INTRODUCTION
De nos jours, les Droits de l'Homme sont sur toutes les
lèvres et habitent tous les discours juridiques et politiques.
Les Droits de l'Homme sont devenus une des composantes
importantes des relations internationales contemporaines.
L'histoire de l'humanité est indissociable du
combat des individus et des peuples contre l'injustice, l'exploitation et le
mépris. La reconnaissance, sur le plan national puis sur le plan
international, des droits et des libertés fondamentaux de l'homme est
l'une des expressions les plus prestigieuses de ce combat.
Aux droits de l'homme, terme générique
regroupant toute l'humanité, le monde tend à consacrer les droits
de l'individu en ce qu'ils ont de spécifique qu'ils visent à
prendre en considération que les intérêts particuliers des
personnes.
Et précisément, on invoque volontiers
ces mêmes droits et libertés pour légitimer certaines
formes de revendications toujours conformes aux idéaux et aux principes
formulés par ces droits. Notre époque ne croit plus à une
politique des droits de l'homme qui aurait pour cible l'humanité
envisagée de façon abstraite et indifférenciée.
Plus exactement, elle l'estime insuffisante : l'idée d'un individu
moyen titulaire de droits a cédé le pas devant la constatation
des revendications de groupes. Chacun demande à ce que lui soit garanti
une dignité qui suppose des mesures correctives. C'est justement dans ce
cadre que l'on conçoit, de plus en plus aujourd'hui, des applications
particulières des droits de l'homme qui développent des
particularités positionnelles de droits : femmes,
handicapés, étrangers, réfugiés, détenus
politiques, etc. Ces personnes ont réclamé et continuent à
exiger des garanties, une égalité, une dignité. Ce qui
appellerait à des relectures des bases textuelles telles la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen des 24 et 26 août
1789, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10
décembre 1948, la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine
signée à Addis-Abeba en mai 1963 abrogée et
remplacée dans les années 2000 par l'actuelle Charte de l'Union
Africaine, la Déclaration Universelle des Droits des Peuples (Alger
1976), la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 28 juin 1981
(entrée en vigueur le 21 octobre 1986), la Déclaration Islamique
Universelle des Droits de l'Homme du 19 septembre 1981 (Palais UNESCO), etc.
qui toutes n'ont pas pris en compte de telles revendications.
En fait, ces particularismes se sentent marginalisés,
affaiblis et ne demandent pas moins qu'une législation spécifique
à leur profit car le propre de tout mouvement naturel, de toute
société est, par essence, d'écraser les couches les plus
faibles.
Or, précisément, l'enfant est, par
définition, un acteur fragile, vulnérable et le plus faible parmi
les faibles puisqu'il ne survivre puis se développer qu'avec l'aide et
l'assistance d'autrui.
L'enfant est l'innocence même. La femme nous l'offre
dans sa douleur pour qu'il vienne illuminer de sa gaieté notre vie. A ce
propos, Victor HUGO (1802-1885) résume de fort belle manière
notre pensée dans une originalité bien fouillée en
clamant dans un vers tiré de · Lorsque l'enfant paraît
· :
« Quand l'enfant paraît, le
cercle de famille,
Applaudit à grands cris. Son doux regard qui
brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus
souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant
paraître,
Innocent et joyeux... »
Cette représentation de la
vulnérabilité de l'enfant est une perception sous forme de
prescriptions des règles traditionnelles et / ou formelles voulues
par les adultes.
Ce faisant, l'acte de prendre l'enfant, de le guider
vers un but n'est jamais, somme toute, innocent mais intéressé.
Cet intérêt est apprécié à l'aune de la
moralité. En effet, la protection des droits de l'enfant, en
général, et de sa dignité, en particulier, doit faire
l'objet d'une politique permanente suivie par les Etats, la famille, la
doctrine, les organismes nationaux et internationaux et la justice.
L'enfant a donc une créance de laquelle sont
débiteurs les acteurs précités. Les Romains de
l'Antiquité l'ont si bien compris qu'ils n'ont pas manqué de
magnifier cette vérité « in puero
homo », dans chaque enfant réside un homme.
Pour avoir compris cette pensée, la
Société Des Nations (SDN) adopta en 1924 la Déclaration de
Genève qui posait, pour la première fois, les premiers
indicateurs relatifs à la protection de l'enfance. La communauté
internationale prend déjà conscience de l'importance accrue de
l'image, du respect et de la considération qu'il faut accorder à
l'enfant.
Cette année fut charnière et
prépondérante vers les futures luttes pour l'avancée de
l'affirmation de la personnalité de l'enfant.
Ce même souci anima les Nations-Unies ( N-U),
qui succédèrent à la SDN, à prévoir les
droits de l'enfant dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948.
Plus que la Déclaration des Droits de l'Enfant
de 1959 passée largement inaperçue, l'évènement fut
créé par l'adoption le 20 novembre 1989, au sein de
l'Assemblée Générale des N-U dans un bel élan
d'unanimité, d'un traité : la Déclaration en dix
points des droits de l'enfant dite Convention Internationale des Droits de
l'Enfant (CIDE) ou Convention de New-York. L'étape de 1979 vit
l'institution de l'Année Internationale de l'Enfant. C'est à
partir de cette étape que fut entamé le processus de
préparation, d'élaboration et d'adoption de la CIDE. L'adoption
fut ouverte à la signature et à la ratification des Etats
dès le 26 janvier 1990 et pour son entrée en vigueur le 2
septembre 1990.
Le Sénégal, avant même le délai
imparti pour l'entrée en vigueur, avait procédé à
la ratification le 31 juillet 1990. Depuis cette date, il a accru son
dispositif de protection de la dignité de l'enfant par des structures
autonomes et spécialisées rattachées à plusieurs
ministères dont le principal reste celui de la Petite Enfance qui est
rattachée dans le sillage du ministère de la Famille, de la Femme
et de la Solidarité. De plus, plusieurs directions (de la Petite
Enfance, de l'éducation surveillée, etc.), centres
spécialisés de rééducation ou de détention
(l'AEMO), une législation spécifique et la récente
politique de la case des Tout-Petits participent à cette dynamique, en
plus d'une justice spéciale dévolue à l'enfant.
La dignité de l'enfant est la thématique sur
laquelle tournera nos constructions.
Dignité et enfant, deux mots clés qui nous
accompagneront durant toute notre réflexion.
Par dignité, il faut entendre le respect que
mérite quelqu'un. C'est un principe selon lequel un être humain ne
doit jamais être traité comme un moyen mais comme une fin en soi,
l'estime que l'on doit vouer à son amour-propre et à son
honneur.
La définition de l'enfant, par contre, pose
problème. L'infans latin, c'était l'enfant en bas
âge.
A notre époque, même avant, chaque
société a sa conception de l'enfant et tente de la traduire en
règles de droit telles l'âge de la majorité civile ou celle
pénale ou encore celle de travail.
Notre droit interne sénégalais n'est
donc pas le seul à s'intéresser à l'enfant.
L'art. 276 alinéa 1er CF, depuis la
réforme apportée par la loi n° 99-82 du 3 septembre 1999,
modifiant la majorité civile (uniformisée à la
majorité pénale), prévoit que l'enfant mineur est celui
âgé de moins de 18 ans de l'un ou de l'autre sexe.
La constitution du 7 janvier 2001 en son art. 3
alinéa 3 épouse la même démarche.
Dans ce même ensemble d'idées, la
plupart des textes internationaux précités et relatifs aux droits
de l'enfant considèrent également que l'enfant est tout humain de
moins de 18 ans sauf si la loi nationale accorde la majorité plus
tôt (art.1er de la CIDE du 20 novembre 1989).
Cette lecture laisserait croire que la dignité de
l'enfant doit être comprise dans cette fourchette.
Or, selon le fameux adage « infans
conceptur pro nato habetur quotis de commedis ejur agitur »,
l'enfant est tout être humain conçu et considéré
comme né toutes les fois que cela peut lui apporter des avantages.
C'est dans ce sens qu'il faut lire l'alinéa
2ème de l'art. 1er du code de la famille du
Sénégal :
« L'enfant peut acquérir des droits au jour
de sa conception s'il naît vivant ».
Ainsi, la protection de la dignité de l'enfant
peut remonter plus loin, au jour de sa conception même.
Néanmoins pour des soucis de commodité,
nous savons que cette qualité d'être humain se prolonge au moment
de la naissance. Ainsi de la personnalité conditionnelle, il
accède à la personnalité juridique effective de laquelle
procède une rétroactivité de la jouissance de tous les
droits et de la qualité de sujet de droit et d'un statut d'enfant.
La naissance semble donc être un tournant dans la
vie, même si elle ne marque pas le début de la vie et celui de la
protection de sa dignité.
Par conséquent, notre démarche qui suivra se
limitera à l'enfant, sujet naissant de droit. Un tel choix arbitraire
nous amène déjà à élaguer des pans
intéressants d'atteinte à la dignité, à la vie de
l'enfant conçu que dont l'avortement, l'infanticide,
l'insémination artificielle, le sort des embryons non utilisés et
le clonage. Avec tout ce que ces pratiques ont de bouleversant et de
désastreux dans la dignité de l'enfance lorsqu'elles sont
utilisées à des fins détournées, immorales,
commerciales et industrielles.
Il est, certes, vrai que leurs conséquences
postérieures entrent dans notre champ d'étude car concernant
l'enfant vivant et existant, fruit de telles pratiques.
Ceci dit, la réflexion sur la dignité de
l'enfant, qui est la protection même de son existence dès le
début de sa vie jusqu'au moment où on estime qu'il a acquis une
maturité d'adulte, suscite moûltes interrogations que l'on peut
quantifier de la sorte :
Qu'est-ce la dignité de l'enfant et
pourquoi une dignité de l'enfant ?
Quel est le domaine de cette dignité, le
champ des atteintes de celle-ci et
de sa protection ?
Quelles sanctions sont apportées à
sa violation ?
Comment préserver et protéger cette
dignité de l'enfant ?
C'est autour de ces considérations que se
greffera notre problématique. En effet, l'objet de notre étude
consiste, pour l'essentiel, à évaluer le sens, la portée
juridiques de la notion de dignité de l'enfant et son rôle
protecteur. Nonobstant la nature juridique de ce thème, il faudra
également nous interroger sur sa valeur. La problématique
consiste aussi à noter que toute nation équilibrée ne peut
se réaliser qu'en accordant une activité participative à
l'enfance.
Une prospection des bases textuelles (nationales et
internationales) montre que le Sénégal est en phase dans sa
mission protectrice de la dignité de l'enfant.
Cependant, les applications pratiques de cette protection
restent à parfaire du fait de différences culturelles et
civilisationnelles. Ce décalage entre les textes et la
réalité a pour causes et facteurs endogènes et
exogènes le comportement des acteurs protecteurs face à des
manquements constatés, voire même souvent du caractère
récalcitrant de la cible protégée.
Par suite, de façon complémentaire,
des solutions et perspectives seront proposées sans pour autant dans la
routine des formules répétitives, des redondances
singulières.
Le sujet revêt un cachet toujours pratique
sous le feu de la rampe des intérêts qu'il ne manque pas de
susciter. On peut ainsi relever les difficultés posées à
l'applicabilité des textes au Sénégal. Il s'agit
d'accompagner l'enfant dans sa marche progressive vers la maturité.
Ce qui est une exception dans la mentalité
sénégalaise d'accaparement de la personnalité de l'enfant.
En outre, le sujet pose, lui-même, sa limite. En effet, un effet de
balancier, de flexibilité est opéré suivant les
intérêts du moment à sauvegarder. L'Etat vise à
réaliser l'équilibre entre la dignité de l'enfant et
l'obéissance due aux valeurs traditionnelles et formelles qui sont des
nécessités d'ordre public.
L'intérêt théorique est que
les acteurs (Etats, familles, organismes...) n'ont pas souvent la même
perception de la notion de dignité de l'enfant, encore moins de sa
protection. Cela se comprend et s'explique par les différences de
civilisations à l'échelle internationale et culturelle et
à l'échelle nationale. On craint ici de faire de l'enfant non
plus un sujet de droit mais un roi-enfant, un prince qui, croirait-on, est
insoumis au droit à l'instar de l'impétueux monarque
français le Roi-Soleil Louis XIV qui disait : « l'Etat,
c'est moi ! ».
Ainsi la notion de dignité de l'enfant ne
rencontre pas l'égale adhésion au sein de la communauté
internationale et fait l'objet d'une difficile appréhension.
Il sied, maintenant, de poser les balises sur
lesquelles va se fonder notre travail.
Parler de la dignité de l'enfant dans le
monde n'est donc pas notre objectif. Au Sénégal, c'est
déjà un large océan que soulèvent des vagues de
passions.
Au Sénégal, l'enfant se meut dans
une ambiance de plusieurs règles. Nous nous proposons de scinder notre
étude en deux parties. Nous concentrerons l'essentiel de nos efforts sur
l'examen du contenu législatif relatif à la protection de la
dignité de l'enfant qui naît dans un environnement protecteur de
sa dignité (TITRE I). Toutefois, ce n'est qu'en examinant le
degré de protection et de clarté des règles
énoncées que l'on pourra évaluer la pertinence de la prise
en considération de la dignité de l'enfant quant à ses
mécanismes de contrôle, de son degré de viabilité et
de l'appréciation de son efficacité. Le constat que l'on en
tirera est qu'il se pose un problème d'applicabilité, une
pratique limitée de la préservation de la dignité de
l'enfant (TITRE II).
L'environnement protecteur à la
dignité de l'enfant s'explique par cette dynamique du législateur
sénégalais d'introduire tout un ensemble de règles
favorables qui suivent le chemin de l'enfant depuis sa naissance, son
éclosion dans un cercle familial et des privilèges dans le statut
personnel.
En outre, l'activité sociale de l'enfant
bénéficie d'un régime aménagé, qui illustre
le renforcement adopté pour le préserver contre toutes formes
d'atteintes économiques et pénales et même celles qu'il
peut causer à autrui.
Cependant cet environnement, pour euphorique qu'il
soit, subit les contrariétés d'une pratique difficile qui sont
autant d'obstacles à la promotion de cette dignité. Cette
inefficience résulte de raisons que renforcent la
précarité des garanties internes du fait des failles dans la
volonté politique de l'Etat mais également des blocages
intrinsèquement posés par les populations elles-mêmes et
même par la cible protégée. Pareillement, les garanties
internationales ont une portée réduite du fait des
intérêts divergents en présence et de l'absence
d'instruments performants de contrainte.
Mais l'image de l'enfant n'est pas
désespérante et des perspectives d'amélioration pourraient
être prises par un renforcement des mesures existantes, une application
effective des décisions consacrées et par des voies nouvelles
allant dans le sens de la création d'un médiateur chargé
de l'enfant et un code de l'enfant.
TITRE I - UN ENVIRONNEMENT PROTECTEUR A LA DIGNITE DE
L'ENFANT
Le législateur sénégalais a
posé le socle sur lequel il a eu à asseoir toute une protection
de la dignité de l'enfant.
Celle-ci commence, dès la naissance de l'enfant,
par son identification civile comme sujet de droit (CHAPITRE I). La
société est un milieu inconnu à l'évolution et au
progrès de l'enfant.
C'est dire qu'il peut être pour l'enfant un cadre
de périls dans sa croissance vers la maturité. En vue de le
prémunir contre les risques auxquels il peut être
confronté, l'Etat a également prévu des mesures de
sauvegarde sociale pour l'enfant vu sous l'angle d'un acteur dans la
cité (CHAPITRE II).
CHAPITRE I - L'IDENTIFICATION CIVILE DE L'ENFANT
SUJET DE DROIT
L'enfant naît dans un cadre étatique dont
il épouse les contours et qui lui agrège ses
éléments de base relatifs à l'identification de tout sujet
de droit (SECTION I). La société qui lui a donné une
identité va veiller également à lui assurer un dynamisme
et un épanouissement en lui reconnaissant une sphère de
conscience (SECTION II).
SECTION I - LES ELEMENTS DE L'IDENTIFICATION
Dans l'optique de faire de l'enfant un national, l'Etat du
Sénégal a fixé un double lien de rattachement auquel est
assujetti tout nouveau citoyen (Paragraphe 1) et qui sert à consolider
son statut particulier (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Le double lien de rattachement de
l'enfant
L'Etat sénégalais exprime ce double lien de
rattachement de l'enfant en utilisant la technique de l'attribution du nom (A)
et la technique de la qualité de national à la naissance,
c'est-à-dire la nationalité (B).
A - La technique de l'attribution du
nom
Le droit au nom est réaffirmé par divers
textes internationaux. La CIDE (Convention Internationale des Droits de
l'Enfant) du 20 novembre 1989 pose cette exigence à l'art. 7
alinéa 1er :
« l'enfant est enregistré aussitôt sa
naissance et a dès celle-ci le droit à un nom
(...) ».
La Charte Africaine des Droits et du Bien-Etre de
l'Enfant opère la même recommandation à l'art. 6
alinéa 1er : « Tout enfant a droit à un
nom dès sa naissance ».
De même, le droit musulman n'est pas en reste avec
le projet du Covenant sur les Droits de l'Enfant en Islam qui affirme
également ce droit.
Au Sénégal, la constitution du 7 janvier
2001 en son article 8 ne fait aucune référence expresse au droit
au nom. Il faudrait alors se reporter au préambule pour faire une
interprétation extensive. En effet, le préambule fait un renvoi
aux conventions précitées que sont la CIDE et la Charte
ci-dessus. Renvoi à partir duquel on en tire une déduction que la
constitution, elle aussi, a posé cette exigence du droit au nom.
Toutefois, l'essentiel de cette réglementation
relative au nom se trouve dans la loi n° 72-61 du 12 juin 1972 portant
code de la famille. Ceci précisé, la notion de droit au nom est
large dans notre entendement et prend également en considération
le prénom.
Sur ce, on peut retenir que le code de la famille (CF)
distingue deux formes de règles qui gouvernent l'attribution du nom. Il
s'agit respectivement de la situation de l'enfant dans une famille (1) et de la
situation de l'enfant hors d'une attache familiale (2).
1 - La situation de l'enfant dans une
famille
Elle a trait à la situation de l'enfant
exclusivement attaché à une famille. Cette situation de famille
se présente elle-même dans trois cas :
- dans le premier cas, l'enfant est lié à
une famille légitime, celle dans laquelle existe une union maritale
entre ses parents. L'enfant doit porter - résidu du
patrilinéarité - le nom de son père. En France, cette
règle patrilinéaire, bien que non inscrite dans la loi, est
imposée par la coutume et ne souffre d'aucune exception. Au
Sénégal, au contraire, l'art. 3 CF est suffisamment
péremptoire et exige que l'enfant né d'un père et d'une
mère mariés porte le nom patronymique du père ;
- le deuxième cas est presque identique au premier cas.
En effet suivant
l'art. 6 CF l'enfant, ayant fait l'objet d'une
adoption plénière par un
couple, porte le nom du mari s'il est
adopté par deux époux. Toutefois,
une petite dérogation est offerte par la
loi à un adoptant célibataire de
l'un ou de l'autre sexe ayant 35 ans
révolus de pouvoir donner son nom
à l'enfant adopté. Par contre en
cas d'une adoption simple, l'enfant
conserve son nom patronymique d'origine, celui
de ses parents de
sang, auquel il y est ajouté celui de
l'adoptant. Néanmoins, il se peut
que, pour prévenir des risques de conflits
d'intérêts divergents dans
l'institution de l'adoption limitée, le
juge puisse décider, pour les
besoins de la notion d'intérêt
impérieux et supérieur de l'enfant, de
faire porter le seul nom de l'adoptant ;
- enfin le troisième cas est plus complexe et
pose plus de questions. Il s'agit
d'apprécier la situation de l'enfant naturel.
C'est celle de l'enfant à
l'encontre de qui il n'existe pas de mariage entre
ses parents.
Contrairement à ce qui est prévu pour
l'autorité parentale, le nom de
l'enfant naturel ne dépend pas de la
réalité d'une vie commune entre ses
parents. En pareil cas, il prend le nom de sa
mère sauf si, bien entendu, le
père consent à le reconnaître.
Sur cette seconde possibilité, l'enfant
naturel porte le nom de son père qui l'a
reconnu.
En France, le schéma prête à
équivoque. En effet en cas de reconnaissances simultanées,
c'est-à-dire les auteurs s'empressent, séparément, de
donner chacun son nom à l'enfant, la préférence est
accordée au père.
Cependant une faille est prévisible lorsque les
deux déclarants ne s'entendant plus se disputent l'enfant. La
mère pourrait, indubitativement, feindre ignorer de sa grossesse en
invoquant plusieurs liaisons. Un tel cas de figure éliminerait, à
coup sûr, le candidat à la paternité dans l'attribution du
nom. Le législateur ne peut imposer à la mère des tests
génétiques.
De plus, le principe de l'antériorité de la
reconnaissance prénatale donne l'avantage de fait à la
mère, première informée.
A notre avis, la position sénégalaise semble
moins risquée. Mais là également, le législateur en
interdisant toute recherche de paternité a trop tranché car il ne
résout pas le problème des filles-mères ou
femmes-mères célibataires abandonnées par le
supposé auteur de la grossesse. Une telle attitude aurait pour
inconvénient sur la dignité de l'enfant de ne pas connaître
le nom de son père et de constater inscrite sur son état-civil,
la mention « père inconnu ».
