SECTION II - LA REGLEMENTATION CONTRE
L'EXPLOITATION
ECONOMIQUE DE
L'ENFANT
Le besoin vital de travailler est une
nécessité sociale. L'enfant est parfois amené,
malgré lui, à devoir entrer très tôt dans la vie
active pour diverses raisons (familiales et / ou personnelles). Le
législateur a posé, à son profit, une
réglementation particulière et appropriée de règles
protectrices en matière de travail (Paragraphe 1). Ce encadrement
législatif exclut et sanctionne les autres situations d'exploitation
économique susceptibles de compromettre la survie et le
développement de l'enfant (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La particularité des
règles protectrices en matière de
travail
La Convention relative AUX Droits de l'Enfant du 20
novembre 1989 ne rejette pas le travail des enfants mais elle interdit
l'exploitation et les abus.
En effet, l'article 32 CIDE pose en son alinéa
1er que les Etats doivent l'enfant non seulement contre
l'exploitation économique mais encore lui éviter des travaux
comportant des risques. L'alinéa 2ème du même
article va plus loin et demande aux Etats de fixer un âge minimum ou des
âges minimums d'admission à l'emploi et de déterminer une
réglementation appropriée des horaires de travail et des
conditions d'emploi. L'article 15 de la Charte Africaine des Droits et du
Bien-Etre de l'Enfant pose également les mêmes exigences.
Quoiqu'il en coûte, le principe sacro-saint du
droit au travail est une des libertés garanties et reconnues à
tout citoyen, fusse-t-il un enfant, par l'article 8 de la constitution
sénégalaise du 7 janvier 2001.
Dans cette optique, l'OIT a adopté sa
première convention sur le travail des enfants en 1919, l'année
même de sa fondation. Il s'agit de la convention n° 5 sur
l'âge minimum qui interdit le travail des enfants de moins de 14 ans dans
les établissements industriels. L'instrument le plus complet sur
l'âge minimum du travail demeure la convention n° 138 de 1973 qui
fixe à 15 ans l'âge minimum de travail de l'enfant. En outre, elle
invite les Etats membres, dont le Sénégal, à s'engager
dans une politique suivie visant à assurer pour l'avenir, l'abolition
effective du travail des enfants et à élever progressivement
l'âge minimum d'admission à l'emploi. La recommandation n°
146 de l'OIT qui complète la convention n° 138 propose le cadre
d'action et les mesures essentielles, à mettre en oeuvre pour
prévenir et éliminer le travail des enfants.
Cette recommandation appelle les Etats membres à
s'efforcer de porter l'âge minimum à 16 ans pour tous les secteurs
d'activité. L'ancien code du travail sénégalais en son
article 139 fixait l'âge minimum à 14 ans. L'actuel code du
travail s'est conformé à la convention n° 138 du 26 juin
1973 du BIT en fixant l'âge minimum à 15 ans (art. L 145 de la loi
n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant nouveau code du
travail du Sénégal). On remarque une volonté progressive
d'élever l'âge minimum d'admission à l'emploi qui n'en est
qu'à une phase ascendante. La convention du BIT précitée
prescrit même de fixer l'âge minimum pour tout travail
présentant un degré de dangerosité ou de toxicité
pour l'enfant. Le Sénégal va même plus loin et interdit de
soumettre l'enfant à de tes travaux (art. L 145 alinéa 2).
Pour de tels travaux, il revient au ministre du Travail de
déterminer l'âge limite auquel s'applique l'interdiction. La
convention n° 138 exige également la consultation préalable
des organisations d'employeurs ou de travailleurs pour tout emploi d'enfant. A
ce titre en 1930, la convention n° 29 de l'OIT préconisait
déjà l'interdiction des pires formes d'exploitation et vise
à supprimer le recours forcé ou obligatoire.
Par ailleurs, il est formellement interdit d'affecter un
enfant à des travaux non proportionnés à ses forces (art.
L 146 alinéa 2) et l'inspecteur du travail peut requérir un
examen médical en vue de vérifier si le travail exigé
à l'enfant n'excède pas ses forces (art. L 146 alinéa
1er).
En outre, il n'est pas permis d'occuper des enfants
à des travaux de nuit (art. L 140 alinéa 1er) et
l'employeur est tenu d'appliquer les mesures d'hygiène et de
sécurité surtout lorsqu'il utilise des enfants (art. L 149). De
même, l'enfant a droit à un minimum de 11 heures
consécutives de repos (art. L 141) entre deux journées,
conformément à la convention n° 90 de l'OIT. Ce repos est
obligatoire (art. L 147).
L'employeur ne peut, à dessein, confiner l'enfant
dans un cercle sans fin d'apprentissage (articles L 73 et L 74) ou de formation
professionnelle sans perspective d'une promotion de carrière (articles L
75 et L 76) comme il est fréquent dans les entreprises non
structurées du secteur informel (mécanique, menuiserie,
transport...).
La violation par l'employeur de la réglementation
spéciale du travail des enfants est sanctionnée principalement
par le décret n° 62-17 du 22 janvier 1962.
Pour autant le législateur ne s'est pas
limité qu'aux seules règles du travail des enfants. Il a aussi
mis l'accent sur d'autres situations d'exploitation économique en
aménageant des mesures drastiques en vue de renforcer la protection de
la dignité de l'enfant.
Paragraphe 2 - La protection contre les autres
situations d'exploitation
économique
Cette protection concerne les formes d'industrie de
l'exploitation économique par des structures du secteur informel et
apparemment illicites.
La main-d'oeuvre servile enfantine se manifeste soit en milieu
rural, soit résulte de la conjoncture économique et produit ses
ramifications dans les sphères urbaines.
