sur le plan géographique, la micro finance quant à elle, est quasi présente sur l'étendue du territoire national. C'est ainsi qu'un rapport de la Banque Mondiale de 2003 dénombre plus de 650 agences de micro finance dans le territoire camerounais. Certains facteurs sont à l'origine de ce développement. Il s'agit des facteurs induits d'une part, et les facteurs autonomes d'autre part.

I.1 Les facteurs structurels

Ces facteurs résultent non seulement de l'inadaptation du système bancaire formel aux réalités sociales, culturelles et économiques, mais aussi de la faiblesse de celui-ci. Cette faiblesse se caractérise par : le manque d'innovations financières, la faible diversification spatiale et la faible profondeur financière. De plus, après les restructurations, les banques sont apparues encore plus fragiles. Elles sont restées de petite taille, alors que la globalisation financière conduit à la formation des conglomérats financiers multispécialisés. Cette recherche de la petite dimension les amène d'ailleurs à restreindre la nature de leurs opérations qui sont faiblement diversifiées.

Les produits offerts sont pratiquement toujours les mêmes que ceux d'il y a vingt ans comme si aucune évolution ne s'était produite, et comme si la fonction d'intermédiation était restée immuable (Bebolo-Ebé, 1998). Les banques sont restées étrangères à leur clientèle, et ont adopté des comportements de rationnement de crédit, expliquant ainsi le paradoxe d'une forte liquidité bancaire et, une croissante lente voire une diminution régulière du volume de crédits. Ce qui a entraîné l'exclusion du financement, d'une frange importante de la population qui, pour résoudre ses besoins recourt à la micro finance.

Dès lors, l'expansion de la microfinance trouve là son explication. D'autres facteurs peuvent également justifier leur émergence.

I.2 Les facteurs autonomes

Les facteurs autonomes sont liés aux caractéristiques intrinsèques des micro finances, qui intègrent l'individu dans une dynamique sociale, mais également présentent des caractéristiques techniques répondant aux habitudes des populations et à leurs besoins spécifiques.

La microfinance est considérée comme un moyen de lutter contre la pauvreté c'est pourquoi elle intéresse les bailleurs de fonds internationaux, en l'occurrence, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et les banques régionales de développement. Elle repose sur des relations de proximité, l'allocation des ressources l'est toujours à court terme. Au total la microfinance contribue au financement de l'activité économique pour des durées et des montants courts. D'où son expansion.

II. LES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE DANS LE PAYSAGE FINANCIER CAMEROUNAIS

L'émergence de la microfinance est une manifestation de la vitalité et du développement de la finance informelle, et elle s'est enracinée dans trois évolutions. Le financement local, le secteur privé, et le crédit (Lelart, 2002). Même si la microfinance fait très souvent référence au micro crédit, sa contribution au financement des petites activités économiques est indéniable. C'est ainsi qu'un certain nombre de caractéristiques peuvent être admises, dont, l'une d'elle est une question de taille comme son nom l'indique.

Il s'agit d'un petit crédit, d'un montant peu élevé, sensiblement inférieur au crédit qu'une entreprise ou un ménage peut solliciter d'une banque. La Banque Mondiale retient un plafond de 30% du PNB par habitant, ce qui représente pour le cas du Cameroun à près de 100.000 FCFA ou 150 euros. Ce crédit est donc sollicité par des personnes dont le revenu est sinon moyen du moins bas. Ce sont souvent les fonctionnaires, des associations de personnes. Les chiffres ci-dessus étant déterminés par rapport à un PIB moyen au niveau du pays, le montant peut être inférieur au niveau d'un débiteur donné. C'est bien pourquoi le micro-crédit est considéré comme un crédit pour les pauvres. Ce micro-crédit peut être demandé pour plusieurs mobiles ; mais il l'est principalement pour développer une activité génératrice de revenu, qu'il s'agit d'une ancienne ou d'une nouvelle activité. C'est pourquoi le micro-crédit est souvent considéré comme un moyen de lutter contre la pauvreté et qu'il intéresse la banque mondiale et les banques régionales de développement. Enfin, les emprunteurs n'ont guère de garantie personnelle à offrir. Mais comme les candidats sont nombreux dans chaque quartier ou chaque ville, ils se connaissent et la solidarité africaine agissant, ils se constituent en groupes restreints au sein desquels chacun s'engage pour les autres. C'est ainsi que les taux de remboursement sont prohibitifs.

Cependant, la différence reste grande entre les banques, et les institutions de microfinance. Les banques accordent des crédits en créditant des comptes, elles créent la monnaie qu'elles prêtent, elles n'ont pas besoin d'en disposer au préalable, elles ne « perdent » rien jusqu'à ce qu'il y ait retrait et qu'elles soient obligées de rembourser le dépôt en billets. Les flux monétaires sont déconnectés de leur activité de crédit. Ils dépendent de l'usage que font leurs clients du crédit accordé, en chèque ou en billet, et le rythme de leurs dépenses et de leurs recettes. Au niveau d'une grande banque, et plus encore au niveau d'un pays de l'ensemble des banques. Ces flux sont relativement stables. Il en est tout autrement pour les institutions de microfinance. D'une part, elles accordent du crédit en donnant de l'argent, en billets ou en chèque, elles ne créent pas de la monnaie, elles doivent en avoir avant d'en prêter. D'autre part, elles doivent être remboursées si elles ne veulent pas être contraintes de cesser leurs opérations rapidement.