Une deuxième situation hors d'une attache familiale est
prévue par le législateur sénégalais.
2 - La situation de l'enfant hors d'une attache
familiale
Il arrive parfois et fréquemment qu'un enfant
nouveau-né soit abandonné. L'officier d'état civil doit
lui donner un nom qui ne doit pas porter atteinte ni à sa
considération, ni à celle d'un autre (art. 5 CF). Pour rendre
effectif ce droit au nom, le législateur a prévu à l'art.
51 CF des procédures de déclaration de naissance enfermées
dans le délai d'un mois. Au delà d'un mois et 15 jours, il est
prévu une déclaration tardive pendant un délai d'un an,
sous réserve pour le déclarant de produire une attestation de
naissance délivrée par le personnel médical ou avec
l'appui de deux témoins majeurs.
Passé le délai d'un an, la
déclaration de naissance ne peut être faite qu'après
autorisation du juge, mais le Procureur de la République peut à
tout moment faire procéder à cette déclaration qui n'a pas
été constatée, s'il en a eu connaissance.
La loi prévoit une amende de 2000 à 5000 F
CFA à l'encontre des chefs de quartier ou de village qui n'auraient pas
déclaré une naissance dans les délais d'un mois et 15
jours.
Enfin, la dignité de l'enfant pousse le
législateur à autoriser des conditions dans lesquelles le
changement d'état peut s'opérer. En France, il est possible
grâce au consentement de l'enfant de substituer le nom de son père
par celui de sa mère. Le juge appréciera l'opportunité des
intérêts en présence. Il est même possible pour des
raisons de rupture de relations avec ledit père, mauvaise foi de
celui-ci, origine étrangère du nom de procéder à un
tel changement.
Au Sénégal, cette permissivité n'est
consentie que pour des cas exceptionnels que sont certaines consonances
étrangères ou noms grossiers, ridicules, difficiles à
porter. En dehors de ces cas limités, le législateur entend
préserver la cohésion sociale.
C'est aussi de son origine familiale que va le plus
souvent dépendre la nationalité de l'enfant.
B - Le droit à la
nationalité
La nationalité fait également partie des
composantes d'identification de l'enfant reconnues par la communauté
internationale.
L'art. 7 alinéa 1er de la CIDE
précise que chaque enfant a, dès sa naissance, droit à une
nationalité. L'art. 6 alinéa 3 de la Charte Africaine des Droits
et du Bien-Etre de l'Enfant dispose que « tout enfant a le droit
d'acquérir une nationalité ».
Tout comme pour le droit au nom, la constitution
sénégalaise n'en fait état qu'à la lumière
du préambule. C'est dans le préambule qu'il est fait mention de
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Et
précisément l'art. 15 de ladite Déclaration dispose que
tout individu a droit à une nationalité et que nul ne peut
être privé de sa nationalité ni de son droit d'en
changer.
Aux termes des recommandations prises en 1949, le
Secrétaire Général des Nations-Unies invitait les Etats
membres à insérer dans leur législation deux principes
dont l'application permettrait d'éliminer l'apatridie :
1° Tout enfant doit recevoir une nationalité
à sa naissance ;
2° Aucune personne ne doit, au cours de son existence,
perdre sa nationalité
tant qu'elle n'a pas acquis une nationalité
nouvelle.
Pour en revenir à la nationalité
sénégalaise, celle-ci repose alternativement sur des
critères de liens familiaux (jus sanguinis) et de
présence sur le sol (jus soli),
si bien que l'on se trouve à l'interface des relations
de l'enfant avec sa famille et avec la société.
Les règles d'acquisition de la nationalité
sénégalaise ont été profondément
remaniées et tendent à en faciliter l'acquisition à
l'enfant. La nationalité sénégalaise résulte de la
loi n° 61-10 du 7 mars 1961 ( Jo du 15 mars 1961) portant code de la
nationalité sénégalaise.
Est sénégalais, selon l'art. 1er
alinéa 1er dudit code, tout individu né au
Sénégal d'un ascendant au premier degré qui y est
lui-même né. Cet article est à la fois une combinaison du
lien du et du lien du sol.
D'un autre côté, l'enfant, quelque soit sa
situation juridique, acquiert la nationalité. A cet effet, l'art.
5-1° et 2° affirme qu'est sénégalais l'enfant
légitime né d'un père sénégalais. Il en va
de même aussi pour l'enfant légitime né d'une mère
sénégalaise et d'un père sans nationalité ou de
nationalité inconnue.
L'art. 5-3° et 4° du code de la
nationalité fait état de l'enfant naturel qui acquiert la
nationalité lorsque celui de ses parents à l'égard duquel
la filiation a d'abord été établie est
sénégalais. Il en va encore de même pour l'enfant naturel
lorsque l'un des parents sur lequel la filiation est établie est
sénégalais et que l'autre parent est sans ou de
nationalité inconnue.
Le code de la nationalité prévoit
également d'autres dispositions dans le sens de renforcer l'obtention de
la nationalité.
En premier lieu, l'art. 8 aménage à
l'enfant, atteignant 18 ans jusqu'à 25 ans, la possibilité
d'opter pour la nationalité sénégalaise lorsqu'il est
né légitime d'une mère sénégalaise et d'un
père d'une nationalité étrangère.
Par là, on reconnaît donc clairement un
droit d'option à l'enfant. L'art. 9 alinéa 1er pose,
quant à lui, que l'enfant naturel légitime au cours de sa
minorité acquiert la nationalité si son père est
sénégalais. L'art. 9 alinéa 2 situe la position de
l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption plénière ou en cas
d'adoption conjointe. Il lui accorde la nationalité si l'adoptant (homme
ou femme) ou le père adoptant ( couple) est sénégalais.
L'art. 10, quant à lui, étend de plein
droit la nationalité sénégalaise à l'enfant
légitime mineur dont le père ou la mère veuve acquiert la
nationalité.
Cette même démarche est reconnue à
l'enfant naturel mineur dont la filiation est établie à
l'égard de ses parents ou, le cas échéant, si le parent
survivant acquiert la nationalité sénégalaise. Cependant
on peut s'étonner, à juste raison, à l'alinéa 2 de
la discrimination faite à l'enfant mineur marié au sens de l'art.
10.
En effet, l'art. 10 alinéa 2 stipule que les
dispositions du présent article ne s'appliquent pas à l'enfant
mineur marié. Cet alinéa est bien imprécis. S'il fait
état du mineur sénégalais marié, on peut
aisément comprendre cette volonté de protection du
législateur. Mais rien n'est moins sûr de constater que le mineur
peut être un étranger marié à un
sénégalais. En pareil cas, le législateur opère
là une discrimination non justifiée. Alors qu'au comble du
paradoxe, l'art. 19 autorise, sur sa demande, le mineur
sénégalais ayant une nationalité étrangère,
à perdre la nationalité sénégalaise. Cette
autorisation est accordée par décret.
On ne s'explique pas non plus de la situation de
précarité où l'on veut enfermer un enfant du fait du seul
lien avec sa mère. L'art. 21 alinéa 2 dispose en effet :
« la déchéance est prononcée par décret
et ne peut être étendue aux enfants mineurs que si elle l'est
aussi à la femme ».
Les articles 11 et 15 combinés enferment
également la demande de naturalisation dans des rigueurs qui ne sont pas
nécessaires. L'art. 11 alinéa 1er subordonne l'octroi
de la nationalité par décret ( fait de prince) et après
enquête sur la personne de l'intéressé. Or, il peut arriver
manifestement une urgence. Cette
insécurité est renforcée par l'incertitude où on
plongerait l'enfant dans une attente pendant une année. A plus forte
raison, le décret peut faire défaut et en pareil cas, la demande
est considérée tacitement comme étant rejetée (art.
11 alinéa 2). Plus grave encore, le rejet formel ou implicite de la
demande de naturalisation n'ouvre droit à aucun recours ( art. 11
alinéa 3). L'art. 15, de son côté, pose la condition
d'âge de 18 ans pour l'exercice de la demande de naturalisation,
même s'il permet d'effectuer ladite demande sans autorisation. Il est
clair que la législation sur la nationalité, sur bien des points,
mérite d'être revisitée.
Par ailleurs, la loi confère la nationalité
sénégalaise à tout enfant nouveau-né trouvé
au Sénégal et dont les parents sont inconnus ( art. 3
alinéa 1er). Si entretemps la filiation de l'enfant est
retrouvée, la nationalité sénégalaise cesse de lui
être appliquée pour se conformer à la loi nationale (art. 3
alinéa 2).
A l'analyse de ces diverses dispositions, il est possible
de déduire que le droit au nom est mieux protégé que le
droit à la nationalité du fait des résistances de la
souveraineté d'Etat. Le risque serait des situations d'apatridie non
voulues qui seraient la conséquence d'une législation tatillonne
et désuète par rapport à l'esprit de construction de
grands ensembles économiques et politiques.
Nous partageons l'avis d'un groupe d'auteurs qui ont eu
à projeter une solution de rechange : « Toutefois, une
parfaite conformité pourrait être assurée en permettant
à tout enfant né au Sénégal de pouvoir
acquérir la nationalité sénégalaise jusqu'à
sa majorité sans exiger que son ascendant soit lui-même né
au Sénégal » 1(*).
On pourrait même souhaiter que le législateur
ne se limite pas seulement à cette conception du jus soli (
« tout enfant né au Sénégal ») mais
épouse aussi les idéaux posés par l'Union Africaine :
la simple résidence et l'examen de moralité suffisent et
constatant une bonne insertion sociale, le parler des langues, l'adoption des
valeurs, etc.
A ce double lien de rattachement de l'enfant à
l'Etat sur lequel le législateur ne s'est pas seulement
arrêté, il a eu aussi à fixer un statut particulier
à l'enfant.
Paragraphe 2 - Le statut particulier retenu pour
l'enfant
Le statut de l'enfant renvoie, pour l'essentiel, au droit
à la filiation (A) et au droit successoral (B).
A - Le droit à la
filiation
La filiation, prévue aux articles 192, 194 et 211
CF, est souvent associée à l'idée du lien biologique (1).
Mais le droit ne reçoit pas exclusivement le lien du sang : la
filiation juridique peut également être artificielle avec le
système de l'adoption. Toutefois, est apparu ce que le droit
désigne sous l'expression d'assistance technique médicale
à la procréation. Cette voie permet de donner la vie à des
enfants par le recours à l'insémination artificielle ou à
la fécondation in vitro (2).
1 - La filiation biologique de l'enfant
La filiation, fondée sur le lien du sang, est celle
qui unit un enfant à son auteur biologique qu'il s'agit du père
ou de la mère. On oppose traditionnellement la filiation légitime
(a) à la filiation naturelle (b).
a °) La filiation légitime
La filiation légitime rattache juridiquement
l'enfant à ses père et mère qui sont dans les liens du
mariage. C'est en rattachant l'enfant à ses concepteurs que le code de
la famille consacre la famille biologique.
La désignation de la mère établit la
filiation de l'enfant à la date indiquée de l'accouchement
laquelle permet de déduire de sa maternité, d'où la
formule : « mater semper certa est »
(art. 190CF).
L'indication du nom du mari de la mère vaut
également établissement du lien de filiation paternelle,
c'est-à-dire qu'elle établit que l'enfant dont la naissance a
été déclarée et a fait l'objet d'un acte de
naissance a pour père cet homme. Il s'agit là de l'application de
la présomption de paternité légitime énoncée
sous forme originaire : « pater is est, quem nuptiae
demonstrant », c'est-à-dire que « le
père est celui que le mariage désigne ».
Le mariage emporte les devoirs de communauté de vie
(entretenir des relations sexuelles) et de fidélité
(réserver des rapports charnels exclusifs qu'au conjoint).
Partant, un enfant né pendant le mariage est
présumé né des oeuvres de la femme à partir de la
présomption légale relative à la durée de la
gestation. Cette présomption de paternité est consacrée
par les articles 191 et 192 du code de la famille.
Selon l'art. 191 CF, l'enfant né 180 jours
après la célébration du mariage ou 300 jours après
la dissolution du lien est présumé issu des oeuvres du mari et
conçu pendant le mariage.
La jurisprudence française a tranché la
question dans le célèbre arrêt
Degas 2(*).
Selon cet arrêt, l'enfant conçu avant le mariage mais né
dans le mariage n'est pas seulement légitimé par le mariage mais
également légitime depuis son origine, ab ovo,
c'est-à-dire que l'enfant né avant le 180e jour du
mariage est légitime et réputé l'avoir été
dès sa conception (art. 192 CF).
Aux termes de l'art. 399 alinéa 3 qui renvoie
à l'art. 1er alinéa 3 CF, « la date de la
conception d'un enfant est fixée légalement et de façon
irréfragable entre le 180e et le 300e jour
précédant sa naissance ». Cette présomption
irréfragable de la gestation est un triomphe de la protection de
l'enfant qui n'a pas à démontrer sa filiation qui a duré
plus de 300 jours ou moins de 180 jours. La preuve contraire à la
présomption irréfragable de paternité est irrecevable.
Cette présomption de faveur ( in favorem) est étendue
également à l'art. 192 CF pour le cas des enfants conçus
avant le mariage.
La conséquence de cette extension, c'est de faire
bénéficier à ces enfants la légitimité
d'origine à laquelle ils restent couverts. Ce qui donne à penser
que la légitimité de ces enfants est forte et dont l'inexistence
doit être établie pour anéantir la présomption.
Néanmoins, l'art. 192 alinéa 2 CF
prévoit deux cas d'exclusion de la présomption de
paternité. En premier lieu, la durée maximale de la grossesse est
de 300 jours et c'est dans cette durée que l'enfant peut être
couvert par la légitimité. S'il naît plus de 300 jours
après la dissolution du mariage ou en cas d'absence (art. 16 CF et s.),
il est normal et logique d'exclure son attachement à ce mariage.
En second lieu, cet alinéa exclut également
la présomption de paternité lorsque l'enfant naît plus de
300 jours à la suite d'une procédure de divorce ou de
séparation de corps. Le devoir de cohabitation étant suspendu,
l'enfant ne peut avoir été conçu par le mari de sa
mère sauf hypothèse de réunion de fait ( art. 192
alinéa 2 in fine).
Un troisième cas d'exclusion peut être
tiré de la combinaison des articles 193 alinéa 1er
in fine et 112 alinéa 2 CF. C'est l'hypothèse de la
nécessité d'observer les délais de viduité pour
éviter toute confusion de paternité au sujet d'un enfant à
compter du relâchement du lien marital. Il est donc interdit à la
femme de se remarier avant l'expiration des délais. L'accouchement
intervenu après la cessation de l'union conjugale et survenu
après cet événement ne peut être rattaché au
mariage dissout.
A côté de la présomption de
légitimité, la possession d'état prévue à
l'article 200 CF est le second mode de preuve de la filiation légitime
qui permet à l'enfant d'établir sa filiation sans recourir
à la justice. La possession d'état ne joue qu'un rôle
probatoire. Et pour ce faire, il faut produire l'acte de mariage du père
prétendu. Cette exigence de l'acte de mariage vise à limiter
l'emploi de la possession d'état qu'à la seule filiation
paternelle légitime, en l'absence duquel l'enfant ne pourrait
prétendre avoir en la possession d'état le statut d'enfant
légitime.
Il peut survenir une contestation de la paternité
dans le mariage. Les articles 203 et suivants du code de la famille
réglementent le désaveu en paternité, l'action en
contestation de légitimité. Le père présumé
peut écarter sa paternité en justifiant le défaut
d'impossibilité physique de cohabiter pendant la période de
conception de l'enfant (maladie, voyage, impuissance, accident, etc.). Il n'en
reste pas moins que l'enfant désavoué demeure l'enfant de sa
mère et sa protection est accrue par des moyens de neutralisation de
l'action en désaveu de paternité par des fins de non recevoir (
art. 192 CF). Quid maintenant de la filiation naturelle.
b°) La filiation naturelle
La filiation naturelle est légalement
établie par la reconnaissance volontaire, par la possession
d'état ou par l'effet d'un jugement. De plus, un sort particulier a
toujours été réservé aux enfants dont la naissance
se situe hors mariage de leurs parents.
En l'absence du lien conjugal entre ceux qui
conçoivent un enfant, le lien de filiation s'établit
séparément à l'égard de l'un et de l'autre. Unis
seulement de fait, chacun des deux parents aura, en parallèle, un lien
juridique avec l'enfant. C'est en ce sens que la filiation naturelle donne une
préséance à l'enfant qui n'est plus ce bâtard que
l'on cache.
La filiation naturelle ne concerne que les modes de
preuve de la paternité naturelle puisque l'action en recherche de
maternité est de moindre importance. En effet, la recherche judiciaire
de maternité qui postule que l'enfant n'a pas été reconnu
par sa mère et qu'il est dépourvu de possession d'état
à son égard, devrait concerner que celui qui a été
abandonné par elle à sa naissance.
A ce propos, la loi française du 8 janvier 1993 a
introduit une fin de non recevoir particulière à la recherche de
maternité naturelle. La femme qui accouche peut demander que le secret
de son identité soit préservé (art. 341-1 du code civil
français).
Si l'accouchement « sous X » n'est
pas une nouveauté, cette possibilité de secret étant
déjà prévue dans le code français de la famille
(art. 47), il n'emportait pas jusque-là interdiction d'exercer une
action en recherche de maternité ; tout au plus, il la rendait plus
difficile en fait. Ce droit au secret de la femme qui accouche est
désormais absolu à l'encontre de l'enfant, même si ce
dernier détient en sa possession des informations susceptibles
d'éclairer le juge sur l'identité de celle qui l'a mis au
monde ; l'accès au lien de filiation lui est fermé. Mais la
mère peut revenir sur sa décision d'anonymat à la
condition que l'enfant n'ait été, entretemps, placé en vue
d'une adoption. On bafoue, par cette règle manifestement le droit de
l'enfant à connaître ses origines. On peut même se poser la
question de savoir quelle utilité morale y a t-il pour une femme de
porter 9 mois un enfant sinon que de l'abandonner par la suite ?
D'un autre côté, cette règle viole la
conformité de plusieurs normes internationales. Au
Sénégal, on n'est pas arrivé à ce stade de
mépris manifeste du droit de l'enfant à connaître sa
mère naturelle.
Seule la recherche judiciaire de la filiation paternelle
est interdite (art. 196 CF)). Toutefois, le législateur
sénégalais, soucieux de fonder la parenté sur le lien de
sang, a consacré la filiation naturelle dans les articles 193 CF
(reconnaissance volontaire) et 211 CF (reconnaissance judiciaire) dont la
teneur suit : « lorsqu'il n'est pas présumé
issu du mari de sa mère, l'enfant peut être reconnu par son
père » (art. 193 alinéa 1er CF). L'article
211 CF stipule pour sa part : « Nonobstant l'interdiction
édictée par l'art. 196 CF, l'enfant pourra établir sa
filiation paternelle, si le prétendu père a procédé
ou fait procéder à son baptême ou lui a donné un
prénom... ». Comme on peut le remarquer, ces textes
réaffirment le droit à la filiation naturelle,
c'est-à-dire l'enfant dont la conception ne se place pas à une
période où ses parents étaient mariés (art. 219
CF).
L'article 193 CF n'intéresse que tous les enfants
naturels qu'ils soient naturels, simples ou adultères et rattache
ceux-ci, au moyen de la reconnaissance volontaire par leur père,
à celui-ci. Cette belle unanimité tranche à
l'opposé du
Droit musulman pour lequel seule la reconnaissance de la
filiation des enfants légitimes est concevable.
Ce droit ignore pudiquement les enfants naturels, reconnus
ou non, pour lesquels il estime que leur existence serait de nature à
troubler les consciences religieuses les plus affinées. Il s'ensuit que
la légitimation n'existe pas dans le droit musulman. De même, l'a
ction en recherche de paternité ou de maternité qui
établirait, de façon judiciaire, donc forcée, une
filiation quelconque, n'est pas recevable. Ainsi, l'enfant né ou
conçu avant le mariage de ses auteurs serait un
« sous-produit » de rapports socialement condamnables.
Toutefois, le droit musulman et le droit commun de la
famille se retrouvent autour de l'article 195 CF pour interdire
l'établissement de la filiation lorsque l'enfant est le fruit d'un
inceste. Le code français penche également dans cette voie (art.
334-10 c.civ.fr.). A l'égard de cet enfant, fruit de l'inceste, le
législateur impose une filiation unilinéaire. Il s'agit pour le
législateur sénégalais de ne pas transiger sur certains
principes moraux essentiels qui constituent la base de toutes les
civilisations. Il est inéluctable que l'enfant pourrait souffrir non pas
de l'incognito de son origine incestueuse mais de la publicité
malheureuse qui pourrait le suivre toute sa vie durant. Il est à noter,
tout de même, que l'art. 195 CF relativise la prohibition qui n'est ni
absolue, ni définitive dans le cas où l'empêchement
à mariage, cause de l'inceste, venait à être levé
(art. 110 alinéa 3 CF).