La traite des agissements odieux prend les traits des
enfants dans les travaux champêtres (champs familiaux ou maraboutiques),
des enfants domestiques, des petits vendeurs, cireurs et apprentis de toutes
sortes (restauration, transport, mécanique, menuiserie...).
L'image des jeunes talibés, en quête
effrénée d'aumônes, mal habillés et à la
propreté douteuse, révèle une tragédie poignante.
Ils ne connaissent que les rudiments de la tradition et les textes du Coran et
sont privés d'une scolarisation. Ces enfants sont victimes d'abus
d'autorité par la cupidité d'enseignants coraniques qui les
réduisent à l'état de mendicité, lequel au reste,
est un délit réprimé par l'article 245 CP et le
décret n° 64-088 du 6 février 1964 relatif à la
mendicité sous toutes ses formes.
Le plus souvent c'est pour échapper à cet
engrenage maraboutique que le phénomène des enfants de la rue
s'est accentué et a pris des proportions démesurées avec
pour conséquences perceptibles une recrudescence de la prostitution
enfantine, le lit facile du tourisme sexuel, la vente et la traite d'enfants
(adoptions à l'étranger, plantations dans les haciendas de
certains pays d'Afrique de l'Ouest,...), la pornographie sous toutes ses
formes, l'usage de la drogue, la production et le trafic des stupéfiants
parmi les jeunes enfants.
Sur l'initiative de l'Etat, la lutte contre la
prolifération de la drogue en milieu juvénile a été
durcie quant à la répression des infractions relatives aux
stupéfiants. Ce renforcement de la répression est prévu
par la loi n° 87-12 du 24 février 1987, abrogeant et
remplaçant les articles 3, 4, 10 et le 4ème paragraphe
de l'article 6 de la loi n° 72-24 du 19 avril 1972. Les peines
prononcées peuvent aller de 2 à 10 ans d'emprisonnement sans
exclusion d'autres peines complémentaires telles la confiscation et la
destruction des substances psychotropes.
Par ailleurs, l'exploitation sexuelle des enfants est
devenue un phénomène de cliché à la mode et
présente des ramifications internationales.
Par ·enfant·, on entend
généralement une personne qui n'a pas encore atteint l'âge
de consentement à l'acte sexuel. Il est donc criminel d'obliger des
enfants à se prostituer ou à consommer un acte intime. Il y a
indéniablement un lien très étroit entre la
pédophilie ou la violence sexuelle en général et
l'utilisation à des fins commerciales d'enfants pour satisfaire ses
vices.
Le Sénégal réprime les relations
sexuelles avec des enfants. Deux aspects de la prostitution d'enfants sont, en
général, pénalement incriminés, à
savoir :
- profiter de la vulnérabilité de l'enfant quel
qu'en soit le procédé utilisé (tromperie, incitation,
supercherie, coercition...) ;
- tirer un profit économique de
l'activité sexuelle d'un enfant, de ses
offres de prestations sexuelles.
Lorsque l'âge légal du mariage est
inférieur à l'âge de consentement à mariage
(articles 109 ; 111 CF), certains évoquent le prétexte du
lien matrimonial pour justifier leur ·droit sexuel· avec leur
·partenaire·.
Dans cette optique, la loi a prévu des mesures
répressives contre les mutilations génitales féminines.
Cette circoncision féminine est une
opération douloureuse aux conséquences physiologiques et
psychologiques qui laissent des traces indélébiles sur
l'adolescente qui la subit.
Les articles 323, 324 et 325 CP combinés
prévoient les agissements relatifs au proxénétisme. Ces
articles punissent des peines de 2 à 5 ans d'emprisonnement ceux qui
auront attenté en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la
débauche ou la corruption de l'enfant. C'est le délit
d'incitation du mineur à la débauche. Il est également
octroyé aux tribunaux sénégalais la compétence
ratione loci de connaître des infractions commises à
l'étranger à l'encontre des enfants.
L'action de l'Etat se renforce également en
direction des enfants handicapés par le dynamisme des structures
spécialisées (le Centre TALIBOU DABO de Grand-Yoff, le Centre
Verbo-tonal dans le quartier de Fass / Gueule-Tapée à Dakar,
l'Institut National de Formation et d'Education des Jeunes Aveugles :
INEFJA) même si l'on constate l'absence d'une législation
orientée vers la satisfaction des besoins des handicapés,
conformément à l'article 23 CIDE du 20 novembre 1989.
Le législateur, en ·homme prudent, diligent
et avisé· se place résolument dans une perspective
protectrice des enfants réfugiés.
A cet effet, le Sénégal n'a pas
manqué de ratifier la Convention relative au Statut des
Réfugiés du 28 juillet 1991. Ce statut donne appui à la
loi n° 67-28 du 24 juillet 1967 relative au statut des
réfugiés et au décret n° 82-1582 du 30
décembre 1982 sur les conditions de fonctionnement de la Commission des
Réfugiés.
On ne saurait faire abstraction du cas des
enfants-soldats. Le Sénégal prohibe tout enrôlement d'un
enfant de moins de 18 ans dans les forces armées nationales (loi n°
70-23 du 6 juin 1970 et loi n° 82-17 du 23 juillet 1982 instituant le
Service National et le décret n° 91-1173 du 7 novembre 1991 fixant
les règles relatives au recrutement dans l'armée).
Le constat qui se profile à la lecture rapide de la
législation sénégalaise est qu'il existe une
volonté textuelle de la préservation et de l'affirmation de la
dignité de l'enfant. Toutefois, le cadre législatif et
réglementaire, a fortiori international connaît de
sérieuses zones d'ombre liées pour la plupart à la
pratique, l'exécution sur le terrain de ces textes de loi.
Ainsi, la dignité de l'enfant connaît des
obstacles non seulement dans sa promotion mais également pour sa
pérennité et son application.
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