Ces flux monétaires sont donc pour elles directement liés à leurs opérations de crédit, ils dépendent du rythme des nouveaux crédits qu'elles accordent et des anciens qui leur sont remboursés. Leur encaisse soit toujours susceptible de fluctuer fortement, que ce soit l'ensemble des institutions ou pour chacune (Lelart, 2002).

SECTION III : LES RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE ECONOMIQUE

Depuis les travaux de Gurley et Shaw (1960), il est reconnu que le niveau d'évolution du secteur financier influence positivement le taux de croissance à long terme de l'économie. A cet effet, afin que le système financier camerounais puisse jouer son rôle dans le processus de financement de l'économie via une allocation efficiente des crédits, cette étude suscite un certain nombre de recommandations. Celles-ci vont du parachèvement de la restructuration du système financier, à l'assainissement complet de l'environnement macroéconomique.

I. L'ACHEVEMENT DE LA RESTRUCTURATION DU SYSTEME FINANCIER

La restructuration bancaire comme le relève Touna Mama (2002) doit déboucher sur une politique plus agressive de collecte de l'épargne et une politique plus audacieuse de distribution de crédit. Il ne saurait y avoir de politique de crédit fiable sans système bancaire sain et jouissant de la confiance du public. Or, il est étonnant que les banques restructurées comme la BMBC soient peu après, obligées de fermer malgré la surveillance de la COBAC. Si les banques commerciales persistent dans la politique de distribution des crédits qui consiste à privilégier essentiellement le court terme au détriment des moyen et long terme, alors, il faut absolument créer les banques spécialisées dans le financement du développement.

 En fait, le système financier actuel doit être réorganisé et élargi afin de couvrir un certain nombre de secteurs que les banques commerciales ne veulent assumer. Il s'agit notamment du financement de l'agriculture, des PME et des financements longs.

L'impulsion devra alors venir de l'autorité monétaire pour donner à la politique de crédit des orientations plus conformes à "l'esprit de développement". La forme à donner au système financier devrait alors s'inscrire dans cette logique pour qu'enfin les techniques et les instruments à donner à ce système contribuent à remodeler le canal du crédit bancaire. Aussi, les banques commerciales classiques sont encore réticentes à intervenir dans les secteurs précités, puisqu'elles travaillent avec des capitaux à courts termes déposés par leurs clients sur lesquels, elles ne veulent prendre des risques inconsidérés. Il faut donc imaginer de nouveaux mécanismes, notamment des mécanismes d'atténuation du risque qui permettront aux banques commerciales de s'engager davantage. Le développement du crédit-bail, la création de fonds de garanties, la création des sociétés de cautions mutuelles professionnelles et de sociétés de capital-risque, pourraient en plus d'une banque spécialisée dans le financement des PME permettre de résoudre le problème. Il doit également être envisagé, la création d'autres institutions plus spécialisées.

I.1 La création d'institutions financières spécialisées

L'architecture actuelle du système bancaire camerounais suite à la liquidation d'institutions spécialisées telles que la Banque Camerounaise de Développement (BCD) en 1989, révèle un vide de financement qui se doit d'être comblé.

Il s'agit donc de créer des banques de développement dont, la gestion serait plus rigoureuse et qui utiliseraient outre l'épargne nationale, les fonds alloués par les institutions financières internationales pour le financement du développement. Elles devraient, en outre, à travers plusieurs guichets, créer de la monnaie destinée exclusivement au financement du développement. A côté de ces banques, on peut envisager d'autres institutions telles que des crédits d'équipement aux PME, les banques de développement régionales au niveau provincial ou départemental, et les fonds de garantie des investissements. La nécessité d'accélérer le processus de la mise en place des premières cotations au niveau de la bourse des valeurs mobilières de Douala demeure pressante. Du reste, il est essentiel, dans les structures financières à recréer au Cameroun, de se rappeler que la priorité est le développement. Aussi, la Banque Centrale devra recentrer ses objectifs vers les besoins de financement de l'économie réelle. Car, au-delà des objectifs traditionnels de stabilité des prix, d'équilibre extérieur, de croissance du PIB et de réduction du chômage, le développement économique est bien l'objectif ultime de la politique monétaire. Il est également nécessaire que le système financier camerounais s'intègre véritablement dans le mouvement actuel de globalisation financière.

I.2. Adapter le système financier à la mondialisation

L'une des conséquences de la mondialisation constitue en n'en point douter la formation des banques de grande taille via des fusions, absorption, acquisition, alliance stratégique ; afin de bénéficier des économies d'échelles et de dimension. En même temps se développe dans les banques le comportement de firme bancaire, où la banque est préoccupée non seulement par sa fonction d'intermédiation, mais encore par la tenue de ses marges et son taux de profitabilité. Il s'agira donc de favoriser le regroupement des institutions bancaires, afin de leur donner une taille critique pour le financement des grands projets de développement. Dans cette optique, des syndications bancaires ou des fusions seraient souhaitables.