On peut même relever que si l'inceste émane
d'un père sur sa fille, l'imposition de la filiation unilinéaire
est une hypocrisie dans la mesure où la fille porte déjà
le nom patronymique de son père et forcément l'enfant incestueux
portera aussi le même nom. Est-il alors besoin de cacher à
l'enfant sa véritable origine et de lui faire injure de l'insertion de
la mention ·père inconnu· sur son état
civil ?
Mieux vaut la mention du père indélicat en
passant sous silence la véritable nature des liens dans l'acte ;
ceci pour préserver pour la vie en société l'enfant qui
pourrait souffrir de voir son extrait tomber entre n'importe quelle main
(carrière politique, concours administratifs, examens, avancements,
promotion professionnelle, etc.). Mieux vaut travestir la vérité
en faisant croire que pour des raisons de considération de l'enfant on a
préféré lui donné le nom de son grand-père
pour sauver les apparences. C'est une forme de justice que l'on doit à
cet enfant qui n'est pas responsable de cette situation, même si cette
vérité est opaque ou teintée. Le législateur semble
l'avoir effleuré et semble être en avance même s'il l'a
compris autrement et n'a pas, plus ou moins, le même objectif.
Quoiqu'il en soit la prohibition demeure une atteinte,
certes nécessaire et inévitable, à la filiation de
l'enfant, voire de sa dignité. En Afrique, seul le législateur
gabonais ne prohibe pas l'établissement de la filiation
adultérine et incestueuse en procédant à son assimilation
au régime juridique de la filiation naturelle simple (art. 452 et s.
c.civ. gabonais).
Enfin, le législateur sénégalais a
aménagé à l'article 194 CF la légitimation.
Cette institution confère à un enfant naturel la
condition qui est faite à ceux qui sont conçus ou nés dans
le mariage. Son but est la transformation de la situation
Juridique de ceux qui sont nés hors mariage. Le texte
vise indifféremment la légitimation par le mariage et la
légitimation post nuptias. En les consacrant dans un même
texte, le législateur semble n'opérer aucune distinction entre
les deux. La filiation juridique n'est pas seulement liée au principe de
la filiation par le sang. Le législateur sénégalais soumet
également l'enfant à une réglementation relative au
régime de la filiation artificielle.
2 - La filiation artificielle de l'enfant
Le droit désigne sous cette expression le
régime de l'adoption (a) et le système d'assistance
médicale à la procréation (b).
a°) Le régime de l'adoption
C'est le moyen pour établir un lien de filiation
juridique sans aucun rapport avec la réalité biologique. Elle
résulte nécessairement d'un jugement prononcé par
l'autorité judiciaire. Elle peut être prononcée au
bénéfice d'un célibataire ou d'un couple marié. En
droit sénégalais, il existe deux sortes d'adoption :
- l'adoption plénière
exige des conditions tenant à la rupture de tous les
liens entre l'enfant et sa famille d'origine (s'il en a :
le cas de l'enfant trouvé abandonné) et l'assimile totalement
à un enfant légitime. Aux termes de la loi, le législateur
requiert d'abord une différence d'âge suffisante des parents
adoptifs et de l'adopté.
Ainsi, l'adoption plénière peut être
demandée conjointement après 5 ans de mariage par les deux
époux non séparés de corps dont l'un au moins est
âgé de 30 ans révolus.
Si la personne est non mariée, la loi exige d'elle
qu'elle ait plus de 35 ans. Ces exigences relatives à l'âge
minimum de l'adoptant disparaissent lorsque l'adoption est faite par un
époux en ce qui concerne les enfants de son conjoint.
Ensuite, l'adoptant doit avoir 15 ans de plus que l'enfant
qu'il se propose d'adopter. Si ce dernier est l'enfant de son conjoint, la
différence d'âge est réduite à 10 ans.
En outre au jour de la requête à fins
d'adoption, l'adoptant ne doit avoir ni enfant ni descendants légitimes.
L'existence d'un enfant déjà adopté ne constitue pas un
obstacle à une autre adoption. Sur ces deux dernières
règles, il faut relever l'inconséquence du législateur
qui, d'une part, refuse toute adoption par le seul fait de l'existence d'un
enfant (naturel ou légitime) et, d'autre part, accepte une nouvelle
adoption qui demeure dans la mesure du possible à la suite d'une
précédente. L'impair du législateur est, pour le moins,
injustifié d'autant qu'il prive certains enfants sans attache familiale
d'une possibilité offerte par un couple marié (peut-être
bien assis financièrement) qui a déjà un ou des
enfants.
Par ailleurs, le consentement de la famille d'origine ou du
conseil de famille est requis. Tout aussi est exigé le consentement
personnel de l'adopté lorsqu'il est âgé de plus de 15 ans
révolus. Aux termes de l'article 227 CF, plusieurs personnes ne peuvent
à la fois adopter un même enfant si ce n'est un couple
marié. Néanmoins, le décès de l'adoptant ou des
deux adoptants autorise qu'une nouvelle adoption puisse être
prononcée.
L'adoption plénière confère à
l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine.
L'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang. Ce
principe connaît, toutefois, deux exceptions :
· la première concerne les prohibitions au mariage
qui sont
maintenus ;
· La seconde ne joue qu'en cas d'adoption de l'enfant du
conjoint. Cette adoption laisse subsister la filiation d'origine de l'enfant
à l'égard du conjoint et de sa famille. L'adopté acquiert
le nom de l'adoptant (celui du mari en cas d'adoption par des époux).
L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les
mêmes obligations qu'un enfant légitime. Enfin, l'adoption
plénière, selon l'article 243 CF, est irrévocable à
compter du jour où la décision de la juridiction
compétente est passée en force de chose jugée. Il en
résulte que, sous réserve de la tierce opposition, elle ne pourra
être remise en question.
- la deuxième et dernière forme d'adoption est
l'adoption simple ou
limitée. Elle
entraîne une adjonction d'une filiation adoptive à la filiation
d'origine, adjonction qui peut
éventuellement être remise en cause. La
filiation d'origine est maintenue : l'adopté
conserve dans cette famille
tous ses droits, notamment ses droits
héréditaires. Les empêchements à
mariage demeurent. Le lien de parenté
résultant de l'adoption s'étend aux
enfants de l'adopté. Contrairement à
l'adoption plénière, l'adoption
limitée de l'enfant peut être
révoquée. La limite tient également à ce que
ni l'adopté ni ses descendants n'acquièrent
la qualité d'héritiers
réservataires à l'égard des
ascendants de l'adoptant. Cela signifie que les
aïeux de l'adoptant peuvent déshériter
l'adopté et ses descendants. Par
ailleurs, l'adoption simple est permise sans condition
d'âge de l'adopté.
Cependant si ce dernier est âgé de plus de
15 ans, il doit consentir
personnellement à l'adoption.
Cette adoption pourra être remplacée par une
adoption plénière. Elle peut
faire l'objet d'un prononcé de révocation
qui suppose qu'il soit justifié de
motifs graves, ce qu'apprécie souverainement le
tribunal. Le jugement de
révocation doit être motivé et sera
transcrit en marge de l'acte de
naissance de l'intéressé. La demande aux
fins de révocation peut être
formée par l'adoptant ou l'adopté (si
l'adopté a plus de 15 ans) ou par le
ministère public, ses père ou mère
par le sang ou un parent d'origine (si
l'adopté a moins de 15 ans). Les effets qui
s'attachent à la révocation de
l'adoption simple se limitent à la perte du droit
d'user du nom de
l'adoptant, de la cessation du droit alimentaire, des
droits successoraux,
de l'effacement des liens avec la famille adoptive et de
l'autorité
parentale. Toutefois, cette révocation ne
rétroagit pas aux effets passés et
acquis (succession liquidée). On peut se poser la
question de l'utilité de
cette adoption face à l'aléa d'une
révocation. Pis encore, si les ayant-
droits légitimes de l'adoptant recueillent seuls
sa succession, l'intérêt de
l'adopté est nullement pris en
considération.
Apprécions maintenant la dignité de l'enfant
à l'aune de la filiation par la procréation médicalement
assistée.
b°) Le régime de la procréation
médicalement assistée
Le Sénégal connaît une pratique
timorée de cette forme de filiation aux travers de l'insémination
artificielle (dite fécondation in vivo) et de la fécondation in
vitro, à l'exclusion de la gestation pour autrui ( maternité des
mères porteuses et participation sexuelle masculine du tiers
donneur) 3(*). Par la suite,
la réflexion, la réflexion est juste ramenée à la
situation de l'enfant en France où elle existe depuis plusieurs dizaines
d'années, depuis les lois dites
« bioéthiques » (lois n° 94-653 et n°
94-654 du 29 juillet 1994). Les conditions sont fixées par le code de
santé publique (art. L. 152-1 et s.) et ses effets sont
déterminés par le code civil français (art. 311-19 et
20).
Les pratiques cliniques et biologiques procèdent de
la conception in vitro, du transfert d'embryons et de l'insémination
artificielle. Le but est de permettre la procréation en dehors du
processus naturel. Le législateur français l'autorise pour
remédier à une infertilité dont le caractère
pathologique a été médicalement diagnostiqué ou
pour éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une
particulière gravité. La loi écarte les
célibataires, les couples homosexuels, les demandes d'assistance
médicale post mortem, celles présentées par des
personnes jugées trop âgées ou impotentes
(ménopause, vieillesse), contrairement aux pays anglo-saxons comme les
Etats-Unis et l'Angleterre.
Malgré la panoplie des mesures préventives,
la procréation médicalement assistée (PMA) fait souvent le
lit de comportements égoïstes, illicites, irresponsables. Les
bouleversements s'opèrent par des travaux scientifiques (scientisme) en
violation des lois de la nature. L'exemple le plus médiatisé est
le clonage. Il consiste à prélever des cellules et tissus humains
et à reproduire la même personne comme une jumelle identique. Un
clone est une population d'individus génétiquement identiques.
L'impact du phénomène du clonage touche l'essence même de
l'humanité, de la morale et de la dignité de la personne en
général et de l'embryon en particulier. A cette fin, il ne serait
que plus étonnant de constater un jour que l'embryon soit
breveté. De plus en plus, on ne s'offusque plus de pratiques
commerciales et industrielles, de chosification de l'insémination
artificielle ou de fécondation in vitro.
On se méprend également des
conséquences d'insertion sociale des enfants qui sont les
« produits » de ces «travaux
scientifiques ». Hitler n'avait-il pas voulu créer une race
aryenne de super-allemands ? Cette idée de faire miroiter
l'immortalité pousse d'aucuns à mépriser l'innocence de
l'enfant « cloné » pour les besoins du
progrès de la recherche.
Il peut également arriver qu'un enfant né
à la suite de cette forme de procréation fasse l'objet de
contentieux pour sa garde malgré les mesures d'anonymat entre le
donneur(ou porteur) et le couple infertile ou encore qu'au bout de la
chaîne, il y ait désistement du couple ou du père-candidat
qui ne veut plus lui accorder sa filiation. En pareille situation, la loi
française prévoit d'engager judiciairement la paternité du
« père » récalcitrant ou la
responsabilité de la « mère » qui projetait
l'adoption ou encore la mère porteuse qui veut garder l'enfant.
Le Sénégal n'est pas encore
profondément ancrée dans cette situation
« scientifique » et il serait préférable
qu'il ne franchisse jamais ces travers puisque les enfants à adopter
existent. Au Sénégal donc la filiation de l'enfant est
consolidée par une législation, somme toute, acceptable que
confortent les règles qui gouvernent l'intérêt de l'enfant
et la gestion de son patrimoine.
B - L'intérêt de l'enfant et la
gestion de son patrimoine successoral
La situation de l'enfant est dominée par
l'idée des incapacités d'exercice destinées à la
protection de son gouvernement (1) et à la gestion de son patrimoine
successoral (2).
1 - L'intérêt protecteur du gouvernement
de l'enfant
Le gouvernement de l'enfant correspond à la
puissance paternelle, à son administration légale et à la
tutelle.
Tout enfant, qu'il soit placé sous un système
quelconque de gouvernement, doit évidemment être
protégé contre son immaturité : son statut
d'incapacité générale rend les engagements qu'il prend
nuls. Au Sénégal, l'enfant est donc protégé quant,
à sa personne, par les règles de la puissance paternelle qui doit
être exercée dans son intérêt (art. 283 CF). Le code
de la famille réglemente la situation de dépendance de l'enfant
(articles 276 à 339 CF).
L'incapacité du mineur emporte inaptitude à
exercer seul toute activité, c'est-à-dire qu'elle l'empêche
de prendre des décisions concernant sa personne. Il ne peut contracter
valablement des actes de la vie courante ou agir en justice ; et ses
représentants ne sont pas tenus de le consulter sur ces points. La
nullité des actes juridiques accomplis par un enfant couvert par le
régime d'incapacité est une mesure de protection
nécessaire. Dans le cadre de la famille légitime unie, la
puissance paternelle appartient aux deux époux même si c'est le
père qui normalement l'exerce (art. 277 CF). Mais la mère, nous
le savons, peut tout aussi l'exercer dans les hypothèses visées
à l'article 277 alinéas 3 et 4 CF.
En cas de divorce ou de séparation de corps, il n'y
a plus de préférence pour le père ; le juge tient,
exclusivement, compte de l'intérêt de l'enfant, de « son
plus grand avantage » dit le texte. Ainsi donc, la puissance
paternelle peut être assurée par le père ou la mère
ou une tierce personne (art.278 CF). En cas de décès, c'est
toujours l'intérêt de l'enfant qui doit guider le juge s'il
décide de confier l'enfant à une personne autre que le conjoint
survivant (art. 279 alinéas 1 et 2 CF).
Dans le cadre de la famille naturelle ou adoptive, les
principes sont semblables. L'enfant est assimilé à un enfant
légitime si sa filiation est établie à l'égard de
ses parents ; dans l'hypothèse où la filiation paternelle ne
serait établie que postérieurement à la filiation
maternelle, seul l'intérêt de l'enfant peut justifier le transfert
de la puissance paternelle de la mère au père (art. 281
alinéa 2 CF).
Quant au tuteur qui exercerait la puissance paternelle
(art.280 CF), il est censé avoir été choisi parce qu'il
est le plus capable de s'occuper de l'enfant, d'assurer la défense de
ses intérêts.
Les parents n'ont pas que des droits sur leur enfant, ils
ont également et surtout des devoirs à leur égard.
L'article 283 CF énonce avec force que l'usage des droits de puissance
paternelle n'est concevable que dans l'intérêt de l'enfant ;
de même l'article 286 alinéa 2 CF impose que les attributs de la
puissance paternelle doivent concourir à ce que les revenus des biens de
l'enfant soient exclusivement consacrés à son entretien et
à son éducation. Dans le but de veiller à bon droit
à l'exécution de la puissance paternelle, il est reconnu au juge
un droit de contrôle prévu à l'article 287 CF. Ce
contrôle oblige tout parent à déférer à
toutes les décisions prises à l'égard de l'enfant. Ce
contrôle est complété sur le plan pénal par
l'article 593 CPP qui autorise le magistrat instructeur ou le Président
de la juridiction, en cas d'infractions commises sur l'enfant ou s'il est en
danger moral ou matériel, à le confier provisoirement à un
parent ou à une personne ou à une institution qu'il
désigne.
C'est le prélude à une mesure d'assistance
éducative lorsque la sécurité, la moralité ou
l'éducation de l'enfant sont compromises. Ces mesures sont
complétées par la possibilité de prononcer la
déchéance de la puissance paternelle (art. 296 à 299 CF)
et de la déléguer soit volontairement (art. 289 à 292 CF)
soit judiciairement en cas d'abandon de l'enfant (art. 294 alinéa 4
CF).
La gestion du patrimoine économique et successoral de
l'obéit également à cette même dynamique d'assurer
un avenir digne et décent à l'enfant.
2 - La gestion du patrimoine économique et
successoral de l'enfant
L'enfant ne gère pas par lui-même son
patrimoine. Il est protégé quant à ses biens.
Frappé, en effet, d'une incapacité d'exercice de protection
générale (art. 660 CF), il a un représentant légal
que l'on appelle administrateur légal. C'est le père qui a cette
qualité ou la mère si ce dernier est décédé
ou fait défaut. Si les deux parents sont décédés ou
font défaut, il faut les remplacer et l'enfant sera mis, au plan
juridique, sous tutelle (art. 305 et s. CF).
Il revient alors au tuteur de le représenter dans
tous les actes de la vie civile (art. 328 CF). Cette tutelle intéresse
à la fois le gouvernement et l'administration des biens de l'enfant.
Cette tutelle est placée sous l'autorité du juge des tutelles qui
surveille et contrôle les activités de celui-ci (art. 301 et 307
CF).
Dans le cadre du régime des successions, le
législateur sénégalais a introduit un véritable
dualisme pour la dévolution successorale, pour l'attribution des biens
et pour la répartition des héritiers. On distingue, à ce
propos, le régime des successions de droit musulman et le régime
des successions de droit moderne (encore appelé successions de droit
commun).
Signalons au passage que le code de la famille n'a pas
consacré la conception successorale traditionnelle. De plus à
défaut d'héritier situé et identifié, la succession
est recueillie par l'Etat en vertu de son droit de préemption
régalien.
Ceci dit on peut retenir, en ce qui concerne les
règles successorales de droit commun applicables à l'enfant, que
pour recueillir une succession il faut d'abord avoir une vocation
héréditaire, c'est-à-dire être appelé par la
loi selon qu'on est enfant légitime, enfant naturel, enfant
adopté ou enfant légataire. C'est une condition essentielle et
première qui profite à l'enfant que s'il a une existence de
successible, c'est-à-dire une existence réelle de présence
au moment de l'ouverture de la succession. L'article 399 alinéa
1er CF exige, pour prétendre à la succession, une
existence certaine. La condition d'existence de l'enfant successible
soulève une difficulté en ce qui concerne l'enfant simplement
conçu. On admet à ce sujet qu'il n'est pas nécessaire
d'être déjà né. Un enfant simplement conçu
peut recueillir une succession. Le législateur sénégalais
considère à cet égard l'enfant comme ayant une existence
juridique propre dès l'instant de la conception (art. 399 alinéa
1er CF). Cependant pour que l'enfant simplement conçu
hérite, il faut qu'il naisse vivant au moment du décès
(l'enfant mort-né n'hérite pas) et il n'est pas nécessaire
qu'il naisse viable.
En plus de la condition d'existence, le législateur
exige que l'enfant ait la capacité à succéder.
Précisément, l'enfant accepté (naturel ou adopté)
et l'enfant légitime ont la capacité de succéder qui est
une capacité de jouissance, c'est-à-dire de recueillir une
succession.
Toutefois, ils sont frappés par l'incapacité
générale d'exercice et ne peuvent recueillir que par l'entremise
de leur administrateur légal.
Le principe dans les successions de droit commun, c'est
que tous les enfants légitimes succèdent à leur parent de
façon égalitaire (art. 520 à 522 CF). Les enfants naturels
ou adoptés jouissent des mêmes droits suivant l'article 533 CF qui
dispose que les enfants naturels « sont appelés à la
succession de leur père et mère dans les mêmes conditions
que les enfants naturels ». L'article 250 CF est lui applicable
à l'enfant adopté. Ainsi comme en droit français (art. 757
c.civ. fr.), l'enfant naturel ou adopté est, en principe,
assimilé à l'enfant légitime en matière
successorale. Par ailleurs, il n' y a aucun privilège de
masculinité. En effet, le droit commun ne tient aucun compte du sexe des
héritiers pour déterminer leur vocation successorale et leur part
héréditaire ; à égalité de
degré, qu'ils soient garçons ou filles, les héritiers ont
une égalité absolue de droits. Il n' y a pas non plus de
privilège de droit d'aînesse. De même, la
représentation joue autant pour l'enfant naturel ou adopté que
pour l'enfant légitime (art. 535 alinéa 2 CF).
Cependant des nuances sont apportées aux
conditions de successibilité par le droit musulman qui conçoit
mal la reconnaissance d'un enfant naturel a fortiori qu'il puisse
hériter. Le sort des enfants adultérins et incestueux est plus
péniblement scellé.
Il s'ensuit que la légitimation n'existe pas dans
ce droit, encore moins l'action en recherche de paternité ou de
maternité, l'action judiciaire. Les règles de dévolution
des successions de droit musulman exclut l'enfant naturel de la succession
paternelle et, pour cause, il ne peut pas y avoir de lien juridique entre le
père et l'enfant considéré par ce droit comme
illégitime. Un homme ne peut pas reconnaître pour sien un enfant
naturel tandis qu'il existe toujours un lien, dès l'accouchement, entre
l'enfant et la mère, que l'enfant soit légitime ou non.
En outre, le droit musulman a vocation à
privilégier les héritiers de sexe masculin qui recueillent toute
la totalité de la succession. Ils ont une égalité absolue
de droits entre héritiers mâles. Sur cette base, le droit
sénégalais des successions musulmanes a fait à
l'héritier mâle une situation prépondérante par
rapport à celle de l'héritier de sexe féminin (art. 637
CF).
L'épanouissement de l'enfant suppose que lui soit
concédé des moyens de participer personnellement à
l'orientation de sa vie. Par là, on reconnaît à l'enfant
une conscience participative.
SECTION II - LA RECONNAISSANCE D'UNE CONSCIENCE
PARTICIPATIVE A
L'ENFANT
Le législateur sénégalais exprime
clairement sa position et met à la disposition de l'enfant des moyens
lui assurant une perfection de sa dignité. En quoi faisant, il veille
à la préservation de ses droits familiaux (Paragraphe 1) et lui
garantit l'exercice de ses droits individuels (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La préservation des droits
familiaux
Cette préservation est assurée au
bénéfice de l'enfant par une sécurité de sa
personne au sein de sa famille ou dans toute structure
spécialisée où il serait placé.
Certains de ces droits ont déjà fait l'objet
de notre étude. On peut citer, à titre de rappel, notamment le
droit au nom que doit lui assurer ses parents. Ainsi, l'enfant en bas âge
est intégré dans une famille qui assure l'essentiel de ses
besoins aussi bien matériels qu'éducatifs et affectifs. L'enfant
a besoin de sa famille (famille par le sang) ou d'une famille (famille
d'accueil). Ce droit à une famille recoupe la plupart de nos questions
soulevées à propos du nom et de la filiation. Il n'est donc plus
opportun d'y revenir. Tout au plus, on peut ajouter que c'est la volonté
des parents et non celle de l'enfant qui semble être prise en compte,
c'est-à-dire d'avoir une vie familiale normale puisque l'enfant est
réputé incapable de choisir par lui-même, mais
également il vient au monde et s'intègre, en principe, à
une famille. Et plus encore même, pour son bien, il est prévu dans
le cadre de l'assistance spécialisée de maintenir chaque fois
qu'il est possible l'enfant dans un milieu familial. A cet effet, le
législateur a prévu des mesures de placement des enfants en
difficulté ou en danger soit qu'il s'agit d'enfants sans attache
familiale, soit d'enfants liés à une famille. Quelque soit la
situation familiale, l'enfant bénéficie de droits qu'il serait
intéressant de relever.
Par la force de la tradition mais aussi par la force des
choses, les droits de l'enfant dans sa famille sont asymétriques,
c'est-à-dire qu'ils ne sont possibles qu'en parfaite symphonie avec ses
obligations familiales.
L'enfant, à tout âge, doit honneur et
respect à ses parents. Il reste sous leur autorité jusqu'à
sa majorité ou son émancipation.
En contrepartie, ses père et mère le
protègent dans sa sécurité, sa santé et sa
moralité. Ils ont l'obligation de nourrir, d'entretenir et
d'élever l'enfant. L'entretien est dû même si l'enfant
manque à ses devoirs ses parents.
Pour l'enfant, la dépendance économique
s'inscrit dans l'obligation de ses parents ou administrateurs légaux ou
tuteurs d'entretenir les enfants placés sous leur responsabilité.
C'est une obligation alimentaire mais aussi tout ce qui est nécessaire
à sa survie. Si les parents sont divorcés ou
séparés, une pension alimentaire sera versée par le parent
chez qui l'enfant ne réside pas habituellement.
En fait, seuls les pères sont tenus par ces
pensions au Sénégal. Quant un père a la garde de son
enfant, il est rare que la mère que la mère lui verse une
contribution à fins d'entretien de l'enfant. Mais cela ne signifie pas
que la mère est privée de son droit de participer à
l'entretien de son enfant et la pratique sénégalaise montre que
les mères s'occupent souvent plus de leur progéniture que les
pères. Cette situation de relâchement des liens entre les parents
est reconduite en ce qui concerne le cas des enfants nés hors mariage
lorsqu'ils sont reconnus par leur père ou que ce dernier ait
procédé ou fait procéder à leur baptême.
Le code de la sécurité sociale a
renforcé le champ des droits familiaux de l'enfant par la
diversité des prestations et allocations qui lui sont
décernées et qu'il serait fastidieux de les
énumérer toutes dans le cadre de cette étude (loi n°
73-37 du 31 juillet 1973 portant code de la sécurité sociale).
Les enfants ont également droit à une
éducation et à être assistés pour les frais de leurs
études par leurs parents. A ce titre, le législateur
sénégalais affirme que l'obligation des parents ne s'arrête
pas à la majorité de l'enfant et ceux-ci doivent financer leurs
études jusqu'à la limite imposée par les textes, laquelle
limite est de 25 ans. Cette dépendance éducative comprend d'une
part les droits et les devoirs de garde, de surveillance et d'éducation.
Le droit de garde implique le droit de déterminer l'endroit où
est l'enfant, son domicile. L'enfant ne peut pas quitter de son propre chef la
maison familiale où il est domicilié. La surveillance n'implique
pas les immixtions arbitraires dans l'intimité de l'enfant.
L'éducation implique que les parents disposent de la
liberté du choix de l'orientation scolaire des établissements.
Enfin, l'enfant bénéficie du droit de ne pas
être séparé de ses parents contre son gré, et du
regroupement familial lorsque son intérêt l'exige du fait du
séjour à l'étranger d'un de ses parents.
A côté de ces droits familiaux, la
dignité de l'enfant est également mise en oeuvre par la promotion
de ses droits individuels.
Paragraphe 2 - L'exercice des droits individuels
En vue de consolider le cadre d'épanouissement de
la dignité de l'enfant, le législateur sénégalais a
consenti au bénéfice de l'enfant des libertés qui
participent à l'orientation de sa vie et qui couvrent divers
domaines.
Le catalogue des droits individuels est loin d'être
exhaustif. Il serait long et fastidieux d'examiner pour chacun son sens et sa
portée.
Notre démarche consistera plutôt à un
rapide survol de ces droits dispersés dans toute la législation
sénégalaise et traduits dans la C.I.D.E. (Convention
Internationale des Droits de l'Enfant) du 20 novembre 1989 et la Charte
Africaine des Droits et du Bien-Etre de l'Enfant du 11 juillet 1990.
Relativement aux droits politiques, la constitution
sénégalaise du 7 janvier 2001 en son article 3 alinéa 3
exclut l'enfant du champ des activités politiques. En effet, cette
disposition subordonne l'exercice de l'action politique à la condition
de majorité d'âge. Or, l'enfant est la personne âgée
de moins de 18 ans. Toutefois, le domaine des droits individuels est
envisagé sous l'angle des droits civils.
A cet égard, le droit à la vie est le
premier des droits de l'homme. Il est celui qui conditionne la jouissance de
tous les autres droits. Ce droit épouse plusieurs contours
déjà visités allant du droit de l'enfant conçu
à l'enfant né ; tous les deux protégés contre
les atteintes à leur intégrité physique (avortement et
infanticide).
Il est également vu sous l'angle d'un droit
économique et social en ce sens qu'il fait obligation à tous les
acteurs chargés de la protection de l'enfant de veiller à son
alimentation et à ses soins médicaux adéquats. Il a donc
pour corollaire immédiat le droit à la protection du corps de
l'enfant contre toutes les agressions (violences punitives et sexuelles) et les
sévices (excision, mutilation clitoridectomie, etc.).
Le droit à l'intégrité morale renvoie
aux situations vexatoires, de brimades, d'endoctrinements religieux, de menaces
traumatisantes auxquels l'enfant pourrait être victime.
De même les libertés de pensée, de
conscience et d'opinion revêtent une importance particulière et
sont proclamés à l'article 8 de la nouvelle constitution
sénégalaise de 2001.
Sur ce, le droit de la famille pose aussi les
manifestations de cette liberté d'opinion, notamment en décidant
que l'enfant doit consentir personnellement à son mariage (art. 108
CF), l'enfant doit consentir à son adoption ( art. 231 CF), l'enfant
peut, si le juge l'estime nécessaire, assister aux
délibérations du conseil de famille et y être entendu
à titre consultatif. Il n'est pas innocent de constater également
le libre accès de l'enfant à une information appropriée.
Pour ce faire, on remarque la parution de journaux exclusivement
réservés à l'enfant et, même
Ecrits en partie par des enfants, notamment dans les
établissements scolaires. La radio GUNE YI sur la bande FM favorise
également un cadre d'expression et de promotion participative de
l'enfant à la vie de la nation. Quid du parlement des enfants, de la
journée parlementaire des enfants dans le monde et de la journée
internationale de l'enfant, de la journée de l'enfant africain qui sont
autant de d'instruments pour susciter la conscience et l'intellect des enfants
( articles 10 et 11 de la constitution). Par ailleurs, l'exercice par les
parents ou les personnes habilitées de leur droit de surveillance ne
doit pas se muer en des immixtions infondées et arbitraires telles que
la violation du droit à l'intimité , etc., si cela ne nuit pas
pour autant à la probité morale de l'enfant
protégé.
Aujourd'hui, l'autonomie de l'enfant se traduit par des
sphères de libertés plus poussées où l'enfant peut
exercer des choix personnels, même au détriment des aspirations
des parents. Ces nouvelles formes de libertés sont, de plus en plus,
remarquées en France. Il en est notamment du droit d'ester en justice
enfermé dans des conditions restrictives, du droit d'être
titulaire d'un compte bancaire.
L'enfant identifié au plan civil
bénéficie d'une protection affirmée depuis sa naissance et
dans son épanouissement dans la société. Le
législateur sénégalais ne va pas se limiter à cette
protection au plan civil de la dignité de l'enfant. Il tend
également à la sauvegarde sociale de l'enfant qui n'est plus un
agent passif mais un acteur agissant dans la cité.
CHAPITRE II - LA SAUVEGARDE SOCIALE DE L'ENFANT
ACTEUR DANS LA
SOCIETE
L'enfant comme tout citoyen demeure soumis à la
loi. Selon qu'il soit sujet ou victime de faits punissables, le
législateur a prévu pour sa personne un régime de justice
spécifique (SECTION I) et soumet l'activité ou l'exploitation
économique dont il peut être l'objet à une
réglementation précise (SECTION II).
SECTION I - LA SPECIFICITE DE LA JUSTICE POUR ENFANT
Cette spécificité de la justice de l'enfant
repose sur la particularité de la situation de l'enfant en conflit avec
la loi pénale (Paragraphe 1) et de l'état d'engagement de sa
responsabilité civile (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La situation de l'enfant en conflit avec
la loi pénale
Il s'agit de la détermination de la procédure
pénale suivie (A) et de la sanction applicable à l'enfant au
pénal (B).
A - La procédure pénale
suivie
L'objectif consiste à ne pas soumettre à
l'enfant le même régime pénal applicable à l'adulte.
Il peut arriver qu'au cours de sa marche dans la société,
l'enfant commette des faiblesse et déviances coupable et qu'il faille
sévir contre sa personne pour le tort qu'il a infligé à la
société ou alors qu'il est lui-même victime d'atteintes
contre sa personne répressives au pénal.
En combinant les principes fondamentaux du respect du
caractère sacré de la personne humaine, de ses droits à la
défense à tous les degrés de la procédure, le
législateur sénégalais a aménagé des
garanties qui ne prennent en compte que la situation de l'enfant car le but
tend avant tout à le rééduquer et non pas à le
punir. Par suite, la problématique ne varie pas fondamentalement de
celle de l'adulte. Si l'enfant est pénalement responsable de ses actes,
encore faut-il fixer les règles qui gouvernent son incrimination.
La majorité pénale est fixée
à 18 ans, tout comme pour la majorité civile. Lorsqu'un enfant
commet une infraction, la jurisprudence française avait
dégagé une sous-distinction parmi les enfants de moins de 13 ans.
Ainsi, l'enfant de moins de 13 ans bénéficie d'une
présomption irréfragable d'irresponsabilité. Il ne peut
être frappé d'une condamnation pénale. Il n'est justiciable
que de mesures éducatives, même s'il comparaît devant la
juridiction des enfants. C'est un arrêt de la Chambre Criminelle de la
Cour de Cassation du 13 mars 1956 4(*) qui a bien précisé que l'enfant doit
avoir compris et voulu l'acte matériel qu'il a causé et qui lui
est reproché ; car toute infraction, même non intentionnelle,
suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté. Dès
lors, on ne peut imputer des infractions au jeune enfant dépourvu d'un
minimum de raison. Avec l'arrêt Laboube de 1956,
l'enfant de moins de 13 ans bénéficie d'une présomption
irréfragable d'irresponsabilité pénale tandis que pour
l'enfant de plus de 13 ans, la présomption est simple.
Seuls les enfants dépourvus d'un discernement sont
considérés comme pénalement responsables. Les enfants de
bas âge, qui ne comprennent pas la portée de leurs actes, ne sont
pas pénalement responsables. Il revient ainsi au juge d'apprécier
souverainement la notion d'aptitude à discerner de l'enfant. Une
appréciation qui risque, au demeurant, d'être fort logiquement
contestable au vu de la marge d'erreur qui reste dans la mesure du possible.
Pour les enfants âgés de 13 ans, ils doivent répondre de
leurs actes délictueux mais ne feront l'objet d'aucune sanction
pénale.
Notre analyse tiendra compte de l'enfant âgé
de moins de 13 ans mais doté d'un esprit de discernement et l'enfant
âgé de 13 ans jusqu'à la fin de la minorité
d'âge.
Ceci dit, l'âge de l'enfant s'apprécie au
jour de l'infraction et même, le cas échéant, d'heure en
heure.
La procédure se caractérise par une
originalité très forte. La première particularité
est la présence obligatoire d'un avocat. Désormais, l'enfant aura
droit à la présence d'un avocat à tous les stades de la
procédure : le défenseur devra être convoqué
lors des interrogatoires au cours de l'instruction. Les procédures de
comparution immédiate et de citation directe sont inapplicables aux
enfants. C'est l'impérieuse nécessité de respecter les
droits de la défense. L'article 577 CPP dispose à l'attention
du tribunal pour enfants qu'il ne doit statuer sur le sort de l'enfant
qu'après l'avoir entendu, avec ses parents ou ses représentants
légaux ou son défenseur. L'enfant de moins de 13 ans ne peut
être placé en garde à vue (art. 576 CPP) et ses parents
doivent être tenus informés des charges pesant sur lui. Par
ailleurs, des délais ont été introduits dans la
procédure. L'article 592 CF in fine fait obligation au
Procureur de la République, chargé de la poursuite (art. 572
CPP), de faire comparaître à bref délai l'enfant devant la
juridiction de jugement (art. 592 CF in fine). Il s'agit de
prémunir l'enfant contre les longues détentions et la
promiscuité avec les adultes qui pourraient être
préjudiciables à sa santé morale, voire à sa
réinsertion dans la société.
L'efficacité de l'intervention judiciaire se
jauge à l'aune d'une bonne instruction. Pour ce qui a trait au
déroulement de l'instruction, certaines règles
particulières ont été consacrées par le
législateur. Le magistrat chargé de l'instruction procède
à une enquête, à des investigations pour la manifestation
de la vérité (art. 573 CPP) et il a la charge à la fois de
constituer le dossier de personnalité et le dossier de l'acte. En
constituant le dossier de l'acte, le juge d'instruction est tenu par la
règle du respect intangible des droits de la défense.
A ce titre, la désignation de l'avocat incombe
à l'enfant ou à son représentant légal, à
défaut, le juge d'instruction désignera ou fera désigner,
par le Bâtonnier des avocats, un défenseur d'office. On admet
aujourd'hui que l'enfant dans les locaux de la police doit avoir aussitôt
un avocat, a fortiori lors de sa première comparution à
l'instruction devant le magistrat instructeur. Les parents ou les
représentants légaux sont avisés (art. 575 alinéas
1er et 2).
Pour le dossier de personnalité, le juge
d'instructeur peut ordonner diverses mesures afin de connaître, le mieux
possible, la personnalité du jeune délinquant (art. 573
alinéa 5 CPP). La clôture de l'instruction est prévue
à l'article 574 CPP. Lorsque le juge d'instruction estime que son
information est terminée, il rend une ordonnance de règlement
après avoir communiqué le dossier au Procureur de la
République et suivant les circonstances, il rend soit une ordonnance de
renvoi devant le tribunal pour enfants, soit une ordonnance de renvoi devant le
tribunal de simple police, soit une ordonnance de non-lieu.
Il revient au tribunal pour enfants, juridiction
compétente saisie de juger et sanctionner l'enfant, auteur de violations
pénales.
B - La sanction applicable à l'enfant au
pénal
La juridiction compétente dépend de la
gravité de l'infraction commise (crime, délit, contravention). La
composition du tribunal pour enfants est prévue à l'article 577
CPP. Il ne peut statuer qu'après avoir entendu toutes les personnes qui
ont gravité autour de l'enfant et même ce dernier (art. 578
alinéa 1er CPP). Il statue en chambre de conseil et peut,
dans l'intérêt de l'enfant , le dispenser de
comparaître à l'audience (art. 578 alinéa 2 CPP). La
restriction de la publicité des audiences est motivée par un
souci de protéger la moralité de l'enfant (art. 579
alinéas 4 et 5). Les contrevenants à ce caractère non
public des audiences sont passible de sanctions (art. 579 alinéa 6).
Quelque soit le résultat, la décision du
tribunal pour enfants est susceptible d'appel (art. 588 alinéa 2 CPP) et
le droit d'opposition, d'appel ou de recours en cassation peut être
exercé soit par l'enfant, soit par son représentant légal
(art. 588 alinéa 3 CPP).
Toutefois, la loi reste muette sur les notions de
contumace et de recours en révision. Malgré le silence, on peut
penser que leur application est possible dans le cas des enfants car on
comprendrait mal une protection de l'enfant moins efficace que celle du majeur
délinquant.
Ceci précisé, les sanctions ou mesures
applicables à l'enfant sont très diverses. Une option est offerte
à la juridiction de jugement puisqu'elle doit choisir entre la voie
éducative et la voie répressive.
La primauté de la voie éducative plus
pratiquée. Les mesures éducatives sont ordonnées par les
tribunaux pour enfants. Il en existe un au niveau de chaque tribunal
régional. Le juge doit faire appel à l'assistance de la
Direction Nationale de l'Education Surveillée et de la Protection
Sociale qui, elle, supervise un ensemble de structures
spécialisées dans la prise en charge éducative des jeunes
inadaptés, notamment l'AEMO (service de l'Administration Educative en
Milieu Ouvert), les centres de protection sociale, les centres d'adaptation
sociale et les centres de sauvegarde. L'objectif de protection de l'enfant
étant le but prioritaire de l'intervention judiciaire. Les mesures
peuvent concerner la garde de l'enfant, la liberté surveillée de
l'enfant et la mise sous protection judiciaire (art. 561 alinéa
1er CPP).
Les mesures ordonnées sont provisoires et peuvent
être révisées à tout moment (articles 591 et 603
CPP). Les mesures provisoires sont exécutoires nonobstant appel ou
opposition.
Quant aux mesures répressives, elles sont
exceptionnelles. La primauté étant accordée avec force aux
mesures éducatives. La juridiction opte pour la voie répressive
si la mesure éducative paraît vouée à
l'échec.
Cependant, la peine est atténuée. En effet,
le législateur a prévu des peines spécifiquement moins
lourdes que celles encourues par les majeurs. En ce sens, l'enfant
bénéficie entre autres excuses atténuantes, de l'excuse de
minorité ( art. 25 et 53 CP). En raison de cette excuse de
minorité, la peine est schématisée de la façon
suivante :
- si l'enfant encourt la peine de mort ou les travaux
forcés à perpétuité, la
peine sera de 10 à 20 ans ;
- s'il encourt les travaux forcés à temps de 10
à 20 ans, ou de 5 à 10 ans ou
la détention criminelle de 10 à 20 ans, il sera
condamné à la moitié de la peine ;
- s'il encourt la dégradation civique, il sera
condamné à 2 ans au plus. Dans tous les autres cas, il ne pourra
être condamné à plus de la moitié de la peine
applicable au majeur.
L'enfant, privé de liberté, doit purger sa
peine dans une prison spéciale (le Fort B, sis à Hann) et dans
les autres prisons du pays où il doit lui être
aménagé un quartier spécial.
En France, il a été institutionnalisé
le régime de la médiation pénale par la loi du 4 janvier
1993 réformant la procédure pénale. Ce régime
subordonne l'abandon des poursuites pénales à une action positive
du jeune délinquant, visant en particulier à indemniser la
victime. La mesure de réparation doit être acceptée
à la fois par l'enfant, par les titulaires de l'autorité
parentale et par la victime. Elle est décidée par le procureur
avant les poursuites ou par le juge chargé d'instruire le délit.
Si elle est bien exécutée, l'affaire sera classée sans
suite ou fera l'objet d'un non-lieu.
L'enfant n'est pas le plus souvent l'auteur
d'infractions. Il est pour la plupart du temps la victime d'actes
répressifs contre sa personne. Ce sont des atteintes qui sont
portées à son état. Par exemple, le fait d'une non
-représentation d'enfant est un délit qui consiste à
refuser indûment de représenter un enfant dans tous les actes
juridiques en société. Ce délit peut être à
la base de la déchéance de la puissance paternelle. Egalement le
délit de soustraction par un ascendant légitime, naturel ou
adoptif ou par un tiers consistant à soustraire l'enfant des mains de
ceux qui exercent la puissance paternelle et au domicile desquels il a sa
résidence habituelle. Le délit de provocation à l'abandon
d'enfant est une question d'actualité parce qu'il existe un
véritable ·marché· de l'adoption où la
demande est très largement supérieure à l'offre. Certains
peuvent être tentés soit par don, promesse, menace ou abus
d'autorité de pousser les parents ou l'un d'entre eux à
abandonner un enfant né ou à naître. Dans cet ordre,
peuvent entrer les délits de substitution, de simulation ou de
dissimulation en portant atteinte à son état-civil,
c'est-à-dire de faire perdre les traces de sa naissance ou de ne pas
l'enregistrer.