Il faudrait par ailleurs inciter les banques à innover, à diversifier leurs produits à la lumière de ceux qui circulent dans les marchés de capitaux internationaux, et à prendre des risques sur les projets de développement sous réserve de la création par l'autorité publique, des organismes de garantie du risque. L'adaptation à la mondialisation suppose aussi que les politiques monétaires régionales soient mieux coordonnées par exemple au sein de la BEAC.

Une autre alternative peut être la mise sur pied effectif d'un marché boursier qui pourra palier au déficit de financement. Il importe de savoir quelles seront les parts respectives du financement bancaire et du financement de marché au sein de l'économie camerounaise. Il s'agit de parvenir à ce que nous avons appelé une architecture optimale du système financier. La création d'une bourse des valeurs pourrait néanmoins élargir le canal du crédit au Cameroun, en diversifiant les sources de financement des agents.

Ce faisant, il faudrait se rendre compte de ce que les PME et PMI, qui constituent l'essentiel du tissu économique du pays, éprouvent très souvent des difficultés à accéder à une bourse de valeurs pour leur financement externe. Ce qui n'est pas le cas des grandes entreprises dont la surface financière est assez large. L'épargne nationale risque encore d'être drainée vers les firmes multinationales dont les actions seraient cotées dans la bourse en création dans la sous-région.

Il serait alors judicieux d'intégrer le secteur informel au circuit formel de financement des entreprises, son rôle dans la mobilisation de l'épargne étant non négligeable au Cameroun comme dans la plupart des économies en développement. Aussi, la promotion de la micro-finance doit être à envisager comme moyen de lutte contre la pauvreté.

La nouvelle politique de crédit à mettre en oeuvre devrait se faire dans deux directions :

D'une part, dans la restructuration des crédits : un renversement de la tendance devrait se faire en faveur des crédits de moyen et long terme ;

D'autre part, dans l'orientation même de ces crédits : les crédits de campagne et d'import-export qui se taillent la part du lion devraient voir cette part diminuée au bénéfice des secteurs moteurs du développement que sont l'agriculture(à moderniser) et les PME (à redynamiser).

C'est à ce prix que le système financier pourrait financer véritablement l'économie au Cameroun comme dans les autres pays de la CEMAC. Il doit également être envisagé la poursuite de l'assainissement de l'environnement financier.

II- L'ASSAINISSEMENT DE L'ENVIRONNEMENT MACRO-ECONOMIQUE

L'assainissement de l'environnement macroéconomique revient en dernière analyse à purifier non seulement l'environnement institutionnel, en réglant le problème des lenteurs judiciaires, du chèque sans provision, du secret bancaire, de la corruption ; mais aussi l'environnement socio-politique. C'est ainsi que l'Etat doit orienter son action vers l'amélioration du cadre juridique en rendant plus efficace les recours en justice. D'autre part, la reconnaissance légale des structures informelles non encore institutionnalisées pourrait permettre leur développement harmonieux, avec la mise en place des moyens de réalisations qui s'imposent avec l'accroissement des asymétries d'information causées par un accroissement du nombre de membres. Ces mesures devraient permettre le glissement des réseaux informels en établissements formels à l'image de la CCEI Bank, structure tontinale transformée en banque de dépôts.

En outre, les missions de la COBAC, à savoir assurer la supervision et le contrôle des banques et des établissements de crédits doivent être renforcées. Aussi, la COBAC devrait jouire d'un pouvoir coercitif de manière à ne plus se référer en dernier ressort aux autorités nationales pour exercer son pouvoir disciplinaire.

Le présent chapitre avait pour objet d'appréhender les implications analytiques de l'évolution des circuits de financement. Pour ce faire, il a fallu d'abord donner les caractéristiques actuelles de l'intermédiation bancaire au Cameroun, ensuite l'évolution de la micro finance et enfin donner les implications en terme de recommandations de politique économique. Au terme de l'analyse, deux aspects sont à relever.

D'une part, les mutations financières ont entraîné une évolution paradoxale de l'intermédiation financière au point où, malgré les restructurations, le système financier est resté très peu compétitif, et incompatible aux besoins des agents économiques. Car il n'a pas été très innovant, manque de profondeur financière et est resté très concentré. Cette concentration s'est observée aussi bien au niveau de la répartition des guichets de banques sur le territoire national, qu'au niveau des crédits et des dépôts. Il a été établi que les crédits et les dépôts sont contrôlés par une minorité des banques (moins de la moitié )de l'ensemble du système bancaire.

D'autre part, l'évolution observée dans la sphère financière Camerounaise révèle une émergence de nouvelles institutions financières faisant concurrence aux banques, les obligeant à diversifier les services financiers à la disposition de la clientèle. Il s'est agit de la microfinance dont, la contribution au financement des projets de petite taille est indéniable.