D'autres comportements intentionnels sont tout aussi
réprimés, notamment l'incitation à l'usage et à la
vente de stupéfiants sur mineurs, la provocation à la
mendicité, les violences, tortures, menaces, actes de barbarie,
mutilations sexuelles, viols, incitation à l'infanticide, à
l'avortement, à la prostitution, etc. Les infractions que peut subir
l'enfant revêtent un aspect disparate qu'il serait d'une
pénibilité certaine et trop fastidieuse de tout relever.
Toutefois, leurs auteurs s'exposent à des peines plus
sévères puisque la minorité de l'enfant est une
circonstance aggravante.
L'enfant n'est pas seulement soumis au régime des
règles pénales. Le législateur sénégalais
retient à son encontre un régime de responsabilité
civile.
Paragraphe 2 - L'état de la
responsabilité civile de l'enfant
Le caractère individuel de la responsabilité
emporte que, en principe, nul ne répond des dommages causés par
autrui. Mais la loi, le code des obligations civiles et commerciales (COCC) en
sa partie générale (loi n° 63-62 du 10 juillet 1963. JORS 31
août 1963. 1206 et s.) a prévu certains cas dérogatoires
énumérés par les articles 143 à 145 du COCC pour
les parents, l'article 150 pour les maîtres et artisans.
Le fondement de cette responsabilité est que
souvent les enfants ne sont pas solvables et la victime aurait peu de chances
d'obtenir une réparation réelle si personne ne répondait
de leurs actions. De plus, les responsables que la loi désigne sont
investis d'une autorité à leur égard : on admet
aisément une présomption de mauvaise surveillance. Ainsi, la
responsabilité des parents est liée à l'autorité
qu'ils détiennent sur leurs enfants mineurs et au devoir
d'éducation et de surveillance que leur impose la loi.
La responsabilité des parents reposait
traditionnellement sur une présomption de faute : le dommage
causé par l'enfant fait présumer qu'il a été mal
éduqué ou mal surveillé. A l'origine régnait une
conception subjective de la faute. Il était très difficile de la
déceler dans la personne de l'enfant dépourvu de discernement.
Face à l'improbabilité des moyens de preuve, on a alors
délaissé la notion d'imputabilité morale 5(*) au profit du caractère
illicite de l'acte commis par l'enfant.
Ainsi, le simple comportement objectivement illicite de
l'enfant permettait de demander réparation aux parents, bien que cet
acte ne puisse lui être subjectivement reproché. Plus tard dans
deux français arrêts en date du 9 mai 1984 : les arrêts
Derguini 6(*) et Fullenwarth 7(*), on ne retient plus le fait
objectivement illicite mais une simple anomalie dans la conduite de l'enfant
suffit ou encore l'unique condition de responsabilité des parents
réside dans le seul rapport de cause à effet entre l'action de
l'enfant et le dommage.
Ce revirement de la jurisprudence ne laisse plus de
place à l'interprétation. Elle substitue à la notion de
« faute présumée » l'expression de
« responsabilité présumée ». Il en est
de même lorsque l'enfant a la garde d'une chose 8(*). Un nouveau fondement,
lié à l'idée de risque et au développement de
l'assurance, est venu relayer le précédent. Suivant ce fondement,
il appartient aux parents de supporter ce risque en contractant une assurance.
Ce fondement tend à verser le régime de la responsabilité
dans le sens de l'assurance obligatoire. Pour présumer la
responsabilité des parents, quatre conditions sont nécessaires et
doivent être accomplies :
- D'abord, l'enfant doit avoir lui-même commis une
faute. La notion de faute prise en considération résulte d'un
fait matériel et il n'est pas retenu l'élément moral de
l'intention. La responsabilité de l'enfant peut, en outre, être
totale ou partielle et même partagée avec la victime, si celle-ci
a concouru à la réalisation de son dommage ;
- Ensuite, la responsabilité des parents reste
attachée à la notion de minorité d'âge. En effet,
l'autorité cesse lors donc que l'enfant atteint sa majorité ou en
cas d'émancipation ;
- En troisième lieu, le parent titulaire de la
puissance paternelle doit exercer la garde. Mais si la garde est
partagée par les deux parents, la
Responsabilité est solidaire. Si l'enfant est
confié à un tiers (grands-parents, amis ou établissements
spécialisés), celui-ci est responsable de plein droit ;
- La dernière exigence est le lien de cohabitation
avec le ou les parents qui
ont la garde. Toutefois, cette condition échappe
au titulaire de la
surveillance lors d'un séjour, par exemple, de
vacances. En pareille
hypothèse, la garde est transférée.
Il en est de même lors d'une fugue que
l'enfant soit recueilli, hébergé ou
séjourne chez l'autre parent ou un tiers.
Lorsque ces conditions sont réunies, le ou les
parents sont présumés responsables.
Traditionnellement, la présomption était
simple. Mais depuis quelques années en France, elle est devenue
irréfragable. Il devient donc difficile aux parents de pouvoir
s'exonérer en prouvant qu'il n' y a pas eu défaut
d'éducation et de surveillance.
Sur cette même mouvance, le placement d'un enfant
comme apprenti chez un artisan emportait une sorte de transfert
d'autorité : l'apprenti logeait le plus souvent chez son patron qui
parachevait l'éducation parentale par l'apprentissage professionnel.
Ces conditions ont changé puisque le contrat
d'apprentissage conclu avec des enfants reste soumis au nouveau code du travail
sénégalais (articles L 73 et L 74 de la loi n° 97-17 du
1er décembre 1997). Il y a présomption de
responsabilité si l'apprenti vit chez son patron et s'il loge à
l'extérieur, pendant les heures où il est sous sa surveillance.
Néanmoins, l'artisan peut s'exonérer en prouvant qu'il n'a commis
aucune faute de surveillance ou dans la formation professionnelle qu'il lui
dispense.
Enfin, la responsabilité des instituteurs qui
était retenue supportait la même présomption que pour les
parents et les artisans. Mais le développement du système
éducatif conduit le plus souvent l'Etat à prendre en charge cette
responsabilité, ou s'il s'agit d'une structure privée,
l'employeur est civilement responsable : quitte, pour lui, à
exercer par la suite une action récursoire contre l'instituteur
fautif.
Au Sénégal avec la réforme
intervenue le 26 mai 1977, un alinéa 3ème a
été ajouté à l'article 121 cocc. Cet alinéa
combiné à l'alinéa 1er peut être lu
comme obligeant l'enfant à réparer tout dommage qu'il aurait
commis, même si son état naturel le laisse dans
l'impossibilité d'apprécier son acte. Le législateur
sénégalais a ainsi rejoint la jurisprudence française qui
a également délaissé la notion d'imputabilité
morale au profit du comportement ou fait objectivement illicite.
Les règles du droit pénal et du droit commun
de la responsabilité civile ne sont pas, cependant, les seules normes
protectrices de la dignité de l'enfant. Le droit positif
sénégalais a précisé une réglementation
devant sévir contre l'exploitation économique de l'enfant.
SECTION II - LA REGLEMENTATION CONTRE
L'EXPLOITATION
ECONOMIQUE DE
L'ENFANT
Le besoin vital de travailler est une
nécessité sociale. L'enfant est parfois amené,
malgré lui, à devoir entrer très tôt dans la vie
active pour diverses raisons (familiales et / ou personnelles). Le
législateur a posé, à son profit, une
réglementation particulière et appropriée de règles
protectrices en matière de travail (Paragraphe 1). Ce encadrement
législatif exclut et sanctionne les autres situations d'exploitation
économique susceptibles de compromettre la survie et le
développement de l'enfant (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La particularité des
règles protectrices en matière de
travail
La Convention relative AUX Droits de l'Enfant du 20
novembre 1989 ne rejette pas le travail des enfants mais elle interdit
l'exploitation et les abus.
En effet, l'article 32 CIDE pose en son alinéa
1er que les Etats doivent l'enfant non seulement contre
l'exploitation économique mais encore lui éviter des travaux
comportant des risques. L'alinéa 2ème du même
article va plus loin et demande aux Etats de fixer un âge minimum ou des
âges minimums d'admission à l'emploi et de déterminer une
réglementation appropriée des horaires de travail et des
conditions d'emploi. L'article 15 de la Charte Africaine des Droits et du
Bien-Etre de l'Enfant pose également les mêmes exigences.
Quoiqu'il en coûte, le principe sacro-saint du
droit au travail est une des libertés garanties et reconnues à
tout citoyen, fusse-t-il un enfant, par l'article 8 de la constitution
sénégalaise du 7 janvier 2001.
Dans cette optique, l'OIT a adopté sa
première convention sur le travail des enfants en 1919, l'année
même de sa fondation. Il s'agit de la convention n° 5 sur
l'âge minimum qui interdit le travail des enfants de moins de 14 ans dans
les établissements industriels. L'instrument le plus complet sur
l'âge minimum du travail demeure la convention n° 138 de 1973 qui
fixe à 15 ans l'âge minimum de travail de l'enfant. En outre, elle
invite les Etats membres, dont le Sénégal, à s'engager
dans une politique suivie visant à assurer pour l'avenir, l'abolition
effective du travail des enfants et à élever progressivement
l'âge minimum d'admission à l'emploi. La recommandation n°
146 de l'OIT qui complète la convention n° 138 propose le cadre
d'action et les mesures essentielles, à mettre en oeuvre pour
prévenir et éliminer le travail des enfants.
Cette recommandation appelle les Etats membres à
s'efforcer de porter l'âge minimum à 16 ans pour tous les secteurs
d'activité. L'ancien code du travail sénégalais en son
article 139 fixait l'âge minimum à 14 ans. L'actuel code du
travail s'est conformé à la convention n° 138 du 26 juin
1973 du BIT en fixant l'âge minimum à 15 ans (art. L 145 de la loi
n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant nouveau code du
travail du Sénégal). On remarque une volonté progressive
d'élever l'âge minimum d'admission à l'emploi qui n'en est
qu'à une phase ascendante. La convention du BIT précitée
prescrit même de fixer l'âge minimum pour tout travail
présentant un degré de dangerosité ou de toxicité
pour l'enfant. Le Sénégal va même plus loin et interdit de
soumettre l'enfant à de tes travaux (art. L 145 alinéa 2).
Pour de tels travaux, il revient au ministre du Travail de
déterminer l'âge limite auquel s'applique l'interdiction. La
convention n° 138 exige également la consultation préalable
des organisations d'employeurs ou de travailleurs pour tout emploi d'enfant. A
ce titre en 1930, la convention n° 29 de l'OIT préconisait
déjà l'interdiction des pires formes d'exploitation et vise
à supprimer le recours forcé ou obligatoire.
Par ailleurs, il est formellement interdit d'affecter un
enfant à des travaux non proportionnés à ses forces (art.
L 146 alinéa 2) et l'inspecteur du travail peut requérir un
examen médical en vue de vérifier si le travail exigé
à l'enfant n'excède pas ses forces (art. L 146 alinéa
1er).
En outre, il n'est pas permis d'occuper des enfants
à des travaux de nuit (art. L 140 alinéa 1er) et
l'employeur est tenu d'appliquer les mesures d'hygiène et de
sécurité surtout lorsqu'il utilise des enfants (art. L 149). De
même, l'enfant a droit à un minimum de 11 heures
consécutives de repos (art. L 141) entre deux journées,
conformément à la convention n° 90 de l'OIT. Ce repos est
obligatoire (art. L 147).
L'employeur ne peut, à dessein, confiner l'enfant
dans un cercle sans fin d'apprentissage (articles L 73 et L 74) ou de formation
professionnelle sans perspective d'une promotion de carrière (articles L
75 et L 76) comme il est fréquent dans les entreprises non
structurées du secteur informel (mécanique, menuiserie,
transport...).
La violation par l'employeur de la réglementation
spéciale du travail des enfants est sanctionnée principalement
par le décret n° 62-17 du 22 janvier 1962.
Pour autant le législateur ne s'est pas
limité qu'aux seules règles du travail des enfants. Il a aussi
mis l'accent sur d'autres situations d'exploitation économique en
aménageant des mesures drastiques en vue de renforcer la protection de
la dignité de l'enfant.
Paragraphe 2 - La protection contre les autres
situations d'exploitation
économique
Cette protection concerne les formes d'industrie de
l'exploitation économique par des structures du secteur informel et
apparemment illicites.
La main-d'oeuvre servile enfantine se manifeste soit en milieu
rural, soit résulte de la conjoncture économique et produit ses
ramifications dans les sphères urbaines.
La traite des agissements odieux prend les traits des
enfants dans les travaux champêtres (champs familiaux ou maraboutiques),
des enfants domestiques, des petits vendeurs, cireurs et apprentis de toutes
sortes (restauration, transport, mécanique, menuiserie...).
L'image des jeunes talibés, en quête
effrénée d'aumônes, mal habillés et à la
propreté douteuse, révèle une tragédie poignante.
Ils ne connaissent que les rudiments de la tradition et les textes du Coran et
sont privés d'une scolarisation. Ces enfants sont victimes d'abus
d'autorité par la cupidité d'enseignants coraniques qui les
réduisent à l'état de mendicité, lequel au reste,
est un délit réprimé par l'article 245 CP et le
décret n° 64-088 du 6 février 1964 relatif à la
mendicité sous toutes ses formes.
Le plus souvent c'est pour échapper à cet
engrenage maraboutique que le phénomène des enfants de la rue
s'est accentué et a pris des proportions démesurées avec
pour conséquences perceptibles une recrudescence de la prostitution
enfantine, le lit facile du tourisme sexuel, la vente et la traite d'enfants
(adoptions à l'étranger, plantations dans les haciendas de
certains pays d'Afrique de l'Ouest,...), la pornographie sous toutes ses
formes, l'usage de la drogue, la production et le trafic des stupéfiants
parmi les jeunes enfants.
Sur l'initiative de l'Etat, la lutte contre la
prolifération de la drogue en milieu juvénile a été
durcie quant à la répression des infractions relatives aux
stupéfiants. Ce renforcement de la répression est prévu
par la loi n° 87-12 du 24 février 1987, abrogeant et
remplaçant les articles 3, 4, 10 et le 4ème paragraphe
de l'article 6 de la loi n° 72-24 du 19 avril 1972. Les peines
prononcées peuvent aller de 2 à 10 ans d'emprisonnement sans
exclusion d'autres peines complémentaires telles la confiscation et la
destruction des substances psychotropes.
Par ailleurs, l'exploitation sexuelle des enfants est
devenue un phénomène de cliché à la mode et
présente des ramifications internationales.
Par ·enfant·, on entend
généralement une personne qui n'a pas encore atteint l'âge
de consentement à l'acte sexuel. Il est donc criminel d'obliger des
enfants à se prostituer ou à consommer un acte intime. Il y a
indéniablement un lien très étroit entre la
pédophilie ou la violence sexuelle en général et
l'utilisation à des fins commerciales d'enfants pour satisfaire ses
vices.
Le Sénégal réprime les relations
sexuelles avec des enfants. Deux aspects de la prostitution d'enfants sont, en
général, pénalement incriminés, à
savoir :
- profiter de la vulnérabilité de l'enfant quel
qu'en soit le procédé utilisé (tromperie, incitation,
supercherie, coercition...) ;
- tirer un profit économique de
l'activité sexuelle d'un enfant, de ses
offres de prestations sexuelles.
Lorsque l'âge légal du mariage est
inférieur à l'âge de consentement à mariage
(articles 109 ; 111 CF), certains évoquent le prétexte du
lien matrimonial pour justifier leur ·droit sexuel· avec leur
·partenaire·.
Dans cette optique, la loi a prévu des mesures
répressives contre les mutilations génitales féminines.
Cette circoncision féminine est une
opération douloureuse aux conséquences physiologiques et
psychologiques qui laissent des traces indélébiles sur
l'adolescente qui la subit.
Les articles 323, 324 et 325 CP combinés
prévoient les agissements relatifs au proxénétisme. Ces
articles punissent des peines de 2 à 5 ans d'emprisonnement ceux qui
auront attenté en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la
débauche ou la corruption de l'enfant. C'est le délit
d'incitation du mineur à la débauche. Il est également
octroyé aux tribunaux sénégalais la compétence
ratione loci de connaître des infractions commises à
l'étranger à l'encontre des enfants.
L'action de l'Etat se renforce également en
direction des enfants handicapés par le dynamisme des structures
spécialisées (le Centre TALIBOU DABO de Grand-Yoff, le Centre
Verbo-tonal dans le quartier de Fass / Gueule-Tapée à Dakar,
l'Institut National de Formation et d'Education des Jeunes Aveugles :
INEFJA) même si l'on constate l'absence d'une législation
orientée vers la satisfaction des besoins des handicapés,
conformément à l'article 23 CIDE du 20 novembre 1989.
Le législateur, en ·homme prudent, diligent
et avisé· se place résolument dans une perspective
protectrice des enfants réfugiés.
A cet effet, le Sénégal n'a pas
manqué de ratifier la Convention relative au Statut des
Réfugiés du 28 juillet 1991. Ce statut donne appui à la
loi n° 67-28 du 24 juillet 1967 relative au statut des
réfugiés et au décret n° 82-1582 du 30
décembre 1982 sur les conditions de fonctionnement de la Commission des
Réfugiés.
On ne saurait faire abstraction du cas des
enfants-soldats. Le Sénégal prohibe tout enrôlement d'un
enfant de moins de 18 ans dans les forces armées nationales (loi n°
70-23 du 6 juin 1970 et loi n° 82-17 du 23 juillet 1982 instituant le
Service National et le décret n° 91-1173 du 7 novembre 1991 fixant
les règles relatives au recrutement dans l'armée).
Le constat qui se profile à la lecture rapide de la
législation sénégalaise est qu'il existe une
volonté textuelle de la préservation et de l'affirmation de la
dignité de l'enfant. Toutefois, le cadre législatif et
réglementaire, a fortiori international connaît de
sérieuses zones d'ombre liées pour la plupart à la
pratique, l'exécution sur le terrain de ces textes de loi.
Ainsi, la dignité de l'enfant connaît des
obstacles non seulement dans sa promotion mais également pour sa
pérennité et son application.
TITRE II - LES OBSTACLES A LA PROMOTION DE LA DIGNITE
DE
L'ENFANT
Les obstacles à la pérennité de la
dignité de l'enfant restent liés à des raisons dues
à la précarité même de la protection (CHAPITRE I).
Toutefois, l'espoir n'est pas éteint et des perspectives sont toujours
trouvées ou recommandées en vue du maintien et de
l'amélioration de la dignité de l'enfant (CHAPITRE II).
CHAPITRE I - LES RAISONS LIEES A LA PRECARITE DE LA
PROTECTION
Elles tiennent exclusivement à l'insuffisance des
garanties internes (SECTION I) et à la portée réduite des
garanties internationales (SECTION II).
SECTION I - L'INSUFFISANCE DES GARANTIES INTERNES
La société étatique peut être
hiérarchisée en deux structures concernant les gouvernants et les
gouvernés. Pour dire que les failles observées découlent
du système politique, c'est-à-dire de la volonté
politique, elle-même (Paragraphe 1) mais aussi inévitablement de
l'action parallèle de la population qui réagit par un
réflexe de blocage à certains actes initiés par l'Etat
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Les failles dans la volonté
politique
Les pouvoirs publics ont une réaction limitée
dans leur action d'élévation de la dignité de l'enfant
(A). Ce qui a pour conséquence dans leur démarche, un retard dans
l'uniformisation de la législation nationale aux normes internationales
(B).
A - Une action limitée des pouvoirs
publics
L'évolution de la situation de l'enfant au
Sénégal peut être considérée, à
certains égards, comme un indicateur de la politique mise en oeuvre par
les autorités politiques.
La situation de l'enfant est difficile en raison de
l'acuité des problèmes d'environnement. Il en découle des
enjeux de lobbies. En effet sur la base d'une économie en perfusion,
l'Etat s'oblige à asseoir un cadre attrayant de captation des
investissements.
Or, précisément cette politique de
défense des intérêts du capital amène l'Etat, non
pas à réviser sa législation relative à l'enfance
travailleuse mais à s'enfermer dans une politique de libération
(flexibilité de l'emploi) et donc une déprotection des droits
acquis de haute lutte. Le travail des enfants est une réalité au
Sénégal. Pour la plupart du temps, il prend l'allure d'un
apprentissage pour les enfants apprentis du secteur informel (tailleurs, aides
dans les gargotes, menuisiers, mécaniciens, agriculteurs, vendeurs
à la sauvette, travailleurs domestiques et la
·professionnalisation· de la mendicité des
talibés).
Or, nous l'avons déjà vu, la formation
professionnelle et l'apprentissage sont régis par les articles L 73 et L
76 du nouveau code du travail sénégalais. Une
réglementation que bafouent les employeurs de maison ou des
micro-entreprises à taille réduite du secteur informel. Pour leur
défense à l'accusation d'exploitation de la main-d'oeuvre fragile
enfantine, ils avancent que le principe veut que celui qui postule à
être formé consente également à prendre en charge
les frais de sa formation.
Or, tel n'est pas le cas pour les enfants apprenants
à qui ils assurent la gratuité de la formation pour diverses
raisons. Par conséquent, la rémunération faible et modeste
est amplement justifiée par une sorte de système de compensation.
Plus encore, ils invoquent les moyens réduits de l'Etat qui ne peut
satisfaire à toutes les demandes en formation. Il semble que cet
argument ne soit pas aussi faux d'autant que l'Etat manifeste peu
d'empressement à mettre un terme à cette situation. La
réaction de l'Etat irait même dans le sens de compromettre la
politique d'attrait des investissements étrangers qui cherchent à
s'implanter pour maximiser ses profits dans les pays où la main-d'oeuvre
servile est corvéable, déprotégée et faiblement
syndiquée.
En outre d'autres causes liées à la
faiblesse de la réaction de l'Etat recoupent les
phénomènes sociaux de paupérisation, de déperdition
scolaire, la non scolarisation, la démission des parents et les
résistances de certaines mentalités qui considèrent que
·l'obligation· de l'enfant est d'obéir et d'assurer la
relève pour le bien-être commun de la famille, comme
lui-même a eu à en bénéficier. Ainsi, les raisons
qui mènent les enfants sur les chemins du labeur sont multiples. La
crise économique et son corollaire la pauvreté font leur lit et
déclenchent les formes les plus extrêmes et perverses de
désoeuvrement pour les enfants sans revenus ou laissés à
eux-mêmes. C'est le début de la prostitution enfantine qui se
modernise avec l'outil informatique et le téléphone portable.
Cette prostitution déguisée et clandestine prend des proportions
inquiétantes d'autant que la population juvénile reste la couche
la plus touchée par le VIH-SIDA au Sénégal.
A côté, on assiste, fréquemment
à des mariages forcés dont certains cachent mal leur
caractère de pédophilie (surtout en zones rurales et
religieuses), d'autres pour étouffer les cas de grossesses
indésirables ou pour taire des actes d'inceste. Le nombre
inquiétant de filles-mères abandonnées ou poussées
à l'avortement clandestin ou acculées à l'infanticide est
en nette recrudescence. Leur arrestation et incarcération les conduisent
à la découverte de l'univers carcéral. Très souvent
à leur élargissement, elles peinent à se trouver un
travail et c'est le cycle du proxénétisme et de la
prostitution.
Pour ce qui relève de l'enfance
délinquante, le législateur démontre son
inconséquence dans la logique d'assurer une protection judiciaire
à l'enfant.
En effet, il est inconcevable que l'enfant puisse
être placé dans les liens de la prévention, de la garde
à vue provisoire dans une maison d'arrêt en cas de crime
présumé et à la suite d'une audition du juge
d'instruction. Or, il ne fait plus de doute que la personne de l'enfant est, et
demeure, considérée comme pénalement irresponsable
conformément à l'article 40-3 de la CIDE. Malheureusement dans
la pratique, durant l'instruction et les poursuites, les contacts avec les
structures chargées de faire respecter la loi sont
émaillées de privations, menaces, bastonnades, brimades,
vexations et tortures.
Par ailleurs contrairement au but de la réforme
initiée par la loi n° 77-64 du 26 mai 1977 9(*) qui ajoute un
3ème alinéa à l'article 121 COCC, le
législateur a engagé, systématiquement, la
responsabilité civile de l'enfant. Or, la volonté première
était l'indemnisation de la victime de l'enfant et la mise en oeuvre des
articles 130 et 139 COCC. Mais pour le législateur
sénégalais, l'art de mal légiférer et de rester
statique dans l'erreur a été consacré en règle de
vertu et en principe. Une conséquence imprévisible en
résulte. L'enfant, pour qui on prétendait vouloir faire
bénéficier un régime de protection plus favorable, voit en
définitive sa responsabilité civile beaucoup plus facilement
engagée que celle du majeur. En effet de l'adulte on exige la commission
d'un acte moral et d'un acte matériel qui consomment la faute et
réalise le dommage. A l'égard de l'enfant, il n'est retenu, pour
l'avenir, que la faute objective tirée de l'accomplissement d'un fait
matériel illicite.
Et si ses parents sont insolvables, il risque de se
retrouver criblé de dettes à sa majorité pour un acte dont
il n'aura, certainement, plus aucun souvenir.
Le personnel spécialisé dans l'enfance ne
bénéficie pas souvent d'une formation pointue et d'une assistance
lui permettant de faire face dans tous les milieux où l'enfant est
menacé. A cela s'ajoutent des sources de démotivation
légitimes du personnel judiciaire, des structures d'éducation ou
de rééducation surveillée du fait que l'Etat rechigne
à octroyer les moyens subséquents pour une bonne prise en charge
pérenne de la dignité de l'enfant, même si l'article 607
CPP pose la mise sur pied d'une brigade spéciale de protection des
enfants en danger avec pour mission préventive supplémentaire, le
dépistage de tous les endroits réputés dangereux pour
l'enfant.
Les failles dans l'action des pouvoirs publics sont
complétées par le retard dans l'uniformisation de la
législation nationale avec les normes internationales.
B - Un retard dans l'uniformisation des
textes
Le Sénégal a ratifié la plupart des
textes internationaux sur les droits de l'enfant. Si l'acte, en lui-même,
est louable pour l'effort diligenté par rapport à certains pays,
il n'en reste pas moins qu'il est insuffisamment lacunaire.
En effet, des distorsions et inadaptations existent entre les
conventions internationales et la législation nationale relative
à l'enfant.
On peut relever qu'en matière de filiation, tous
les enfants ne jouissent pas des mêmes droits. On trouve une parfaite
illustration dans le mode d'établissement de la filiation naturelle
paternelle qui doit nécessairement se faire par une reconnaissance du
père. L'article 196 CF interdit la recherche de paternité
naturelle, laquelle n'est admise, suivant l'article 211 CF, que si le
présumé père a procédé ou fait
procéder au baptême de l'enfant ou lui a donné un
prénom. Ce qui équivaut à une reconnaissance implicite du
père naturel de sa paternité. Mais l'enfant qui n'est pas reconnu
est privé de tous les droits attachés à la filiation
paternelle naturelle et son acte d'état-civil portera la mention
·père inconnu·. C'est le sort identique qui est
réservé à l'enfant issu d'un inceste, dont interdiction
expresse est faite à son père de le reconnaître.
L'illogisme du législateur est à son
comble car, paradoxalement, il concède à l'enfant le droit de
disposer d'une action alimentaire : l'action en indication de
paternité lui permet juste d'obtenir de celui qui sera indiqué
comme son père mais ne lui permet nullement d'établir la
filiation paternelle (art. 215 CF).
Par conséquent, il est grand temps que la
législation familiale du Sénégal se conforme aux articles
7 et 8 de la CIDE en établissant judiciairement la paternité
naturelle à la suite d'une recherche de paternité.
Dans ce même registre en France, l'enfant
né de la technique de la procréation médicalement
assistée est contraint à subir une fausse paternité ou une
fausse maternité(don d'ovules) car il lui est imposé l'anonymat
de son véritable auteur. Ainsi l'enfant, dans l'ignorance de son
véritable auteur, est privé du droit prévu à
l'article 7 de la CIDE. Sa dignité s'en ressent dans sa vie psychique et
psycho-émotionnelle.
On ne peut comprendre pourquoi le législateur
fait repose sur les enfants l'irresponsabilité des adultes en leur
refusant une même égalité dans les droits qui leur sont
reconnus. C'est à ce propos qu'il faut lire le régime
discriminatoire des successions.
En matière successorale, un traitement de
privilège de masculinité est réservé à
l'enfant légitime de sexe masculin au détriment de la fille et de
l'enfant naturel (article 637 CF). Cette disposition est en déphasage
avec le principe même d'égalité de tous les citoyens
posé dans la constitution sénégalaise, a fortiori elle
viole les textes internationaux signés et ratifiés par le
Sénégal.
D'un autre côté, l'enfant naturel subit
cette même ségrégation discriminatoire vis-à-vis de
l'enfant légitime. Il convient de rappeler que ses droits successoraux
sont, en théorie, égaux avec ceux de l'enfant légitime
(art. 533 CF). Mais cette proclamation est réduite à sa plus
simple expression par l'article 534 CF qui exige, en premier lieu, que la
vocation héréditaire de l'enfant naturel est subordonnée
à l'établissement de la preuve de sa filiation.
En second lieu, il faut que la filiation maternelle naturelle
fasse l'objet d'une indication du nom de la mère sur l'acte de naissance
( art. 190 CF). Le droit français ne connaît pas cette exigence
d'indication du nom de la mère sur l'acte de naissance. Cette seconde
exigence explique la raison pour laquelle l'article 533 alinéa
1er parle de « filiation maternelle juridiquement
établie ».
En troisième lieu, le montant et la
quotité des droits successoraux dépendent de l'acquiescement de
la ou des épouses de l'auteur de la reconnaissance de l'enfant naturel
(art. 534 CF). Si l'épouse de l'auteur consent, l'enfant naturel aura
les mêmes droits que l'enfant légitime. Comment demander à
une épouse trompée ou non d'accorder à l'enfant
extra-conjugal de son mari les mêmes droits successoraux que son propre
enfant né dans le mariage ?
Le législateur semble attiser et affectionner
particulièrement les rivalités féminines. A défaut
d'acquiescement, l'enfant naturel ne recueille que la moitié de la part
successorale d'un enfant légitime, le surplus étant dévolu
aux héritiers légitimes. Il est prévisible que le non
acquiescement du conjoint de l'auteur de la reconnaissance accroît la
part successorale de ses enfants légitimes. Par suite, le principe de
l'égalité successorale est une belle preuve d'hypocrisie du
législateur sénégalais, discrimination qui heurte
l'article 2 de la CIDE. On sanctionne l'enfant naturel pour le seul fait de son
existence hors des normes du mariage.
Cette attitude du législateur est une remarque
que lui a admonesté le droit musulman avec lequel il s'est complu dans
de larges compromissions, au détriment de la dignité de l'enfant.
Le législateur a consacré une inégalité flagrante
entre les enfants sur la base du droit musulman. Or, la référence
à la religion est interdite par la constitution (art. 4 alinéa
1er) et le principe laïc des lois de la République. Et
de surcroît, l'enfant naturel ne peut succéder comme
héritier à son père ; il n'est qu'un légataire
(art. 220 alinéa 2 CF). Le légataire est le
bénéficiaire d'un legs. Le legs est une transmission de tout ou
partie des biens du testateur ; et la condition pour que l'enfant naturel
soit déclaré légataire, il faut une reconnaissance par
écrit de son père. Même la reconnaissance implicite de
l'article 211 CF ne change pas son statut d'enfant naturel. Ses droits en tant
que légataire sont limités : il ne peut pas exercer l'action
à fin d'égalité ou l'action à fin de
réduction qui lui permettraient de recouvrer la part successorale que la
loi lui attribue. Il ne pourra pas non plus demander le maintien dans
l'indivision (art. 462 CF), ni l'attribution préférentielle des
biens (art. 476 CF). L'article 521 alinéa 1er CF lui refuse
la possibilité de représenter ses père ou mère et
l'article 533 CF interdit à l'enfant naturel d'hériter de ses
frères et soeurs légitimes, pas plus des autres parents. Cette
discrimination a fait dire à Madame le Professeur Amsatou Sow SIDIBE
que : « Il en est ainsi de la situation de l'enfant naturel qui
n'a pas à choisir à naître et ne saurait être
condamné à subir les tares d'une situation qu'il n'a pas
créée. Il est inadmissible que l'homme qui a conçu
l'enfant hors mariage ne supporte pas les conséquences de son
acte » 1(*)0.
Elle est confortée par les Professeurs Ndiaw DIOUF et Isaac Yankhoba
NDIAYE qui n'ont pas manqué de servir un piquant persiflage au
législateur sénégalais en affirmant :
« L'article 534 consacre une responsabilité bien
singulière : celle de l'enfant du fait de son
père » 1(*)1.
Au pénal, il est proclamé que l'enfant
âgé de 13 ans ne peut, en aucune façon, être
condamné à une peine par le tribunal pour enfants (art. 583 CPP).
Mais on sait que la peine de l'enfant est la moitié de celle
prévue pour les adultes (articles 52 et 53 CP), ce qui est en porte
à faux avec l'esprit de l'article 40 in fine de la CIDE. Cette
disposition stipule que l'Etat doit établir un âge minimum
à partir duquel les enfants sont présumés n'avoir pas la
capacité d'enfreindre la loi pénale et étant entendu qu'il
serait souhaitable de ne pas recourir à la procédure judiciaire
à leur égard.
La même situation prévaut aussi dans le cas
des enfants handicapés. Il n'existe, en réalité, aucune
législation d'ensemble consacrée aux enfants handicapés.
Les autorités publiques ne semblent pas avoir une politique globale en
la matière mais plutôt une action de pis aller qui trahit
manifestement l'esprit et la lettre de l'article 23 de la CIDE.
Il y a également lieu de souligner que si le
législateur a prévu une réhabilitation judiciaire de
l'enfant, celle-ci n'intervient que d'office ou à la requête du
ministère public après l'expiration d'un délai de 5 ans
à compter de la décision frappant l'enfant, même si
entretemps, ce dernier atteint la majorité.
De ce point de vue, il serait de bonne justice de
réviser les textes et d'offrir à l'enfant ou à ses
représentants légaux la possibilité d'introduire l'action
en réhabilitation et de ne plus la décerner à
l'appréciation souveraine du seul ministère public.
Tout aussi est contestable l'exclusion de l'enfant du
champ politique en violation de la loi constitutionnelle (art. 3 alinéa
3) alors qu'on lui reconnaît, parallèlement, le libre arbitre de
consentir à certains actes, notamment de délivrer son opinion
dès l'âge de 15 ans sur tout projet d'adoption émis sur sa
personne (art. 231 CF) et pour son mariage par l'effet d'émancipation
(art. 108 CF). Et même, il peut être entendu par le juge ou le
conseil de famille à titre consultatif dans une affaire le concernant.
Dans le même temps, on l'utilise pour des parades
médiatisées dans des manifestations politiques, notamment la
journée du parlement des enfants. On ne comprend pas dès lors la
déclaration d'inaptitude à participer à l'action politique
qui le frappe, même si l'interdiction de l'exercice de
responsabilités politiques est compréhensible. Il n'en demeure
pas pour autant que c'est une violation des articles 12 et 13 de la CIDE.
Ces quelques éléments, loin d'être
exhaustifs, nous permettent d'apprécier le degré
d'incohérence du législateur sénégalais dans sa
politique en faveur de l'enfance.
En partie cette incohérence recoupe et s'explique
par les pesanteurs sociologiques qui sont autant de blocages
intrinsèques à la population, elle-même.
Paragraphe 2 - Les blocages intrinsèques
à la population
Les blocages recoupent les résistances de la
tradition aux idéaux de dignité de l'enfant (A) et souvent sont
liés à l'attitude récalcitrante de la cible
protégée qu'est l'enfant (B).
A - Les résistances de la
tradition
Les approches culturelles sont d'une réelle
importance pour la compréhension de la mentalité de chaque
société, de tout peuple et de toute civilisation.
Le droit de la famille est, par excellence, le terreau voire
le socle sur lequel se cimentent les moeurs, us, coutumes et pratiques
socioculturelles. C'est donc dire qu'il épouse les empreintes de son
environnement qui l'a fait naître.
Ce droit va donc opérer une sorte de
syncrétisme en alliant les règles du droit commun moderne et les
orientations familiales, voire religieuses des valeurs
sénégalaises.
Le problème principal de tous les codificateurs
africains est d'opérer une alchimie équilibrée entre les
règles traditionnelles et un droit moderne. Ce métissage que
l'on pensait solide est un colosse aux pieds d'argile.
En effet, le code de la famille a toujours soulevé les
passions et, aujourd'hui encore, il suscite l'ire adrénalique de
certains religieux qui exigent sa refonte pure et simple et l'application
intégrale du droit musulman.
Face aux difficultés de développement de
l'économie sénégalaise, ces contestataires estiment que la
cause du niveau extrêmement bas de la perte des repères et valeurs
a pour sonorité l'actuel code de la famille qui bafouerait toute la
dignité de l'homo senegalensis, a fortiori la
dignité de l'enfant.
Une telle attitude excessive de nihilisme (il faut le
reconnaître !) a, toutefois, le mérite de poser un
débat que d'aucuns occultaient ou craignaient, de conscientiser les
esprits et d'appeler à forger la réflexion sur le
périlleux devoir de sensibilisation que doivent peiner les masses
intellectuelles en vue de faire tomber les derniers remparts de l'ostracisme et
de l'obscurantisme pour le dynamisme et le progrès social de
l'enfant.
Ces habitudes anachroniques et mal adaptées
à la politique de développement de l'enfant prennent pour
configuration un aspect, notamment, d'inégalité à
l'établissement de la filiation et de la dévolution des
successions musulmanes qui en sont les modèles du genre de cette
résistance au triomphe de la citoyenneté égalitaire entre
tous les enfants.
Il semble bien là que ce sont les deux
difficultés majeures à lesquelles se trouve confronté le
législateur sénégalais. Monsieur Mouhamadou Moctar MBACKE
1(*)2 ne nie pas cette
notion d'inégalité latente en droit musulman opposé au
régime moderne lorsqu'il avance : « Nous disions donc que
la filiation, telle que la conçoit le droit musulman, est le droit
commun des musulmans sénégalais. On peut dire que ce droit ne
reconnaît que les enfants légitimes ; il ignore pudiquement
les enfants naturels, reconnus ou pas, auxquels il réserve un sort de
nature à troubler in petto les consciences religieuses les plus
affirmées. Cet enfant, victime d'une sanction diffuse, est touché
dans le plus profond de sa vie sociale, voire religieuse (...) ».
Il affirme également : »Le
même sort est réservé à l'enfant incestueux ou
adultérin. Quant à l'adoption, elle n'est suivie d'aucun effet
juridique, elle est réduite à un phénomène purement
affectif. Il s'ensuit que la légitimation n'existe pas dans le droit
musulman ».
En matière de mariage, l'émancipation de
la fille à 16 ans par le législateur est une concession
accordée aux règles traditionnelles qui, le plus souvent,
n'exigeaient aucun âge pour le mariage de la femme et même,
celle-ci était mariée au berceau ou avant la naissance (art. 111
CF). Ces mariages forcés sonnent comme des abus à la recherche
effrénée de source de revenus. Et quelle jeune fille peut
s'opposer publiquement à ses parents dont elle est dépendante
à moins qu'elle y consente elle-même par propre penchant et
cupidité ?
L'enfant, cible protégée, adopte
très souvent une attitude récalcitrante qui rende difficilement
possible la protection de sa dignité.
B - Les attitudes récalcitrantes de la
cible protégée
Il a toujours été dit que l'enfant a besoin
de soutien et d'assistance pour qu'il puisse s'épanouir et se
réaliser.
Toutefois, on remarque de plus en plus une
désaffection de beaucoup d'enfants à l'encontre des structures
chargées de les guider dans leur marche dans la
société.
Beaucoup parmi eux n'adhèrent plus au
mécanisme classique de la scolarisation. Ils préfèrent
quitter, de leur propre gré, les bancs. Certains d'entre eux se lancent
dans le secteur informel de production par mimétisme, pour la
satisfaction de leurs besoins ou plus encore pour aider leur famille en
difficulté.
Pour d'autres, l'avenir ne brille que dans le
désoeuvrement ou la mauvaise pente et ils s'abandonnent à toutes
les joies factices du monde mal famé (tourisme sexuel,
pédophilie, drogue, larcins, violence ,prostitution, etc.).
Certains de ces enfants en difficulté,
marqués par des expériences indélébiles, sont
réfractaires à tout discours et ne souhaitent plus faire
confiance à un adulte.
La multiplicité des enfants sénégalais en
rupture de ban résulte de l'absence d'une visibilité pour leur
avenir, de la persistance des travers de la pauvreté, de l'urbanisation
stressante avec son phénomène de l'égoïsme
cultivé, de l'absence de repères et surtout l'effritement des
valeurs sociales dont les piliers que constituent les adultes sont les premiers
à donner le mauvais exemple.
Même si la politique d'assistance des enfants en
difficulté est une constante de l'Etat, des échecs sont souvent
notés dans les tentatives de récupération sociale. Le
sentiment du « mal aimer » regroupe des enfants de la rue
en bandes de malfrats et la recrudescence des agressions, viols et crimes est
le fait, la plupart du temps, d'enfants que l'on considère comme des
repris de justice.
A côté d'eux, l'effet du mimétisme des
stéréotypes à l'occidental a un impact psycho-social et
psycho-affectif sur les enfants des villes citadines qui ne voient en
l'hexagone que la référence la plus achevée du
développement de soi. Par suite, ils manifestent une oreille
indifférente à toutes les formes de communication ou de
sensibilisation consacrées aux programmes de jeunesse et à la
politique de l'enfance.