CONCLUSION GENERALE

En définitive, cette étude avait pour objectif général d'évaluer la contribution des mutations financières dans le financement de l'économie camerounaise. Plus spécifiquement il s'agissait de savoir si les mutations financières se sont accompagnées d'une meilleure allocation des ressources financières dans l'économie. Pour cela, il a fallu dans un premier temps analyser les fondements théoriques des origines des mutations financières. Ces fondements ont trouvé leur explication en distinguant les origines internationales des origines internes des mutations financières. Dans un second temps, il a été évaluées les conséquences des mutations financières sur les circuits de financement.

Les analyses effectuées ont montré que les mutations financières sont à l'origine des profondes transformations des systèmes bancaires, des gains d'efficience, mais aux prix d'une instabilité accrue, comme semble le suggérer la multiplication des crises bancaires et financières de grande ampleur observées dans le monde depuis les années 1970, concomitamment au phénomène de mutations financières.

La vérification dans le cas du Cameroun a conduit à évaluer dans un premier temps la solidité financière du système bancaire. Celle-ci s'est appréciée à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC, les indicateurs de rentabilité et les autres indices de performance. A cet effet, il a été calculé les ratios de solvabilité, de liquidité et les indicateurs de rentabilité. Dans un second temps, il a été évalué la politique de crédit entre 1972 et 1990 (année qui marque le début des réformes) ; puis celle élaborée entre 1990 et 2003. A ce niveau, l'évolution des tendances a été décelée. C'est pourquoi nous tenterons, d'interpréter les évolutions observées et d'en dégager quelques implications.

Par ailleurs, notre étude a utilisé les données relevées depuis 1972, mais s'étendant beaucoup plus sur la période comprise entre 1990 à 2002. Période concentrant à notre avis les récents bouleversements observés sur la sphère financière Camerounaise.

Les résultats de cette étude ont conduit à un paradoxe. Car les mutations financières ont permis au système bancaire camerounais de présenter une solidité financière, et cela à travers le respect des normes édictées par la COBAC. Le système bancaire est devenu plus liquide. Cette surliquidité bancaire survenue après la dévaluation du 12 Janvier 1994 ne s'est pas traduite par une augmentation de l'offre de crédit, les banques ayant préféré conserver leurs excédents sous forme de réserves auprès de la banque centrale. Le système bancaire ne s'implique donc pas activement dans le financement de l'économie. Aussi l'émergence de la micro finance n'a toujours pas permis de palier à ce déficit de financement, d'autant plus que les crédits accordés par ces institutions sont de montants limités et pour des durées courtes et donc ne permettent pas une expansion du secteur productif.

A cet effet, pour que le système financier puisse jouer activement son rôle dans le financement de l'économie, il faudrait lui donner une nouvelle organisation marquée par l'achèvement de la restructuration bancaire et l'assainissement complet de l'environnement macroéconomique. Ainsi, il faut impérativement créer les banques de développement spécialisées dans le financement de l'économie, tout en élargissant le système financier actuel, afin qu'il couvre désormais un grand nombre de secteurs, en l'occurrence, l'agriculture, les PME, et des financements longs. Il faudrait également accorder un poids plus important à la finance de marché. Aussi, le démarrage effectif de la Douala Stock Exchange dont les activités continuent de retarder, constitue une voie salutaire pour palier au déficit de financement dont l'économie camerounaise est confrontée. Ces chantiers si ils sont exécutés permettront au Cameroun de passer progressivement d'un système d' «économie d'endettement », vers une «économie de marchés financiers», plus efficace économiquement mais aussi plus fragile, car plus vulnérable aux chocs financiers.

BIBLIOGRAPHIE

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7. Bekolo-Ebe B., (1998), "La restructuration bancaire en zone francs face au défit de la mondialisation", in la mondialisation et l'économie camerounaise, (sous dir. Touna Mama), Friedrich Ebert Stiftung, pp 215-237.

8. Bekolo Ebe B., (2001-a),  "La nouvelle politique monétaire de la zone franc depuis 1990 : Evolution, caractéristiques et fondements théoriques depuis la fin des années 80", Communication au colloque internationale Georges Walter Ngango, Yaoundé, février.

9. Bekolo-Ebe B., (2002), "Les défis de l'intermédiation financière en Afrique", in intermédiation financière et financement du développement en Afrique (sous dir. Bekolo-Ebe B.), Presse Universitaire de Yaoundé, pp 13-25.

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19. Joseph A., (2000), Le rationnement du crédit dans les pays en développement : Le cas du Cameroun et de Madagascar, Harmattan, Paris.

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25. Mathis J., (1992), Monnaie et Banque en Afrique francophone, Edicef- Aupelf

26. Mc Kinnon R., (1973), "Money and capital in Economic Development", The Brookings Institution, Washington.

27. Romey C., (2004), "Les grands traits de la mutation financière", in les systèmes financiers : mutations, crises et régulation, (sous dir. De Boissieu C.), pp 3-16, Economica, Paris.