Ce désintéressement s'est renforcé
dans la région mythique de la Casamance où la longue guerre a
fini de réduire beaucoup d'enfants dans un lot de souffrances et de
désolations qui attisent la haine, la rancoeur et la méfiance
lorsque des parents ou des amis sont morts, mutilés par les mines
antipersonnelles. Ce conflit larvé s'est accentué avec le
naufrage du bateau « LE JOOLA » dans la nuit du 26 au 27
septembre 2001 et qui a fini d'installer durablement le mental de l'enfant dans
la déconsidération de l'action de l'Etat et des organismes
spécialisés qui, eux, en profitent pour se donner à coeur
découvert comme des marchands d'illusions face à la politique
d'indemnisation décidée par l'Etat. Les enfants orphelins de ce
drame maritime sont souvent placés dans des familles de la verte
région pour la plupart pauvres et démunies et qui ont du mal
à joindre les deux bouts. Ces enfants ne sont plus scolarisés,
malgré les déclarations intempestives des autorités
publiques de les faire des pupilles de la nation. L'avenir demeure sombre et
sans issue pour eux.
Devant l'insuffisance des garanties internes, on a cru
voir et espérer, au plan international, les moyens seraient plus
efficaces à pérenniser et défendre l'idéal de la
dignité de l'enfant. Mais là aussi, le désenchantement
à démontrer que la portée de ces garanties en est
également très réduite.
SECTION II - LA PORTEE REDUITE DES GARANTIES
INTERNATIONALES
La communauté internationale est un monde
où convergent plusieurs civilisations, cultures et perceptions de la
notion de la dignité de l'enfant.
Des divergences de compréhension et du contenu des
intérêts en présence peuvent être une source
d'affaiblissement des garanties internationales (Paragraphe 1) et l'absence de
moyens de coercition à l'échelle internationale est très
significative à ce propos (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La divergence des intérêts
en présence
La société internationale est un assemblage
disparate d'Etats qui se disent égaux dans un même exclusive, dans
une même approche de la notion de souveraineté dont ils tirent
leur liberté. En principe, ils ne peuvent donc se contraindre
mutuellement au respect et au développement des droits.
Envisager les rapports entre l'enfant et l'Etat sous
l'angle de la protection due par ce dernier est un choix qui laisse dans
l'ombre les hypothèses où l'Etat n'assure pas vraiment sa
protection.
Si le Sénégal a pu ratifier sans
état d'âme la Convention Internationale relative aux Droits de
l'Enfant (CIDE), les Etats-Unis ont refusé de le faire pour ne pas
devoir à subir l'obligation d'abolir la peine de mort qui est
également applicable aux enfants (art. 37 CIDE). Tandis que d'autres
considèrent comme injustifiée l'interdiction d'engager dans
l'armée des enfants de moins de 15 ans (art. 38 CIDE).
La liberté d'opinion est proclamée par
l'article 14 de la convention de l'ONU mais quant à la liberté de
relations de l'enfant, rien de précis n'est énoncé dans
ladite convention, qui envisage seulement les droits de réunion et
d'association lesquels concernent plutôt l'Etat que les familles.
La CIDE indique que l'enfant ne doit pas être
séparé de ses contre leur gré et peut entretenir des
relations avec celui de ses parents qui se trouverait dans un autre pays. Cette
exigence est très régulièrement battue en brèche
par les décisions de justice qui confient la responsabilité ou la
garde des enfants à des institutions spécialisées
d'assistance et d'entraide à l'enfant ; et parfois même
contre le voeu de l'enfant.
La Convention de la Haye du 22 octobre 1980, qui a
été ratifiée par une trentaine d'Etats dont le
Sénégal, tend à assurer le retour immédiat de
l'enfant dans le pays de sa « résidence habituelle »
s'il est retenu ailleurs en violation d'un droit de garde attribué par
les règles du pays de résidence. Le respect de cette convention a
du mal à être assuré, en général, entre
juridictions de pays différents.
D'un autre côté, l'Islam marque sa
différence par rapport à une « morale »
calquée sur une essence chrétienne des pays occidentaux à
laquelle, sur bien des points, il n'adhère pas. En effet, les
conventions internationales relatives à l'enfant connaissent, pour la
plupart, une ligne rédactionnelle occidentale. Ce qui n'empêche
pas des pays musulmans, devenus membres des institutions relatives à la
protection de l'enfant d'adhérer officiellement à des textes
auxquels ils ne croient pas et qu'ils violent sans retenue. Cette même
attitude est très perceptible dans bon d'Etats d'Amérique du Sud
fortement christianisés.
Le caractère de cette unité de façade
remet gravement en cause le consensus interculturel sur lequel se fondent les
instruments juridiques internationaux et revêt un aspect
délibérément restrictif quant à l'exercice de
certains droits et libertés fondamentaux, au point que certaines
dispositions essentielles sont en deçà des règles de droit
en vigueur dans nombre de pays où la
« légitimité » des pratiques de
châtiments corporels est le principe.
Il serait angélique de croire ou de faire croire
que la vision unie mondiale de la dignité de l'enfant,
énoncée dans les textes internationaux et à laquelle
presque tous les gouvernements du monde ont officiellement donné leur
aval, constitue l'apothéose qui cimente « la
société humaine ». Ce qui est souvent dit dans un
milieu est différent de ce qui est dit, au même moment par les
mêmes personnes dans un autre lieu et, pire encore, dans leurs pratiques.
On peut parler d'hypocrisie lorsque la pureté des intentions
énoncées vise à masquer des actes qui sont tout bonnement
contraires aux droits que les Etats, y compris le Sénégal, se
sont engagés à faire respecter.
La protection internationale de la dignité de
l'enfant achoppe sur deux obstacles majeurs :
- l'absence de conviction profonde d'Etats que certains au
moins de ces droits constituent des valeurs suprêmes de l'enfance.
L'humanité s'essoufflant, des ouvriers de la 25ème
heure sans scrupule font de la condition de l'enfant un fonds de commerce, une
sorte d'industrie à l'escroquerie (le mot n'est pas
fort !) ;
- le dogme de la « souveraineté »
des Etats, souvent vidé de la signification réelle pour bien de
pays, permet d'opposer une barrière à la protection
internationale des enfants par ceux l'invoquent comme prétextent pour ne
pas agir. C'est à juste raison qu'on peut s'étonner de la
promptitude de l'Etat du Sénégal a ratifié toutes les
conventions, et son inertie à honorer sa signature par la non
application des recommandations transcrites dans lesdites normes
internationales et l'absence du toilettage de sa législation, sur bien
des points choquants et que nous avons eu à relever le long de notre
étude. Ce sentiment d'impunité des Etats à violer des
décisions internationales s'explique aussi par l'absence de moyens de
contrainte au niveau international.
Paragraphe 2 - L'absence de moyens de contrainte
Aucun mécanisme juridictionnel comportant plainte,
instruction et jugement, puis exécution de la sentence, n'existe sur le
plan international en vue de renforcer les mécanismes protecteurs
à la pérennité de la dignité de l'enfant.
Par suite, tout ce que nous allons évoquer
maintenant s'apparente à des appels à l'opinion internationale,
comme témoin et qui, s'exprime à travers un certain nombre
d'organes internationaux dont certains espèrent qu'ils réussiront
à atténuer ou à mettre fin aux violations des droits de
l'enfant.
Le contrôle de base est fondé sur les
procédures conventionnelles qui fonctionnent dans le cadre des
traités et qui sont de deux sortes :
- d'une part, il existe un système
général de contrôle du respect par les Etats des
engagements qu'ils ont pris en tant que parties aux traités
protégeant les droits des enfants. Pour ce faire, le
Sénégal doit présenter régulièrement des
rapports concernant la mise en oeuvre des conventions. Les rapports font
l'objet d'examens par l'instance de contrôle mise en place par la CIDE
(art. 45), le comité des droits de l'enfant à l'ONU, le
comité sur les droits et le bien-être de l'enfant africain (art.
32) et de la convention africaine). Les comités concluent, chaque
année, leurs examens par des recommandations qui visent à mieux
garantir les droits de l'enfant ;
- d'autre part, les instances de contrôle sont
habilitées à recevoir des plaintes ( d'organismes comme les
sections ·enfant· de la RADDHO ou de l'ONDH).
Chaque année, les comités ne passent en
revue que la situation des enfants de quelques pays, souvent triés au
sort. Toutefois, les procédures conventionnelles ont une portée
très restreinte : ni les mesures d'alerte rapide et de
procédure d'urgence, ni les recommandations n'impliquent qu'il y ait
lieu à réparation des dommages subis par les enfants. En effet,
les procédures conventionnelles de protection de l'enfant ne
s'apparentent absolument pas à des sentences de tribunaux dont il y
aurait moyen d'assurer l'exécution par le Sénégal. Leur
impact est faible. Tout aussi peut-on s'étonner que les textes
internationaux s'empressent de fixer la majorité civile mais renvoient,
en ce qui concerne l'âge du travail, à la loi des Etats pour la
majorité sociale au travail.
Or, manifestement, la plupart des Etats, surtout ceux en
voie de développement, sont dépendants des groupes
économiques qui peuvent les conduire à édicter des
âges minimums qui ne tiennent pas compte de la dignité de
l'enfant.
La première des procédures
extra-conventionnelles est appelée la « procédure
1503 » qui reçoit les plaintes individuelles qui ne peuvent
pas être examinées par les comités spécifiques. Les
plaintes sont transmises au Comité pour les Droits de l'Homme à
l'Etat du Sénégal pour observations. Les plaintes et les
réponses sont, ensuite, examinées par un groupe de travail de la
sous-commission des Droits de l'Homme de l'ONU qui concluent, à la
majorité, sur les cas qui semblent révéler l'existence
d'un ensemble de violations flagrantes des droits de l'enfant, en
particulier.
Enfin, la commission des Droits de l'Homme décide
en sessions privées soit de se dessaisir du cas d'un Etat, soit de
suivre la situation, soit même de la passer en
« procédure publique ». Cette dernière
constitue la « sanction » internationale la plus grave.
A toutes ces étapes, le pays indexé
s'efforce de fournir des explications ou prend des mesures visant à
améliorer la situation de l'enfance incriminée.
La deuxième procédure
extra-conventionnelle relève des procédures publiques. Lorsque la
commission des Droits de l'Homme a placé un Etat sous une
procédure publique de suivi, c'est que la situation de violation est non
seulement alarmante mais a fait l'objet pendant des années d'un examen
confidentiel, selon la procédure 1503, et donc qu'il est de bon droit et
de bonne justice de ne plus taire en privé les violations dudit Etat.
Tout le jeu diplomatique consiste à essayer de mettre en oeuvre le
mécanismes permettant d'aboutir à des condamnations des
gouvernements qui mettent à mal les droits de l'enfant.
Enfin, la dernière procédure
extra-conventionnelle tient aux procédures spéciales
thématiques. Elles fonctionnent à travers des « groupes
de travail » ou des « rapporteurs
spéciaux » institués par la Commission des Droits de
l'Homme.
Leur mandat consiste à recueillir des
réponses à des questionnaires adressés aux gouvernements
à la suite d'accusations portées par des organisations non
gouvernementales ou à la suite d'enquêtes effectuées dans
le pays incriminé (Rapport Annuel d'Amnesty International) dans son
volet sur l'enfant qui est le « livre noir » des atteintes
à la dignité humaine, rapport également de la RADDHO,
etc.)
En tout état de cause, l'ensemble de ces
procédures conventionnelles et extra-conventionnelles sont sans
incidence particulière sur l'Etat fauteur de violations des droits de
l'enfant et qui, juste, fait l'objet de critiques et dénonciations
formelles, voire officielles. D'autant plus que l'Etat fautif peut jouer sur
des pressions fortes pour éviter les mises en accusation. C'est le cas
notamment des Etats puissants qui, fort de leurs appuis dans le concert des
nations, parviennent à bloquer l'examen de leur cas par des manoeuvres
de procédure et mettent en échec tous les projets de
résolution qui finissent par ne pas être votés.
Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir si
le projet de Cour Pénale Internationale permanente,
préparé de 1981 à 1996 par la Commission de Droit
International de l'ONU et qui a finalement vu le jour avec l'installation
à la Haye le 11 mars 2003 des 18 juges du siège, prendrait en
compte également les revendications spécifiques dont celles des
enfants ?
Tout semble laisser croire que la Cour Pénale
Internationale reste confinée qu'aux crimes contre la paix, la
sécurité et les génocides contre l'Humanité. Une
extension de son champ de compétence, serait, à notre avis, une
initiative salutaire dans le renforcement de la protection de la dignité
de l'enfant.
La protection de la personne de l'enfant au plan
international accuse le coup de ses insuffisances du fait des Etats qui
limitent son domaine de compétence ou qui refusent de ratifier certaines
conventions pour ne pas se les voir appliquées. Les Etats demeurent
incontournables. Il en résulte à l'évidence un paradoxe
qui n'est que l'expression de la problématique de l'exercice des
droits.
On constate que l'humanité s'efforce, en
explorant des voies diverses, d'établir un système international
de protection de l'enfant. Mais il apparaît que les Etats dont le
Sénégal répugnent à donner une réelle et
constante efficacité au système international. De plus, ils
refusent aux divers procédés d'investigation, dont on ne peut
taire la lenteur, la lourdeur bureaucratique, le coût , la
complexité technique, l'ésotérisme, la possibilité
d'être coercitifs, au mieux ces procédés n'aboutissent
qu'en de simples formules de recommandations auxquelles l'Etat en cause est
libre de rester sourd. La précarité des garanties nuit
évidemment à leur existence et n'est pas faite pour encourager le
citoyen à vouloir les connaître et à s'en servir. Il y est
d'autant moins porté que les difficultés et obstacles de saisine
achèvent de compromettre leur crédibilité.
Le Droit de l'Enfant découvre, de plus en plus,
ses inspirations dans la double détente que constitue l'existence d'une
réglementation nationale et internationale qui prend en compte toute la
dignité de l'enfant. Mais comme toute oeuvre humaine, ce droit
connaît des imperfections dans son application.
Que faire alors pour porter remède à des
situations de nature à porter gravement un tort à l'avenir des
enfants ?
C'est le moment d'explorer les voies nouvelles,
c'est-à-dire les perspectives qui s'offrent pour l'amélioration
des droits de l'enfant en vue de lui restituer toute sa dignité.
CHAPITRE II - LES PERSPECTIVES POUR L'AMELIORATION DE
LA DIGNITE DE
L'ENFANT
L'amélioration de la dignité de l'enfant
vise le renforcement qualitatif des mesures existantes par des actions de
proximité plus permanentes (SECTION I).
Dans cette même lancée, une
société n'est pas statistique mais dynamique dans son
évolution. Il en va de même de la condition de l'enfant qui subira
également une adaptation au contexte. On peut ainsi concevoir
l'ouverture de nouvelles possibilités d'orientation des garanties
à la dignité de l'enfant (SECTION II).
SECTION I - LE RENFORCEMENT DES MESURES EXISTANTES
L'implication des populations dans le processus de
défense de la dignité de l'enfant appelle à une
reconsidération de la politique de sensibilisation qui se doit
d'être à une portée plus pratique (Paragraphe 1). De
même, un caractère effectif doit être reconnu aux actes
souscrits dans les instances nationales et internationales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Une sensibilisation plus pratique des
populations
L'objectif visé est l'adhésion des
populations aux droits de l'enfant, de mettre au point une stratégie
permettant d'utiliser de façon novatrice les données
déjà connues sur la situation de la dignité de
l'enfant.
Au Sénégal, le pourcentage des
ménages ayant entendu parler des droits de l'enfant est encore minime,
malgré une progression notable.
Les droits les plus connus ont trait à la famille, au
nom, à la nationalité, à l'éducation, aux loisirs,
à la santé et à la protection. Les droits qui sont les
moins familiers aux ménages concernent les droits à
l'égalité, la liberté d'expression et l'information. Les
structures citées comme les plus connues, des populations et
considérées comme les vulgarisateurs potentiels des droits de
l'enfant sont principalement l'UNICEF, le ministère de la Famille et de
la Solidarité Nationale et Enda-Tiers monde. C'est pourquoi la plupart
des programmes des autres organismes méritent un meilleur sort. Pour ce
faire, l'Etat a le devoir impérieux d'octroyer un accès plus
facile à tous les programmes et organisations qui oeuvrent pour la cause
des enfants en leur permettant de recourir, plus aisément, aux
instruments de dialogue, d'éducation, d'information et de
sensibilisation de l'opinion à travers les médias.
L'Etat doit, également, avoir une politique
d'information en permanence de ses démembrements, notamment les
parlementaires pour qu'ils prennent des textes plus conformes à la
réalité sur le terrain de la condition de l'enfant, le monde
judiciaire et la police. A ce titre, il y a urgence dans la formation du
personnel de police qui intervient au niveau des enfants en situation
difficile.
D'autant que la police est la première courroie
de liaison entre la justice et l'enfant délinquant. Pris sous l'angle
pénal, la police se débrouille à l'aveuglette et, c'est au
moment de la garde à vue que les textes sont le moins respectés.
Le comportement ultérieur d'un jeune délinquant dépend de
ses premiers contacts avec la police. Avec la création en 1995 de la
Brigade Spéciale des Mineurs (BSM), il y a lieu d'accroître ses
capacités et la mise en place d'autres structures similaires dans tous
les chefs-lieux de région et la création de réseaux pour
une plus grande circulation de l'information.
Dans ce même élan, il faudrait constituer
un manuel accessible dans toutes les langues nationales et d'autres outils
didactiques de sensibilisation pour faciliter l'adhésion des
populations. C'est dans ce sens que l'essentiel des segments de la
société sénégalais se sont investis à divers
niveaux. Les enfants, eux, s'investissent à travers le Forum du
Mouvement des Pionniers sur les Droits de l'Enfant, le Forum National des
Enfants organisé en collaboration avec le ministère de la Famille
et de la Solidarité Nationale. Ce dernier forum a permis aux
représentants du Parlement des Enfants et aux autres mouvements des
enfants d'apprécier le degré d'engagement des pouvoirs publics.
Dans cette démarche l'Etat, qui a adhéré au Protocole
facultatif sur les enfants-soldats, a, à cet égard en direction
des enfants déplacés par la guerre, institué un programme
de volontaires pour la reconstruction de la Casamance meurtrie. Dans ce cadre,
un programme humanitaire a été confectionné et vise
à la réhabilitation des classes, l'hygiène et
l'assainissement, l'adduction d'eau, la prise en charge psychosociale, la
sensibilisation sur les mines antipersonnelles. Cette sensibilisation prend
aussi la forme de manifestations de proximité, d'alphabétisation,
de vulgarisation sur la santé reproductive des adolescentes, de faire
connaître la nouvelle loi sur les mutilations génitales
féminines (loi n° 99-05 du 29 janvier 1999, article 299-bis), des
apports des émissions radiotélévisées sur l'enfant,
notamment avec la radio GUNE YI sur la bande FM , entre autres.
Il est donc constant que les voies et moyens sont
diversifiés pour améliorer la condition de l'enfant et lui
assurer un plein accès à la dignité. C'est dans cette
perspective qu'il faut appeler l'Etat à l'application effective des
actes qu'il a eu à souscrire tant au niveau national
qu'international.
Paragraphe 2 - Une application effective des actes
souscrits
Le Sénégal a ratifié plusieurs textes
relatifs à l'enfant et a même eu à voter des lois en ce
sens, mais leur application pose problème.
Conformément aux dispositions de l'article 44 de la
CIDE, le Sénégal a présenté, en juin 1994, son
rapport initial au Comité des Droits de l'Enfant. Ce rapport, qui
portait sur la récapitulation des mesures d'application
concrètes, a été examiné en novembre de la
même année par le Comité des Nations-Unies qui a eu
à formuler des observations.
Le comité déplore que les orientations de la
CIDE soient, en partie, faussées. En ce sens, le Sénégal
est appelé à accorder une action plus positive à certains
poins préoccupants :
- l'existence de pesanteurs culturelles qui contribuent
négativement à la réalisation des droits de l'enfant
(filiation, successions...) ;
- le peu d'attention portée à la formation des
corps d'enseignants, de magistrats, des travailleurs sociaux ;
- l'insuffisance des mesures prises pour la mise en place d'un
système d'information et de monitoring approprié ;
- la non conformité de plusieurs textes nationaux aux
normes internationales ;
- l'absence d'une obligation légale d'aller à
l'école ;
- le nombre important d'enfants travailleurs qui ne
décroît pas.
Dans cette même lancée, les problèmes
émergents et ceux dont l'ampleur et la manifestation sont connues tels
que les mutilations féminines et la mendicité des enfants
nécessitent de véritables changements de comportement.
Il faut mettre un terme à la mendicité des
talibés qui est un mode éculé de travail forcé et
d'esclavage qui sont inadmissibles du fait de la pénibilité de
l'acte sur l'enfant qui peut être la victime de toutes sortes de dangers.
En vue de se conformer à ses engagements, le Sénégal devra
mettre en oeuvre des programmes et stratégies visant à
éliminer les pires formes de travail et d'exploitation des enfants,
d'harmoniser davantage sa législation, mettre en place un comité
de suivi de la prise en charge des enfants en situation de
vulnérabilité (talibés, enfants abandonnés ou en
fuite : les « faakhmans » 1(*)3 et
« boudioumanes » 1(*)4, ou encore en conflit avec la loi) et mettre en
application le Plan National de Lutte contre les Mutilations
Génitales.