28. Sandretto R., Tiani Keou F., (1993),  "La faillite du système bancaire africain. Autopsie et implication d'un désastre : L'exemple camerounais", in Informations et commentaires, n° 83.

29. Scialom L., (1999), Economie bancaire, collection repère, éd. La découverte, Paris.

30. Shaw E.,(1973), "Financial deepening in economic development", Oxford University Press, New York.

31. Silber W., (1975), "Financial innovation", (ed.) Lexington Books.

32. Stiglitz J., Weiss A., (1981), "Credit rationing in Markets with Imperfect Information", American Economics Review, juin, vol 71, n° 3, pp393-410.

33. Tamba I., Tchamanbé Djine, (1995),  "De la crise à la réforme des institutions bancaires africaines : l'expérience du Cameroun", in Revue tiers monde, tome 36, n° 144, Octobre-Decembre.

34. Touna Mama, (2002), "La politique du crédit et le financement du développement au Cameroun", in intermédiation financière et financement du développement en Afrique (sous dir. Bekolo-Ebe), Presse Universitaire de Yaoundé, pp 85-104.

LISTE DES GRAPHIQUES ET TABLEAUX

GRAPHIQUES

Graphique 1 : Evolution des crédits intérieurs 1972-1990

Graphique 2 : Evolution des avoirs extérieurs

Graphique 3 : Evolution du taux d'inflation 1972-1990

Graphique 4 : Evolution des crédits à l'économie

Graphique 5 : Evolution du taux d'inflation 1990-2002

Graphique 6 : Taux débiteur et créditeur

Graphique 7 : Courbe de concentration des dépôts

Graphique 8 : Courbe de concentration des crédits

Graphique 9 : Profondeur financière mesurée par le rapport M2 / PIB

TABLEAUX

Tableau 1 : Créance transférée à la SRC (en million de Francs CFA)

Tableau 2 : Evolution du ratio de solvabilité minimum

Tableau 3 : Evolution du ratio des couvertures des immobilisations

Tableau 4 : Evolution du ratio des liquidités minimum

Tableau 5 : Evolution du ratio de transformation à long terme

Tableau 6 : Synthèse du compte de résultat et des coefficients de rentabilité du système bancaire camerounais (montants en millions de FCFA)

Tableau 7 : Evolution du taux de croissance au Cameroun (1985-2002)

Tableau 8 : Répartition du capital social des banques en activité au Cameroun en %

Tableau 9 : Répartition des crédits selon la durée au Cameroun en %

Tableau 10 : Part de marché des dépôts

Tableau 11 : Part de marché de crédit

Tableau 12 : Evolution du nombre de banque et d'agence.

Tableau13 : Evolution du réseau bancaire

ANNEXES 1

Années

CPI

 

M1

M2

PIB

M2/PIB

Crédits int

1970

18,6

 

39476

46570

7,502E+11

0,06207665

31900

1971

18,6

0

44144

52489

7,7631E+11

0,06761376

41000

1972

18,9

0,3

47348

57699

7,9706E+11

0,07238945

57200

1973

20,8

1,9

55571

70699

8,3975E+11

0,08419035

64800

1974

24,4

3,6

73660

95300

9,2989E+11

0,10248491

93200

1975

27,7

3,3

77190

107200

1,0345E+12

0,10362895

126000

1976

30,5

2,8

96189

134200

9,7761E+11

0,13727285

147999

1977

35

4,5

140100

156000

1,1119E+12

0,14029559

202000

1978

39,9

4,9

146949

212314

1,3566E+12

0,15650475

259000

1979

41,9

2

184252

260088

1,4385E+12

0,18080876

297000

1980

45,9

4

208234

315416

1,4102E+12

0,22366757

379000

1981

51,38

 

258923

405609

1,6511E+12

0,24565987

444000

1982

58,19

6,81

298481

483405

1,7752E+12

0,27231017

579000

1983

67

8,81

377065

612419

1,8971E+12

0,32281852

718000

1984

75,58

8,58

4107

736228

2,0389E+12

0,36109077

753000

1985

82,01

6,43

426684

864522

2,2033E+12

0,392376

854000

1986

88,39

6,38

447711

830780

2,3525E+12

0,35314773

996670

1987

100

11,61

387014

677720

2,302E+12

0,29440487

938944

1988

101,6

1,6

388101

696391

2,1219E+12

0,32819219

872168

1989

99,99

-1,61

455837

772817

2,0833E+12

0,37095809

1061696

1990

101,9

1,91

388665

640863

1,9561E+12

0,32762281

816209

1991

101,1

-0,8

348363

642347

1,8816E+12

0,34138339

870804

1992

101,3

 

31176

592727

1,8233E+12

0,32509002

831908

1993

97,89

-3,41

266855

535905

1,7649E+12

0,30364167

805190

1994

132,4

34,51

361016

679708

1,7208E+12

0,39499475

797824

1995

150,5

18,1

186220

637244

1,7776E+12

0,35848781

797711

1996

157,9

7,4

313456

576138

1,8665E+12

0,30867812

844621

1997

162,8

4,9

422902

682638

1,9617E+12

0,34799025

806060

1998

105,9

-56,9

4852

742798

2,0605E+12

0,36049207

966350

1999

111,5

5,6

53773

840050

2,151E+12

0,39053088

1039983

2000

109,8

-1,7

63106

997476

2,2414E+12

0,4450256

1032511

2001

149,379384

39,57938424

 

1126355

2,3804E+12

0,47317992

1108892

2002

153,953803

4,574418719

 

1324983

2,4262E+12

0,54610557

1160103

Source : Calculs effectués à partir des Statistiques, in BEAC, Etudes et Statistiques ,n° , 220, Octobre1995 P 619, n°278, Décembre2003 et statistiques financières et internationale.