Le recentrage des interventions autour d'objectifs
prioritaires doit être conduit avec une approche holistique et
intégrée dans l'élaboration des stratégies. L'Etat
se doit donc de prendre en compte les disparités et d'en favoriser les
réductions en allouant équitablement les ressources
financières et le personnel spécialisé, de renforcer les
infrastructures et les capacités des communautés de base dans les
zones où les enfants sont les plus vulnérables, de mettre en
place des systèmes d'indication et de mobilisation sociale dans les
zones défavorisées.
Le Sénégal devra également
développer des plans d'action et d'appui aux initiatives communautaires
pour la prise en charge des enfants handicapés, en particulier les
sourds-muets et les déficients mentaux. En même temps, ces
catégories devraient être prises en charge par des systèmes
alternatifs dans le circuit formel, à travers l'éducation
spécialisée, l'emploi. Le gouvernement devra, pour satisfaire la
demande croissante des enfants, s'engager à prendre des mesures
d'accès de tout enfant aux NTIC et aux infrastructures sportives et de
loisirs (terrains de jeux et parcs d'attraction) qui devront être
prévues dans le cadre des plans d'urbanisation.
Toutefois, l'Etat du Sénégal n'est pas
statique. En 1991, il a institué un Fonds National des Jeunes pour
lutter contre le chômage et le sous-développement. En mars 1998,
un programme d'élimination du travail des enfants appelé IPEC
démarre grâce à un financement d'un million de dollars (600
millions de F CFA) des Pays-Bas. L'IPEC a pour but de proposer des actions
directes à travers des programmes d'action privilégiant trois
axes : la prévention du travail précoce ou dangereux,
l'amélioration des conditions de vie et de travail des enfants qui sont
déjà en activité et l'élimination des formes les
plus extrêmes ou perverses (drogue, prostitution...). Il vise
également à travers des actions démonstratives en
matière de législation, sécurité, en direction des
familles, patrons, maîtres coraniques à sensibiliser l'opinion sur
la question.
En mai 1995, un Comité National de Suivi des Objectifs
pour l'Enfant a été mis en place au Secrétariat
Général de la Présidence de la République pour
suivre l'ensemble des actions et progrès accomplis en vue de l'atteinte
de ces objectifs. Ce comité se réunit trimestriellement
et rend compte au Président de la République qui, en conseil des
ministres, donne des instructions ou des directives pour la poursuite des
efforts et / ou la levée des contraintes. Ces réunions
trimestrielles sont alimentées par les rapports provenant des
régions et départements ministériels
intéressés par les objectifs. Le rapport MICS 2000 1(*)5 a fait l'objet, dans chacune
des 10 régions du pays, de restitutions en présence de tous les
acteurs régionaux et locaux (structures de l'Etat, partenaires au
développement, ONG, société civile, Parlement des Enfants,
syndicats, Conseil National de la Jeunesse, groupements féminins,
associations religieuses et de jeunes, médias, association des maires
pour les droits de l'enfant).
Enfin en matière de santé, le PDRH 1
1(*)6, renforcé par
la suite par le Plan National de Développement Sanitaire de la
Santé (PNDS-1998 / 2007) et le Programme de Développement
Intégré de la Santé (PDIS-1998 / 2002) met un accent
particulier sur la réduction de la mortalité
infanto-juvénile et la prise en charge des maladies de l'enfant.
En matière d'éducation, le PDRH 2 (1993 /
1998), soutenu par le PDEF 1(*)7(2000 / 2010), avec l'appui des partenaires au
développement, vise, entre autres, la scolarisation avec un accent
particulier sur celle des filles. En l'an 2000, à la faveur de
l'alternance politique, l'Etat a mis en place un ministère de la
Jeunesse, a adopté le Plan Décennal pour la Jeunesse, un
ministère chargé de la Petite Enfance, une politique nationale de
la petite enfance centrée sur le programme des cases des Tout-Petits au
niveau communautaire, en collaboration avec l'association « Les
enfants d'abord ».
Faut-il également rappeler que, depuis 1989, la
Politique Nationale de Santé et de Population du Sénégal
est basée sur les Soins de Santé Primaires (SSP) et les services
de base. Depuis 1997, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) connaît un
succès. Et dans la même année, il a été mis
en place un système novateur d'accès
généralisé aux anti-rétroviraux dont le but est la
prévention de la transmission du VIH de la mère à
l'enfant.
La communauté internationale devrait accentuer
sa mobilisation autour de l'enfant et soutenir toute action du
Sénégal visant la pleine jouissance des droits à l'enfant.
A cet égard, les pays nantis doivent accompagner les efforts des en voie
de développement à disposer davantage de ressources
budgétaires à consacrer au développement, en
procédant, entre autres, à des reconversions de dettes, surtout
la dette multilatérale au profit du financement de ces programmes de
développement pour enfants. C'est l'un des objectifs du Plan
Oméga pour l'Afrique d'appui des puissances nanties, refondu dans le
Plan NEPAD.
Si ce renforcement de mesures existantes constitue une
panacée, même relative, aux omissions qui frappent la
pérennisation de la condition de l'enfant, de nouvelles
possibilités d'orientation plus audacieuses peuvent être franchies
par le Sénégal dans le but de donner plus de crédit
à l'exigence du respect de la dignité de l'enfant
sénégalais, dont il est débiteur.
SECTION II - LES NOUVELLES POSSIBILITES
D'ORIENTATION
Dans un souci de parfaire son action pour le
bien-être de l'enfant, le Sénégal a intensifié, ces
toutes dernières années, son axe stratégique
d'intervention par un accroissement subséquent et qualitatif
d'institutions dynamiques. Allant dans cette mouvance, d'aucuns ont
avancé que l'Etat gagnerait mieux encore à instituer un
médiateur chargé des questions de l'enfance, doté de
pouvoirs étendus (Paragraphe 1). D'autres trouvent en
l'élaboration d'un code de l'enfant une solution des meilleurs à
l'option irréversible des pouvoirs publics à poursuivre les
objectifs internationaux destinés aux enfants(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - L'institution d'un médiateur
chargé de l'enfance
Pour contourner les obstacles que posent les paradigmes
et les considérations socioculturels dans l'exécution et le
respect des engagements vis-à-vis des enfants, l'Etat du
Sénégal doit être encouragé à renforcer sa
capacité institutionnelle par la création d'un médiateur
chargé de l'enfance. Le foisonnement des structures comme l'Association
des Maires Défenseurs des Droits de l'Enfant, le Comité National
de Suivi des Objectifs pour l'Enfance, le Parlement des Enfants, les
ministères concernés montrent leurs limites. En effet, ces
institutions souffrent d'un manque réel d'impact dans la pratique
souvent itérative de leurs actions à l'égard des enfants.
Celles-ci sont le plus souvent non renouvelés et stagnent vers les
dérives de l'activité protocolaire ou des manifestations
inaugurales de grande envergure et médiatisées. Quant aux centres
de rééducation surveillée et les autres institutions
spécialisées, ils ne semblent plus répondre aux attentes
des enfants du fait d'une pratique beaucoup plus administrative que sociale. En
plus, ils éprouvent de réelles difficultés à
s'adapter au contexte évolutif et de mutations permanentes des besoins
et de la condition.
Face à tous ces impondérables, on a donc
imaginé et conçu dans la réflexion la proposition de mise
en place d'un « ombud » encore appelé
« médiateur pour enfants ». A ce propos, il pourrait
prendre la forme d'une personne morale et serait donc un comité de
surveillance où siégeront également des
représentants élus des enfants, qui seront eux-mêmes des
enfants et non des adultes, même si ces derniers auraient un rôle
à jouer en tant que membres également. Ce comité ou cette
commission ou autre sera accessible à toute la communauté
nationale et internationale. Le médiateur pour enfants peut
également être une personne physique à l'image du
Médiateur Pénal dans certains pays ou du Médiateur de la
République au Sénégal. Il prend alors l'appellation
d'ombudsman.
Rappelons que l'ombud ou l'ombudsman est soit une sorte
d'institution ou espace, soit une personne physique qui a pour tâche de
promouvoir les droits des citoyens, par tous les moyens légaux. Il a
été institué pour la première fois en
Norvège. A la différence du Médiateur de la
République qui n'a aucun pouvoir coercitif et qui ne dispense que de
simples recommandations, le Médiateur pour Enfants serait une sorte de
procureur, un accusateur qui agirait pour l'application des textes nationaux et
internationaux.
Et sa compétence lui permettra d'avoir un domaine
interne et externe à l'instar de cette velléité qui a
amené la création par l'ONU en 1993 d'une sorte d'ersatz en la
personne du Haut Commissaire pour les Droits de l'Homme. Ainsi donc ce
Médiateur chargé des Enfants sera régi par le principe de
l'indépendance entière et du principe de l'inamovibilité
à l'image des magistrats du siège et aura un mandat suffisant. Il
pourrait même saisir les instances internationales si la
nécessité s'en fait sentir. On pourrait épiloguer sur les
missions et l'étendue des pouvoirs du médiateur pour enfants mais
sa détermination reste un voeu pieux, tout comme l'avènement
futur d'un code de l'enfant.
Paragraphe 2 - L'avènement d'un code de
l'enfant
Le projet d'élaboration du code de l'enfant
résulte d'une recommandation du Sommet Mondial pour les enfants
(1999-2000) et s'inscrit dans le cadre du renforcement de la protection
juridique de l'enfant.
Ce projet vise également à rassembler tous
les textes disparates. L'objectif consiste à élaborer un document
consensuel qui prenne en compte la prévention, l'ensemble des
règles de droit, des conventions en vigueur dans le pays et visant la
protection de l'enfant.
Comme dit, l'objectif général du projet
est de promouvoir un processus législatif beaucoup plus conforme aux
idéaux dégagés par les normes internationales, notamment
la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant du 20 novembre
1989 et la Charte Africaine des Droits et du Bien-Etre de l'Enfant du 11
juillet 1990. La démarche dynamique consiste également à
faciliter, non seulement à l'enfant mais à toute la nation, la
possibilité de se faire un aperçu d'ensemble et de
compréhension des valeurs fondamentales et le respect de
l'identité et des traditions culturelles. Le code doit donc
s'imprégner avant tout d'une empreinte des valeurs du pays sans ignorer
les civilisations différentes et les libertés fondamentales
reconnues à l'échelle internationale.
C'est dire que le code n'éludera nullement la loi
internationale, meilleur instrument de maintien.
Le code devra, par ailleurs, avoir un esprit
« révolutionnaire » en abrogeant toutes les
dispositions discriminatoires contenues dans la législation nationale
que nous avons déjà étudiées, notamment
l'inégalité entre les enfants au niveau de la filiation, du
régime des successions et l'aberration du privilège de
masculinité. Le code devra aussi rendre obligatoire la scolarisation des
enfants et en sanctionner sévèrement toute violation.
La multitude des documents ayant trait aux droits de
l'enfant (constitution, code de la famille, code des obligations civiles et
commerciales, code du travail, code de la sécurité sociale, code
pénal, code de procédure pénale, les Actes Uniformes de
l'OHADA contenant des dispositions concernant les enfants, les conventions
internationales sur les droits de l'enfant, etc.) doivent être
rassemblés dans un document unique en vue de protéger plus
efficacement l'enfant.
Sur la base d'indicateurs connus, le code devra avoir
vocation à régir toutes les situations possibles portant
discrédit à la considération de l'enfant.
Dans ce cadre, l'état de la filiation se doit
d'être conforme à tous les principes dégagés par les
normes internationales, le travail des enfants, le recours aux enfants à
fin de commerce, et d'usage des drogues, la pédophilie qui est en
montée constante avec le tourisme sexuel, l'exploitation des enfants
talibés mendiants qui doit être éradiquée des moeurs
sénégalaises, l'excision, les atteintes à
l'intégrité physique, les mariages forcés
subséquents à des pratiques traditionnelles à l'encontre
des petites et jeunes filles, les violences et tous autres actes
d'indignité sur la personne de l'enfant.
En outre, le futur code doit remédier aux
incohérences manifestes du régime de la responsabilité
civile de l'enfant posé par l'article 121 alinéa 3 COCC et celui
de la législation pénale. Celui-ci doit assouplir la
procédure pénale et ne plus soumettre l'enfant à la garde
à vue ou l'incarcération, à la suite d'une sentence
judiciaire. Il doit être exigé la présence la
présence permanente d'un conseil juridique à toutes les
étapes du processus de police et celui en justice. Dans le même
sens, le code en gestation doit avoir le réflexe de soumettre le secteur
informel à un cadre formel approprié car c'est le plus grand
pourvoyeur de la main-d'oeuvre servile enfantine.
Au-delà de cette adresse faite au
législateur, celui-ci a, une belle et excellente occasion de ne plus se
préoccuper seulement de l'idéal mais de la réalité
en ne faisant plus de compromissions avec le droit musulman et la tradition. Il
est certes vrai que sans idéal, aucune réalité ne sort de
son immobilisme. Mais simultanément, sans l'adéquation de la
réalité à l'idéal, on risque de créer des
frustrations et des incompréhensions. Le code doit être une
réhabilitation d'une culture qui n'est pas figée mais dynamique
et qui atteint sa maturité, laquelle exige de mettre un terme aux
clichés stéréotypés qui avaient cours à une
époque surannée.
CONCLUSION
Que peut-on conclure à l'issue de cette
étude dans les arcanes de la protection de la dignité de
l'enfant ?
D'abord , les droits de l'enfant ne sont pleinement
respectés même si chacun sait qu'au Sénégal la
situation diffère en mieux de celle de plusieurs Etats africains.
L'idéal des droits de l'enfant, comme tout idéal, implique une
volonté constante de perfectionnement sans jamais qu'il soit imaginable
d'atteindre la perfection.
Ensuite, la responsabilité d'améliorer le
degré des droits de l'enfant adaptés aux diverses cultures
sénégalaises incombe, au premier chef, à l'Etat et
à la population. Progresser dans le respect de la dignité de
l'enfant donc de ses droits, c'est avancer sur la voie des formes possibles de
démocratie la plus achevée.
Dans ce cheminement, les institutions internationales et
les Etats, dont le Sénégal, peuvent apporter leur poids
idéologique, juridique et leur concours juridique. Dans l'état
actuel de la société internationale, ce concours a d'autant plus
de chances d'être efficace qu'il semble être un leitmotiv pour le
Sénégal qui tend à l'envi vers le respect des droits de
l'enfant.
Même si le souci d'édulcorer cet optimisme
est une tentation pour certains du fait que, dans le cadre d'une mondialisation
de l'économie par les intérêts capitalistes et marchands,
les valeurs sont de moins en moins défendues avec conviction par les
démocraties. C'est ce qui explique que, devant l'intérêt
économique et financier qui constitue des goulots d'étranglement
pour les pays africains, ceux-ci n'affichent qu'une molle détermination
à défendre les droits de l'enfant contre leurs violations,
plutôt préoccupés à sortir de leur marasme
économique.
On le voit de fort belle manière, sur la voie du
respect des droits de l'enfant et de sa dignité, il reste un long chemin
à parcourir par le Sénégal.
Toutefois, on ne saurait plus douter que la
liberté de tout individu, fût-il un enfant l'espoir d'une nation
en devenir, réside dans sa dignité comme a eu à le
souligner Blaise PASCAL : « Toute la dignité de l'homme
est en la pensée » 1(*)8.
Ainsi, toute l'utilité de la protection de la
dignité de l'enfant est de parachever leur personnalité, leur
respectabilité en en faisant des modèles de
référence de citoyenneté. Un impératif auquel reste
débiteur à perpétuité l'Etat qui a la lourde
responsabilité de faire rayonner, haut, le soleil pour tous les enfants
présents, futurs et en devenir du Sénégal qui gagne. Les
enfants d'aujourd'hui seront les parents, les décideurs et les
politiques de demain.
Pouvons-nous nous permettre de ne pas assurer que ces
enfants aient accès à l'éducation et aux services, qu'ils
soient protégés contre la violence, les abus et
l'exploitation ?
Comment sera notre avenir dans 10, 15 ou 30 ans si les
droits fondamentaux des enfants sont ignorés ou si leur situation
s'empire ?
Se taire contre les exactions infligées à
l'enfant, c'est se faire le complice de leurs auteurs et, à juste
propos, un penseur avait raison d'affirmer que « le pire n'est pas
dans la méchanceté du mauvais mais c'est dans le silence du
réputé bon » afin que l'enfant martyrisé,
bafoué dans sa dignité ne fasse sienne cette formule, peu ou
prou, prémonitoire : « que l'enfant qui grandira ne
te haïsse pas » 1(*)9. C'est la réponse qu'il faut assener à
tous ces « porteurs d'eau » religieux qui veulent refondre
le code de la famille et leur dire que c'est leur incurie qui pousse les jeunes
à ignorer leur propre histoire à cause des modèles ou
paradigmes qu'on veut leur imposer.
La dignité de l'enfant postule, de façon
générale, sur un bilan satisfaisant. Le législateur a
réussi une synthèse d'exigences contradictoires, même si
sur certains points que nous avons signalés chemin faisant, des erreurs
ont été commises et si des confusions apparaissent ou que
certaines dispositions traduisent un espoir peut être trop
idéaliste dans l'évolution des mentalités.
Cependant, la volonté du législateur garde
le cap : elle est irréversible. Mais elle est pleine de bon sens
pédagogique et procède par à-coups et par tant de
parcimonie afin de ne pas choquer les esprits réfractaires aux
idéaux actuels.
D'autres dispositions, enfin, sont
exagérément rigoureuses, notamment l'inégalité
exaltée comme principe cardinal en matière de filiation, des
successions et de question de genre (le privilège de
masculinité).
Quoiqu'il puisse en advenir, toutes sont inspirées
par un besoin profond de justice à travers les idées
d'égalité et de liberté et par un souci de
sécurité. En effet, le volet de la sécurité nous
renvoie à une interrogation, somme toute légitime, sur l'impact
réel de l'approche conceptuelle de la dignité de l'enfant sur les
consciences citoyennes : les atteintes à l'intégrité
physique (violences, pénibilité du travail, etc.) et morale
(état des handicapés, etc.) et l'absence d'éducation sont
devenues un fait de société que l'on croit normales. Poser donc
le problème de l'effectivité de la dignité de l'enfant,
c'est se demander s'il n'aurait pas mieux valu dépasser les
réformes qui ne sont qu'une répétition textuelle et les
assortir par des innovations audacieuses à l'image des lois sur le
harcèlement sexuel et les mutilations génitales avec des
sanctions plus efficaces et sévères que celles qui sont
actuellement prévues.
Nous pensons que l'efficacité de la protection de
la dignité de l'enfant doit être concomitante avec l'effet de
vulgarisation et de sensibilisation tout en préservant un régime
de répression sans réserve.
C'est à ce prix que l'Etat peut être
considéré comme un Etat de droit soucieux de faire
prospérer la règle de droit, toute la règle de droit et
rien que la règle de droit et son corollaire, la sanction, pour que
l'enfant sourie, rit et s'épanouit.
* 1 « Etude
comparative : Convention relative aux Droits de l'Enfant et environnement
législatif, social et institutionnel
sénégalais » UNICEF-SENEGAL, janvier 1996 p.10
* 2 civ. 8 janvier 1930-DP 1930.
51. note G.P. ; S. 1930. 1. 257. note Gény.
* 3 Dossier du Journal quotidien
national sénégalais « Le Soleil » du 7
janvier 1993 de Jean PIRES sur la Procréation Médicalement
Assistée au Sénégal.
* 4 Crim. 13 mars 1956. D. 1957.
349.
* 5 1ère
ch.civ., 20 déc. 1960. JCP 1961. II. 12031. Note Tunc.
* 6 JCP. 1984. II. 20256.
* 7 JCP. 1984. II. 20255.
* 8 civ. 9 mai 1984. Gabillet.
JCP 1984. II. 20255.
* 9 J.O.R.S. 18 juin 1977.
736.
* 10 A. S. SIDIBE · Le
pluralisme juridique en Afrique, l'exemple du droit successoral
sénégalais·, NEA, 1991, p. 92.
* 11 Ndiaw DIOUF et Isaac
Yankhoba NDIAYE « Législation comparée,
Sénégal, Fascicule 2 : Régimes matrimoniaux,
successions, libéralités », 8, 1996.
* 12 Mouhamadou Moctar MBACKE
· De la protection de la femme et de l'enfant dans le code
sénégalais de la famille·, Revue Sénégalaise
de Droit (RSD) 1973 n° 13, P.31 et s.
* 13 Faakhmanes (mot wolof) =
enfants de la rue.
* 14 Boudioumanes (mot wolof) =
enfants qui récupèrent des objets dans les décharges
publiques pour les recycler et les vendre.
* 15 MICS 2000 = Multiples
Indicators Cluster Survey / Enquête par Grappe à Indicateurs
Multiples.
* 16 PDRH 1 = Projet de
Développement des Ressources Humaines.
* 17 PDEF = Plan
Décennal de l'Education et de la Formation.
* 18 Blaise PASCAL dans
« Pensées », IV. 365.
* 19 Fatsah OUGUERGOUZ
« La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples ». P.11, 1ère éd. 1993, PUF-Une
approche juridique des Droits de l'Homme entre tradition et
modernité.
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