ANNEXES 2

Années

Crédits

Avoirs ext

1990

753819

-152317

1991

588911

-137800

1992

480145

-170227

1993

424537

-223702

1994

413423

-293777

1995

422433

-326602

1996

432560

-278505

1997

400807

-181965

1998

564823

-172622

1999

603891

-154839

2000

700515

48442

2001

761702

126109

2002

834441

298325

Source : Statistiques In BEAC, Etudes et Statistiques, n° 253 Novembre - Décembre 1999, P. 307 & n° 278, Décembre 2003.

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES ABREVIATIONS iii

SOMMAIRE iv

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ORIGINES DES

MUTATIONS FINANCIERES 7

CHAPITRE I : LES ORIGINES INTERNATIONALES DES MUTATIONS

FINANCIERES 10

SECTION I : LA GLOBALISATION FINANCIERE 11

I. LES COMPOSANTS DE LA GLOBALISATION FINANCIERE 12

II. LA REGLE DES TROIS D 13

II.1 Le décloisonnement des marchés 14

II.2 La déréglementation 15

II.3 La désintermédiation 16

SECTION II : L'ACCELERATION DES INNOVATIONS FINANCIERES 17

I. DEFINITIONS ET JUSTIFICATIONS DES INNOVATIONS FINANCIERES 18

II. TYPOLOGIE DES INNOVATIONS FINANCIERES 19

III. LES THEORIES EXPLICATIVES DES INNOVATIONS FINANCIERE 21

III.1 La théorie de la contrainte et la dialectique réglementaire 22

III.2 La demande de nouvelles combinaisons de caractéristiques 24

CHAPITRE II : LES ORIGINES INTERNES DES MUTATIONS FINANCIERES AU

CAMEROUN 27

SECTION I : LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE 29

I. EXPLICATIONS THEORIQUES DES CAUSES DE LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE 29

I.1 La faiblesse des relations structurelles entre les banques et l'économie 30

I.1.1 La logique de l'implantation bancaire au Cameroun 30

I.1.2 Les asymétries d'information et l'environnement juridico-institutionnel 31

I.2 Les distorsions introduites par les politiques gouvernementales 32

I.2.1 La théorie de la répression financière 32

I.2.2 Le dualisme financier 34

II. LES CARACTERISTIQUES DE LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE 35

II.1 La dégradation des dépôts 35

II.2 Le rationnement de crédit 35

II.3 Mutation de la carte bancaire 36

II.3.1 Mutation de la structure des établissements bancaires 36

II.3.2 Modification géographique des guichets bancaires 37

SECTION II : LES MESURES D'AJUSTEMENT FINANCIER AU CAMEROUN 38

I. OBJECTIF DES MESURES D'AJUSTEMENT MISES EN OEUVRE AU CAMEROUN 39

I.1 Objectif sectoriel 40

I.2 Objectif global 40

II. LES REFORMES FINANCIERES AU CAMEROUN 41

II.1 La restructuration bancaire 41

II.1.1 Action sur le passif 43

II.1.2 Action sur l'actif 44

II.2 Le changement de politique monétaire 44

II.2.1 Adoption de la programmation monétaire et suppression du plafond de refinancement des crédits 44

II.2.2 La libéralisation des taux 45

II.2.3 La mise en place du marché monétaire 45

II.3 Les mesures juridico-institutionnelles 47

DEUXIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES DES MUTATIONS FINANCIERES

SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE AU

CAMEROUN 50

CHAPITRE III : EVALUATION DE L'IMPACT DES MUTATIONS FINANCIERES

SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE 52

SECTION I : EVALUATION DE LA SOLIDITE FINANCIERE DU SYSTEME BANCAIRE 53

I. REFORMES FINANCIERES ET RESPECT DES NORMES PRUDENTIELLES 53

I.1 Respect des normes de solvabilité 54

I.1.1 Le ratio des couvertures de risques 54

I.1.2 Le ratio des couvertures des immobilisations 55

I.2 Appréciation des banques par rapport aux respects des normes de liquidité 56

I.2.1 Le ratio de liquidité général 56

I.2.2 Le ratio de transformation à long terme 57

II. REFORMES FINANCIERES ET ANALYSE DE LA RENTABILITE DU SYSTEME BANCAIRE CAMEROUNAIS 58

SECTION II : EVALUATION DE LA POLITIQUE DE CREDIT DE 1972 A 1990 61

I. LES MOYENS DE LA POLITIQUE DE CREDIT APPLIQUE DE 1972 A 1990 61

I.1 Le cadre institutionnel 62

I.2 Les acteurs 62

I.3 Les instruments de la politique de crédit 63

I.3.1 Les instruments quantitatifs 63

I.3.2 Les instruments qualitatifs 64

II. LES RESULTATS DE LA POLITIQUE DE CREDIT 64

II.1. Présentation des résultats 64

II.1.1 Evolution des crédits à l'économie 64

II.1.2 Evolution des prix 65

II.1.3 La croissance 66

SECTION III : EVALUATION DE LA POLITIQUE DE CREDITS DE 1990 A 2003 66

I. LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME BANCAIRE 67

II. PRESENTATION DES RESULTATS 68

II.1 Evolution des prix 69

II.2 Evolution des crédits à l'économie 70

II.3 Evolution des taux d'intérêt 72

CHAPITRE IV : IMPLICATION ANALYTIQUE DE L'EVOLUTION DES

CIRCUITS DE FINANCEMENT 74

SECTION I : LES CARACTERISTIQUES ACTUELLES DE L'INTERMEDIATION BANCAIRE AU CAMEROUN 76

I. UN SYSTEME BANCAIRE CONCENTRE 76

I.1. Evaluation de la concentration économique 77

I.1.1 La concentration par les parts des marchés 77

I.1.1.1 La concentration des dépôts bancaires 77

I.1.1.2 La concentration des crédits 78

I.1.2 La concentration par le nombre de banques et d'agences 80

I.2 Evaluation de la concentration géographique 81

II. Un système bancaire internationalisé 82

II.1 L'implantation bancaire étrangère au Cameroun 82

II.2. L'implantation des banques camerounaises à l'étranger 83

III. Insuffisance de profondeur et d'innovations financiers 84

III.1 La faible profondeur financière 84

III.2 Le manque d'innovation financière 86

SECTION II : EMERGENCE DE LA MICRO FINANCE 87

I. LES FACTEURS DE DEVELOPPEMENT DE LA MICROFINANCE 87

I.1 Les facteurs induits 88

I.2 Les facteurs autonomes 89

II. LES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE DANS LE PAYSAGE FINANCIER CAMEROUNAIS 89

SECTION III : LES RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE ECONOMIQUE 90

I. L'ACHEVEMENT DE LA RESTRUCTURATION DU SYSTEME FINANCIER 91

I.1 La création d'institutions financières spécialisées 92

I.2 Adapter le système financier à la mondialisation 92

II. L'ASSAINISSEMENT DE L'ENVIRONNEMENT MACRO-ECONOMIQUE 94

CONCLUSION GENERALE 96

BIBLIOGRAPHIE 98

LISTE DES GRAPHIQUES ET TABLEAUX 101

ANNEXES 102

* 1 Silber W (1983), « The process of Financial innovation », American Economic Review, mai.

* 2 Le terme conglomérat financier désigne « Tout groupe de sociétés ayant un actionnariat commun et dont les activités exclusives ou prédominantes consistent à fournir des services significatifs dans au moins deux secteurs financiers différents(banques, titres, assurances) »(Scialom,1999,pp40).

* 3 CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale est née en 1994 sous les cendres de l'Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale (UDEAC). Elle est composée de six (06) pays : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad et République Centrafricaine

* 4 COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale, créée le 16 octobre 1990

* 5 Silberg W., 1975, Financial innovation, (éd.) Lexington Books

* 6 Gatt :general agrement of tarif and trade ; a été remplacé par l'organisation mondiale du commerce(OMC) en 1994 à Marrakech.

* 7 Les comptes NOW (negociable order withdrawal) permirent aux titulaires de compte à terme de retirer des fonds à condition de laisser un solde minimum.

* 8 Les comptes Super NOW autoriseront sous certaines conditions, à faire des chèques à partir des comptes à terme. Les ATS : virement automatique de compte à vue au compte à terme.

* 9 Globex est un système électronique international et automatisé pour l'entrée et l'exécution centralisée d'ordres sur produits dérivés dont le fonctionnement effectif a débuté en 1992. Simple accord de coopération au départ entre le Chicago Mercantile exchange (CME) et l'agence Reuters, il permet aujourd'hui de relier le CME, Euronext. Liffe, les marchés de produits dérivés de Montréal, Sao Paolo, Madrid et Singapour

* 10 Lancaster (1971), « Consumer demand : A new approach », Columbia University Press.

* 11 Desai M. et Low W, (1987), « Measuring the opportunity for product innovation», dans Changing Money: Financial Innovation in developed countries, de Cecco (ed.), Basil Blackwell.

* 12 Les analyses sur les causes de la crise financière recensent trois séries de causes explicatives de l'occurrence des crises : l'absence d'information pertinente ainsi que le caractère asymétrique de leur répartition entre les différents acteurs ;L'existence d'influences extérieures pouvant entraîner des conséquences indésirables et involontaires sur les marchés. La difficulté de trouver une infrastructure appropriée. D'autres analyses distinguent : Les causes macroéconomiques, les causes sectorielles, et les causes institutionnelles.

* 13 Mc Kinnon(1991) cité par Isaac Tamba et al(1994).

* 14 Déjà en 1985,(BEAC, Etudes et statistiques n° 122 Avril 1985 p122) Andely relève parmi les contraintes s'opposant à l'exercice de l'activité bancaire, le bas niveau des taux d'intérêt servis aux banques à la souscription des bons d'équipement(4.5%) alors que le coût moyen des ressources des banques était de 9.5%.

* 15 Malgré le fait que l'inflation soit passée de 16% en 1983à 8% en 1985.

* 16 Rapport annuel du Conseil National du Crédit, 1999

* 17 De manière générale, les objectifs des politiques d'ajustement structurel sont la stabilisation macro-économique, la correction des prix relatifs et l'amélioration de la productivité. Les instruments sont la réduction de la demande intérieure, le rétablissement des équilibres, budgétaires et de la compétitivité-prix.

* 18 Ces chiffres, issus des réévaluations des bilans, diffèrent des chiffres de la BEAC présentés en annexe

* 19 Cette banque a été scindée en deux et la partie saine a été reprise par le Crédit Lyonnais.

* 20 Selon Tamba et al. Art .cit P825, 76 milliards de FCFA de dépôts divers aux banques liquides ont été abandonnés par la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et la Société Nationale de Raffinage (SONARA).

* 21 Ces normes remplacent les ratios suivants :

-le coefficient de liquidité, c'est-à-dire le rapport des actifs mobilisables aux exigibilités à court terme (fixé à un minimum de 70%)

-le ratio des fonds propres c'est-à-dire le rapport entre le montant minimum des fonds propres et l'encours des crédits réescomptables (tous les deux fixés à 5%).

Le coefficient d'emploi des dépôts en crédits non mobilisables(ne devant pas dépasser 25% pour les dépôts à vue et 50% pour les dépôts à terme), a été supprimé en 1990 car il n'était pas respecté.

* 22 En raison de la disponibilité des données au cous de cette période.

* 23 A cette date, les deux banques éprouvaient un besoin de liquidité respectif de 2.2 milliards et de 24.3 milliards.

* 24 Ce relèvement est particulièrement imputable à la SGBC dont les produits accessoires se sont portés à 14 milliards contre 3.6 milliards un an plus tôt.

* 25 Le PNB est la différence entre les produits d'exploitation et les charges d'exploitation. Il peut encore se déterminer par la somme des marges de différents types d'opérations réalisées par les banques réalisées par les banques : opérations de trésorerie, opérations avec la clientèle, opérations financières, opérations diverses, etc.

* 26 Au 30 juin 1995, la dotation aux comptes de prévoyance se portait à 54.5 milliards compte tenu de la forte dégradation des créances de la BMBC et du CAC. Au 30 Juin 1999, l'assainissement de l'ensemble du système bancaire s'est traduit par une réduction à 1/3 de ces dotations qui se chiffrent à 17.5 milliards.

* 27 La situation de la SCB-CL reste la plus impressionnante. Elle est partie d'un déficit de 25 milliards au 30 juin 1995 pour un excédent de 66 millions au 30 juin 1997 et de 3.16 milliards un an après. Avec un coefficient de rentabilité de 99.25%. le principal objectif de la restructuration de cette banque se trouve ainsi atteint.

* 28 Ce déficit qui reste le plus important de cette banque depuis sa création est imputable à l'importance des frais généraux et des dotations aux comptes de prévoyance qui ont subi une hausse de 413 millions et de 1.59 milliards respectivement par rapport à la situation de juin 1998.

* 29 Le président de la République, Paul Biya, au cours d'un discours historique à l'Assemblée Nationale, a annoncé l'entrée du Cameroun dans la crise économique, ainsi qu'une série de mesures allant dans le sens de la réduction du train de vie de l'Etat, pour conclure solennellement « nous n'irons pas au FMI ».

* 30 en 1998, la tendance s'est inversée : les banques ont connu les tensions de liquidité suite à une stagnation des dépôts et à une augmentation de la demande de crédit, ce double mouvement s'explique par la crainte d'une nouvelle dévaluation du FCFA lors du passage à l'Euro en janvier 1999 et par un rattrapage de la demande de crédit, renforcée par l'amélioration des performances économiques depuis1995.

* 31 Se sont des crédits de faveur octroyés sans garanties et dont on sait que le remboursement ne sera pas effectué.

* 32 Ancienne caisse commune d'épargne et d'investissement (CCEI) qui devient Afriland First Bank en 2002.

* 33 Il important de signaler que cette présence demeure importante dans les autres pays de la CEMAC en raison du retard, pris dans le processus de libéralisation et de privatisation. Par exemple, au Congo, l'Etat est présent dan trois banques sur quatre en activité, avec une part moyenne de 84.30% (COBAC, 1999)

* 34 D'autres indicateurs sont aussi utilisés pour mesurer la profondeur financière. On peut citer M1 / PIB, (M2 - M1) / PIB, M3 / / PIB.






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